Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule no 28 - Témoignages du 1er novembre 2017
OTTAWA, le mercredi 1er novembre 2017
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd’hui, à 16 h 16, pour poursuivre son étude sur la situation actuelle du régime financier canadien et international.
[Traduction]
Le sénateur Tkachuk : Bonjour, et bienvenue au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Je m’appelle David Tkachuk et je suis président du comité, selon votre bonne grâce.
Je vous rappelle que l’ordre du 31 octobre est expiré, bien que nous y soyons encore assujettis. Cela peut causer des difficultés, car s’il y a désaccord ou si une motion est déposée, nous serons obligés de nous disperser. Nous sommes toutes des personnes polies, alors nous devrions être en mesure de poursuivre la séance. Je prendrai les décisions, mais sachez que toute contestation posera problème. Les décisions porteront sur l’ordre des intervenants, alors disons qu’il faudra l’accepter.
Sur ce, je suis désolé, gouverneur, mais ce sont des affaires internes qu’il faut régler, car tout le monde veut savoir. Nous allons nous réunir de nouveau demain dans les mêmes conditions. Nous ne nous réunirons pas la semaine prochaine.
Le sénateur Massicotte : Vous avez finalement expiré.
Le sénateur Tkachuk : Je n’ai pas expiré. Je suis assujetti à l’ordre antérieur. Mais je vais vous dire quelque chose, sénateur Massicotte : c’est peut-être votre cas, alors si je ne vous reconnais pas, vous saurez pourquoi.
Le gouverneur de la Banque du Canada, Stephen Poloz, et la première sous-gouverneure, Carolyn Wilkins, vont nous présenter leur témoignage au sujet du Rapport sur la politique monétaire de 2017 rendu public la semaine passée par la Banque du Canada. Merci à vous deux d’être ici pour faire le point avec nous. Gouverneur, vous avez la parole, et nous sommes impatients de vous poser des questions après votre exposé.
Stephen S. Poloz, gouverneur, Banque du Canada : Merci, et bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité. La première sous-gouverneure Wilkins et moi sommes heureux d’être de retour devant vous pour présenter le Rapport sur la politique monétaire que la Banque du Canada a publié il y a une semaine.
Lors de notre dernier témoignage en avril, nous célébrions le fait que nous avions revu nos prévisions économiques à la hausse, au terme d’une longue période de déceptions successives. Je suis heureux de pouvoir dire que bon nombre des tendances positives que nous observions alors se sont maintenues. Les sources de croissance économique se sont généralisées dans l’ensemble des secteurs et des régions, et le processus d’ajustement au choc des prix du pétrole est essentiellement terminé à l’échelle macro.
[Français]
La banque a relevé son taux directeur deux fois depuis notre dernière rencontre, soit en juillet et en septembre. Ces décisions ont été prises dans le contexte d’une très vive croissance économique au premier semestre de l’année et d’une nette progression du marché du travail. Au cours de l’été, nous avons noté des signes d’un raffermissement des indicateurs de l’inflation et d’une résorption rapide de l’écart de production au sein de l’économie. Avec ces deux hausses de taux, nous avons inversé les baisses opérées en 2015 qui étaient indispensables pour aider l’économie à s’ajuster au choc pétrolier.
[Traduction]
La croissance au premier semestre de l’année a légèrement dépassé en moyenne les 4 p. 100 en rythme annuel. Ce résultat tient à la vigueur des dépenses de consommation, renforcée par une hausse de l’emploi et des revenus, ainsi que par une augmentation des investissements des entreprises et un bond des exportations d’énergie. On commence à déceler des signes de modération au second semestre, comme nous l’avions prévu en juillet. L’expansion de la consommation et des investissements devrait diminuer. La croissance du secteur du logement devrait ralentir davantage, en raison notamment des mesures instaurées par le gouvernement ontarien en avril.
Tout compte fait, nous prévoyons que l’expansion de l’économie s’établira à 3,1 p. 100 cette année, avant de redescendre à 2,1 p. 100 en 2018. Ce 2,1 p. 100 reste néanmoins supérieur au taux de croissance de la production potentielle. Nous estimons que l’économie fonctionne désormais près des limites de sa capacité.
L’inflation devrait atteindre notre cible de 2 p. 100 au deuxième semestre de l’an prochain. C’est un peu plus tard que nous l’avions d’abord escompté, en raison de l’incidence passagère de l’appréciation qu’a connue le dollar cette année.
Nous nous trouvons à un moment crucial du cycle économique, et d’importantes incertitudes viennent embrouiller les perspectives. Dans notre RPM, nous avons mis en exergue les quatre principales sources d’incertitude, et je vais maintenant vous en parler brièvement.
La première source d’incertitude a trait à l’inflation elle-même. Plusieurs hypothèses ont été formulées au sujet de la faiblesse apparente de l’inflation au Canada et dans de nombreuses autres économies avancées. Certains ont soutenu que la mondialisation bride l’inflation. Ce phénomène pourrait être dû à la hausse des importations en provenance de pays où les coûts sont plus bas, par exemple, ou à l’effet de la participation d’entreprises canadiennes aux chaînes d’approvisionnement mondiales.
D’autres mettent en avant l’incidence de la numérisation sur l’économie. Ils sont d’avis que les technologies numériques pourraient réduire les barrières à l’entrée dans certains secteurs et ouvrir la voie à une concurrence accrue. Il se peut que l’essor du commerce électronique soit en train de modifier les pratiques en matière d’établissement des prix, et les technologies numériques pourraient favoriser l’innovation et l’augmentation de la productivité, ce qui pourrait provoquer des pressions désinflationnistes.
La deuxième source d’incertitude est la marge de capacités excédentaires dans l’économie. Plusieurs signes donnent à penser qu’il subsiste des ressources inutilisées sur le marché du travail. Par exemple, le taux d’activité des jeunes reste en deçà du taux tendanciel, et le nombre moyen d’heures travaillées est inférieur à ce à quoi on pourrait s’attendre. Comme l’économie tourne presque à plein régime en ce moment, nous nous attendons à des investissements de la part des entreprises ainsi qu’à la création d’emplois par les nouvelles entreprises et les entreprises existantes et à une hausse de la productivité. Cette évolution devrait contribuer à faire augmenter la production potentielle de l’économie, et ainsi à hausser le niveau de croissance non inflationniste possible. Ce processus est toutefois empreint d’une grande incertitude et n’est pas du tout mécanique, et c’est pourquoi nous l’avons incorporé dans notre projection avec prudence.
[Français]
Le troisième enjeu est la faiblesse continue de la croissance des salaires. L’emploi a connu une croissance vigoureuse au Canada, mais les salaires n’ont pas affiché le même rythme. Cet effet est attribuable, certainement en partie, aux ressources inutilisées sur le marché du travail. Il y a aussi un décalage entre le moment où ces ressources inutilisées sont résorbées et celui où on constate une plus forte croissance des salaires. Toutefois, il se peut que d’autres facteurs, dont la mondialisation, agissent sur la dynamique des salaires.
[Traduction]
Enfin, le quatrième enjeu concerne le niveau élevé d’endettement des ménages et la façon dont il est susceptible d’influer sur la sensibilité de l’économie à une augmentation des taux d’intérêt. Le personnel de la banque a recalibré notre principal modèle économique servant à établir les projections afin de rendre compte de renseignements importants au sujet du marché de l’habitation et de l’endettement. Il ressort de ces travaux que l’économie est susceptible de réagir plus fortement à une hausse de taux d’intérêt que par le passé. Nous allons toutefois examiner de près les nouvelles données économiques à la recherche d’indications qui confortent cette idée. Nous allons aussi surveiller la réaction du secteur des ménages aux nouvelles règles de souscription de prêts hypothécaires.
Nous avons également mis en lumière plusieurs autres risques dans le RPM. Pris dans leur ensemble, ceux-ci offrent des perspectives d’évolution de l’inflation équilibrées. Nous n’avons pas incorporé dans notre projection la possibilité d’une montée notable du protectionnisme aux États-Unis, compte tenu de l’éventail des résultats potentiels et de l’incertitude quant au moment où ce risque pourrait se matérialiser. Nous reconnaissons toutefois que l’incertitude entourant la politique de commerce extérieur des États-Unis a un certain effet sur la confiance et les investissements des entreprises, et nous en avons tenu compte dans les perspectives.
Dans ce contexte, le conseil de direction a jugé que la politique monétaire actuelle est appropriée. Nous avons convenu qu’un degré moindre de détente monétaire sera probablement nécessaire avec le temps, mais nous ferons preuve de circonspection au moment de procéder à de futurs ajustements de notre taux directeur. En particulier, la banque sera guidée par les nouvelles données sur lesquelles elle se fonde pour évaluer la sensibilité de l’économie aux taux d’intérêt, l’évolution des capacités économiques et la dynamique de la croissance des salaires et de l’inflation.
[Français]
Comme c’est un message important, permettez-moi de vous le répéter en français. Dans ce contexte, le conseil de direction a jugé que la politique monétaire actuelle est appropriée. Nous avons convenu qu’un degré moindre de détente monétaire sera probablement nécessaire avec le temps. Nous ferons preuve de circonspection au moment de procéder à de futurs ajustements à notre taux directeur. En particulier, la banque sera guidée par les nouvelles données sur lesquelles elle se fonde pour évaluer la sensibilité de l’économie aux taux d’intérêt, l’évolution des capacités économiques et la dynamique de la croissance des salaires et de l’inflation.
[Traduction]
Sur ce, sénateur Tkachuk, la première sous-gouverneure Wilkins et moi serons ravis de répondre à vos questions.
