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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule no 38 - Témoignages du 19 avril 2018


OTTAWA, le jeudi 19 avril 2018

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd’hui, à 10 h 32, afin d’étudier les enjeux nouveaux et émergents pour les importateurs et exportateurs canadiens dans les marchés nord-américains et mondiaux.

Le sénateur Douglas Black (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Chers collègues, mesdames et messieurs, bonjour et bienvenue à ceux qui écoutent aujourd’hui les délibérations du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, qu’ils soient dans la salle ou sur le Web.

Je m’appelle Doug Black. Je suis un sénateur de l’Alberta et président du comité.

Je vais demander à mes collègues de se présenter aux témoins. Allez-y, s’il vous plaît.

Le sénateur Marwah : Sabi Marwah, de l’Ontario.

La sénatrice Ringuette : Pierrette Ringuette, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Unger : Betty Unger, de l’Alberta.

Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l’Alberta.

Le sénateur Wetston : Howard Wetston, de l’Ontario.

[Français]

Le sénateur Maltais : Ghislain Maltais, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Day : Joseph Day, de Saint John, au Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Tkachuk : David Tkachuk, de Saskatoon, en Saskatchewan.

Le président : Bien entendu, nous profitons de l’aide inestimable de notre greffière et de nos analystes, comme à l’habitude.

Aujourd’hui, notre comité poursuivra ses délibérations sur les enjeux nouveaux et émergents pour les importateurs et exportateurs canadiens sur le plan de leur compétitivité internationale. Le comité souhaite s’informer des répercussions possibles des développements sur la compétitivité des importateurs et exportateurs canadiens, ainsi que de la façon dont les importateurs et exportateurs canadiens et le gouvernement fédéral peuvent réagir à ces développements.

Je suis heureux de vous présenter les témoins qui ont été invités à parler de l’énergie dans le cadre de notre étude.

Nous accueillons Chris Bloomer, chef de la direction de l’Association canadienne de pipelines d’énergie, Tim McMillan, président et chef de la direction de l’Association canadienne des producteurs pétroliers, de même que Steve Douglas, vice-président des relations avec les investisseurs chez Suncor, membre de l’Association canadienne des producteurs pétroliers, et l’une des plus importantes sociétés énergétiques du Canada. Messieurs, merci beaucoup de vous joindre à nous aujourd’hui.

Nous aimerions commencer par écouter les observations liminaires de chacun d’entre vous. Je crois savoir, monsieur Bloomer, que vous allez commencer.

Chris Bloomer, chef de la direction, Association canadienne de pipelines d’énergie : Excellent. Je suis ravi de commencer.

Bonjour. Je m’appelle Chris Bloomer. Je suis président et chef de la direction de l’Association canadienne de pipelines d’énergie, ou ACPE. Merci de me donner l’occasion de vous parler aujourd’hui. Nos membres exploitent la principale infrastructure de pipeline canadienne qui transporte en toute sécurité 97 p. 100 du pétrole, du gaz naturel et des produits raffinés du Canada jusqu’au marché. Il est essentiel de comprendre l’incidence de notre secteur et de l’ensemble du secteur canadien de l’énergie sur l’économie, le commerce, les finances et les banques du pays.

Laissez-moi d’abord décrire l’occasion qui se présente. La richesse des ressources pétrolières et gazières du Canada fait l’envie du monde entier. Nous sommes le huitième consommateur d’énergie, le sixième producteur d’énergie et le cinquième exportateur net d’énergie au monde, et nous avons la troisième réserve prouvée de pétrole et de gaz en importance. Nous avons un potentiel énorme.

Selon Ressources naturelles Canada, notre industrie de l’énergie compte pour près de 7 p. 100 du produit intérieur brut nominal. En 2015, elle a généré 12,9 milliards de dollars de recettes pour le gouvernement. De toute évidence, le niveau de vie élevé des Canadiens est lié à la création de richesse attribuable à l’exploitation et l’exportation de nos ressources énergétiques. Voilà qui explique les propos du premier ministre l’an dernier, qui disait qu’aucun pays ne laisserait 173 milliards de barils de pétrole dans le sol. Nous étions tout à fait d’accord.

En effet, le ministre Carr a dit récemment qu’il y a environ 500 milliards de dollars d’investissements futurs potentiels dans le secteur énergétique canadien. À elle seule, l’industrie des pipelines de transport pourrait investir quelque 50 milliards de dollars dans de nouveaux projets au cours des cinq prochaines années.

En 2016, les membres de l’ACPE ont investi 7,9 milliards de dollars dans des projets d’immobilisations et ont généré 1,5 milliard de dollars en recettes fiscales gouvernementales. Les projets de production d’énergie et d’infrastructure de pipeline revêtent une importance économique nationale et jouent un rôle important dans la prospérité économique du Canada. Notre défi consiste à savoir si le secteur de l’énergie du Canada peut continuer sur cette voie à l’avenir.

À l’heure actuelle, le risque est considérable. L’investissement dans le secteur de l’énergie a pris un coup dur. En 2017, les dépenses en capital totales dans le secteur de l’énergie ont diminué de 47 p. 100 par rapport à 2014. Je crois que ce sont les chiffres de mon ami de l’Association canadienne des producteurs pétroliers.

Ce déclin est alarmant. De plus en plus d’investisseurs à l’échelle mondiale ne considèrent plus le secteur de l’énergie du Canada comme un milieu concurrentiel dans lequel investir. Le problème réside dans le fait que, de plus en plus, nos ressources énergétiques sont acheminées aux États-Unis et passent par ce territoire pour atteindre les côtes, ce qui nuit grandement à la compétitivité du Canada. Le manque d’accès à des marchés mondiaux plus vastes est devenu l’un de nos problèmes économiques les plus pressants et importants.

La production du Canada a augmenté plus rapidement que la capacité des pipelines, ce qui hausse les coûts et multiplie les rabais. Ajoutez à cela le fait que d’importants développements de pipelines ont été annulés en raison de l’incertitude politique et réglementaire et d’une féroce opposition politique.

Un rapport de la Banque Scotia publié en 2018 affirme qu’aux niveaux actuels, la capacité restreinte des pipelines nécessite des rabais qui font perdre chaque année 15,6 milliards de dollars au secteur de l’énergie. Cela représente environ trois quarts de pour cent du PIB canadien. C’est une perte de revenus qui nuit à la qualité de vie de tous les Canadiens.

En outre, examinons la décision de Kinder Morgan de suspendre toutes les dépenses et activités non essentielles dans le projet d’agrandissement du réseau Trans Mountain. Une annulation signifierait une possible perte de 7,4 milliards de dollars en dépenses de projet. Au cours des 20 prochaines années, les gouvernements fédéraux renonceraient à 46,7 milliards de dollars en impôts et en redevances, des revenus qui pourraient être utilisés judicieusement dans des infrastructures publiques comme les routes, les hôpitaux, les écoles et ainsi de suite.

Un éditorial du Globe and Mail disait récemment que l’échec de ce projet ne serait rien de moins qu’un désastre économique et constitutionnel pour le Canada. Nous croyons que c’est la raison pour laquelle une coalition galvanisée de plus de 70 industries, organisations, municipalités, syndicats et autres groupes d’intervenants de partout au pays signe collectivement une lettre ouverte au premier ministre, qui invite le gouvernement fédéral et les dirigeants provinciaux à résoudre l’impasse pour montrer au reste du monde que le Canada est ouvert aux affaires.

Les solutions qui sont actuellement proposées quant au développement des pipelines doivent être améliorées si nous voulons concilier les intérêts environnementaux légitimes et l’exploitation énergétique. Notre pays est à un carrefour historique. Nous devons avoir une vision claire de la façon dont le Canada va développer ses ressources énergétiques.

Nous soutenons que, pour rétablir un environnement sain et concurrentiel au pays, nous devons prendre des décisions à l’aide de procédés techniques, environnementaux et sociaux qui sont rigoureux, convenables, clairs et sûrs, dans le respect de la primauté du droit et de la vision énergétique du Canada.

En ce qui concerne la prise de décisions, le gouvernement fédéral a présenté le projet de loi C-69, qui vise à clarifier et à préciser la prise de décisions entourant les grands projets. Nous craignons toutefois que ce texte législatif n’atteigne pas les résultats escomptés.

L’ACPE a dit la même chose lors d’un témoignage récent devant le Comité permanent de l’environnement.

Le secteur de pipeline de transport croit fermement que la législation proposée pour l’évaluation des répercussions ne correspond pas à l’intention du gouvernement de restaurer la confiance du public et d’introduire de nouveaux processus équitables et opportuns pour l’acheminement des ressources jusqu’au marché. Tout au long du processus de consultation, nous avons préconisé une loi qui privilégie une prise de décision fondée sur des données scientifiques et factuelles, qui permettrait de faire appel à l’expertise considérable et reconnue de l’Office national de l’énergie, désormais la Régie canadienne de l’énergie.

Nous avons profité de toutes les occasions pour mettre en garde le gouvernement contre l’intégration de politiques sur les changements climatiques et d’autres politiques générales dans un processus par ailleurs très technique axé sur le transport sécuritaire et efficace de produits d’énergie. Or, le projet de loi C-69 comporte un grave déséquilibre et est axé sur des enjeux généraux de politique publique et des analyses de durabilité subjectives et intrinsèquement imprévisibles.

Le projet de loi C-69 comporte des délais plus stricts, mais selon nous, le processus proposé risquerait d’aggraver la situation par rapport à la loi actuelle en entraînant des délais plus longs et de l’incertitude. Dans sa forme actuelle, le projet de loi C-69 est un exemple concret d’une approche qui va exactement à l’encontre de son but initial — favoriser clarté et rapidité —, ce qui nuit à la compétitivité de notre secteur.

En ce qui concerne la primauté du droit, les acteurs de l’industrie considèrent que les décisions et les autorisations venant du gouvernement et des organismes de réglementation, selon les procédures prévues, devraient être maintenues et respectées. Lorsque les gouvernements décident d’autoriser le lancement d’un projet d’intérêt national, ils devraient faire valoir leurs droits juridiques et constitutionnels pour en assurer la mise en œuvre.

Le projet d’agrandissement du réseau de Trans Mountain est l’exemple parfait des difficultés que nous éprouvons au pays pour mettre en œuvre de grands projets de ressources. La situation actuelle, peu importe son dénouement, aura des répercussions à long terme. Nous en sommes malheureusement arrivés à un point où les gouvernements doivent intervenir et utiliser des mesures extraordinaires pour assurer la construction du projet, ce qui témoigne de la défaillance de nos processus.

Nous devons renverser cette situation rapidement. Nous demandons à tous les ordres de gouvernement de respecter les décisions prises par d’autres ordres de gouvernement, de collaborer et de veiller au respect de la primauté du droit, car l’omission de le faire nuit à la compétitivité du Canada.

En conclusion, la compétitivité future du Canada exige leadership et vision à long terme, et ce, dès maintenant. Auparavant, la vitalité de notre secteur de l’énergie était étroitement liée aux États-Unis, le plus important partenaire commercial du Canada et le plus grand consommateur d’énergie au monde. Cela a changé à tout jamais. Les exportations d’hydrocarbures des États-Unis ont atteint un niveau record. Les États-Unis sont devenus un fournisseur mondial d’énergie et notre plus important concurrent.

Le Canada doit prendre des mesures concrètes, faire preuve de leadership et élaborer une stratégie nationale axée sur nos intérêts énergétique et économique à long terme, en énonçant le rôle primordial des ressources énergétiques dans le bien-être économique du Canada.

La manière dont le Canada atteindra ses objectifs énergétiques à long terme ne devrait pas être une question existentielle, mais devrait refléter la réalité : le pétrole et le gaz continueront d’occuper une place importante dans le panier d’énergies du Canada et du monde pour plusieurs décennies à venir et permettront au Canada de maximiser la valeur de ses ressources énergétiques sur les marchés mondiaux. Le Canada fait preuve d’une ingéniosité sans cesse croissante en repoussant les frontières de la technologie et de la science, des éléments fondamentaux de l’innovation, de l’économie et de la transition énergétique qui contribueront au prochain chapitre de l’histoire canadienne. Toutefois, notre avenir pourrait être fondé sur le secteur des ressources énergétiques.

Merci. J’ai hâte d’entendre vos questions et de discuter avec vous.

