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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule no 53 - Témoignages du 20 mars 2019


OTTAWA, le mercredi 20 mars 2019

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd’hui, à 16 h 19, à huis clos, afin d’examiner un projet d’ordre du jour (travaux futurs) et, en séance publique, afin d’examiner, pour en faire rapport, les avantages et les défis éventuels inhérents au système bancaire ouvert pour les consommateurs canadiens de services financiers, en mettant l’accent sur le rôle réglementaire du gouvernement fédéral.

Le sénateur Douglas Black (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

(La séance se poursuit à huis clos.)

(La séance publique reprend.)

Le président : Bonjour, chers collègues, et bienvenue à tous les membres du grand public qui suivent aujourd’hui les délibérations du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce sur place ou sur le Web. Je m’appelle Doug Black. Je suis un sénateur de l’Alberta et j’ai le privilège d’assumer la présidence du comité.

J’invite les membres du comité à bien vouloir se présenter pour nos témoins.

Le sénateur Klyne : Marty Klyne, de la Saskatchewan.

La sénatrice Duncan : Patricia Duncan, du Yukon.

Le sénateur C. Deacon : Colin Deacon, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Wetston : Howard Wetston, de Toronto, en Ontario.

Le sénateur Duffy : Michael Duffy, de l’Île-du-Prince-Édouard.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Tkachuk : David Tkachuk, de la Saskatchewan.

La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador.

La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Wallin : Pamela Wallin, de la Saskatchewan.

Le président : Nous sommes habilement épaulés dans nos travaux par la greffière du comité et les analystes avec lesquels nous travaillons en étroite collaboration.

Messieurs, nous sommes très heureux de vous accueillir au comité. Avant de commencer nos travaux, au nom de notre comité et du Sénat du Canada, je souhaite offrir nos plus sincères condoléances à vous et à vos nations concernant la terrible tragédie dont nous avons récemment été témoins à Christchurch. Nous sommes avec vous, et nous sommes consternés, mais je tiens à vous faire savoir que le Sénat du Canada et tous les Canadiens comprennent la tragédie avec laquelle vous devez actuellement composer.

Messieurs, c’est aujourd’hui la cinquième réunion de notre étude sur les avantages et les défis éventuels inhérents au système bancaire ouvert pour les consommateurs canadiens de services financiers, en mettant l’accent sur le rôle réglementaire du gouvernement fédéral. Nous sommes ravis d’accueillir nos témoins aujourd’hui. Nous avons tout d’abord Scott Farrell, qui est associé au cabinet d’avocats de renommée internationale King & Wood Mallesons en Australie. Il témoigne par vidéoconférence en direct de Wellington, en Nouvelle-Zélande.

À titre personnel, nous accueillons aussi Peter Harris, l’ancien président de l’Australian Productivity Commission. Il témoigne par vidéoconférence en direct de Melbourne, en Australie.

Chers collègues, à titre d’information, j’aimerais souligner, pour votre gouverne et aux fins du compte rendu, qu’on me dit que M. Harris est l’ancien président récemment à la retraite de l’Australian Productivity Commission. À ce titre, il a présidé deux grandes enquêtes : l’une sur la disponibilité et l’utilisation des données et l’autre sur le système financier. Ces travaux ont mené à la création d’un nouveau droit, soit le droit relatif aux données des clients, et la mesure législative est actuellement à l’état de projet. Le premier secteur où ce nouveau droit s’applique, c’est dans le secteur bancaire.

Lorsque le gouvernement a décidé d’aller de l’avant avec le droit relatif aux données dans le secteur bancaire, il a nommé Scott Farrell, un avocat chevronné et notre témoin, pour mener de vastes consultations en vue d’élaborer le plan de mise en œuvre qui se trouve dans l’examen du système bancaire ouvert en Australie. Cet examen s’est terminé en février 2018.

Messieurs, merci beaucoup. Nous avons vraiment hâte d’entendre ce que vous avez à dire. Nous laisserons la parole en premier à M. Harris, puis vous pourrez faire votre exposé, monsieur Farrell. Les sénateurs vous poseront ensuite des questions.

Peter Harris, ex-président de l’Australian Productivity Commission, à titre personnel : Merci, monsieur le président. Mon exposé devrait prendre six minutes; j’espère que vous m’accorderez ce temps. J’ai envoyé mon exposé sous forme écrite que vous pourrez consulter pour vous rafraîchir la mémoire plus tard, si vous le souhaitez.

Comme vous l’avez mentionné dans votre introduction, l’Australie entreprend un virage structurel important concernant la réglementation de la concurrence et des droits des consommateurs en réponse à un rapport de 2017 de la Productivity Commission en Australie, soit un organisme dont j’étais président jusqu’en septembre dernier. Le titre anodin de ce rapport était Data Availability and Use.

La Productivity Commission est une institution inhabituelle en Australie. Ce n’est pas une bureaucratie ou un organisme éphémère. Elle a des pouvoirs d’enquête qui lui sont conférés par une loi, et elle a influé sur le gouvernement australien en lui formulant des recommandations fondées sur des données probantes sur d’importantes politiques publiques ayant trait à l’économie australienne.

Notre rapport traite un peu du système bancaire ouvert, et je vais l’expliquer, mais ce n’en est pas le sujet. Le rapport porte en fait sur les droits des consommateurs dans l’économie numérique.

Le merveilleux monde des données numériques n’est pas le meilleur endroit pour l’élaboration de politiques publiques. L’utilisation active de données numériques s’est produite si récemment et si rapidement que, du point de vue de la Productivity Commission — et nous examinons ces choses partout dans le monde —, il y a très peu de solides analyses d’intérêt public dans le monde. Ce n’est pas non plus un bon contexte pour les dirigeants politiques, parce que c’est ahurissant de voir le pouvoir qu’ont acquis les médias sociaux et les moteurs de recherche.

En dépit de ces difficultés, notre rapport de 2017 a réussi à persuader les dirigeants australiens de s’engager à créer un nouveau droit pour les consommateurs concernant le contrôle partagé de leurs données numériques. Par « partagé », nous entendons un contrôle partagé avec l’entité qui collecte les données.

Au début de 2019, la mesure législative en vue de mettre en œuvre ce droit a été déposée au Parlement national australien.

Comme je l’ai mentionné, il y a certains chevauchements entre nos réformes et l’examen par le Canada de la possibilité d’adopter un système bancaire ouvert, mais nos modifications sont plus exhaustives que ce qui a été tenté au Royaume-Uni ou ailleurs. Nous avons un système bancaire ouvert, mais nous le faisons du point de vue de la source principale de données, soit les consommateurs.

Cela concerne en principe l’ensemble de la collecte de données par le secteur privé, mais nous déclarons dans la pratique que le nouveau droit s’applique seulement à certaines industries. Cela vise actuellement deux autres industries en plus du secteur bancaire, soit les secteurs de l’énergie et des télécommunications.

Considérés dans leur ensemble, ces changements permettent aux particuliers de participer de manière plus sécuritaire et plus efficace à l’utilisation ouverte des données numériques.

Jusqu’à présent, ce sont évidemment les entreprises privées et les organismes publics à certains égards qui ont été les principaux utilisateurs des capacités extraordinaires des données numériques. Toutefois, l’une des caractéristiques uniques des données numériques, c’est que de nombreuses parties peuvent utiliser simultanément la même source à des fins très différentes.

Les données relatives aux comportements que nous avons examinées dans notre enquête laissent fortement entrevoir que, malgré de nombreuses violations de données et un nombre croissant de consommateurs qui se disent inquiets d’être « le produit » plutôt que « le client », les personnes sont et continueront probablement d’être disposées à échanger de manière volontaire leurs données contre de nouveaux services, et le volume de données augmentera sans cesse. Les gens accepteront de le faire parce que les produits sont populaires et qu’ils sont en apparence gratuits.

Du point de vue économique, soit la spécialité de la Productivity Commission, une telle collecte de données deviendra par conséquent une source d’innovation essentielle et grandissante à l’avenir pour les petites et grandes entreprises. Cette innovation est importante; elle permet de stimuler la croissance économique globale et, au bout du compte, les revenus au pays.

Par conséquent, notre enquête a principalement porté sur deux caractéristiques des données numériques : l’inquiétude grandissante des particuliers et un réel potentiel de croissance économique. Selon nous, il était nécessaire d’examiner de manière plus approfondie les considérations d’intérêt public que ce qui avait été fait jusqu’à maintenant.

En gros, les gouvernements dans le monde prennent des mesures à la pièce en réaction à la révolution des données numériques. Par exemple, nous reconnaissons que les données sont particulièrement efficaces pour apporter des améliorations ciblées aux services sociaux, à la santé ou à l’éducation, mais les gouvernements ont généralement été réticents à autoriser un tel accès.

Le secteur privé a été beaucoup plus actif en vue d’exploiter les données comme des ressources. Même s’il y a beaucoup d’exagération dans ce qui est dit au sujet de la révolution des données, il est évident que, là où les mégadonnées sont relativement accessibles librement, nous avons été témoins de transformations majeures qui ont pris la forme de services populaires.

Comme par hasard, au cours de la même période, soit depuis environ 2004, la majorité des pays industrialisés connaissent une inquiétante baisse de la productivité qui perdure depuis suffisamment longtemps pour confirmer que ce n’est pas une anomalie temporaire.

C’est une situation grave, parce que la productivité est le principal moteur qui permet d’améliorer de façon durable tous nos niveaux de vie sur le plan économique, et c’est le cas depuis plus de 100 ans. La majorité des gouvernements se posent des questions ou mènent des enquêtes pour déterminer les raisons qui expliquent cette baisse, mais le ralentissement se poursuit.

Par exemple, la conclusion à laquelle nous arrivons généralement dans les travaux de l’OCDE est que les marchés concentrés, comme le secteur bancaire, ont réussi à freiner l’innovation et qu’une stagnation profitable a remplacé le haut degré d’adaptation que nous avions par le passé.

Les changements que nous apportons en Australie visent à ouvrir nos marchés concentrés à une nouvelle forme de concurrence, et ce sont les clients qui la stimuleront en se prévalant de leur nouveau droit relatif aux données. Nous ne cherchons donc pas à améliorer les systèmes de paiement, ce qui était l’objectif du système bancaire ouvert au Royaume-Uni. Pour nous, cela se veut une manière de réagir au ralentissement de la productivité. Notre nouveau droit s’applique à bien plus que seulement le secteur bancaire.

