Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule no 45 - Témoignages du 4 octobre 2018
OTTAWA, le jeudi 4 octobre 2018
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd’hui, à 10 h 29, pour discuter de la réponse du gouvernement au quinzième rapport du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, intitulé Corridor national : Améliorer et faciliter le commerce et les échanges intérieurs, déposé au Sénat le 21 juin 2017.
Le sénateur Douglas Black (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour, chers collègues et membres du public, et bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Je suis Doug Black, sénateur de l’Alberta, et j’ai le privilège de présider ce comité. Je demanderais à mes collègues de bien vouloir se présenter au ministre, s’il vous plaît.
Le sénateur Marwah : Sabi Marwah, de l’Ontario.
La sénatrice Boyer : Yvonne Boyer, de l’Ontario.
La sénatrice Wallin : Pamela Wallin, de la Saskatchewan.
Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l’Alberta.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Tkachuk : David Tkachuk, de la Saskatchewan.
Le président : Bien entendu, nous avons parmi nous le ministre, l’honorable Marc Garneau. Il est accompagné de Sandra LaFortune, directrice générale, Relations internationales et politique commerciale, ainsi que d’Emilia Warriner, directrice, Programmes d’infrastructure de transport.
Permettez-moi d’abord de préciser le contexte. En juin 2017, notre comité a publié un rapport intitulé Corridor national : Améliorer et faciliter le commerce et les échanges intérieurs. Ce rapport met en évidence le fait qu’un corridor national améliorerait et faciliterait le commerce et les échanges intérieurs, et il souligne la nécessité d’une étude plus poussée sur la faisabilité de la création du corridor nordique, de même que l’importance de la participation des Autochtones au projet de création. Le rapport recommande que le gouvernement fédéral accorde un financement à l’École des politiques publiques de l’Université de Calgary et au Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations, lequel est situé au Québec, pour leur programme de recherche sur la création d’un corridor dans le Nord du Canada.
En novembre 2017, nous avons reçu la réponse du gouvernement à notre rapport, réponse qui a été déposée au Sénat par l’honorable Marc Garneau, C.P., député, ministre des Transports.
Monsieur le ministre, c’est un réel plaisir pour les membres du comité de vous accueillir aujourd’hui afin que vous répondiez à leurs suggestions concernant l’importance d’un corridor national. Les sénateurs auront certainement des questions pour vous et vos collègues.
Monsieur le ministre, si cela vous convient, vous pouvez commencer. Nous avons hâte de vous entendre.
L’honorable Marc Garneau, C.P., député, ministre des Transports : Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis très heureux d’être ici. Je remercie le comité pour son rapport, auquel nous avons répondu l’an dernier.
[Français]
Je tiens à remercier le comité permanent pour tout le travail qu’il a réalisé sur le corridor national et pour le renforcement du commerce des biens et des services au Canada. Le sujet des corridors de commerce et de transport intéresse beaucoup le gouvernement du Canada. Je suis donc ravi d’avoir l’occasion de discuter de la réponse du gouvernement au rapport du comité permanent.
En parlant de ce rapport, nous ne pouvons passer sous silence l’initiative Transports 2030, mon plan stratégique pour l’avenir des transports au Canada. Ce plan vise à améliorer la sécurité du système de transport et l’efficacité avec laquelle nos produits peuvent atteindre leur destination. Avec Transports 2030, je donne suite à mon engagement de créer un réseau de transport sécuritaire, sûr, écologique et intégré, qui appuie la croissance commerciale et économique, un environnement sain et le mieux-être des Canadiens et de leurs familles.
[Traduction]
Le Fonds national des corridors commerciaux, lancé en juillet 2017, est un complément naturel à l’initiative Transports 2030. Ce programme favorise les flux sécuritaires d’importation et d’exportation, tant pour les marchandises que pour les résidants, il facilite la collaboration avec les propriétaires d’infrastructures, les autorités et les autres ordres de gouvernement et entre eux, et il prend aussi en considération la nécessité de renforcer la résilience climatique.
Le Fonds national des corridors commerciaux investira 2 milliards de dollars sur 11 ans dans des projets qui viseront à améliorer l’efficacité et la résilience des corridors de commerce et de transport. Au moyen du fonds, notre gouvernement travaille avec les intervenants et contribue aux projets d’infrastructure qui permettent de remédier aux goulots d’étranglement, aux vulnérabilités et à la congestion dans ces corridors.
Le premier appel de propositions a été un grand succès : 37 projets ont été approuvés, pour une contribution fédérale totale de 774 millions de dollars.
Permettez-moi de vous donner quelques exemples de projets en cours.
Nous investissons actuellement dans sept projets dans la vallée du bas Fraser de la Colombie-Britannique pour améliorer les routes d’accès autour du port de Vancouver, le port le plus achalandé au Canada. Les coûts combinés de ces projets s’élèvent à plus de 600 millions de dollars, dont 223 millions de dollars en financement fédéral. Ces investissements permettront d’éliminer les goulots d’étranglement et d’améliorer la capacité, la fiabilité, la sécurité et la rapidité du transport des marchandises vers le port aux fins du commerce avec des partenaires internationaux, ainsi que pour les résidants.
[Français]
De la même façon, le port de Montréal, la deuxième porte de commerce la plus achalandée au Canada, recevra un financement de plus de 64 millions de dollars du Fonds national des corridors commerciaux pour deux projets qui atténueront les goulots d’étranglement près du port. Un projet visant à renforcer le réseau ferroviaire du port de Montréal permettra de relocaliser l’infrastructure existante et d’établir une nouvelle capacité afin d’améliorer la fluidité de la circulation et de réduire la congestion dans l’environnement limité du port.
Un deuxième projet au port de Montréal permettra de mettre en place une nouvelle route d’accès au port pour fournir un lien direct à la route Transcanadienne et de nouveaux liens à d’autres routes majeures et terrains industriels.
[Traduction]
Le gouvernement du Canada réserve aussi une part importante du financement prévu pour les corridors nationaux — jusqu’à 400 millions de dollars — expressément au Nord territorial du Canada. Ces investissements amélioreront directement la connectivité dans les collectivités du Yukon, des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut et soutiendront le développement économique et social pour les résidants du Nord.
À la suite de la première phase de financement, nous avons alloué 145 millions de dollars à des projets dans les territoires. Par exemple, nous avons annoncé en juin un investissement de 102,5 millions de dollars dans le projet routier du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest dans la vallée du Mackenzie. Cette somme représente 73 p. 100 des coûts estimés. Il s’agit de l’un des plus gros investissements que nous ayons réalisés dans le cadre du Fonds national des corridors commerciaux.