Tim McMillan, président et chef de la direction, Association canadienne des producteurs pétroliers : Merci, monsieur le président. Votre comité entreprend une discussion d’une grande importance pour le Canada. Je pense que c’est essentiel dans le contexte d’aujourd’hui.

Je vais présenter brièvement l’Association canadienne des producteurs pétroliers. La CAPP représente le secteur pétrolier et gazier en amont du Canada, c’est-à-dire des sociétés spécialisées dans le forage, la construction de plateformes pour l’Est du Canada et l’exploitation des champs de gaz en Colombie-Britannique. Nous avons des membres partout au pays.

Nos membres produisent 80 p. 100 du pétrole brut et du gaz naturel produits au Canada, et les questions que vous posez sont étroitement liées à notre mandat. L’ACPP a pour mission d’améliorer la viabilité économique du secteur canadien du pétrole en amont, en toute sécurité, dans le respect de l’environnement et de façon socialement responsable.

Si je souligne cet aspect, monsieur le président, c’est parce que les gens ont trop souvent tendance à croire que les questions liées à la sécurité et à l’environnement sont incompatibles avec la compétitivité. Je suis profondément convaincu que ce n’est pas le cas, et c’est ce que j’ai pu constater dans ma carrière. Nous pouvons avoir des processus réglementaires efficaces tout en assurant une exploitation sûre et responsable du point de vue environnemental. Souvent, dans les faits, cela accroît la compétitivité d’une entreprise. Ce qui est réellement nuisible, non seulement pour l’industrie, mais aussi pour l’ensemble du pays, à mon avis, c’est le laxisme et l’inefficacité.

On entend parfois dire que notre secteur appartient au passé. Je tiens à dire d’entrée de jeu que cela ne correspond pas à la réalité. L’Agence internationale de l’énergie a récemment publié ce qu’elle appelle un scénario des nouvelles politiques dans ses Perspectives énergétiques mondiales pour l’horizon 2040. Dans ce document, on examine la demande en énergie prévue pour les 25 prochaines années, dans le contexte des engagements des pays en matière de changements climatiques, c’est-à-dire les politiques en place, les politiques qui ont fait l’objet de discussions dans divers pays et celles qui n’ont même pas été envisagées, les politiques qui n’ont même pas été envisagées, mais que les pays devraient mettre en œuvre pour atteindre les objectifs. Dans ce qui est un scénario plutôt conservateur, on observe tout de même une hausse marquée de la demande en pétrole et en gaz naturel, deux sources d’énergie qui demeurent, en fin de compte, les deux plus importantes sources d’énergie à l’échelle mondiale, représentant à elles seules un apport plus important que toutes les autres sources combinées : charbon, énergie nucléaire, hydroélectricité, énergies éolienne et solaire, biomasse.

Voilà pour les perspectives d’avenir. L’Inde et la Chine représentent 60 p. 100 de la croissance. Le Canada a l’occasion de se présenter comme un fournisseur de choix, un pays capable d’offrir des solutions. Nous investissons dans des technologies afin que notre production soit la plus propre et la plus responsable au monde.

Si le Canada n’investit pas dans ce marché, la production provenant de pays comme l’Irak, l’Iran, l’Arabie saoudite, le Nigeria, le Venezuela et les pays de l’ancienne Union soviétique continuera d’augmenter. De nos jours, l’approvisionnement dépend de plus en plus de ces pays. Le Canada a l’occasion de se tailler une place, s’il parvient à régler les enjeux liés à la compétitivité et à l’accès aux marchés.

Comme M. Bloomer l’a mentionné, le Canada est perdant à ce chapitre. En 2014, nous investissions 80 milliards de dollars dans l’économie canadienne. La chute des cours du pétrole et du gaz a entraîné un recul à l’échelle mondiale, y compris au Canada. Le problème, c’est que ce recul se poursuit au Canada. Même cette année, les investissements au Canada ont diminué par rapport à l’an dernier, alors qu’on observe une augmentation à l’échelle mondiale. Aux États-Unis, les investissements en 2018 ont augmenté de 37 p. 100 par rapport à 2017. De notre côté, les investissements sont en baisse de 47 p. 100 par rapport à 2014, et continuent de baisser.

À mon avis, cette situation devrait préoccuper tous les Canadiens, étant donné que l’exportation d’énergie vient au premier rang des exportations du pays, que nous avons un seul client important pour ces exportations, les États-Unis, et que nous avons là une excellente occasion à saisir. Nous avons la troisième réserve de pétrole brut en importance au monde, une main-d’œuvre qualifiée et expérimentée et des technologies de pointe. Nous avons beaucoup d’atouts.

Passons au gaz naturel, pour lequel la demande est en croissance à l’échelle mondiale. Nous avons une réserve de 300 ans, et ce, sans tenir compte des progrès technologiques par rapport à la technologie d’aujourd’hui. Cependant, comme nous le constatons, la technologie accroît notre capacité d’exploiter ces ressources de façon responsable.

Nous entendons parler des enjeux divers qui nous empêchent actuellement d’attirer du capital, à renforcer notre économie et à devenir un fournisseur de choix à l’échelle mondiale. Je vais en nommer quelques-uns, mais je suis certain que nous en discuterons de façon plus détaillée pendant les séries de questions.

Mon collègue a mentionné le problème de l’accès aux marchés. Il s’agit d’un aspect fondamental de la compétitivité du Canada. Avoir un seul client nous rend vulnérables, surtout dans le contexte de l’imposition, dans la dernière année, d’une taxe d’ajustement à la frontière par les États-Unis. Nous nous sommes mobilisés et nous semblons avoir surmonté ce problème. Nous participons actuellement à la renégociation de l’ALENA.

Grâce à la technologie, que nous utilisons fréquemment et que nous avons en partie mise au point nous-mêmes, notre client américain vend sa production de gaz au Canada. Dans les marchés de l’Ontario et du Québec, la part de marché des fournisseurs de gaz naturel canadiens, autrefois de 100 p. 100, est maintenant de 50 p. 100; le reste provient des États-Unis.

En ce qui a trait au pétrole, les États-Unis ont adopté une loi pour en autoriser l’exportation, ce qui était interdit depuis l’administration Nixon. On constate aujourd’hui que les États-Unis achètent le pétrole canadien à prix extrêmement réduit et exportent la production américaine dans les marchés où les cours sont les plus élevés, ce qui est désavantageux pour le Canada.

À l’échelle internationale, le Canada a maintenant la réputation d’être un pays qui ne parvient pas à faire avancer les choses. Dans mes rencontres avec les représentants de certains membres — des entreprises étrangères et d’autres — qui songent à investir au Canada, on me dit que le Canada ne parvient pas à réaliser des projets.

Vous avez annulé le projet Northern Gateway même s’il était approuvé. Le projet Énergie Est a été annulé, sans même faire l’objet du processus réglementaire. Le projet d’aménagement d’une installation de GNL dans la région du nord-ouest du Pacifique, GNL Aurora, a été annulé et n’a pu être mis en œuvre. Cela pose problème, car l’affaiblissement de la réputation du pays ne touche pas seulement le secteur de l’énergie. Le projet Trans Mountain de Kinder Morgan représente une occasion de prouver au monde que le Canada peut réaliser des projets. J’ajoute que je suis très encouragé par les efforts des élus, par les Canadiens qui se manifestent et qui expriment leur désir de voir le projet être approuvé et mis en œuvre rapidement. J’espère que tous les Canadiens sont de cet avis.

Notre compétitivité est notamment mise à mal par les coûts des mesures de lutte contre les changements climatiques. Encore une fois, le Canada peut avoir une politique très responsable, mais il doit agir de façon réfléchie. Aucun des 10 autres principaux producteurs de pétrole et de gaz au monde ne s’est tourné résolument vers l’adoption d’une politique sur le carbone, mais cela n’empêche pas nécessairement le Canada de le faire. Permettez-moi d’utiliser l’exemple du méthane. Nous avons établi un partenariat avec les États-Unis dans l’optique d’une réduction de 45 p. 100 des émissions de méthane, car nous considérions qu’un partenariat nous permettrait de fixer une cible plus ambitieuse. Les États-Unis se sont retirés et le Canada a décidé de faire cavalier seul. Notre industrie pourrait apporter les changements nécessaires, si nous choisissions cette option, mais cela aurait un coût. Selon les chiffres du gouvernement fédéral publiés dans la Gazette du Canada dans le cadre du processus de modification de la réglementation, les coûts pour l’industrie pourraient s’élever à 3,3 milliards de dollars, une somme que n’auraient pas à assumer nos concurrents qui suivent les projets d’immobilisations.

Après avoir étudié cette évaluation, que nous jugeons plutôt conservatrice, nous considérons que ces coûts seraient probablement plus élevés. Comment pourrions-nous jouer un rôle positif? Que pourrait faire notre industrie? Nous sommes d’avis que nous pourrions y parvenir, de la façon la plus efficace, au coût de 700 millions de dollars, ce qui est tout de même un montant important. Cela entraînerait la perte d’environ 7 000 emplois, mais nous pourrions le faire de façon plus efficace en obtenant des réductions plus importantes dans les secteurs les plus rentables. C’est dans cette optique que les Canadiens devraient examiner les problèmes. La question est de savoir comment nous pouvons devenir des chefs de file, de la façon la plus rentable, si d’autres ne suivent pas notre exemple.

Le président : Pouvez-vous conclure, s’il vous plaît?

M. McMillan : Certainement. Le dernier aspect dont je veux parler est la politique fiscale. Les modifications relatives aux déductions pour amortissement apportées par les États-Unis nuiront aux grands investissements de capitaux au Canada. Nous demandons notamment aux élus de se pencher attentivement sur la baisse du taux d’imposition des sociétés, qui est maintenant inférieur à celui du Canada. Il s’agit d’une importante préoccupation pour nos membres et pour l’industrie. C’est avec plaisir que je répondrai à vos questions. Merci beaucoup.

Steve Douglas, vice-président, Relations avec les investisseurs, Suncor : Bonjour à vous tous, membres du comité et invités. Je m’appelle Steve Douglas, et je suis vice-président des Relations avec les investisseurs chez Suncor. Je tiens à dire que l’étude sur la compétitivité entreprise par le comité est d’une importance capitale pour tous les Canadiens, et qu’elle arrive à point nommé parce que les décisions qui seront prises maintenant par le gouvernement fédéral auront une incidence sur la compétitivité et la prospérité du pays pour de nombreuses années. Dans le cadre de mes fonctions, je constate que des décisions qui n’ont pas encore été prises et qui se font attendre ont déjà une incidence sur le mouvement des capitaux. Je suis donc très heureux d’avoir l’occasion de vous parler aujourd’hui.

Mon exposé comportera trois volets. J’aimerais vous donner un aperçu de Suncor et des mesures que nous prenons sur le plan de la compétitivité, présenter nos préoccupations à l’égard de la compétitivité du Canada, en particulier dans le secteur des ressources et offrir des pistes de solution que vous pourriez examiner.

Je tiens d’abord à mentionner que depuis que nous avons reçu l’invitation à comparaître au comité, notre PDG, Steve Williams, et d’autres PDG de l’industrie ont eu l’occasion de rencontrer le premier ministre et le ministre Carr, à Fort McMurray, pour discuter de l’important équilibre entre la compétitivité et le rôle de chef de file du Canada sur le plan de l’environnement. Bien qu’il reste beaucoup de travail à faire, nous avons été encouragés par ces discussions et nous considérons que nous avons maintenant l’occasion de poursuivre ce dialogue.

Suncor est la plus importante société énergétique intégrée du Canada. Nous employons des milliers de Canadiens d’un océan à l’autre et nous travaillons en étroite collaboration avec les collectivités autochtones. Les activités de Suncor comprennent notamment l’exploitation des sables pétrolifères dans le Nord de l’Alberta et la production pétrolière classique sur la côte Est et dans la mer du Nord. Nous produisons environ 700 000 barils de pétrole par jour. Nous exportons environ la moitié de la production, en grande majorité vers le sud, aux États-Unis, d’où notre grand intérêt à l’égard de la compétitivité du Canada. Nous sommes propriétaires et exploitants de quatre raffineries, situées à Edmonton, Sarnia, Montréal et Denver, au Colorado. Nous avons des activités dans le secteur des énergies renouvelables, notamment huit parcs éoliens répartis partout au pays. Nous exploitons en outre la plus importante usine de biocarburants au pays.