Le sénateur Tkachuk : Gouverneur, vous dites que l’économie fonctionne près des limites de sa capacité et que c’est le cas depuis un an. Vous avez pris la décision de maintenir le taux d’intérêt à son niveau actuel. Selon quelles indications décideriez-vous de hausser le taux d’intérêt?
M. Poloz : Eh bien, ce sont les quatre enjeux que j’ai énoncés. Ce sont, en effet, les enjeux qui représentent d’après nous la séquence naturelle d’événements dans une économie qui arrive à sa puissance maximale ou à sa pleine capacité.
Ce que nous estimons représenter l’écart de production est approximativement comblé; c’est-à-dire que nous avons utilisé ce que nous appelons l’écart de production. Cependant, dans la plupart des cycles économiques, l’écart de production et l’écart lié au marché de l’emploi sont des concepts parallèles; ils évoluent généralement ensemble.
Quand le cycle est plus long, comme celui que nous avons traversé, avec sa longue période de résultats économiques décevants, principalement à l’échelle mondiale, avec des effets sur le Canada, nous subissons des effets secondaires. Certains économistes parlent de cicatrices laissées dans le marché du travail : les gens se découragent parce qu’ils ne peuvent décrocher leur premier emploi, ils quittent complètement le marché du travail ou sont obligés de travailler à temps partiel plutôt qu’à temps plein comme ils le souhaiteraient, ou ils travaillent dans un autre domaine que le leur. Nous n’utilisons pas la totalité des capacités humaines disponibles, mais l’écart de production peut quand même être comblé plus rapidement, car ce qui se produit, c’est que certaines de ces personnes sont laissées pour compte dans le sillage du redressement.
Pour le reste, c’est là où ces deux concepts se rattrapent, où en fait la croissance supplémentaire de l’économie, qui semble dépasser la croissance potentielle de l’économie, crée l’investissement supplémentaire, parce que la main d’œuvre est là, prête pour les entreprises qui les intégreraient dans une organisation élargie. C’est cette étape qui créerait une capacité supérieure à ce que nous intégrons dans notre analyse mécanique — pas tout à fait mécanique, car c’est un peu trop fort comme terme —, dans notre analyse plus courante des tendances relatives à la production potentielle.
C’est ce que fait toute économie à cette étape. J’appelle cela le point d’équilibre. C’est généralement modeste, pour un cycle court, mais dans ce cas-ci, le cycle a été long.
Par exemple, le taux de participation des jeunes de 15 à 25 ans aujourd’hui est de cinq points de pourcentage inférieur à ce qu’il était avant que tous les problèmes commencent en 2007. Donc, dans notre RPM, nous vous faisons part de ce que nous appelons notre indicateur du marché du travail, qui diffère du taux de chômage tel qu’on l’exprime normalement. Le taux de chômage est le nombre de personnes à la recherche d’un emploi divisé par le nombre de personnes qui travaillent, mais il ne tient pas compte des personnes qui ont quitté complètement le marché du travail. Ce que nous souhaitons, c’est que la participation au marché du travail se redresse, car les gens sont encouragés par l’augmentation de la demande, la création d’emplois et les salaires plus élevés.
Selon l’ordre naturel, on part d’une offre excédentaire dans l’économie qui fait descendre l’inflation, pour ensuite combler l’écart entre la demande et l’offre excédentaire, après quoi les entreprises élargissent leurs activités et vont chercher de nouveaux travailleurs dans la main-d’œuvre excédentaire. Ensuite, à terme, il y a la hausse des salaires, puis la hausse de l’inflation. C’est cet ordre qui cause un peu de perturbations, ou qui comporte un écart, compte tenu de l’expérience des cinq ou six dernières années.
Nous suivons ces enjeux très attentivement et nous mettons essentiellement à l’épreuve notre compréhension de l’économie en temps réel, alors qu’avec un modèle de base, on dirait qu’en effet, l’écart est comblé et qu’il est temps, par conséquent, de commencer à hausser les taux d’intérêt. Les États-Unis ont atteint cette étape il y a près de deux ans et ont connu, au cours des deux dernières années, une croissance supérieure à ce que les modèles originaux auraient prédit. De plus, on a réemployé beaucoup de gens qui avaient été chassés du marché du travail pendant la grande récession. Nous nous trouvons dans une situation semblable.
Le sénateur Tkachuk : J’ai toujours pensé que la Banque du Canada s’occupait des taux d’intérêt en fonction de l’inflation. L’idée générale était de maîtriser l’inflation.
M. Poloz : Exactement.
Le sénateur Tkachuk : Vous me dites que la Banque du Canada constate un taux de chômage de 5 p. 100 chez les jeunes de 18 à 25 ans. N’est-ce pas aux décideurs du gouvernement du Canada de s’occuper de cela? N’est-ce pas à eux qu’il incombe de penser à la productivité et à l’intégration des gens dans le marché de l’emploi, et non à la Banque du Canada?
M. Poloz : Oui, en effet. Nous utilisons nos projections de l’inflation, car il faut environ deux ans pour que les mesures prises par la Banque du Canada produisent des effets sur l’inflation. Pour nous, la question est de savoir quelle sera l’inflation dans 18 mois à 2 ans d’ici. Si elle se situe à 2 p. 100, tout va bien.
Ce que je vous dis, si nous ne nous trompons pas sur les facteurs que j’ai mentionnés, c’est que sur les deux prochaines années, nous n’atteindrons pas cette cible d’inflation. C’est le risque. Il y a un risque de baisse de l’inflation qui vient de ces sources. Compte tenu de ce risque que nous reconnaissons pleinement, la dernière chose que nous voulons, je crois, c’est d’envisager un risque supplémentaire de baisse de l’inflation, étant donné que nous n’atteignons pas la cible depuis assez longtemps.
Selon notre prévision fondée sur notre modèle de base, nous nous situerons autour de 2 p. 100 dans un an, ce qui est bien. Cependant, ce que je dis, c’est que si les facteurs que j’ai mentionnés ont les effets qu’ils produisent habituellement à ce point-ci du cycle, nous nous situerons en bas de cela. Si c’est le cas, nous devons permettre à ces éléments de suivre leur cours, car cela s’accompagnera d’avantages considérables pour la société, si nous élevons en permanence le niveau de revenu pour l’économie dans son ensemble grâce à notre patience sur ce plan.
Je vais vous donner les États-Unis comme exemple. Au cours des quelque 18 derniers mois, c’est exactement ce qu’ils ont fait. Des gens qui ne pensaient jamais pouvoir être de nouveau employés sont revenus sur le marché du travail à cette étape du cycle économique, pendant que la banque centrale des États-Unis faisait preuve d’une extrême patience dans le redressement de la trajectoire des taux d’intérêt.
Le sénateur Tannas : Gouverneur, nous sommes un lieu axé sur les régions, et nous sommes censés penser aux régions. Je suis d’une région qui frémit à l’idée que vous révisiez les taux d’intérêt, et je ne sais pas si vous êtes d’accord, mais ma région n’est probablement pas en mesure d’absorber beaucoup plus de coups durs, concernant les taux d’intérêt ou les dépenses additionnelles. Nous avons des familles qui sont toujours gravement bouleversées par le choc énergétique, et franchement, par des politiques que d’autres ont conçues.
Quand vous examinez cela, dans quelle mesure tenez-vous compte de régions particulières qui tirent de l’arrière?
M. Poloz : Nous tenons beaucoup compte des régions. En fait, nous avons des gens sur le terrain, dans toutes les régions du Canada, qui parlent avec les sociétés au quotidien, de sorte que nous sachions parfaitement ce qui se passe. Cela nous aide à parler de la question d’une façon dynamique.
Par exemple, quand le cours du pétrole s’est effondré en 2014 et au début de 2015, les ressources sur le terrain ont pu nous dire ce que les modèles diraient, soit qu’il y aurait moins d’investissement dans le secteur de l’énergie, mais elles ont également pu nous le dire société par société — sans nommer de nom —, et nous préciser la réduction totale. Nous avions de l’excellente information à ce sujet, et cela nous a permis de conclure à la nécessité de réduire immédiatement les taux d’intérêt, ce que nous avons fait deux fois dans le sillage de mises à jour de l’analyse.
C’est bien sûr un choc qui s’est principalement fait sentir à l’échelle régionale, mais qui a fini par avoir un effet macro considérable. Une fois que la situation macroéconomique se rapproche de la normale, nous sommes plus ou moins forcés de l’envisager à grande échelle. Quand je dis que les effets du choc des prix du pétrole sont essentiellement derrière nous — en fait, ils le sont, dans une perspective macro —, je ne dis pas que tous les effets ont disparu dans toutes les régions. Ce que nous disons, c’est que l’économie s’est adaptée d’une façon telle qu’il y a dans d’autres parties du pays ou d’autres secteurs des facteurs qui ont compensé cela. Quand on fait le total, nous nous situons là où nous sommes censés être.
Nous allons toujours avoir ces différences régionales ou sectorielles. La Banque du Canada n’a pas la capacité d’agir sur ce plan. Cependant, ce sont des facteurs qui sont importants, car ils nous permettent de comprendre la dynamique. Il est donc absolument essentiel que nous soyons sur le terrain pour en être informés. Le seul outil que nous avons, cependant, et le seul but que nous avons, c’est le taux général d’inflation. Alors c’est tout à fait cela.
Le sénateur Tannas : Merci, monsieur.
Le sénateur Wetston : On m’a demandé de poser des questions pour la sénatrice Moncion. Comment voulez-vous que je procède?
Le sénateur Tkachuk : Posez-les vous-même. Vous n’avez pas à lui en donner le mérite.
