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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES BANQUES ET DU COMMERCE

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 4 octobre 2017

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd’hui, à 16 h 17, pour poursuivre son étude sur la situation actuelle du régime financier canadien et international.

Le sénateur David Tkachuk (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour. Je souhaite la bienvenue à mes collègues, à nos invités et aux membres du grand public qui sont présents aux délibérations d’aujourd’hui du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce ou qui les écoutent sur le Web.

Je m’appelle David Tkachuk et je suis président du comité.

Aujourd’hui, nous poursuivons notre étude sur les coopératives de crédit et l’utilisation des termes « banque », « banquier » ou « opérations bancaires » par des fournisseurs de services financiers non bancaires.

Pour la première partie de notre réunion, je suis heureux d’accueillir deux représentantes du ministère des Finances Canada — Leah Anderson, sous-ministre adjointe de la Direction de la politique du secteur financier, et Eleanor Ryan, directrice de la Division des institutions financières — ainsi que deux représentants du Bureau du surintendant des institutions financières — Judy Cameron, directrice principale, Législation, approbations et politique stratégique, et Jean-Pierre Girouard, directeur général, Approbations et précédents.

Madame Anderson, je crois comprendre que vous serez la première à prendre la parole, suivie de Mme Cameron, du Bureau du surintendant des institutions financières. Je vous prie de commencer et nous passerons ensuite à la période des questions et réponses.

Leah Anderson, sous-ministre adjointe, Direction de la politique du secteur financier, ministère des Finances Canada : Je vous remercie, sénateur.

Je suis reconnaissante pour cette possibilité de parler au comité aujourd’hui dans le cadre de votre étude des coopératives de crédit et de l’utilisation du mot « banque ».

Je m’appelle Leah Anderson et je suis sous-ministre adjointe de la Direction de la politique du secteur financier du ministère des Finances Canada. Je suis accompagnée de ma collègue, Eleanor Ryan, directrice de la Division des institutions financières, qui travaille aussi pour le ministère des Finances Canada.

[Français]

J’aimerais d'abord discuter des principes et des considérations à l’appui des restrictions fédérales sur l’utilisation des termes bancaires. Je parlerai ensuite des travaux que le ministère des Finances Canada entreprend pour examiner ces dispositions dans le contexte de son examen sur le cadre réagissant le secteur financier fédéral pour le Parlement.

[Traduction]

Le Canada a un secteur financier stable, résilient et bien respecté qui est appuyé par un cadre législatif qui fonctionne bien.

Le Parlement a établi des principes robustes pour la réglementation des institutions financières au moyen de lois telles que la Loi sur les banques, laquelle est appliquée par mes collègues au Bureau du surintendant des institutions financières.

Ces principes sont fondés dans les objectifs de maintenir la stabilité financière, d’appuyer la protection des consommateurs et de favoriser la concurrence et l’innovation dans le secteur financier.

Les Canadiens savent que les banques sont assujetties à des normes rigoureuses de prudence et de protection des consommateurs qui appuient la gestion appropriée de leurs dépôts et exigent des pratiques prudentes d’octroi de prêts.

Les exemples de règlements et d’exigences de nature prudente propres aux banques incluent notamment la suffisance du capital, le risque d’illiquidité, le risque de crédit, le risque du marché, le risque de concentration et les limites à l’engagement important. Les banques qui acceptent les dépôts doivent être membres de la Société d’assurance-dépôts du Canada, laquelle protège les dépôts en fonction des exigences de la Loi sur la Société d’assurance-dépôts du Canada.

[Français]

Les banques sont assujetties à un cadre distinct en vertu des lois fédérales en matière de la gestion des crises, de la reprise et de la résolution. En vertu de la Loi sur les banques, les banques sont également assujetties à des mesures ciblées de protection des consommateurs. L’Agence de la consommation en matière financière du Canada surveille les banques afin de veiller à ce qu’elles se conforment à ces dispositions.

[Traduction]

Les principes fondamentaux pour un contrôle bancaire efficace établissent les normes minimales pour effectuer une réglementation et une supervision prudentes et robustes des banques à l’international. Ils indiquent également que les activités admissibles des institutions bancaires devraient être clairement définies et que l’usage du mot « banque » dans les noms soit contrôlé.

Les principes indiquent que toute utilisation du mot « banque », ainsi que de tout dérivé comme l’expression « opération bancaire », dans un nom, y compris les noms de domaine, devrait se limiter aux institutions agréées et supervisées dans toutes les situations.

Permettre à des entités non bancaires d’utiliser de tels termes pourrait induire en erreur le public et lui faire croire qu’il fait affaire avec une banque réglementée par le gouvernement fédéral, réglementée en vertu de la Loi sur les banques et assujettie aux protections et aux obligations du cadre bancaire fédéral, ainsi qu’à la supervision du Bureau du surintendant des institutions financières et de l’Agence de la consommation en matière financière du Canada.

Il est important que les consommateurs sachent si un fournisseur de services financiers est réglementé, et la façon dont il l’est, et qu’ils soient en mesure de distinguer les différents fournisseurs de services financiers. Les Canadiens doivent savoir et avoir confiance qu’une banque est réellement une banque, avec l’ensemble complet d’obligations et de protections qui s’y rapporte.

L’article 983 de la Loi sur les banques interdit en ce moment l’utilisation des termes « banque », « banquier » et « opérations bancaires » par les fournisseurs de services financiers autres que des banques. L’article limite également l’utilisation de la dénomination ou des marques d’identification d’une banque.

Historiquement, le Parlement a appuyé le principe de seulement permettre aux institutions sous réglementation fédérale de se décrire comme des banques ou d’utiliser les termes « banque », « banquier » et « opérations bancaires ».

En 2010, la Loi sur les banques a été adaptée afin d’ajouter un cadre pour les coopératives de crédit. En plus d’établir l’approche législative à l’établissement des coopératives de crédit fédérales, le cadre stipule que seules les coopératives de crédit sous réglementation fédérale peuvent utiliser le terme « banque » avec les termes « coopérative de crédit » ou « coopérative ». Cela est attribuable au fait que les coopératives de crédit fédérales sont assujetties au même système de supervision réglementaire que les banques sous réglementation fédérale.

La restriction de l’utilisation des termes bancaires est de nature générale et va au-delà des coopératives de crédit provinciales afin d’inclure d’autres institutions financières sous réglementation fédérale et entités non réglementées comme les entreprises de technologie financière.

Chaque type d’institution offre différents services financiers et est assujetti à différents cadres réglementaires ce qui donne lieu à différentes mesures de prudence et de protection des consommateurs.

Par exemple, d’autres institutions financières sous réglementation fédérale, comme les compagnies d’assurance, de fiducie ou de prêt, ne peuvent pas se décrire comme des banques ou décrire les services qu’elles offrent comme des opérations bancaires.

Les coopératives de crédit provinciales sont assujetties aux cadres distincts en place dans leur province respective, ce qui est représentatif de leurs objectifs locaux. Les approches provinciales à la supervision, aux protections prudentielles et à la protection des consommateurs peuvent être différentes d’une province à l’autre, ainsi que de la supervision applicable aux banques sous réglementation fédérale.

Au ministère des Finances Canada, nous examinons continuellement nos outils et nos règles afin de nous assurer que le cadre stratégique du secteur financier fédéral est agile et bien adapté aux changements et aux évolutions dans le système financier du Canada. En ce moment, le ministère entreprend un examen exhaustif des lois relatives aux institutions financières.

Notre objectif est de demeurer conscients des dynamiques changeantes dans le secteur financier et d’y réagir.

Le ministère des Finances Canada a entrepris deux périodes de consultation sur la meilleure façon de positionner le secteur financier du Canada en ce qui a trait à sa stabilité, son efficience et son utilité. Ces consultations éclaireront les mesures et les orientations stratégiques potentielles pour de futurs travaux.

Au sujet actuel étudié par ce comité, le ministère a inclus la question relative à l’utilisation des termes bancaires comme un aspect à étudier davantage et sur lequel mener d’autres consultations sous l’examen du cadre du secteur financier fédéral.

[Français]

Le ministère a demandé à des intervenants de faire part de leur opinion à l’égard de la possibilité de moderniser de façon ciblée la politique actuelle pour les institutions de dépôts non bancaires réglementées par les normes prudentielles. Il veut également trouver une façon d’éviter la confusion sur le marché et de protéger de manière appropriée les consommateurs.