Parallèlement, nous prévoyons avoir recours à ce nouveau droit pour atténuer l’inquiétude des consommateurs par rapport aux méthodes actuelles de collecte. Les gouvernements devraient prêter attention à l’inquiétude des consommateurs, et ce, d’un point de vue économique et social.

Tout cela mis ensemble signifie qu’avec ce nouveau droit relatif aux données des clients, les entités peuvent continuer de recueillir des données, mais elles doivent adopter des normes de consentement plus rigoureuses pour ce qui est des données des clients. Par ailleurs, pour la toute première fois, les consommateurs pourront profiter de cette ressource que détient en leur nom une entité pour obtenir, par exemple, une meilleure offre ou un nouveau service en demandant que les données soient communiquées de manière sécuritaire entre des concurrents. Qui plus est, c’est seulement le client qui pourra déclencher tout cela.

Ce nouveau droit s’appuiera sur des dispositions renforcées sur le consentement, y compris des peines criminelles. Les transferts de données seront financés par les entités qui collectent les données, et cela se fera de manière électronique conformément à des normes de sécurité dont se servent déjà les banques et les entreprises de télécommunications pour le transfert de données. Nous estimons que cela permettra de renforcer la confiance des gens à l’égard de la collecte de données tout en multipliant les possibilités d’innovation.

Notre nouveau droit ne remplacera pas les normes en matière de protection de la vie privée. Cela viendra s’y ajouter pour le sous-ensemble des données qui sont déclarées comme des données de clients, et des normes plus rigoureuses s’appliqueront à ce sous-ensemble de données.

C’est notre organisme de réglementation de la concurrence qui aura la charge de faire appliquer ces nouvelles normes plutôt que l’organisme de réglementation de la protection de la vie privée.

Nous passons par l’organisme de réglementation de la concurrence, parce que cette réglementation économique visera des données qui ont une grande valeur et que les entités qui collectent ces données ne seront peut-être pas enclines à aider les consommateurs à se prévaloir de leur nouveau droit.

Dans les faits, le nouveau droit permet à un client de demander à une entité qui collecte des données, comme sa banque, de transférer les données du client à l’un ou à plusieurs des concurrents de la banque, soit une autre banque, une entreprise de technologie financière ou une autre entité accréditée, pour obtenir un meilleur service ou un nouveau service. Nous appelons cela « le commerce des données » pour montrer pourquoi c’est tout naturel que cela relève de l’organisme de réglementation de la concurrence.

Ce n’est pas la transférabilité des données, comme l’envisagent de récentes réformes européennes. Nous établissons des normes techniques communes en Australie pour le transfert de données, et nos exigences en matière de consentement et les sanctions pour leur non-respect sont généralement plus claires et plus sévères; cela va de pair avec notre vif intérêt à l’égard du commerce des données.

Nous créons vraiment des marchés de données sécuritaires où les clients peuvent, s’ils le souhaitent, tâter le terrain pour voir s’il y a une meilleure offre ou un meilleur service qui peut remplacer la capture de données d’écran non gérée que nous avons actuellement. Nous prévoyons que le droit relatif aux données des clients procure des avantages aux Australiens sous la forme de meilleurs prix ou de meilleurs services dans des domaines comme les prêts hypothécaires résidentiels, les prêts aux petites entreprises, les nouveaux comptes spécialisés et les cartes de crédit.

Nous nous attendons davantage à un effet catalyseur sur les entreprises établies que l’effet bien connu sur les entreprises de technologie financière.

Cela s’explique tout simplement parce que les entreprises établies qui détiennent de grandes parts de marché ne pourront plus faire fi des nouvelles offres concurrentielles des entreprises de technologie financière. En fait, les clients types de grande valeur qui ont généralement une plus grande quantité de données en leur nom dans leur institution bancaire actuelle seront peut-être beaucoup plus intéressés par ce nouveau droit que les gens à l’aise avec la technologie qui sont actuellement clients d’une entreprise de technologie financière. Des sondages réalisés par certaines banques australiennes indiquent que cela suscite beaucoup d’intérêt parmi les clients plus âgés.

Ainsi, la nouvelle entité qui reçoit les données du client et l’entité qui les détient actuellement seront beaucoup plus poussées à faire une meilleure offre à un client. À mesure qu’augmentera le nombre d’industries auxquelles s’appliquera ce nouveau droit et que les clients se prévaudront de ce droit, cela aura peut-être des effets transformateurs sur la croissance de la productivité, ce qui se répercutera sur les revenus nationaux. Cela ne se fera pas du jour au lendemain.

Les raisons pour aller de l’avant en ce sens sont convaincantes; nous n’avons qu’à regarder les transformations que nous pouvons déjà observer dans les industries non traditionnelles où les données circulent de manière relativement libre. Nous pouvons penser, par exemple, aux secteurs de la vente au détail, du transport privé et du voyage. Merci beaucoup.

Le président : Cela a été fort utile.

Scott Farrell, associé, King & Wood Mallesons, Australie : Merci beaucoup, monsieur le président. Je dois insister sur l’importance de comprendre ce que Peter vient de dire par rapport au droit relatif aux données des clients pour bien comprendre le système bancaire ouvert en Australie. Le travail du comité de Peter a été instrumental pour établir la manière de mettre en œuvre un système bancaire ouvert. J’ai été nommé pour me pencher sur le cadre juridique et réglementaire en vue de mettre en œuvre ce que Peter vient de présenter dans le secteur bancaire et de pouvoir le faire dans l’ensemble de l’économie australienne secteur par secteur comme l’a décrit Peter. Le gouvernement australien a adopté les 50 recommandations que j’ai formulées.

J’aimerais brièvement expliquer certains des enjeux et des thèmes que nous avons jugés importants pour la mise en œuvre de ce cadre dans le monde réel et dans le quotidien des clients. La question fondamentale à laquelle nous devions répondre en ce qui concerne le système bancaire ouvert en Australie était le pourquoi. Non seulement le pourquoi en fonction des très bons points qu’a expliqués Peter, mais aussi le pourquoi du point de vue du client. Cela rejoint en fait les commentaires de Peter.

Ce droit a été pensé pour que les clients aient un contrôle accru sur leurs renseignements, plus de choix concernant leurs services bancaires, une plus grande commodité pour la gestion de leur argent et une confiance renforcée en ce qui concerne la communication de leurs données. Ces mots — clients, choix, commodité et confiance — étaient tellement importants qu’ils sont devenus les principaux mots sur la couverture du rapport découlant de mon examen.

La question était ensuite de déterminer la façon d’y arriver. Nous avons dégagé certains principes, et le premier est qu’une approche axée sur le client était cruciale pour trouver des solutions aux nombreuses questions complexes qui ont été soulevées dans le cadre de nos travaux pour déterminer la façon dont nous devrions permettre aux clients d’utiliser leurs renseignements.

Par ailleurs, il faut que cela stimule la concurrence, exactement comme l’a décrit Peter, mais il faut peut-être que cela se fasse différemment qu’ailleurs. À mon avis, cette concurrence doit se faire sur un pied d’égalité. Les clients décident des entités avec lesquelles ils choisissent de partager leurs renseignements et en lesquelles ils ont confiance; les clients peuvent décider de partager leurs renseignements tant avec des entités déjà établies que de nouveaux fournisseurs de services. Le résultat de mon examen est que l’avantage accordé au client est ce qui importe le plus.

Qui plus est, il faut que cela crée des possibilités. En ce sens, il faut que cela permette l’émergence en Australie d’un secteur des données qui serait novateur et qui exploiterait ces ressources axées sur les clients pour le plus grand bien des consommateurs australiens.

Enfin, et ce qui est sans doute le plus important, il fallait que ce soit efficace et équitable. Il fallait que ce soit efficace et équitable autant qu’un système de paiement ou un système de compensation, c’est-à-dire qu’il soit sécuritaire. Il devait faire ce qu’il était censé faire, sans plus. La sécurité est non seulement liée à la protection de la vie privée, mais à un concept plus large voulant que si un problème survient à n’importe quel moment, des mesures de protection soient en place pour assurer la survie même du système et protéger tous ses utilisateurs.

J’aimerais terminer mes très brèves observations en vous parlant de certains éléments ayant fait surface à propos de la mise en œuvre. Le rapport de mon examen est disponible, et vous y trouverez beaucoup de détails, mais je vais vous parler de quelques principes simples, qu’a très bien décrits également Peter.

On parle de la communication de données. On ne parle pas de paiement. On parle de la communication d'informations à la demande d’un client. Un client a le droit de demander à sa banque de prélever de l’argent sur son compte pour le transférer à quelqu’un en qui il a confiance, et c’est un concept similaire qui s’applique dans le cas du système bancaire ouvert. Tout ce qu’il faut faire en fait, c’est remplacé le mot « argent » par le mot « information » — car les deux sont importants pour le client — pour comprendre les principes d’un système bancaire ouvert basé sur la demande du client. Il faut toutefois que la demande s’applique à des destinataires accrédités; il faut donc non seulement que le destinataire ait la confiance du client, mais aussi qu’il soit reconnu pour sa fiabilité.

Le destinataire doit également, comme Peter l’a expliqué, obtenir une forme claire de consentement qui n’est pas logée dans des pages et des pages d’un document juridique, mais dans une ou deux pages d’écran rédigées dans la langue de tous les jours. L’examen nous a permis de constater que ce à quoi allaient servir les données était mal compris, ce qui faisait craindre que l’information des clients ne soit pas utilisée à bon escient.

Il est très important de souligner que, dans le système australien, le destinataire de l’information accrédité doit lui aussi communiquer l’information qu’il possède à la demande du client. Ce n’est pas un système à sens unique. Si vous faites partie du système et que vous pouvez recevoir de l’information à la demande d’un client, vous devez également la fournir à une autre entité accréditée si le client en fait la demande.

