Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule no 56 - Témoignages du 9 mai 2019
OTTAWA, jeudi 9 mai 2019
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit, aujourd’hui, à 10 h 31, afin d’examiner, pour en faire rapport, les avantages et les défis éventuels inhérents au système bancaire ouvert pour les consommateurs canadiens de services financiers, en mettant l’accent sur le rôle réglementaire du gouvernement fédéral, et à huis clos, afin d'examiner, un projet d’ordre du jour (travaux futurs).
Le sénateur Douglas Black (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour et bienvenue, chers collègues et membres du grand public qui suivent aujourd’hui les délibérations du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, ici même ou sur le Web. Je m’appelle Doug Black, je suis un sénateur de l’Alberta et je préside le comité.
Je prie les sénateurs ici présents de se présenter aux témoins, en commençant à ma gauche.
Le sénateur Wetston : Howard Wetston, de l’Ontario.
Le sénateur C. Deacon : Colin Deacon, de la Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Duncan : Patricia Duncan, du Yukon.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.
La sénatrice Verner : Josée Verner, du Québec.
[Traduction]
La sénatrice Stewart Olsen : Caroline Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador.
La sénatrice Wallin : Pamela Wallin, de la Saskatchewan.
Le président : Nous tenons aujourd’hui notre dernière réunion sur l’étude des avantages et des défis potentiels éventuels inhérents au système bancaire ouvert pour les consommateurs canadiens de services financiers, en mettant l’accent sur le rôle réglementaire du gouvernement fédéral. Nous nous concentrerons ensuite sur la production de notre rapport final, que nous entendons déposer au Sénat en juin.
Nous avons aujourd’hui des témoins qui ont déjà comparu devant nous et c’est un privilège pour moi de les accueillir de nouveau. Nous avons donc parmi nous M. Gregory Smolynec, sous-commissaire, Secteur des politiques et de la promotion, M. Arun Bauri, analyste des politiques et recherche stratégique, Direction des politiques, de la recherche et des affaires parlementaires, tous deux du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada.
Nous accueillons également de nouveau Mme Annette Ryan, sous-ministre adjointe déléguée, Direction de la politique du secteur financier, et M. Julien Brazeau, directeur principal, Stratégie et coordination, Division des institutions financières, Direction de la politique du secteur financier, tous deux du ministère des Finances du Canada.
Monsieur Brazeau, il n’y a pas moyen de faire un sigle avec cela, n’est-ce pas?
Julien Brazeau, directeur principal, Stratégie et coordination, Division des institutions financières, Direction de la politique du secteur financier, ministère des Finances Canada : Nous y travaillerons.
Le président : Merci de revenir nous parler aujourd’hui. Nous vous avons entendus en février, et nous avons estimé qu’il était opportun de discuter avec vous de ce dont nous avons pris connaissance jusqu’à aujourd’hui pour terminer notre étude.
Nous allons commencer par vos déclarations préliminaires. M. Smolynec va commencer, je crois; il sera suivi de Mme Ryan. Nous passerons ensuite aux questions et réponses.
[Français]
Gregory Smolynec, sous-commissaire, Secteur des politiques et de la promotion, Commissariat à la protection de la vie privée du Canada : Je vous remercie de m’avoir invité à comparaître de nouveau devant le comité. Je suis encore une fois accompagné de M. Bauri, analyste principal des politiques.
Plusieurs témoins ont comparu devant le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce et lui ont présenté les avantages du système bancaire ouvert, mais aussi les risques potentiels.
Lorsque nous avons comparu pour la première fois devant vous, en février dernier, nous avons recommandé que le système bancaire ouvert au Canada repose notamment sur le respect de la vie privée et d’autres droits fondamentaux. Parmi les recommandations spécifiques que nous avons formulées, citons les suivantes : obtenir le consentement explicite et valable des consommateurs; établir des normes techniques et des normes relatives à la protection de la vie privée afin de garantir la mise en place de règles de base uniformes; accréditer les entreprises ou leur délivrer un permis pour les autoriser à participer au système bancaire ouvert; réformer la LPRPDE afin de renforcer les pouvoirs d’application de la loi du commissariat, y compris le pouvoir de rendre des ordonnances et d’imposer des amendes pour le non-respect de la loi, ainsi que le droit de vérifier la conformité de façon indépendante, sans motifs, afin de garantir que les organisations respectent vraiment leur obligation de protéger les renseignements personnels.
Depuis, nous avons suivi les audiences avec beaucoup d’intérêt et remarqué que de nombreux commentaires faisaient écho à certaines des recommandations que nous avons formulées lors de notre dernière comparution. Nous avons également participé à l’une des tables rondes du ministère des Finances du Canada dans le cadre des consultations pancanadiennes de ce dernier sur les avantages du système bancaire ouvert, et nous avons constaté que les points de vue de nombreux participant étaient très partagés. Même s’il est vrai que les participants ne s’entendaient pas à 100 p. 100 sur ces points, il y avait un terrain d’entente quant à la nécessité du consentement et à l’établissement de lois et de normes solides en matière de protection de la vie privée.
En ce qui concerne le renforcement de la réglementation, je tiens également à préciser que Christine Lagarde, directrice générale du Fonds monétaire international, a récemment lancé l’avertissement selon lequel l’innovation dans le secteur bancaire doit s’accompagner d’une réglementation afin de maintenir la stabilité du système et la confiance à l’égard de celui-ci.
Des témoins ont comparu devant vous au sujet du modèle australien de système bancaire ouvert, qui a intégré des rôles réglementaires complémentaires pour les organismes de réglementation de la concurrence et de la protection de la vie privée.
À l’heure actuelle, le commissariat n’est pas en mesure de coopérer avec d’autres organismes de réglementation, comme le Bureau de la concurrence, et de leur communiquer de l’information, ce qui peut entraîner des lacunes dans l’application de la loi lorsque nos mandats se recoupent.
Toute réforme de la LPRPDE visant à faciliter le système bancaire ouvert devrait combler cette lacune afin que nous puissions collaborer avec le Bureau de la concurrence et tout autre organisme de réglementation qui pourrait intervenir. Les limites de notre capacité à coopérer dans le cadre d’enquêtes communes pourraient nuire éventuellement à la mise en œuvre efficiente du système bancaire ouvert, mettant ainsi en péril la confiance des Canadiens à l’égard de leur participation au système.
[Traduction]
Comme je l’ai mentionné, nous avons constaté que les témoins qui ont comparu devant vous ont demandé avec insistance que les particuliers puissent consentir explicitement à participer au système bancaire ouvert. Sur ce point, nous avons été ravis d’entendre les commentaires du haut fonctionnaire d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada (ISDE), qui a parlé de l’importance de tenir compte des lignes directrices pour l’obtention d’un consentement valable du commissariat dans le cadre de la réforme de la LPRPDE.
Le commissaire Therrien a formulé des recommandations concernant la mise à jour de la LPRPDE de cette façon lors de sa comparution devant le comité au sujet du projet de loi C-74. Nous constatons que le rapport du comité sur le projet de loi C-74 indiquait expressément que :
Le comité estime qu’il faut mettre à jour les lois canadiennes sur la protection de la vie privée et les harmoniser avec les normes internationales en la matière.