[Traduction]

Nous sommes conscients que les coopératives de crédit provinciales ont indiqué que si elles ne peuvent pas décrire leurs services d’une manière que les Canadiens comprennent, cela pourrait miner leur capacité à faire concurrence de manière efficace avec les banques.

Nous traitons les préoccupations des intervenants relatives à la compétitivité du secteur comme une considération très importante. Les coopératives de crédit sont un important fournisseur de services financiers aux Canadiens et elles contribuent à un secteur compétitif et dynamique.

Tout au long de ce processus, les coopératives de crédit ont indiqué qu’elles partagent l’engagement soutenu du gouvernement à l’appui de la protection des consommateurs et de la transparence à leur égard.

[Français]

Les commentaires formulés par divers intervenants éclairent notre étude sur cette question importante, dans le cadre de laquelle nous cherchons à établir un équilibre entre la protection des consommateurs, la stabilité financière et les objectifs stratégiques de compétitivité pour le secteur financier.

[Traduction]

Le ministère accueille l’examen mené par le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Il s’agit d’une possibilité pour les parlementaires de considérer les principes sous-jacents des restrictions actuelles dans la Loi sur les banques sur les termes bancaires et de faire part de leurs opinions sur les changements ciblés au cadre qui pourraient être considérés afin d’atteindre un équilibre approprié entre les objectifs stratégiques relatifs à la stabilité financière, la compétitivité, l’innovation et la protection des consommateurs.

Les questions clés suivantes sont soulevées : les restrictions devraient-elles être maintenues? Des flexibilités devraient-elles être accordées? Par exemple, pour faire la différence entre les activités d’une entité et les produits et services qu’elle offre? Quels types d’entités devraient avoir des flexibilités pour utiliser de tels termes et à quel moment? Des mesures de protection devraient-elles être mises en place afin de s’assurer que les consommateurs comprennent l’entité qu’ils utilisent pour leurs services financiers? Par exemple, les entités sous réglementation prudentielle devraient-elles indiquer leur statut de constitution en société dans leur dénomination afin d’accroître la transparence? Autrement dit, la dénomination des banques devrait-elle inclure le mot « banque » et celle des coopératives de crédit devrait-elle inclure les mots « coopérative de crédit »?

[Français]

Ceci met fin à mon mot d’ouverture. Je cède maintenant la parole à ma collègue du Bureau du surintendant des institutions financières, qui vous fera part de ses vues sur cette question importante.

Judy Cameron, directrice principale, Législation, approbations et politique stratégique, Bureau du surintendant des institutions financières Canada : Monsieur le président, honorables sénatrices et sénateurs, je vous remercie de m’avoir invitée à prendre la parole devant vous aujourd’hui.

[Traduction]

Je me présente : Judy Cameron, directrice principale, Législation, approbations et politiques stratégiques au Bureau du surintendant des institutions financières. Je suis accompagnée de Jean-Pierre Girouard, directeur général, Approbations et précédents, également du Bureau du surintendant des institutions financières.

[Français]

Le Bureau du surintendant des institutions financières est un organisme fédéral indépendant. Il a été créé en 1987 dans le but de renforcer la sûreté et la solidité du système financier canadien.

[Traduction]

Le Bureau du surintendant des institutions financières surveille et réglemente les banques, les sociétés d’assurances, les sociétés de fiducie et de prêt ainsi que les régimes de retraite privés de compétence fédérale. II n’en est pas à sa première comparution devant le comité. Nombre de mes collègues se sont déjà présentés ici pour discuter de questions afférentes à l’approche qu’a adoptée le Bureau du surintendant des institutions financières en matière de surveillance et de réglementation des institutions relevant de notre ressort. Je ne reviendrai donc pas sur des choses que vous savez déjà.

Je préciserai toutefois que le Bureau du surintendant des institutions financières se charge également de l’administration des lois régissant les institutions financières fédérales, à savoir la Loi sur les banques, la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt, la Loi sur les sociétés d’assurances et la Loi sur les associations coopératives de crédit.

[Français]

Je concentrerai plutôt mon intervention sur cet aspect de nos fonctions, plus particulièrement en ce qui concerne l’administration de la Loi sur les banques.

[Traduction]

La plupart des dispositions de la Loi sur les banques ne s’appliquent qu’aux banques fédérales et aux entités qui sollicitent l’agrément pour en devenir une. La loi énonce, entre autres les exigences concernant la constitution d’une banque, le type d’activités qu’elle peut exercer et les activités ou investissements pour lesquels la banque doit obtenir une approbation réglementaire.

En général, les banques s’efforcent de respecter la loi. Lorsque le Bureau du surintendant des institutions financières constate une infraction, il dispose de divers outils de surveillance et de réglementation pour remédier à la situation.

Mais il arrive parfois qu’une institution se méprenne quant à l’interprétation d’une disposition, et qu’elle y contrevienne. Afin d’éviter cela, le Bureau du surintendant des institutions financières peut décider d’émettre un préavis afin de promouvoir une compréhension commune et l’application uniforme des règles. Ces préavis sont publiés sur son site web et clarifient l’interprétation de dispositions précises de la Loi sur les banques. Comme je l’ai mentionné, l’interprétation de la loi fait partie de notre travail.

Quelques dispositions s’appliquent également à des institutions qui ne constituent pas une banque au sens de la Loi sur les banques, c’est-à-dire la question sur laquelle le comité se penche aujourd’hui. Comme Mme Anderson, ma collègue du ministère des Finances, vous le disait, l’article 983 de la Loi sur les banques interdit aux fournisseurs de services financiers non bancaires d’utiliser les termes « banque », « banquier » et « opérations bancaires ».

Le Bureau du surintendant des institutions financières n’assurant pas la réglementation et la surveillance de la plupart de ces entités, les moyens à sa disposition pour faire respecter cet aspect de la loi sont plutôt restreints.

Depuis quelques années, nous avons constaté une augmentation de l’utilisation de ces termes à usage restreint sur les panneaux d’affichage, les sites web et autres formes de publicité de fournisseurs de services financiers non bancaires. Nous croyons que ce problème pourrait même s’aggraver à mesure que les entreprises de technologie financière étendent leur offre de services financiers.

Nous avions déterminé qu’un préavis était un instrument approprié pour s’attaquer à l’utilisation croissante des termes à usage restreint parce qu’il permettait de dissiper les mauvaises interprétations et la confusion concernant le libellé de la loi. Nous avons donc publié un préavis à cet effet sur notre site web cet été, à la fin du mois de juin, en précisant que le Bureau du surintendant des institutions financières accordait un certain délai aux entités visées pour se conformer à la loi.

Lorsque le ministère des Finances a annoncé qu’il allait solliciter les commentaires du public au sujet de la politique qui sous-tend l’interdiction, le Bureau du surintendant des institutions financières a choisi de lever ses attentes de conformité jusqu’à l’issue de la consultation.

Le Bureau du surintendant des institutions financières et le ministère des Finances collaborent étroitement dans plusieurs dossiers, mais le rôle de chacun d’entre eux est sans équivoque. Le Bureau du surintendant des institutions financières se charge de l’administration et de l’interprétation des lois relevant de sa compétence, notamment la Loi sur les banques, et prend les mesures nécessaires pour veiller à leur respect.

Le ministère des Finances se charge, quant à lui, de proposer des modifications à la loi afin qu’elle se fasse le reflet des politiques gouvernementales. C’est ensuite le Parlement qui décide d’accepter, de modifier ou de rejeter ces suggestions.

Le Bureau du surintendant des institutions financières demeure toutefois responsable de l’administration et de l’interprétation des lois relevant de sa compétence ainsi que de l’exécution d’analyses réglementaires, prudentielles et juridiques.

[Français]

Merci, monsieur le président. C’est avec plaisir que nous répondrons maintenant à vos questions.

[Traduction]

Le président : Je vous remercie, madame Cameron. Pouvez-vous me dire pendant combien de temps la disposition se trouvait dans la Loi sur les banques avant que le préavis soit publié?

Mme Cameron : Je pense que la disposition remonte aux années 1800. N’est-ce pas le cas? Elle existait donc bien avant la création du Bureau du surintendant des institutions financières. Elle a probablement été modifiée au fil des ans et certaines précisions ont été ajoutées.

Le président : Qu’est-ce qui a donné lieu au préavis?

Mme Cameron : Nous avons constaté l’utilisation croissante des termes par des entités qui ne sont pas des banques.

Le président : Comme?

Mme Cameron : Comme l’utilisation croissante?

Le président : Donnez-moi quelques exemples de cette utilisation, puisque les coopératives de crédit existent depuis longtemps.