Ce financement soutiendra plusieurs phases clés du projet routier de la vallée du Mackenzie. Le but ultime de ce projet est de construire une route toute-saison qui reliera les collectivités et les sites d’exploitation le long de ce corridor. Grâce au Fonds national des corridors commerciaux, le gouvernement investit également 6,9 millions de dollars pour soutenir la modernisation des technologies des systèmes de transport intelligents du Yukon, ce qui permettra de relier plus intelligemment les corridors commerciaux du Yukon en fournissant aux utilisateurs les données et les informations nécessaires pour qu’ils puissent prendre des décisions sûres et efficaces.
Ces projets permettront de réduire le coût des biens essentiels pour les habitants du Nord et favoriseront la prospérité de la région à long terme.
[Français]
Comme je l’ai déjà mentionné, les demandes de financement sont évaluées en fonction de la mesure dans laquelle un projet fait progresser les objectifs du programme. Ces objectifs sont les suivants : d’abord, soutenir la fluidité des échanges commerciaux canadiens et améliorer le rendement de la chaîne d’approvisionnement; deuxièmement, accroître la résilience du réseau de transport dans un climat en évolution et veiller à ce qu’il s’adapte aux technologies nouvelles; troisièmement, répondre aux besoins uniques et urgents des territoires en ce qui concerne la sécurité des transports; et, enfin, tirer parti des investissements venant de divers partenaires publics et privés. En effet, les projets sont plus susceptibles de réussir si le secteur privé y participe.
En plus d’investir dans des projets d’infrastructure physique, nous finançons également des études sur des questions telles que le développement, la résilience et l’adaptation aux changements climatiques des infrastructures.
[Traduction]
Afin de tirer parti du succès du premier appel de propositions pour le Fonds national des corridors commerciaux, je vais lancer, plus tard cette année, un deuxième appel de propositions, cette fois expressément pour le Yukon, les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut. Dans le cadre de cet appel, nous investirons des fonds provenant de l’enveloppe de 400 millions de dollars réservée aux territoires pour répondre aux priorités uniques en matière de transport dans le Nord territorial.
Le gouvernement est également d’accord avec vous — le comité — pour affirmer que la participation active des peuples autochtones est essentielle à la réussite des projets d’infrastructure.
[Français]
J’ajouterai que, dans un sens plus général, la participation active des peuples autochtones, fondée sur la reconnaissance et le respect de leurs droits, est essentielle afin de promouvoir la réconciliation et de renouveler une relation de nation à nation.
Outre le financement de projets aux termes du Fonds national des corridors commerciaux, le gouvernement du Canada dispose également de programmes et de services supplémentaires visant à améliorer la connectivité dans les régions nordiques et éloignées. Les ministères des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord soutiennent la connectivité des Premières Nations en investissant dans les routes, les ponts et les systèmes énergétiques des réserves dans le cadre d’une stratégie de développement économique plus vaste.
Le ministère des Relations Couronne-Autochtones travaille également à la création d’un nouveau cadre stratégique complet pour l’Arctique et le Nord afin de refléter les défis et les opportunités qui émergent dans cette région. Le cadre portera sur les gens, les collectivités, les économies, l’environnement, la science, le contexte mondial et, bien sûr, l’infrastructure.
Mes représentants travaillent sur ce cadre de concert avec des partenaires fédéraux, territoriaux, provinciaux et autochtones dans le but de bien prendre en considération les transports. Nous reconnaissons l’importance des transports dans le Nord ainsi que leur incidence considérable sur la vie quotidienne des habitants du Nord, tant au chapitre social qu’économique. Une fois adopté, le cadre présentera une vision à long terme jusqu’en 2030 et il permettra d’orienter les priorités et les investissements ultérieurs du gouvernement fédéral dans l’Arctique.
[Traduction]
Le fonds n’est qu’un élément du plan historique Investir dans le Canada, qui permettra au gouvernement d’investir plus de 180 milliards de dollars sur 11 ans pour répondre aux besoins à long terme en matière d’infrastructure et soutenir la création d’emplois pour la classe moyenne.
Le volet des collectivités rurales et nordiques du plan Investir dans le Canada est axé sur un large éventail d’activités connexes, notamment sur l’amélioration de l’accès routier et la recherche de sources d’énergie renouvelable.
De plus, dans le cadre du plan Investir dans le Canada, le gouvernement a créé la Banque de l’infrastructure du Canada, qui investira 35 milliards de dollars dans des projets d’infrastructure transformateurs ayant un potentiel de génération de revenus. De ce montant, au moins 5 milliards de dollars seront investis dans des projets liés au commerce et au transport partout au pays, et 5 milliards iront à des projets d’énergie verte.
[Français]
Le gouvernement reconnaît également l’importance d’améliorer les communications dans les régions du Nord, en particulier les services Internet. Je sais bien que vous vous intéressez aux communications. C’est pourquoi le programme Brancher pour innover, du ministère de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique investit 500 millions de dollars sur cinq ans dans l’optique d’élargir et d’améliorer l’accès à la bande passante dans les zones rurales et éloignées, y compris le Nord. Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes a déclaré que tous les Canadiens, peu importe où ils vivent, devraient avoir accès au service de base Internet à large bande. Le conseil a établi des objectifs de vitesse Internet et a créé un nouveau fonds de 750 millions de dollars ayant pour but d’aider à les atteindre.
Le gouvernement du Canada fait des investissements importants avec le but d’améliorer les corridors commerciaux. Les programmes mentionnés apporteront une croissance économique durable au Canada et soutiendront également les familles et les communautés de la classe moyenne à travers le pays.
Encore une fois, je tiens à remercier le comité de son travail dans ce dossier. C’est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
[Traduction]
Le président : Merci beaucoup, monsieur le ministre. Nous avons une longue liste de personnes désireuses de poser des questions.
La sénatrice Boyer : Je vous remercie beaucoup de votre présence et de cet exposé très complet. Vous avez dit qu’il est essentiel que les peuples autochtones participent aux projets d’infrastructure. Quels mécanismes le gouvernement met-il en place pour que ces nations puissent participer activement à ces projets potentiels?