Plus précisément, les particuliers devraient avoir le droit de contrôler leurs renseignements, ce qui comprend la capacité de consentir explicitement à la manière dont leurs renseignements sont utilisés et à qui ils sont communiqués. Le fait de donner ce contrôle aux Canadiens contribuera à renforcer leur confiance et à les assurer qu’ils ne sont pas le « produit » du système bancaire ouvert.
Nous espérons que les recommandations découlant de cette étude comprendront la question du consentement dans la réforme de la LPRPDE.
En suivant le témoignage des personnes qui ont comparu devant le comité, nous avons pris note avec intérêt des remarques d’un témoin concernant l’évolution du cadre de protection de la vie privée au Canada vers un modèle fondé sur les droits. Il s’agit d’une question dont nous sommes actuellement saisis et qui, à notre avis, constitue actuellement une lacune dans les lois sur la protection des renseignements personnels.
Les droits des personnes qui participent au système bancaire ouvert sont au cœur de cette étude, mais aussi de l’économie numérique dans son ensemble. J’ajouterais qu’ils représentent un aspect fondamental de nos droits démocratiques et du fonctionnement de notre démocratie.
Le commissaire Therrien s’est dit de plus en plus préoccupé par le fait qu’on ne reconnaît pas au droit à la vie privée la même importance que l’exploitation des données au sein de nos écosystèmes numériques. La vie privée n’est pas un droit que nos cédons simplement au profit de l’innovation, de l’efficacité ou de gains commerciaux.
En terminant, nous remercions le comité d’avoir entrepris cette étude très importante et de nous avoir donné l’occasion de comparaître de nouveau. Nous avons hâte d’examiner les résultats de cette étude et des consultations menées par Finances Canada sur les avantages que présente le système bancaire ouvert. Dans l’éventualité où la décision d’aller de l’avant serait prise en ce qui a trait au système bancaire ouvert au Canada, nous serions heureux de poursuivre le dialogue avec les fonctionnaires sur la meilleure façon d’intégrer les considérations relatives à la protection de la vie privée dans un modèle de système bancaire ouvert. Nous serions également ravis de contribuer à l’élaboration des normes nécessaires et, bien entendu, de jouer un rôle de surveillance.
Je vous remercie et je répondrai à vos questions avec grand plaisir.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Smolynec.
Madame Ryan, la parole est à vous.
Annette Ryan, sous-ministre adjointe déléguée, Direction de la politique du secteur financier, ministère des Finances Canada : Merci, monsieur le président. Je tiens à vous remercier de m’avoir invitée à m’adresser une nouvelle fois à vous dans le contexte de votre étude sur la mise en place possible d’un système bancaire ouvert. Nous avons suivi l’évolution de votre étude avec intérêt. Merci beaucoup.
[Français]
Aujourd’hui, nous avons l’intention de vous donner un aperçu des activités qui ont eu lieu depuis notre dernière comparution devant vous. Je donnerai ensuite la parole à mon collègue, Julien Brazeau, directeur principal, qui dirige le secrétariat du système bancaire ouvert au sein du ministère. M. Brazeau abordera les résultats de notre processus de consultation et les prochaines étapes.
[Traduction]
À notre dernière comparution, nous avons parlé de la situation dans le contexte d’un secteur financier canadien compétitif, stable et résilient à l’échelle mondiale. Il est soutenu par un cadre législatif qui fonctionne bien et un système de réglementation qui est reconnu dans le monde entier pour sa prudence et son approche équilibrée.
Le cadre, dont nous avons parlé à notre dernière comparution, établit les principes solides de la réglementation des institutions financières qui s’appuient sur trois objectifs principaux, que je vais vous énumérer de nouveau pour bien orienter la discussion d’aujourd’hui, soit : la stabilité, le secteur est sécuritaire, solide et résilient en dépit des tensions; l’utilité, le secteur répond aux besoins financiers des nombreux consommateurs et les intérêts des consommateurs sont protégés; l’efficience, le secteur offre des produits et services à des prix concurrentiels, transfère les gains d’efficience aux consommateurs, favorise l’innovation et contribue à la croissance économique. En ayant ces principes à l’esprit, le gouvernement a amorcé un examen au sujet du bien-fondé du système bancaire ouvert. L’examen respecte l’objectif du ministère, qui est de s’assurer que le Canada continue d’avoir un secteur financier compétitif à l’échelle mondiale qui encourage le choix des consommateurs, tout en apportant une stabilité financière et une croissance économique.
Comme le comité le sait déjà, l’examen est réalisé par un comité consultatif dont les membres sont nommés par le ministre Morneau, avec le soutien d’un secrétariat au sein du ministère.
Le mandat de ce comité est de déterminer si un système bancaire ouvert offrira aux Canadiens des retombées positives importantes et de présenter un rapport évaluant les avantages potentiels des systèmes bancaires ouverts pour le Canada, tout en accordant la plus grande attention à la protection des renseignements personnels, à la sécurité des données et à la stabilité financière.
Vous vous rappelez peut-être également qu’au moment de notre dernière comparution, notre période de consultation publique venait juste d’arriver à terme et le comité, avec le soutien du secrétariat, était en train d’organiser des tables rondes multilatérales à Vancouver, à Toronto et à Montréal. Je suis heureuse d’annoncer que le ministère a reçu plus de 100 commentaires écrits uniques et que le comité et le ministère des Finances ont tous les deux consulté plus de 200 intervenants, bilatéralement ainsi qu’à l’aide de tables rondes. Les travaux se poursuivent sur l’organisation d’une table ronde supplémentaire à Iqaluit.
Sur ce, je donne la parole à M. Brazeau, qui abordera certains thèmes qui sont ressortis lors de ces consultations.
M. Brazeau : Merci, Annette.
Merci aux membres du comité de m’avoir permis d’être ici une nouvelle fois. Comme d’autres l’ont affirmé, je suis l’évolution de votre étude avec intérêt et j’attends avec impatience d’en connaître les résultats.
Avant de commencer, dans l’intérêt de tous les membres du comité, il me paraît utile de vous dire de nouveau ce que sont pour nous les systèmes bancaires ouverts. Selon nous, les « systèmes bancaires ouverts » sont des moyens pour le consommateur de demander à une institution financière de communiquer les renseignements sur ses opérations bancaires à une partie tierce reconnue de son choix. Ces moyens sont respectueux de la vie privée et contrôlés entièrement par le consommateur. L’objectif des systèmes bancaires ouverts est de reconnaître le fait que les consommateurs devraient exercer le contrôle sur leurs propres renseignements bancaires et pouvoir profiter de leur utilisation.
[Français]
Tout au long du processus de consultation, le comité et le secrétariat ont reçu des commentaires d’une gamme d’intervenants provenant du secteur des services financiers traditionnels et d’organisations de la société civile qui sont habitués aux expériences vécues par les consommateurs et les propriétaires de petites et moyennes entreprises.
Par l’intermédiaire des groupes de discussion, le comité a reçu les commentaires des Canadiens directement. Il a également consulté les responsables de l’élaboration de politiques d’autres pays afin de connaître les pratiques exemplaires employées au sein de leur administration.