Mme Cameron : Il y a des exemples sur les sites web de divers fournisseurs de services financiers qui ne sont pas des banques.

Le président : Pouvez-vous me donner des noms? En avez-vous?

Mme Cameron : Je ne peux pas citer de noms, mais je peux vous assurer que, dans le cadre de notre travail sur le préavis, nous avons visité les sites web de nombreux fournisseurs de services financiers qui ne sont pas des banques. Il s’agissait de coopératives de crédit.

Nous avons également examiné les sociétés de fiducie et de prêt fédérales et nous avons communiqué avec celles qui abusaient des mots. C’était facile dans cette situation parce que nous sommes leur organisme de réglementation. Nous avons communiqué avec les sociétés et leur avons dit ceci : « Voici ce que dit la loi et voilà ce que vous faites. » L’abus est le plus répandu sur les sites web. Nous avons de nombreux exemples, mais les sites web sont les plus faciles à modifier. Je pense que la prévalence de la publicité en ligne explique en partie l’utilisation abusive croissante des termes.

Le sénateur Tannas : J’accepte votre explication. À titre d’information, pouvez-vous toutefois préciser que la situation que vous venez de décrire n’a rien à voir avec la première coopérative de crédit sous réglementation fédérale qui a, je crois, le droit d’utiliser les mots « banque » et « banquier » et qui a récemment été approuvée et est maintenant exploitée à ce titre? Pouvez-vous confirmer qu’il s’agit d’une pure coïncidence et qu’il n’existe aucun lien?

Mme Cameron : Nous étudions la question depuis longtemps, je peux donc confirmer qu’il n’y a aucun lien avec la situation mentionnée. Plusieurs années de surveillance sont nécessaires avant de pouvoir déclarer une hausse. Nous avons observé la situation pendant de nombreuses années et vu la hausse devenir plus prononcée.

Le sénateur Tannas : Je vous remercie.

La sénatrice Wallin : Comme vous le savez sans doute, beaucoup de personnes, dont certains dans cette salle, croient que nous fendons les cheveux en quatre sur le plan sémantique. Nous trouvons simplement qu’il est curieux d’aborder la question maintenant — nous nous sommes penchés sur certains aspects de la question avec les coopératives de crédit la semaine dernière.

Pensez-vous vraiment qu’il y a de la confusion dans l’esprit des gens qui font affaire avec une banque et ceux qui font affaire avec une coopérative de crédit? Je dirai simplement en passant que j’ai grandi en Saskatchewan. Je ne suis jamais entrée dans une banque avant l’âge adulte et je n’ai jamais été confondue par la différence entre les deux entités. J’étais membre de l’une et cliente de l’autre. Qu’est-ce qui vous porte à croire que le public est mêlé et induit en erreur à ce sujet?

Mme Anderson : Comme je pense que Judy l’a mentionné, je crois que la question est vraiment de savoir si le nombre croissant de moyens technologiques et de nouvelles plateformes font en sorte qu’il est acceptable pour les gens de qualifier leurs activités d’opérations bancaires. J’ai décrit dans mon discours les règles très distinctes et particulières auxquelles sont assujetties les banques, c’est-à-dire les règles prudentielles et axées sur les consommateurs, les normes de capital, les normes de liquidité, les normes de protection des consommateurs et l’assurance-dépôts. Je pense qu’il est important que les consommateurs sachent avec qui ils font affaire et, si ce n’est pas clair…

La sénatrice Wallin : Pensez-vous qu’ils ne le savent pas? Y a-t-il quelque chose qui vous porte à croire que les gens sont confus?

Mme Anderson : Étant donné que des noms sont utilisés à mauvais escient dans des titres et diverses communications, il existe un risque que les consommateurs soient induits en erreur. Il faut donc trouver un juste milieu entre la clarté et le bon sens et une description claire du produit acheté.

La sénatrice Wallin : Les coopératives de crédit affirment avoir présenté au ministère des Finances quelque 140 mémoires sous diverses formes sur le sujet. À votre avis, ce qu’elles font ou ce que vous croyez comprendre qu’elles essaient de faire en utilisant des outils comme les opérations bancaires en ligne, que nous connaissons tous assez bien peu importe l’entreprise avec laquelle nous faisons affaire, prêtent-ils à confusion? Il s’agit d’une phrase plutôt unique en raison des progrès technologiques et non du fournisseur du service.

Mme Anderson : Je pense qu’elles sont très claires. Comme je l’ai mentionné, elles nous ont fait part de leurs commentaires sur les questions de compétitivité. J’estime qu’il s’agit d’une question de jugement. Nous devons trouver un juste milieu entre leurs préoccupations en matière de compétitivité et la clarté pour les consommateurs. D’autres mots sont-ils aussi clairs? C’est une question de jugement. Venez effectuer vos opérations bancaires chez nous. Venez gérer votre agent chez nous. Ces deux phrases sont-elles équivalentes? Est-ce qu’une est plus claire que l’autre? Il s’agit de questions importantes que nous voulons aborder dans nos consultations.

La sénatrice Wallin : Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, j’ai une dernière question. Nous l’avons posée aux représentants des coopératives de crédit et maintenant je vous la pose aussi. Avez-vous d’autres phrases à suggérer qui, selon vous, seraient claires? La semaine dernière, nous avons dit quelque peu à la blague que les coopératives de crédit devraient peut-être contester l’utilisation du mot « crédit » par les banques dans leurs discussions avec les consommateurs par crainte de semer la confusion.

Avez-vous pensé à d’autres phrases que vous estimez neutres et qui permettraient d’éviter toute confusion dans la situation?

Mme Anderson : Je pense qu’il existe toute une gamme d’options que vous pouvez envisager.

La sénatrice Wallin : Par exemple?

Mme Anderson : Par exemple, au lieu d’utiliser les phrases « venez effectuer vos opérations bancaires chez nous » et « venez gérer votre agent chez nous »…

La sénatrice Wallin : Des services en ligne…

Mme Anderson : Des comptes d’opérations ou des services financiers.

Le président : C’est le mot « banque » qui pose problème. Les coopératives de crédit ne se servent pas de ce mot. Elles ne l’utilisent pas. Elles se servent seulement de la terminologie qui décrit une activité. L’expression « opérations bancaires » est utilisée constamment par les gens pour décrire toute opération financière. Pourquoi son utilisation serait-elle problématique?

Mme Anderson : Il s’agit du compromis qu’il faut conclure pour que les consommateurs sachent avec qui ils font affaire. Je reviens de nouveau à l’exemple d’un fournisseur en ligne. Une nouvelle plateforme apparaît sur votre écran, celle d’une nouvelle entreprise de technologie financière que nous appellerons la banque de technologie financière…

Le président : Vous ne pouvez toutefois pas utiliser ce mot.

Mme Anderson : Non, mais c’est la question dont nous sommes saisis.

Le président : Vous ne pouvez pas vous appeler une banque.

Mme Anderson : Tout revient à déterminer si la restriction devrait être maintenue. Cependant, si elle est éliminée, quelles institutions devraient avoir le droit d’utiliser de tels termes et quelle devrait être la nature de leur utilisation, que ce soit dans le nom d’une marque de commerce ou dans une description de produit ou de service?

Le sénateur Massicotte : Nous vous remercions de votre participation. Nous vous répéterons tous essentiellement le même point. Autrement dit, je suppose que nous ne croyons pas qu’il y a un grand risque que l’utilisation de l’expression « opérations bancaires » par les coopératives de crédit sème la confusion. Je suppose qu’il s’agit de notre conclusion, d’autant plus qu’il est interdit aux coopératives de crédit agréées par le gouvernement fédéral d’utiliser le mot « banque ». Je ne suis pas convaincu qu’il s’agit d’une question très importante pour les gens ordinaires : « Oh, je vais à la coopérative de crédit. Est-ce une coopérative fédérale ou provinciale? Est-ce une banque? Devrais-je ouvrir un compte dans une banque ou dans une coopérative de crédit? »

Je pense que nous sommes tous un peu surpris. Nous vous exhortons vivement à trouver une solution parce que l’expression « opérations bancaires » est maintenant si générique qu’elle n’est pas associée à une certaine institution et il serait difficile de faire valoir votre position devant les tribunaux. Je soupçonne que cela ressemble à ce qui s’est produit avec le mot « Kleenex », entre autres. Je vous exhorte vivement à faire preuve d’une certaine souplesse pour trouver une solution à la situation. Je vous remercie.