Comme Peter l’a mentionné, nous avons deux grands organismes de réglementation : celui sur la concurrence et le commissaire à l’information qui l’appuie. Nous avons constaté qu’il était important que les deux éléments soient protégés, car ces deux organismes ont des points forts qui sont différents pour veiller au bien-être des Australiens. De plus, nous mettons sur pied un nouvel organisme de normalisation des données. Peter en a parlé, et les normes devraient, dans toute la mesure du possible — c’est ce que nous recommandons — respecter les normes internationales, afin que les entreprises australiennes aient la possibilité d’utiliser leurs compétences et leur expertise à l’étranger, selon les possibilités offertes.

Les régimes de responsabilité comportent de nouvelles mesures de protection. Ils sont différents de ceux qui sont en place au Royaume-Uni et en Europe. Cela s’explique notamment, comme l’a mentionné Peter, par le fait qu’il s’agit d’un régime de communication de données et non pas d’un régime de paiement. Ainsi, il n’est pas nécessaire d’effectuer un suivi de la responsabilité concernant les paiements. Le suivi de la responsabilité peut s’effectuer comme on le ferait souvent dans un cadre de réglementation.

En terminant, j’aimerais mentionner l’élément le plus fondamental, et le premier mentionné par Peter : cela s’applique à d’autres secteurs. La mesure législative que j’ai recommandée est en fait la mesure législative sur le droit relatif aux données des clients. Le système bancaire ouvert en est une sous-catégorie, et elle est assortie de normes, de règles et d’une désignation ministérielle, mais le concept repose sur le fait que les clients ont le pouvoir de communiquer toutes leurs données, et ce ne sont pas des systèmes distincts. Merci.

Le président : Merci beaucoup, messieurs. L’information a été très utile.

Nous passons maintenant aux questions des sénateurs. Je vais demander aux sénateurs de mentionner à qui s’adressent leurs questions, et de le mentionner également si elles s’adressent à nos deux témoins.

Le sénateur C. Deacon : Je vous remercie tous les deux de vos exposés très clairs et très ciblés. J’avais une foule de questions à vous poser, mais je vais vous en poser d’autres, car vous avez répondu à un grand nombre dans votre exposé.

Je pense qu’une des questions qui nous préoccupent le plus est celle des risques associés au statu quo, soit les risques pour le Canada, où les risques que vous avez vus en Australie liés au fait de ne pas agir. J’aimerais que vous nous en parliez. La question s’adresse à vous deux, si possible.

Ensuite, et la question s’adresse à la personne la mieux placée pour y répondre, j’aimerais que vous parliez de l’harmonisation avec les normes minimales du Règlement général sur la protection des données, car vous avez parlé des normes mondiales. J’aimerais comprendre comment les mesures que vous avez prises dans le cadre de votre stratégie sur le droit relatif aux données des clients s’harmonisent avec les normes minimales.

Le président : Pourquoi ne pas commencer par M. Harris. Allez-y, s’il vous plaît.

M. Harris : Très bien. Au sujet des risques associés au fait de ne pas agir, j’ai travaillé avec le Bureau du Conseil privé au début des années 1990, alors je connais assez bien le Canada pour savoir que vous vous inquiétez, tout comme nous, du ralentissement de la productivité et des menaces qui pourraient peser alors sur la croissance du revenu national.

Selon nous, et j’en ai fait un point important dans mon exposé, si les gouvernements ne prennent pas en considération, du point de vue de l’intérêt public, les avantages qu’ils peuvent tirer du tout nouveau bien issu du XXIe siècle — les données numériques — pour améliorer les possibilités de croissance de leur économie et les possibilités de revenus de leurs habitants — s’ils ne saisissent pas les occasions qui se présentent, ce sont leurs revenus qui s’effritent simplement. Toutefois, ce n’est pas seulement une question d’argent et de craindre, par exemple, que les États-Unis récoltent plus d’occasions d’affaires s’ils entreprennent ces réformes, ou bien encore que le Royaume-Uni nous vole une partie de nos activités bancaires.

Ce n’est pas ce qui est important. Ce qui est important, c’est que nous ne savons pas ce que les gens peuvent faire avec leurs données tant que nous ne leur donnons pas la chance de les utiliser.

Comme on a pu le constater dans bon nombre de ce que j’appellerais les industries fonctionnant relativement librement où les données circulent, les gens ne pouvaient pas prévoir ce qui allait arriver dans la vente au détail, dans le tourisme ou dans les transports en ayant un accès facile aux données des clients, qui sont exploitées par un certain nombre de grandes entreprises, et par un nombre beaucoup plus grand de petites entreprises. Nous n’aurions pas pu le prévoir il y a 15 ans. C’est difficile et dangereux de faire des prévisions dans ce domaine.

Nous savons toutefois que lorsque les données circulent relativement librement, de magnifiques occasions d’affaires voient le jour. Dans certains cas, c’est inquiétant, en raison de la façon dont nos données sont manipulées. Il y a de la négligence. C’est pourquoi nous avons veillé à ce qu’un ensemble de normes beaucoup plus élevées s’appliquent dans notre système.

À mon avis, le principal risque lié au statu quo est de perdre simplement des occasions de croissance et de faire perdre aux habitants, s’ils décident d’y avoir accès par des transactions transfrontalières, de perdre de nouvelles offres de service. Dans les deux cas, c’est peu souhaitable.

Au sujet de l’harmonisation avec le Règlement général sur la protection des données, comme je l’ai mentionné dans mon exposé, nous ne copions pas le règlement. Nous n’avons rien fait vraiment en fonction du règlement, si ce n’est de l’examiner relativement de près pour voir ce qu’on faisait, essentiellement, au sujet de l’échange de données, si je peux dire, soit la possibilité pour un client de créer un effet catalyseur sur la concurrence en donnant accès à ses données. Le fait est qu’on ne fait rien dans ce domaine. On utilise un concept de transférabilité, mais sans imposer les normes communes dont Scott a parlé.

Sans normes communes, on a alors un échange de données aléatoire qui peut ou non faciliter l’accès d’une personne à ses données bancaires. Ce n’est assurément pas ce qui provoquera un effet catalyseur sur la concurrence.

Ce que je viens de dire n’a pas pour but de diminuer l’importance du règlement. Je dis simplement que ce n’est pas ce que nous faisons.

Le président : Merci beaucoup.

M. Farrell : Merci beaucoup. Sans surprise, mes commentaires se feront l’écho de ceux de Peter, mais je dois dire que nous n’avons pas répété la scène avant notre arrivée. À mon avis, les risques liés au statu quo se résument aussi aux questions économiques qu’a si bien décrites Peter.

Premièrement, au moment d’examiner le mode de fonctionnement pour les clients, il était très important de comprendre que la communication d’information se fait déjà en Australie. Il ne s’agissait pas de lancer une nouvelle façon de communiquer l’information. En fait, c’était tout à fait le contraire. On voulait mettre en place un cadre pour protéger les Australiens de certains risques qui existent déjà dans leurs façons de faire.

Pour faire une analogie, qui ne s’applique peut-être pas très bien au Canada, je dirais que beaucoup d’Australiens nagent dans des vagues dangereuses quand il s’agit de communication d'informations. La moitié d’entre eux ne savent même pas qu’ils sont sur la plage, car ils ne se rendent pas bien compte qu’ils sont en train de communiquer de l’information. Le système vise donc à installer quelques sauveteurs sur la plage pour indiquer aux Australiens un endroit où ils peuvent nager plus en sécurité. Cela ne veut pas dire qu’ils ne nagent plus dans les vagues, mais que des gens sachant nager les surveillent et veillent sur eux.

C’est important, car à notre avis, le statu quo équivaut à ne pas mettre de petits drapeaux rouge et jaune sur la plage pour indiquer aux gens où ils peuvent nager en sécurité.

Deuxièmement, pour séparer les entreprises des clients, le risque du statu quo est de priver les entreprises australiennes de la possibilité de s’arrimer mieux à leurs clients pour les aider. Comme l’a dit très exactement Peter, nous disposons là d’une ressource du nouveau siècle dans lequel nous vivons, et je pense que les entreprises avec lesquelles j’ai travaillé n’ont pas encore réussi à optimiser leurs façons de faire comme elles le devraient, et que le cadre, les spécifications et la normalisation qu’a décrits Peter aident les entreprises à procéder aux investissements qui les prépareront pour l’avenir.

Au sujet du Règlement général sur la protection des données, j’abonde dans le même sens que Peter. Le règlement n’a pas été notre point de départ. Notre point de départ a été les objectifs que nous voulions atteindre pour les Australiens. Par contre, nous avons examiné la différence dans la spécificité des normes entre les systèmes au Royaume-Uni et le Règlement général sur la protection des données et la Directive révisée sur les services de paiement, et nous avons décidé, exactement comme Peter l’a mentionné, que la grande spécificité des normes entourant le système bancaire ouvert au Royaume-Uni procurerait en fait aux entreprises les moyens de mieux servir leurs clients. Notre examen ne s’est pas inspiré du Règlement général sur la protection des données. Nous l’avons examiné, bien sûr, mais sans plus.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Farrell.

La sénatrice Wallin : Nous allons renverser l’ordre et entendre d’abord M. Farrell, puis M. Harris.

Monsieur Farrell, j’aimerais simplement creuser un peu plus la question, car c’est ce qui nous inquiète, soit le fait d’avoir communiqué toutes ces données sans même savoir que nous sommes sur la plage, pour reprendre votre analogie, et que nous les diffusons.

Que peut-on faire pour les récupérer? Comment le client procède-t-il pour activer ce que M. Harris a appelé notre « droit aux données »? Qui nous l’accorde? Au Canada, nous examinons la question, à savoir qui gère la discussion. Le gouvernement aura un rôle à jouer, de toute évidence. Vous avez parlé aussi des lois et des sanctions pénales. Sont-elles en place, ou êtes-vous encore en train d’y réfléchir? Le secteur privé et les banques semblent être ceux qui dirigent le débat au Royaume-Uni. Qui nous redonnera notre droit sur les données, étant donné que nous en avons probablement déjà cédé une bonne partie?

M. Farrell : Merci. La structure de gouvernance que vous choisissez de mettre en place est importante, et je pense que ce qui importe avant tout, c’est d’avoir un haut niveau de coordination entre les différents éléments qui la composent. Je peux vous expliquer ce que nous avons fait en Australie.