[Traduction]
Pour les fins de notre discussion d’aujourd’hui, je vous parlerai de cinq grandes constatations, cinq grands points tirés des consultations que nous avons menées auprès des Canadiens. Le premier point est que les systèmes bancaires ouverts existent déjà. On a constaté pendant les discussions que le partage des données induit par le consommateur occupe déjà une place importante dans le marché d’aujourd’hui. Comme un certain nombre de témoins l’ont déjà affirmé au comité, des millions de Canadiens fournissent déjà les noms d’utilisateur et les mots de passe de leurs comptes bancaires à un fournisseur de services tiers au moyen d’une pratique appelée « capture des données d’écran» pour donner à leurs clients un aperçu de leurs comptes regroupés.
Pour la plupart des intervenants, les avantages des systèmes bancaires ouverts sont largement reconnus. Les institutions financières n’étant pas sous la réglementation fédérale, comme les coopératives de crédit, reconnaissent la valeur des systèmes bancaires ouverts et ont exprimé un vif intérêt envers la possibilité de participer à un cadre bancaire robuste ouvert à l’avenir — l’incapacité d’y participer était perçue comme un désavantage concurrentiel potentiel.
Le deuxième point est que la possibilité que les systèmes bancaires ouverts exacerbent les risques bancaires — notamment en matière de cybersécurité et de protection des renseignements privés — est perçue comme étant moins importante que les périls présentés par l’inaction, surtout que les risques bancaires en question existent déjà actuellement. Les intervenants étaient d’avis qu’un des principaux avantages associés au fait d’aller de l’avant avec la mise en œuvre de systèmes bancaires ouverts serait la création d’un moyen sécuritaire et normalisé de partager les données.
Le troisième point est que, malgré la ressemblance marquée des opinions des intervenants sur les bienfaits des systèmes bancaires ouverts, celles sur le rôle du gouvernement vis-à-vis de cet enjeu diffèrent considérablement. Toutefois, ils conviennent généralement du fait que le gouvernement doit, au minimum, jouer un rôle fédérateur important en rassemblant les différents groupes d’intervenants afin de déterminer la voie à suivre. À cet égard, d’ailleurs, d’autres administrations d’avant-garde ont adopté une gamme de modèles différents. Le ministère examine et suit la situation de près actuellement.
Le quatrième point est qu’il existe un sentiment selon lequel il faut se dépêcher d’aller de l’avant avec la mise en œuvre de systèmes bancaires ouverts. Les intervenants sont d’avis que le secteur financier du Canada est solide et compétitif à l’échelle mondiale. Au vu de l’adoption des cadres bancaires ouverts au sein d’autres grands marchés du monde, les intervenants étaient d’avis que si l’on ne fait rien, on perdra du terrain sur le plan de l’innovation et de la compétitivité. À cet effet, ils ont également fait part de leur vif désir de voir le gouvernement préciser ses intentions et établir des échéanciers.
Enfin, on a reconnu que les échanges sur les systèmes bancaires ouverts s’inscrivent dans une discussion d’une portée beaucoup plus vaste, qui concerne la capacité des Canadiens à utiliser, à contrôler et à protéger leurs données. Les intervenants ont fait la remarque que les avantages des systèmes bancaires ouverts ne se limitent pas simplement aux données sur les opérations bancaires — le fait de rendre possible un partage de données sécuritaire à grande échelle pourrait accroître la croissance économique du Canada et son potentiel de productivité. Les intervenants font également part de leur souhait que le travail du ministère sur le plan des systèmes bancaires ouverts soit harmonisé avec les autres initiatives connexes déjà en cours, dont l’exercice de modernisation des paiements du ministère des Finances et l’étude sur les technologies numériques et les données d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada. Dans ce contexte, la principale question qui reste à trancher dans le cadre de l’examen entrepris par le comité consiste à déterminer si le gouvernement doit prendre des mesures.
Comme les membres du présent comité le savent, on a divisé le processus d’examen en deux étapes et le comité consultatif élabore actuellement un rapport sur le sujet, qui sera présenté au ministre au printemps de cette année. À la suite de la présentation du rapport, le ministère et le comité chercheront à consulter à nouveau les intervenants d’une manière plus ciblée afin d’aborder les grands thèmes soulevés dans le contexte de la consultation et les considérations visant à rendre possible un écosystème accessible à tous les participants.
Sur ce, je mets fin à mes remarques. Je répondrai avec plaisir à toutes les questions des membres du comité.
Le président : Merci, monsieur Brazeau. Nous allons effectivement passer aux questions, en commençant par la vice-présidente.
La sénatrice Stewart Olsen : J’ai une question pour M. Smolynec et une autre pour Mme Ryan.
Vous avez affirmé que l’organisme de surveillance est crucial. Avez-vous une idée de ce que devrait être cet organisme de surveillance? N’oubliez pas que ma préoccupation première, en fait, la préoccupation première du comité est la protection des consommateurs. Si nous allons de l’avant avec cette mesure, nous devons avoir pleine confiance dans l’organisme qui surveillera les opérations.
M. Smolynec : Je ne peux pas dire que nous avons conceptualisé en détail les mesures de surveillance, qui seraient nécessaires, et ce, d’aucune façon. Nous avons regardé ce qui se fait ailleurs, en Australie, notamment. Selon nous, une surveillance partagée entre différents organismes de réglementation est tout à fait possible. En effet, le Bureau de la concurrence, par exemple, pourrait travailler avec notre bureau pour exercer une surveillance.
Nous sommes tout à fait prêts à participer à l’élaboration d’un modèle de surveillance et désireux de le faire. Étant donné les vives préoccupations relatives à la protection des renseignements personnels, il est tout indiqué que notre bureau participe à la surveillance. Toutefois, nous n’avons pas encore réfléchi à la division du travail.
Nous avons fait observer, comme je l’ai dit dans mes commentaires, que la responsabilité partagée pour la surveillance doit faire partie des réformes législatives qui permettraient le partage des données entre les organismes.
La sénatrice Stewart Olsen : Vous avez soulevé de très bons points concernant ce type de lois, en faisant valoir que la protection des renseignements personnels est d’une importance capitale.
Madame Ryan, votre déclaration commune avec celle de votre collègue était excellente, et je suis heureuse des consultations qui ont été faites. Dans vos derniers paragraphes, vous avez dit qu’il y aura d’autres consultations, mais que, selon le quatrième point énoncé, on sent une certaine urgence pour aller de l’avant avec la mise en place d’un système bancaire ouvert. Comment arrivez-vous à concilier ces deux énoncés?
Mme Ryan : Madame la sénatrice, l’urgence d’aller de l’avant a souvent été soulevée dans les consultations, mais on a également beaucoup fait valoir qu’il faut trouver un juste équilibre pour contrer les risques. Ces questions ne sont pas simples, comme le comité examine la situation pour déterminer s’il faut aller de l’avant, cela nous place dans une bonne position pour réfléchir à ce qu’on nous a dit sur la façon de le faire. Dans la mesure où la question à l’étude comporte plus d’un volet, nous ne nous empêcherons certainement pas d’utiliser la rétroaction précieuse que nous avons obtenue sur la façon d’aller de l’avant pour réagir au sentiment d’urgence.