La sénatrice Unger : Combien de fois un fournisseur de services financiers a-t-il été reconnu coupable de l’infraction d’avoir utilisé les mots « banque », « banquier » ou « opérations bancaires » dans la description d’une entreprise ou d’un service financier?

Mme Cameron : Le Bureau du surintendant des institutions financières n’a jamais pris de mesures pour imposer une forme de sanction à un fournisseur de services financiers pour avoir utilisé le mot. Comme je l’ai mentionné dans mes commentaires, il s’agit d’un processus judiciaire. Le Bureau du surintendant des institutions financières n’aime pas fonctionner ainsi. Le préavis est la première mesure que nous avons prise pour promouvoir le respect de la loi. Nous étions d’avis que notre première mesure devrait être d’indiquer très clairement la signification du libellé, nous avons ensuite donné aux fournisseurs de services financiers qui ne sont pas des banques des échéanciers pour se rallier aux attentes de la loi. Aucune sanction n’a donc été imposée.

La sénatrice Unger : Y a-t-il beaucoup d’infractions?

Mme Cameron : Nous avons examiné les sites web de nombreuses coopératives de crédit — probablement plus de 100 — et nous avons découvert que seulement un petit nombre d’entre elles n’abusaient pas des termes. Dans le cas d’un certain nombre de coopératives de crédit, l’expression « coopérative de crédit » n’apparaissait absolument pas sur le site web. Il y a donc beaucoup d’infractions.

Le président : Je comprends. Un bon exemple est Vancity à Vancouver — je pensais que c’était une banque, mais c’est une coopérative de crédit — et maintenant Conexus. Ces établissements utilisent tous des mots différents pour s’établir, mais il est clair que ce sont des coopératives de crédit, n’est-ce pas?

Mme Cameron : Oui, mais certains des sites web ne contiennent pas les mots « coopératives de crédit ».

La sénatrice Ringuette : À mon avis, il s’agit d’une situation où la loi suit l’évolution de la population et une évolution a bel et bien eu lieu. Les gens voient le mot « banque », qui renvoie à une entité, d’une manière complètement différente de l’expression « opérations bancaires », qui renvoie à une action ou une activité. Ce que je dis, c’est que des mesures législatives sont élaborées pour le bien de la population et il faut comprendre la façon dont le langage est utilisé et évolue.

Je suis francophone.

[Français]

Vous allez en France, où le modèle se rapproche des « credit unions, » comme vous le dites, et tous les Français utilisent le mot « banking ». De plus en plus de Canadiens français utilisent ce terme.

Je crois que vous cherchez une goutte d’eau dans l’océan pour provoquer un tsunami qui n’existe pas parmi la population. J’espère que vous comprenez la distinction que l’on veut vous transmettre. La législation vise à protéger les consommateurs. Ceux-ci comprennent très bien la distinction entre le mot « banque » comme entité et le verbe et les adjectifs qui peuvent être utilisés comme dérivatifs. Vous ne m’avez certainement pas convaincue.

[Traduction]

Le sénateur Enverga : En fait, tout comme les autres sénateurs, je pense que les mots « banque » et « opérations bancaires » sont trop génériques pour être changés à l’heure actuelle. Je me demande si vous ciblez seulement les coopératives de crédit et peut-être les compagnies d’assurance et d’autres institutions financières. Ciblez-vous seulement ces entreprises? Je pense à quelques autres entités qui utilisent le mot « banque », dont la « Banque de l’infrastructure » et la « banque de sang ». Ciblerez-vous aussi tous ces organismes ou seulement les coopératives de crédit?

Mme Cameron : La loi s’applique seulement au fournisseur de services financiers et une « banque de sang » est peu susceptible de fournir des services financiers. La loi prévoit aussi que, s’il existe une loi fédérale qui permet à une entité fédérale d’utiliser le terme, comme la Banque de développement du Canada, l’entité est exclue de la restriction de la Loi sur les banques. Cela s’applique toutefois à tous les fournisseurs de services financiers qui ne sont pas des banques, autres que ceux qui sont régis par une loi fédérale qui leur permet de l’utiliser.

Le sénateur Enverga : Beaucoup de coopératives de crédit et de compagnies d’assurance utilisent les mots « banque » et « opérations bancaires » depuis longtemps. En fait, elles utilisent ces termes depuis des décennies. À votre avis, quelles seront les répercussions sur ces entreprises? Est-ce que certaines pourraient faire faillite simplement en raison du mot « banque »? Quelle incidence aura cette situation sur leur rendement?

Mme Anderson : Les représentants des coopératives de crédit nous ont dit que c’était important pour leur compétitivité et, comme je l’ai mentionné, nous prenons cela très au sérieux. Je pense que de bons arguments ont été présentés ici en ce qui concerne les questions sur lesquelles nous devons nous pencher. Il faut assurer un équilibre entre la question de la compétitivité et la question de la protection des consommateurs, qu’on utilise un verbe, un nom ou un adjectif.

Comme l’a dit le président plus tôt au sujet de Vancity, il avait d’abord pensé que c’était une banque alors que ce n’en est pas une. À mon avis, voilà ce qui est au cœur de cette question : il est important que les gens sachent avec qui ils font affaire. Naturellement, l’interprétation ne fera pas l’unanimité. Doit-on utiliser le terme pour décrire les produits et les services de différents fournisseurs de services financiers? Nous devons établir certaines distinctions. La question est en fait assez complexe. Cela dit — comme je l’ai mentionné dans mon mot d’ouverture quand j’ai abordé le sujet des principes fondamentaux du domaine bancaire —, d’abord et avant tout, le nom d’une institution ne doit pas induire le public en erreur quant au type d’institution dont il s’agit parce que les importantes protections offertes aux consommateurs varient d’une à l’autre. Il serait vraiment regrettable s’il arrivait quelque chose à une institution — pour des raisons qui n’ont rien à voir avec la publicité ou les communications —, qu’elle soit obligée de fermer ses portes ou quelque chose du genre, et qu’on se rende compte que des gens pensaient qu’ils faisaient affaire avec une banque et bénéficiaient de certaines protections. Il faut trouver un juste équilibre pour assurer la clarté voulue compte tenu des conséquences possibles.

[Français]

La sénatrice Moncion : Vous avez mentionné que les « credit unions » n’utilisent pas nécessairement le terme « credit union » dans leur dénomination. Aujourd’hui, RBC, Scotia, CIBC, BMO et la Banque Nationale n’utilisent pas non plus le mot « banque » dans leur dénomination, même s’il apparaît dans leurs fameuses lettres.

Les Meridian, Vancity et Northern ne l’utilisent pas non plus – quoique cette dernière porte le nom de Northern Credit Union. Elles n’utilisent pas toujours le terme « credit union » et les banques n’utilisent pas toujours le mot « banque ».

Dans le document produit par l’Association des banquiers canadiens, on retrouve une section, aux pages 24 et 25, intitulée « Limitation on using the terms “bank”, “banker” and “banking” ». Ils acceptent l’utilisation de certains mots. Ils recommandent également qu’il y ait un meilleur encadrement de l’usage des mots, mais ils ne sont pas contre l’usage du mot « banking » et certaines nuances liées à son usage.

À l’échelon international, il n’y a que le mot « banque » qui est réglementé. Au Canada, on retrouve les mots « banque » et « opération bancaire », ce qui est beaucoup plus large.

Je reviens un peu à la question posée par le président du comité. Vous nous dites que l’objectif est d’empêcher la confusion. Or, où est cette confusion? Je ne parle pas seulement de ce que vous pensez. Combien avez-vous reçu de plaintes exprimant une confusion où les gens vous auraient dit qu’ils ne comprennent pas ce qu’est une banque? Quelles sont les plaintes? D’où vient le problème? Combien de plaintes avez-vous reçues par rapport à cette question?

[Traduction]

Mme Cameron : Le Bureau du surintendant des institutions financières n’est pas un organisme de protection des consommateurs, donc ce n'est pas le genre de plaintes que nous sommes susceptibles de recevoir. Je peux demander à mon collègue des communications. Recevons-nous ce type de plaintes?

Non, nous ne recevons pas de plaintes à ce sujet. Ces plaintes ne nous seraient pas adressées non plus, car nous sommes un organisme de réglementation prudentielle, un organisme de réglementation en matière de solvabilité. L’Agence de la consommation en matière financière du Canada, elle, est un organisme de protection des consommateurs.

La sénatrice Moncion : Si vous n’avez pas cette information, comment pouvez-vous soulever une situation comme ce dont il est question ici et dire qu’il y a un problème?

