Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule no 46 - Témoignages du 25 octobre 2018
OTTAWA, le jeudi 25 octobre 2018
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd’hui, à 10 h 31, afin d’étudier, pour en faire rapport, les questions relatives à la gestion du risque systémique dans le système financier, au pays et dans le monde.
Le sénateur Douglas Black (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour et bienvenue, chers collègues et membres du grand public qui suivez les délibérations du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce dans la pièce avec nous ou sur le Web.
Je m’appelle Doug Black. Je préside ce comité et je suis un sénateur de l’Alberta. Je demanderais à mes collègues de bien vouloir se présenter.
La sénatrice Wallin : Pamela Wallin, de la Saskatchewan.
Le sénateur C. Deacon : Colin Deacon, de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Campbell : Larry Campbell, de la Colombie-Britannique. Je remplace la sénatrice Ringuette.
Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l’Alberta.
Le sénateur Wetston : Howard Wetston, de l’Ontario.
Le sénateur Tkachuk : David Tkachuk, de la Saskatchewan.
Le président : Je sais qu’un certain nombre d’entre vous ont déjà témoigné devant nous. Vous savez tous que notre greffière et nos analystes font un très bon travail pour notre comité.
Le 17 octobre 2017, le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce a été autorisé à mener une étude sur les questions relatives à la gestion du risque systémique dans le système financier, au pays et dans le monde. Étant donné que la crise financière mondiale remonte à 10 ans, le comité est intéressé à connaître les mesures qui ont été mises en place depuis ce temps pour gérer le risque systémique dans le secteur financier et leur efficacité. Nous sommes aussi intéressés, bien sûr, à connaître d’autres risques systémiques que vous pourriez cerner et sur lesquels vous aimeriez attirer notre attention.
Aujourd’hui, nous tenons notre deuxième réunion à ce sujet. Je suis très heureux d’accueillir les témoins suivants : de la Banque du Canada, Ron Morrow, directeur général, Département de la stabilité financière; du ministère des Finances, Leah Anderson, sous-ministre adjointe, Direction de la politique du secteur financier; du Bureau du surintendant des institutions financières, Jeremy Rudin, surintendant; de la Société canadienne d’hypothèques et de logement, Steven Mennill, chef de la gestion des risques; et, enfin, de la Société d’assurance-dépôts du Canada, Dean Cosman, président et chef de la direction.
Nous avons un groupe d’invités extraordinaires. Nous avons beaucoup de sujets à couvrir, alors nous allons commencer. J’ai une liste d’intervenants avec laquelle je crois comprendre que vous êtes tous d’accord. Nous allons commencer par la représentante du ministère des Finances.
Leah Anderson, sous-ministre adjointe, Direction de la politique du secteur financier, ministère des Finances Canada : Je m’appelle Leah Anderson et je suis la sous-ministre adjointe à la Direction de la politique du secteur financier au ministère des Finances. Je suis heureuse de pouvoir prendre la parole aujourd’hui, devant le comité, sur la gestion du risque systémique dans le système financier, tant au niveau international que national.
Pour commencer, une question : qu’est-ce que le risque systémique? Par risque systémique, on entend un risque de perturbation dans la prestation de services financiers, comme l’acceptation des dépôts, l’octroi du crédit ou l’exécution d’opérations de paiement, qui est causé par une déficience du système financier, en tout ou en partie, et qui est susceptible d’avoir de graves conséquences sur l’économie.
La crise financière mondiale a révélé la vulnérabilité du système financier international aux risques systémiques. Cela a commencé en 2007, par une crise du marché des prêts hypothécaires à risque aux États-Unis. Il est devenu évident que les plus grandes banques au monde étaient interconnectées et exposées à des marchés de plus en plus complexes et opaques, et qu’elles étaient engagées dans des prises de risques excessives.
L’effondrement de la maison de courtage Lehman Brothers, en 2008, a accéléré la crise. À l’échelle internationale, les gouvernements ont pris des mesures extraordinaires pour éviter un effondrement du système financier mondial, y compris le sauvetage des banques dans certains pays.
La force de l’approche canadienne en ce qui a trait à la surveillance du secteur financier nous a permis de mieux nous adapter à la crise financière mondiale. Au Canada, pas une seule banque n’a fait faillite durant la crise, et aucun sauvetage n’a dû être effectué. Le système financier du Canada figure constamment parmi les plus solides de la planète.
[Français]
La crise a mis en lumière la nécessité d’une coordination et de mesures internationales en raison de la complexité et de l’intégration mondiale du système financier. Elle a également mis en évidence des domaines où les autorités canadiennes pourraient renforcer davantage notre cadre solide.
[Traduction]
Il n’est pas question de faire preuve de complaisance, étant donné l’évolution rapide et la complexité du secteur financier.
Après la crise, le G20 a créé le Conseil de stabilité financière, le CSF, pour coordonner l’élaboration d’un programme de réformes financières complet et en surveiller la mise en œuvre, dans le but de renforcer la résilience du système financier mondial.
Le programme de réforme comporte quatre principaux domaines. Je parlerai brièvement de chacun d’eux à tour de rôle, en donnant des exemples de quelques mesures d’intervention connexes importantes prises par le Canada. Il se peut que les collègues d’organismes du secteur financier qui se sont joints à moi aujourd’hui en disent un peu plus sur certaines de ces mesures dans leurs remarques et dans leurs réponses aux questions du comité.
Premièrement, mettre sur pied des institutions financières résilientes. Ce premier pilier est destiné à rendre les banques et d’autres institutions financières plus résilientes aux chocs financiers ou opérationnels. Cela comprend l’application d’exigences plus élevées et mieux ciblées en matière de capitaux propres et de liquidité, par l’intermédiaire des normes de Bâle III. Le Canada se conforme à la mise en œuvre de ces normes et est reconnu comme un pays qui met en place des exigences plus rigoureuses que les critères de référence internationaux.
Deuxièmement, mettre fin à « trop grandes pour faire faillite ». Ce pilier cherche à mettre fin à la dépendance au soutien des contribuables et à faciliter la planification en amont en vue de faire en sorte que les services essentiels assurés par des institutions financières qui revêtent une importance systémique puissent continuer à faire fonctionner le système financier pendant une crise. Les réformes comprennent la définition d’institutions financières qui revêtent une importance systémique, l’application d’exigences supplémentaires en matière de surveillance et de capitaux propres et la mise en œuvre de plans de rétablissement et de résolution transfrontaliers, de façon à ce que même l’effondrement des plus grandes institutions financières puisse être géré de manière ordonnée, tout en assurant la continuité des services financiers essentiels.
Le Canada a mis en œuvre un certain nombre de mesures connexes. À titre d’exemple, les plus grandes banques du Canada, qui ont été désignées comme revêtant une importance systémique à l’échelle nationale, doivent avoir un plan de résolution. En outre, un régime de recapitalisation interne a été mis en œuvre comme nouvel outil d’importance pour la résolution de ces banques. Contrairement au sauvetage, une « recapitalisation interne » vise à assurer la résolution des défaillances bancaires en faisant supporter le coût de la recapitalisation à ses créanciers et à ses actionnaires, pas aux contribuables, par la conversion d’une partie des dettes de la banque en actions ordinaires.
Le troisième pilier consiste à rendre les marchés des produits dérivés plus sécuritaires. La crise a démontré la possibilité de propagation découlant de l’interconnectivité des participants aux marchés et de la transparence limitée entourant les relations de contrepartie. En réponse, des réformes mondiales des produits dérivés de gré à gré ont été élaborées afin de réduire le risque de crédit de la contrepartie et, par conséquent, le risque de propagation, et d’augmenter la transparence, ce qui rend le marché des produits dérivés plus résilient.
La mise en œuvre de réformes des produits dérivés de gré à gré au Canada suppose une coopération entre les autorités fédérales et provinciales. On s’attend à ce que les banques canadiennes compensent les opérations normalisées sur les produits dérivés de gré à gré de façon centralisée. Elles font aussi l’objet d’exigences de fonds propres plus élevés et de marges minimales pour tous les produits dérivés qui ne font pas l’objet d’une compensation centrale et doivent rapporter leurs opérations dans un répertoire.
Le quatrième pilier consiste à accroître la résilience de l’intermédiation financière non bancaire. Les réformes réglementaires de ce pilier, qui sont en grande partie menées par nos partenaires provinciaux, visent à renforcer la surveillance de l’intermédiation financière non bancaire par l’intermédiaire de l’élaboration de mécanismes de surveillance permettant de repérer tout risque émergent et d’y répondre. En favorisant la résilience du système financier et, par conséquent, en réduisant la probabilité et la gravité de crises futures, les réformes que je viens tout juste de décrire visent à réduire les pertes et les coûts publics liés à de telles crises en ce qui touche la production et les emplois.
[Français]
À l’échelle mondiale, la coordination et la coopération se sont avérées très efficaces, et la mise en œuvre des réformes est bien en marche.
[Traduction]
À l’échelle mondiale, la coordination et la coopération se sont avérées très efficaces et la mise en œuvre des réformes est bien en marche. Le CSF continue à soutenir la mise en œuvre complète, opportune et cohérente de ces réformes d’un pays à l’autre.
[Français]
Le Canada a également des mécanismes de coordination nationaux très efficaces pour la surveillance et la gestion des risques systémiques.
[Traduction]
Le ministre des Finances est responsable de la stabilité financière, et pour y parvenir, il est appuyé par les organismes fédéraux représentés à cette table dont les mandats sont clairs et distincts.
Nous travaillons en étroite collaboration. Nous avons ce qu’on appelle le Comité consultatif supérieur, qui fait la promotion de la collaboration et de l’échange de renseignements d’un organisme à l’autre dans le but de fournir des conseils d’orientation stratégique au ministre des Finances sur la vulnérabilité et les risques liés à la stabilité financière.
Ce comité a, par exemple, guidé nos efforts collectifs en vue de prendre des mesures progressives et coordonnées pour la gestion des vulnérabilités du système financier liées au logement. Il existe en outre des mécanismes de coordination importants avec les autorités provinciales. Par exemple, le Comité des dirigeants d’organismes de réglementation met à la disposition des autorités du secteur financier fédéral et des organismes de réglementation provinciaux en matière de valeurs mobilières un forum pour échanger des renseignements et des opinions sur des enjeux d’intérêt commun principalement liés au marché des capitaux canadiens.