Le sénateur Wetston : Je ne veux pas que mes questions soient restreintes à cause des siennes.
Le sénateur Tkachuk : Cela ne va pas si bien fonctionner. Posez vos questions, et s’il y a un deuxième tour, vous pourrez devenir la sénatrice Moncion.
Le sénateur Wetston : Vous avez dit que vous mèneriez équitablement la séance.
Le sénateur Tkachuk : Je fais de mon mieux, vraiment.
Le sénateur Wetston : Est-ce que j’en ai deux, et elle une?
Le sénateur Tkachuk : Vous en avez deux, et elle n’a rien. Cependant, au deuxième tour, vous en aurez deux autres et vous pourrez poser cette question.
Le sénateur Wetston : Gouverneur, je vais parler d’une réunion que la première sous-gouverneure a tenue, je pense, en septembre, sur des questions liées au cadre de la politique monétaire et sur le renouvellement de la cible d’inflation de 2021, réunion que j’ai trouvée très intéressante.
Vous avez relevé un certain nombre de secteurs que nous devrions étudier de façon plus approfondie. Nous devrions examiner plus à fond le choix du cadre de la politique monétaire, la façon dont la politique monétaire devrait s’harmoniser avec d’autres politiques, notamment les politiques macroéconomiques prudentielles et fiscales, et la forme appropriée et le niveau de transparence et de communication pour les banques centrales. Vous serait-il possible d’expliquer l’un de ces sujets plus en détail pour donner une meilleure idée au comité et décrire les travaux que vous faites dans cet important secteur?
Carolyn A. Wilkins, première sous-gouverneure, Banque du Canada : Merci. Ce que nous cherchions à faire avec l’atelier était de lancer un programme de recherche intensif sur une longue période pour examiner l’entente concernant la cible d’inflation que nous avons conclue avec le gouvernement et les aspects qui appuient le cadre que nous avons en place. Nous voulions le faire d’une façon très transparente, si bien que nous avons diffusé l’atelier sur le Web. Nous avons également invité un vaste éventail d’intervenants du milieu syndical, du milieu universitaire et de partout dans le monde pour nous dire les sujets que nous devrions étudier et les véritables problèmes. Cette liste est tirée de cet atelier.
En ce qui concerne l’entente, les gens avaient confiance dans l’entente relative à la cible d’inflation. Par ailleurs, ils étaient d’avis qu’il serait utile de réaliser des recherches fondamentales dans d’autres secteurs comme les doubles mandats ou le ciblage des revenus nominaux plutôt que le ciblage du niveau des prix. C’est un sujet dont nous avons discuté.
Un autre élément qui est intéressant et pertinent aujourd’hui, c’est le fait que nous avons un outil, mais nous constatons qu’il pourrait y avoir des déséquilibres financiers — l’endettement des ménages, par exemple — qui pourraient nécessiter d’autres outils, donc des mesures macroprudentielles, de nouvelles règles sur l’habitation et des processus de souscription de prêts hypothécaires plus rigoureux. Il faut songer à la façon dont la politique monétaire et les outils macroprudentiels fonctionnent ensemble. C’est une question complexe qui nécessite une modélisation complexe, mais c’est une question importante. C’était l’autre aspect.
Vous pouvez également examiner la politique financière, qui fera probablement l’objet de notre programme de recherche.
Le troisième secteur est la transparence. Nous dépendons du fait que nos politiques soient crédibles. Nous devons rendre des comptes. Il existe des techniques pour communiquer avec le public et les intervenants. Nous avons reçu un certain nombre de suggestions utiles dans ce secteur, que nous examinerons, qui se rapportent aux types de renseignements divulgués, à la fréquence des conférences de presse, au niveau de langue et à la facilité avec laquelle les gens peuvent comprendre ce dont nous discutons.
Nous avons eu une excellente journée. Ce n’est pas la fin de la conversation; c’est le début. Nous avons hâte d’entendre les réactions à ce genre de renseignements que nous afficherons sur le site web et aux activités futures que nous tiendrons.
Le sénateur Wetston : Je vais maintenant poser ma deuxième question, que j’ai mentionnée plus tôt. Elle n’est pas de mon cru.
Dans votre rapport du 17 octobre, le BSIF a publié son examen de la ligne directrice B-20, Pratiques et procédures de souscription de prêts hypothécaires résidentiels, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2018. L’estimation de la banque des répercussions de ces lignes directrices incorpore des simulations de modèles et une expérience passée à la suite des modifications apportées au règlement sur le logement. Compte tenu des répercussions des changements associés au secteur du logement, la réglementation est ce qui est notée. Il y a beaucoup d’incertitude entourant l’incidence globale de ces mesures sur l’économie car il est difficile de prévoir le changement de comportement des emprunteurs et des prêteurs.
Compte tenu du changement, vous signalez également dans le rapport que ces lignes directrices devraient réduire le PIB de 0,2 p. 100 d’ici la fin de 2019, et la répercussion économique sera importante.
La ligne directrice B-20 du BSIF ne prévoit pas d’engagements de la part du gouvernement et n’a pas d’incidence sur la SCHL. Nous trouvons donc curieux que les pouvoirs du BSIF sont élargis au point où ses décisions peuvent nuire considérablement à la croissance économique du Canada et au rôle de la Banque du Canada, plus précisément concernant la croissance, le maintien et le ralentissement de l’économie nationale.
Par conséquent, pourriez-vous nous parler de la relation entre la Banque du Canada et le BSIF, surtout lorsque les répercussions sur la croissance économique de pays sont si marquées? De plus, quels sont les moyens d’intervention que vous avez pour prévenir de telles situations?
Mme Wilkins : Notre relation avec le BSIF est très ouverte. Nous passons du temps ensemble à divers comités — comme vous le savez, à ce comité et au comité consultatif supérieur — et nous discutons de ce type de mesures stratégiques.
Il faut garder à l’esprit le but sous-jacent des mesures prévues dans la ligne directrice B-20, qu’elles soient applicables à des hypothèques assurées ou aux nouvelles qui ne le sont pas, comme c’est le cas ici. Le but consiste à favoriser la qualité des emprunts. C’est important pour la structure et le fondement de la macroéconomie, car les pratiques de souscription de prêts dérapent et les gens ne s’y retrouvent pas en ce qui concerne leurs dettes, dont les dettes hypothécaires, ce qui donne lieu à des conséquences sur le plan macroéconomique. Donc, la réduction de 0,2 ou 0,3 de la croissance doit être prise en considération pour pouvoir gérer la croissance économique d’une manière à soutenir la stabilité financière et une croissance macroéconomique. C’est ma réponse générale.
Pour ce qui est de l’estimation précise, il y avait évidemment un peu d’incertitude à ce sujet, car on ne sait pas vraiment comment les ménages réagiront. Ils pourraient décider d’attendre un peu plus longtemps avant d’acheter le même type de maison, ou ils pourraient décider qu’au lieu d’acheter la maison qui coûte tel prix, ils en achèteront une moins dispendieuse ou trouveront d’autres moyens de financement, dont discuter avec leurs parents pour obtenir de l’aide.
Il y a d’autres avenues qui s’offrent à eux, et c’est avec le temps que nous pourrons savoir quelle est l’incidence, du moins pour ce qui est de la qualité des emprunts.
L’an dernier, avec les changements apportés à la ligne directrice B-20, la qualité des emprunts dans le milieu des assurances s’est beaucoup améliorée. Auparavant — et je vais utiliser un paramètre que nous aimons utiliser —, la proportion des ménages dont les ratios de prêts étaient de plus de 450 p. 100 est passée de 18 p. 100 à moins de la moitié de ce pourcentage. C’est le type de paramètres que nous pouvons surveiller, et nous constatons qu’avec le temps, l’amélioration de l’endettement nous placera dans une position avantageuse sur le plan macroéconomique.
Le sénateur Enverga : Vous avez mentionné quatre éléments que vous surveillez, le deuxième étant la main-d’œuvre. Vous avez signalé qu’il y a plusieurs signes qui démontrent un ralentissement sur le marché du travail, une faible participation des jeunes travailleurs et une diminution des heures de travail moyennes à un niveau inférieur à ce que nous pourrions nous attendre.
Par ailleurs, au troisième point, vous avez mentionné que les salaires n’ont pas augmenté au même rythme que la croissance des salaires subséquente. Je suis de l’Ontario, où le salaire minimum est d’environ 15 $ l’heure. Pensez-vous que ce serait utile, ou l’immigration aiderait-elle au chapitre des coûts? Est-ce une bonne chose à l’heure actuelle?
M. Poloz : Je ne suis pas certain de la question que vous voulez que j’aborde. Je vais essayer de répondre à vos questions dans l’ordre, une à une.
Le sénateur Enverga : Parlez-nous des 15 $ l’heure.
M. Poloz : Tout d’abord, nous avons dit clairement que nous pensons qu’il y a des capacités excédentaires sur le marché du travail. Les lois de l’offre et de la demande continuent de bien fonctionner. Si l’on a un surplus de main-d’œuvre, les salaires n’augmenteront pas rapidement. Si vous pouvez trouver un travailleur facilement, vous n’afficherez pas un salaire plus élevé pour attirer quelqu’un, si bien que les salaires demeureront modérés. Il y a aussi la migration des travailleurs du secteur pétrolier vers d’autres secteurs de l’économie — qui occupaient des emplois bien rémunérés et qui doivent se tourner vers des emplois probablement moins bien rémunérés. En ce qui concerne les chiffres, il y a une répression du salaire moyen en raison de cette transition dans l’économie.