Mme Cameron : Nous avons simplement publié un préavis pour expliquer le libellé de la loi. Il s’agissait uniquement d’une analyse juridique reposant sur une certaine interprétation. Nous avons pensé qu’il pouvait y avoir confusion du côté des coopératives de crédit.

La sénatrice Moncion : Vous avez utilisé le mot « pensé »; je trouve ce choix intéressant.

Mme Cameron : La loi est très claire. Alors, soit que les coopératives de crédit en font une mauvaise interprétation, soit qu’elles ont décidé de ne pas s’y conformer. Selon la loi, les termes en question sont réservés aux banques. Les coopératives de crédit utilisent les termes, des termes à usage restreint, sur leur site web, leurs panneaux d’affichage, et ainsi de suite. Nous préférons donc penser qu’il y a confusion.

La sénatrice Moncion : La disposition existe depuis les années 1800. C’est une des réponses que vous nous avez données au début.

Mme Cameron : Oui.

La sénatrice Moncion : Est-ce toujours pertinent, en 2017, 150 ans plus tard, d’interdire l’utilisation de ces termes, même si cela est prévu dans la loi?

Mme Cameron : Notre préavis portait sur l’interprétation juridique des termes qui se trouvent dans la loi. La loi existe depuis les années 1800, mais l’emploi des termes dans la publicité des coopératives de crédit ne remonte pas aux années 1800.

Mme Anderson : J’aimerais ajouter une chose si je peux me le permettre. De nombreux arguments pertinents ont été avancés dans le cadre de cette démarche. J’aimerais souligner que le Canada a la très grande chance d’avoir un secteur des services financiers très sain et stable. Je pense donc qu’il s’agit de façon générale des cas où, si les choses tournaient mal, les consommateurs pourraient dire : « je ne le savais pas. » Il s’agit d’assurer la transparence voulue pour que, après coup, si quelque chose arrive, les gens savaient avec quel genre d’institution ils faisaient affaire. Naturellement, il faut trouver un juste équilibre.

La sénatrice Moncion : Les coopératives de crédit nous ont dit qu’il leur en coûterait 80 millions de dollars pour faire les changements, c’est-à-dire passer en revue tous les documents, les sites web et l’information qu’elles fournissent dans lesquels peuvent se retrouver les termes « banque », « banquier » et « opérations bancaires ». Selon moi, le terme « opérations bancaires » revient plus souvent que tous les autres.

De nombreuses grandes banques à charte ont fermé leurs succursales dans les petites villes. Dans bien des régions, la seule institution financière que l’on trouve dans les petites villes est une coopérative de crédit ou une caisse populaire. En imposant cela, vous nuisez au système en obligeant ces institutions à faire des dépenses pour apporter des corrections. En plus, vous leur donnez deux ans pour le faire. Vous pensez que c’est juste?

Mme Cameron : J’aimerais réitérer que rien n’a été imposé en fait. Nous avons simplement adopté une mesure de transparence pour expliquer une loi qui existe depuis assez longtemps.

Le sénateur Tannas : Je vous remercie de votre présence. J’aimerais soulever quelques points. Je ne sais pas ce que l’application sélective suppose sur le plan juridique, mais je pense assurément que, les coopératives de crédit mises à part, nous devons faire preuve de vigilance quant à la protection de ce mot. J’ai un exemple : la Fred’s Bitcoin Bank. Vous voyez où je veux en venir? Une personne pourrait perdre sa fortune et dirait : « Je pensais que c’était une banque. » Elle irait vérifier la Loi sur les banques et voilà que tout à coup le gouvernement serait tenu responsable parce qu’il n’a pas obligé cette institution à fermer ses portes parce que la dénomination de cette dernière comprenait le mot « banque ». Ce scénario n’est pas aussi impossible qu’on pourrait le penser.

Donc, je comprends bien la situation. J’espère que le Bureau du surintendant des institutions financières a une certaine capacité d’application sélective. Il y a bel et bien un problème d’ordre pratique qui doit être réglé et il est curieux que cela ait pris autant de temps. C’est simplement que les coopératives de crédit n’utilisaient pas le terme « banque » auparavant et que, à présent, elles le font. On le voit partout.

Il faut donc formuler des recommandations. Manifestement, il faudrait modifier la Loi sur les banques. Ce que nous avons à l’heure actuelle du côté des coopératives de crédit et des Alberta Treasury Branches, une société du gouvernement de l’Alberta, n’est pas légal. Il n’y a pas de doute là-dessus. Donc, un changement s’impose.

La Loi sur les banques pourrait être modifiée pour dire que le substantif « banque » ne peut être employé que par les banques et ne doit pas être employé par les coopératives de crédit sous réglementation fédérale — il devrait être utilisé par les sociétés de fiducie; il devrait être utilisé par les banques. Les termes « bancaire » et « opérations bancaires » seraient alors acceptables pour les entités qui sont surveillées et où les dépôts sont garantis par une agence de la Couronne. Il pourrait s’agir d’un gouvernement provincial, d’une centrale de caisses de crédit créée selon le modèle de la Société d’assurance-dépôts du Canada, ou d’un autre organisme du genre.

Une solution de ce genre fonctionnerait-elle? Entre-temps, une application sélective pourrait-elle régler le problème pour l’instant? Ce serait possible?

Mme Cameron : Je vais m’en remettre à ma collègue des Finances. Il s’agit d’une décision de principe.

Mme Anderson : Les travaux du comité tombent à point. Nous procédons justement à un examen de notre législation. En fait, la période de consultation a pris fin vendredi pour l’examen en cours. Nous étudions cette question de près. Nous avons recueilli beaucoup de commentaires très utiles aujourd’hui. Nous devons donc assurer un équilibre. Vous soulevez des questions pertinentes.

Notre document de consultation renfermait des questions semblables sur la possibilité d’englober d’une certaine manière des institutions assujetties à une réglementation prudentielle, de même que sur la question des termes bancaires. Il s’agit de trouver une solution qui nous permet d’éviter les problèmes liés à la protection des consommateurs auxquels vous avez fait allusion tantôt.

Le sénateur Tannas : Vous a-t-on fait des recommandations sur le plan de la souplesse en ce qui concerne l’application sélective, d’une solution qui viserait à exempter un groupe?

Mme Anderson : Je pense que nous devons d’abord déterminer, en tenant compte de tous les commentaires que nous aurons recueillis et des recommandations du comité, comment nous devrions libeller la loi et quelle est la politique qui s’impose. Nous sommes ouverts à différentes possibilités. Le Bureau du surintendant des institutions financières mettra ensuite le résultat en application selon la politique établie. Nous leur facilitons la tâche en établissant une politique bien claire. Cela simplifie l’application.

Mme Cameron : Reprenons l’exemple de la Fred’s Bitcoin Bank. Indépendamment des termes « banque », « banquier » et « opérations bancaires », la Loi sur les banques renferme une disposition distincte qui interdit l’utilisation du mot « banque » dans la dénomination.

Nous avons communiqué avec des institutions du genre de la Fred’s Bitcoin Bank et leur avons indiqué qu’elles ne pouvaient pas se présenter comme une banque et exposer ainsi les consommateurs à un risque et nous leur avons dit de cesser de le faire.

Le président : Je pense que nous sommes tous tout à fait d’accord avec cela.

[Français]

Le sénateur Massicotte : On est sensible à l’utilisation des termes. Comme le sénateur Tannas l’a dit, nous sommes conscients du fait que le mot « banque » est plus sensible que les autres. Alors, il s’agit peut-être d’une bonne solution.

Si je comprends bien, il n’y a pas eu d’incidents, de sondages ou de faits concrets qui ont révélé un problème. C’est vous qui tentez, peut-être avec raison, d’assurer que l’on adhère à la loi qui existe déjà. Il n’y a pas eu d’incident ni de sondage qui montre qu’une confusion totale existe et pourrait être dangereuse. Si je comprends bien, ces faits n’existent pas.

Mme Cameron : On n’a pas fait de sondages auprès des consommateurs, donc on ne sait pas si cela a prêté à confusion. Il est difficile de former une opinion là-dessus.

Le sénateur Massicotte : Existe-t-il des exemples sur lesquels se baser? Aux États-Unis et dans d’autres pays comme l’Angleterre et la France, comment traitent-ils les termes génériques que l’on voit souvent? Quelle est leur solution pour éviter la confusion?

Mme Cameron : Je pense que leur législation est très différente. Prenons l’exemple de l’Europe.