M. Garneau : C’est une excellente question. Au ministère des Transports, nous discutons beaucoup avec les communautés autochtones, que ce soit au sujet de ce programme, le Fonds national des corridors commerciaux, du Plan de protection des océans ou d’un projet précis, comme remédier à la cessation des activités de transport par autocar de Greyhound Canada dans les quatre provinces de l’Ouest.
Notre vision est maintenant axée sur les échanges avec les communautés autochtones parce qu’elles sont concernées et qu’elles veulent participer au processus. Dans tous les programmes où il y a une participation possible des Autochtones, un processus est en place pour solliciter leur point de vue sur la façon d’envisager ces projets.
Notre gouvernement en est fier. Nous nous sommes engagés à favoriser la réconciliation. Pour ce faire, nous devons établir de véritables relations et voir les choses différemment. C’est un changement de paradigme par rapport à la façon dont nous examinions les projets par le passé. C’est une chose qui nous tient à cœur à Transports Canada.
J’ai rencontré de nombreuses Premières Nations au sujet de plusieurs enjeux et je continuerai à le faire.
La sénatrice Boyer : Consultez-vous également les Métis et les Inuits?
M. Garneau : Oui, tous les peuples autochtones.
La sénatrice Boyer : Merci beaucoup. C’est une bonne chose.
Le sénateur Tannas : Je vous remercie de votre présence. J’ai bien aimé votre exposé. Je me réjouis également que votre ministère et vous ayez ce dossier important et beaucoup d’initiatives en cours. Vous avez un plan pour 2030, ce qui est formidable.
Ce que nous tentions de faire avec ce rapport, c’est de regarder plus loin, d’examiner certaines des réalités et des tendances d’aujourd’hui et de nous demander quelles sont les choses qui seront importantes dans les 100 prochaines années et qui prendront beaucoup de temps à préparer. Quelqu’un doit réfléchir longtemps à l’avance aux choses qui prennent beaucoup de temps à préparer. Autrement, nous n’arrivons jamais au point où c’est réalisable.
Nous nous sommes penchés sur la question du corridor national, une idée qui est dans l’air depuis les années 1960; ce corridor suit le tracé de la limite méridionale de la forêt boréale. Il desservirait notamment le Cercle de feu et offrirait un corridor de transport d’un océan à l’autre qui pourrait comprendre les réseaux ferroviaire et routier, une ligne de transport d’électricité utilisant des supraconducteurs, des fibres optiques, ou une autoroute pour les voitures ou les camions autonomes, et tout cela en une seule emprise.
C’est le Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations et l’École de politique publique de l’Université de Calgary qui ont modernisé cette idée des années 1960 et présenté ce que nous considérions comme une proposition intrigante. Nous avons entendu de nombreux témoins et divers points de vue, et c’est ce qui a mené à notre recommandation.
Je n’ai rien entendu dans vos observations à ce sujet. Je comprends que c’est pour vous une occasion de parler de ce que vous faites aujourd’hui et un peu du plan de 2030, mais ce n’est pas là-dessus que portait ce rapport.
J’aimerais savoir ce que vous pensez du rapport et de l’idée d’une vision d’envergure, d’une initiative nationale, pour les 100 prochaines années. Avez-vous trouvé cela insensé? Cela a-t-il suscité des réactions? Les gens ont-ils dit : « C’est une idée intéressante; nous devrions la placer sur notre liste de priorités et la mettre à l’essai »? Ou n’était-ce qu’une autre idée qui est arrivée sur votre bureau et que vous avez dû examiner parce qu’elle venait de ces sénateurs enquiquineurs?
M. Garneau : Je vous remercie de la question, sénateur. J’ai entendu parler de ce projet de l’Université de Calgary. C’est un concept intéressant, cela ne fait aucun doute. Nous avons la chance de vivre dans le deuxième pays du monde en superficie et nous avons des défis à relever dans de nombreux domaines, pas seulement dans celui des transports. L’idée en soi est séduisante — un corridor qui favoriserait non seulement le transport, mais aussi les liens de communication et d’autres infrastructures.
L’idée du corridor va certainement au-delà de 2030. Je suis heureux que vous ayez souligné que vous regardez encore plus loin que 15 ans à l’avance.
Il nous faut vérifier dans quelle mesure ce concept reçoit l’appui des Canadiens, notamment des entreprises du secteur privé, de services publics et de transport, et toutes celles qui pourraient l’utiliser, qu’il s’agisse d’un corridor pour les pipelines ou peu importe. Cela n’a pas encore été fait.
Il y a aussi le fait qu’il s’agit d’un mégaprojet qui nécessite un investissement financier considérable. Je sais qu’il existe un intérêt à l’égard d’une étude plus approfondie de ce concept, et cela pourrait se faire au moyen du Fonds national des corridors commerciaux. Comme je l’ai dit, il peut y avoir des projets et également des études. C’est une possibilité à explorer par l’entremise du Fonds national des corridors commerciaux, mais j’ajouterai une condition : tous nos projets reposent habituellement sur une entente de cofinancement.
Le sénateur Tannas : C’est un point très important auquel le comité devra réfléchir. Il y a peut-être des façons dont nous pouvons contribuer. Est-ce que cela poserait problème si les sources de cofinancement étaient les gouvernements provinciaux de la Saskatchewan et de l’Alberta?
M. Garneau : Il n’y aurait absolument rien de mal à cela. Bon nombre des sources de cofinancement des projets que nous avons approuvés viennent d’autres ordres de gouvernement et du secteur privé. C’est tout à fait permis. Ils peuvent également provenir d’universités. Tout cela est possible.
Si quelque chose nous est proposé, disons, dans la prochaine phase, nous pouvons l’examiner. Évidemment, ce serait en concurrence avec tous les autres projets. Par exemple, à la suite de notre premier appel de déclarations d’intérêt, nous avons reçu plus de 400 projets. Il s’agit d’un programme qui suscite beaucoup d’intérêt. J’en suis ravi, mais nous devons aussi respecter le budget de 2 milliards de dollars.
Le sénateur Tannas : Merci.
M. Garneau : Il n’y a pas de quoi.
La sénatrice Wallin : J’adorerais vous poser une question sur les services d’autobus et de train et le transport du grain en Saskatchewan, mais je vais aller dans la même direction que le sénateur Tannas en me concentrant sur notre étude. Merci beaucoup.
Bon nombre de nos témoins ont parlé de la nature pancanadienne du projet de corridor nordique. À ce titre, il serait de compétence fédérale en ce qui a trait au commerce. On a laissé entendre à plusieurs occasions qu’il est peu probable que l’on crée un corridor nordique sans une participation substantielle du gouvernement fédéral. D’autres témoins ont souligné que le gouvernement fédéral a la responsabilité constitutionnelle d’adopter une politique sur le transport. Êtes-vous d’accord avec ces affirmations?