Le gouvernement du Canada continue également à collaborer avec les provinces et les territoires participants à l’établissement d’un régime coopératif en matière de réglementation des marchés des capitaux, qui permettrait de mieux protéger les investisseurs, de favoriser l’efficacité et l’innovation et de renforcer la capacité du Canada à définir et à gérer le risque systémique dans les marchés de capitaux à l’échelle nationale.
[Français]
En conclusion, les réformes d’après-crise ont contribué à renforcer le système financier mondial.
[Traduction]
Au Canada, la mise en œuvre des réformes d’après-crise a contribué à renforcer davantage le système de réglementation du pays.
J’aimerais remercier le comité de son attention à l’endroit de la question importante de la résilience du secteur financier. Voilà qui met fin à mes remarques.
Le président : Merci beaucoup, madame Anderson.
Monsieur Morrow, nous aimerions entendre l’exposé de la Banque du Canada. Allez-y, s’il vous plaît.
Ron Morrow, directeur général, Département de la stabilité financière, Banque du Canada : Bonjour, monsieur le président, et mesdames et messieurs les membres du comité. Je vous remercie de m’avoir invité à vous parler d’un important sujet.
Mes observations porteront principalement sur deux thèmes. Je parlerai d’abord des grands efforts déployés, dans la foulée de la crise financière mondiale, pour améliorer la résilience des systèmes financiers canadien et mondial. Ma collègue Leah, du ministère des Finances, a déjà mentionné maintes initiatives qui ont été entreprises. Je ne parlerai donc que des mesures prises par la Banque du Canada, dans les limites de son mandat et de son rôle.
J’évoquerai ensuite le fait que, même si la résilience du système financier a été renforcée, nous ne pouvons pas nous reposer sur nos lauriers. Si vous le permettez, je commencerai par présenter brièvement le rôle de la Banque du Canada au sein du système financier canadien.
La Banque du Canada a pour mandat de favoriser la stabilité et l’efficience du système financier. À cette fin, elle offre des services de banque centrale, dont diverses facilités de trésorerie et de prêt de dernier ressort, elle assure la surveillance des principales infrastructures de marchés financiers, ou IMF, canadiennes, elle effectue et publie des analyses et des recherches, et elle contribue à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques régissant le secteur financier, de concert avec d’autres organismes publics.
Au cours des dernières années, la banque a mis à jour les politiques à l’appui de ses opérations sur les marchés financiers pour tenir compte de certains enseignements tirés de la crise. Elle a ainsi pu améliorer l’efficacité de ses opérations courantes sur les marchés. Il est à noter, surtout, que ces politiques orientent les interventions de la banque dans les circonstances exceptionnelles ou urgentes où il est nécessaire d’injecter des liquidités. Elles établissent un cadre qui décrit l’éventail d’outils dont la banque pourrait se servir pour composer avec une grave crise de liquidité touchant l’ensemble du système financier.
La banque a aussi revu sa politique d’octroi d’une aide d’urgence afin de préciser le rôle que cette aide peut jouer en tant que ressource temporaire de liquidités pour soutenir le redressement ou la résolution des institutions financières et des IMF admissibles. Parallèlement, la banque a ajouté les créances hypothécaires à la liste des actifs acceptés en garantie d’une aide d’urgence, ce qui a accru considérablement la capacité des institutions admissibles d’obtenir un prêt au titre de l’aide d’urgence.
Enfin, la banque a précisé les critères d’admissibilité à l’aide d’urgence et les conditions d’octroi qui s’appliquent aux IMF et aux institutions de dépôt provinciales.
En plus de mettre à jour son cadre régissant les opérations sur les marchés et l’octroi de liquidités, la banque a entrepris des initiatives afin d’améliorer les pratiques de gestion des risques des IMF et de renforcer davantage la stabilité de notre système financier. Les IMF — par exemple, le système de transfert de paiements de grande valeur, le système de paiements en gros utilisé au Canada — servent de plateforme centrale pour les transactions financières et forment l’ossature du système financier. Les IMF favorisent la sûreté et l’efficience des échanges de fonds, de titres et d’autres produits financiers en assurant un lien entre les institutions financières et les participants au marché.
Aujourd’hui, je m’intéresserai à deux initiatives entreprises afin d’améliorer la résilience des IMF.
Premièrement, la banque a collaboré avec d’autres pays à l’élaboration d’un ensemble de principes applicables à l’échelle mondiale pour veiller à la gestion prudente des différents risques qui pèsent sur les IMF, dont le risque de crédit, le risque de liquidité et le risque opérationnel. La banque a depuis incorporé ces principes à ses normes de gestion des risques pour les IMF canadiennes.
Deuxièmement, la banque a travaillé de concert avec des autorités fédérales et provinciales pour élaborer un régime de résolution des IMF. Ce régime prévoit les mesures à prendre dans l’éventualité extrêmement peu probable où une IMF subirait des pertes tellement graves qu’elle ne serait plus capable de continuer à exercer ses fonctions essentielles. Ce nouveau régime permettra à la banque et à d’autres autorités de répartir les pertes et de rétablir les services essentiels que fournit l’IMF.
[Français]
J’aimerais maintenant aborder mon deuxième thème, soit la nécessité de rester vigilant. Les menaces qui pèsent sur le système financier évoluent sans cesse et de nouvelles menaces peuvent apparaître lorsque la technologie et les pratiques commerciales changent. Nous devons donc chercher de nouvelles vulnérabilités potentielles, évaluer la résilience du système financier au fil du temps et communiquer le résultat de ces travaux, notamment au moyen de la Revue du système financier (RSF) de la banque.
Dans la RSF de juin, nous avons indiqué que le niveau élevé d’endettement des ménages et les déséquilibres sur le marché du logement demeurent des vulnérabilités importantes. C’est aussi le cas des cybervulnérabilités, qui retiennent beaucoup l’attention des institutions financières et des organismes publics. En diffusant nos analyses des vulnérabilités dans la RSF, nous pouvons attirer l’attention sur ces questions importantes. Surtout, ces travaux nous aident aussi à dialoguer avec les institutions privées et publiques, et à explorer différentes politiques et mesures pour atténuer ces vulnérabilités.
Je vous remercie de votre attention. Je me ferai maintenant un plaisir de répondre à vos questions.
[Traduction]
Le président : Merci beaucoup, monsieur Morrow. Je suis certain qu’il y aura des questions.
Nous passons à M. Rudin, du Bureau du surintendant des institutions financières. Allez-y, s’il vous plaît.
Jeremy Rudin, surintendant, Bureau du surintendant des institutions financières du Canada : Merci, monsieur le président. J’ai le privilège d’occuper le poste de surintendant des institutions financières, et c’est à ce titre que je m’adresse à vous aujourd’hui.
Notre organisme a pour mission de contribuer à la sûreté et à la solidité des banques et des sociétés d’assurances fédérales en réglementant et en surveillant leurs activités.
Comme vous le savez, 10 ans se sont écoulés depuis que la faillite de Lehman Brothers a pavé la voie à ce qui allait devenir la crise financière mondiale. On s’entend de toutes parts pour dire que le système financier canadien s’est comporté de façon admirable pendant cette crise, surtout à la lumière de ce qu’ont vécu les États-Unis et nombre de pays européens.
Dès lors, notre tenue a donné lieu à une question importante pour le système financier canadien en général, et pour le BSIF en particulier. Doit-on continuer de faire les choses comme avant, juste parce que cela semble avoir bien fonctionné jusqu’ici? Ou devrait-on apporter des changements pour prendre acte de l’ampleur de la crise mondiale? Selon moi, la réponse est affirmative dans les deux cas.
Le Parlement a constitué le BSIF en 1987 dans l’intention de créer une instance de réglementation et de surveillance proactive qui n’allait pas demeurer impassible. Dans les 20 ans qui ont précédé la crise financière mondiale, le BSIF a démontré à plusieurs reprises qu’il n’avait rien d’impassible. C’est notamment à mes prédécesseurs que le Canada doit la qualité de sa tenue durant la crise. Ce sont eux qui ont institué un mécanisme de réglementation et de surveillance qui a poursuivi son évolution et qui allait au-delà des normes internationales lorsque la situation l’exigeait.
[Français]
La façon dont le Canada a traversé la crise aurait pu inciter le BSIF à s’asseoir sur ses lauriers. Après tout, le système financier canadien avait survécu à une tempête quasi parfaite. Heureusement, du moins à mon avis, il n’en a rien fait. Il a plutôt relevé ce qui s’est produit ailleurs dans le monde et au Canada pour donner du poids à l’ensemble de ses mesures de réglementation et de surveillance.
[Traduction]
Dans le secteur bancaire, c’est la réglementation de la capacité d’absorption des pertes, communément appelée normes de fonds propres, une initiative que nous avons menée de concert avec d’autres instances de réglementation internationales, qui constituait la pièce maîtresse. Nous avons aussi institué de nouveaux règlements en matière de liquidités bancaires portant sur la capacité des banques d’honorer leurs engagements financiers dans les délais prévus, également en collaboration avec d’autres instances de réglementation internationales. Et nous avons élaboré de nouvelles consignes sur les risques liés à la modélisation dans le secteur bancaire, c’est-à-dire les risques découlant de problèmes de conception ou d’utilisation de modèles mathématiques, et, plus récemment, sur les pratiques en matière de souscription des prêts hypothécaires résidentiels.
Dans le secteur de l’assurance, nous avons terminé la révision des normes en matière de capital conçues spécifiquement pour les trois grandes catégories de sociétés d’assurances : l’assurance de personnes, l’assurance multirisques et l’assurance prêts hypothécaires. À cela s’ajoutent de nouvelles lignes directrices conçues pour baliser les pratiques du secteur bancaire et de l’assurance en matière de simulation de crise et de gestion du risque opérationnel, c’est-à-dire le risque d’encourir des pertes découlant de l’erreur humaine, de processus internes déficients et de perturbations de sources externes.