[Traduction]

Le système de réglementation est plus axé sur les activités que sur les entités. C’est un système différent.

[Français]

Le sénateur Massicotte : On a tous le même défi. Votre objectif est d’assurer qu’il n’y ait pas de confusion. En d’autres mots, faire en sorte que l’on sache exactement avec quel type d’institution on fait affaire. Dans tous ces pays, on retrouve différents types d’institutions, entre autres aux États-Unis. Que font-ils pour s’assurer qu’il n’y ait pas de confusion?

[Traduction]

Mme Cameron : Je ne connais pas les restrictions imposées aux États-Unis.

La sénatrice Wallin : Rien ne démontre concrètement qu’il y a un problème. Il s’agit seulement de déterminer si le message est clair compte tenu de ce que dit la loi. Rien n’indique qu’il y a un problème, une crise ou une question à régler?

Mme Anderson : Il n’y a pas de problème jusqu’à ce qu’il y ait un problème. J’ai dit que nous avions la chance d’avoir une grande stabilité au Canada. Donc, qu’il s’agisse d’une Fred’s Bitcoin Bank…

La sénatrice Wallin : Cela, c’est une autre chose. Nous parlons de l’autre question ici.

Mme Anderson : Je fais allusion à l’utilisation du terme en général. Habituellement, ce n’est que lorsque les choses tournent mal que les gens vont dire : « Je ne le savais pas », ou « Les choses auraient dû m’être expliquées plus clairement. » Je pense que les gens aiment la transparence. Je sais que c’est ce que les coopératives de crédit veulent offrir aux consommateurs. Ce sont des questions valables, mais il s’agit ici de s’assurer que les choses sont claires, que les gens savent avec qui ils font affaire et qu’on ne se retrouve pas avec des situations où les gens pensent qu’ils font affaire avec une banque alors que ce n’est pas le cas.

La sénatrice Wallin : Tout ce que j’essaie de dire, c’est qu’il serait utile que vous ayez des preuves que cela est nécessaire.

La sénatrice Moncion : Lorsqu’une personne devient membre d’une caisse populaire ou d’une coopérative de crédit, elle doit acheter une part. À cette étape du processus, elle demande pourquoi elle doit payer 10 $, 20 $ ou 50 $. On lui explique alors qu’elle traite avec une coopérative de crédit et elle comprend qu’elle n’a pas affaire à une banque.

L’idée que vous vous faites des membres m’étonne, car le fait d’être membre d’une coopérative de crédit présente d’autres avantages et que ce n’est pas vraiment la même chose qu’être client d’une banque. Ces différences sont très importantes.

Selon ce qu’on nous a dit la semaine dernière, chaque année, Ipsos-Reid mène une enquête sur la qualité du service qu’offrent les institutions financières, et les coopératives de crédit, qui sont considérées comme des établissements fiables et stables, ont toujours d’excellentes notes.

J’aimerais revenir sur ce que disait la sénatrice Wallin, selon qui, à part pour ce qui est du mot « banque », il n’y a pas vraiment de confusion. Or quand on leur demande, c’est bien pour faire leurs opérations bancaires que les membres vont à leur coopérative de crédit. Ils savent s’ils font affaire avec une banque ou une coopérative de crédit.

Si on s’en tient aux faits, il y a de la confusion. C’est donc très important d’obtenir cette information.

Le président : Je tiens à remercier le Bureau du surintendant des institutions financières, car le régime bancaire canadien figure parmi les plus sûrs et les plus fiables du monde. Le problème, c’est que nous essayons tous de faire un travail très difficile.

J’ai parlé de Vancity parce qu’en Saskatchewan, d’où je viens, elle s’appelle… Les coopératives de crédit veulent faire croire à tout le monde qu’elles agissent par grandeur d’âme, mais elles font des affaires elles aussi, et elles ont besoin de déposants. Elles font donc ce qu’elles ont à faire pour en avoir, qu’il s’agisse de Conexus ou des trois ou quatre autres coopératives dont je n’avais jamais entendu le nom. Les banques font la même chose. Pensons par exemple à Tangerine ou à — comment s’appelle-t-elle, déjà? Orange, oui. Il s’agit d’une banque étrangère. Tout le monde veut être branché et moderne, et c’est ce qui cause toute cette confusion sur les marchés.

Chaque fois que la question s’est posée — et elle s’est déjà posée auparavant —, les coopératives de crédit ont toujours accepté de collaborer et de trouver une solution.

Il se peut, comme vous le dites, que le comité recommande de modifier la Loi sur les banques afin d’en rendre le texte plus clair, mais il ne faut pas oublier que nous vous avons tous pressé d’essayer une dernière fois d’organiser une rencontre avec les coopératives de crédit et d’attendre que les choses changent d’elles-mêmes, car il ne faudrait pas non plus les effaroucher et leur faire craindre les effets d’éventuelles modifications sur leurs activités à long terme. C’est notre façon de voir les choses. Mais je sais que vous voulez ce qu’il y a de mieux pour le pays.

Mme Cameron : Comme je le disais, nous avons suspendu l’application de notre préavis jusqu’à ce que le ministère des Finances arrête sa politique. Nous verrons ce que nous ferons à ce moment-là.

Le président : Le ministre continuera donc de tenir les rênes, et c’est une bonne chose.

Mme Anderson : Pour en revenir à ce que je disais tout à l’heure, nous regardons vers l’avenir, et cet examen tombe à point nommé. Nous avons rencontré les représentants des coopératives de crédit la semaine dernière pour discuter du dossier et nous attendons leurs commentaires — et ceux de votre comité — avec impatience, car ils permettront d’orienter notre future politique.

Le président : Excellent. Merci infiniment à tous les témoins.

Nous poursuivons notre étude sur les coopératives de crédit et l’utilisation des termes « banque », « banquier » et « opérations bancaires » par les établissements de services financiers autres que les banques.

J’ai l’immense plaisir d’accueillir le vice-président, Finances, risques et politique prudentielle de l’Association des banquiers canadiens, Darren Hannah. Merci beaucoup de vous être déplacé, monsieur Hannah. Je vous laisse faire votre déclaration préliminaire, après quoi nous vous poserons nos questions.

Darren Hannah, vice-président, Finances, risques et politique prudentielle, Association des banquiers canadiens : Bonsoir. Je remercie le comité pour cette occasion de pouvoir présenter le point de vue du secteur bancaire relativement au préavis du Bureau du surintendant des institutions financières, ou BSIF, émis le 30 juin dernier, qui explique la façon dont il interprète et applique les restrictions d’utilisation des termes « banque », « banquier » et « opérations bancaires ».

L’Association des banquiers canadiens est la voix de plus de 60 banques canadiennes et étrangères exerçant des activités au Canada, qui contribuent à l’essor et à la prospérité économiques du pays. L’association préconise l’adoption de politiques publiques favorisant le maintien d’un système bancaire solide et dynamique, capable d’aider les Canadiens à atteindre leurs objectifs financiers.

Même si nous prenons note du fait que le sujet spécifique que le comité nous a conviés à discuter aujourd’hui est les coopératives de crédit et leur utilisation du terme banque, nous comprenons que les changements dans la nature des services financiers, notamment l’émergence de fournisseurs non réglementés, dont la plupart sont des entreprises de technologie financière, ont grandement motivé la publication de ce préavis par le BSIF.

Au Canada, le secteur des services financiers est hautement concurrentiel. Les banques, les institutions sous réglementation provinciale et les nouveaux modèles d’affaires — dont les entreprises de technologie financière — se livrent une concurrence extrême en vue de fournir des produits et des services financiers aux consommateurs canadiens. Évidemment, une plus grande concurrence a des effets positifs sur le marché, car elle stimule l’innovation et élargit les choix offerts aux consommateurs.

Le secteur des services financiers subit des changements accélérés et transformateurs dans la façon dont les fournisseurs, quels qu’ils soient, livrent les produits et les services aux consommateurs. Les membres du comité sont bien au courant que Finances Canada est en plein examen du cadre fédéral régissant les services financiers. Un point central de cet examen est la mise à jour et la modernisation de la Loi sur les banques et de la législation connexe afin qu’elles reflètent l’évolution survenue dans l’environnement des services financiers.