Nous croyons également que les marchés du travail sont fondamentalement mondiaux. Lorsque votre entreprise offre un produit à une chaîne d’approvisionnement, vous rivalisez non seulement avec une entreprise de l’autre côté de la rue mais aussi avec des entreprises de partout dans le monde qui pourraient s’emparer de ce maillon de la chaîne d’approvisionnement. Par conséquent, le pouvoir de négociation des travailleurs peut être réprimé dans un marché du travail de plus en plus mondialisé.
Pour toutes ces raisons, il est difficile de déterminer exactement l’offre excessive.
C’est le point de départ. Maintenant, nous disons : « Qu’arrive-t-il si nous ajoutons à la combinaison une augmentation du salaire minimum? » Je suis certain que cela va vous décevoir, mais les économistes ne s’entendent pas sur les effets. C’est une analyse complexe car nous avons des gens qui touchent moins du salaire minimum à l’heure actuelle qui gagneront un salaire minimum plus élevé. Des gens qui gagnent juste au-dessus du salaire minimum pourraient recevoir une hausse salariale également. Toutefois, les entreprises peuvent trouver d’autres moyens de contrôler leurs coûts et, par conséquent, les salaires dans d’autres secteurs peuvent ne pas augmenter autant.
Il y a tellement de filières différentes par l’entremise desquelles cela peut avoir une incidence.
Nous estimons que nous poursuivons des cibles d’inflation. Nous surveillons le paramètre, et s’il a une incidence supplémentaire sur l’inflation, nous le constaterons à ce moment-là et comprendrons ce qui se passe le moment venu. Peu importe ce qui se produira, je pense que l’incidence sera modeste.
Le sénateur Enverga : L’immigration aidera-t-elle?
M. Poloz : L’immigration est importante à bien des égards. Vous nous avez entendus parler du résultat potentiel. C’est une tendance, qui augmente d’environ 1,5 p. 100 par année. Environ la moitié de cette croissance provient des travailleurs, n’est-ce pas? Ou bien est-ce 1 p. 100 qui est attribuable aux travailleurs et 0,5 p. 100 qui est attribuable à la productivité, ou vice versa?
Mme Wilkins : Si vous voulez déterminer la productivité, l’immigration représente environ 0,5 p. 100 du 1,5 p. 100.
M. Poloz : L’immigration représente environ 0,5 p. 100 du 1,5 p. 100. C’est le chiffre dont j’ai besoin. Donc, environ le tiers de la croissance que nous prévoyons — la tendance pour le Canada — est attribuable à la participation des immigrants sur le marché du travail. Sans eux, votre taux de croissance serait beaucoup plus faible. C’est un facteur très important et c’est une proportion qui continuera d’augmenter avec le temps, à mesure que la main-d’œuvre ralentit en raison du vieillissement. Le baby-boom est terminé, et les gens prennent leur retraite.
Ce ralentissement dans l’économie est neutralisé par la croissance attribuable à l’immigration, ce qui est une bonne chose. C’est un élément fondamental de la croissance économique. Cela a-t-il une incidence sur les salaires? C’est possible, car si nous n’avions pas l’immigration, nous aurions peut-être des pénuries de main-d’œuvre dans certains secteurs. Mais la croissance économique serait moindre également, si bien que nous aurions une demande moins élevée et un approvisionnement moins élevé. Je répète que c’est une analyse compliquée; il n’y a aucune solution facile à ce problème. À partir des premiers principes, l’immigration est un élément important de notre croissance économique. Sans elle, la croissance serait beaucoup moins élevée.
La sénatrice Wallin : J’ai deux questions, puis je vous laisserai y répondre. Le président Trump a dit aujourd’hui qu’il a communiqué avec Jerome Powell et qu’il le nommera demain président de la Réserve fédérale. C’est un homme qui a siégé au conseil longtemps. Que pensez-vous de lui à ce poste, et qu’est-ce que cette nomination signifie pour nous?
La deuxième porte sur l’ALENA. Vous avez dit dans votre déclaration aujourd’hui que vous n’avez pas incorporé dans votre projection le risque d’une transition importante vers un protectionnisme accru aux États-Unis. Mais vous avez également dit que vous reconnaissez l’incertitude entourant la politique commerciale américaine future et que cette incidence est prise en considération. Je ne sais pas si vous quantifiez ce que vous prenez en considération. Je pense que dans d’autres enceintes, vous avez déclaré que c’est une source de mécontentement. Veuillez nous donner un aperçu de la situation.
M. Poloz : Je vais répondre à la question facile, puis je laisserai le soin à Mme Wilkins de répondre à celle sur l’ALENA.
Je ne vais pas me prononcer sur la personne que M. Trump peut nommer comme président de la Réserve fédérale. Les banques centrales ne commentent certainement pas les politiques des autres banques. Mais je dirais que l’on met probablement trop l’accent sur les personnes dans le cadre de cette analyse. Tout comme nous avons une équipe qui prend ces décisions, les Américains en ont une aussi, et devraient en avoir une. J’ai hâte de connaître la décision qui sera prise car c’est évidemment une personne avec qui nous passerons beaucoup de temps.
En ce qui concerne l’ALENA, qui est une question beaucoup plus difficile, je vais vous laisser y répondre.
Mme Wilkins : Il y a clairement beaucoup d’incertitude entourant les politiques commerciales de façon générale et l’ALENA plus particulièrement, et c’est quelque chose que nous surveillons de très près. En ce qui concerne la politique monétaire, il faut choisir la partie de l’incertitude à prendre en considération dans le cadre de votre décision stratégique, la partie que vous mettrez de côté jusqu’à ce que vous ayez plus de renseignements.
Nous avions suffisamment confiance de prendre en considération l’incidence de cette incertitude sur le comportement des entreprises. Elles pensent au fait qu’elles doivent prendre des décisions en matière d’investissements. D’après notre Enquête sur les perspectives des entreprises, les sociétés voient d’un bon œil la planification de leurs investissements, mais nous pensons qu’elles prévoient investir un peu moins qu’elles l’auraient fait sans cette incertitude.
Si vous êtes une entreprise qui a l’occasion d’investir aux États-Unis ou à l’étranger, vous pourriez saisir cette occasion pour couvrir vos risques.
Sur le plan quantitatif, nous avons soustrait environ 0,7 p. 100 au profil d’investissement. Le profil d’investissement est en hausse, mais moins qu’il l’aurait été autrement. Et par l’entremise d’autres filières, cela réduit les exportations d’environ 0,2 p. 100. Bien entendu, si nous obtenons plus de renseignements sur les situations éventuelles et la chronologie probable, nous pourrons être mieux en mesure de réfléchir aux conséquences pour la politique monétaire.
[Français]
Le sénateur Carignan : Dans un article du Bloomberg News, publié ce matin, un de vos prédécesseurs, M. Dodge, disait que votre approche à l’égard des taux d’intérêt était une erreur. Selon lui, l’endettement des ménages et des entreprises atteint presque un niveau excessif, voire dangereux, et une hausse graduelle des taux permettrait de corriger cette situation. Pouvez-vous commenter les propos de M. Dodge?
M. Poloz : À la Banque du Canada, on mentionne constamment les risques liés à la dette des ménages. Cette affirmation est répétée partout dans notre Revue du système financier et notre Rapport sur la politique monétaire publiés la semaine dernière. Nous tenons compte de ces risques dans nos décisions. Comme je l’ai mentionné en introduction, nous aurons ces quatre questions clés pour les mois à venir. Une des questions les plus importantes est celle de la sensibilité de l’économie aux taux d’intérêt plus élevés. Nous avons haussé les taux d’intérêt à deux reprises au cours des 14 dernières semaines. Le conseil a décidé que cette période permettra de voir la réponse des ménages et du reste de l’économie à ce changement du taux d’intérêt. Nous considérerons soigneusement les données durant les prochains mois. Ce risque est très important pour nous et il est présent dans nos discussions. Ce n’est pas un risque qui est mis de côté, tel que mentionné dans cet article.
[Traduction]
Le sénateur Black : Monsieur le gouverneur et madame la sous-gouverneure, merci d’être ici. Je veux faire suite à la question sur l’ALENA de ma collègue, la sénatrice Wallin.
Plus particulièrement, en tant que sénateur de l’Alberta, le concept sous-jacent de ma question est que l’Alberta, par habitant, a probablement la base la plus importante au Canada, et est la province la plus exposée au marché américain. Quel conseil pouvez-vous donner au gouvernement et aux entreprises à la lumière des préoccupations suivantes? Citons notamment l’effondrement de l’ALENA dans un proche avenir et la réduction par les États-Unis des taux d’imposition des particuliers et des entreprises avant Noël. Aux fins de cette question, assumons que ces deux faits se concrétiseront.
C’est dans l’esprit des gens. Quel conseil donneriez-vous aux gens pour planifier prudemment?
M. Poloz : Il y a une raison très fondamentale pour laquelle nous n’avons pas analysé cette question en détail, l’ALENA plus particulièrement.
Permettez-moi de parler tout d’abord des impôts. Il y a un an, durant la campagne électorale américaine et les quelques semaines après l’élection, on croyait fermement qu’un changement important serait apporté au système fiscal aux États-Unis. Les marchés ont accueilli ce changement favorablement et y ont réagi bien avant qu’il ne soit mis en œuvre, et nous l’avons reconnu dans notre prévision en janvier pour la simple raison que le marché l’avait reconnu. Donc, comme vous pouvez l’imaginer, si votre prévision était la même qu’avant, mais que les taux d’intérêt ont augmenté pour aucune raison prévue dans votre prévision, cela fausserait votre prévision. Nous émettons donc des hypothèses à propos des changements fiscaux dans la prévision pour avoir une cohérence avec les résultats sur le marché.