Évidemment, il y a toujours le risque que toute cette activité donne lieu à un foisonnement ou même à un contre-emploi réglementaire. Par exemple, ces dernières années, nombre de membres de conseil d’administration d’institutions que nous surveillons nous ont dit que nos exigences étaient trop pointues, trop normatives et, franchement, qu’elles constituaient un fardeau. Leurs commentaires nous ont incités à faire l’inventaire de nos attentes à l’égard des conseils d’administration, attentes formulées dans une panoplie de lignes directrices et sous forme de lettres de surveillance. Au terme de cet exercice, nous avions devant nous une longue liste de consignes, souvent incohérentes, avec lesquelles les conseils d’administration devaient jongler. Cela est maintenant chose du passé. Nous avons révisé notre ligne directrice sur la gouvernance d’entreprise, et toutes nos attentes à l’égard des conseils d’administration sont maintenant regroupées à la même enseigne, dans une seule et unique ligne directrice fondée sur des principes, qui fait office de service à guichet unique pour les conseils d’administration.
[Français]
Je reviens à la question qui s’est posée après la crise : est-ce que nous devrions continuer comme avant ou changer notre façon de faire? En fait, l’un n’empêchait pas l’autre.
[Traduction]
Avant la crise, le BSIF travaillait fort pour faire en sorte que ses activités de réglementation et de surveillance continuent d’évoluer en fonction de l’expérience canadienne et de ce qu’il observait à l’étranger. C’est ce que nous avons continué de faire après la crise.
[Français]
C’est ce que nous continuerons de faire à l’avenir. Je vous remercie.
[Traduction]
Le président : Merci beaucoup.
Nous allons maintenant passer à M. Dean Cosman, de la Société d’assurance-dépôts du Canada.
Dean Cosman, président et chef de la direction, Société d’assurance-dépôts du Canada : Merci, monsieur le président.
[Français]
Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de m’adresser à vous.
[Traduction]
Avant de commencer, permettez-moi de vous donner un peu de contexte. La SADC est l’assureur-dépôts et l’autorité de règlement de faillite à l’échelle fédérale. Nous protégeons les épargnes que les Canadiens confient à leur banque, leur coopérative de crédit fédéral ou leur société de prêt ou de fiducie. À titre d’autorité de règlement, nous intervenons en cas de faillite d’une de nos institutions financières membres. Depuis 1967, nous avons réglé la faillite de 43 institutions membres et protégé quelque 26 milliards de dollars en dépôts assurés, que détenaient près de deux millions de Canadiens. Personne n’a perdu un seul dollar de ses dépôts protégés par la SADC. La SADC joue également un rôle important dans la stabilité du système financier au Canada. Nous travaillons en étroite collaboration avec les organismes représentés par mes collègues ici présents pour renforcer la stabilité financière au Canada.
Dans la foulée de la crise financière, le Conseil de stabilité financière a défini les caractéristiques fondamentales autour desquelles devraient s’articuler les régimes d’assurance-dépôts, pour que les gouvernements puissent régler la faillite de banques de grande taille et de nature complexe. Ces caractéristiques ont été adoptées par le Canada et d’autres pays du G20. Elles apportent une solution au problème des banques trop grandes pour faire faillite, en permettant aux autorités de régler leur faillite tout en assurant la poursuite de leurs services essentiels, en protégeant l’économie et en évitant d’exposer les contribuables à des risques de perte. Grâce au travail accompli avec nos partenaires du filet de sécurité financier et des intervenants au pays et à l’étranger, la SADC respecte de façon tangible toutes ces caractéristiques.
Depuis la crise financière, le mandat de la SADC a été modifié pour y inclure le rôle d’autorité de règlement de toutes nos institutions membres, y compris les grandes banques du pays. Les pouvoirs de la SADC ont été élargis et notre capacité d’intervention s’est accrue. Nous sommes donc mieux préparés à régler, au besoin, la faillite d’une institution financière membre, notamment d’une banque d’importance systémique nationale, ou BISN.
Voyons quelques exemples de ce que j’entends par capacité accrue. Premièrement, au lendemain de la crise, en 2009, le pouvoir de mettre sur pied une institution-relais est venu s’ajouter à notre trousse de règlement de faillite. Comme son nom l’indique, une institution-relais permettrait de faire le pont entre le moment où la banque fait faillite et où un acheteur ou une solution émanant du secteur privé sont trouvés. La SADC pourrait transférer tout ou une partie des activités de la banque en faillite à l’institution-relais, dont elle serait la propriétaire à titre temporaire. Depuis la crise, notre financement ex ante et notre capacité d’emprunt ont continué de croître. De plus, la SADC s’est récemment vu attribuer un nouveau pouvoir : la recapitalisation interne. Ce pouvoir nous permet de recapitaliser une grande banque en convertissant certains éléments de passif admissibles de la banque en actions ordinaires. Ainsi, les pertes engendrées par la faillite d’une grande banque seraient assumées par les actionnaires de la banque et par certains créanciers, non par les déposants ou par les contribuables. La SADC attend des six grandes banques qu’elles disposent d’un plan de règlement qui étaye la façon dont serait réglée leur faillite. Elle travaille en étroite collaboration avec ces banques depuis plusieurs années pour que leur plan soit robuste et crédible. Un règlement administratif définira les attentes de la SADC en matière de règlement de faillite et encadrera le processus de planification. Il sera plus publié prochainement.
Un plan, c’est bien, mais encore faut-il le tester. Nous avons donc mis au point un programme solide nous permettant d’évaluer notre capacité interne. Il comprend notamment des simulations avec notre conseil d’administration, nos partenaires du filet de sécurité financier, les grandes banques et d’autres intervenants. Les activités des grandes banques canadiennes dépassent les frontières de notre pays. Il est donc essentiel, dans le cadre de nos activités de règlement de faillite, de coopérer et collaborer avec les organismes de réglementation d’autres pays pour résoudre toute question de nature transfrontière. Voilà pourquoi nous avons signé des ententes avec nos principaux partenaires dans plusieurs pays.
Par ailleurs, de concert avec le BSIF, nous réunissons chaque année des groupes de gestion de crise. Ces rencontres sont l’occasion pour les grandes banques, les organismes du filet de sécurité et les organismes de réglementation de plusieurs pays d’échanger sur les plans de redressement et de règlement de faillite des grandes banques canadiennes.
La confiance du public est source de stabilité financière. De fait, nos recherches sur le comportement des déposants font ressortir que les Canadiens sont plus susceptibles de penser, advenant une crise, que leurs dépôts ne sont pas protégés et de retirer massivement leur argent s’ils n’ont pas entendu parler de notre régime d’assurance-dépôts. Voilà pourquoi nous avons établi une stratégie de sensibilisation du public à la protection offerte par la SADC.
J’aimerais, pour terminer, ajouter que notre rôle, comme assureur-dépôts et autorité de règlement, est de gérer des faillites, pas de les prévenir. Nous sommes là pour protéger les déposants, assurer la continuité des services financiers essentiels et éviter autant que possible les soubresauts de l’économie. Bien des choses ont changé en 10 ans depuis la dernière crise. Nous sommes mieux préparés que jamais. Toutefois, nous ne devons pas perdre de vue la mutation du secteur financier et l’évolution constante des habitudes et des attentes des Canadiens en matière d’opérations bancaires. La prochaine crise financière risque fort d’être différente. Nous nous devons de poursuivre notre travail pour consolider notre cadre de règlement de faillite et notre capacité d’intervention, afin d’être à même d’appréhender les nouveaux risques et de relever les défis qui se présenteront. Notre devoir est, et demeure, la protection des épargnes des Canadiens. Je vous remercie.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Cosman.
Nous allons entendre notre dernier témoin, M. Steven Mennill, chef de la gestion des risques, à la Société canadienne d’hypothèques et de logement.
Steven Mennill, chef de la gestion des risques, Société canadienne d’hypothèques et de logement : Merci, monsieur le président. Je suis heureux d’être ici pour représenter la Société canadienne d’hypothèques et de logement, la SCHL.
[Français]
La SCHL aide les Canadiens à répondre à leurs besoins en matière de logement. Nous comprenons que se loger, ce n’est pas juste avoir un toit. Le logement, c’est la base d’une collectivité forte et inclusive et d’une croissance économique durable.
Le mandat officiel de contribuer à la stabilité financière nous a officiellement été confié après la crise mondiale de 2008 et 2009. Cependant, les activités d’assurance des prêts hypothécaires et de titrisation de la SCHL sont depuis longtemps des volets importants du système canadien de financement de l’habitation. Il s’agit de programmes commerciaux exécutés à coût nul pour les contribuables et qui font de la SCHL une institution financière d’importance au Canada.
[Traduction]
Mes collègues ont déjà parlé des mesures que prennent les différents gouvernements depuis une dizaine d’années pour stabiliser le système financier. La SCHL a joué un rôle primordial en mettant en œuvre plusieurs de ces mesures. Pour revenir à la crise financière, plusieurs économistes soutiennent que notre présence stabilisatrice est l’une des principales raisons pour lesquelles le Canada a pu survivre aux problèmes de crédit et de liquidités qui ont déstabilisé d’autres grandes économies.
Autrement dit, nous nous en sommes sortis plus rapidement que d’autres pays, et plus forts aussi, en grande partie à cause des mesures que nous avons prises pour stabiliser le système de financement de l’habitation, et par ricochet, les marchés de l’habitation.
Dans le cadre du Programme d’achat de prêts hypothécaires assurés, la SCHL a acheté et titrisé pour près de 70 milliards de dollars de prêts hypothécaires assurés consentis par des institutions financières canadiennes. Ces dernières ont pu ainsi obtenir du financement à long terme pour accorder des prêts aux consommateurs, aux acheteurs d’habitations et aux entreprises. Nous sommes parvenus à mettre ce programme sur pied rapidement et efficacement en grande partie grâce aux produits d’assurance et de titrisation, à l’infrastructure et aux relations commerciales que nous avions déjà, ainsi qu’au savoir-faire de notre personnel. Il n’a pas non plus été nécessaire d’apporter des modifications fondamentales aux politiques gouvernementales ni d’adopter de nouvelles lois.
Nous avons également intensifié nos activités d’assurance prêt hypothécaire pendant cette période. Nos concurrents du secteur privé se retiraient, et les prêteurs recherchaient la sûreté que leur procurait la garantie gouvernementale visant l’assurance prêt hypothécaire de la SCHL. Ainsi, les acheteurs d’habitations et les investisseurs admissibles sur le marché locatif ont pu bénéficier d’un accès ininterrompu au financement hypothécaire même si le crédit se faisait plus rare ailleurs.