Le Parlement australien est actuellement saisi du projet de loi qui créera le droit relatif aux données des clients. L’Australian Competition and Consumer Commission, notre organisme de réglementation de la concurrence, sera le principal organisme de surveillance. Le bureau des politiques derrière cela est une division du Trésor australien, notre ministère des Finances. Sous le principal organisme de réglementation se trouve un organisme de normalisation des données, essentiellement des membres de l’industrie, mais pas des banques et pas seulement des entreprises de technologie financière. On y trouve des représentants des secteurs de l’énergie, des télécommunications et des groupes de consommateurs. C’est ainsi que les entreprises font entendre leur voix à cette étape de la mise en œuvre comme il se doit.

La structure de coordination comporte divers niveaux de détails, mais la coordination à toutes les étapes est fondamentale. Le commissaire à l’information et le commissaire à la concurrence font équipe afin que nous n’ayons pas de règlements allant dans des directions opposées au pays, et ainsi éviter de voir comme en Europe, quand on y regarde de près, des règlements qui ne sont pas tout à fait cohérents avec le Règlement général sur la protection des données.

Pour qu’il y ait un droit comme Peter et moi l’avons décrit, il faut que cela se reflète dans la volonté du Parlement et qu’il soit créé de cette façon. C’est l’objectif du projet de loi, et c’est un outil qui devient très puissant pour placer le client au cœur du processus, car dès qu’on parle d’un droit, on peut alors dire que c’est un droit pour tous les Australiens, et on peut ensuite prendre des décisions axées sur leurs intérêts, et non pas sur d’autres intérêts commerciaux qui peuvent avoir un point de vue différent sur ce que les Australiens devraient avoir.

M. Harris : Je peux commencer par le dernier point. Qui vous redonnera vos données? La réponse est personne, en fait. Ce que nous proposons, c’est de faire en sorte que les données qui sont recueillies deviennent le bien de la banque, ou de l’entreprise de télécommunication, ou de l’entreprise d’électricité, ou, dans l’avenir — en Australie, nous avons un régime privé d’assurance-maladie —, de l’entreprise d’assurance-maladie, et partant, qu’elles deviennent un bien commun. Elles sont à vous pour que vous les utilisiez autant que l’entité peut le faire, mais il faut ajouter à cela les futures ententes de consentement sur la façon pour les entreprises de recueillir ces données qui seront plus rigoureuses, car il faut que les activités de communication de données soient beaucoup mieux contrôlées — vous avez parlé de sanctions pénales —, et il faut plus de surveillance pour éviter de simplement cocher une case sur un site web et voir nos données être siphonnées et gérées par quelqu’un d’autre plus tard. Nous modifions consciemment cet arrangement au sujet des données des clients, car ces données seront un bien conjoint dans l’avenir. Ce sera un bien sur lequel vous aurez les mêmes droits de contrôle — on ne parle pas en fait de propriété au sens légal en Australie — que le collecteur de données. De plus, ce droit est inaliénable. Il ne peut pas vous être retiré en cochant une case sur un site web, ce qu’aujourd’hui vous ne pouvez pas faire en fait. Si vous cochez la case de collecte de données sur un site web, non seulement vous consentez à recevoir un service aujourd’hui, mais vous consentez également à une panoplie d’activités non réglementées vers lesquelles vos données peuvent être transférées par la suite.

Grâce au droit relatif aux données des clients, cela ne pourra plus se produire et la sanction applicable, si vous vous êtes faussement fait passer pour un receveur de données, sera une amende salée ou une sanction pénale, et ce sera l’organisme responsable de la protection des clients qui sera chargé de l’application plutôt que celui responsable de la protection de la vie privée.

Même si j’ai dit au départ quelque chose de potentiellement décevant — soit que vous ne récupérerez pas vos données —, ce sur quoi nous voulons insister est le fait que vous allez continuer d’avoir le contrôle sur vos données, et les entités qui les gèrent devront les gérer en veillant à vos intérêts tout autant qu’aux leurs.

La sénatrice Wallin : J’ai une question de suivi : je pense que vous avez brillamment dit les choses en parlant de contrôle, plutôt que de propriété. Cependant, quand il s’agit simplement d’une question de contrôle, les circonstances ne devront-elles pas être extrêmes pour mener à des sanctions pénales?

M. Harris : Non, le libellé du projet de loi est assez simple, en fait. Je l’ai lu et je ne suis pas avocat, Scott l’est. Je pense qu’ils ont très bien décrit les circonstances. Le contrôle au sens légal est important en Australie, et je pense que cela l’est au Canada également. Si on tente d’appliquer aux données le concept direct de propriété d’un bien, soit qu’on parle d’achat et de vente, on fait probablement intervenir dès le départ des obligations légales qui relèvent de l’État, de la province, si bien qu’on risque d’aboutir à un régime de réglementation partagé, et je sais, d’après ce que j’ai pu voir pendant mon séjour au Canada il y a quelques semaines, que c’est un problème pour vous. En parlant de contrôle, on évite probablement tout cela. Si on veut une norme nationale, il est sans doute plus facile de l’appliquer quand on parle de contrôle. Scott est l’avocat, donc si vous voulez quelques conseils juridiques gratuits, je vais lui demander de commenter ce que je viens de dire.

La sénatrice Wallin : Allez-y, Scott. Rassurez-nous, s’il vous plaît.

M. Farrell : J’ai encore du mal avec les « conseils juridiques gratuits ».

Bien sûr, quand on applique une sanction pénale, il faut tenir compte des droits de chacun, et notre façon d’appliquer les sanctions pénales en Australie repose sur les principes de base de tous les pays de common law dans le monde, mais la question est relativement claire. Cela ne s’applique pas seulement aux entités qui ne suivent pas les règles liées aux données qu’elles reçoivent, mais aussi au moment où celles qui ont les données entre les mains doivent commencer à appliquer ces règles. La mise en œuvre de la politique est assortie d’obligations strictes à respecter. Elles ne sont pas facultatives et elles entraînent des conséquences, des conséquences qui ne sont pas minimes. Le but n’est pas d’avoir un jour à sévir, mais plutôt de faire comprendre aux organismes que ce n’est pas facultatif. On ne parle pas ici de gestion du risque, on parle d’une loi qu’il faut respecter, et c’est probablement plus important encore que la nature des sanctions en soi.

La sénatrice Wallin : Merci beaucoup à tous les deux.

Le sénateur Wetston : Merci, monsieur Harris. C’est bon de vous revoir, même si vous êtes à des milliers de milles d’ici. Nous avons eu l’occasion de nous rencontrer à un déjeuner où nous avons parlé du système bancaire ouvert. Vous vous souviendrez de la question que j’ai posée, au sujet d’une chose qui m’a semblé fascinante, soit l’organisme responsable de la concurrence et celui responsable de l’information qui travaillent de pair. C’est un élément sur lequel nous devrions nous pencher ici.

La question que je voulais vous poser porte sur les données. Je pense que vous êtes tous les deux d’accord, et monsieur Farrell, je pense avoir travaillé avec votre cabinet d’avocats, un cabinet extraordinaire en Australie, et qui a une grande notoriété au pays. L’idée que les données sont une nouvelle catégorie de biens sous-tend toute la notion de système bancaire ouvert. Une des questions qui se pose au comité et qui est importante — et je ne sais pas qui veut répondre à la question — est la suivante : en quoi le système bancaire ouvert contribuera-t-il à régler les problèmes des clients?

Je vais vous donner un exemple des problèmes que nous observons, et il y en a une foule d’autres, bien sûr, mais par exemple, le fait de ne pas bien comprendre les enjeux liés à un compte d’épargne, au fait de souscrire la mauvaise hypothèque, de faire de mauvais emprunts, et cetera. L’idée n’est pas de pointer du doigt les établissements bancaires, mais de régler quelques problèmes des clients. Pensez-vous que le système bancaire ouvert vous aidera à régler certains de ces problèmes en Australie, et si on le mettait en place ici, à les régler potentiellement ici aussi au Canada?

M. Harris : Comme je l’ai mentionné, cet élément était au cœur même de notre rapport d’examen. De plus, comme je l’ai mentionné à la fin de mon exposé, c’est difficile de prévoir quels seront exactement les services qui seront touchés par le futur transfert de données, mais voici quelques cas hautement probables qu’appuient nos organismes de protection des clients en Australie. Ces organismes appuient fermement ce changement. En fait, ils ont mentionné qu’ils auraient voulu que le transfert inclue encore plus de données. Ils sont d’avis que nous avons été plus conservateurs que nous aurions dû l’être. En Australie, les clients croient fermement en la valeur potentielle de ce que nous faisons.

Je vais vous donner quelques exemples de problèmes que les clients ont en Australie. Disons tout d’abord qu’en Australie, nous procédons à des interventions réglementaires depuis plus de 20 ans pour que les clients puissent plus facilement changer de banque. En Australie, et je pense que c’est vrai au Canada également, 70 p. 100 des gens demeurent avec la même banque qu’ils ont commencé à utiliser à 18 ans. Du point de vue de la concurrence, cela a pour conséquence que les banques comptent là-dessus. Elles peuvent compter sur le fait qu’il en faudra beaucoup pour qu’un client décide de s’en aller. Dorénavant, cela pourra se faire littéralement d’un claquement électronique des doigts. Le client conservera son ancien compte, mais il en aura un nouveau et il pourra choisir lequel il veut continuer d’utiliser. Même si cela semble faire double emploi et qu’en tant qu’acteur économique, nous n’aimons pas trop que cela se produise, dans le monde numérique, en fait, cela ne coûte presque rien, et ce serait un avantage pour un client de changer de banque et de vérifier si un nouveau style de compte serait préférable à un compte traditionnel standard pour lui.

Passons maintenant aux cartes de crédit. Si vous souhaitez changer de carte de crédit, l’étape la plus difficile à franchir consiste à transférer tous les versements périodiques liés à cette carte. À l’heure actuelle, ces versements doivent être transférés un à la fois, alors que, dans les années à venir, il est plausible qu’en vertu du droit relatif aux données des clients, vous ayez accès à l’ensemble des données, c’est-à-dire non seulement à vos données historiques à titre de détenteur d’une carte de crédit, mais aussi à votre propre série de versements liés à une carte de crédit, qui pourrait être extraite et transférée à une nouvelle carte de crédit ou à un autre fournisseur de paiements. En fait, la menace qui peut peser sur les compagnies de carte de crédit actuelles provient des autres fournisseurs de paiement, et vous ferez appel à leurs services seulement s’ils vous offrent de meilleurs services, des frais moins élevés ou d’autres choses de ce genre. En Australie, les compagnies de carte de crédit ne se livrent pas une concurrence active, contrairement à ce qui se produit en Amérique du Nord. C’est peut-être un problème uniquement australien, ou ce n’est peut-être pas le cas.