Des mois plus tard, la probabilité que ce train de mesures fiscales soit mis en œuvre a diminué, les marchés ont cessé graduellement de tirer cette conclusion et nous avons retiré cette hypothèse de notre prévision.
Maintenant, je pense qu’il est prudent d’attendre de voir ce qui se passera. Il y aura un certain décalage entre l’annonce et l’atteinte des résultats.
Ce serait très hypothétique dans le cadre d’une analyse, mais je pense que vous devez envisager ce qui permettrait de redonner de la vigueur à l’économie américaine et, le cas échéant, dans quelle mesure cette reprise aurait une incidence sur le Canada. Nous avons fait des analyses en janvier dernier et en avril, et les retombées au Canada étaient minimes. Je reconnais qu’il y a une question fondamentale entourant la compétitivité de nos entreprises, mais je laisse cette question de côté pour l’instant.
À propos de choc macroéconomique, lorsqu’on combine cela avec une prise de position plus ferme à l’égard de la politique d’achat aux États-Unis, entre autres choses, différentes fuites laissent entendre que ce ne sera pas pour nous une question très difficile à gérer sur le plan économique.
En ce qui a trait à la compétitivité, c’est une autre question qui n’a, bien entendu, rien à voir avec la politique monétaire, mais ce qu’il faut entre autres garder en tête, c’est que beaucoup de choses peuvent changer à la suite d’une annonce du genre, notamment le taux de change, qui a une incidence directe sur la compétitivité des entreprises. Étant donné que le taux peut changer de son propre chef, c’est une chose dont nous pouvons seulement tenir compte lorsqu’elle se produit. Ce n’est pas comme si nous pouvions prétendre de comprendre avec exactitude dans quelle mesure le taux pourrait changer. La réaction à ce genre de changement varie essentiellement d’une entreprise à l’autre, et il est donc très difficile de modéliser cela globalement.
C’est semblable dans le cas de l’ALENA, dans le sens où son importance varie beaucoup d’une entreprise à l’autre. Nous ne l’avons pas analysée pour une raison importante, à savoir que nous ne voulons tout simplement pas faire de déclarations sur les conséquences et sur le reste alors que nous sommes au milieu de négociations importantes et délicates entre gouvernements. Ce n’est vraiment pas notre rôle, mais il y a certains faits qu’il ne faut pas perdre de vue.
Bien entendu, le problème est de savoir ce qui se produirait si vous regroupiez les différents éléments de l’ALENA? Selon des analyses du genre effectuées par des économistes, la première chose qui se produirait serait peut-être le passage du taux de zéro au taux prévu dans les règles de l’OMC. Eh bien, le taux moyen en vertu de ce régime est autour de 4 p. 100. Pour une entreprise au taux tarifaire nul qui se retrouve avec des droits de 4 p. 100, c’est donc une considération importante. C’est toutefois plus petit que la fluctuation du dollar canadien avec laquelle vous avez dû composer au cours des six derniers mois.
Il est important de garder les choses en perspective. Les entreprises s’adaptent tout le temps aux chocs de cette envergure, et nous ne devons donc pas nous alarmer à cause de ce genre d’analyses. Nous essayons d’être raisonnables. Pour ce qui est de déterminer à quel rythme cela pourrait se produire, il est possible que ce soit très graduel. À défaut de ne pas connaître la réponse à toutes ces questions, nous avons décidé de ne pas les mentionner.
Mais je pense néanmoins que le principal canal est celui de l’incertitude dont nous avons parlé plus tôt. Nous savons qu’en moyenne, les entreprises canadiennes fonctionnent à plein régime. Dans le secteur manufacturier, environ 75 p. 100 des sous-secteurs fonctionnent au-delà de leur capacité. Cette situation et nos enquêtes nous indiquent nettement que les gens sont prêts à investir et à faire croître leurs entreprises. Ils sont prêts, mais pas massivement, et nous nous attendons à ce que cela s’accentue.
Imaginez que vous êtes prêts et vous savez ce que vous voulez faire, mais que vous ignorez à quoi ressemblera l’ALENA. Cela doit probablement freiner les gens dans leur élan. Même si les gens disent qu’ils sont prêts à investir, nous savons qu’ils envisagent d’investir moins qu’ils ne le feraient s’ils savaient à quoi s’en tenir. Les entreprises mentionnent constamment des options comme l’expansion de leurs activités aux États-Unis pour se protéger contre cette incertitude.
Quand je dis que nous surveillons la question de la capacité, c’est une autre raison pour laquelle il y a beaucoup de choses qui pourraient faire en sorte que cela se concrétise ou non, et l’ALENA est une de ces choses. À sa signature, le plus grand avantage de l’ALENA portait là-dessus : on pouvait investir aux États-Unis ou au Mexique aussi librement qu’ici pour optimiser ses activités dans toute la région. Cela comptait davantage que les droits de douane. C’est donc ce canal qui serait le plus influencé selon moi si l’ALENA se trouvait vraiment en danger.
Le sénateur Black : Et quels conseils donneriez-vous aux entreprises?
M. Poloz : Je ne donne habituellement pas de conseils, sénateur, mais d’après ce que m’indiquent les entreprises, elles font le tour de la question et me disent essentiellement qu’elles ne doivent exclure aucune option et être réalistes. Nous n’avons pas de libre-échange proprement dit. Nous avons un accord commercial, ce qui signifie que la question est de savoir ce qui le remplacera. Lorsque des mesures sont prises de l’autre côté de la frontière, que se passe-t-il de ce côté-ci? Tout finit par changer. Qu’arriverait-il au dollar canadien dans un scénario de ce genre? Personne ne peut prédire ces choses.
Je suis impressionné par la façon dont les entreprises disent qu’elles doivent poursuivre leurs activités et investir malgré tout. J’en déduis que si un changement survient, elles s’adapteront à ce moment-là, pas aujourd’hui.
Le sénateur Black : Merci.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Merci, monsieur le gouverneur et madame Wilkins. J’aimerais faire suite à la question du sénateur Black parce que j’avais le même souci. Je suis très surpris que vous disiez que la banque n’a pas fait d’étude sur l’impact de l’absence d’une entente nord-américaine. C’est un facteur très important. Je peux comprendre que vous ne voulez pas partager la conclusion d’une telle étude, mais si je comprends bien, il n’y a eu aucune simulation, aucun rapport, aucune analyse de votre part pour mesurer la gravité des conséquences. Ai-je bien compris qu’une telle étude n’existe pas?
M. Poloz : C’est exact. Il n’y a pas de telle étude pour la raison que j’ai mentionnée. La liste des possibilités est tellement grande que ce n’est pas possible d’analyser quelque chose de spécifique. On pourrait analyser beaucoup de possibilités, mais cela ne nous donne aucune information.
Le sénateur Massicotte : Les conséquences sont potentiellement graves.
M. Poloz : Dans nos modèles macroéconomiques, le secteur d’échange commercial est très simple. Ce n’est pas au niveau de chaque secteur, sous-secteur, et cetera. C’est une espèce de modèle d’équilibre général qui est important. C’est ce modèle que les microéconomistes utilisent dans leurs analyses. Il faut avoir un mariage entre les micromodèles et les macromodèles.
C’est une analyse ambitieuse. On ne peut pas la faire au hasard. Il faut attendre les détails, s’il y a un choc à analyser.
Nous considérons aussi cela comme étant un choc macroéconomique général. Ce n’est pas seulement une question de politique monétaire. Il faudra prendre en compte la réaction des autres politiques canadiennes. Ce n’est pas la liste des possibilités...
Le sénateur Massicotte : Vous possédez beaucoup de connaissances et vous êtes un économiste très reconnu. Alors, j’aimerais connaître votre opinion, advenant la fin de l’OTAN, que l’accord de libre-échange ne s’appliquerait plus et que l’Organisation mondiale du commerce, l'OMC, entrerait en jeu.
Des articles de presse indiquent qu’il y aura une récession certaine alors que d’autres disent que non, c’est-à-dire que la différence n’est peut-être que de 1,7 p. 100. Vous dites 4 p. 100, certains disent 7 p. 100 et d’autres disent 1,7 p. 100. D’autres encore diront que c’est égal à la variation d’environ un mois ou deux mois dans notre devise. Est-ce très important? Est-ce grave? Devrait-on retarder nos achats et consommer moins? Les entreprises devraient-elles attendre?
Pouvez-vous nous donner une idée de l’importance de la situation?
M. Poloz : Comme vous le savez, je pense que l’échange est très important pour l’économie canadienne. C’est le processus d’ajustement qui n’est pas connu. S’il y a un tel choc, les entreprises peuvent réagir de façon différente les unes des autres. Le facteur macro est très difficile à prédire et je ne vais pas faire une analyse hypothétique. Ce n’est pas possible et je ne ferais qu’ajouter au bruit qui court au sein du marché. Selon moi, il n’est pas utile de faire cela.
[Traduction]
La sénatrice Unger : Madame, monsieur, merci de votre exposé. À propos de chocs, monsieur Poloz, on vous a cité dans un article de La Presse Canadienne pour lequel on vous a posé des questions sur les cybermenaces et la cybersécurité. Vous avez dit : « Chaque événement dont on entend parler paraît différent, ou se produit de manière différente [...] Il y a toutes ces choses pour lesquelles on se dit : “Mon Dieu, comment peut-on faire pleinement face à ce risque, et quelles sont les conséquences?” » Je me demande si vous pouvez en dire plus long à ce sujet.