À la suite de la crise mondiale, on estime que la part de marché de la SCHL en assurance prêt hypothécaire se situait à près de 90 p. 100. La valeur de nos contrats d’assurance en vigueur s’approchait du plafond de 600 milliards de dollars, et les prêteurs se tournaient de plus en plus vers nos programmes de titrisation. Après cette intervention gouvernementale pendant la crise — une intervention musclée, mais nécessaire et juste —, il était clair qu’il fallait « normaliser » le système pour réduire les risques associés au marché de l’habitation et des prêts hypothécaires pour les contribuables. Au cours de la décennie qui a suivi, nous sommes revenus aux niveaux antérieurs à 2008 sans bouleverser le système, et nous avons maintenu notre capacité d’intervenir de nouveau en cas de besoin.
Notre rôle consiste à aider les Canadiens à répondre à leurs besoins et non à leurs désirs. C’est ainsi qu’ont été éliminés les programmes pour lesquels l’aide du gouvernement n’est pas nécessaire, comme l’assurance prêt hypothécaire pour la construction de copropriétés et les résidences secondaires. Nous avons également majoré les tarifs de nos produits d’assurance prêt hypothécaire et adopté un régime de gestion du capital beaucoup plus complexe pour nous aider à traverser toute crise future.
Cette évolution naturelle fait en sorte que l’assurance prêt hypothécaire pour immeubles collectifs occupe une place de plus en plus importante dans nos activités. Récemment, nous avons relancé nos produits d’assurance pour immeubles locatifs de manière à encourager la production de logements locatifs abordables. Il s’agit d’un objectif clé de la Stratégie nationale sur le logement du Canada, qui est pilotée par la SCHL.
En titrisation, nous avons augmenté les droits et instauré des plafonds aux montants du financement à faible coût que nous mettons à la disposition des institutions financières. De plus, nous avons pris part à l’élaboration du cadre juridique des obligations sécurisées établi par le gouvernement fédéral pour aider les prêteurs à diversifier leur base de financement et nous en assumons maintenant la surveillance.
Bien que la SCHL ait considérablement réduit le montant des contrats d’assurance et des cautionnements en vigueur dans les programmes de titrisation, nous savons qu’il existe une masse critique nécessaire pour rapidement accroître notre présence en cas de besoin. Comme société d’État, il faut être présent sur le marché, peu importe la conjoncture. Il s’agit d’un moyen fondamental pour la SCHL de contribuer à la stabilité financière.
Voici un autre changement important. La SCHL est maintenant sous la surveillance du Bureau du surintendant des institutions financières du Canada. Les lignes directrices du bureau, de même que les améliorations apportées aux exigences réglementaires en matière de capital dans l’ensemble du système et notre engagement à être un chef de file mondial en gestion des risques liés à l’habitation contribuent à réduire les risques pour la SCHL et le système de financement de l’habitation.
Comme toutes les institutions financières, nous nous soumettons à des simulations de crise. Comme société d’État financée par des fonds publics, nous en communiquons les résultats au grand public. Les résultats de notre dernière simulation de crise, communiqués plus tôt ce mois-ci, confirment que la SCHL a suffisamment de capital pour résister à des scénarios graves, mais extrêmement improbables, notamment une faiblesse prolongée des cours du pétrole, une guerre commerciale mondiale, une cyberattaque contre le système financier ou une catastrophe naturelle majeure.
Tout cela pour dire qu’il est possible de compter sur nous et que nous sommes prêts, s’il le faut, à soutenir le système de financement de l’habitation et à contribuer à la stabilité financière au Canada. Merci.
Le président : Merci beaucoup. Vos exposés étaient excellents. Merci beaucoup. Nous avons des sénateurs qui ont des questions. Nous entendrons en ordre le sénateur Wetston, puis la sénatrice Wallin.
Le sénateur Wetston : Je cherchais une occasion de poser cette question. Je vais la poser à Mme Anderson. Je vous remercie de l’avoir mentionné dans votre document.
Le gouvernement du Canada continue de collaborer avec les provinces et les territoires participants en vue de mettre sur pied le Régime coopératif en matière de réglementation des marchés des capitaux. Pouvez-vous nous expliquer ce dont il s’agit ainsi que vos attentes en la matière? Je ne sais pas si le comité a beaucoup entendu parler du Régime coopératif en matière de réglementation des marchés des capitaux, qui est connu sous un autre nom que je n’utiliserai peut-être pas ici.
Mme Anderson : Merci, sénateur, de votre question. L’initiative a trois objectifs. Premièrement, cela vise à accroître l’efficacité de la surveillance des marchés des capitaux. Actuellement, nous avons des commissions des valeurs mobilières dans les divers territoires et provinces. Cet organisme leur permettrait de collaborer pour améliorer l’efficacité de la surveillance des marchés dont s’occupent ces organismes de réglementation.
Deuxièmement, cela permettrait de renforcer la lutte contre les fraudes dans le secteur des valeurs mobilières. L’organisme aurait la capacité de surveiller le secteur, de repérer les infractions, comme les délits d’initiés et la manipulation des marchés, et de prendre des mesures dans de tels cas, et il aurait aussi de nouveaux pouvoirs pour s’occuper des mesures d’application à l’égard de ces infractions et intervenir.
Enfin, sur le plan systémique, il y a une facette très importante du programme et un élément très important par rapport à ce dont il est question aujourd’hui au comité. L’organisme aurait de nouveaux pouvoirs pour avoir une meilleure vision du risque systémique pour l’économie et la capacité de les atténuer. Il pourrait recueillir des données concernant une gamme de services et de produits financiers, et il pourrait également prendre des mesures pour atténuer ces risques lorsqu’un risque systémique est repéré.
Le sénateur Wetston : Je crois que nous pourrions poser beaucoup de questions à ce sujet. Dans l’intérêt du comité, je vais m’arrêter là, et j’aurai peut-être la chance de poser d’autres questions si nous avons une deuxième série.
Le président : Vous avez le temps maintenant de poser une brève question complémentaire, sénateur Wetston.
Le sénateur Wetston : L’important ici, c’est de souligner l’engagement du gouvernement fédéral et de certaines provinces à mettre sur pied un tel régime. Pouvez-vous nous dire les gouvernements qui y participent, l’étape à laquelle est rendu le projet et vos attentes à l’égard du régime coopératif en matière de réglementation des marchés des capitaux? Je suis conscient que la Cour suprême du Canada est saisie d’un dossier, soit un renvoi du Québec, ce qui freine probablement un peu la progression du projet. Je crois que ce serait utile, parce que je ne crois pas que nous avons eu l’occasion d’en parler au comité ou, du moins, nous n’en avons pas eu l’occasion récemment. Pouvez-vous nous donner quelques précisions à ce sujet?
Mme Anderson : Oui. Certains gouvernements participent à l’initiative. Nous collaborons étroitement à ces égards pour élaborer la mesure législative uniforme sur les marchés coopératifs en vue d’accroître l’efficacité des divers gouvernements participants au régime. Je crois que nous réalisons de bons progrès avec nos partenaires provinciaux.
Pour ce qui est du renvoi sur les valeurs mobilières et du dossier devant les tribunaux, nous devrons faire le point lorsque la décision sera rendue.
Le sénateur Wetston : Vous attendez la décision de la Cour suprême, n’est-ce pas?
Mme Anderson : C’est exact.
Le sénateur Wetston : Monsieur Rudin, au sujet du rôle du Canada dans le cadre international pour gérer le risque systémique, pouvez-vous nous en dire davantage au sujet de ce rôle et de son évolution continue? Je crois qu’il est important pour le comité de comprendre dans quelle mesure les représentants gouvernementaux participent activement à l’élaboration des normes du Conseil de stabilité financière. Êtes-vous en mesure de nous en dire davantage en la matière?
M. Rudin : Merci. Je suis ravi de vous donner quelques exemples. Je présume que le meilleur exemple serait quand Mark Carney était gouverneur de la Banque du Canada et qu’il a assumé la présidence du Conseil de stabilité financière, ce qui constitue évidemment un rôle clé. Il a continué d’assumer ce rôle lorsqu’il est devenu gouverneur de la Banque d’Angleterre.
Julie Dixon, ma prédécesseure au poste de surintendant, a joué un rôle très important en pilotant le travail réalisé à la suite de la crise en vue d’accroître l’intensité et l’efficacité de la supervision, ce qui se voulait une manière d’essayer de regrouper les divers superviseurs pour apprendre les uns des autres et corriger certains écarts constatés — davantage ailleurs qu’au Canada — concernant le manque d’intensité de la supervision.
Je crois que bon nombre de membres des organismes participent aux diverses initiatives. Je viens récemment de diriger les travaux d’un groupe de travail du Conseil de stabilité financière qui se penchait sur la gouvernance et l’atténuation du risque d’inconduite. Je sais que Ron a été très actif au comité de Bâle qui s’est penché sur le traitement de la dette souveraine. La Société d’assurance-dépôts du Canada, la SADC, est très active en vue de transformer l’Association internationale des assureurs-dépôts en une organisation responsable d’établir les normes. La liste est longue.
Je crois que la manière dont nous avons abordé la mise en œuvre est encore plus importante que les contributions individuelles. Au Conseil de stabilité financière, nous publions un rapport annuel pour les dirigeants du G20. Ce rapport contient notamment un bulletin de rendement ayant trait en gros à la mise en œuvre des initiatives qu’a dressées Mme Anderson pour nous pays par pays. C’est soit en vert, en jaune ou en rouge. C’est véritablement un exercice de transparence et de reddition de comptes qui peut être surprenant pour un organisme international.
Nous serons ravis de vous faire parvenir la plus récente version, qui a été rédigée l’été dernier. Une nouvelle version sera produite bientôt pour les dirigeants en prévision du sommet de Buenos Aires. Vous constaterez que le Canada est l’un des chefs de file en matière de mise en œuvre. Je crois que c’est très important, parce que cela nous permet de donner l’exemple et que nous reconnaissons l’interdépendance du système financier mondial en vue de nous forger une réputation comme organismes de réglementation et de supervision dignes de confiance qui tiennent parole lorsqu’ils disent qu’ils feront quelque chose. Je crois que cet élément peut être très utile pour la suite des choses.
Le président : Je suis heureux que vous ayez posé cette question. Merci.