M. Brazeau : Cette question s’applique également au thème soulevé, soit la nécessité d’encadrer plus largement un système bancaire ouvert relativement à ce que nous voulons faire avec les données. Un certain nombre de projets gouvernementaux sont en cours. Innovation, Sciences et Développement économique Canada mène notamment une enquête sur les données et le numérique. Nous devons décider s’il faut prendre une approche sectorielle, soit opter simplement pour le partage de données dans le secteur financier, ou chercher plutôt une approche plus large économiquement. C’est une question importante, à laquelle nous devons nous attaquer parce qu’elle aura une incidence sur les mesures de surveillance à exercer, le ou les organismes responsables de ces mesures et la réglementation. Nous reconnaissons assurément qu’un sentiment d’urgence existe, mais les intervenants ont déclaré qu’il faut faire les choses correctement et c’est exactement ce que nous voulons.
Maintenant que nous en sommes arrivés à la fin de la période où on se demande s’il « faut aller de l’avant », nous voulons bel et bien nous concentrer sur l’avenir et réunir tous les acteurs du milieu. Nous avons eu une bonne discussion sur la nécessité ou non d’aller de l’avant, mais les intervenants ne se sont pas exprimés pleinement sur la façon de faire les choses. C’est ce que à quoi nous voulons les amener. Nous sommes sur une bonne lancée et nous voulons en profiter.
La sénatrice Stewart Olsen : Merci beaucoup.
[Français]
La sénatrice Verner : Ma question s’adresse à M. Smolynec, du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada.
Au cours des dernières semaines, la protection de la vie privée dans le cadre d’échanges de renseignements aussi délicats que ceux dont il est question dans le système bancaire ouvert a souvent été évoquée, tout comme le modèle australien. Je ne sais pas si vous avez pris connaissance d’un article paru dans le journal Le Soleil, le 1er mai dernier, mais, récemment, malgré tout, les grandes banques canadiennes, comme le Mouvement Desjardins, se sont jointes à la firme SecureKey Technologies pour lancer en grande pompe l’application Vérifiez.Moi. Il ne s’agit pas d’une application par laquelle on peut échanger des renseignements bancaires concernant les consommateurs, mais plutôt d’un dispositif pour autoriser son institution financière à donner des renseignements pour vérifier son identité.
Pour donner un exemple concret, on peut lire dans l’article que lorsque nous souhaitons acheter un forfait auprès d’une compagnie de téléphonie mobile, au lieu de présenter notre permis de conduire, qui contient beaucoup plus d’information que ce qui est nécessaire, nous pourrons le faire en ligne en utilisant l’application Vérifiez.Moi, ce qui autorisera l’institution bancaire à confirmer notre identité et à ne donner que quelques renseignements bien précis nous concernant. Il y a ici une amorce vers ce dont nous discutons aujourd’hui.
Bref, je voulais savoir si, par hasard, vous aviez été consultés, à titre d’organisation, lorsque les grandes banques ont lancé cette application le 1er mai dernier.
M. Smolynec : Nous n’avons pas eu de demande de consultation provenant des banques, et nous n’avons pas fait d’étude sur cette application en particulier.
Nous avons suivi plusieurs discussions, entre autres au sein du gouvernement et du Secrétariat du Conseil du Trésor, au sujet de l’utilisation de la vérification de l’identité et des systèmes d’accréditation bancaire, par exemple, pour faire une déclaration de revenus sur le site web de Revenu Canada.
Nnous n’avons toutefois pas reçu de demande de consultation au sujet de l’application Vérifiez.Moi en particulier.
La sénatrice Verner : L’article mentionne que l’application a été créée en partenariat avec SecureKey, une firme réputée pour avoir des mesures de protection des renseignements personnels assez robustes. À votre avis, une telle technologie comporte-t-elle des risques? Je vois que vos collègues approuvent de la tête, c’est donc une chose dont ils ont entendu parler.
M. Smolynec : Cela dépend des détails du système en question. Il y a des mesures plus robustes qui peuvent protéger les renseignements personnels et l’identité, mais cela dépend des systèmes en question.
M. Brazeau : L’identité digitale est un enjeu qui a été soulevé plusieurs fois par les institutions financières et les entreprises de technologie financière, parce que plus il y aura d’individus qui participeront à l’écosystème, plus il deviendra nécessaire de s’assurer que les individus sont identifiés correctement, surtout s’ils autorisent l’accès à leurs données. Nous sommes au courant de cette initiative.
Évidemment, le client donne son consentement lorsqu’il participe au service. On pense que c’est un service tout de même assez novateur, mais on continue à se pencher sur la question pour voir comment le système fonctionne et comment cela pourrait s’intégrer dans un système bancaire ouvert.
M. Smolynec : C’est aussi un enjeu dans la stratégie numérique du gouvernement.
La sénatrice Verner : D’accord, merci.
[Traduction]
Le sénateur C. Deacon : Merci aux témoins. Votre participation est très importante parce qu’elle constitue, à mon avis, une étape déterminante dans l’avancement de nos travaux. Les mesures que vous prendrez détermineront la suite des choses, et cela est important.
Monsieur Smolynec, vous avez dit que la protection des renseignements personnels n’est pas un droit que nous pouvons céder simplement au profit de l’innovation, de l’efficience et des gains commerciaux. Or, ce droit est déjà cédé, car les mesures prises jusqu’à maintenant par le Commissariat à la protection de la vie privée ont créé un environnement propice à cela.
Je vais vous donner un exemple. Mon épouse vient de quitter le pays. Elle n’a donné son adresse de courriel à personne d’autre qu’à notre conseiller financier. La banque pour laquelle notre conseiller travaille a communiqué son adresse de courriel à Visa, qui a pu lui envoyer un accusé de réception par courriel depuis un autre pays, pour une transaction dans un autre pays, sans qu’elle ait fourni cette information.
Nous sommes donc déjà dans une situation où les grosses banques communiquent nos renseignements à notre insu, et sans notre consentement. Je crains que nos décisions nuisent aux nouveaux acteurs dans ce marché parce que nous les percevons comme un risque, par rapport à nos banques, et à cause de la façon dont nous nous comportons dans notre culture et notre économie et de nos lois sur la protection de la vie privée.
J’aimerais que vous nous parliez un peu de l’urgence ressentie pour aller de l’avant. Actuellement, quelque 3,5 millions de Canadiens ne sont pas protégés. Ils sont à risque. Nos banques se permettent déjà des choses à notre insu. Il n’y a pas de consentement éclairé. Il se peut que nous ayons donné notre consentement, mais ce n’était pas un consentement éclairé pour le partage de nos renseignements d’ordre privé. Il faut nous doter des moyens pour demeurer dans une économie novatrice, il faut que les compagnies qui se situent à l’avant-garde de notre économie future puissent saisir les occasions et accéder à des marchés étrangers en un clin d’œil — ou, inversement, que des compagnies puissent venir ici, si nous avons de bonnes lois en place. J’aimerais vous entendre là-dessus, parce qu’il est difficile de trouver un juste équilibre et je crains que vous soyez aux prises avec le problème.
M. Smolynec : Vous laissez entendre dans votre question qu’il y a dichotomie entre la protection de la vie privée, d’une part, et la croissance économique ou l’innovation, d’autre part, ou encore que la protection de la vie privée fait obstacle à l’innovation et à la croissance ou, dans certains cas, à l’accès à des services publics. Voilà des arguments que diverses parties soulèvent parfois. Nous en prenons acte. Nous sommes peut-être bien placés pour entendre des propos voulant que la protection de la vie privée constitue un obstacle, ou fasse contrepoids, à ces autres mesures manifestement souhaitables.