Beaucoup nous considèrent comme la « station-service des gens d’ici »; nous exploitons en effet plus de 1 500 stations-service Petro Canada. Il y a 50 ans, nous avons été des pionniers de l’exploitation des sables pétrolifères dans le Nord de l’Alberta. Le premier défi était la séparation du pétrole et du sable, puis il y a eu celui de la commercialisation du procédé. De nos jours, le défi consiste à réduire l’intensité des émissions de carbone liées à ce pétrole pour faire du pétrole extrait des sables pétrolifères un produit compétitif sur les plans des coûts et des émissions de carbone sur la scène internationale, et ce, pendant des décennies.

J’aimerais maintenant traiter des mesures que nous prenons pour améliorer notre compétitivité. Notre stratégie est axée sur la gestion du capital, l’excellence opérationnelle et la croissance rentable. Ces dernières années, nous avons consolidé divers actifs dans les sables pétrolifères du Canada. Nous avons régulièrement réduit les coûts dans l’ensemble de l’entreprise et accéléré les investissements dans la technologie et l’innovation. Nous avons augmenté la production à notre site de Fort Hills. La mesure du rendement d’un baril de pétrole de Fort Hills basée sur la teneur en carbone durant la totalité du cycle de vie équivaut à celle d’un baril de pétrole moyen consommé aux États-Unis aujourd’hui. Nous avons des relations de longue date avec les collectivités autochtones, et nous avons récemment établi un partenariat avec la Première Nation de Fort McKay et la Première Nation crie Mikisew pour le parc de stockage Est, un projet de 500 millions de dollars, ce qui en fait le plus important investissement de capitaux par des collectivités des Premières Nations de l’histoire du Canada.

Nous appuyons les politiques provinciales et nationales de tarification du carbone qui soutiennent notre leadership sur le plan environnemental tous en protégeant la compétitivité de l’industrie. Nous prenons une part active à ces changements et nous faisons des investissements. Nous sommes des meneurs et notre réussite dépend à bien des égards de la réussite du Canada. J’aimerais maintenant parler de la question de la compétitivité du Canada.

Plutôt que d’utiliser le peu de temps que j’ai pour vous expliquer où je nous vois dans tout cela, je vais faire référence au rapport annuel du Forum économique mondial sur la compétitivité. Comme vous le savez probablement, le Canada s’est classé 14e sur 137 pays, ce qui n’est pas mal, sauf que notre voisin du Sud, qui est notre plus gros concurrent et notre plus gros client, s’est classé au second rang. Manifestement, il y a là une occasion à saisir assortie d’une obligation. Nous devons devenir meilleurs. Selon le Forum économique mondial, les choses qui nuisent le plus à la conduite des affaires au Canada sont la bureaucratie gouvernementale, l’absence d’innovation, les règles fiscales et l’instabilité des politiques. Pour résumer, disons que nous sommes en face d’une chance énorme de changer nos façons de faire.

Permettez-moi maintenant de vous brosser un portrait des répercussions que les problèmes de compétitivité du Canada ont sur notre industrie. Nous arrivons à la fin d’une période de croissance et de grands projets. Présentement, dans une vaste mesure, les investissements ne servent qu’à assurer le maintien en service de nos usines. Au cours des trois dernières années, les investissements étrangers directs ont diminué de 47 p. 100, c’est-à-dire de 43 milliards de dollars. Nous avons constaté que les mégacompagnies du domaine de l’énergie ont retiré une bonne partie de leurs billes. Elles ont diminué et parfois même liquidé leurs investissements au Canada; les capitaux étrangers recherchent les États où les risques sont les plus faibles et les rendements sont les plus élevés.

Les entreprises canadiennes ont aussi diminué leurs investissements au Canada. De plus en plus, les capitaux canadiens sont déployés ailleurs ou rendus aux actionnaires. Nous sommes une entreprise canadienne. Nous avons un certain nombre de projets qui sont à différents stades d’approbation. Nous aimerions réaliser plus de projets ici, mais nous avons l’obligation envers nos actionnaires de faire croître leurs actifs et de protéger leurs intérêts. Plus de 50 p. 100 de nos actionnaires sont des Canadiens, et tous les principaux régimes de pension publics du Canada sont du nombre. Dans le cadre de mes fonctions, je passe beaucoup de temps à discuter avec de grands investisseurs institutionnels de partout dans le monde, et ce que j’entends n’a rien de réjouissant. Ici, au Canada, les régimes de pension cherchent à diminuer leur exposition à l’égard des titres canadiens. Ils ne cessent d’augmenter le poids des investissements à l’étranger dans leur portefeuille. Sur le plan international, les investisseurs réitèrent de façon uniforme leurs réserves quant à la complexité et l’incertitude entourant l’obtention des permissions nécessaires à la mise en œuvre de grands projets d’infrastructure dans le domaine de l’énergie.

Enfin, l’amélioration de la compétitivité et la réussite de l’industrie par l’intermédiaire d’une innovation continue et approfondie sont empêchées dans une large mesure par la hausse continuelle des coûts associés aux nouvelles règles.

Le Canada doit être un leader tant sur le plan économique que sur le plan environnemental. Permettez-moi de vous faire part de certaines réflexions quant à la façon d’améliorer la compétitivité canadienne.

Premièrement, nous devons adopter une approche réfléchie, holistique et à long terme en matière de réglementation. Nous nous considérons comme un leader en matière d’environnement, sauf que nous constatons que le rythme, l’ampleur et la portée sans précédent des changements réglementaires en matière d’environnement nuisent à notre compétitivité. Nous reconnaissons le besoin d’aborder les préoccupations environnementales, y compris les changements climatiques, et nous savons à quel point il est important que le Canada fasse sa part. Nous sommes par ailleurs déterminés à faire la nôtre.

Nous pensons également qu’il est absolument essentiel pour l’avenir du Canada de veiller à ce que le programme législatif fédéral soit déployé avec beaucoup de soin et de circonspection. Cela signifie qu’il devra y avoir une consultation sérieuse avec l’industrie afin d’assurer que la politique environnementale sera mise en œuvre de la meilleure façon possible pour garantir le maintien de notre compétitivité.

En tant qu’entreprise évoluant dans une industrie émettrice et propice aux échanges, nous soutenons le recours à la tarification du carbone à grande échelle comme mécanisme susceptible de donner les résultats souhaités, à condition que cette tarification soit compensée par un allégement réglementaire et fiscal, et qu’elle tienne compte des pressions de la concurrence en provenance d’autres États où ces coûts ne s’appliquent pas. Nous continuerons d’être des meneurs au Canada, mais notre leadership doit s’exercer en gardant un œil sur l’environnement et un autre sur l’économie.

Toute nouvelle réglementation devrait rechercher l’équilibre optimal entre l’amélioration de la performance environnementale et le maintien ou l’amélioration de la compétitivité. Nous devons faire progresser notre économie avec la même diligence que celle que nous consacrons à la protection de l’environnement.

Le Canada devrait tenir compte des coûts globaux de l’industrie et s’engager à faire en sorte que le coût net de la réglementation soit neutre, c’est-à-dire de veiller à ce que toute augmentation des coûts dans un secteur soit compensée par une réduction équivalente des coûts dans un autre secteur.

Il est essentiel que le gouvernement fédéral continue d’envoyer des signaux très forts, tant aux investisseurs d’ici qu’à ceux de l’étranger, afin de les informer que notre fédération fonctionne comme elle a été conçue pour le faire. J’entends par là qu’il faut donner l’assurance à la communauté internationale que les grands projets d’infrastructure énergétique qui passent par un processus environnemental rigoureux et qui reçoivent l’approbation du gouvernement fédéral se dérouleront dans des délais prévisibles et selon un processus bien compris.

Enfin, nous pensons qu’il est important que les politiques gouvernementales tiennent compte du rôle primordial de l’innovation dans l’industrie pétrolière et gazière. Cela comprend les progrès qui ont été réalisés ces dernières années pour améliorer notre performance sur le plan environnemental, pour réduire l’intensité des émissions de GES ainsi que pour faire une plus grande place à l’automatisation et à la numérisation. L’industrie pétrolière et gazière est une industrie novatrice, et nous sommes déterminés non seulement à soutenir la transition à une économie sobre en carbone, mais aussi à la diriger. Nous croyons qu’il est important que les politiques gouvernementales reconnaissent que le secteur pétrolier et gazier du Canada constitue un élément clé de la solution à l’égard du carbone et qu’il est un joueur déterminant pour la prospérité future du pays. Merci. J’ai bien hâte d’entendre vos réactions.

Le président : Merci beaucoup à M. Douglas et à nos autres témoins. C’était un exposé riche en contenu comme nous les aimons.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci de vos exposés. Je ne fais pas cela habituellement, mais je vais mettre une partie de ce qui se passe dans notre pays directement sur le dos des producteurs pétroliers et sur ceux d’entre vous qui ne semblent pas comprendre que le gouvernement a clairement affirmé qu’il entendait sevrer les Canadiens de leur dépendance à l’égard des carburants fossiles.

Permettez-moi de vous poser la question : où croyiez-vous que nous allions? Lorsque j’en ai entendu parler, je savais qu’Énergie Est n’avait aucune chance de réussir. En fait, je crois qu’aucun des pipelines envisagés au Canada n’a beaucoup de chance d’être réalisé.

Ma question est la suivante : comment pouvez-vous travailler de cette façon avec le gouvernement? Que faites-vous? Au demeurant, Suncor jouit d’une position assez enviable, ce qui, je crois, est une bonne chose, mais je ne comprends pas que vous puissiez dire que vous avez rencontré le ministre des Finances et que votre entretien s’est très bien passé. Comment composez-vous avec cela? Comment travaillez-vous avec ces gens?

M. Douglas : Je crois que nous avons entendu le gouvernement parler à maintes reprises de l’importance de maintenir l’équilibre entre l’économie et l’environnement. Il a parlé de notre industrie comme étant un moteur de l’activité économique. Cette reconnaissance est bien réelle. Ce que je soulignerais, c’est que nous devons mettre la pédale douce sur les excuses et cesser de parler de faire l’équilibre entre l’économie et l’environnement. Nous souscrivons à une combinaison optimale où l’économie et l’environnement seraient complémentaires.

Nous avons l’un des régimes les plus progressistes qui soient en matière de gaz à effet de serre. Nous contribuons à l’instauration de collectivités dynamiques et de milieux de vie sains. Nous développons les ressources du Canada de façon responsable sur le plan social et environnemental. Je crois que c’est quelque chose dont nous devrions être fiers et que nous devrions promouvoir.

M. McMillan : À l’Association canadienne des producteurs pétroliers, l’une des choses que nous avons menées à bien a été de faire paraître le rapport économique que nous avons démarré cette année; le deuxième de cette série examine la situation dans un contexte mondial. Si l’on tient compte des prévisions de tout le monde, quelle est la vraie demande énergétique de la planète? La demande en pétrole et en gaz augmente de façon spectaculaire. Est-ce parce que l’énergie permet aux gens de mieux manger et d’avoir une meilleure qualité de vie? Notre raison d’être dans tout cela, c’est de veiller à ce que les décisions stratégiques qui seront prises au Canada nous permettent d’avoir une place dans ce bouquet énergétique mondial. Nous voulons être en mesure d’apporter des solutions positives pour contribuer à ce bouquet énergétique mondial, sauf que les décisions à ce sujet doivent se fonder sur la réalité du monde.

M. Bloomer : Merci pour cette question. Manifestement, il y a un problème. Nous avons confiance dans le système, nous avons confiance dans les processus, nous respectons les exigences. Dites-nous ce que nous devons faire et nous allons le faire de la meilleure façon qui soit.

Le problème, surtout avec les pipelines, c’est que l’on nous arrache le tapis de sous les pieds. De nouvelles considérations se sont ajoutées, alors nous avons travaillé avec le gouvernement en faisant confiance au système, en faisant confiance à l’approbation de la loi et aux processus, et voilà où nous en sommes. Ces processus sont déficients et ils ne fonctionnent pas. Nous croyons que ce que l’avenir nous réserve, ce sont des politiques et des processus qui seront probablement pires que ceux de maintenant.