Le sénateur Wetston : Merci, monsieur le président. Je suis aussi heureux que vous m’ayez laissé la poser.
La sénatrice Wallin : Je crois que le gouverneur a dit dans les dernières 24 heures que la hausse du taux directeur de 0,25 p. 100 est encore un stimulant. Si la hausse du taux fait son travail, cela sous-entend plus ou moins que le gouvernement n’a pas besoin de dépenser ou de s’endetter si la politique monétaire fait son travail.
Pourrais-je vous entendre à ce sujet?
Par ailleurs, si la Banque du Canada a l’intention de hausser le taux directeur jusqu’à ce qu’il ne soit plus un stimulant, combien de temps cela prendra-t-il? Quel est le plan? J’aimerais entendre le représentant de la Banque du Canada.
M. Morrow : Merci beaucoup de votre question. Comme nous l’avons souligné hier dans le Rapport sur la politique monétaire, le communiqué de presse et le rapport mentionnaient que le gouverneur en conseil est d’avis qu’il est en voie d’amener les taux à un niveau plus neutre au Canada. Nos recherches montrent que cela se situe entre 2,5 et 3,5 p. 100. La vitesse à laquelle nous arriverons à de tels taux dépendra des nouvelles, de l’évolution de la situation macroéconomique et de la façon dont l’économie répond à ces hausses. De plus, je crois que le gouverneur et le premier sous-gouverneur témoigneront devant le comité dans environ six jours; ils seront alors en mesure de vous fournir d’autres renseignements.
La sénatrice Wallin : Je sais que nous parlons du risque systémique, mais je crois que cela y correspond. Les banques affirment que l’écart de prix en ce qui concerne le prix réduit du pétrole au pays signifie que nous perdons au change au moins 15 milliards de dollars. À un moment donné, si nous continuons ainsi et que le système ne change pas, cela nous empêche de l’exporter ou de le vendre au bon prix. Cela deviendra un risque.
M. Morrow : C’est certainement un élément de risque sur le plan macroéconomique. Cela témoigne des défis en matière d’infrastructure pour le transport de l’énergie. Je souligne que je ne considère pas que c’est une source de risque systémique dans le système financier. C’est un élément important du contexte macroéconomique global de l’économie canadienne.
La sénatrice Wallin : À moins que nous ne fassions rien à cet égard.
M. Morrow : Nous nous tournerons vers d’autres pour déterminer la façon d’aborder la situation.
La sénatrice Wallin : Je crois que le sous-gouverneur a mentionné que, même si l’endettement des particuliers est élevé, la qualité de l’endettement est meilleure. Pouvez-vous nous expliquer cela?
M. Morrow : Avec plaisir. Comme mes collègues l’ont souligné, le gouvernement fédéral et le Bureau du surintendant des institutions financières ont pris des mesures pour resserrer les règles de souscription de prêts hypothécaires. Par conséquent, si nous examinons le nombre de prêts hypothécaires accordés à des ménages fortement endettés — soit les ménages qui ont un ratio dette-revenu de plus de 450 p. 100 — avant la modification de la politique, ce groupe avait un poids de plus en plus important et correspondait à un cinquième de tous les prêts hypothécaires. Ce pourcentage a diminué énormément depuis que des mesures ont été prises. Cette situation a amélioré la qualité de la souscription des prêts hypothécaires.
La sénatrice Wallin : Cela concernait en gros le secteur immobilier, n’est-ce pas?
M. Morrow : Oui.
Le sénateur C. Deacon : Merci, monsieur le président. Je remercie aussi les témoins. Nous avons tous connu ce qui est survenu il y a 10 ans. Je me souviens d’avoir rencontré Andrew Ross Sorkin, qui a écrit Too Big to Fail. J’ai été impressionné par ce livre et les détails présentés au sujet du très grand nombre d’erreurs qui ont été commises pendant et avant les moments difficiles, étant donné que nous avions de nouveaux instruments financiers et de nouveaux éléments qui entraient sur le marché et qui n’étaient pas adéquatement gérés. Je vous suis vraiment reconnaissant de votre travail.
Je suis aussi heureux d’entendre que vous travaillez d’arrache-pied pour ne pas tomber dans la complaisance, à l’instar d’un vendeur qui se demande chaque jour au travail ce que l’autre a fait pour lui aujourd’hui. Ce que vous avez fait hier n’a pas d’importance. Vous devez conserver cette même détermination quand vous examinez les risques futurs. Je m’en réjouis.
Ma question a trait aux nouveaux instruments financiers. Nous avons parlé des produits dérivés, des nouvelles technologies financières, comme la chaîne de blocs, et des nouveaux modèles d’affaires. Je crois que le domaine des technologies financières propose des modèles d’affaires intéressants et qu’il y a une énorme croissance dans les investissements dans ce domaine dans le monde; cela se veut une excellente occasion.
L’une des préoccupations que j’ai eues en vous écoutant — c’est une question que j’ai posée à d’autres témoins —, c’est l’équilibre entre une activité novatrice et illicite ou risquée. Ce n’est pas seulement une question de menace. C’est aussi une question d’occasion. Je crois que c’est souvent un équilibre difficile à atteindre. J’aimerais vraiment vous entendre nous dire quelques mots à ce sujet. J’ai entendu Harley Finkelstein prononcer un discours il y a un an au moment du lancement de Shopify Capital. Je me suis dit que c’était un excellent outil pour gérer la trésorerie et s’assurer que les jeunes entrepreneurs qui utilisent Shopify comme plateforme pour le traitement des transactions ont accès à du financement en fonction de leurs recettes. Ce sont des occasions merveilleuses.
Je considère ces occasions comme excellentes pour notre économie. J’aimerais vous entendre sur la manière dont vous arrivez à trouver un équilibre entre les occasions et les menaces et à trouver aussi un équilibre par rapport à la menace que cela représente pour nos grandes banques, étant donné que les produits de très grande valeur qu’offrent leurs concurrents pourraient exercer une pression constante au fil du temps sur une grande partie de leur source de revenus qui rapporte gros. C’est la loi du marché.
Pouvez-vous nous dire quelques mots au sujet de cet aspect du risque financier et de la façon dont vous prévoyez de le gérer?
M. Rudin : Je serais heureux de commencer. Certains de mes collègues voudront peut-être intervenir.
Le mandat que nous avons au BSIF nous est confié par le Parlement, et il est très clair. D’une part, dans le domaine bancaire, nous sommes censés protéger les intérêts des déposants et des autres créanciers des banques, sans toutefois perdre de vue l’importance de permettre aux banques d’être concurrentielles et de prendre des risques raisonnables. Nous sommes très conscients de la nécessité d’atteindre un équilibre entre ces deux aspects de notre mandat.
Par conséquent, nous avons une approche qui, à mon avis, est neutre sur le plan technologique. Nous avons des attentes à l’égard des banques et de leur capacité à gérer et à atténuer leurs risques. Notre action ne dépend pas de l’utilisation ou de la non-utilisation d’une technologie en particulier. Au cours des 30 années d’existence du BSIF, les changements technologiques ont considérablement transformé le secteur bancaire.
Nous sommes assurément conscients de l’accélération des changements technologiques. Nous sommes en train de renforcer notre propre capacité de faire face à ce que nous considérons comme des risques technologiques.
Ces risques peuvent être occasionnés par des partenariats, lesquels sont de plus en plus fréquents avec des tiers fournisseurs. Ces partenariats peuvent être un moyen très efficace pour les banques d’être concurrentielles et de prendre des risques raisonnables. Cela dit, il est important que les banques comprennent que le recours à des tiers ne les décharge pas de leurs responsabilités en matière de gestion des risques. Ces associations peuvent donner lieu à de nouveaux types de risques qu’il leur faudra tempérer, qu’il s’agisse d’un risque opérationnel, d’un risque cybernétique ou d’un risque d’atteinte à la réputation.
Comme je l’ai dit, notre approche est neutre sur le plan technologique et elle s’est révélée compatible avec un grand nombre d’innovations technologiques récentes.
M. Morrow : Pour en revenir à la question de l’innovation, il conviendrait de parler de l’émergence des cryptoactifs dans le monde. Nous avons participé à des travaux réalisés sous les auspices du Conseil de stabilité financière, le CSF, pour examiner ces nouvelles sources d’innovation et les risques qu’elles représentent pour le système financier. À l’instar du CSF, nous sommes d’avis qu’à l’heure actuelle, ces innovations ne constituent pas une source de risque systémique pour le système financier, la principale raison étant qu’elles ne représentent pour le moment qu’une très petite partie du système.
Néanmoins, dans un esprit de vigilance, nous reconnaissons aussi la nécessité de continuer de surveiller l’évolution et la croissance de ces innovations afin d’assurer qu’elles ne deviennent pas, à échéance, un risque pour le système financier.
Mme Anderson : En m’appuyant sur les observations que j’ai entendues et sur votre question au sujet des occasions favorables, je pense que la technologie et l’innovation offrent des possibilités formidables. Nous constatons déjà des résultats dans le secteur.
Il est vrai qu’elles posent de nouveaux risques et de nouveaux défis. Nous faisons certaines démarches pour mieux comprendre cette dynamique. Par exemple, en ce qui concerne le système de paiement, il y a les acteurs habituels de ce système, nommément les institutions financières de dépôt, et nous constatons qu’il y a de plus en plus de fournisseurs de technologies financières.
Il y a plusieurs années, nous avons lancé des consultations afin d’étudier les risques et les possibilités associés à ces technologies et pour déterminer s’il y avait lieu de créer un cadre pour y faire face. Nous avons recueilli beaucoup d’observations fort judicieuses. Nous avons produit un document de consultation et formulé des propositions. En gros, disons qu’un cadre pourrait être créé pour réglementer les entreprises qui ne sont pas réglementées à l’heure actuelle relativement aux risques opérationnels et financiers qu’elles constituent pour le système, ainsi que pour les risques inhérents à leurs pratiques commerciales. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec les parties prenantes ainsi qu’avec nos partenaires provinciaux.
L’idée serait de rendre le système plus sûr. Les entreprises elles-mêmes s’en réjouissent. Nous constatons qu’elles font preuve d’une grande résilience et qu’elles se conduisent très bien sur les marchés. Selon elles, ce serait une bonne chose que nous renforcions davantage notre cadre de surveillance afin que les consommateurs soient mieux en mesure de voir ce qui se fait, ce qui devrait avoir une incidence positive sur leur confiance à l’égard du système.