Un accroissement de l’innovation et de la concurrence doit être accompagné d’un encadrement efficace des mesures de protection du consommateur et d’une réglementation prudentielle adéquate, en vue de protéger et de raffermir l’intégrité du secteur des services financiers canadiens. Au fil des ans, les banques ont pu continuer à livrer des produits et services novateurs tout en étant encadrées par une réglementation prudentielle et de protection du consommateur exhaustive qui a profité aux Canadiens et à l’économie du pays. Les Canadiens ont confiance que leurs interactions avec les banques seront toujours efficaces, précises et sécuritaires.

Les banques sont sous réglementation fédérale, alors que les coopératives de crédit et autres institutions financières sont régies par les gouvernements provinciaux. Les institutions financières sous réglementation provinciale ne sont pas assujetties aux mêmes politiques, cadres de supervision ou règlements que les institutions de dépôt sous réglementation fédérale. De même, de nombreux nouveaux acteurs sur le marché des services financiers ne sont pas tenus de se conformer à des exigences réglementaires similaires.

Avec l’évolution et la croissance de la concurrence et des choix dans le secteur des services financiers, il est essentiel que les consommateurs sachent avec quel type d’institution financière ils font affaire. La confiance des Canadiens dans leurs institutions financières est fondamentalement ancrée dans la clarté associée à leurs droits et protections, qui découlent de la supervision réglementaire connexe.

Nous sommes d’avis qu’il importe que des paramètres clairs encadrent l’usage de certains termes, particulièrement pour spécifier quelles sont les institutions qui peuvent se présenter comme des banques. On part du principe que seule une banque autorisée par réglementation fédérale peut s’appeler banque. À ma connaissance, ce principe n’est pas un point de litige. Il doit quand même être souligné, car il est la pierre angulaire de la protection du consommateur. Dans le cas présent, il semble que l’enjeu porte plutôt sur l’usage des termes connexes décrivant l’offre de produits et de services.

À notre avis, un usage acceptable répondrait aux principes de raisonnabilité et de clarté : l’utilisation d’un dérivé du terme « banque » serait acceptable si aucun autre terme n’existe dans le langage courant pour décrire la gamme de produits ou de services offerts, et que le fournisseur spécifie clairement qu’il n’est pas une banque. Les paramètres adéquats déterminant l’usage de la terminologie doivent veiller à ce que les consommateurs sachent clairement quand ils interagissent avec une banque et quand ils interagissent avec une institution financière soumise à des règles différentes en matière prudentielle et de protection du consommateur. En outre, les paramètres doivent tenir compte de la nécessité plutôt que simplement des considérations commerciales.

Je vous remercie du temps que vous nous avez accordé et je serai heureux de répondre à vos questions.

Le président : Merci à vous.

La sénatrice Wallin : Nous allons commencer au même endroit que nous l’avons fait avec les autres témoins. Nous pouvons très bien comprendre pourquoi, pour des raisons de concurrence, vous souhaitez que ce mot vous soit réservé. Avez-vous déjà été témoin de problèmes? Y a-t-il déjà eu des répercussions sur vos clients, vos profits, votre capacité de faire votre travail parce qu’une coopérative s’est annoncée en disant : « Venez faire vos opérations bancaires en ligne chez nous »?

M. Hannah : Je reviens à ce que je disais à l’instant. Nous avons tâché d’adopter une position on ne peut plus raisonnable dans tout ça. Ce qui nous importe, c’est que, si un fournisseur de services dit qu’il offre des services financiers, il doit clairement dire ce qu’il est pour vrai. Il doit jouer franc jeu. S’il souhaite employer un terme qui renvoie aux services qu’offre une banque, ça doit être parce que c’est la seule option acceptable qui s’offre à lui. Si, au contraire, il existe d’autres termes d’usage courant qui peuvent faire l’affaire, nous préférerions qu’il les emploie.

Au fond, il faut savoir quand il risque d’y avoir de la confusion dans l’esprit des consommateurs et quand il ne risque pas d’y en avoir. Le meilleur exemple que je puisse vous donner… Je précise que j’invente, parce que je sais que vous avez déjà dit, sénatrice, qu’on sait très bien quand on fait affaire avec une coopérative de crédit et quand on fait affaire avec une banque. Quand nous étions plus jeunes, vous et moi, si un établissement qui se nommait Caisse de crédit communautaire prenait pour slogan « Venez faire vos opérations bancaires chez nous », tout était relativement clair. Le problème, c’est que, de nos jours, le même établissement adoptant le même slogan s’appellera plutôt Caisse d’épargne communautaire. Voilà qui est beaucoup moins clair, et c’est là que le contexte prend toute son importance.

Au bout du compte, nous voulons simplement, quelle que soit la manière dont cette restriction sera appliquée, qu’elle soit raisonnable — à la fois pour les consommateurs et pour les institutions financières — et que les gens sachent à quoi s’en tenir.

La sénatrice Wallin : Je sais que certains établissements ont évacué l’appellation « coopérative de crédit » de leur nom. Ce n’est toutefois pas le cas de celles qui sont présentes dans ma province, sauf erreur de ma part. Elles portent toutes des noms comme Coopérative de crédit Conexus, ce genre de chose.

De toute façon, les personnes qui ne seraient pas sûres juste à lire l’enseigne seraient malgré tout fixées une fois à l’intérieur, parce que les façons de faire sont différentes, notamment au chapitre des relations avec les clients, qu’on veuille ouvrir un compte ou encaisser un chèque. On sait tout de suite si, aux yeux de l’établissement concerné, on est un client ou un membre.

M. Hannah : Avec tout le respect que je vous dois, sénatrice, si mon expérience, comme client, se résume à déterminer la nature exacte de l’entité qui me fournit ses services et à faire le point sur mes intérêts et que c’est seulement au moment où je dois signer en bas du bordereau que je sais avec qui je fais affaire, ça ne me semble pas particulièrement efficace comme service à la clientèle ou comme politique de divulgation proactive. Ce serait nettement mieux si je savais d’avance, avant même de franchir la porte, avec qui je fais affaire.

La sénatrice Wallin : Je crois au contraire que la plupart des gens le savent. Je n’en reviens pas, personnellement, qu’on présuppose ainsi que les gens se promènent avec de l’argent dans leurs poches sans savoir quoi en faire et qu’ils ne savent pas, quand ils entrent dans une bâtisse, s’il s’agit d’une coopérative de crédit ou d’une banque. Je n’en reviens pas qu’on prenne les gens pour des niais mal informés. Je vous repose donc ma question : pouvez-vous nous prouver que la confusion atteint un niveau alarmant dans la population?

M. Hannah : Je vous répète, sénatrice, que j’essaie d’être raisonnable. Ce n’est pas ce que j’ai dit.

La sénatrice Wallin : En fait, je trouve votre position plutôt raisonnable. Je me demande encore pourquoi les institutions non réglementées auraient le champ libre, mais c’est un autre sujet.

M. Hannah : C’est justement une partie du problème. Cet élément devrait, selon moi, faire partie de la discussion, et même si ce n’est pas le cas présentement, je suis content que les témoins qui nous ont précédés aient effleuré le sujet.

Comme je le disais au début, les choses évoluent, et c’est l’un des principaux enjeux. On voit de plus en plus de nouveaux modèles et de nouveaux types d’établissements offrant des services financiers semblables à ceux des banques — et des coopératives de crédit, disons-le. Je suis conscient de la position difficile dans laquelle se trouve le Bureau du surintendant des institutions financières. Il doit établir des règles et un cadre clairs avant qu’il ne soit trop tard et qu’il se retrouve devant les faits accomplis. Je comprends tout à fait qu’il n’a pas le choix.

Le président : Surtout que c’est exactement ce qui s’est passé. Parce que les règles n’ont jamais été appliquées, ces mots ont été consacrés dans l’usage et ils font désormais partie du langage courant. Il est donc trop tard pour aborder la question avec les coopératives de crédit.

M. Hannah : Comme je le disais, sénateur, selon nous, il vaut toujours mieux partir du principe et se laisser par la suite une certaine marge de manœuvre. De quoi a-t-on besoin, quand on y pense? De quelques principes bien établis — la raisonnabilité et la clarté en ce qui nous concerne — et appliqués adéquatement. Dans certains cas, comme l’exemple de la Coopérative de crédit communautaire ayant pour slogan « Venez faire vos opérations bancaires chez nous », les choses sont relativement claires. Elles le sont déjà moins avec la Caisse d’épargne communautaire. Il faudrait sans doute une certaine marge de manœuvre pour s’adapter à la réalité sur le terrain.

Je crois que c’est là que nous en sommes. Et ce qui rend la question aussi difficile, autant je suppose pour les organismes réglementaires que pour vous tous autour de cette table, c’est que la réalité sur le terrain n’est pas sans conséquence sur le résultat. C’est ce qui complique les choses.