Nous avons essayé de travailler avec le gouvernement — je pense au projet de loi C-69 —, en lui faisant part de nos suggestions, réactions et commentaires pendant près de deux ans. Nous avons participé à des groupes d’experts, et nous leur avons donné notre avis sur ce que le gouvernement devrait faire. Ce qui nous a été renvoyé, c’est le projet de loi C-69, qui était tout à fait le contraire de ce que nous avions défendu. Alors, nous nous sommes engagés sur la base de la foi et de la confiance que nous avions dans le système et cela s’est soldé par un échec. Nous avons coopéré.

La sénatrice Stewart Olsen : J’aimerais savoir ce que vous pensez de l’idée selon laquelle les contribuables assumeraient tous les risques associés au développement des ressources pétrolières dans notre pays, et sur la possibilité que certaines compagnies soient préférées à d’autres. Que se passe-t-il à cet égard? J’aimerais connaître votre position là-dessus, car je ne suis pas convaincue qu’elle soit défendable.

M. McMillan : Je serai heureux de vous donner mon point de vue à cet égard. Votre question a trait à la façon dont nous sommes arrivés à avoir le feu vert pour Kinder Morgan. Personne au Canada n’est heureux de la situation dans laquelle nous sommes à l’heure actuelle. La réalité, c’est que, comme ils l’ont fait dans le passé, les gouvernements continuent d’accorder des fonds à des projets qui, autrement, ne seraient pas suffisamment rentables pour créer des emplois.

Ce n’est pas le cas pour Kinder Morgan. Il s’agit d’un projet qui est économiquement viable, un projet qui permettra de créer un lien entre les ressources considérables du Canada et les marchés mondiaux. La seule raison pour laquelle c’est devenu un tel problème, c’est l’entêtement politique et l’action politique émanant de la Colombie-Britannique. Je crois que ce projet est trop important pour qu’il échoue et que l’adoption de mesures législatives fédérales aptes à confirmer de façon inattaquable la certitude réglementaire est un élément de la solution. Je laisserai aux gouvernements provinciaux le soin de discuter avec le gouvernement fédéral afin de cerner le modèle qui pourra leur fournir les autres garanties qu’il leur faut pour régler l’impasse.

M. Bloomer : Nous ne devrions pas être placés dans cette position. Nous ne devrions pas être ici. Ce n’est pas une bonne chose lorsque les gouvernements sont obligés d’intervenir dans des arrangements commerciaux qui se sont prêtés à divers processus. Cela donnera lieu à des conséquences indésirables pour l’Alberta et le gouvernement fédéral. Nous ne devrions pas être ici. Quel que soit le résultat, cette conjoncture va projeter une ombre des plus opaques sur la façon dont les choses vont se dérouler à l’avenir, ce qui est problématique.

La sénatrice Ringuette : Merci de votre contribution. L’un des éléments clés que vous avez mentionnés tous les trois était le processus d’évaluation et la réglementation du projet, et l’incidence que cela pourrait avoir sur votre compétitivité.

Si je regarde la situation de Kinder Morgan, je constate qu’il s’agit d’un problème concernant le passage d’un pipeline entre deux provinces. Dans cette optique, comment la Russie a-t-elle réussi sur le plan de l’évaluation à faire passer de nombreux pipelines à travers l’Union européenne? Nous pourrions peut-être essayer de trouver comment elle y est arrivée. Avez-vous des informations à ce sujet?

M. Douglas : Une chose que je voudrais dire — mais cela ne concerne pas la construction des pipelines russes —, c’est qu’il est important que nous ayons des normes réglementaires de classe mondiale. En faisant le tour du monde et en discutant avec les investisseurs, j’ai constaté qu’ils sont très rassurés lorsque je leur parle des normes environnementales et réglementaires très strictes que nous avons. Ces normes ne sont pas nouvelles. Nous les avons depuis fort longtemps.

Dans une étude effectuée en 2014, la firme d’ingénierie australienne Worley Parsons a examiné 75 bassins de ressources du monde entier. Elle en a retenu 10 et les a analysés en fonction de leur rigueur, de leur transparence et de leur conformité. Or, savez-vous ce qu’elle a constaté? Le Canada s’est classé deuxième pour la rigueur de son système de réglementation, tout juste derrière l’État du Queensland, en Australie, qui s’est classé premier sur le plan de la transparence et de la conformité, et premier au classement général. Ce sont des choses qui impressionnent les investisseurs. Nous devrions être fiers de cela.

Cependant, les investisseurs ne manquent toutefois pas de me rappeler d’autres enquêtes, comme celle de la Banque mondiale, qui nous a classés au 34rang parmi 35 pays de l’OCDE au chapitre de la rapidité avec laquelle sont accordés les permis de construction pour des projets. Je crois que nous en sommes à 47 semaines derrière les États-Unis.

Ce qu’il nous faut, c’est un système de réglementation de calibre mondial sur lequel nous pouvons compter, mais pour être concurrentiel, il faut aussi qu’il soit prévisible, fiable et assorti d’échéances.

La sénatrice Wallin : Hier, Kinder Morgan a fait le point sur ses finances afin de discuter de l’état des choses. Le président-directeur général a affirmé que, malgré les promesses faites par Ottawa et l’Alberta de fournir un filet de sûreté pour le projet d’expansion, ledit projet faisait maintenant face à — ce sont ses mots — « un risque incalculable en raison de l’opposition accrue de la Colombie-Britannique ».

Je crois qu'ils sont d’accord. Ils ne veulent pas vraiment l’argent, alors permettez-moi de vous poser la question autrement : croyez-vous que le projet sera réalisé un jour?

M. McMillan : Oui, je le crois sans réserve. Je pense qu’il le sera. Le projet est trop important pour le Canada pour qu’il échoue. Cette conjoncture qui fait que le gouvernement de la Colombie-Britannique est soutenu par le Parti vert, qui détient la balance du pouvoir avec seulement trois députés, est problématique, cela ne fait aucun doute. Ce projet est un bon projet. Il s’est prêté au processus d’examen réglementaire, ici, au Canada, et il est solide. Le week-end dernier, le gouvernement fédéral s’est engagé à élaborer un plan d’action. Nous surveillons de très près les mesures législatives qu’il s’est engagé à proposer pour clarifier les problèmes d’ordre juridique. Je suis convaincu que ce projet sera réalisé.

La sénatrice Wallin : Croyez-vous que cela nécessitera l’échec d’un gouvernement minoritaire qui est maintenu en place par un autre parti? Faudra-t-il passer par là? Je ne crois pas qu’ils vont changer d’avis, mais il se peut que quelque chose d’autre se produise sur le plan politique.

M. McMillan : Je ne suis pas de cet avis. Je pense qu’au Canada la loi est très claire lorsqu’il s’agit de pipelines de cette nature : c’est le gouvernement fédéral qui a la priorité.

M. Bloomer : Je suis aussi d’avis que le pipeline sera construit. La question, c’est de voir comment cela va se faire, ce qui sera mis en place et ce à quoi le Canada devra recourir pour réaliser la quadrature du cercle. C’est problématique. Le projet sera réalisé, mais il s’agit de voir comment.

La sénatrice Wallin : Croyez-vous qu’il sera réalisé selon les dispositions du régime actuel, sous le présent gouvernement, ou croyez-vous plutôt que cela pourrait encore prendre un certain temps?

M. Bloomer : Je ne prétends pas savoir ce qui se passe dans la salle de réunion de cette entreprise, mais comme je travaille dans ce domaine, je peux supposer des choses. Kinder Morgan a clairement indiqué qu’elle n’était pas prête à prendre ce risque. Ce que je dis, c’est qu’il va falloir que quelque chose d’autre arrive pour débloquer l’impasse. Que ce soit de la part de l’entreprise ou de l’État, la problématique se trouve dans la façon dont tout cela va tomber en place. Cela ne veut pas nécessairement dire qu’un gouvernement va y passer. Je ne le sais pas.

La sénatrice Wallin : J’essaie de comprendre ce à quoi vous pensez. Dans le climat actuel, nous savons tous ce que le premier ministre a affirmé publiquement. Nous savons aussi ce qu’il a dit devant l’Assemblée nationale française, à savoir que nous étions désolés de ne pas avoir stoppé tout cela plus tôt. J’essaie de comprendre d’où vient cet optimisme à outrance.

M. Bloomer : Ce problème est permanent, mais je crois que le gouvernement comprend que si ce projet ne va pas de l’avant et n’est pas réalisé, la situation sera très problématique pour lui, et ce sera le cas.

La sénatrice Wallin : Monsieur Douglas, je veux dire, Suncor a déjà pris des décisions difficiles en déclarant : « Nous n’allons pas entreprendre ce projet en raison du prix et du climat politique. »

Qu’en pensez-vous?

M. Douglas : Nous pensons que le pipeline sera construit, mais il reste à savoir quand. Je crois que le projet jouit d’un vaste appui. J’estime que les objections sont soulevées par une minorité plutôt qu’une majorité. Toutefois, nous gérons les activités de notre entreprise de manière à ce que nous ne dépendions pas d’un seul pipeline. Mais nous croyons qu’il sera construit, et nous appuyons certainement sa construction.

La sénatrice Wallin : Je souhaite soulever la question parce que, selon moi, elle est importante, et c’était, en un sens, l’argument que la sénatrice Stewart Olsen faisait valoir, à savoir que nous savons tous d’où provient le pétrole sale, par opposition à celui qui est produit en Alberta.

Est-il judicieux pour vous de faire valoir cet argument plus bruyamment en ce moment?

M. McMillan : En ce qui concerne la qualité du produit canadien, je pense que ça l’est, et nous devons parler constamment de la position que nous occupons à l’échelle internationale. Je pense que le débat que nous menons aujourd’hui nous force à avoir une discussion à propos de l’un des pipelines du Canada, une discussion que nous n’aurions pas eue autrement. Mais, pour ce qui est des problèmes plus généraux, la moitié du pétrole en Ontario et au Québec vient en partie des États-Unis et d’outre-mer, notamment de l’Arabie saoudite et d’autres régimes qui ne mettent pas en œuvre des normes environnementales ou politiques.

Lorsque nous parlions du projet Énergie Est, j’aurais aimé que les Canadiens prennent la parole et déclarent : « Nous tenons à avoir accès en priorité à des produits canadiens, fabriqués d’une façon canadienne, pour alimenter notre réservoir d’essence. » Malheureusement, cela n’a pas été le cas. Pourrait-il y avoir une autre occasion dans les années à venir? Peut-être. Je pense que des discussions comme celle que nous avons aujourd’hui revêtent une grande importance, et j’aimerais voir les Canadiens exiger que leurs produits viennent du Canada.

M. Bloomer : En principe, le débat que nous menons en ce moment et que nous avons mené depuis assez longtemps est lié aux sables bitumineux et à l’acheminement du bitume sur les marchés. Ces enjeux sont un énorme catalyseur.

Je crois que nous avons maintenant l’occasion de regarder plus loin, car les sables bitumineux seront une réalité et produiront du pétrole pendant longtemps. Mais, dans le bassin occidental, il y a toujours la prochaine étape et la prochaine technologie. Cette prochaine étape et cette prochaine technologie sont le pétrole léger des gisements de Montney, de Duvernay et de Deep Basin. Ces ressources sont fabuleuses. Elles comprendront du pétrole léger, du gaz naturel, des liquides de gaz naturel, et cetera. Le prochain stade de développement majeur consistera à maintenir les investissements de capitaux dans les sables bitumineux. Toutefois, le véritable capital de risque, la véritable exploration et la véritable mise en valeur de nouvelles ressources seront liés à ces bassins profonds et à cette suite de produits.

Cette conversation sera différente. Il s’agit là d’un risque futur et, par conséquent, nous devrons avoir une discussion qui traitera de la façon dont nous mettrons en valeur ces ressources dans les années à venir. Nous aurons besoin de la présente infrastructure pour entreprendre ce projet, mais la suite de produits de base sera différente.

Cette industrie ne cesse d’évoluer, mais nous devons surveiller ce que l’avenir nous réserve.

Le sénateur Tannas : Je vous remercie de votre présence. L’autre jour, j’ai entendu la chef du Parti vert dire quelque chose que je n’avais jamais entendu auparavant, et je me demande si c’est le début d’un nouveau discours simpliste et peut-être illusoire. Vous pourriez peut-être nous aider à démêler cela. Cela concerne le raffinage au Canada. Le transport de pétrole brut par voie maritime effraie tous les habitants de la Colombie-Britannique, et nous le comprenons. Toutefois, selon le Parti vert, le transport de produits raffinés par voie maritime est une meilleure affaire. Franchement, je crois que, pour bon nombre de Canadiens, il est sensé de se demander pourquoi nous ne raffinons pas le pétrole avant de le vendre. Au lieu de vendre du pétrole brut, vendons, entre autres, du carburéacteur et du diesel, et regardons ces produits quitter nos côtes après avoir tiré parti d’une valeur ajoutée de 20 p. 100.