C’est une chose sur laquelle nous travaillons. Restez à l’écoute. Quoi qu’il en soit, nous pensons que c’est un aspect très important.
L’autre aspect que je voudrais mentionner concerne les services bancaires ouverts. Nous avons récemment annoncé que nous allions examiner les avantages de ces services. Le gouvernement a récemment annoncé la création d’un comité d’experts dans ce domaine. Nous tiendrons d’abord une consultation sur le bien-fondé de cette façon de faire puis, si les résultats sont probants, nous passerons aux tenants et aboutissants d’une possible mise en œuvre. Bien sûr, l’examen se penchera sur les avantages, mais aussi sur les risques. Les principaux aspects que nous devons examiner sont la cybersécurité, la protection des renseignements personnels et la possible présence de risques prudentiels ou de risques en matière de sécurité et d’intégrité.
Le comité rencontrera des intervenants de partout au pays à ce sujet. Nous avons la chance d’avoir des chefs de file d’autres pays dans ce domaine — le Royaume-Uni et l’Australie, par exemple. Nous avons eu des échanges préliminaires avec eux et nous sommes à tirer des leçons de cette expérience.
Le sénateur C. Deacon : Je suis ravi de vous l’entendre dire, madame Anderson. Je pense qu’au Royaume-Uni, la Financial Conduct Authority a créé un cadre réglementaire pour aider ces jeunes entreprises à aller de l’avant et leur permettre de créer des occasions favorables, mais aussi pour donner à tout un chacun et aux consommateurs l’assurance qu’il s’agit d’un secteur de bon aloi qui, malgré son caractère novateur, est légal et digne de confiance.
Parfois, la surveillance peut se révéler plus coûteuse. Je pense que, dans ces entreprises, les investisseurs prêts à prendre le risque sont plus fréquents. Je vous encourage à continuer sur cette voie. Je suis ravi d’entendre cela. Je vous remercie beaucoup.
Le sénateur Tannas : Certains d’entre vous savent peut-être que j’ai de l’expérience dans le domaine des assurances. Cela ne vous surprendra pas que je veuille parler du risque qu’un séisme catastrophique ferait planer sur le système.
La situation du Québec est unique en son genre. Il y a un risque de séisme catastrophique et pratiquement personne n’est assuré à cet égard — des tas de décombres, des maisons avec des hypothèques et pas d’assurance. Je crois comprendre que le plan des institutions financières est d’espérer que le gouvernement viendra sauver la mise.
J’aimerais mettre l’accent sur la situation en Colombie-Britannique, où les gens ont de l’assurance. Les citoyens paient l’assurance tremblement de terre. Il y a environ deux ans, votre prédécesseur, Nicholas Le Pan, a autorisé la publication d’un rapport où l’on apprenait qu’un tremblement de terre catastrophique en Colombie-Britannique pourrait anéantir toute l’industrie canadienne de l’assurance sur les biens et les risques divers, et contaminer les banques.
Il a proposé quelques remèdes. Il y a encore beaucoup de discussions à ce sujet dans le milieu de l’assurance.
Monsieur Rudin et madame Anderson, pourriez-vous nous expliquer comment vous vivez cette situation dans vos organismes respectifs? Cela vous inquiète-t-il? Attendez-vous la venue prochaine d’une solution? S’agit-il au contraire de quelque chose qui a peut-être été exagéré?
M. Rudin : Je peux partir du point de vue du BSIF. Nous avons augmenté les exigences de fonds propres pour les séismes. Ces exigences seront mises en application de façon progressive. Elles visent à solidifier l’industrie afin qu’elle puisse faire face aux conséquences financières d’un tremblement de terre catastrophique. Elles sont motivées par notre mandat en matière d’assurance, soit celui de protéger les intérêts des titulaires de polices et des autres créanciers.
Il y a une limite aux fonds propres que nous sommes disposés à exiger. Il pourrait y avoir un tremblement de terre encore plus puissant que celui que nous envisageons pour fixer nos exigences. Je ne dis pas que cela va arriver, mais il y a toujours la possibilité que le montant des dégâts causés par un séisme dépasse les exigences en capital. Nous devons faire preuve d’une certaine retenue à cet égard. Plus les fonds propres sont élevés, plus l’assurance est chère, et moins les gens sont susceptibles de s’assurer. Il n’est pas logique pour nous d’avoir des exigences en matière de fonds propres pour assurer que la seule personne qui pourra se payer une assurance antisismique sera dédommagée.
C’est quelque chose qui est à la limite de nos pouvoirs. Nous avons entamé des discussions. Nous sommes souvent approchés par l’industrie. Nous en avons également discuté avec la SIMA — la Société d’indemnisation en matière d’assurances IARD —, qui a soulevé cette préoccupation, tout comme l’industrie. Parce qu’il y a un régime d’indemnisation à financement collectif, s’il y a une entreprise qui ne peut pas faire face à ses engagements en cas de séisme, il peut y avoir un prélèvement sur d’autres compagnies pour compenser, ce qui signifie une possibilité de contagion.
Cependant, j’ai discuté des limites de nos pouvoirs actuels.
Le sénateur Tannas : Ce qui nous amène à vous.
Mme Anderson : Merci d’avoir mentionné le texte de Nick Le Pan. Nous l’avons tous lu. Il soulève un certain nombre de questions qu’il nous faut absolument examiner, y compris celle que M. Rudin a mentionnée quant au risque de contagion inhérent au régime d’indemnisation de la Société d’indemnisation en matière d’assurances IARD, la SIMA. Nous examinons activement ces questions. Il n’y a pas de réponses simples. Nous faisons des analyses avec nos partenaires. Nous aurons des discussions plus ciblées avec l’industrie à ce sujet afin de mieux comprendre les risques et les mesures d’atténuation envisageables.
Le sénateur Tannas : Le problème, bien sûr, c’est que la procrastination est la solution la plus séduisante.
J’ai cru comprendre que cette question allait faire l’objet d’un examen officiel. Est-ce toujours d’actualité?
Mme Anderson : Oui. Nous avons mené de vastes consultations dans le cadre de l’examen des lois régissant le secteur financier. En général, on nous a répondu que le système fonctionnait bien. Certains domaines demandaient une étude plus approfondie en raison de leur complexité, et celui-là était du nombre. Nous nous sommes engagés à faire ce travail également.
Le sénateur Campbell : Merci beaucoup, monsieur le président. Je ne veux pas trop insister là-dessus, mais la semaine dernière, en Colombie-Britannique, il y a eu trois séismes d’une magnitude de plus de 6. J’étais ici. Je n’ai pas pu les ressentir sur l’île Galiano. On m’a dit que c’était arrivé.
Comme je viens de la vallée du bas Fraser, il n’est peut-être pas surprenant que ma question porte sur le logement. J’aimerais savoir si les changements apportés aux pratiques en matière de prêts hypothécaires ont eu des conséquences inattendues sur le marché canadien du logement. Quelle incidence ces changements ont-ils eue dans les différentes régions du Canada ?
M. Rudin : Nous avons récemment examiné l’effet des changements les plus récents que nous avons apportés et nous avons publié les résultats de cet examen sur notre site web. Je serai heureux de vous en fournir une copie.
Nous constatons que, jusqu’à maintenant, les modifications apportées à la ligne directrice sur la souscription des prêts hypothécaires produisent les effets que nous espérions et que nous avions prévus. Comme M. Morrow l’a indiqué, la proportion des prêts hypothécaires consentis aux consommateurs les plus endettés est en baisse. De façon plus générale, les gens qui obtiennent une nouvelle hypothèque sont maintenant tenus d’avoir une plus grande marge de manœuvre sur le plan financier afin de pouvoir faire face à une hausse des taux d’intérêt au moment du renouvellement. Cela rendra le système plus robuste et plus stable.
En ce qui concerne les conséquences imprévues, disons que l’une des conséquences imprévues possibles était que les changements, parce qu’ils ne s’appliquent qu’aux prêteurs sous réglementation fédérale, allaient inciter les gens à quitter la sphère réglementée par le gouvernement fédéral et à s’adresser ailleurs. Or, nous n’en avons trouvé aucune preuve à ce jour. Jusqu’à présent, la part des prêts hypothécaires obtenus aux termes de la réglementation fédérale après le changement de politique n’a pas beaucoup changé. Il semblerait que les institutions sous réglementation provinciale — qui détiennent la majorité, mais pas la totalité du reste du marché — ont adopté une approche semblable de leur propre chef ou l’ont fait à la suggestion de leurs propres organes de supervision.
Étant donné le test de tension que nous avons mis en place pour les prêts hypothécaires de cinq ans — nous nous sommes concentrés sur le ratio du service de la dette, c’est-à-dire sur la proportion du revenu de l’emprunteur qui peut être affectée au remboursement —, une autre conséquence imprévue possible aurait été que les prêteurs offrent de prolonger la période d’amortissement. Grâce à cette approche, au lieu de commencer un prêt hypothécaire avec un amortissement de 20 ans, vous pourriez commencer avec un amortissement de 30 ans, donc avec des versements mensuels plus modestes. Or, nous avons vu très peu de ce type d’accommodement. On dirait que ce scénario ne s’est pas produit.
La troisième conséquence imprévue dont il a été question, et cela découle des mécanismes que nous avons mis en place, c’est qu’un titulaire de prêt hypothécaire très endetté au moment du renouvellement est en mesure de renouveler avec son prêteur actuel, mais pas avec un autre prêteur, car il bénéficie essentiellement de droits acquis avec son prêteur initial. On craignait que les titulaires de prêts hypothécaires les plus endettés soient pris au piège auprès du prêteur initial et que le prêteur exploite cette situation en fixant à sa guise le taux d’intérêt demandé. Nous n’avons trouvé aucune preuve de cela dans nos données. Nous sommes au fait des taux d’intérêts que les gens paient. L’écart entre les taux offerts aux nouveaux emprunteurs et ceux demandés pour les renouvellements ne semble pas avoir changé au cours de la période de mise en œuvre.
Le sénateur Tkachuk : Je vais poser la même question que celle que j’ai posée hier sur le risque systémique : que surveillez-vous? Selon vous, quel est le plus grand risque pour le système financier? S’agit-il de la faillite d’une grande banque internationale, d’une banque nationale, d’une société de placement? Êtes-vous à l’affût de la faillite d’un pays, comme une autre Grèce? Qu’est-ce qui vous préoccupe le plus?