M. Garneau : Même si les coûts du projet n’ont pas été calculés en détail, il s’agit vraiment d’un projet énorme. Je peux comprendre que les gens disent qu’il est peu probable qu’on le mène à bien sans une certaine participation du gouvernement fédéral. Dans une perspective de politique gouvernementale, il faut réfléchir sérieusement pour déterminer si une contribution fédérale est justifiée ou non. Ainsi, nous devons étudier davantage la question.
La sénatrice Wallin : De toute évidence, vous convenez que cet enjeu relève de la responsabilité constitutionnelle du gouvernement.
M. Garneau : Je ne suis pas suffisamment expert pour dire si cet enjeu relève de notre responsabilité constitutionnelle, mais, lorsqu’une mesure transcende les frontières des provinces, par opposition à une mesure interprovinciale, il y a habituellement une participation du gouvernement fédéral.
La sénatrice Wallin : Pour donner suite à ce que le sénateur Tannas a dit, nous comprenons que vous souhaitez que d’autres intervenants participent au projet, que ce soit des groupes autochtones, des provinces ou toutes sortes d’organismes. Nous avons eu l’impression que, compte tenu de l’ampleur du projet et de sa nature pancanadienne, c’est vous qui deviez prendre cette initiative, ce qui explique pourquoi nous avons présenté le rapport au gouvernement fédéral.
Je comprends que vous devez l’étudier, mais on suppose que c’est vous qui devrez inciter le lancement du projet et que vous devrez y contribuer de façon importante. Cette question est-elle, oui ou non, à l’ordre du jour d’une quelconque façon?
M. Garneau : À ce moment-ci, la voie que nous préconisons, c’est qu’un organisme de l’extérieur du gouvernement fédéral réalise une étude plus approfondie, puis qu’il présente au gouvernement cette étude exhaustive pour que celui-ci puisse l’examiner.
La sénatrice Wallin : L’étude que l’on doit vous présenter doit-elle, en quelque sorte, représenter officiellement ces autres groupes, les provinces, les groupes autochtones, et cetera?
M. Garneau : Non, je crois qu’elle doit représenter ce que le projet promet d’offrir aux Canadiens en matière de bénéfices.
La sénatrice Wallin : Donc, une plus grande participation du secteur privé.
M. Garneau : Oui, et une certaine idée des coûts. Si on met en œuvre le projet, mais que tous les utilisateurs potentiels n’y adhèrent pas, cela envoie un signal. En définitive, les utilisateurs sont-ils enthousiastes à l’égard du projet et veulent-ils y participer? Il est nécessaire de faire ce genre d’évaluation, et nous préférerions qu’elle soit faite par des organismes qui sont susceptibles de devenir des utilisateurs du corridor.
La sénatrice Wallin : Vous avez établi un précédent tellement intéressant. Ainsi, si le secteur privé allait de l’avant avec le projet et que, pour n’importe quelle raison — les consultations, par exemple —, le projet ne pouvait pas être mené à bien, est-il possible que vous l’achetiez?
M. Garneau : Les 37 projets que nous avons cofinancés de concert avec le secteur privé ont démontré le bien-fondé du « désengorgement » ou de l’accroissement de l’efficacité des corridors. Il incomberait aussi à ce groupe d’accomplir les mêmes tâches.
La sénatrice Wallin : Merveilleux. Merci.
Le sénateur Tkachuk : Monsieur le ministre, merci de votre intervention et des renseignements que vous nous donnez sur les fonds que vous dépensez au chapitre des transports.
Au Comité des banques, nous nous intéressons davantage à un corridor national. Nous avons présenté un rapport. Nous n’avons pas recommandé que le gouvernement dépense beaucoup d’argent, mais bien qu’il examine davantage l’étude initiale effectuée par l’Université de Calgary et l’Université McGill. Ce faisant, le gouvernement s’associerait aussi avec des groupes autochtones, ce qui était très important pour nous. Je n’ai rien entendu dans votre réponse qui nous indique qu’une telle chose vous intéresse, alors je tiens à ce que vous commentiez directement le rapport.
M. Garneau : Ce que je vous dirais, monsieur le sénateur, c’est qu’il est évident que nous avons pris connaissance de façon sérieuse du rapport du comité concernant le corridor nordique que vous avez mentionné. Notre réponse à ce sujet, c’est que, s’il s’agit d’un programme ou d’un projet qui peut contribuer à l’atteinte de nos objectifs relativement aux corridors de commerce et de transport — pour accroître leur fluidité et leur efficacité —, nous serions intéressés à y donner suite.
À ce moment-ci, nous estimons qu’il faut encore beaucoup de travail afin d’étoffer ce projet pour déterminer si les organismes du secteur privé, qui seront les utilisateurs, ou les provinces, si elles sont aussi des utilisatrices, souhaitent y adhérer en nombre avant l’aller plus loin. À ce moment-ci, le projet est admissible à un financement au titre du Fonds national des corridors commerciaux s’il peut présenter une demande cofinancée convaincante la prochaine fois que nous faisons un appel d’offres.
Le sénateur Tkachuk : Depuis lors, le corridor Énergie Est a fermé. En combien de milliards de dollars le problème que nous avons avec Trans Mountain s’est-il traduit? Personne ne sait exactement combien de milliards de dollars ce projet va nous coûter. Est-ce si difficile de dire « je crois que nous avons un problème, et nous devrions peut-être trouver une façon d’empêcher qu’il se reproduise à l’avenir »? Je ne sais pas pourquoi vous ou quelqu’un du ministère n’avez pas téléphoné aux dirigeants de la Saskatchewan, de l’Alberta ou de la Colombie-Britannique pour leur dire : « Nous allons investir quelques millions de dollars et étudier la question plus en profondeur pour déterminer si le projet a la moindre chance de réussir. »
La demande était très simple. Je crois que le gouvernement rate sa chance en ce moment même. Je dis seulement qu’il semble étrange que l’on n’examine pas le rapport et que dire que l’on en a « pris connaissance » n’est pas une bonne réponse.
M. Garneau : Nous allons de l’avant avec beaucoup de projets. Vous avez mentionné le projet TMX. En ce moment, je crois que vous avez probablement pris connaissance de la réponse du gouvernement au sujet de la décision de la Cour d’appel fédérale.