Pouvez-vous nous donner, à nous et aux Canadiens, un bref exposé des raisons pour lesquelles le raffinage n’est pas sensé?

M. Douglas : Ayant passé 20 années à travailler dans le secteur pétrolier aval de Suncor et étant un raffineur dans l’âme, je vais commencer à vous expliquer le problème.

Il y a une raison pour laquelle les raffineries sont habituellement construites dans des zones bâties populeuses. C’est parce qu’une raffinerie traite une seule matière première, le pétrole brut, ou une poignée de matières premières et produit une dizaine de produits. Si nous construisions une nouvelle raffinerie à Edmonton, en Alberta, le problème ne consisterait pas seulement à transporter l’essence et le diesel vers les marchés, mais aussi les propanes, les butanes, les asphaltes, et cetera. Votre problème de transport passerait du transport du pétrole brut au transport de dizaines de produits vers les marchés, parce que la raffinerie se trouve dans une province de 3 à 4 millions d’habitants et que vous devez acheminer les produits vers des centres de population. C’est la raison pour laquelle les raffineries sont construites dans des zones bâties populeuses.

Autrement, elles sont construites sur la côte d’où elles peuvent expédier leurs produits vers des marchés. C’est une autre option viable.

Le sénateur Tannas : Si les membres d’une industrie souhaitaient travailler ensemble afin d’établir de bonnes normes de raffinage qui réduirait l’empreinte carbone d’autres endroits non limités au Canada, pourquoi ne pourrions-nous pas faire preuve de créativité et de coopération et concevoir des encouragements fiscaux, comme nous l’avons fait pour les sables bitumineux il y a de nombreuses années, afin de développer une capacité de raffinage de calibre mondial en Colombie-Britannique à des fins d’exportation?

M. Douglas : L’Amérique du Nord est un marché établi où la demande de produits du pétrole est actuellement stable. En outre, nous nous attendons à ce que cette demande diminue lentement en raison des caractéristiques démographiques du marché établi, de la disponibilité d’énergies renouvelables, et cetera. Vous seriez forcés d’expédier ces dizaines de produits à des endroits éloignés de la planète. En fait nous avons observé une rationalisation de la capacité de raffinage en Amérique du Nord. Il y a 30 ou 40 ans, Montréal comptait environ six raffineries. Maintenant, la ville n’en a plus qu’une. Je ne m’attends pas à ce que de nouvelles raffineries soient construites en Amérique du Nord.

M. McMillan : Pourrais-je ajouter quelques observations? Habituellement, le raffinage est effectué près des marchés, et c’est un modèle qui s’est développé avec le temps. Si les facteurs économiques permettaient que le raffinage soit effectué près du lieu de production, l’endroit où nos produits sont raffinés nous importerait peu, nous, les producteurs en amont. Toutefois, de nos jours, le Canada est un exportateur net de produits raffinés. Nous raffinons donc déjà plus de produits que nous sommes en mesure d’en consommer, et nous exportons le reste. Voilà la réalité actuelle.

L’autre réalité est que nous observons une rationalisation de la capacité de raffinage au Canada et la construction, à l’échelle internationale, d’usines pétrochimiques et de raffineries. Les aspects économiques de la construction d’une raffinerie au Canada sont tels que nous ne sommes pas dans la course. Et, après les modifications que les États-Unis ont apportées aux impôts, nous ne sommes même pas dans le même complexe sportif. Je crois qu’ExxonMobil s’est engagée à investir 20 ou 50 milliards de dollars dans les installations pétrochimiques à valeur ajoutée de la côte du golfe du Mexique. Nous n’avons observé aucun investissement dans la valeur ajoutée du Canada. Les modifications fiscales apportées pour réduire les déductions pour amortissement accentuent la différence. Le dernier argument que je ferais valoir, c’est que le raffinage est habituellement une activité dont les marges de profit sont faibles, alors que la production de gaz naturel et de pétrole brut est une activité dont les marges de profits sont élevées. Donc, la mesure dans laquelle nous souhaitons faire pencher la balance en faveur d’une activité dont les marges de profits sont faibles, alors que nous avons l’occasion d’être un fournisseur mondial de choix jouissant de marges de profits élevés, est une question qui relève des décideurs.

Le sénateur Tannas : Êtes-vous en train de dire que les États-Unis accroissent leur capacité de raffinage en dépit du marché en déclin? Cela ne sous-entend-il pas que les États-Unis se lanceront à la conquête du marché des produits raffinés qu’ils exporteront par bateau, et que nous venons de manquer cette occasion, parce que nous ne pouvions pas y parvenir à partir d’ici? Notre raisonnement n’était pas juste auparavant? Que s’est-il passé ici?

M. McMillan : L’industrie s’est engagée à construire une immense capacité pétrochimique et de raffinage sur la côte du golfe du Mexique au cours des 20 prochaines années.

Le sénateur Tannas : Nous avons manqué cette occasion. Nous, les grands innovateurs canadiens, avons manqué cette occasion.

M. McMillan : À l’heure actuelle, nous avons également du mal à faire construire une installation de production de GNL, alors que les États-Unis en ont six en construction. Ils nous ont dépassés à pas de géant, et ils expédient leurs produits à l’étranger.

Le sénateur Tannas : Nous avons également manqué cette occasion.

M. McMillan : C’est un problème de compétitivité dont votre comité est bien placé pour discuter.

M. Bloomer : Je ne crois pas que nous ayons manqué cette occasion. Le fait est que le raffinage a été rationalisé à l’échelle mondiale et que la côte américaine du golfe du Mexique a toujours été un important centre de raffinage. Les États-Unis ont toujours été un exportateur net de produits raffinés.

Ils exercent ces activités depuis des dizaines d’années. Même s’ils n’exportaient pas de pétrole brut, ils étaient d’importants exportateurs de produits raffinés depuis des décennies. Nous nous demandons ce que nous devons faire pour construire une raffinerie? Le fait est que les raffineries ont été rationalisées à l’échelle mondiale, et qu’il est nécessaire d’exercer ces activités à grande échelle. Il faut disposer d’une capacité de raffinage d’un million de barils par jour. Voilà ce qui se passe. Nous ne pouvons construire une telle installation aux mêmes coûts que l’Inde ou dans les mêmes délais que l’Inde ou la Chine. Nous ne pouvons pas réaliser cela, car nous n’avons pas la capacité de le faire.

Ils exercent ces activités depuis des dizaines d’années.

Le sénateur Tkachuk : Par le passé, nous avions des raffineries sur la côte Ouest, quatre ou cinq, n’est-ce pas, puis un projet de développement a été amorcé au Nouveau-Brunswick. Irving l’avait bien planifié, mais il a maintenant été annulé, et l’installation sera construite en Irlande au lieu. Ce n’est pas pour les raisons que vous avez mentionnées. C’est parce qu’ils n’ont pas confiance en la stabilité économique du transport du pétrole vers leur usine. Pourquoi ont-ils annulé le projet de Saint John? Pourquoi déménagent-ils en Irlande?

M. Bloomer : En Colombie-Britannique, il y avait un certain nombre de petites raffineries non concurrentielles. Au cours de la rationalisation des raffineries de l’Amérique du Nord, les petites raffineries peu complexes et incapables de traiter le pétrole lourd ont été les premières à être éliminées.

À Saint John, ils importaient du pétrole brut léger et, dans le cadre du projet Énergie Est, ils auraient eu l’occasion de commencer à traiter du pétrole lourd et à développer là-bas une capacité de cokéfaction qui semblait logique. Toutefois, ce débouché a disparu.

Le sénateur Wetston : Merci. J’ai un aveu à vous faire. Je dois admettre qu’il y a assez longtemps, j’ai travaillé à l’Office national de l’énergie. Pendant que je travaillais à l’office à titre de conseiller de C. Geoff Edge, qui était président de la commission, nous avons construit le Gazoduc TQM. Je pense que le Québec devrait être satisfait de ce projet. Nous n’avions pas à l’époque les mêmes problèmes que nous rencontrons maintenant. Nous avons eu des problèmes liés à la réglementation, mais nous avons été en mesure de les régler. Il y avait des enjeux environnementaux, mais nous avons été en mesure de les gérer. Je suis satisfait que l’ONE ait accordé un certificat d’utilité publique pour autoriser la construction du Gazoduc TQM, car, à mon avis, le Québec en a bénéficié. Il est dommage que nous n’ayons pas été en mesure de poursuivre le projet Énergie Est, parce que les Maritimes auraient bénéficié de ce projet, tout comme le Canada. Compte tenu de mon commentaire, vous pouvez constater que je trouve cet échec malheureux.

Je ne considère pas du tout que cet enjeu est d’ordre constitutionnel, et je ne le perçois nullement comme un problème de réglementation. Je crois que nous pouvons gérer ces enjeux. Le problème que je distingue est de nature politique.

Nous avons fait face à un problème politique lorsqu’il a été question de mettre en œuvre le projet Énergie Est et, maintenant, nous faisons face à un problème politique différent qui oppose l’Alberta et la Colombie-Britannique dans le cadre de la tentative de construction du pipeline Trans Mountain.

Je crois que le pétrole et le gaz naturel font toujours partie des plus importantes ressources naturelles dont nous disposons au Canada, et je sais qu’avec le temps, il se pourrait que nous dépendions moins d’eux, mais cela doit survenir dans le cadre d’une transition sans heurt.

La question que je vous adresse est la suivante, et vous avez parlé ici des politiques. La fédération ne fonctionne pas très bien ces temps-ci. C’est mon opinion. Il faut qu’elle fonctionne mieux. Nous avons atteint un peu un point tournant. Je vous demanderais de formuler des observations à propos du fait qu’à mon avis, le problème n’est ni de nature constitutionnelle ni lié à la réglementation. Je crois qu’en réalité, c’est un problème de capacité politique de régler des différends.

Je vous renvoie — et, monsieur le président, je l’ai précisé ce matin aux membres du Comité de l’énergie — à la période de 1918 à 1930, alors que les gouvernements devaient lutter pour exercer un contrôle sur les ressources naturelles de notre pays et que l’Ouest combattait l’Est. Pourquoi ne pas construire l’oléoduc Énergie Est au lieu de s’efforcer de résoudre le problème lié au pipeline Trans Mountain? Nous devrions peut-être tenter cela. Quelqu’un a-t-il des commentaires à formuler?

M. Bloomer : Si je peux me permettre, à bien des égards, nous en sommes là parce que le gouvernement n’a pas été en mesure de présenter une vision pour nos ressources énergétiques. Il a été en mesure d’offrir une vision en matière de lutte contre le changement climatique, de réconciliation avec les Autochtones, de transition vers une économie à faibles émissions de carbone, et cetera, mais il n’a pas été en mesure de présenter une vision du rôle que jouent nos hydrocarbures dans l’économie actuelle. Et, en ce qui a trait à une stratégie d’utilisation de ces hydrocarbures au profit du Canada et d’Énergie Est, et du désengagement à l’égard du pétrole étranger, nous n’avons pas une vision cohérente et décisive. Et je crois que c’est l’une des causes des problèmes. Appelez cela la politique, parce que cela ne fait pas partie de leurs programmes, mais c’est la réalité. Nous devons reprendre les principes fondamentaux, mener une discussion à ce sujet, puis présenter clairement ce que nous ferons de nos hydrocarbures à l’avenir et, enfin, avoir une vision et une stratégie claire. Nos régimes de réglementation doivent être harmonisés. Nous tirons dans le noir parce que nous ne savons pas quelle est la cible.

M. McMillan : J’ai peut-être une brève observation à formuler. À mon avis, nous estimons trop souvent que nous pourrions construire le pipeline de Kinder Morgan ou l’oléoduc d’Énergie Est. Je crois que nous devrions aspirer aux deux. La demande mondiale s’accroît et, si le Canada était en mesure d’intervenir et d’approvisionner l’Est du Canada à partir de la côte Est et de la côte Ouest, je crois que le monde serait un meilleur endroit où vivre, étant donné que le marché vendrait plus de pétrole canadien et moins de pétrole nigérian, vénézuélien et saoudien.