M. Morrow : L’une des principales motivations qui sous-tendent notre examen du système financier et la plateforme que nous allons lancer sur notre site web au cours des prochaines semaines, c’est de nous permettre d’analyser les aspects vulnérables du système financier canadien. À l’heure actuelle, nous avons établi que l’endettement des ménages et le déséquilibre entre les différents marchés de l’habitation constituaient les principaux risques nationaux pour le système financier canadien. Ce sont les deux grands aspects porteurs de risques systémiques. Le cyberespace est l’autre grande vulnérabilité que nous avons cernée et que nous surveillons de près. Comme nous, les intervenants du système financier eux-mêmes ont consacré des ressources considérables à l’étude de cette question, et nous avons cherché à travailler avec eux pour essayer de rendre le système aussi résilient que possible.
En ce qui concerne les autres sources potentielles de choc à l’échelle internationale, disons qu’une grande partie des réformes entreprises cherchaient à court-circuiter le risque de contagion d’autres pays dans le système financier au sens large. On a procédé au recensement des institutions financières d’importance mondiale et systémique. Des règles plus strictes ont été mises en place pour bloquer la propagation de ces chocs. Néanmoins, nous surveillons de près la performance des systèmes financiers des principaux États, son évolution et les sources potentielles de risques. Présentement, les facteurs de vulnérabilité nationaux et la cybernétique sont les principales sources que nous surveillons.
M. Rudin : Je suis tout à fait d’accord avec cela. Je pense que le risque le plus tenace pour la stabilité financière du Canada, c’est le laxisme. Le laxisme dans l’industrie et le risque de laxisme au sein des organismes de surveillance. Je prends cette recommandation de maintenir notre « férocité » très au sérieux.
Le Canada a connu une très longue période de stabilité. Il serait facile de présumer que c’est la norme. C’est le rôle du BSIF et de ses partenaires de veiller à ce que le système soit prêt à naviguer en fonction d’une vaste gamme de scénarios — graves, mais plausibles —, de voir à ce qu’il puisse continuer de fournir des services financiers aux Canadiens et d’assurer qu’il soit en mesure de gagner la confiance du public. En particulier, mais pas exclusivement, avec nos collègues de la Banque du Canada, nous passons beaucoup de temps à réfléchir aux conjonctures qui pourraient donner lieu à des scénarios graves, mais plausibles, à ce à quoi ils ressembleraient et à la façon de nous y préparer. Nous ne pouvons pas nous permettre de penser que nous sommes capables de prévoir et de prévenir tous ces événements. D’après ma propre expérience, c’est impossible. Personne n’a fait preuve d’autant de clairvoyance. Tout en continuant de faire de notre mieux en ce sens, nous devons nous assurer que le système est prêt à faire face à des événements que nous n’avions pas prévus. C’est pourquoi les exigences en matière de capital et de liquidités sont si importantes. Idem pour la capacité de court-circuiter, comme le disait M. Morrow, les liens qui pourraient exister entre une institution ou une économie en difficulté et notre propre économie.
Le sénateur Tkachuk : J’ai deux autres questions à vous poser, dont une qui porte sur la cybersécurité. Lorsque nous parlons des banques, nous mettons l’accent sur les banques elles-mêmes, mais tout le monde utilise maintenant Internet. Nous partageons tous la même autoroute de l’information et, s’il y a des perturbations sur l’autoroute, nous sommes tous dans le pétrin, je crois. Prêtez-vous attention à ce qui adviendrait si des centrales électriques ou des infrastructures faisaient l’objet d’une cyberattaque qui endommagerait tout cela? Personne à Saskatoon n’aurait accès à Internet, car il n’y aurait pas d’électricité? Simulez-vous ces scénarios? Réfléchissez-vous à ces situations? Discutez-vous de ces possibilités avec des spécialistes en cybernétique?
Mme Anderson : Comme Ron l’a indiqué, je dirais que cela constitue l’un des principaux risques du système financier. Lorsque nous songeons aux risques systémiques, nous cherchons à réduire la probabilité et l’incidence de ces risques afin de pouvoir les gérer.
Dans cette optique, nous avons créé un certain nombre de mécanismes et de processus visant à réduire la probabilité globale d’un tel événement. Par exemple, à l’échelle fédérale, nous venons d’ouvrir, le 1er octobre, le nouveau Centre canadien pour la cybersécurité, dont les employés fournissent des connaissances et des conseils en cybernétique, ce qui est essentiel. Ils supervisent les secteurs cruciaux et, en conséquence, ils ont un champ de vision dans ce cyberespace. Le centre est appuyé par un nouveau service de coordination de la lutte contre la cybercriminalité. Lorsque des crimes sont décelés, nous avons accès à une excellente équipe d’agents de la GRC et d’ailleurs qui gèrent les crimes signalés.
Au sein du secteur financier, il y a des processus et des protocoles consacrés à la gestion des problèmes cybernétiques, et ces processus sont employés en fonction du problème à régler. Ron a dirigé certains travaux à la Banque du Canada portant sur les protocoles qui s’appliquent à cet espace lié aux infrastructures du marché financier, par exemple. Il faut prendre les mesures nécessaires pour renforcer la résilience du système et réduire ainsi la probabilité qu’un tel risque ait des répercussions sur notre secteur.
Le sénateur Tkachuk : J’ai simplement une question à vous poser à propos des prêts hypothécaires et des taux d’intérêt. Nous avons connu une longue période de taux d’intérêt faibles. Les gens ont fait construire des maisons et ont contracté des prêts hypothécaires à des taux ridiculement bas. Quel niveau faudrait-il que les taux d’intérêt atteignent pour que vous commenciez à être préoccupés par le secteur du logement et les prêts hypothécaires?
M. Mennill : Nous observons rarement, voire jamais, un niveau important de mauvaises créances hypothécaires lorsque seuls les taux d’intérêt augmentent. Habituellement, nous enregistrons des taux élevés de défauts de paiement hypothécaire lorsque les taux de chômage et les taux d’intérêt sont élevés ou que le prix des logements baisse. En général, il faut que les trois conditions soient réunies avant que nous observions un taux élevé de mauvaises créances hypothécaires.
Cela dit, comme M. Rudin l’a mentionné plus tôt, la majeure partie de notre portefeuille hypothécaire est composée de prêts hypothécaires assurés qui ont été accordés à condition que l’emprunteur puisse supporter une importante augmentation du taux d’intérêt pendant la durée du prêt. Nous avons consenti des prêts assortis d’un tampon qui est maintenant utilisé par l’ensemble de l’industrie, et pas uniquement pour les prêts hypothécaires assurés. Ce tampon contribue à garantir que nous ne ferons pas face à un niveau élevé de non-paiement de prêts.
Le sénateur Tkachuk : Quel est le tampon utilisé?
M. Mennill : Avant de consentir un prêt hypothécaire, nous employons ce qui est appelé une « simulation de crise » pour ce prêt hypothécaire. La simulation varie selon que le prêt hypothécaire est assuré ou non. Dans le cas de prêts hypothécaires non assurés, je crois qu’un tampon de 200 points de base est appliqué au taux d’intérêt. Dans le cas de prêts hypothécaires assurés, nous les accordons en utilisant un taux affiché qui est considérablement plus élevé que celui payé par les emprunteurs.
Le sénateur Tkachuk : Certains des enjeux dont vous parlez sont mentionnés en raison de ce qui se produit dans le secteur des ressources en Alberta et, en particulier, en Saskatchewan. Le taux de chômage augmente là-bas, les gens perdent leurs emplois et, simultanément, les taux d’intérêt ont grimpé de ¼ de point de pourcentage. Je n’observe pas la même situation que la Banque du Canada, mais elle a néanmoins augmenté les taux d’intérêt. Surveillez-vous ce secteur? Le secteur des prêts hypothécaires est-il problématique en ce moment?
M. Mennill : Nous le surveillons très attentivement. Nous avons observé une hausse modeste des retards dans le remboursement des prêts il y a environ deux ans, à la suite de la chute initiale du prix du pétrole. Depuis, la progression de ces retards a modéré et, au cours des derniers mois, nous avons remarqué que ces marchés affichaient une vigueur relative.
La plupart de ces retards ne se sont pas soldés par des défauts de paiement des prêts hypothécaires. Ces emprunteurs ont plutôt été en mesure de se remettre sur la bonne voie.
Le président : Avant que nous passions à la deuxième série de questions, j’ai une question à vous poser. Hier, notre groupe d’experts nous a parlé des risques systémiques que le système court. Ils ont soulevé avec inquiétude la question de ce qu’ils appellent le secteur bancaire parallèle. Voudriez-vous nous dire si vous pensez qu’il s’agit là d’un risque systémique?
M. Morrow : Le secteur bancaire parallèle ou le secteur du financement de marché est un secteur que nous étudions régulièrement dans le cadre de notre surveillance des systèmes financiers canadiens et mondiaux. Dans notre Revue du système financier de décembre 2016, je crois, nous avons publié un article dans lequel nous décrivons le système bancaire parallèle du Canada et nous exposons le fait que nous ne croyons pas qu’il fragilise grandement le système financier canadien, surtout en raison de son degré limité de transformation de la liquidité et des échéances, ainsi que de son faible levier financier. C’était notre point de vue à ce moment-là, et nous continuons de surveiller ce secteur. Depuis la fin de 2016, je ne dirais pas qu’il y a eu une évolution des faits qui nous porterait à croire que ce secteur est une source importante de risques systémiques pour le système financier canadien.
Le sénateur Wetston : J’ai une question très simple à vous poser, monsieur Cosman. L’assurance offerte par la SADC s’élève toujours à 100 000 $?
M. Cosman : C’est exact, elle se chiffre à 100 000 $.
Le sénateur Wetston : Cet organisme existe depuis pas mal longtemps. Y a-t-il des possibilités qu’il augmente cette limite?
M. Cosman : La limite de 100 000 $ est entrée en vigueur en 2005. Récemment, le ministère des Finances a procédé à l’examen de l’assurance-dépôts. La limite est l’un des aspects qui ont été examinés. Le ministère est parvenu à la conclusion que cette limite protège la grande majorité des Canadiens. Il a été déterminé à l’époque, une époque qui vient de prendre fin, que la limite de 100 000 $ était toujours appropriée.