Le sénateur Tkachuk : C’est le moins que l’on puisse dire.
M. Garneau : Nous continuons d’aller de l’avant dans ce dossier afin de nous conformer aux recommandations de la Cour d’appel fédérale et nous verrons où cela nous mènera. Il est évident que nous reconnaissons qu’il est important pour nous de trouver — étant donné que vous avez soulevé la question des hydrocarbures — d’autres marchés que les États-Unis. Étant donné que, à l’heure actuelle, 99 p. 100 de nos hydrocarbures sont acheminés vers les États-Unis, nous tentons d’accéder aux marchés étrangers.
Le sénateur Tkachuk : Vous avez parlé de Trans Mountain. Avez-vous pris part à la décision d’acheter l’oléoduc Trans Mountain?
M. Garneau : C’est le gouvernement qui a pris la décision.
Le sénateur Tkachuk : Non. Avez-vous pris part à cette décision?
M. Garneau : Il s’agit d’un renseignement confidentiel du Cabinet, monsieur le sénateur. La décision a été prise par le gouvernement. Je crois qu’il importe peu si j’y ai personnellement pris part ou non.
Le sénateur Tkachuk : Des conseillers extérieurs ont-ils pris part à la décision?
M. Garneau : Il s’agit d’un renseignement confidentiel du Cabinet, monsieur le sénateur.
Le sénateur Tkachuk : Je ne demande pas de qui il s’agissait. Je demande s’il y avait des conseillers extérieurs.
M. Garneau : Il s’agit d’un renseignement confidentiel du Cabinet, monsieur le sénateur.
Le sénateur Tkachuk : J’ai une autre question. Dans votre intervention, vous avez mentionné la Banque de l’infrastructure du Canada, que nous avons attendue un bon moment, et vous avez mentionné qu’elle investira 5 milliards de dollars dans des projets de transport et d’énergie verte.
M. Garneau : Cinq milliards de dollars pour chaque projet.
Le sénateur Tkachuk : Donc, j’en conclus que le gouvernement a donné à la banque une certaine orientation quant aux projets dans lesquels elle devrait investir. De quels projets d’énergie verte parle-t-on?
M. Garneau : Tout d’abord, la prémisse de la Banque de l’infrastructure du Canada, c’est qu’elle appuiera les projets qui attirent le secteur privé, où celui-ci estime qu’il peut obtenir un rendement sur son investissement, contrairement aux projets financés par le gouvernement, qu’il réalise pour le bien public. Dans ce cas-ci, il y a la possibilité d’intéresser le secteur privé dans de grands projets. Comme vous le savez, la banque a déjà annoncé par l’entremise de la Caisse de dépôt et placement du Québec sa participation dans le projet de Réseau express métropolitain, qui est le système de train léger qui sera construit à Montréal. En fait, c’est le premier exemple de la participation de la Banque de l’infrastructure.
Par contre, en ce qui a trait aux infrastructures vertes, ce sont des projets qui intéresseront le secteur privé, étant donné qu’il estimera qu’il peut obtenir un rendement sur son investissement. Il y a toutes sortes de possibilités. Je ne vais pas donner d’exemples précis, mais, si le secteur privé souhaite participer à un projet où il peut obtenir un rendement sur son investissement, il se pourrait qu’il veuille investir. Nous sommes convaincus que de grands investisseurs seront intéressés par certains des projets dans le domaine des infrastructures vertes ou des infrastructures de transport, que ce soit le transport en commun ou les corridors commerciaux, des initiatives dans lesquelles ils souhaitent participer et peuvent investir des sommes considérables s’ils peuvent obtenir un bon rendement sur cet investissement.
Le sénateur Tkachuk : Ils seraient des partenaires dans le projet. Ils ne le subventionneraient pas.
M. Garneau : Ultimement, ils pourraient devenir les propriétaires du projet.
Le sénateur Tkachuk : Le gouvernement serait le propriétaire du projet.
M. Garneau : Non, le partenaire, c’est-à-dire le secteur privé.
Le sénateur Tannas : Pendant un moment, j’ai cru que nous faisions marche arrière, alors je tiens à m’assurer que ce n’était pas le cas.
Selon la recommandation que nous avons faite, les parties que nous avons ciblées seraient admissibles au Fonds national des corridors commerciaux, mais il n’y a aucune garantie. Toutefois, elles doivent tout de même assurer un financement de contrepartie de 50 p. 100. C’est ce que vous dites, non pas qu’elles doivent effectuer une autre étude avant d’être admissibles.
M. Garneau : C’est exactement ce que je dis. Lorsque l’on réalise plus de 400 projets et que bon nombre d’entre eux sont cofinancés, on est naturellement attiré vers ceux qui tireront déjà profit de la contribution du gouvernement.
Le sénateur Tannas : C’est tout à fait compréhensible.
Le sénateur Marwah : Merci d’être venu aujourd’hui, monsieur le ministre. Vos observations ont été pertinentes.
Vous avez clairement exposé les nombreuses initiatives que le gouvernement met en œuvre dans le milieu des investissements du secteur public. J’étais ravi de vous entendre mentionner que quelque 37 projets sont cofinancés de concert avec le secteur privé. Êtes-vous satisfait de l’adhésion du secteur privé au Fonds national des corridors commerciaux ou au Fonds pour l’énergie dans l’Arctique, ou en êtes-vous déçu? Si vous êtes déçu, y a-t-il d’autres mesures que nous pourrions prendre afin d’encourager la participation du secteur privé, comme des mesures incitatives? Leurs compétences et leur expertise sont nécessaires pour gérer un grand nombre de ces projets. Comment pouvons-nous encourager le secteur privé à participer davantage?
M. Garneau : Vous soulevez un très bon point, monsieur le sénateur. Le premier appel d’intérêt a donné lieu à la présentation de plus de 400 projets. L’intérêt à participer à ce plan est donc très grand.
Nous avons réduit leur nombre à 37, en misant sur les projets que nous jugions les plus importants, en fonction de l’effet qu’ils auraient sur nos corridors commerciaux et du respect des paramètres du programme de cofinancement. Ces 37 projets visaient un engagement de 774 millions de dollars du gouvernement fédéral. Toutefois, le secteur privé et d’autres fournissaient 1,08 milliard de dollars supplémentaires en cofinancement.
Le sénateur Marwah : C’est presque 60-40.