M. Poloz : Bien sûr. C’est un de mes sujets favoris, et je suis donc heureux de me faire poser la question.
La sénatrice Unger : C’est moi aussi un de mes sujets favoris.
M. Poloz : Je vois cela de la même façon que les autres biens publics, comme les phares ou le matériel militaire. Nous recourons souvent à des lignes directrices pour aider les entreprises ou les institutions financières à satisfaire les normes afin qu’elles résistent aux cyberattaques. Nous faisons la même chose nous-mêmes. De nos jours, nous investissons beaucoup d’argent pour nous assurer de pouvoir résister aux cyberattaques. C’est donc ce que j’appellerais de la prévention. Bien entendu, nous devons ensuite investir dans des interventions ou des réaménagements à la suite d’une attaque.
Dans de nombreux pays, y compris le nôtre, nous mettons beaucoup l’accent sur des exigences. Il faut satisfaire telle ou telle norme. À mon avis, ce n’est peut-être pas assez pour prévenir une attaque majeure. C’est un peu comme une entreprise qui a son propre garde du corps ou sa propre force policière; elle ne protège pas la société contre une attaque militaire. Nous devons penser à ces choses de façon similaire. Cela laisse supposer un rôle important pour le secteur public. Je ne vais pas parler de ce qui se fait à Ottawa, mais des initiatives très importantes sont en cours. Il est préférable de poser la question à d’autres personnes. Je veux juste dire que la banque participe aux discussions et à ces initiatives.
Pour nous, l’aspect le plus important, c’est le système de paiement. Bien entendu, ce sont surtout nos banques qui s’en chargent. Il y a évidemment beaucoup d’établissements, mais les grandes banques et Paiements Canada représentent environ 90 p. 100 du cœur du système. Ce sont ces entités qui exploitent le système qui relie tous ces établissements. Ce réseau, dont nous faisons partie, revêt une importance cruciale pour la santé de l’économie canadienne. Par conséquent, notre principale préoccupation au-delà de notre propre cyberposition est notre position à cet égard. Il y a beaucoup de collaboration à ce sujet entre ces établissements pour améliorer sans cesse notre position dans le but de suivre le rythme.
Dans l’article, je disais essentiellement que lorsqu’on se réveille le matin et qu’on apprend qu’il y a eu une autre cyberattaque, elle ne semble jamais comme celle qui a eu lieu le mois précédent. Elle paraît entièrement différente, et on se demande comment les gens responsables de nos systèmes suivent le rythme. On leur demande si nous sommes en bonne posture, et ils nous disent que nous le sommes grâce à des correctifs apportés il y a deux ou trois mois ou à quelque chose du genre. Il devient très évident qu’il faut avoir une longueur d’avance. Si les correctifs n’ont pas été apportés à temps, nous sommes vulnérables, un peu comme nous le sommes lorsque nous ne sommes pas vaccinés.
Quoi qu’il en soit, voulez-vous ajouter quelque chose?
Mme Wilkins : Non, je crois que la réponse était parfaite.
M. Poloz : Bien. Voilà ce qu’il en est.
Mme Wilkins : Cela nous empêche tous les deux de dormir la nuit.
Le sénateur Tkachuk : Avez-vous une question complémentaire, sénatrice Unger?
La sénatrice Unger : J’ai une observation. Vous avez d’abord répondu en comparant cela à un phare.
M. Poloz : Oui.
La sénatrice Unger : Si une cyberattaque visait un réseau électrique, feriez-vous la même comparaison?
M. Poloz : Oui. Ce que nous appelons les tiers fournisseurs est une des facettes de la question. Quand je parle du système de paiement, des banques, de Paiements Canada et de notre propre organisation, c’est un important réseau, mais nous comptons tous sur l’électricité, Internet ou le nuage informatique pour exploiter nos entreprises.
Ces relations avec des fournisseurs créent d’autres vulnérabilités dans le système, cette enveloppe doit donc également couvrir ces aspects. C’est exactement ainsi que nous envisageons la question, et c’est précisément de cette façon que le gouvernement y réfléchit pour ce qui est de — j’ai parlé de phares — construire de meilleurs phares. C’est exactement cela, pour nous protéger contre la haute technologie, par rapport à la technologie élémentaire, contre les menaces.
[Français]
Le sénateur Maltais : Bon après-midi, monsieur le gouverneur et madame Wilkins. C’est toujours intéressant de recevoir le gouverneur de la Banque du Canada à notre comité. Ma question s’adresse particulièrement à Mme Wilkins.
Lorsque je suis arrivé, vous répondiez à une question du sénateur Wetston concernant les taux hypothécaires en rapport avec la directive émise par le Bureau du surintendant des institutions financières, le BSIF.
Selon plusieurs spécialistes, cette directive s’appliquerait surtout dans de grandes villes comme Vancouver, Calgary, Edmonton, Winnipeg, Toronto ou Montréal. Par contre, dans les villes de petite et moyenne taille, ce sera catastrophique. Cela va à l’encontre de la bonne et saine gestion économique du travailleur moyen, qui a tant bien que mal amassé un pécule de 25 000 $ ou 30 000 $ à titre de versement initial pour l’achat de sa maison et qui n’est pas garanti par la société de prêts hypothécaires. Les banques ne sont pas capables de le vendre à la société. Les banques vont lui offrir un financement à un taux d’intérêt beaucoup plus élevé, c’est-à-dire deux fois et peut-être même trois fois plus élevé.
Les épargnants sont pénalisés s’ils n’ont pas, comme dans La cigale et la fourmi, amassé 5 p. 100 de la valeur de leur maison. Je ne parle pas de maisons d’une valeur de 500 000 $ ou de 700 000 $. En région, on trouve des maisons d’une valeur de 280 000 $ et 300 000 $. Les acheteurs investissent 5 p. 100 du montant, puis la Société canadienne d’hypothèques et de logement leur vend immédiatement, et là, il y a un tarif très réduit. Cela va à l’encontre de tout ce qu’on a prêché et de ce qui est mathématiquement réalisable. Je pense que cette directive vise à freiner les nouvelles constructions dans les grandes villes. Dans les petites et moyennes villes, ainsi que dans les villages du Canada, l’application de cette directive sera néfaste.
Vous avez suggéré un emprunt auprès d’un membre de la famille, mais si cette solution n’est pas possible, qui va les financer? À quel taux d’intérêt? On crée deux classes de citoyens : les citoyens qui n’ont pas épargné, mais à qui l’on donne tous les droits, et les citoyens qui ont épargné, mais qui sont pénalisés. J’aimerais comprendre le sens de cette directive.
Mme Wilkins : Je comprends bien votre commentaire. Il est certain que les hypothèques dotées d’une assurance ont un taux d’intérêt qui inclut la titrisation. Il faut tenir compte d’une prime d’assurance dans le coût de cette hypothèque. Si on ne tient pas compte de cela, on oublie une partie importante du coût.
Je comprends votre questionnement concernant les particuliers qui ont épargné et qui peuvent déposer une mise de fonds de 20 p. 100. Je crois que cela apporte plus de sécurité au BSIF, mais il faut en même temps penser à ce qui pourrait arriver au prêteur au fil du temps si un problème de baisse de revenus ou d’augmentation des taux d’intérêt survenait.
À court terme, c’est sûr qu’il y a des portes de sortie dans plusieurs situations. Vous avez tout à fait raison, ce n’est pas tout le monde qui peut compter sur la parenté pour emprunter de l’argent. En même temps, pour la stabilité financière de ces personnes, il est important de tenir compte d’un scénario de récession, par exemple, ou d’une perte d’emploi. Cette personne pourrait avoir des obligations très difficiles à respecter dans ces situations. On a vu ce qui s’est passé aux États-Unis. C’est agréable de posséder sa propre maison, mais on a vu à quel point cela peut être douloureux de la perdre.
Il y a plusieurs volets à examiner. Cela ne fait pas partie de notre mandat de porter un jugement sur ce volet, parce que ce sont des choix sociaux faits par le gouvernement. Tout ce que l’on fait, c’est analyser les effets pertinents pour le taux d’inflation.
[Traduction]
Le sénateur Tkachuk : Sénatrice Moncion, vous avez deux interventions, mais rappelez-vous que le sénateur Wetston est intervenu deux fois, dont une fois à votre place.
La sénatrice Moncion : Je peux donc lui donner l’autre, n’est-ce pas?
Le sénateur Tkachuk : Je vais peut-être l’autoriser au deuxième tour. Allez-y, sénatrice Moncion.
La sénatrice Moncion : Ma question porte sur le milieu non réglementé des hypothèques au Canada. Je sais que vous pouvez surveiller les prêteurs hypothécaires réglementés, mais je crois que c’est un peu plus difficile pour les prêteurs hypothécaires non réglementés. Dans le système bancaire parallèle, des sociétés offrent des hypothèques à un taux de 19 p. 100 pour contourner la ligne directrice B-20 et le taux d’intérêt de 4,99 p. 100 auquel les prêteurs sont admissibles, et elles contribuent ainsi à l’endettement des ménages.
Comme vous ne pouvez pas surveiller ces groupes, comment influencent-ils le PIB du Canada? Comment en tenez-vous compte dans votre analyse?
M. Poloz : Ils sont loin en arrière-plan et, bien entendu, plutôt petits. Lorsqu’on y pense du point de vue de la stabilité financière, il faut s’adresser à quelqu’un qui vit une des situations présentées par la sénatrice, dans laquelle il n’est pas admissible à cause des nouvelles règles, pour lui demander s’il se tourne vers un prêteur semblable à ceux que vous décrivez? Ces prêteurs établissent essentiellement leurs prêts en fonction des risques qu’ils perçoivent, tandis que le reste du marché doit composer avec une forte concurrence pour ce qui est des emprunteurs admissibles. Nous sommes tous plus ou moins traités de la même façon dans l’ensemble du système.