Enfin, je vais mentionner les hypothèques qui, en général, représentent l’une des plus importantes décisions financières que les consommateurs prendront au sein du système bancaire, voire la plus importante. En Australie, plus de 50 p. 100 des prêts hypothécaires sont négociés avec un courtier en hypothèques. Les gens procèdent ainsi parce qu’ils trouvent les banques intimidantes, qu’ils considèrent qu’il est difficile de traiter avec elles, ou parce qu’ils sont hésitants. Les courtiers en hypothèque détiennent la majeure partie du marché des hypothèques. Leur spécialité consiste à connaître vos circonstances particulières. En Australie, nous venons de mettre fin à une commission d’enquête qui a révélé que ces courtiers en hypothèques ne sont pas obligés de négocier des prêts hypothécaires qui sont dans votre intérêt. Bon nombre d’entre eux le font, mais, si vous voulez vous assurer que vous obtenez les meilleurs prêts hypothécaires offerts, vous pourriez, grâce à ce système, faire simultanément appel à quatre ou cinq courtiers en hypothèques. En autorisant le transfert de vos données, vous seriez en mesure de voir les meilleures offres que vous pourriez obtenir. Dans ce cas en particulier, ne perdez pas de vue le fait qu’en général, vous fournissez de toute manière des copies papier de ces données au courtier en hypothèques. Ce n’est donc pas comme si nous facilitions un transfert d’information élargi. Nous vous demandons simplement d’imaginer ce que, personnellement, vous pourriez faire si vous pouviez déclencher ce transfert électronique d’information.

Le président : Merci beaucoup.

M. Farrell : J’aimerais ajouter un bref commentaire. Cette question est en partie la raison pour laquelle la commodité était l’un des principes de mon examen qui importait vraiment. Cette commodité signifiait que le fait d’avoir des options ne suffisait pas nécessairement. Vous pouvez offrir aux gens de nombreux choix, mais, s’ils ne sont pas adaptés à leurs circonstances, ils n’accroissent pas leurs connaissances ou leur compréhension. Il est fondamental que vous ayez la capacité de communiquer vos données à un autre fournisseur de services, dans un format qui lui permettra de comprendre rapidement vos circonstances et de vous offrir par la suite les solutions les plus appropriées pour vous. Ce n’est pas censé avoir pour effet d’inonder les clients d’options qu’ils ne comprennent pas aussi bien que les 10 options dont ils bénéficient en ce moment. Le but est qu’ils reçoivent encore 10 options, mais que ces options soient les plus appropriées pour eux parce que le fournisseur sait ce qui leur convient le mieux. De plus, cela devrait contribuer à réduire le nombre de fois où les fournisseurs offrent aux clients des produits qu’ils ne devraient pas leur offrir.

Le président : Merci beaucoup.

Le sénateur Klyne : Je remercie les deux membres de notre groupe d’experts de leurs observations. Elles sont très instructives.

Si vous me le permettez, j’ai deux questions à poser. Elles sont probablement toutes deux destinées à M. Harris, mais je serais heureux que notre autre invité y réponde aussi.

Le sénateur Wetston a parlé de votre organisme de réglementation de la concurrence et, à première vue, j’ai pensé que vous l’aviez choisi au lieu de l’organisme de réglementation de la protection de la vie privée. J’ai examiné rapidement les fonctions de l’organisme de réglementation de la concurrence, et cela m’a semblé logique, en ce sens qu’il assume une grande partie des responsabilités, notamment celle de champion national des consommateurs qui veille à ce que les marchés fonctionnent pour tous et qui réglemente les marchés et les processus où la concurrence est limitée afin de les renforcer. Cela m’amène à poser une question. Je présume que l’Australie compte des collectivités rurales ou éloignées qui n’ont pas accès à Internet haute vitesse, à la fibre optique ou peut-être même à une banque, alors encore moins à des données abondantes. En repensant à l’organisme de réglementation qui contribue à ce que les marchés fonctionnent pour tous, comment les habitants de ces régions rurales ou éloignées profiteront-ils de son rôle?

M. Harris : Je pense que c’est là une excellente question, car il s’agit d’un des points faibles du système bancaire australien. Nous devrions partir du même principe que celui que j’ai décrit dans la réponse que j’ai donnée plus tôt, au début de la série de questions. Voici l’un des risques de l’inaction, et je présume que le Canada sera dans la même position, mais vous pouvez en juger par vous-même.

Si nous ne tirons pas parti des avantages associés à votre capacité de détenir vos données électroniques et que vous vivez dans une région éloignée, vous n’obtiendrez pas un meilleur service. Ce devrait être notre point de départ : vous n’obtiendrez pas un meilleur service. Vous ne recevez pas un bon service aujourd’hui, et vous n’en recevrez pas un dans les années à venir, car vous êtes un petit client impuissant.

Le grand avantage des données numériques, c’est que nous pouvons vous permettre de transférer les renseignements que vous possédez sur vos interactions avec le système financier, à condition qu’ils soient conservés sur un support numérique. Il se peut que ces renseignements soient conservés par une entité non bancaire ou une autre entité mais, si vous possédez des données, elles peuvent être transférées par voie électronique — et, bien évidemment, je ne suis pas en mesure de vous dire comment vous pouvez améliorer votre système de télécommunications pour permettre ce transfert mais, en Australie, nous mettons en œuvre en ce moment un projet énorme et horrible pour accomplir exactement cela. Je suis certain que des fonds sont investis en ce sens.

Toutefois, en fin de compte, si vos données sont conservées sur un support numérique, elles peuvent être communiquées à une autre partie, et il se peut que vous puissiez bénéficier d’une meilleure offre. Pour vous indiquer en quoi cette offre pourrait consister, il faudrait que j’émette des hypothèses, mais il y a des entités dont la spécialité consiste à fournir des services aux petites collectivités. Certaines institutions financières de l’Australie insistent sur la nature purement en ligne de leurs services, et un sous-ensemble de ces entités interagit fréquemment avec les collectivités rurales. En fait, elles sont la principale source de prêts offerts aux exploitations agricoles et de services de ce genre. Les services de l’une des plus importantes entités australiennes de ce genre sont offerts principalement en ligne.

Si une entité souhaite exercer des activités dans ces marchés, vous lui donneriez encore plus l’occasion de le faire.

En gros, mes observations sont un peu hypothétiques, mais je pense que mon argumentation est plausible.

Le président : Monsieur Farrell, aimeriez-vous ajouter quelque chose?

M. Farrell : L’une de mes 50 recommandations portait justement sur cet argument. En Australie, il y a un nombre important de gens qui ne font pas de transactions bancaires en ligne. La recommandation, qui a été adoptée par le gouvernement australien, stipule que l’accès ou la capacité de communiquer l’information, qui est conservée sur un support numérique par la banque, doit être offert sous la même forme que le client de la banque utilise en ce moment. La question n’est pas de savoir comment nous offrirons des services bancaires à un plus grand nombre de personnes. Le système bancaire ouvert doit être offert à ceux qui ne font pas de transactions bancaires en ligne, au moyen du même mécanisme qu’ils utilisent actuellement pour faire leurs transactions bancaires. Par exemple, il y a des succursales dans diverses régions d’Australie, et il se peut que leurs clients donnent leurs directives en les saisissant sur une tablette fournie par un caissier de ces succursales.

Nous recommandons que vous suiviez le même processus par lequel vous communiquez habituellement avec votre banque. Vous devriez jouir du même droit, quel que soit votre mode de communication.

Le sénateur Klyne : Je vais citer un extrait du document que vous nous avez présenté :

En dépit des graves fuites de données et du fait que les consommateurs ont de plus en plus l’impression d’être le produit plutôt que le client, les consommateurs continueront de fournir volontairement leurs données en échange de nouveaux services, parce que ces produits sont populaires et souvent gratuits en apparence.

Cela m’amène à poser la question suivante : comment ces services sont-ils financés? Qui assume leurs coûts? Cela fait-il partie des éléments inférieurs de l’hypothèque du client, ou les banques paieront-elles quelqu’un pour rassembler les données et les transférer?

Qui assume les coûts de ces services?

M. Harris : Le service de transfert des données sera offert gratuitement aux clients; autrement dit, ils n’en paieront pas les frais. Toutefois, en vous regardant de l’autre côté de la table, par voie électronique, je dirais que vous et moi sommes des gens qui ont l’air raisonnablement expérimentés. Par conséquent, nous savons qu’au bout du compte, quelqu’un paie toujours ces coûts. La question est de savoir qui les assumera.

Toutefois, je tiens à insister sur le fait que les consommateurs ne paieront pas directement les coûts de ce service, mais il est clair que quelqu’un devra les assumer.

En pratique, nos banques ont été appelées à adapter leurs systèmes afin d’assurer le transfert sécuritaire de ces données, et les technologies financières devront respecter des normes d’agrément afin de les recevoir. Il se pourrait que les membres de la troisième catégorie d’intervenants — qui ne sont ni des fournisseurs de technologies financières ni des banques — sur lesquels repose le système soient également agréés. Ils devront payer pour adapter leurs systèmes. Tout comme dans chacun des secteurs de notre économie où des échanges commerciaux ont lieu, les participants devront décider quel pourcentage de ces coûts ils devront assumer s’ils souhaitent exercer leurs activités sur ce marché, quel pourcentage de ces coûts ils essaieront de refiler aux consommateurs en leur faisant payer d’autres services qu’ils fournissent, et quel pourcentage de ces coûts sera absorbé par les actionnaires, car les actionnaires en bénéficieront en fin de compte. Ils savent que l’entreprise en profitera à long terme, parce que ces entreprises s’attendent à acquérir une part plus importante du marché.

C’est la caractéristique d’exploitation normale des entreprises établies ici, au Canada, aux États-Unis, au Royaume-Uni et dans tous les pays développés du monde. Des décisions doivent être prises. Il y a des coûts, et quelqu’un devra les absorber.