M. Garneau : Environ 60-40, oui.
Cela remonte très loin. Vous vous souvenez peut-être de l’ancien projet Gateway. En fait, il a été lancé par le gouvernement libéral, par le ministre des Transports Jean Lapierre. L’idée était d’améliorer l’efficacité des corridors commerciaux vers nos portes d’entrée, notamment vers la porte d’entrée du Pacifique, qui est la plus importante. Dès le départ, l’enthousiasme du secteur privé en vue de régler les problèmes de nos corridors commerciaux était manifeste, et les investissements du secteur privé étaient très impressionnants.
C’est notre premier appel. Nous croyons que maintenant que tout le monde connaît le programme, lorsque nous procéderons à un deuxième appel, nous recevrons beaucoup d’offres de l’ensemble du pays. Nous croyons que nous allons continuer de bénéficier de l’investissement du secteur privé parce qu’il y voit de nombreux avantages. Par exemple, lorsque j’étais dans le Lower Mainland de la Colombie-Britannique pour annoncer des projets importants, le CN et le CP — deux grands utilisateurs de l’autorité portuaire — ont tous deux décidé d’investir parce que les projets allaient améliorer le mouvement des biens, qui viennent habituellement des provinces de l’Ouest et arrivent au port de Vancouver, le plus important du pays.
Le sénateur Marwah : Qui gère les 37 projets cofinancés par le secteur privé? Est-ce le gouvernement ou le secteur privé?
M. Garneau : Nous sommes responsables de décider à qui sera confié le projet. Après cela, les projets en soi ne sont habituellement pas gérés par le gouvernement fédéral. L’une de mes collègues voudrait peut-être ajouter quelque chose à cela.
Emilia Warriner, directrice, Programmes d’infrastructure de transport, Transports Canada : Les promoteurs sont entièrement responsables de la mise en œuvre et de la production de rapports, de tout le cycle de travail nécessaire à la mise en œuvre du projet.
Le gouvernement fédéral finance ces activités et surveille le travail, mais les promoteurs sont responsables de la mise en œuvre et de la gestion du projet.
Le sénateur Marwah : Je suis heureux de savoir que vous assurez une surveillance. Dans les cas de dépassement des coûts, qui est responsable?
Mme Warriner : Le promoteur. La contribution du gouvernement est associée à un montant maximal.
M. Garneau : Monsieur le sénateur, pour vous donner un exemple — et je pourrais vous en donner plusieurs —, le port de Nanaimo était un promoteur. C’est une autorité portuaire. Il est responsable du projet qui nous est proposé. Nous affectons un certain montant et c’est tout. Le port est responsable du projet.
[Français]
Le sénateur Mockler : Monsieur le ministre, j’ai écouté attentivement vos commentaires sur le Fonds national des corridors commerciaux.
[Traduction]
Je viens du Canada atlantique. Alors que nous nous éloignons du Fonds national des corridors commerciaux, pourriez-vous nous dire quels sont les projets pour le Canada atlantique? Pourriez-vous nous dire précisément ce qui se prépare pour nos ports de Saint John, au Nouveau-Brunswick, d’Halifax, de St. John’s, à Terre-Neuve et de Charlottetown? Vous n’en avez pas parlé. Pourriez-vous transmettre une liste à la greffière? Puisque vous êtes là, j’aimerais savoir ce que vous prévoyez faire au Canada atlantique, aux fins du compte rendu.
M. Garneau : Merci, monsieur le sénateur. Nous n’avons pas encore annoncé les 37 projets. Il ne serait donc pas approprié d’en publier la liste pour le moment.
Pour répondre à votre question, nous avons octroyé des fonds au ministère des Transports et de l’Infrastructure du Nouveau-Brunswick. Le gouvernement fédéral a investi 22 millions de dollars pour des travaux sur la route 10. Je vais vous parler des projets qui ont été annoncés. L’autorité portuaire de Saint John — j’ai fait l’annonce moi-même — bénéficiera d’un investissement de plus de 10 millions de dollars. En Nouvelle-Écosse, le premier ministre a annoncé un investissement de 90 millions de dollars du gouvernement fédéral pour le jumelage de la route Transcanadienne avec l’autoroute 104. À Terre-Neuve, on investira 5 millions de dollars dans l’aéroport international de Gander. À l’Île-du-Prince-Édouard, on investira 8 millions de dollars dans l’aéroport de Charlottetown; c’est le ministre MacAulay qui a fait cette annonce. À Terre-Neuve, pour l’autorité portuaire de St. John’s, on consacrera 175 000 $ à une étude sur la manutention du fret. Le gouvernement a octroyé des fonds dans l’ensemble du pays.
Nous étudions aussi l’isthme de Chignecto. Comme vous le savez, c’est l’endroit où la baie de Fundy arrive dans le bassin, jusqu’à la route Transcanadienne environ. En cas d’inondation importante de l’isthme, la Nouvelle-Écosse serait isolée du reste du pays. Nous tentons de voir s’il faudra accroître la protection de l’isthme de Chignecto.
[Français]
Le sénateur Mockler : Dans la prochaine étape du fonds, les villes de Saint-Jean et de Belledune, au Nouveau-Brunswick, seront-elles prises en considération?
M. Garneau : Tous les projets seront examinés à l’avenir, lorsqu’on lancera la deuxième demande. Ceux et celles qui désirent avoir accès à ce financement peuvent le faire, à condition qu’ils respectent les paramètres et les critères d’admissibilité. Il faut que ce soit un projet qui améliorera nos corridors de transport afin de les rendre plus efficaces. Il faut également la présence de cofinancement. Si ces critères sont remplis, nous serons très intéressés.
Le port de Belledune peut présenter une demande s’il a un projet en tête. Il faut obtenir du cofinancement et bien expliquer de quelle façon le projet nous aidera.
Le sénateur Mockler : J’ai une dernière question.
[Traduction]
J’ai la réputation de poser des questions sur l’oléoduc Énergie Est chaque fois que je vois des ministres.
Si nous avions eu un corridor de pipeline dans l’ensemble du Canada — et dans le Canada atlantique en particulier —, du Québec jusqu’à la plus grande raffinerie du Canada située à Saint John, au Nouveau-Brunswick, croyez-vous que nous aurions réussi Énergie Est?
M. Garneau : Le processus de l’Office national de l’énergie et la décision de Trans Mountain d’abandonner le projet pour des raisons financières sont les facteurs qui ont eu une incidence sur la décision dans ce dossier. Ceux qui ont suivi le dossier avec attention, comme moi, savent que ces facteurs sont reliés entre eux sur le plan factuel.