À défaut d’être un emprunteur admissible, vous présentez évidemment un risque plus élevé, et c’est pour cette raison qu’on entend parler de choses comme les taux d’intérêt élevés. Il est donc peu probable qu’une personne qui n’a pas les ressources nécessaires pour être admissible en fonction d’un ensemble de règles se sente à l’aise de payer un montant supplémentaire aussi élevé pour parvenir à ses fins. Pour y parvenir, il est beaucoup plus probable qu’elle s’adapte soit en attendant ou, comme nous l’avons mentionné, en achetant quelque chose de plus petit, de plus modeste ou de plus éloigné du centre-ville, comme beaucoup de personnes semblent l’avoir fait l’année dernière. C’est la raison pour laquelle il est difficile de prédire avec exactitude l’effet que ces choses auront, car chaque personne s’adapte différemment.
En ce qui concerne le système bancaire parallèle, nous observons des développements dans les secteurs non réglementés, et pas seulement dans le marché hypothécaire, mais aussi dans beaucoup d’autres marchés, et nous recueillons donc de plus en plus de données là-dessus. Bien entendu, même à l’échelle mondiale, on craint que tout le bon travail que nous avons accompli à la suite de la crise financière pour mettre en place une nouvelle architecture n’ait pas l’effet recherché si les parties non réglementées du système financier attirent tous les clients. En même temps, si tous les éléments plus risqués se retrouvent là, ainsi que ce qui se rapporte au système de paiement, l’élément essentiel du fonctionnement de l’économie, nous aurons alors tout de même accompli quelque chose. Nous avons rendu l’élément qui est essentiel au fonctionnement de l’économie beaucoup plus sûr, mais nous devons quand même comprendre ce qui passe ailleurs, sans aucun doute.
La sénatrice Moncion : Et la portée du problème.
M. Poloz : Oui. Ce que vous mentionnez est un élément important, mais petit de l’univers d’activités menées ailleurs.
La sénatrice Moncion : Merci.
Le sénateur Tkachuk : Monsieur le gouverneur, chaque fois que j’ai posé au gouverneur Dodge des questions sur l’inflation, le cours du pétrole et le dollar canadien, il a toujours répondu que le prix des produits de base régit les fluctuations du dollar canadien. Lorsque le prix des produits de base est élevé, la valeur du dollar augmente, et lorsqu’il est bas, la valeur du dollar diminue. C’est du moins ce qu’on m’a dit pendant longtemps.
Malgré le rapport sur la politique monétaire de la fin de juillet selon lequel les choses vont très bien, nous avons assisté en août à une contraction, ce qui signifie que quelque chose a dérapé. Et nous voyons maintenant une dissociation alors que la valeur du dollar diminue et que le prix du pétrole augmente considérablement. Je pense qu’il est maintenant près de 55 $ le baril, mais le dollar canadien a pris la direction opposée. Pouvez-vous me donner une autre leçon d’économie et me dire ce qui explique cette dissociation qui semble aller à l’encontre de ce que j’ai toujours entendu de la part de la Banque du Canada?
M. Poloz : Vous n’avez pas besoin de renoncer à vos vieilles leçons d’économie, car elles demeurent exactes. Ce qui est important de comprendre, c’est que le dollar canadien est influencé par beaucoup de choses, mais à un moment donné, disons dans un mois ou deux, il subit l’influence de ce qui change le plus parmi ces choses.
Lorsque le prix du pétrole est passé de 100 $ à presque 35 ou 37 $, à son point le plus bas, vous êtes-vous dit qu’il ferait diminuer la valeur du dollar canadien exactement au même moment? Bien sûr que non. En observant les graphiques des 20 ou 30 dernières années, vous verriez une étroite correspondance entre les fluctuations du prix du pétrole et celles du dollar canadien.
Il y a parfois des écarts dans cette relation, et ils sont attribuables à une fluctuation du prix d’autres produits de base qui diffère de la fluctuation du prix du pétrole ou, ce qui est d’autant plus important, des taux d’intérêt. La différence entre le taux d’intérêt du Canada et celui des États-Unis est toujours un facteur déterminant de la valeur du dollar canadien.
Au cours de quelques mois, ce qui s’est produit cette année, c’est que le prix du pétrole est passé à 55 $, après avoir été à 50 $ pendant un certain temps. Il était à 45 $, à 48 $, à 52 $ et ainsi de suite.
Le sénateur Tkachuk : Mais un écart de 10 $ est considérable.
M. Poloz : C’est considérable pour un producteur de pétrole, mais ce ne l’est pas pour un économiste qui tente de modéliser le taux de change. Une hausse de 10 $ est habituellement de l’ordre de 2 à 3 cents pour le dollar canadien. C’est en moyenne le genre de fluctuation qui découlerait d’une hausse de 45 à 55 $.
Le dollar canadien peut fluctuer de quelques cents pour plusieurs raisons. La fluctuation de cette année est entre autres attribuable, alors que le dollar s’appréciait pendant la première partie de l’année, à la révision à la hausse par les participants au marché des attentes relatives aux taux d’intérêt canadiens.
Quand cela se produit, la différence entre les taux d’intérêt projetés canadiens et les taux d’intérêt projetés américains change de manière à hausser la valeur du dollar canadien. L’économie montre ensuite des signes de ralentissement, comme, je vous rappelle, nous l’avions prédit, et c’est effectivement ce qui s’est produit. La croissance, qui était extrêmement rapide, au point d’être manifestement insoutenable, ralentit pour atteindre un taux d’environ 2,1 p. 100, ce qui est plus près de ce que nous considérons comme un taux viable pour l’année prochaine. Ce rythme de croissance sera plus viable et, à vrai dire, au-delà du potentiel de croissance prévu.
La révision à la baisse des attentes a fait en sorte que le contraire s’est produit. Le dollar canadien a dégringolé au cours des dernières semaines. Ce qu’il faut retenir, c’est que le prix du pétrole fluctue, mais d’autres choses en font autant. Le modèle doit donc tenir compte de toutes ces choses. Si les taux d’intérêt demeurent stables, ce sera alors surtout le prix du pétrole qui aura un effet. En revanche, si le prix du pétrole est stable, ce sont surtout les attentes relatives aux taux d’intérêt qui influenceront la valeur du dollar. Tout cela est donc vrai.
Le sénateur Tkachuk : Tout est donc de votre faute?
M. Poloz : Non, ce n’est absolument pas de ma faute ni celle de Mme Wilkins, mais il ne fait aucun doute que les discussions sur la politique monétaire font naître des attentes et exercent une influence. Absolument.
En fait, toutes ces choses sont liées à la cible d’inflation et aux facteurs économiques sous-jacents. Si nos prévisions relatives à l’inflation d’ici un an sont révisées à la baisse, les marchés s’attendront à ce que les taux d’intérêt prennent une tangente différente de celle prévue au départ, ce qui influera sur le dollar lorsque la nouvelle se propagera.
Le sénateur Wetston : Puisque nous parlons de modèles, j’ai lu votre plan de recherche à moyen terme, qui présente d’abord une analyse de la crise financière mondiale, qui perdure depuis une dizaine d’années, comme vous le savez. Vous parlez du cadre de modélisation. Cela m’intéresse. Les banques centrales dépendent de leur analyse stratégique, que vous jugez insuffisante. Je crois que ce n’est pas la première fois que vous le dites. Je comprends ce que vous voulez dire : les comportements, les hypothèses comportementales et les analyses semblent influencer les hypothèses à la base de la modélisation.
Dans le discours que vous avez prononcé à St. John’s, vous en faites mention, puis vous parlez de modèles. Les modèles fournissent un point de départ cohérent, mais il faut ensuite faire preuve d’un jugement réaliste.
M. Poloz : Tout à fait.
Le sénateur Wetston : Je suppose qu’il y a un lien entre le comportement et le jugement réaliste, mais je sais que vous réagirez à cela. J’aimerais savoir si vous avez approfondi votre réflexion. Que vouliez-vous dire? Comment croyez-vous qu’on pourrait réviser ou adapter les processus de modélisation à la lumière des bémols que vous exprimez sur les hypothèses comportementales?
M. Poloz : Je vous donnerai un premier élément de réponse, après quoi je céderai la parole à Mme Wilkins, qui est la responsable des projets de recherche de la banque.
Le fait est que les modèles, comme vous l’avez souligné, sont absolument indispensables aujourd’hui pour avoir une conversation sur la politique monétaire. Il en a toujours été ainsi, mais auparavant, les modèles n’arrivaient pas aussi bien à remplir ce rôle. Depuis 30 ans, d’énormes avancées ont été réalisées dans la modélisation, comparativement à ce qui se faisait quand je suis entré à la banque, à la fin des années 1970 ou au début des années 1980. Les modèles d’aujourd’hui sont bien supérieurs à ceux que nous utilisions à l’époque.