Toutefois, si vous examinez les fournisseurs de technologies financières, vous constaterez que, s’ils offrent uniquement un service, ils ne pourront pas refiler ces coûts. Leurs actionnaires les absorberont dans l’espoir de développer l’entreprise. Si vous pensez à une partie qui souhaite avoir accès aux données bancaires dans les années à venir — et les Australiens émettent de nombreuses hypothèses quant à l’identité de ces parties, tout comme le fait le Royaume-Uni —, sachez que de nombreuses entités pourraient souhaiter le faire, et qu’elles absorberont probablement aussi ces coûts, parce qu’elles ne les imposeront pas aux consommateurs.

De plus, en ce qui concerne les banques australiennes, nous avons tendance à envisager l’imposition de ces coûts comme une partie intégrante des services qu’elles offrent à leurs clients. Toutefois, je pense qu’il est difficile de prévoir comment ces banques récupéreront ces coûts. Quoi qu’il en soit, elles ne pourront certainement pas les refiler directement aux consommateurs.

Le sénateur Klyne : Merci.

Le président : Monsieur Farrell, aimeriez-vous ajouter quelque chose à cet égard?

M. Farrell : Non, pas en ce qui concerne cette question. Merci.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci à nos deux invités. Ma première question s’adresse à M. Harris. Monsieur Harris, les banques sont généralement très jalouses de l’information qu’elles possèdent et qui leur permet d’exercer un certain contrôle sur leurs clients. En tout cas, c’est le cas ici, au Canada. Donner des informations, c’est aussi prendre le risque de perdre un client. Pouvez-vous nous donner des exemples de l’acceptation ou de la réticence qui se manifeste dans le domaine bancaire en Australie, et de la façon dont cela se déroule chez vous?

[Traduction]

M. Harris : Merci, monsieur le sénateur. Notre expérience jusqu’à maintenant est limitée, parce que le Parlement fédéral est saisi de notre nouveau droit, mais il ne l’a pas encore appliqué. Je vais donc vous faire part de notre analyse de la situation à venir et du scénario le plus plausible.

Vous aurez remarqué qu’au cours de ma déclaration préliminaire, j’ai insisté sur le fait que, lorsque nous discutons de l’incidence que ce droit aura sur un élément aussi important de notre économie nationale que la productivité, nous nous attendons à ce que cette incidence soit davantage liée à la réaction des collecteurs actuels de données, c’est-à-dire les grandes banques. Le contrôle absolu qu’elles exercent actuellement sur les données des clients est menacé par leur obligation de transférer ces données à des concurrents potentiels. Par conséquent, nous nous attendons à ce que les grandes banques australiennes réagissent en offrant de meilleurs services à leurs clients, par crainte de perdre une part importante de leurs recettes si elles ne prennent aucune mesure.

Vous aurez aussi remarqué que, au cours de ma déclaration préliminaire, j’ai mentionné le fait que les gens sont préoccupés, non seulement en Australie, mais à l’échelle mondiale, par le fait que, dans les industries très concentrées, nous observons la détérioration des circonstances de ce que j’appelle une « stagnation rentable ». Cela veut dire qu’on observe un très haut degré de rentabilité et très peu de changements, en dépit du fait que le secteur bancaire possède une grande capacité d’échanger très rapidement des renseignements sous forme numérique.

Nous nous attendons donc à ce que les banques, par exemple, améliorent les services qu’ils offrent aux consommateurs en ce qui concerne la vitesse de compensation des dépôts. Je crois comprendre qu’au Canada, ce problème demeure important. En Australie, il est moins grave, car il a été résolu assez récemment.

Toutefois, la vitesse à laquelle les transferts de fonds d’une banque à l’autre sont compensés — c’est-à-dire des délais de quatre ou cinq jours qui n’ont aucune raison d’être — demeure problématique. Dans un univers électronique, toutes les grandes banques sont en mesure de confirmer que ces fonds sont déjà disponibles dans le compte de transfert. Vous devriez donc avoir accès à cet argent en quelques minutes, et non après une attente de plusieurs jours.

Je m’attends à ce que même des services de ce genre changent rapidement, compte tenu de la menace. Sinon, un client pourrait obtenir ce service auprès d’un nouveau fournisseur de technologies financières, une entreprise qui a négocié des ententes avec une banque américaine, par exemple, et qui vous donnera instantanément accès à l’argent déposé dans notre compte.

Vous obtiendrez des améliorations de ce genre, et je m’attends à ce que les banques réagissent très rapidement à la pensée que de nouveaux services de ce genre seront bientôt offerts et qu’il vaudrait mieux qu’elles les offrent à l’avance.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Monsieur Farrell, depuis quelques années, on constate une augmentation de l’inscription à des sites de toutes sortes, auxquels on donne chaque fois des renseignements personnels. Au Canada, l’identité d’un citoyen canadien est basée sur son numéro d’assurance sociale (NAS) à neuf chiffres. Selon moi, le système de NAS commence à être dépassé. Avez-vous, en Australie, des moyens plus modernes et plus sécuritaires pour identifier les citoyens australiens, et ceux-ci ont-ils plus de moyens pour communiquer avec les représentants d’un service sans trop s’exposer?

[Traduction]

M. Farrell : Merci.

Monsieur le président, pourrais-je utiliser 30 secondes de votre temps pour répondre également à la question précédente?

Le président : Absolument.

M. Farrell : Cela pourrait vous être utile. En Australie, nous avons constaté que l’engagement du système bancaire australien est supérieur à ceux de l’Europe ou du Royaume-Uni. Étant donné que le système australien est multisectoriel, la réciprocité y est inhérente et la responsabilité est très claire. Ces choses-là existent dans les marchés normaux et les banques le comprennent. Les banques australiennes ont publiquement affirmé que c’est en raison de ces distinctions qu’elles sont favorables au système australien.

Pour répondre à la question concernant l’identification, je dirais que la situation en Australie n’est pas meilleure que celle du Canada telle que vous la décrivez, pour ce qui est des moyens de s’identifier de façon numérique. Dans mon étude, j’ai souligné que le mécanisme d’authentification nécessaire pour donner l’ordre de transférer des données — notamment lorsque le mécanisme d’authentification commence à être utilisé dans divers secteurs — est susceptible de devenir un système d’identification numérique clair que les Australiens choisissent d’utiliser, non pas parce qu’il s’agit d’un système où une entreprise ou un gouvernement leur attribue une identité, mais parce que le cadre d’identification est obligatoirement sécurisé. Il est fort possible que le cadre d’authentification employé pour le droit relatif aux données des consommateurs évolue et voit sa portée s’élargir dans le domaine de l’identification numérique en Australie.

Pour ce qui est du point que vous soulevez sur le fait que les renseignements d’identification sont communiqués entre diverses plateformes au gré des utilisateurs, je dirais qu’il en est de même en Australie. Cela rejoint mon analogie sur les Australiens qui se baignent dans des vagues dangereuses sans même savoir qu’ils se trouvent à la plage.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci.

[Traduction]

Le sénateur Tkachuk : Mes questions s’adressent à vous deux. Vos présentations abordent des questions pratiques qui me fascinent. Si des données peuvent être transmises à un concurrent, est-il possible pour une personne qui souhaite comparer comment on s’occuperait de ses REER, de son compte d’épargne-retraite ou de ses investissements de demander à sa banque d’envoyer ses données à des institutions concurrentes, afin de voir si elle pourrait obtenir des conditions plus avantageuses par rapport aux frais de service ou des taux d’intérêt, par exemple? Au-delà des prêts aux entreprises et des hypothèques, et cetera, prédisez-vous qu’il en sera ainsi?

M. Harris : En principe, la réponse à votre question est : « oui ». Le système permet une telle éventualité.

Encore une fois, il faut faire la distinction entre le principe et la pratique. En pratique, sous le nouveau régime, la source de données individuelles pertinentes devra être déclarée et être en mesure de transmettre les données de manière sécuritaire à un tiers accrédité. Probablement que les tiers accrédités qui s’intéressent aux comptes d’épargne-retraite ne sont pas les mêmes que ceux qui s’intéressent aux hypothèques, par exemple.

Le même régime s’appliquera à tous les cas de figure, comme M. Farrell l’a si bien expliqué. Les ensembles de données peuvent présenter des différences considérables — en Australie, c’est le cas pour les comptes d’épargne-retraite, qui sont bien différents des comptes d’épargne, des cartes de crédit et des hypothèques. Si l’ensemble de données est désigné et le transfert de données autorisé dans l’intérêt du public — c’est-à-dire dans l’intérêt de la personne en question —, alors, oui, les informations pourraient être communiquées et les gens pourront obtenir de meilleurs conseils sur la gestion de leurs économies de retraite.

Le sénateur Tkachuk : Je veux poursuivre sur la même lancée et ensuite poser une brève question.

Disons que les données sont transmises à deux concurrents — deux banques d’investissement. Un client pourrait faire la même chose pour une hypothèque. Les données sont donc transférées de ma banque à deux concurrents, parce que je veux une hypothèque qui coûte moins cher ou une meilleure gestion de mon compte d’épargne-retraite. Comment s’y prend-on pour les ravoir? Une fois que les données sont envoyées chez un concurrent, elles y sont. S’attend-on à ce qu’on honore une sorte de relation contractuelle? Y a-t-il des pénalités à payer si on ne renvoie pas les données? Doit-on les détruire? Est-ce ainsi que les choses se passent si je dis : « Je suis content de ces deux-là et débarrassez-vous des deux autres »?

M. Harris : Je connais la réponse en principe, mais, comme vous posez une question assez importante du point de vue légal, je vais laisser Scott répondre en premier.

M. Farrell : Merci beaucoup, Peter.

La réponse est la suivante : la loi existante est assez bien conçue à cet égard et elle continue de s’appliquer. Ainsi, une fois que la raison de la collecte de données est périmée — dans votre exemple, il s’agit d’obtenir une autre estimation —, les données ne peuvent plus servir. Suivant les obligations réglementaires et les questions techniques sur la façon dont les données doivent être traitées physiquement, les données doivent être détruites ou anonymisées.