J’appuie complètement votre initiative, mais je dirais simplement, « examinons les deux projets ».

En ce qui concerne votre commentaire à propos du conflit entre l’Alberta et la Colombie-Britannique, j’essaie de prendre du recul et d’examiner la question. Je crois que c’est la classe politique britanno-colombienne qui lutte contre le Canada. Le sondage qui a été rendu public hier montre que la majorité des Canadiens et des Britanno-Colombiens veulent que ce projet aille de l’avant. Je n’aime pas que des provinces se dressent l’une contre l’autre, car je ne crois pas que ce soit le cas.

M. Douglas : Je pourrais peut-être combiner la question de la sénatrice Wallin à propos du pétrole sale et les commentaires de Chris à propos du fait de ne pas avoir une stratégie mûrement réfléchie concernant l’avenir de l’énergie canadienne.

Le fait est que nous mettons à profit de nouvelles technologies dans le cadre de l’exploitation des sables bitumineux à un tel rythme que notre production future… — il y a 10 ou 15 ans, les gens pensaient que l’exploitation des sables bitumineux n’était pas concurrentielle, qu’elle se situait à l’extrême droite de la courbe des coûts. Toutefois, je crois que nous avons calmé ces craintes pendant les années 2015, 2016 et 2017, lorsque le prix du baril de pétrole a chuté, en s’établissant à 27 $, et que des entreprises comme Suncor généraient encore des flux de trésorerie, alors que le nombre de producteurs américains diminuait.

Aujourd’hui, nous soutenons la concurrence à l’échelle mondiale sur le plan des coûts. Avec l’avènement de nouvelles technologies à l’avenir, nous ne manquerons pas d’être concurrentiels au chapitre du carbone. Nous avons la conviction qu’une ressource de longue durée et à faible déclin, laquelle est, de surcroît, rentable et concurrentielle en matière de carbone, fera partie de l’approvisionnement mondial en énergie de base dans les décennies à venir, et nous devrions en être très fiers.

Le sénateur Wetston : J’ai une autre petite question. Je ne commenterai pas le projet de loi C-69. Le Sénat n’en est pas encore saisi, et nous attendrons de voir la suite des choses, une fois rendus là. J’y ai jeté un coup d’œil et j’ai entendu votre point de vue à ce sujet.

Toutefois, je vous demande de faire appel à votre expérience. Je crois que les instances qui régissent l’économie ont un rôle important à jouer. Nous avons construit des milliers de pipelines au pays, peut-être sur une distance totale de 80 000 milles, et je n’inclus pas les pipelines interprovinciaux construits ou certifiés par les organismes de réglementation provinciaux. C’est un peu surprenant qu’à ce stade-ci nous semblions incapables de concilier la production d’énergie avec la pérennité de l’environnement et de trouver une façon raisonnable de faire concorder ces enjeux importants.

À votre avis, quels modèles de réglementation conviendraient le mieux dans ce contexte? Supposons que le projet Trans Mountain aille de l’avant. Que ce soit grâce à vos discussions avec la sénatrice Wallin ou à la suite d’une nationalisation ou peu importe, disons que le projet obtient le feu vert. D’après vous, quelles mesures incitatives seraient utiles aujourd’hui pour l’Office national de l’énergie, qui est toujours en place et qui s’occupe de ces questions, plutôt que l’agence d’évaluation d’impact, qui n’existe pas encore? Qu’est-ce qui tiendrait lieu, selon vous, de mesures incitatives appropriées?

Monsieur Douglas, vous avez parlé d’incitatifs, notamment sur le plan de la réglementation, mais qu’est-ce qui serait acceptable, à votre sens? Nous savons ce qui se passe aux États-Unis. En général, notre voisin du Sud allège le fardeau réglementaire du secteur pétrolier et gazier pour lui permettre d’exploiter de nouvelles ressources et de les acheminer vers les marchés. Qu’en pensez-vous?

Je suis désolé de cette longue question, monsieur le président, mais je pense qu’il faudrait surtout examiner les incitatifs et les modèles qui s’imposent pour accroître les chances que ce projet soit réalisé.

M. Bloomer : Je vais essayer de répondre à cette question. Il ne s’agit pas tellement d’incitatifs. Comme vous l’avez souligné, nous avons une longue tradition en matière de pouvoir de réglementation quand vient le temps de faire avancer les choses. Le monde évolue. De nouveaux facteurs entrent en jeu. Il faut s’y adapter, et tout le reste. Il faut parfois faire des rénovations ici et là. Nous étions les premiers à dire que l’Office national de l’énergie n’était pas défectueux, mais que certaines choses devaient changer. Au lieu de tout démolir, il suffisait de rénover ces processus afin d’offrir plus de clarté et de certitude.

Ce qui se produit maintenant, sans l’ombre d’un doute, c’est que, dans le cas de grands projets, ces processus sont complètement remaniés. Le système qui était en vigueur jusqu’ici fonctionnait bien. Il fallait simplement y apporter quelques retouches. C’est ce que nous aurions dû faire. Or, nous voilà en train de tout démanteler et d’ajouter une foule d’autres exigences à ces processus.

Par conséquent, la solution ne réside pas tant dans les incitatifs. Nous avons besoin de clarté et de certitude au chapitre de la réglementation.

M. McMillan : Je suis bien d’accord. Je crois que les incitatifs ne font pas partie de la stratégie que nous envisageons. Nous misons plutôt sur un ensemble de règles claires, une idée précise des échéances et la certitude de pouvoir exécuter les projets.

Je pense que, dans votre exemple concernant l’expérience que vous avez vécue au moment de construire le pipeline au Québec, où vous avez fait face à des problèmes d’ordre réglementaire et écologique, c’est tout à fait approprié. De nos jours, nous sommes témoins de manœuvres d’obstruction qui visent délibérément à faire dérailler des projets et qui sont souvent dirigées par des intervenants américains. C’est d’ailleurs l’organisme 350.org qui est à l’origine du modèle « ruche et essaim », dont on a fait état dans les journaux il y a environ un mois. Cela nuit à l’intérêt du Canada. Si nous, les Canadiens, parvenons à instaurer un processus réglementaire solide qui tient compte de l’environnement et de la sécurité, c’est sur quoi nous devrions nous concentrer.

M. Douglas : Je suis d’accord. Ce n’est pas comme si nous cherchions à obtenir des subventions ou des cadeaux. Quand je parle à des investisseurs partout dans le monde, c’est très intéressant. Ils n’expriment aucune inquiétude à l’égard de la ressource. Ils reconnaissent que c’est de calibre mondial. Ils ne se disent pas non plus inquiets de la capacité des entreprises canadiennes de mettre à contribution de nouvelles technologies et innovations pour réduire les coûts et soutenir la concurrence. Par contre, ils manifestent des craintes quant à la certitude et à la prévisibilité de la réalisation de grands projets. Les capitaux n’aiment pas l’incertitude.

Le sénateur Wetston : Juste une brève question complémentaire…

Le président : Vous aurez l’occasion d’y revenir au second tour. Malheureusement, il nous reste une longue liste d’intervenants.

Le sénateur Tkachuk : Je vais aborder les choses sous un angle un peu différent dans le contexte canadien. Monsieur Douglas, vous avez parlé de Suncor, de la responsabilité environnementale de l’industrie pétrolière et de l’importance d’une telle responsabilité. Ensuite, monsieur McMillan, vous avez dit que l’avenir appartient à la Chine et à l’Inde. Il y a un point que j’aimerais faire valoir, et je voudrais savoir ce que vous en pensez. Je ne crois pas que la Chine et l’Inde se soucient de savoir comment nous obtenons notre pétrole. Elles vont l’acheter, que nous mettions en place ou non des processus environnementaux.

Toutefois, ce qui est important, c’est que le gouvernement actuel ne s’en soucie pas non plus, car, en raison de l’abandon du projet Énergie Est, nous devons maintenant acheter du pétrole du Venezuela et de tous les autres pays qui ne disposent pas des règlements environnementaux dont vous parlez. Vous ratez la cible dans le cadre de vos efforts de promotion. Il faut faire la promotion auprès des Canadiens et du gouvernement. Je ne crois pas que l’Inde ou la Chine se préoccupent de cette question et, manifestement, le gouvernement actuel s’en fiche, lui aussi, parce qu’il force les provinces de l’Est à acheter le pétrole auprès de sources étrangères.

Je laisse ce commentaire à votre réflexion, mais j’ai une autre question à vous poser.

Le président : Souhaitez-vous dire un mot là-dessus?

M. Douglas : Pour ce qui est de rater la cible en matière de promotion, n’oubliez pas que nous exploitons une ressource vieille de 100 ans. On ne parle pas ici d’un projet où il s’agit simplement de construire l’infrastructure, de monétiser le tout et de passer à autre chose. Nous établissons des relations à long terme avec les collectivités, relations qui se perpétuent sur plusieurs générations.

Il y a très, très longtemps — je travaille pour Suncor depuis 30 ans, et c’était probablement avant mon arrivée au sein de la société —, nous avons décidé qu’il nous fallait tenir compte des collectivités, de l’environnement et de l’économie dans l’optique de concilier ces facteurs.

Le sénateur Tkachuk : Je n’en disconviens pas.

M. Douglas : Mon travail aujourd’hui consiste à parcourir le monde et à promouvoir la société auprès d’investisseurs des quatre coins du monde. Je peux vous dire qu’ils se soucient grandement de nos normes environnementales. C’est ce qui ressort de mes entretiens avec les investisseurs, que ce soit à Singapour, à Kuala Lumpur, à Tokyo, à Hong Kong ou partout en Europe.

Le sénateur Tkachuk : Ces pays achètent le pétrole de la Russie. Ne venez pas me dire le contraire. Ils s’en fichent carrément.

M. Douglas : Je vous parle des investisseurs qui achètent notre pétrole.

M. McMillan : Du point de vue des consommateurs, je suis d’accord avec vous. Les producteurs canadiens sont les meilleurs au monde. Nous utiliserons moins d’eau par baril l’année prochaine et l’année d’après. Nous innoverons sans cesse. Nous émettrons moins d’émissions, et nous réinvestissons déjà dans la technologie afin de nous améliorer constamment. Cela n’a rien à voir avec nos clients; il s’agit de notre responsabilité à titre de producteur canadien.

Permettez-moi de vous raconter une petite anecdote. Quand les ambassadeurs passent par Calgary, ils viennent souvent nous voir à l’Association canadienne des producteurs pétroliers. Un jour, j’ai reçu la visite d’un ambassadeur européen d’un pays qui se targue de prendre bien soin de l’environnement. Mon interlocuteur a passé les cinq premières minutes à critiquer la façon dont nous produisons de l’énergie au Canada. Je l’ai écouté avec respect. Puis, je lui ai dit : « Votre pays importe 100 p. 100 de son gaz naturel et 100 p. 100 de son pétrole brut. Votre consommation est restée stable au cours de la dernière décennie. Une bonne partie de ces ressources proviennent de la Russie. Le Canada, pour sa part, investit dans la technologie; nous nous améliorons sans cesse. Les projets que nous réalisons valent mieux que votre baril moyen qui est produit en Amérique du Nord. Avec le temps, notre pétrole sera l’un des meilleurs au monde. Seriez-vous prêt à verser une petite prime pour importer chez vous du pétrole brut canadien? »

Après y avoir réfléchi pendant 15 secondes, il a répondu : « Non, nous sommes un pays de libre entreprise, et nos consommateurs seraient disposés à parcourir 2 kilomètres de plus rien que pour payer leur essence un sou de moins. »

Voilà une réponse très frustrante pour quelqu’un qui avait commencé la réunion par une tirade sur le Canada.

Quand on parle de performance environnementale, cela veut dire qu’il faut bien remplir son rôle de producteur. C’est frustrant lorsque la communauté mondiale a des attentes, mais n’est pas disposée à demander des comptes aux autres intervenants.

M. Bloomer : J’aimerais ajouter quelques réflexions à ce sujet. C’est comme « marcher et mâcher de la gomme en même temps ». Au Canada, nous devrions être en mesure d’exploiter nos ressources et notre portefeuille de l’énergie au fil des ans, selon les attentes des Canadiens. Nous devrions pouvoir exporter nos ressources vers d’autres pays et obtenir une juste et pleine valeur, mais nous devrions agir d’une manière viable et conforme aux normes du Canada. Nous devrions pouvoir faire les deux.