Le sénateur Massicotte : Merci beaucoup d’être ici aujourd’hui. Nous sommes essentiellement d’accord avec vous quand vous énoncez vos objectifs et vos principes. En fait, personne ne pourrait être en désaccord, selon moi. Tout est dans la manière dont ces principes sont appliqués. Or, il faut du jugement pour savoir où tracer la ligne. Vous parlez des situations où un autre terme pourrait être acceptable, et c’est probablement là que je cesse d’être d’accord. Vous risquez en effet de prôner certaines nuances plus pointues que ce que notre groupe serait prêt à accepter, mais nous ne sommes pas ici pour conclure une entente avec vous ni pour discuter de terminologie. Nous sommes tous d’accord sur un point : les exigences doivent être limpides et on doit savoir à quel type d’institution on a affaire.

Pour en revenir au sujet à l’étude, je déduis de ce que vous dites qu’il n’y a jamais vraiment eu de problème, c’est bien ça? Personne n’a jamais perdu d’argent et la confusion n’a causé aucune perte digne de mention, n’est-ce pas? Que je sache, aucune enquête n’a permis de constater que la confusion règne au point d’en être dangereuse. Est-ce que je me trompe?

M. Hannah : En un mot, je l’ignore, parce que nous ne menons pas d’enquêtes là-dessus. Pas jusqu’ici, en tout cas. De toute façon, ce n’est pas nous que les gens viendraient voir, mais un organisme de réglementation s’occupant de protection des consommateurs.

Le sénateur Massicotte : Et y a-t-il un problème?

M. Hannah : Je ne saurais vous dire. Je ne connais tout simplement pas la réponse à votre question. Personnellement, je me fie d’abord et avant tout aux principes, comme je vous le disais.

Le sénateur Massicotte : Je vous remercie.

La sénatrice Moncion : J’aimerais revenir sur ce que vous disiez tout à l’heure sur la protection offerte. Les règles du Bureau du surintendant des institutions financières s’appliquent dans toutes les provinces où les coopératives de crédit et les caisses populaires sont réglementées par une instance provinciale. Les mêmes règles sur les liquidités, les risques et les capitaux s’appliquent. Il arrive même qu’elles soient plus contraignantes, parce que les niveaux exigés sont plus élevés et que toutes sortes d’autres balises s’ajoutent. Les dépôts des consommateurs doivent aussi être assurés. Bref, les similitudes et les recoupements sont nombreux.

Ma question porte surtout sur l’emploi du mot « banque » sur la scène internationale, parce qu’à l’étranger, le mot « banque » est protégé, de la même manière que le sont les expressions « coopératives de crédit » et « caisse populaire » dans les provinces. Ailleurs dans le monde, on ne peut pas ouvrir un commerce et dire qu’il s’agit d’une banque si ce n’est pas le cas. Selon moi, c’est cette protection-là que réclament les banques d’ici. Que ce mot ait fini par englober autre chose que les « vraies » banques est une particularité propre à la loi canadienne.

Vous dites avoir des réserves sur l’emploi des mots « opérations bancaires » et « banquier ». Vous nous avez donné l’exemple d’un établissement qui se donnerait le nom de « Caisse d’épargne communautaire », mais avez-vous des exemples de cas où une caisse populaire ou une coopérative de crédit aurait utilisé le mot « banque » de manière équivoque? Vous insistez beaucoup sur la distinction entre les coopératives de crédit et les caisses populaires d’un côté et les banques de l’autre, mais avez-vous eu connaissance de cas problématiques concrets?

M. Hannah : Vous savez sénatrice, je ne passe pas mon temps à faire des enquêtes et à chercher des exemples de cas où une telle chose aurait pu arriver. Selon moi et selon mon organisme, le gouvernement devrait se doter de principes raisonnables et clairs et tâcher ensuite de les appliquer à ce qui se fait déjà.

Si, dans les faits, ces deux éléments sont présents à tout coup, alors c’est vrai qu’il n’y a pas de problème, mais, dans le cas contraire, il y aurait des choses à corriger. Si on considère en partant que ces deux principes sont relativement raisonnables et qu’ils doivent servir de base au reste, il ne reste plus qu’à les appliquer dans la vraie vie. Et vous verrez, avec une approche comme celle-là vous obtiendrez toujours des résultats raisonnables.

La sénatrice Moncion : Nous sommes d’accord. Vous opposeriez-vous à un changement législatif sur l’emploi des mots « opérations bancaires » et « banquier »?

M. Hannah : Il faudrait voir la teneur du changement proposé. Mais là encore, nous l’évaluerions à la lumière des deux principes dont je parlais afin de voir quels en seraient les effets dans telle ou telle circonstance.

La sénatrice Moncion : Très bien. Je vous remercie.

La sénatrice Wallin : J’aimerais revenir sur un point que nous avons à peine effleuré. Premièrement, ce n’est pas contre l’expression « opérations bancaires » que vous en avez, mais contre son emploi dans une phrase du genre « faire ses opérations bancaires », c’est bien cela?

M. Hannah : Non, je ne crois pas avoir dit cela. Ce que j’ai dit, c’est que tout dépend du contexte.

La sénatrice Wallin : D’accord. Donc, on peut dire « faire des opérations bancaires », mais peut-être pas : « Venez faire vos opérations bancaires dans notre coopérative de crédit. » Est-ce que je me trompe?

M. Hannah : Eh bien, il y a une différence entre « Venez faire vos opérations bancaires dans notre coopérative de crédit » et « Venez faire vos opérations bancaires dans notre caisse d’épargne ». Tout est une question de contexte.

La sénatrice Wallin : Alors dites-moi si j’ai bien compris : selon ce que vous dites, les établissements autres que les banques devraient pouvoir employer l’expression « opérations bancaires », qu’ils soient réglementés ou non par le fédéral?

M. Hannah : Non, ce n’est pas ce que j’ai dit non plus.

La sénatrice Wallin : Je vous demanderais de bien vouloir préciser votre pensée, dans ce cas-là.

M. Hannah : Ce que j’ai dit, c’est que nous devons partir des principes de raisonnabilité et de clarté et voir à partir de là.

Regardez, je crois que nous sommes en plein dans un cas où, plus on avance — c’est-à-dire plus il y a de nouveaux modèles d’affaires —, plus la question devient complexe et plus les organismes de réglementation doivent être sensibles aux risques. Selon moi, c’est une question de gros bon sens, et c’est comme ça qu’on devrait aborder la question. Cela dit, comme la discussion portait au départ sur les coopératives de crédit, je tenais à préciser ma position.

La sénatrice Wallin : D’accord. Alors pour qu’on se comprenne bien, seules les institutions réglementaires devraient pouvoir utiliser l’expression « opérations bancaires », point à la ligne. C’est bien cela?

M. Hannah : Pourvu que tout le monde sache de quel type d’institution il s’agit.

La sénatrice Wallin : D’accord.

Le président : Sénateur Tannas, souhaitez-vous ajouter quelque chose?

Le sénateur Tannas : Voilà qui répond parfaitement à ma question.

Le président : Sénatrice Moncion, souhaitez-vous ajouter quelque chose? Brièvement, je vous prie?

La sénatrice Moncion : S’il vous plaît. À la page 25 du document fourni au gouvernement fédéral, on peut lire ceci : « [N]ous estimons donc nécessaire que le ministère des Finances et le Bureau du surintendant des institutions financières continuent d’encadrer de près l’emploi des mots “banque” et “banquier”. Une certaine marge de manœuvre pourrait être accordée aux établissements autres que les banques concernant l’emploi de l’expression “opérations bancaires”, pourvu que le tout soit encadré et que les clients sachent bien qu’ils ne font pas affaire avec une banque. »

Nous sommes tous d’accord là-dessus, et cette recommandation me plaît beaucoup.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Hannah.

La réunion de demain aura lieu le matin. Elle ne devrait pas durer très longtemps. Nous allons approuver la résolution sur notre étude que je dois présenter au Sénat dans l’après-midi. Nous ferons aussi un bref retour sur la discussion d’aujourd’hui sur les coopératives de crédit, en plus de faire le point dans le dossier de la Loi sur le droit d’auteur, pour voir où nous en sommes. Nous devrions alors avoir une bonne idée du programme de l’automne. C’est ce qui conclura la réunion.

Sur ce, encore merci à vous, monsieur Hannah. La séance est levée.

(La séance est levée.)

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