Pour répondre à votre question, je dirais qu’il n’est pas nécessaire d’avoir un contrat pour jouir de ce droit. Celui-ci est protégé par la loi sur le droit relatif aux données des clients. Cela rejoint ce dont nous avons discuté plus tôt : le mécanisme entourant le consentement est assez strict et assez simple. Il est interdit d’utiliser les données à d’autres fins que celle pour laquelle les données ont été communiquées. En fait, le mécanisme est plus strict que la loi actuelle, quoique, sous la loi existante, il est interdit d’utiliser les informations à d’autres fins une fois que l’objectif initial est atteint.

Le sénateur Tkachuk : J’ai une dernière question. Vous dites que les données doivent être communiquées sans frais, ce que je trouve fascinant. Comme vous l’avez mentionné plus tôt, rien n’est gratuit. J’ai toujours constaté que, lorsque la loi exige qu’une chose soit gratuite, on trouve une autre façon de couvrir les frais et il est impossible de savoir combien on paie exactement. Selon moi, cela complique le problème.

Ne serait-il pas préférable d’indiquer le coût de la transaction? Ainsi, si je souhaite communiquer mes données, je saurai qu’il m’en coûtera 5 $ pour les envoyer à une banque et 5 $ de plus pour les envoyer à une autre. Je paie les 10 $ et je sais où sont les données. Autrement, on prélèvera le montant de mes comptes pour couvrir les frais ou, comme vous le dites, on le prélèvera des comptes des actionnaires. D’une manière ou d’une autre, il faut payer pour ces dépenses.

Je ne sais pas comment vous vous y prenez, mais j’aimerais entendre vos observations là-dessus.

M. Harris : D’abord, j’aimerais ajouter une observation à la réponse de Scott à votre question précédente. Je vais vous donner l’exemple du marketing direct, qui inquiète beaucoup de gens lorsqu’il est question de transferts de données d’un tiers à un autre. Dans la version du projet de loi dont notre Parlement est saisi, il est interdit d’utiliser les données du client pour des activités de marketing direct. Je veux vous faire comprendre à quel point le projet de loi est clair sur ce point. Lorsque Scott indique qu’il est interdit d’utiliser les données à d’autres fins, on pourrait dire : « Oui, mais tout le monde sait ce qu’ils font tous. » La loi indique précisément qu’il est interdit à un tiers accrédité d’utiliser les données d’un client à des fins de marketing direct. Il existe d’autres exemples, mais je tenais à apporter cette précision.

Pour ce qui est des services « sans frais », je rappelle, sénateur, que je suis économiste. Nous prônons la transparence à propos des prix. Il s’agit d’une conviction. Vous avez raison, ce serait bien d’imaginer un système où les prix sont établis de manière transparente et où, par conséquent, tous comprennent les coûts associés à ce qu’ils font. En réalité, personne ne vit dans ce genre d’économie. Aucune économie du monde ne fonctionne de cette façon. En fait, si on permettait que le prix soit appliqué initialement, cela inciterait fortement les banques à prétendre que le système coûterait des centaines de millions de dollars, plutôt que les 10 millions de dollars nécessaires pour sa mise en œuvre et les 200 000 $ par année pour son fonctionnement. Le prix de la transaction ne serait pas 5 $, mais 150 $. Chez nous, l’organisme de réglementation de la concurrence, ou une autre entité compétente au Royaume-Uni, serait alors appelé à prouver que la banque ment. Une telle chose serait assez difficile. C’est ce qu’on appelle l’asymétrie de l’information en économie. Personne ne sait au juste ce qu’il en coûte aux banques.

Soulignons toutefois que, dans les mémoires soumis au Trésor d’Australie — l’équivalent de votre ministère des Finances — durant la rédaction du projet de loi, de petites banques ont fait savoir que les coûts associés au système ne seraient pas importants et ont présenté des estimations à cet égard.

Il y aura des informations qui contrediront l’idée que 5 $ serait un prix raisonnable, comme vous le laissez entendre, mais, selon moi, il n’y en aura pas suffisamment si on permet d’emblée que les prix soient fixés par des parties qui n’ont aucun intérêt à ce que le système fonctionne, c’est-à-dire les banques qui détiennent les données actuellement.

Si vous vous engagez dans cette voie, il faudrait probablement fixer les prix vous-mêmes. Ce sera aux élus de prendre la décision. Au lieu de cela, nous agissons en fonction de la nature de l’économie dans laquelle nous évoluons — j’en ai parlé dans une réponse précédente —, c’est-à-dire que les actionnaires doivent décider où les coûts sont absorbés et la proportion des coûts qui est dévoilée quelque part. Voici mon avis : je doute fort qu’il soit possible de fixer un prix en laissant les banques déterminer cela.

Le sénateur Tkachuk : N’en est-il pas ainsi dans le cas que vous avez évoqué? Dans votre exemple, cela ne pourrait se produire qu’en cas de monopole ou de collusion. Une demi-douzaine de banques qui se livreraient à la collusion en viendraient à ce genre de système. Toutefois, s’il existe une réelle concurrence, l’une des banques dira : « Je peux attirer les clients en m’y prenant de telle façon. » On croit aux lois du marché ou on n’y croit pas. Moi, j’y crois.

M. Harris : Je ne sais pas si vous le savez, mais l’Australian Productivity Commission vient tout juste de mener une enquête. Après la demande de données, nous avons étudié la concurrence dans le système financier. Comme je l’ai mentionné plus tôt dans les conseils que nous avons donnés — et rien ne vient vraiment contredire ces affirmations —, nous avons conclu que, puisqu’environ 80 p. 100 du marché bancaire de l’Australie est contrôlé par quatre grandes banques, celles-ci n’ont pas à se livrer à de la collusion, au sens où on l’entend dans la loi sur la concurrence. Cela ne leur est pas nécessaire. Elles se conduisent comme un troupeau et elles se suivent. Les prix sont fixés. Ils se situent tous autour d’un point commun et on peut les connaître en suivant les commentaires dans les médias, par exemple. Donc, nul besoin de se livrer à la collusion, telle qu’elle est définie dans la loi sur la concurrence. Il s’agit d’une pratique acceptée : c’est ce que les banques demandent pour ce genre de services et les prix sont à peu près les mêmes partout.

La concurrence est peut-être beaucoup plus féroce dans le milieu bancaire du Canada. Comme je l’ai indiqué dans mon allocution, ce n’est pas le cas en Australie. En ce qui concerne la Productivity Commission, je souligne que nous sommes d’accord avec vous, sénateur. Un système de marché est souhaitable. Nous voulons que les choses fonctionnent, mais, lorsqu’elles ne fonctionnent pas, il faut intervenir. C’est le catalyseur... Ça y est, je m’emporte.

Le sénateur Tkachuk : Je ne veux pas me lancer dans ce débat.

M. Harris : C’est une possibilité formidable de contrecarrer ce genre de coopération.

La sénatrice Marshall : Il a été question des prix et j’aimerais continuer sur cette lancée. Vous parlez des banques. J’admets que les banques doivent veiller à leurs propres intérêts et couvrir les frais. Qu’y a-t-il d’autre? Qui d’autre devra payer des frais? Les documents que nous avons indiquent que le gouvernement fédéral australien a déboursé environ 45 millions de dollars pour la commission australienne sur la concurrence et les consommateurs. Il semble que l’argent est investi d’avance. Quels sont les autres coûts? Il y a les coûts que doivent assumer les banques, les organismes de réglementation et les autorités chargées de veiller sur la protection de la vie privée. Avez-vous une idée des dépenses futures et de celles engagées jusqu’à présent? Mettons les banques de côté. Nous en avons suffisamment parlé et elles peuvent se débrouiller seules. Quels sont les autres coûts?

M. Harris : Comme vous l’avez souligné avec justesse, les organismes de réglementation devront assumer certaines dépenses, car il y aura des mesures d’application. Comme Scott l’a mentionné plus tôt, il doit exister une bonne raison de se conformer à la loi. Il ne s’agit pas d’une loi optionnelle comme celle qui prévaut partout sur Internet — en fait, c’est une tradition, pas une loi. Il s’agit d’une loi véritable. Voici ce qui est attendu de vous. Nous aurons un organisme de réglementation qui imposera des amendes.

Il y aura aussi des coûts liés à l’établissement de normes concernant les données. En Australie, il existe un organisme appelé la Commonwealth Scientific and Industrial Research Organisation, qui compte une équipe de personnes très compétentes en matière de normes techniques pour le transfert sécuritaire de données numériques. Leur expertise est largement reconnue. Cette équipe a contribué à l’établissement des normes techniques. Pour eux, il s’agit d’un coût modeste, mais c’est tout de même un coût et nous en avons tenu compte.

Selon moi, il y aura des coûts supplémentaires pour les entreprises qui s’attendent à profiter de cela pour faire la promotion de leurs services. D’un point de vue économique, il s’agit d’un coût lié à ce genre d’innovation, et non pas seulement lié au gouvernement.

J’aimerais insister sur une chose en particulier. D’après les analyses menées par l’Australian Productivity Commission — nous sommes d’assez bons analystes, dans la mesure où on peut l’être dans ce domaine — et selon les observations des responsables de la mise en œuvre, les coûts sont loin d’être aussi importants que les avantages potentiels dont profiteront les particuliers, qui épargneront 100 $ par année sur leur hypothèque, 50 $ par année sur leur carte de crédit et ce genre de choses. Il y a des bienfaits liés à ces coûts.

La sénatrice Marshall : Quel en sera l'ampleur, selon vous? Pour les banques, on parle de millions. Je viens de mentionner le montant de 45 millions de dollars versé par le gouvernement fédéral. Certains de ces coûts seront permanents, n’est-ce pas? Pouvez-vous nous donner un aperçu des coûts? Est-il question de centaines de milliers, des centaines de millions ou des dizaines de millions de dollars par année? Dites-nous à peu près quelle sera l’ampleur des coûts, à votre avis.

M. Harris : Dans les mémoires dont j’ai parlé plus tôt, qui ont été envoyés au Trésor de notre pays dans le cadre de la rédaction du projet de loi, un groupe de banques australiennes de taille moyenne a estimé que les coûts permanents de gestion se situeraient entre 250 000 $ et 500 000 $ par année pour chacune d’entre elles.

Ces banques enregistrent des dépenses à hauteur de dizaines sinon de centaines de millions de dollars. Ces coûts sont peut-être pertinents, mais je ne les qualifierai pas d’importants.

La sénatrice Marshall : D’accord.