Selon nous, si on planifie des mesures de protection de la vie privée, si on conçoit des modèles — des modèles d’affaires ou d’activité, par exemple — qui, dès le départ, intègrent des mesures de protection de la vie privée, la protection de la vie privée dès la conception, quoi —, et si, dans le cas des entreprises privées, on a élaboré, disons, des énoncés de facteurs relatifs à la vie privée de la part des fournisseurs de services gouvernementaux —, le problème ne se présente pas vraiment, pour ainsi dire. Il n’est pas nécessaire d’opposer les deux notions de cette façon. En fait, la protection de la vie privée peut servir de tremplin pour l’innovation, la croissance économique et l’accès à de nouveaux marchés.
Nous ne sommes pas favorables, par exemple, à des dispositions législatives particulières qui s’appliqueraient aux nouveaux arrivants sur le marché, qui seraient intégrées dans de nouvelles lois, et ce, d’aucune façon. Nous estimons que la loi doit s’appliquer à tout le monde.
Sur ce point — et je ne parle pas du cas précis que vous avez mentionné, parce que je n’en connais pas les détails — si des banques ou d’autres institutions divulguent de l’information illégalement, nous aimerions en être informés.
Le sénateur C. Deacon : Je ne sais si elles enfreignent la loi. Je soupçonne que, sans s’en rendre compte, elle a donné cette information à sa banque, qui a pu la transmettre sans son consentement.
En fait, selon moi, il n’est pas nécessaire de prendre de nouvelles dispositions pour beaucoup de nouveaux acteurs, mais il en faut pour les banques, qui, pour l’instant, ne prévoient pas de mesures de protection de la vie privée dès le départ. Tel est le corollaire de la situation présente.
Montrez-moi que vous comprenez que les nouveaux acteurs ne seront pas pénalisés et que tous les participants au marché profiteront d’une approche qui favorise un juste équilibre entre le respect des droits relatifs aux données des consommateurs et le consentement éclairé pour l’utilisation de ces données.
M. Smolynec : En ce qui nous concerne, nous sommes pleinement conscients des problèmes qui se posent selon la taille des entreprises et des difficultés qu’elles doivent surmonter et nous y sommes très attentifs. Nous voulons des règles du jeu équitables. Nous voulons également que les mesures que nous prenons ou que nous proposons ne nuisent ni à l’innovation, ni à la croissance. Nous sommes très sensibles à ces choses dans notre organisation.
Lors de la transition au Commissariat à la protection de la vie privée du Canada, nous avons mis en place des services consultatifs pour les entreprises; ces services sont situés à notre bureau de Toronto. Nous remarquons, à notre grande satisfaction, un grand nombre de demandes de consultation de la part de petites et moyennes entreprises; la mesure se révèle donc productive. Nous sommes parfaitement conscients de ces problèmes.
Le sénateur C. Deacon : Madame Ryan et monsieur Brazeau, c’est un fait que vous vous demandez s’il faut aller de l’avant, selon votre réponse à votre première question. J’ai consigné le mot « vitesse » à la fin de vos commentaires, comme « à la vitesse de l’escargot ».
C’est déjà en cours. Nos banques et d’autres institutions partagent déjà de l’information sans notre consentement réel. De nouveaux arrivants sur le marché luttent pour se faire une place et des consommateurs ne sont ainsi pas protégés.
La vitesse à laquelle les choses avancent me préoccupe. Pouvez-vous nous donner une certaine assurance? Six mois s’écouleront au cours desquels bien peu de nouvelles choses seront autorisées par de nouvelles lois à cause des élections qui approchent et à cause d’autres facteurs également. Comment pouvons-nous continuer à avancer? Que pouvons-nous faire pour que certaines de ces questions importantes soient traitées rapidement — rapidement, certes, mais sans être bâclées?
M. Brazeau : Voilà une excellente question. L’annonce faite dans le budget de 2018 de l’étude que nous allions réaliser sur les avantages d’un système bancaire ouvert a suscité bien peu d’intérêt parce que peu de gens connaissaient le concept à ce moment-là. Même s’il y a des acteurs d’avant-garde dans l’écosystème, comme nos grandes banques et quelques grandes entreprises de technologie financière, nous avons constaté que beaucoup d’autres groupes ont eu besoin d’information sur les systèmes bancaires ouverts, leurs avantages et leurs risques potentiels, une information que nous leur avons donnée pour qu’ils puissent participer de façon constructive à ces consultations.
Concernant le point que vous avez soulevé, les personnes consultées nous ont dit que nous devons maintenant passer à l’étape du « comment faire »; on accepte maintenant qu’il faut trouver des façons de faire les choses, parce que le partage des données est déjà là, il faut maintenant l’encadrer pour protéger les Canadiens, comme vous l’avez dit.
Pour vous rassurer sur la vitesse à laquelle nous avançons dans notre travail, le comité consultatif remettra son rapport au ministre au plus tard au mois de juin. Toutefois, nous voulons également travailler avec les intervenants du milieu. À l’évidence, le gouvernement a un rôle à jouer pour rassembler tous les acteurs de l’écosystème. Même au cours des six mois qui nous mèneront aux élections, nous pourrons continuer de travailler de façon constructive avec tous ces gens, qui sont maintenant rendus à l’étape du « comment faire les choses » et qui réfléchissent sérieusement à un cadre devant permettre de protéger la vie privée. Nous avons à cœur de les faire participer — y compris les membres du comité consultatif, dont l’affectation restera en vigueur jusqu’à la fin de 2019 — à nos travaux pour fournir une recommandation solide au gouvernement qui entamera un nouveau mandat de façon que nous puissions bouger rapidement.
Le sénateur C. Deacon : Merci beaucoup. Au cours de la deuxième série de questions, il se pourrait que je vous demande de nous parler des mesures précises que vous prendrez au cours de cette période de six mois.
Le président : Nous veillerons à y revenir.
La sénatrice Wallin : Je veux revenir à certaines questions posées par mon collègue, le sénateur D. Deacon.
Madame Ryan ou monsieur Brazeau, pouvez-nous nous dire où nous en sommes en ce qui a trait à la structure d’établissement? Nous avons entendu des représentants du Royaume-Uni et de l’Australie. Là-bas, l’industrie a agi en premier. On est allé de l’avant et le gouvernement a ensuite établi certaines règles. À mon avis, étant donné qu’on avance à la « vitesse de l’escargot », ne vaudrait-il pas mieux laisser faire l’industrie et ensuite y réagir? Est-ce acceptable?
M. Brazeau : Dans une certaine mesure, oui, c’est acceptable. Nous voulons encourager l’industrie à se regrouper et à bouger rapidement pour trouver une solution.
La sénatrice Wallin : Pourquoi ne pas permettre à ces gens ou ne pas leur demander de le faire, disons, pour mardi?
M. Brazeau : Beaucoup de personnes consultées estiment que le gouvernement doit établir une échéance claire pour amener tous les intervenants à travailler ensemble de façon constructive. Je m’attends à ce qu’une recommandation en ce sens soit formulée dans le rapport à venir.
La sénatrice Wallin : Qu’en pensez-vous? Faut-il laisser l’industrie agir sous votre surveillance? Selon moi, il vaut mieux que le gouvernement s’abstienne d’établir et de surveiller cette structure parce que vous bougez trop lentement. Le « vous » de majesté.