Je suis d’accord avec vous pour dire que la seule chose qui compte pour les gens dans le domaine de l’énergie, à l’échelle mondiale, c’est le prix. Mais nous pouvons concilier les deux objectifs : nous pouvons exploiter les ressources du mieux que nous pouvons au Canada et nous assurer que les produits énergétiques canadiens qui sont exportés se plient à des critères rigoureux, mais nous devons soutenir la concurrence sur le marché.

Le sénateur Tkachuk : Je veux que ce soit bien clair. Je suis très fier de l’industrie pétrolière canadienne. Je pense que vous formez une excellente industrie. Là où je voulais en venir, c’est que nous avons vu l’abandon des projets Énergie Est et Northern Gateway, et le projet de Kinder Morgan subira le même sort. Je ne sais pas. Vous semblez croire que nous serons capables de résoudre ces problèmes. Pour ma part, je dis que nous devons tous faire un meilleur travail pour expliquer aux Canadiens que nous ne pouvons pas régler les problèmes.

Je représente le point de vue des exportateurs de produits énergétiques, et nous avons du mal à transporter des produits simples comme le canola et le grain vers la côte Ouest en vue de leur exportation. Maintenant, sur la côte Ouest, on est en train de dire : « Toutes ces ressources naturelles que vous avez là — nous ne voulons pas les transporter non plus. » Si l’Alberta et la Saskatchewan ne peuvent pas vendre leurs produits ni à l’Est ni à l’Ouest, d’autant plus que la Cour suprême nous dit que nous ne pouvons même pas traverser le pont pour acheter quelques bouteilles de bière et de vin… c’est tout de même grave. C’est ce qu’on a dit aujourd’hui. Il est impossible de faire cela.

Quelle raison auriez-vous de rester au pays? Comment allons-nous gagner notre vie? Il s’agit d’un problème politique imminent qui ne fera que s’aggraver.

M. McMillan : Je crois que vous avez mis le doigt sur le défi. Le problème, ce n’est pas que les Canadiens ou les Britanno-Colombiens n’appuient pas l’accès au marché. C’est un problème politique. Ce que je ne supporte vraiment pas, c’est quand je vois des intervenants étrangers tenter de perturber le système politique canadien…

Le sénateur Tkachuk : Voilà le cœur du problème.

M. McMillan : Cela ressemble à une théorie du complot, et je m’en excuse.

Le sénateur Tkachuk : Ce ne l’est pas, pourtant.

M. McMillan : Nous avons vu le manifeste « ruche et essaim », qui a été élaboré par l’organisme 350.org. Nous avons vu des groupes de lobby américains se vanter du nombre de circonscriptions dans lesquelles ils ont exercé leur influence lors des élections provinciales.

Je ne sais pas si c’est une bonne ou une mauvaise chose, mais en matière de politique énergétique, leurs agissements sapent parfois la légitimité de notre organisme de réglementation. Lorsque le gouvernement ou l’organisme de réglementation prennent une décision, ces groupes mettent de l’avant des plans pour s’opposer activement aux directives données par le gouvernement dans le cadre d’un projet. Je ne pense pas que ce soit bénéfique pour le Canada ou pour notre démocratie.

Le sénateur Tkachuk : Je suis d’accord.

Le sénateur Day : Merci beaucoup, messieurs, de votre franchise et de votre ouverture à répondre aux questions que nous vous posons.

J’aimerais obtenir quelques éclaircissements par rapport aux points soulevés tout à l’heure par mes collègues. Vous pensiez que le projet Trans Mountain irait de l’avant, mais j’en déduis que toutes les activités réglementaires indirectes sont en train de le retarder. M. McMillan vient de nous rappeler que si le projet est approuvé, une intervention gouvernementale sera nécessaire, et ce, bien davantage qu’il n’en faudrait. Est-ce que cela résume bien le message qui ressort de la discussion?

M. McMillan : Le gouvernement fédéral devra sans contredit faire preuve de leadership et intervenir pour accorder les permis, créer un climat de certitude et donner l’assurance nécessaire sur le plan de la réglementation quant aux échéances, et il faudra probablement une mesure législative pour clarifier les questions que le gouvernement de la Colombie-Britannique essaie de contester ou de soulever pour enflammer l’opinion publique.

Au-delà de cela, j’ignore quels autres outils les gouvernements pourraient envisager pour donner cette assurance.

Le sénateur Day : Permettez-moi de vous expliquer mon parti pris. Cela va dans le sens de ce que d’autres collègues ont fait valoir au sujet d’Énergie Est. Je viens de Saint John. Mettons toutes les cartes sur la table pour que les gens comprennent bien : Saint John compte un terminal en eau profonde. Les navires viennent décharger le pétrole brut et ils vont directement à la raffinerie. Cette raffinerie a beaucoup de succès parce que les produits raffinés sont très près du principal marché américain. En plus d’importer du pétrole, on exporte du gaz naturel, et il y a également un terminal méthanier en eau profonde à Saint John. On pourrait facilement y établir une installation de gaz naturel liquéfié. C’était d’ailleurs ce qu’avait annoncé la famille Irving, qui était disposée à construire une autre raffinerie si elle avait une réserve suffisante.

Tous ces éléments étaient donc déjà en place, du point de vue du marché. Dans ce contexte, monsieur Bloomer, vous nous avez fourni d’excellentes statistiques, mais je veux m’assurer que ces chiffres sont compris et que nous pouvons les interpréter correctement. Vous avez dit que le Canada est un important producteur et exportateur de produits. Est-ce que vos chiffres incluaient également le pétrole brut importé au Canada sur la côte Est, et savez-vous quel pourcentage cela représente? Autrement dit, les chiffres que vous nous avez donnés se rapportaient-ils aux exportations nettes ou brutes, sans tenir compte de la quantité de pétrole brut qui est importé à Saint John pour alimenter cette raffinerie?

M. Bloomer : Cela n’était essentiellement pas inclus dans ces chiffres.

Le sénateur Day : L’un ou l’autre d’entre vous sait-il, aux fins du compte rendu, quelle quantité de pétrole est importée à Saint John pour alimenter la raffinerie là-bas? Ce produit est acheté sur le marché mondial. J’ai travaillé récemment sur un autre dossier du Sénat, en collaboration avec l’OTAN, en Lituanie, et l’ambassadeur nous a dit que le pétrole brut lituanien était expédié à Saint John, au Nouveau-Brunswick, pour alimenter la raffinerie. On parle de pétrole de la région caspienne ou de la Russie. Nous savons cela. Nous devrions en connaître la quantité, et nous devrions savoir ce que l’annulation du projet Énergie Est a eu comme répercussions dans ce contexte canadien.

M. Bloomer : Il n’y aucun doute là-dessous. Plusieurs centaines de milliers de barils par jour sont envoyés vers cette installation portuaire, et vous exportez un volume semblable à partir de cette installation. C’est indéniable. Cette raffinerie est, du point de vue des marchés, en bonne posture. Elle peut profiter de l’approvisionnement en pétrole provenant du monde entier. C’est une tragédie que nous ne soyons pas en mesure d’utiliser du pétrole canadien.

M. McMillan : Je crois que le pétrole importé au Canada représente 14 milliards de dollars par année. Une grande partie serait destinée à la raffinerie de Saint John, alors qu’une autre partie irait vers les raffineries de l’Ontario et du Québec, mais nous pourrons fournir au comité une liste plus détaillée de ces importations.

Le sénateur Day : Je pense que ce serait très bien pour le compte rendu.

Le président : Très bien.

M. McMillan : D’accord, je le ferai.

Le sénateur Day : Monsieur McMillan, j’aimerais clarifier un autre point. Vous avez dit qu’au Canada, nous sommes assis sur d’énormes ressources gazières et pétrolières. Vous avez parlé de technologie. Je me demandais si la fracturation hydraulique faisait partie des avancées technologiques auxquelles vous faisiez allusion. Cela soulève un problème politique — celui que la fracturation est interdite à tant d’endroits qu’il nous est impossible de tirer parti de ce que le marché américain a fait. Les Étatsuniens sont maintenant des fournisseurs importants au Québec et en Ontario.

M. McMillan : Absolument. La fracturation hydraulique est une des technologies qui a vraiment débloqué le secteur de l’énergie aux États-Unis. Il a débloqué notre formation de Bakken. Il a débloqué Duvernay et Montney au Canada ainsi que nombre d’autres de nos thèmes pétroliers. Nous avons des possibilités au Québec, au Nouveau-Brunswick et dans d’autres régions du Canada où, à ce jour, on a été incapable d’adopter la réglementation nécessaire pour autoriser cette pratique. C’est très frustrant. Les débouchés que cela pourrait ouvrir pour votre province et d’autres dans l’Est canadien seraient merveilleux pour nous au pays. Il s’agit d’une technologie bien comprise, très bien réglementée et utilisée de façon sécuritaire. Le nombre de puits forés dans le bassin Permian et la formation d’Eagle Ford, dans le champ de Marcellus, dans les mêmes zones tout juste au sud de la frontière de l’Est canadien, la technologie qui est utilisée à répétition de façon sécuritaire, devraient inspirer confiance, mais les personnes qui s’opposent aux pipelines dans l’Ouest canadien sont les mêmes qui s’opposent à la fracturation hydraulique dans l’Est du Canada. C’est frustrant pour nous au Canada que ce petit groupe de personnes actives dicte notre politique en matière d’énergie.

M. Douglas : Cela nous ramène à un commentaire précédent concernant notre façon de mettre les choses en marché. Quand je dis « nous », je parle au sens large, je fais allusion à la manière dont le gouvernement parle de cette ressource et même à la façon dont nous en parlons. On en parle comme d’une époque révolue; nous sommes des bûcherons et des porteurs d’eau. En fait, si vous investissez dans Suncor, vous investissez dans une technologie. L’industrie en tant que telle en est une. On réalise des innovations extraordinaires. Je vais vous en donner quelques exemples. Il est clair que l’Alliance pour l’innovation dans les sables bitumineux du Canada a établi un précédent à l’échelle mondiale il y a quelques années lorsque nous avons rassemblé les principaux chefs de file du secteur des sables bitumineux et formé un groupe de collaboration. Nous avons produit plus de 900 composantes technologiques, de propriété intellectuelle, totalisant plus de 1,3 milliard de dollars. On travaille précisément à réduire l’empreinte environnementale et à se pencher sur les questions de la remise en état du terrain, de l’utilisation de l’eau, des gaz à effet de serre et de l’intensité énergétique. Nous avons formé un partenariat de technologie propre en Colombie-Britannique avant Evok Innovations, encore une fois en vue de relever, au moyen de technologie appliquée, de technologie de pointe, des défis comme ceux que présentent les émissions de gaz à effet de serre. Vous avez probablement vu où nous venons d’annoncer que nous allions déployer un parc de camions automatisés. C’est le premier en Amérique du Nord. Notre parc entier de véhicules, dans toutes nos exploitations minières, sera automatisé. C’est une véritable première en Amérique du Nord. Ce faisant, nous accroîtrons la sécurité, réduirons les émissions et rehausserons notre profitabilité, honnêtement.

[Français]

Le sénateur Maltais : Je suis heureux de vous voir parmi nous. Ce n’est pas tous les jours qu’on a l’occasion de vous rencontrer.

Je sais que vous n’êtes pas vraiment concernés, mais j’aimerais faire un lien avec le projet d’oléoduc Énergie Est. Ne croyez-vous pas que les erreurs qui ont été faites avec Énergie Est sont en train de se reproduire avec Kinder Morgan? Je m’explique. Quand on a des appuis dans la population, il faut les cultiver, aller les chercher et les entretenir. Énergie Est a manqué son coup sur toute la ligne au Québec. La preuve, c’est qu’il y a quelques années, le sénateur Wetston était à la commission énergétique, et ils ont réglé le problème de l’oléoduc.