M. Harris : J’ajouterais que pour les organismes chargés de la réglementation et de l’établissement des normes du gouvernement de l’Australie, 45 millions de dollars représentent un montant substantiel, certes, mais pas important.

La sénatrice Marshall : Je suis d’accord.

Le président : Merci beaucoup. C’est très utile.

Le sénateur C. Deacon : Absolument. Merci à vous deux de vos réponses très claires et concises. Je suis impressionné par le rythme auquel vous avez progressé. À la lecture du calendrier, je constate que vous avez accompli pas mal de choses en deux ans. Pourriez-vous partager avec nous les principales leçons que vous avez apprises? Quels sont les écueils ou les pièges contre lesquels vous aimeriez nous mettre en garde?

M. Harris : Je vais vous offrir un conseil qui va gêner Scott. La Productivity Commission propose parfois d’excellentes politiques publiques, que nous nous efforçons de rendre réalisables autant que possible. Toutefois, il est très difficile, surtout lorsqu’il est question d’une loi, de concrétiser des concepts économiques et nous ne sommes certainement pas équipés pour le faire.

Ce qui m’a le plus impressionné et étonné de la part du gouvernement australien — soulignons que j’ai occupé le poste de président pendant près de six ans —, c’est qu’il s’est adressé à un cabinet d’avocats du secteur privé, à qui on a dit : « Nous avons cette idée formidable qui va révolutionner les choses. Formulez un ensemble d’avis juridiques qui peuvent se traduire facilement en mesures législatives et, à ce compte-là, être appliqués par des spécialistes des technologies de l’information et des données. » Le dossier a été confié à Scott.

Il a fait un travail remarquable, qui a insufflé la vie à des concepts auxquels mon organisme, la Productivity Commission, accordait beaucoup de crédit. Ces travaux ont été très importants pour la santé à long terme de l’économie australienne, mais ils auraient très bien pu être relégués aux oubliettes, comme tant de bonnes idées difficiles à mettre en œuvre.

Le gouvernement s’y est donc très bien pris. Scott, vous ne pouvez pas faire de commentaires là-dessus, mais voici le conseil le plus important que j’ai à offrir : l’actualisation d’une idée peut et devrait être confiée à un tiers qui est en mesure de traduire des concepts économiques en mesures législatives concrètes.

Le président : Merci.

Monsieur Farrell, voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Farrell : Eh bien, merci Peter.

Ce n’était pas prévu.

J’ai moi-même tiré quelques leçons, auxquelles Peter a fait allusion. Il était tellement bien que nous sachions la raison d’être du projet. Ce n’était pas parce qu’un autre pays s’y était pris de la sorte. Nous avions un objectif. Les principes issus de la commission de Peter nous ont donné une direction. Nous pouvions toujours nous y référer. Voici pourquoi nous faisons cela et voici comment je prends une décision quant au résultat souhaité.

J’ose même dire que dans certains pays, on reste dans la théorie du « pourquoi » sans jamais passer à la pratique du « comment ». Or, dans la pratique du « comment », il faut tenir compte d’une foule de gens et d’entreprises.

Les choses vont très bien lorsque le système est conçu de telle façon qu’il fonctionne pour tout le monde. D’emblée, nous avons souhaité susciter une grande participation. Nous ne voulions pas que cela devienne une question de conformité, mais que ce soit une compétition à laquelle on désire prendre part. Je reviens à la réciprocité, à la responsabilité et à la nature multisectorielle de la chose. Il était primordial que les gens comprennent qu’on ne s’en prenait pas à eux, qu’il s’agissait d’un nouveau système à l’échelle du pays et qu’ils pourraient en profiter.

J’aimerais également vous suggérer quelque chose que, manifestement, vous faites déjà, c’est-à-dire de tirer autant de leçons que possible des erreurs commises dans d’autres pays. Le gouvernement du Royaume-Uni généreusement donné de son temps. Par exemple, on m’a dit : « Scott, assurez-vous de consacrer beaucoup de temps à l’information des consommateurs à ce sujet ». L’information des consommateurs ne concerne pas seulement les avantages, mais également la responsabilité qui accompagne le choix, pour que les consommateurs australiens sachent qu’ils prennent une décision au sujet d’une ressource précieuse, comparable aux décisions qu’ils prennent au sujet d’autres ressources précieuses.

Enfin, je vous suggère de réaliser une vaste consultation auprès des secteurs public et privé, car j’ai appris, en passant exactement par le même processus que vous, que cela permettait d’apprendre beaucoup de choses. Comme je ne suis pas un avocat spécialisé en protection des données ou de la vie privée, j’avais l’esprit relativement ouvert, ce qui a beaucoup aidé, c’est clair. Voilà ce qui me vient à l’esprit pour l’instant.

Le président : Merci. Mesdames et messieurs les sénateurs, notre temps est maintenant écoulé. Je sais que les sénateurs Wetston et Duffy souhaitent encore poser rapidement deux excellentes questions, et nous devrons ensuite laisser ces messieurs aller prendre leur café.

Le sénateur Wetston : Ma question est courte et j’attendais, monsieur le président, de parler à M. Harris du concept de parallélisme conscient. En tant qu’économiste, vous comprendrez — et vous aussi, monsieur Farrell — que nous avons également concentré le secteur bancaire. Vous avez décrit le secteur bancaire de l’Australie. Vous avez aussi indiqué que vous ne pensiez pas qu’il en découlerait nécessairement des mesures d’application liées à de la collusion, mais il est clair qu’il y a du parallélisme, et le parallélisme conscient est le concept que, je pense, vous avez décrit, et j’ai hâte de le consigner.

Je viens donc de le faire. Merci, monsieur le président. J’espère que vous êtes tous deux d’accord avec moi au sujet de ce concept.

M. Harris : J’aurais aimé avoir entendu ce terme il y a environ 12 mois, quand j’essayais de faire preuve d’une grande politesse à ce sujet dans notre rapport final sur la concurrence et le système bancaire. Merci.

Le sénateur Duffy : Merci à vous deux d’être présents. Votre excellente présence télévisuelle est en partie attribuable à la concurrence. Il y a aujourd’hui tellement de fibre noire dans le Pacifique que nous recevons votre vidéo sans aucun problème technique. Un grand nombre d’entreprises se sont lancées dans le câble à fibre optique, et vous voilà. Donc, la concurrence influe même sur ce que nous voyons sur notre écran de télévision.

L’Australie, comme le Canada, possède de grands espaces. Je comprends pourquoi un système bancaire ouvert pourrait aider les jeunes générations et les personnes vivant dans des zones peuplées. Comment feriez-vous pour que cela fonctionne ou présente des avantages pour les personnes qui vivent dans des régions éloignées et les populations vulnérables?

M. Harris : Vous posez une fois de plus une question intéressante et pertinente, mais très difficile. Je ne vais pas vous dire, comme je l’ai fait plus tôt, que ce problème sera tout simplement résolu par l’évolution du marché. J’aimerais répéter ce que j’ai dit plus tôt, soit qu’en Australie, au moins, certaines petites entreprises souhaitent réellement être actives dans les régions et les zones éloignées pour offrir de meilleurs services financiers, mais je ne vais pas suggérer que cette transformation se produira, en particulier chez les personnes plus âgées qui sont moins à l’aise avec les technologies numériques.

Je vais formuler au moins un argument en faveur de ce concept, qui provient, encore une fois, non pas des travaux que nous avons réalisés, mais de ceux que certaines de nos institutions financières ont effectués pour répondre à ce problème. Des sondages réalisés par ces institutions suggèrent que ce sont, en réalité, les Australiens âgés qui sont le plus convaincus que les données leur appartiennent et qu’ils devraient les utiliser.

Les jeunes Australiens se montrent, dans l’ensemble, assez cyniques au sujet de ce qui se passe sur le marché numérique, et ils savent qu’ils ont quasiment perdu le contrôle. Pourtant, ils sont tout à fait d’accord pour dire que les données leur appartiennent et qu’ils devraient être en mesure de les récupérer quand ils le souhaitent.

Ce sont les Australiens âgés. C’est curieux. Je dirais que, dans le sondage que j’ai consulté, cela n’avait pas été souligné par les institutions financières. On avait mis l’accent sur une autre conclusion tirée des mêmes renseignements. Ce sont les Australiens âgés qui croient cela. Il est très possible, monsieur le sénateur, que l’on trouve des Canadiens âgés qui se posent la question suivante : « Devrais-je avoir la capacité, que je les utilise ou non, d’accéder, à l’avenir, aux données détenues sous forme numérique par toute institution financière ou l’équivalent avec laquelle je fais affaire? » Vous pourriez bien découvrir qu’il s’agit d’une opinion plus arrêtée que partagent plutôt les Canadiens âgés que les jeunes Canadiens. Je ne sais pas, je n’ai pas vu de sondage réalisé pour votre pays, mais c’est le cas dans les sondages réalisés pour le nôtre.

M. Farrell : J’aimerais faire une petite observation. Il existe, en Australie, un certain nombre d’institutions de dépôts de petite taille, des banques et des coopératives de crédit, spécialisées dans l’aide aux personnes vivant dans des zones éloignées. Elles sont très enthousiasmées par le système bancaire ouvert parce que ce qui empêche leur élargissement est que, dans le cadre du système actuel, elles estiment qu’elles doivent offrir des services à tout le monde pour pouvoir étendre leurs services en dehors de leur zone d’origine. Le système bancaire ouvert leur permet d’entrer en contact avec des personnes vivant de l’autre côté de notre pays, qui ont, en réalité les mêmes besoins que ceux auxquels elles répondent dans leur État d’origine. Cela signifie que les institutions de petite taille ciblées peuvent communiquer efficacement avec des consommateurs qui ont besoin des services qu’elles offrent, sans devoir élargir leurs activités à l’ensemble du pays.

Le président : Cela est très utile.

Monsieur Harris et monsieur Farrell, nous vous sommes reconnaissants d’avoir pris le temps de nous aider dans nos délibérations de ce matin. Cela nous est extrêmement utile. Merci beaucoup à tous les deux. Vous savez que vous êtes évidemment toujours les bienvenus au Canada.

M. Harris : Merci beaucoup, monsieur le sénateur.

M. Farrell : Merci beaucoup, monsieur le sénateur.

Le président : Passez une bonne matinée.

(La séance est levée.)

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