M. Brazeau : Je comprends. D’accord, nous voulons encourager l’industrie à se regrouper. À mon sens, le gouvernement n’est pas toujours le mieux placé pour fixer les normes et toutes les règles nécessaires. Nous voulons que les intervenants et les acteurs de l’écosystème se penchent ensemble sur un système qui permettra d’atteindre les grands objectifs stratégiques, soit, entre autres, la compétitivité et l’utilité. Si le marché arrive bel et bien à trouver une solution, nous voulons que cette solution s’applique à tout le marché, et non pas seulement à quelques acteurs qui auraient truqué le système à leur avantage. Nous sommes très favorables au regroupement de l’industrie en autant qu’elle soit guidée par ces grands principes et que nous puissions assumer cette fonction de remise en question.
La sénatrice Wallin : Avez-vous une liste de ces grands principes prête à utiliser ou attendez-vous toujours de mener des consultations?
M. Brazeau : Sans vouloir vendre la mèche, j’ai l’impression que le comité consultatif donnera dans son rapport les grands principes qui devraient guider ces discussions.
La sénatrice Wallin : J’ai une question pour M. Smolynec sur la fonction de surveillance. Lorsque vous dites vouloir partager la responsabilité avec le Bureau de la concurrence, vous me rendez nerveuse. Trop de cuisiniers gâtent la sauce. À quel organisme de surveillance l’épouse du sénateur Deacon doit-elle s’adresser pour porter plainte? Vers qui une grande entreprise ou une petite entreprise en démarrage doivent-elles se tourner pour faire savoir que les choses ne fonctionnent pas bien ou pour connaître les règles à suivre? N’avons-nous pas besoin de structures distinctes?
M. Smolynec : Tout dépendrait de la nature de la plainte, j’imagine. S’il s’agissait des renseignements personnels de quelqu’un et d’une violation de son droit à la protection de la vie privée, il faudrait s’adresser à nous. S’il s’agissait d’une question relative à la compétitivité de l’industrie, ce qui pourrait ne pas être le cas, c’est le Bureau de la concurrence qui entrerait en jeu, selon ce que nous avons entendu dire.
La sénatrice Wallin : Croyez-vous pouvoir y arriver, étant donné que vous en avez déjà beaucoup sur le dos et étant donné l’énormité de cette tâche? Êtes-vous équipés pour y faire face? Nous nous penchons sur des mesures à recommander dans notre rapport. Avons-nous besoin d’une structure dans laquelle un organisme du secteur privé pourrait émerger et quelles particularités cette structure devrait-elle comporter?
M. Smolynec : En ce qui concerne les ressources, une mise en place réussie d’un système bancaire ouvert nécessite à coup sûr une loi habilitante, qui ait un large champ d’application, parce que l’économie numérique est maintenant une réalité et parce que le secteur public connaît des changements analogues de certaines façons. Une réforme en profondeur de la Loi sur la protection des renseignements personnels et de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques s’impose.
Cette réforme devrait comprendre les principes fondamentaux inhérents à ces lois, mais aussi le pouvoir pour le bureau de délivrer des ordonnances, d’imposer des amendes et tout autre pouvoir essentiel à un organisme de réglementation pleinement opérationnel; les nouvelles fonctions ainsi ajoutées doivent s’accompagner des ressources supplémentaires requises.
Mme Ryan : Les questions relatives au système bancaire ouvert touchent à un large éventail de secteurs de politiques publiques — la protection des consommateurs, la concurrence, les finances, la protection de la vie privée — et elles se répercutent sur leurs fonctions de réglementation respectives.
D’autres pays ont adopté des approches extrêmement différentes quant aux organismes responsables de la réglementation et au juste équilibre entre la surveillance réglementaire et la coopération du secteur privé.
Le point soulevé par Julien concernant la participation de la population à cette réflexion revêt une importance cruciale. Nous procédons par consultation, en plus des travaux que vous effectuez actuellement, pour déterminer où nous devons fixer les balises applicables à ce que les joueurs, gros et petits, font déjà de façon à obtenir un résultat pertinent pour les Canadiens.
La sénatrice Wallin : Je ne désapprouve pas ce que vous dites. Nous sensibilisons les gens pour qu’ils puissent prendre ces décisions de façon éclairée ou demander qu’on obtienne leur consentement, pour qu’ils sachent qu’il y a des règles à suivre, mais non pas pour les consulter sur ce qui les inquiète. Naturellement, nous le faisons. C’est une évidence.
Mme Ryan : Nous en prenons bonne note, madame la sénatrice. Merci.
La sénatrice Duncan : Je remercie les témoins de leurs déclarations. Ma question fait suite aux commentaires de la sénatrice Stewart Olsen. M. Brazeau a parlé des rencontres avec des intervenants à Vancouver, à Montréal et à Toronto ainsi que d’une table ronde à Iqaluit. M. Imran Gulamhuseinwala, du Royaume-Uni, nous a tout d’abord dit que cette réflexion sur le système bancaire ouvert est nécessaire et qu’un tel système a été mis en place en Grande-Bretagne à la suite d’un examen du système bancaire britannique.
Dans sa déclaration, le représentant britannique a beaucoup mis l’accent sur deux choses, ou ce sont les deux choses que j’ai retenues, soit une augmentation du niveau de service et de la concurrence pour les consommateurs, la reconnaissance et la création d’un organisme spécial, par manque d’un meilleur terme, chargé de s’occuper tout spécialement du secteur vulnérable.
Il y a ceux qui ne sont pas prêts à lire le document de 19 pages intitulé « Oui, je donne mon consentement » ou ceux qui n’ont pas de compte bancaire, mais je n’en ai pas entendu parler dans vos consultations avec les Canadiens ou les intervenants du milieu.
Pour moi, les gens de Vancouver, de Montréal, de Toronto et d’Iqaluit ne sont pas représentatifs de l’ensemble des Canadiens, et cela me dérange. Et est-ce que Iqaluit n’est pas, oh oui, c’est au « nord du 60e parallèle », on nous l’a dit.
Voilà mes préoccupations. Ce que j’entends, lorsque je vais à la maison et parle de « système bancaire ouvert », après un regard médusé, c’est : « Allez-vous protéger mes renseignements personnels et qu’est-ce que cela signifie? » Tous ceux qui ont moins de 30 ans savent exactement de quoi on parle et font déjà ces opérations en ligne, mais qui s’occupe de leurs comptes d’épargne? Voilà ce que j’ai à dire.
M. Brazeau : Je conviens que le terme « système bancaire ouvert » porte lui-même à confusion. Dans nos consultations, les gens ont dit avoir l’impression que les renseignements bancaires sont ouverts à tous. Lorsque j’essaie d’expliquer à ma mère ce que je fais, elle croit que j’essaie de prolonger les heures d’ouverture des banques. Le terme n’est pas très explicite.
Afin de vous rassurer sur nos activités de communication, sachez qu’en plus des tables rondes que nous avons tenues, nous nous sommes également adressés directement à un certain nombre de groupes de la société civile, à de grandes entreprises mondiales ainsi qu’à des représentants de l’Institut Vanier et nous avons tenu des rencontres bilatérales avec eux pour connaître leurs points de vue. Nous avons en plus mené des sondages, en ligne ou en personne, auprès de la population un peu partout au pays, et pas seulement dans les grands centres, pour obtenir la participation des consommateurs et leurs positions particulières et pour comprendre leurs préoccupations sur des questions comme la protection de la vie privée.