Vous avez une chance en or à saisir à l’heure actuelle. Vous êtes soutenus par un peu plus de 60 p. 100 de la population canadienne. Un soutien semblable est plutôt rare au Canada. Peu de partis politiques ont vécu une telle situation. Profitez de cette occasion pour établir une base solide dans le domaine du pétrole. Allez dans les écoles, allez leur montrer que vous avez un produit d’avenir. Expliquez aux jeunes que les produits qu’on importe au Canada proviennent de pays où on ne respecte pas les droits de l’homme, de pays où les conditions de vie sont très précaires. Servez-vous de ces arguments. Rendez-vous dans les provinces – le Québec, l’Ontario, la Nouvelle-Écosse, Terre-Neuve, le Nouveau-Brunswick – et allez expliquer aux gens que vous êtes une entreprise d’avenir et que les retombées économiques que vous engendrez reviennent aux Canadiens. Allez les informer chez eux, en personne, non pas par le biais des médias. Ne laissez pas les groupes écologistes prendre le contrôle de la situation. Profitez du fait que la population sérieuse est derrière vous. Il y a là une chance à saisir et elle ne se reproduira peut-être pas. Un parti politique qui obtient l’appui de 60 p. 100 de la population peut faire un bon bout de chemin. Je vous remercie.

[Traduction]

Le président : Merci, sénateur Maltais. Quelqu’un souhaite-t-il répondre à ce commentaire?

M. McMillan : J’aimerais le faire, monsieur le président. Je tiens à remercier le sénateur de ses commentaires et j’aimerais beaucoup qu’il m’accompagne dans cette démarche.

Vous avez tout à fait raison, sénateur. Je crois que c’est une époque où les Canadiens se concentrent sur les questions énergétiques comme ils ne l’ont jamais fait auparavant et qu’ils auraient probablement dû le faire, et nous essayons de profiter de cet élan.

Une chose que nous avons faite à l’Association canadienne des producteurs pétroliers, au cours des trois dernières années, a été de regarder ce que nos opposants ont fait, et ils sont très faciles d’accès et très habiles sur les médias sociaux, toutes ces choses que notre industrie… nous sommes un secteur très technique, fondé sur les sciences et le génie. Nous sommes conscients du fait que si nous voulons que les Canadiens nous appuient, nous devons les rejoindre. Nous avons donc créé Canada’s Energy Citizens, une organisation communautaire de défense que nous appuyons ouvertement; nous ne cachons rien. Elle compte maintenant plus de 220 000 citoyens canadiens préoccupés par les questions énergétiques. Aujourd’hui, elle a une plus grande portée que Greenpeace ou toute autre organisation militante qui s’oppose à nous. Elle est deux ou trois fois plus active que les autres; nos membres sont plus actifs que nos opposants.

Les gens sont fiers de notre industrie. Ils sont frustrés d’avoir été battus pendant des années sans se rendre compte que 60 p. 100 des gens, soit 6 personnes sur 10 qui attendent en file pour acheter du café, veulent qu’un pipeline soit construit ou que des activités de fracturation hydraulique soient menées, par exemple. Cette organisation les réunit et leur donne l’occasion d’être fiers.

Nous organisons des soirées dans les pubs partout au Canada auxquelles nous convions les membres de l’association à venir prendre une bière. Nous leur donnons des infographies qu’ils peuvent transmettre à leurs amis et à leurs familles qui sont d’accord avec eux ou qui ne le sont pas. Ce n’est pas une mince affaire. Je pense que vous avez relevé que c’étaient aux écoles, aux collectivités, aux organismes et aux groupes de bienfaisance que nous devions nous adresser.

M. Douglas : Je pense que toute critique qui nous est adressée sur ce plan est juste et méritée. Nous sommes une industrie d’ingénieurs et de comptables, et nous travaillions très fort, tête baissée, à promouvoir les sables bitumineux dans les années 2000. Honnêtement, le programme nous a échappé.

Je me souviens d’avoir rencontré le responsable de la gouvernance d’une banque importante, qui m’a dit : « Nous sommes venus jeter un coup d’œil à l’Alberta, et nous pensions y voir des cowboys plus à droite qu’au Texas, mais nous avons plutôt vu une supervision dévouée et la plus grande diligence raisonnable, et nous avons conclu que le problème, c’était vous; vous ne savez pas vous vendre .»

Au cours des dernières années, nous avons vraiment pris des mesures pour nous améliorer sur ce point, principalement pour influencer les leaders d’opinion. Nous nous présentons donc aux conférences sur l’environnement, les questions sociales et la gouvernance et nous parlons aux personnes chargées de la gouvernance dans les banques ainsi qu’aux investisseurs responsables. Je pense que nous changeons la perception, mais ce n’est pas une tâche facile.

[Français]

Le sénateur Maltais : Je suis conscient de ce que vous nous dites, monsieur Douglas, mais il faut aller au-delà de cela. Il faut peut-être voir à changer de stratégie. On a dit que le gouvernement n’avait pas de stratégie, mais vous devez en avoir une. Sortez de vos bureaux. Ne vous arrêtez pas à rencontrer seulement les gens de l’Alberta. Rencontrez la population d’un bout à l’autre du pays. Vous verrez que votre capital est à long terme. Vous avez dit qu’il y avait des réserves pour quelques centaines d’années, alors je crois que vous allez solidifier votre capital en ayant la base de la population qui vous appuie. C’est mon souhait pour vous. C’est la seule façon de rendre ce produit acceptable dans chacune des provinces, même les plus rébarbatives. Au Québec, 54 p. 100 de la population vous appuie. Ne faites pas la même erreur qu’Énergie Est. Allez à la rencontre des Québécois et expliquez-leur ce que vous voulez faire. Quand on n’a pas d’explication, n’importe quel quiproquo prend la place de la vérité et je ne veux pas que cela vous arrive.

[Traduction]

La sénatrice Unger : Merci, messieurs. Vos exposés étaient fantastiques.

Monsieur McMillan, je suis bien d’accord pour dire qu’il ne s’agit pas d’une situation qui oppose l’Alberta et la Colombie-Britannique en ce qui concerne Kinder Morgan, mais bien la Colombie-Britannique et le Canada.

J’ai deux questions — elles ont été soulevées à quelques reprises —concernant l’affaire transfrontalière de la Cour suprême avec M. Comeau. La Cour suprême a déterminé que les provinces avaient le droit constitutionnel de restreindre l’importation de biens d’une autre province du moment que le but principal de la restriction n’était pas d’entraver le commerce. J’estime que cela devrait aider la cause de l’Alberta. Je ne sais pas si vous seriez intéressé à vous prononcer sur ce point.

Je voulais aussi parler des fondements. Récemment, le comité sénatorial des transports a réalisé une étude sur la mise en place de pipelines. Bien entendu, Vivian Krause défend cette cause depuis longtemps, mais les sénateurs ont entendu un témoin dire que des investissements étrangers arrivaient au Canada. Je me souviens qu’Ezra Levant se promenait au Canada et apprenait à connaître les manifestants. Évidemment, il s’agissait tous de manifestants payés. Avez-vous des commentaires supplémentaires à formuler à cet égard?

M. McMillan : Je n’ai pas lu la décision rendue dans cette affaire, mais nous avons examiné en détail les responsabilités du gouvernement fédéral. Nous n’estimons pas qu’ils doivent déposer de projet de loi pour même les clarifier, mais dans les délais que nous avons, c’est une mesure qu’ils peuvent prendre immédiatement pour donner de la certitude afin d’avancer plus vite.

Pour ce qui concerne les défis relatifs à nos opposants, ils sont manifestes. Ceux qui s’organisent depuis l’extérieur du Canada s’en sont vantés, et cela n’est jamais devenu problématique, ce que je trouve frustrant, car c’est quelque chose qui me tient vraiment à cœur, car je connais les gens qui travaillent dans cette industrie, mais nous verrons comment les choses se passeront.

M. Bloomer : Merci d’avoir posé la question. Nous nous préoccupons vivement du militantisme qui pourrait évoluer dans le dossier de Kinder Morgan — en ce qui concerne un pipeline, assurément. Nous entendons tous les arguments, toutes les protestations, et cetera. Un des problèmes est que les personnes et les groupes dont vous parlez voient la lumière au bout du tunnel étant donné qu’un certain nombre de projets de pipeline ont été annulés et que celui de Kinder Morgan est chancelant. Nous nous inquiétons que cela les enhardisse et qu’ils créent un environnement insécurisé et dangereux à l’avenir. Nous nous préoccupons beaucoup de la sécurité, et nous avons dit tant au gouvernement de la Colombie-Britannique qu’au gouvernement fédéral qu’ils ont besoin de faire preuve de leadership et de contrôler la situation, car elle est très problématique. Nous devons comprendre qu’ils se sont enhardis et qu’ils n’abandonneront pas.

Ils peuvent protester et tout, mais lorsqu’il y a confrontation — nous l’avons vu à Standing Rock — cela soulève de vives préoccupations sur le plan de la sécurité, et dans le sens le plus large, pas seulement en ce qui touche Kinder Morgan, mais aussi les pipelines. Nous devons être conscients du potentiel que cela se produise, et nous devons être conscients du fait que ces actes sont initiés à l’extérieur de nos frontières.

Le président : Je crois savoir que la sénatrice Wallin souhaiterait lire quelque chose pour le compte rendu. Je suis désolé, sénatrice Unger, vous n’aviez pas terminé.

La sénatrice Unger : Je me demande si vous aimeriez vous prononcer sur la mesure législative que l’Alberta a récemment prise.

M. Bloomer : Du point de vue de l’Association canadienne de pipelines d’énergie, nous comprenons que le gouvernement de l’Alberta ait à faire quelque chose. Il estime devoir se munir d’un type de mesure législative ou d’avoir une façon d’influer sur le processus, et nous comprenons.

Ce qui nous préoccupe, encore une fois, c’est que cette mesure législative est une intrusion du gouvernement dans les accords commerciaux et les affaires.

En l’état, cette mesure législative est préoccupante, car elle donne beaucoup de pouvoir d’ingérence, potentiellement, et de réglementation. Entre les mauvaises mains, elle pourrait être très dangereuse.

Nous comprenons que le gouvernement doive le faire. Nous espérons qu’il n’ait pas à l’utiliser. C’est préoccupant parce que toutes ces interventions peuvent avoir des conséquences involontaires et créer des précédents en cours de route.

M. McMillan : Nous continuons de croire qu’il s’agit d’une responsabilité fédérale, que ce n’est pas une question entre l’Alberta et la Colombie-Britannique. Elle concerne les mesures illégales et inconstitutionnelles de la Colombie-Britannique et le gouvernement fédéral.

Ceci étant dit, nous appuyons les efforts du gouvernement de l’Alberta d’intensifier les pressions exercées ici. Sans leurs efforts pour vraiment faire avancer ce projet, je ne pense pas qu’il serait rendu où il est aujourd’hui. Nous appuyons cette mesure.

Je pense que cette mesure législative en particulier s’inscrit dans cette optique. Lorsque la première ministre l’a présentée, elle a dit : « J’espère que nous n’aurons jamais à l’appliquer .» Nous nourrissons le même espoir, mais nous comprenons qu’il s’agit d’une mesure délibérée pour continuer d’obtenir les avantages à long terme d’un projet construit et nous sommes résolus à ce qu’il soit construit.

M. Douglas : Nous comprenons aussi l’appui dont il est question dans cette mesure législative, mais nous avons de très nombreux clients en Colombie-Britannique et nous voulons, évidemment, pouvoir continuer à les approvisionner. Nous espérons qu’on n’appliquera jamais cette mesure législative.

La sénatrice Wallin : Pour votre information, voici une lettre d’opinion qui a été publiée dans un journal de Seattle aujourd’hui. Voilà ce qu’elle dit :

Merci aux citoyens de la Colombie-Britannique qui semblent encore une fois avoir bloqué un projet d’oléoduc vers la côte. Les gens de chez nous qui vivent près de la frontière continueront avec plaisir d’importer votre pétrole à prix très réduit tout en exportant notre pétrole des ports du Golfe aux prix du marché mondial. Nous vous savons gré du cadeau que vous nous faites, soit environ 100 millions de dollars canadiens par jour. Nous nous émerveillons devant votre générosité tout en nous interrogeant sur votre santé mentale.

Désolée, je voulais simplement que cette lettre figure dans le compte rendu.

Le président : Je tiens à vous remercier, monsieur Bloomer, monsieur McMillan et monsieur Douglas. Vous formez un groupe de témoins absolument extraordinaire. Vous avez soulevé des préoccupations profondes, je pense, qui sont généralement ressenties à la grandeur du Canada. C’est à nous qu’il revient maintenant d’essayer d’être utiles pour assurer un avenir plus productif que celui qui est actuellement devant nous. Vous nous avez grandement aidés dans nos délibérations, et je vous remercie infiniment.

(La séance est levée.)

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