Le sénateur Wetston : Est-ce parce que les Canadiens n’investissent pas, parce qu’ils n’ont pas de dépôts? Est-ce parce que leur niveau de vie n’a pas augmenté, parce que leurs revenus ont diminué? Personnellement, je trouve qu’il y a en quelque sorte un chaînon manquant à cet égard.
M. Cosman : Une grande partie des dépôts ne sont pas assurés. Je crois que 97 p. 100 des comptes sont entièrement assurés, mais un montant substantiel ne l’est pas. Nous considérons que les dépôts existent pour protéger la majorité des Canadiens, et la couverture de 100 000 $ est suffisante.
Le sénateur Wetston : Je vois. Merci.
Le sénateur Tannas : Réfléchissez-vous à la possibilité d’augmenter ce montant et à l’incidence que cela pourrait avoir sur des organisations provinciales qui offrent une garantie complète et certains bénéfices? Tenez-vous compte de cela lorsque vous pensez à la limite de 100 000 $?
Mme Anderson : Pour m’appuyer sur les arguments de Dean, je dirais que nous avons procédé à un examen exhaustif de cet enjeu et d’autres facettes du système d’assurance-dépôts et que nous avons étudié de nombreuses données. Pour reprendre l’argument de Dean, les économies de la grande majorité des gens sont inférieures à la limite de 100 000 $. La limite semblait couvrir ce que nous voulions qu’elle couvre, compte tenu des objectifs que nous avions établis pour la SADC, c’est-à-dire la protection des déposants et la prévention des scénarios de crise. La limite semblait appropriée dans les circonstances.
Le sénateur Tannas : Pensez-vous aux institutions provinciales lorsque vous étudiez cette limite? L’ensemble du marché est-il pris en considération, ou la décision est-elle prise en fonction de la SADC et des banques seulement?
Mme Anderson : Les régimes d’assurance-dépôts varient en fonction des provinces. Par exemple, l’assurance-dépôts de la Colombie-Britannique est illimitée. Nous étudions la limite dans le contexte de l’ensemble des déposants du système fédéral…
Le sénateur Tannas : Les banques.
Mme Anderson : … et, compte tenu des données analysées, cette protection était appropriée.
Le sénateur C. Deacon : Si je peux me permettre, je vais donner suite aux observations du sénateur Tkachuk. Je me souviens d’avoir lu dans le rapport de PWC portant sur les points de vue des cadres supérieurs des institutions bancaires à propos de la cybercriminalité et de ses répercussions que 52 p. 100 des cybercrimes étaient susceptibles de représenter la plus importante source de fraude et de perturbation du système au cours des deux prochaines années. J’ai été choqué d’apprendre que 48 p. 100 de ces cybercrimes n’étaient pas susceptibles de contribuer à cette source de fraude.
Je me demande comment vous surveillez les sommes qu’elles investissent dans des activités visant à protéger les Canadiens contre les menaces provenant du monde entier dont nous connaissons tous l’existence et comment vous vérifiez la nature de ces activités. Je suis obligé de croire que l’un des importants efforts déployés pour gérer les risques est lié à la façon dont elles investissent dans la protection contre la cybercriminalité, au chapitre des pratiques, de leur propre technologie de base, de leurs applications mobiles et de toutes les mesures qu’elles prennent. Comment surveillez-vous cela?
M. Rudin : Notre régime de surveillance des banques est très exhaustif, et nous examinons attentivement un vaste éventail de leurs pratiques en matière de gestion des risques. Nous avons créé ce que nous appelons un outil de diagnostic ou d’autoévaluation que les banques et les compagnies d’assurance peuvent utiliser pour comparer les mesures qu’elles prennent dans le domaine de la cybersécurité aux pratiques exemplaires.
L’utilisation de cet outil est en quelque sorte volontaire. Nous n’exigeons pas que toutes les institutions et, en particulier, les plus petites d’entre elles l’utilisent. Toutefois, toutes les grandes institutions et bon nombre des petites institutions ont procédé à cette autoévaluation. Lorsqu’elles le font, nous leur demandons de désigner les lacunes de leurs systèmes et d’indiquer leurs plans d’action pour les combler.
En dépit du fait que j’ai dit que la complaisance constituait le risque prépondérant que courait la stabilité financière canadienne, je dirais que les grandes institutions ne risquent pas vraiment d’être complaisantes à cet égard, tout simplement parce qu’elles font l’objet d’attaques répétées. Nous ne parlons pas de tenter d’attirer leur attention sur un problème qui pourrait survenir dans les années à venir, nous parlons d’un problème qui se produit quotidiennement.
Cependant, nous mettons tout en œuvre pour rappeler aux petites institutions de s’abstenir d’être complaisantes à cet égard. Les petites institutions risquent de penser qu’il y a des cibles plus lucratives ailleurs, ce qui est le cas, et qu’il y a des pays plus importants à attaquer, ce qui est également le cas. Toutefois, il y a de nombreux cybercriminels qui cherchent des cibles soit de façon exhaustive, soit de manière aléatoire. Il est donc important que même les petites institutions ne soient pas complaisantes à cet égard.
Le sénateur C. Deacon : Il me semble que le fait que cette autoévaluation soit volontaire indique un niveau de priorité de votre part qui est inférieur à ce à quoi je m’attendrais.
M. Rudin : Nous songeons fréquemment à prendre des mesures plus contraignantes et musclées dans ce domaine. Je ne cache pas à l’industrie que j’aimerais le faire. J’ai l’impression que je devrais le faire. Toutefois, avant de le faire, nous devons être persuadés que nous accroîtrons la valeur du processus, au lieu de la réduire. Il s’agit là d’un domaine extrêmement technique qui évolue très rapidement et, si nous établissons un ensemble de normes détaillées et contraignantes, nous ne rendrons pas le système plus sécuritaire.
Le sénateur C. Deacon : Je ne laisse pas entendre que vous devriez établir des normes. Je dis simplement qu’en rendant compte des sommes qu’elles investissent, de la façon dont elles les investissent et de la mesure dans laquelle elles investissent dans ce secteur — en signalant essentiellement la priorité que l’institution et ses dirigeants accordent à cet enjeu —, elles vous donneraient une indication de leurs efforts. Si vous constatez qu’une banque ou une institution financière investit 10 fois plus, relativement parlant, dans la cybersécurité qu’une autre institution, cela pourrait vous donner une idée de l’ampleur de ses efforts, une ampleur qui pourrait servir d’indicateur de risques.
M. Rudin : Nous suivons de très près les activités des grandes institutions. En ce qui concerne les petites institutions, c’est, comme je l’ai déclaré, un sujet de conversation que nous abordons régulièrement. À l’heure actuelle, nous ne disposons pas d’une norme à laquelle nous pourrions comparer leurs activités à des fins d’évaluation. Toutefois, c’est un enjeu auquel nous continuons de réfléchir. Comme je l’ai indiqué, je serais plus à l’aise si nous disposions d’une norme, car je pense que cela répondrait mieux à votre question. Toutefois, avant d’établir une norme, nous devons être convaincus qu’elle apportera une amélioration, et non une simple impression d’amélioration. Dans ce contexte, cette amélioration ne me semble pas encore claire.
M. Morrow : Pour les institutions que nous surveillons, c’est-à-dire les infrastructures du marché financier, nous avons élaboré un ensemble de principes indiquant la façon dont elles devraient envisager la gestion des risques.
Nous discutons régulièrement avec elles afin de déterminer exactement les mesures qu’elles prennent à cet égard. Nous sommes d’ailleurs en train d’établir à leur intention une sorte de niveau cible de maturité dans ce domaine, je dirais — sans les contraindre quant aux mesures qu’elles doivent prendre, mais en leur indiquant le degré de perfectionnement en gestion des risques qu’elles devraient être en mesure de démontrer.
Plus important encore, il faut les inciter à parler des essais de pénétration auxquels elles soumettent leurs systèmes, au lieu de leur imposer des normes contraignantes. Ces essais prouvent réellement la mesure dans laquelle leurs mécanismes de protection fonctionnent, et nous devons nous assurer que nous avons de bonnes discussions à ce sujet. La banque est une institution qui s’engage elle-même à veiller à ce que nos systèmes soient à la hauteur et à procéder régulièrement à des essais de pénétration. C’est là un vaste domaine dans lequel on trouve toujours des éléments à améliorer.
Le sénateur C. Deacon : Il est en constante évolution.
M. Morrow : Il faut investir constamment pour tenter de se tenir au courant et de devenir aussi résilient que possible.
M. Mennill : Je pourrais peut-être vous communiquer le point de vue d’une institution qui participe à l’industrie des prêts hypothécaires d’une façon commerciale. Les cyberrisques sont nos principaux risques. Comme M. Rudin l’a souligné, nous mettons en œuvre un programme exhaustif de détection des risques potentiels ainsi qu’un programme de mesures d’atténuation que nous prenons pour réduire au minimum ces menaces. Je peux aussi vous assurer que ces menaces sont prises très au sérieux par l’ensemble du secteur financier. Nos partenaires et nos clients, qui sont de petites et grandes institutions, mettent en œuvre des programmes semblables. Ces activités sont très approfondies.
Le président : Merci beaucoup. Je tiens à vous informer que, lundi, notre comité publiera son rapport sur la cybersécurité. Nous avons eu l’occasion d’étudier cet enjeu en détail depuis un certain nombre de mois, et notre rapport — qui, nous l’espérons, contribuera à la discussion — sera rendu public lundi.
Je tiens également à vous signaler que, cet automne, nous étudierons la nature d’un système bancaire ouvert. Lorsque nous aurons terminé la présente étude, nous passerons à l’étude d’un système bancaire ouvert. Nous espérons que notre travail dans ce domaine complétera le vôtre.
Je vous remercie tous infiniment. Nous avons eu le privilège d’accueillir un certain nombre d’entre vous auparavant. Toutefois, il y a deux ou trois témoins que nous n’avions jamais entendus. J’espère que votre expérience a été positive. Je crois que nous avons le sentiment qu’elle a été positive. Je vous remercie donc tous non seulement de votre présence aujourd’hui, mais aussi des contributions que vous apportez très clairement à vos organisations.
(La séance est levée.)