Nous devons vivre avec les résultats. Je peux comprendre les gens qui plaidaient en faveur d’Énergie Est. Je comprends les raisons pour lesquelles ils appuyaient le projet, mais l’ONE doit respecter un certain processus et la société qui devait fournir l’oléoduc a pris une décision.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Merci, monsieur le ministre, de votre présentation. On ne doit pas oublier le coût du transport à l’intérieur du pays en comparaison à l’échelle internationale. Je ne mentionnerai pas le coût des billets d’avion pour un voyage de Montréal aux îles de la Madeleine par rapport à celui d’un voyage de Montréal à Paris. Ils sont vraiment très dispendieux.
Dans votre présentation, vous avez parlé brièvement de la disparition du service de la compagnie Greyhound, qui desservait certaines communautés. Il faut comprendre que le commerce ne se fait pas seulement sur Internet. Il arrive que les gens doivent se déplacer pour en faire. Dans quelle mesure l’accès aux déplacements à des prix raisonnables, soit par avion ou par transport routier, fait-il partie de vos plans? De façon concrète, j’aimerais savoir ce à quoi les gens doivent s’attendre quand on parle de délai raisonnable. Les déplacements d’affaires doivent aussi se faire à un coût raisonnable.
M. Garneau : Merci de votre question. En général, nous essayons, à Transports Canada, de créer les conditions propices pour accroître la compétitivité, ce qui entraîne souvent une baisse des prix. Par exemple, dans le projet de loi C-49, nous avons décidé de permettre les investissements étrangers dans les lignes aériennes canadiennes à hauteur de 49 p. 100, alors que le taux était auparavant de 25 p. 100. Les compagnies qui désiraient entrer dans ce domaine très compétitif avaient de la difficulté à attirer du financement pour mettre sur pied une ligne aérienne compétitive et offrir d’autres options aux Canadiens. En augmentant la participation de 25 p. 100 à 49 p. 100, on stimule la compétition.
Vous parlez de subventionner pour offrir des prix raisonnables. Ce sont là de grandes décisions lorsque les gouvernements décident d’aller de l’avant. Par exemple, comme vous le savez, la compagnie VIA Rail est subventionnée. La décision est majeure quand on décide de s’impliquer au lieu de laisser cela aux marchés.
Vous avez aussi mentionné Greyhound. Cette compagnie a annoncé qu’elle abandonnait tous les trajets dans l’Ouest du Canada à compter du 31 octobre. Le premier ministre m’a donné le mandat d’examiner cette question, car elle laisse plusieurs personnes sans moyen de transport. Dans certains cas, ces personnes avaient d’autres solutions, mais dans d’autres cas, elles n’en ont pas. On examine donc la question de très près. Je me penche sur le dossier avec d’autres ministères et des représentants des quatre provinces de l’Ouest concernées, étant donné qu’elles ont, depuis 1954, la responsabilité du service d’autobus sur leur territoire. On cherche une solution à cette nouvelle situation imprévue. Les préoccupations comme celles que vous venez de soulever nous amènent souvent à nous poser la question à savoir si les gouvernements, provinciaux ou fédéral, devraient participer à la subvention des services de transport. Ce sont de grandes questions qui mènent, à mon avis, à un projet de société.
En ce moment, nous n’entrevoyons aucun virage majeur de ce côté. Nous voulons rendre VIA Rail plus compétitive, car c’est cette compagnie qui offre le service ferroviaire. On ne peut pas couvrir chaque coin du pays, mais cet aspect est important quand on parle des gens qui n’ont pas d’autres solutions. J’espère avoir répondu à votre question.
Le sénateur Dagenais : Merci beaucoup, monsieur le ministre.
[Traduction]
Le président : Monsieur le ministre, j’aimerais vous poser une question, si vous me le permettez.
Bien sûr, je suis très satisfait du travail de votre ministère pour le plan de 2030, que vous nous avez présenté aujourd’hui. Il est essentiel pour le Canada d’accroître l’accès aux ports et aux routes menant aux aéroports. C’est un travail essentiel alors je vous en remercie.
En ce qui a trait à votre réponse sur le travail du Sénat dans le dossier du corridor du Nord, je suis très déçu de votre réponse. Le Sénat du Canada n’entreprend pas des projets pour le plaisir. Nous ne voulons pas utiliser notre temps, celui des autres ou l’argent des contribuables pour étudier des projets que nous jugeons futiles. Dans ces cas, nous n’étudions pas les projets ou nous ne nous rendons pas au point de faire des recommandations précises au gouvernement.
Vous avez reconnu l’importance intellectuelle possible d’un corridor du Nord, et nous sommes d’accord avec vous là-dessus. Nous savons qu’en raison des problèmes que nous avons eus avec Trans Mountain, Énergie Est, Gateway et les chemins de fer du pays, il y a peut-être quelque chose.
Notre demande au gouvernement était très simple. Nous avons dit qu’il fallait étudier la question plus en détail, comme vous l’avez dit, monsieur le ministre. Nous avons dit qu’il faudrait à notre avis environ 5 millions de dollars pour le faire... C’était une demande raisonnable pour un projet d’importance qui renforce la nation, à notre avis. Ensuite, on nous a dit que les personnes intéressées pouvaient faire une demande et devaient trouver des partenaires pour ce faire. Bien que ce ne soit pas déraisonnable, cela ne démontre pas, à mon avis, le leadership du gouvernement ou de votre ministère en vue de renforcer notre pays. J’aimerais adopter un ton moins dur, mais je trouve cela tout simplement inacceptable.
Je peux aussi vous dire que l’Université McGill et l’Université de Calgary ont fait une demande de financement pour réaliser les travaux que nous leur avons demandé de faire, mais je comprends que leur demande a été refusée. Je me trompe peut-être, et vous me corrigerez si c’est le cas. C’est ce que j’ai compris.
Monsieur le ministre, j’aimerais que vous disiez au comité, si vous le pouvez, que vous allez trouver ces 5 millions de dollars quelque part, dans un fonds, afin que nous puissions réaliser cet important travail. Nous voulons savoir s’il y a des possibilités pour les Autochtones et les entreprises du Canada et résoudre le problème actuel qui nous empêche de bâtir des projets au pays. Je vous demande de faire un lave-auto, une vente de pâtisseries, peu importe, mais de trouver les 5 millions de dollars dont nous avons besoin pour réaliser ce projet.