La première caractéristique que je soulignerai est celle que vous avez mentionnée, soit la cohérence. Quand nous utilisons un modèle, ce n’est pas un concours de prévisions et il ne doit pas porter ombrage à l’exercice du jugement personnel pour faire passer le PIB à 2,1 ou à 2,4. Les économistes débattent souvent avec verve sur des décimales, alors qu’aucun d’entre nous n’a les connaissances nécessaires pour déterminer le PIB avec exactitude à l’aide de nos modèles. Nos modèles nous permettent plutôt de veiller à ce que tous les éléments des prévisions et de la politique monétaire convergent de manière cohérente. On ne peut pas prévoir le PIB, le taux d’inflation et le taux d’intérêt indépendamment les uns des autres, ou à tout le moins on ne devrait pas le faire. Je ne devrais pas dire qu’on ne peut pas le faire, parce que beaucoup de gens le font. Or, il est important pour nous d’assurer la cohérence interne; quand nous parlons de la politique, nous devons avoir confiance que les écarts ont une signification.
Ce n’est qu’un point de départ. Nous devons ensuite exercer notre jugement, comme vous l’indiquez, parce que les données théoriques peuvent pointer vers un résultat assez différent que ce qu’on estime raisonnable, parce qu’il y a des moments dans l’histoire, comme maintenant, où nous savons que les comportements changent et divergent de la moyenne. La moyenne correspond à ce que le modèle décrit sur une période de 20 à 30 ans. Parfois, la tendance s’avère, mais parfois, les comportements changent.
Je m’arrêterai là et céderai la parole à Mme Wilkins, qui pourra nous parler un peu de notre programme de recherche en ce sens.
Mme Wilkins : Si vous en avez l’énergie, vous pouvez lire le programme de recherche au complet. Il compte beaucoup de pages; c’est un texte fascinant.
Je vous parlerai de trois choses, mais il y en a une sur laquelle nous mettons particulièrement l’accent qui est pertinente aujourd’hui, c’est-à-dire la façon dont l’aspect financier du système réagit au reste de l’économie ou interagit avec lui. Nous reconnaissons aussi, pour ce qui est des hypothèses comportementales, que la macroéconomie repose sur une multitude de personnes à la tête de petites ou de grandes entreprises. Certaines sont des emprunteurs qui doivent absorber une hypothèque sur cinq ans; d’autres sont économes et n’ont pas d’hypothèque. Certaines personnes touchent un revenu plus bas, mais plus stable que d’autres.
Cette diversité, qui n’a pas nécessairement de caractère régional, bien que les différentes régions aient leurs particularités, peut influencer beaucoup les résultats macroéconomiques. C’est difficile à modéliser, mais c’est clairement l’un de nos grands objectifs. Nous avons atteint l’un de nos objectifs récemment avec la troisième version du modèle TOTEM, notre bête de somme. Ce modèle permettra de brosser un portrait plus complet des emprunteurs et de tenir compte de quelques-unes des choses que je viens de mentionner comme le rapport prêt-valeur, la durée de l’hypothèque, l’ampleur de l’hypothèque et d’autres choses du genre. Il nous aidera à comprendre ce qui arrivera si nous relevons les taux d’intérêt, à en prévoir les conséquences en cascade sur l’économie et de déterminer si ces taux risquent d’avoir plus d’effets que par le passé. Il nous permettra également de déterminer jusqu’où et à quel rythme modifier les taux d’intérêt.
Le comportement est un autre élément important de l’équation. Le but n’est pas d’élaborer un grand modèle macroéconomique dynamique, mais plutôt de comprendre comment les gens réagissent et se forgent des attentes. Ce type de modélisation peut se fonder sur des expériences en laboratoire avec des personnes réelles. Il y a aussi d’autres questions auxquelles nous souhaitons des réponses, notamment sur l’utilisation de comptant hors du rôle de la politique monétaire. Comment la population adopte-t-elle les différentes technologies de paiement qui existent?
Nous abordons enfin la question incontournable des données volumineuses. Nous avons tendance à utiliser les données généralement utilisées par Statistique Canada et d’autres organismes, qui se composent de données quotidiennes ou hebdomadaires préparées par différentes personnes. Or, la numérisation nous offre l’occasion unique d’exploiter d’autres sources de données pour prévoir plus rapidement, en temps réel, des choses comme l’inflation, par exemple, mais pas seulement l’inflation.
Les données volumineuses sont une autre piste à exploiter pour comprendre les comportements, parce que ces données sont plus éparses, mais plus actuelles. C’est un grand investissement, qui vise à mieux nous informer afin de guider l’élaboration de nos politiques, mais également de nous fournir un regard plus éclairé sur les différentes tribunes stratégiques auxquelles nous participons, au Canada comme à l’étranger.
[Français]
Le sénateur Carignan : On parle beaucoup du taux d’endettement des ménages et de l’augmentation du prix des propriétés. En raison de l’augmentation du taux d’endettement, on constate que les jeunes familles louent leur résidence plutôt que de l’acheter sur une plus longue période. Cette tendance semble devenir de plus en plus marquée.
En ce qui concerne le taux d’endettement des ménages, existe-t-il des moyens de mesurer cet aspect dans vos modélisations?
Mme Wilkins : L’élément pertinent dans nos modélisations, c’est la source du niveau d’endettement. Est-ce qu’il s’agit d’une hypothèque ou est-ce qu’il s’agit d’une marge de crédit hypothécaire?
Le taux de location, quant à lui, représente également un aspect important dans nos modélisations macro-économiques, dans la mesure où il touche soit l’endettement, soit l’indice des prix à la consommation des biens et des services. En fait, que le prix du logement vienne du fait d’être propriétaire ou d’être locataire, il est pris en considération dans la fixation de l’indice des prix à la consommation.
[Traduction]
Le sénateur Enverga : Je vous remercie encore une fois de votre présence ici aujourd’hui. En réponse à une question du sénateur Tkachuk sur la dévaluation de notre dollar, vous avez mentionné toutes sortes d’influences. Quand sa valeur baisse, est-ce une question de confiance économique ou plutôt de commerce international? Je m’interroge sur la dépréciation du dollar. Sa valeur a d’ailleurs baissé il y a quelques jours, à partir de la semaine dernière, environ. Elle a baissé au moment même où surgissaient les problèmes touchant notre ministre des Finances.
Cela a-t-il une incidence sur la confiance du monde envers notre économie? Y a-t-il des inquiétudes en ce sens?
M. Poloz : Manifestement. Quand on analyse les fluctuations de la valeur de la monnaie à très court terme, on peut dire que sa valeur a monté aujourd’hui pour telle raison, parce que c’est la seule autre chose à laquelle on puisse penser ce jour-là, puis qu’elle a fluctué le lendemain pour telle autre raison.
Les économistes ont plutôt tendance à s’attarder aux tendances durables. Par exemple, pour revenir à la question du sénateur Tkachuk sur l’influence des prix du pétrole, il est très clair qu’on ne peut pas s’attendre à ce que les fluctuations quotidiennes ou à très court terme correspondent. C’est un processus lent. L’économie a tendance à réagir aux fluctuations des prix du pétrole un peu comme les wagons d’un train. Seuls les vastes mouvements prolongés se font sentir. C’est l’une de mes images favorites en économique. Il y a là un lien très sûr.
Comme je l’ai dit, il y a des périodes où d’autres facteurs peuvent entrer en ligne de compte. Vous avez mentionné la confiance.
Personnellement, quand je regarde en rétrospective ce qui s’est passé au cours de la dernière année, je pense à l’une des questions que nous nous posions devant l’éventualité d’une réforme fiscale aux États-Unis. Au début de l’année, on parlait beaucoup, dans les marchés, de ce que la nouvelle administration ferait. Quelles conséquences cela a-t-il eues? Le dollar américain s’est renforcé beaucoup par rapport à bien d’autres monnaies au cours de cette période, parce que tout le monde s’attendait à ce que cela renforce l’économie américaine et à ce que les taux d’intérêt suivent.
Pendant l’année, c’est finalement l’inverse qui s’est produit. Le dollar américain s’est affaibli par rapport à bien d’autres monnaies, et pas seulement le dollar canadien. Cela nous mène en juillet, environ.
Au cours de six premiers mois de l’année, toutes les monnaies du monde ont pris de la valeur en même temps, ce n’est donc clairement pas attribuable à une situation propre au Canada. Cela dépend de facteurs extérieurs. Je ne me rappelle pas des chiffres précis, mais si le dollar a augmenté de cinq cents pendant cette période, il y a peut-être la moitié de la hausse qui est attribuable à des facteurs extérieurs et l’autre moitié, à des facteurs canadiens, comme la hausse des prix du pétrole ou ce que je vous ai raconté au sujet des taux d’intérêt.
Où intervient la confiance dans tout cela? On pourrait prétendre que c’est une question de confiance. C’est possible, parce que si l’économie était aussi robuste qu’elle l’a été pendant la première moitié de l’année, les gens ont gagné en confiance, ce qui a transparu dans leurs attentes et les taux d’intérêt. Quand l’économie est faible, on peut s’attendre à ce que les taux d’intérêt baissent, et quand l’économie est forte, on peut s’attendre à l’inverse.
Quel que soit l’effet de la confiance, on peut voir les choses ainsi : cela fait partie d’un tout, de la séquence des événements qui mènent à la fluctuation du dollar.
Le sénateur Enverga : C’est donc possible?
M. Poloz : Absolument, c’est possible, mais ce genre d’explication épisodique n’est pas très utile pour un économiste. Nous cherchons plutôt des facteurs durables, et le reste varie à la hausse, à la baisse, à la hausse, à la baisse, donc nous essayons d’y voir clair au final.
Le sénateur Tkachuk : Nous verrons bien ce qui transpirera du prochain rapport, qui sera publié au printemps.
Monsieur Poloz et madame Wilkins, je vous remercie infiniment. Ce fut une heure et demie fructueuse, et c’est sur cette note que s’achève la réunion.
M. Poloz : C’était un plaisir d’être parmi vous. Merci, monsieur.
(La séance est levée.)