La situation des personnes qui n’habitent pas dans les grands centres et qui ont de la difficulté à avoir accès à des services bancaires réguliers ou qui ne sont pas bien servis sera traitée dans le rapport du comité.
Nous avons à cœur de continuer de communiquer avec les groupes vulnérables. Il y a un chef de la littératie numérique à l’Agence de la consommation en matière financière du Canada avec qui nous communiquons également; cette personne dispose d’un vaste réseau d’organisations qui s’activent dans ce milieu. Des responsables étrangers nous ont également parlé de la nécessité d’accorder la priorité aux consommateurs et de leur donner une voix dans ces travaux. C’est ce que nous voulons faire.
La sénatrice Duncan : C’est extrêmement important. Il ne faut pas que cette initiative accuse un retard. Cette réponse m’amène à demander qui sont les intervenants les plus importants, les banques? Sont-elles à l’écoute des consommateurs et de ce qu’on vous dit?
M. Brazeau : Dans nos tables rondes, nous avons pris soin d’entendre des points de vue variés. Nous nous sommes attachés à réunir des responsables des grosses banques avec des représentants de la société civile; ainsi, des gens de l’Association canadienne des individus retraités ont parlé de ce qui préoccupe leurs membres et des chefs de petites et moyennes entreprises de technologie financière ont fait part des difficultés qu’ils ont à obtenir des prêts.
Les personnes qui ont participé aux tables rondes nous ont dit qu’elles avaient trouvé l’initiative constructive parce qu’elle leur a permis de comprendre ce que d’autres intervenants pensent, qu’il s’agisse des intervenants qui occupent une place importante dans le milieu ou de ceux pour qui ce n’est pas le cas.
La sénatrice Marshall : Monsieur Smolynec, j’aimerais vous dire que je n’ai pas de question pour vous. Je sais que vous participez activement à ces travaux et que vous êtes conscient de l’important rôle que vous jouez et du fait que nous comptons sur vous pour protéger notre vie privée. Mes questions s’adressent à Mme Ryan et à M. Brazeau.
Nous disons qu’il est urgent de mettre en place un système bancaire ouvert et que la chose est déjà en fait une réalité. Monsieur Brazeau, vous avez dit, dans votre déclaration préliminaire, que le rapport sera remis au ministre ce printemps. Quelle autre information sur l’échéancier pouvez-vous nous donner? Vous êtes plutôt optimiste quant au dépôt du rapport, parce que vous menez encore des consultations. Nous sommes à cinq semaines de la fermeture du Parlement pour l’été et, par la suite, tout le monde sera tourné vers la campagne électorale. Des élections s’en viennent. Que le présent gouvernement soit réélu ou qu’un nouveau gouvernement prenne sa place, il faudra attendre un certain temps avant qu’une décision soit prise.
C’est un gros projet. Il me semble que nous en sommes encore aux étapes initiales et je ne sais même pas s’il y a assez d’information pour fixer un échéancier. Je m’intéresse toujours aux échéanciers, aux dates de mise en œuvre et aux coûts. Avez-vous une idée de l’échéancier précis ou est-il encore trop tôt pour le connaître?
M. Brazeau : Nous disposons d’un plan de travail souhaitable et d’un échéancier que nous considérons comme le meilleur. Évidemment, nous ne pouvons contrôler que ce qui est de notre ressort. Nous n’avons aucune prise sur le moment choisi pour adopter une politique et des lois, cette responsabilité incombe aux pouvoirs politiques. Toutefois, les consultations publiques et les tables rondes sont terminées, le rapport est rédigé et il sera présenté au ministre sous peu. Les membres du comité consultatif, qui ont participé aux tables rondes, ont déjà indiqué aux intervenants qu’ils les inviteront au cours du mois de juin et pendant l’été à discuter de la mise en œuvre d’un système bancaire ouvert et de la forme que cela prendra.
Toutefois, le fait est que c’est un nouveau gouvernement qui devra s’occuper d’apporter, le cas échéant, les modifications requises aux lois et aux règlements. Nous estimons que nous avançons à bon rythme. J’imagine que le comité consultatif va recommander au gouvernement de continuer à donner la priorité à cette question.
La sénatrice Marshall : Avez-vous réfléchi au moment approprié pour la mise en œuvre de ce nouveau régime, ou même au moment où le gouvernement devrait décider d’aller de l’avant?
M. Brazeau : Idéalement, j’aimerais pouvoir exercer un contrôle sur toutes les décisions. Je pense que lorsque le rapport sera rendu public et que les intervenants pourront s’entendre sur un champ d’action pour la mise en œuvre, nous devrions être en position de proposer des changements aux lois et de mettre réellement le système en place au plus tard à la fin de 2019 ou au début de 2020.
La sénatrice Marshall : Le gouvernement bouge lentement, toutefois. Merci.
Le sénateur Wetston : Excusez-moi, j’ai dû sortir et j’ai manqué certaines questions et réponses.
J’aimerais parler des risques avec vous. J’ai constaté que vous voulez bien faire les choses pour éviter les risques. Il faut bien réfléchir, car, autrement, les risques seront plus grands. Si quatre millions de personnes font des captures de données d’écran, il y en aura sept millions une autre année et peut-être trois millions de plus par la suite. Je vous ai déjà dit, à vous qui provenez du ministère des Finances, que ce qui m’inquiète, c’est d’autoriser une activité et de ne pas bouger plus rapidement. On trouve plusieurs exemples de situations semblables au pays.
Craignez-vous de ne pas bouger assez rapidement? Je ne veux pas laisser entendre que vous n’avez pas tous ces obstacles à surmonter, les politiques gouvernementales, les lois, les consultations et tout un lot de problèmes à surmonter. Pouvez-vous me dire ce que vous en pensez? Je sais que ces questions se sont présentées un certain nombre de fois.
Monsieur Smolynec, il ne fait pas de doute que les dispositions législatives sur la protection de la vie privée et la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques sont importantes. Nous avons vu comment d’autres pays ont mis à profit divers outils gouvernementaux pour trouver un juste équilibre entre les politiques favorisant la compétitivité sur le marché et la protection de la vie privée, comme l’a fait l’Australie, par exemple, ou encore le Royaume-Uni, qui a mis en place une politique qui favorise la compétitivité tout en comprenant des mesures de fiducie. M. Brazeau a déjà travaillé au niveau des politiques relatives à la compétitivité. Vous pourriez peut-être profiter de l’occasion pour réfléchir là-dessus.
De quels pouvoirs auriez-vous besoin si, demain, un système bancaire ouvert était en place? Nous avons des normes. Nous avons des protocoles. Nous avons déjà tout cela en place. De quoi avez-vous besoin pour protéger efficacement les consommateurs et leurs droits à la protection de la vie privée au Canada?