Monsieur le ministre, dites-nous comment nous pouvons y arriver, s’il vous plaît.
M. Garneau : Merci beaucoup. Vous avez été très clair, monsieur le sénateur.
Comme je l’ai dit au sénateur Tannas, l’approche que nous avons adoptée... Je dois vous dire en passant que nous recevons un grand nombre de demandes de fonds non sollicitées. Vous savez déjà tout cela. Nous devons prendre des décisions difficiles sur la façon d’aller de l’avant de manière responsable avec l’argent des contribuables. Je ne suis pas libre de discuter des projets non retenus, des personnes qui ont présenté une demande et ainsi de suite. Je vous ai dit que le cofinancement était un élément essentiel lorsqu’on recevait des centaines de projets.
En passant, je ne suis pas d’accord avec vous lorsque vous dites qu’il n’y a aucun grand projet. Comme vous le savez, plus tôt cette semaine, le premier ministre était avec plusieurs grandes entreprises pour annoncer un investissement privé de 40 milliards de dollars dans la construction d’une usine de GNL à Kitimat. Je crois que c’est un important vote de confiance pour notre pays et que c’est très bon pour l’économie. Les choses bougent, donc, mais nous devons respecter certains paramètres et prendre des décisions difficiles.
Je remercie le comité de son travail sur le corridor du Nord et je crois que nous pourrons continuer. Nous finançons certaines études, mais ce sont toutes de bonnes études qui sont cofinancées.
Le président : Merci. Je trouve que notre conversation est franche et utile. Donc, vous dites que ces gens n’ont pas accès à un autre bassin. Ils doivent utiliser ce bassin et respecter ses paramètres. C’est tout.
M. Garneau : Oui, monsieur le sénateur.
Le président : C’est bon à savoir, merci beaucoup.
Le sénateur Tannas : Pour que vous le sachiez, je crois que ce qui arrivera — et cela revient aux propos du sénateur Tkachuk —, c’est que nous allons prendre le téléphone. Notre rôle en tant que sénateurs est peut-être d’entreprendre des initiatives que personne d’autre ne veut entreprendre, et nous allons nous charger de trouver l’autre moitié des fonds et d’encourager les universités à présenter une nouvelle demande.
La sénatrice Wallin : Selon les dires de tous, le projet de GNL était une idée extraordinaire, mais le premier ministre de la Saskatchewan a soulevé une question aujourd’hui à ce sujet. Pour que ces projets aillent de l’avant, il faut une exemption de la taxe sur le carbone. C’est peut-être ce qui empêche l’investissement.
Je vais revenir à l’enjeu actuel, dont le comité parle beaucoup lorsqu’il est question de grands projets. Nous l’avons vu encore hier avec l’annonce des prochaines étapes pour le projet de Trans Mountain. Pourriez-vous nous donner une idée de ce que comprend l’obligation de consulter du gouvernement selon vous, sans trahir le secret du Cabinet?
M. Garneau : L’obligation de consulter — nous avons pris très au sérieux les commentaires et directives de la Cour d’appel fédérale — vise la consultation des Premières Nations qui sont touchées ou qui peuvent être touchées. Comme vous le savez, certaines d’entre elles appuient le projet et d’autres ne l’appuient pas, pour diverses raisons. Il faut les consulter de façon individuelle afin de cibler les raisons pour lesquelles elles ne sont pas d’accord avec le projet et de voir s’il y a des solutions possibles pour les Premières Nations et les Autochtones qui vivent le long de ce trajet, et démontrer que nous avons tenu ces consultations, que nous avons apporté des modifications dans certains cas et que le processus de consultation a été un exercice sérieux.
Il nous incombe à nous, le gouvernement, de le faire. C’est ce que la Cour d’appel fédérale nous a ordonné de faire et c’est très important de bien le faire parce qu’il s’agira probablement d’un modèle à utiliser pour les prochains grands projets.
La sénatrice Wallin : Je crois que nous nous entendons tous pour dire que c’est un exercice élémentaire et nécessaire. Ce qui nous préoccupe, c’est de trouver le point d’arrêt, si possible. Si certaines personnes s’opposent à un projet et d’autres l’appuient, comment peut-on atteindre le point d’arrêt, faute de pouvoir faire changer les gens d’idée?
M. Garneau : Vous avez très bien résumé la situation. Nous sommes en terrain inconnu. Nous réalisons un exercice que nous n’avons pas très bien réalisé au cours des 150 premières années de notre existence et nous nous sommes engagés à le faire de façon très sérieuse. Cela ne vient pas sans complication ni défi. Nous reconnaissons qu’il ne sera pas toujours possible d’obtenir un consensus, mais nous devons prouver que nous avons fait de notre mieux. C’est un chapitre de notre histoire qui n’a pas encore été écrit et qui le sera au cours des deux prochaines années.
Le sénateur Tkachuk : Selon ce que je comprends, le processus veut que vous recommenciez tout du début. Vous n’allez pas seulement vous occuper des cas qui ont été portés devant les tribunaux, mais aussi de tous ces gens qui ont déjà montré leur appui à l’égard du projet et qui étaient des partenaires. Est-ce que nous recommençons tout le processus?
M. Garneau : Ce que je vous dirais, monsieur le sénateur, c’est que, dans certains cas, le processus sera simple, parce que les gens qui appuyaient le programme l’appuieront probablement encore. Ils diront qu’ils ont été consultés et qu’ils ne s’opposent pas au projet pour une raison particulière.
Il est, bien sûr, plus important pour nous de consulter davantage les gens qui s’opposaient au projet, de connaître les raisons précises qui ont mené à leur opposition et d’essayer de trouver des solutions de rechange. Ensuite, nous devrons bien sûr prendre une décision finale.
Le sénateur Tkachuk : On ne souhaitait pas en appeler de la décision.
M. Garneau : Nous croyons qu’il est important de bien faire les choses, alors nous avons pris la décision de la Cour d’appel fédérale au sérieux et nous allons respecter ses recommandations.
Le sénateur Tkachuk : D’accord. Merci.
Le président : Monsieur le ministre, nous vous remercions, vous et vos représentantes de votre présence ici aujourd’hui. Comme toujours, les sénateurs ont parfois des questions quelque peu audacieuses et directes, mais c’est ce que les Canadiens attendent de nous. Nous vous remercions une fois de plus de votre présence et nous serons heureux de vous recevoir de nouveau.
M. Garneau : Merci beaucoup, monsieur le président.
(La séance est levée.)