M. Smolynec : Nous aimerions, entre autres choses, que les nouvelles dispositions législatives donnent au Bureau de la concurrence le pouvoir de faire un tri parmi les plaintes qu’il reçoit pour évaluer les risques concernant la protection de la vie privée. Actuellement, nous répondons à toutes les plaintes. Or, il faudrait prendre en considération la taille des entreprises. La loi actuelle ne tient pas compte de ce facteur, mais nous devrions avoir une certaine latitude dans le choix des enquêtes à mener, qui devrait reposer sur le risque pour les Canadiens et pour la protection de la vie privée. Ce n’est peut-être pas la chose la plus importante, mais c’est un aspect important de la réforme de la législation.
Du plus grand au plus petit, nous recommandons des lois sur la vie privée fondées sur des droits. Cela semble peut-être un peu ésotérique, mais l’idée de base est que les Canadiens, qui vivent dans une démocratie, ne devraient pas faire l’objet d’une surveillance par des entreprises et par l’État. Ils devraient pouvoir évoluer dans un environnement libre de toute ingérence de la sorte et cela devrait être inscrit dans un cadre législatif. Sans vouloir en diminuer l’importance, il existe une série de droits également qui permettent aux Canadiens d’obtenir de l’information sur la façon dont leurs renseignements sont traités, d’avoir accès à cette information, d’y apporter des correctifs, et cetera.
Le bureau devrait être doté de pouvoirs essentiels, des pouvoirs qu’il n’a pas actuellement, soit ceux de délivrer des ordonnances, d’imposer des amendes, de veiller au respect des lois et règlements et de prendre des mesures propres à dissuader les entreprises et les organisations d’enfreindre la loi. Voilà quelques-unes des demandes fondamentales que nous avons. Comme cela a été le cas lorsque nous avons témoigné devant votre comité et devant d’autres comités, nous avons une liste de recommandations pour réformer les lois.
Nombre de questions ou de problèmes concernant les systèmes bancaires ouverts ont des points communs avec ceux auxquels d’autres secteurs de l’économie numérique sont aux prises. Il est donc urgent de réformer les lois. Nous disons que le régime du système bancaire ouvert est en train de s’installer. Toutes sortes d’innovations numériques ont cours, tant dans le secteur privé que dans le secteur public, et les lois sont maintenant dépassées. Tel est le cas depuis maintenant plusieurs années.
Voilà ce que notre commissaire à la protection de la vie privée a fait valoir à divers comités parlementaires pendant toute la durée de son mandat, tout comme celle qui l’a précédé. Les choses n’avancent pas assez rapidement, et nous nous attendrions à ce que le Parlement légifère sur ces questions.
M. Brazeau : Permettez-moi d’ajouter que, comme je l’ai dit dans ma déclaration préliminaire, on nous a dit que même s’il y a des risques pour la cybersécurité et la protection de la vie privée, ne rien faire crée un risque encore plus grand. Nous reconnaissons qu’il y a urgence.
Au Royaume-Uni et en Australie, ces questions revêtent un aspect horizontal important qui transcende le secteur financier, la cybersécurité relative à la vie privée dans son ensemble. L’établissement de normes prend également du temps. Même au Royaume-Uni, où on a agi en premier, il a fallu plus d’un an et demi pour en arriver à mettre une politique en œuvre. L’Australie avait fixé la mise en œuvre à six mois, mais a dû y consacrer six mois de plus pour que les institutions puissent s’y préparer.
Nous savons bien que, malgré les meilleures intentions d’aller de l’avant rapidement, il faudra un peu de temps pour mettre un système en place. Nous espérons profiter de l’expérience de l’Australie, qui, en s’inspirant du Royaume-Uni, a pu fixer ses normes encore beaucoup plus rapidement. Il y a des avantages là-bas dont on peut profiter.
Le sénateur Wetston : Je comprends très bien que le Royaume-Uni et l’Australie ont des régimes de common-law et que c’est le cas pour nous également. Même si nombre d’aspects de nos lois et de nos méthodes pour réagir aux problèmes peuvent varier, il y a de bons modèles là-bas que nous pouvons suivre. Je sais que vous les examinez.
Nous venons tout juste d’avoir une discussion avec le C.D. Howe Competition Council pour déterminer si la Loi sur la concurrence permet de gérer l’environnement en constante évolution qui est le nôtre aujourd’hui. Nous vivons maintenant dans un environnement très différent. Je me demande si notre perception du monde actuel nous permet de vraiment comprendre ce qui s’y passe réellement.
Je ne contredis rien de ce que vous avez déclaré, mais nous devons prendre un peu de recul et nous demander : quel est le modèle approprié pour aujourd’hui? Notre approche est un peu traditionnelle; le monde des finances, d’une part, le Bureau de la concurrence et la protection de la vie privée, d’autre part. Il faut prendre du recul et réfléchir, parce que nous risquons d’être dépassés par les choses et les Canadiens devront alors faire face à des risques. Voilà ce qui me préoccupe beaucoup.
Je ne vous contredis pas et j’ai un grand respect pour ce que vous affirmez, mais nous sommes à la croisée des chemins; nous devons donc comprendre ce qui se passe et agir. Même si nous agissons par étapes, nous devons le faire pour bien comprendre les tenants et les aboutissants de ces questions difficiles.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Merci à nos invités. Ma première question s’adresse à M. Smolynec.
Monsieur Smolynec, quand une personne fait affaire avec le système bancaire, qu’il soit ouvert ou pas, souvent elle est pressée. Tout refus de consentement pourrait retarder son dossier. Le citoyen cochera alors « oui » en se disant qu’il n’a pas le choix s’il veut que les choses avancent plus vite. Vous parlez toujours d’un consentement explicite. Bien des gens donnent leur consentement sans nécessairement évaluer le risque. À votre avis, dans quelle mesure le système bancaire ouvert pourrait-il augmenter le risque pour ce type de clientèle?
M. Smolynec : Évidemment, le problème est que, bien souvent, les formulaires de consentement ne sont pas faciles à lire ni à remplir.
À titre d’information, nous avons élaboré des lignes directrices sur le consentement. Récemment, nous avons mené des consultations à travers le Canada à ce sujet. Sur notre site web se trouvent des lignes directrices qui indiquent comment les organisations peuvent solliciter le consentement explicite des consommateurs. Ce n’est ni impossible ni difficile. Il existe des lignes directrices, et on peut le faire sans recourir à des formulaires très compliqués.
J’aimerais souligner un autre point. Les données financières sont délicates et nécessitent le consentement explicite. Il y a de la jurisprudence à ce sujet. Ce n’est donc pas simplement une question de savoir si la personne veut obtenir le consentement ou non. Le consentement est requis. Le risque dépend des détails, à savoir comment le système fonctionnera et comment établir des mesures ou des normes pour veiller à ce que le consentement puisse être donné de façon efficace dans le système bancaire ouvert.
Le sénateur Dagenais : J’ai maintenant une question qui s’adresse à M. Brazeau.
Monsieur Brazeau, dans vos remarques liminaires, vous avez parlé du besoin d’être compétitif. Vous savez que les Américains tournent le dos en ce moment au système bancaire. D’ailleurs, je crois que la majorité du commerce se fait avec les Américains, nos voisins du Sud. Sur le plan international, savez-vous qui va tirer profit du système bancaire ouvert que nous voulons mettre en place? Vaut-il la peine de procéder rapidement?
M. Brazeau : Pour faire suite à la discussion que nous avons eue aujourd’hui sur le caractère urgent, le fait de procéder rapidement est important. Les dynamiques du marché aux États-Unis sont assez différentes. On compte aux États-Unis plus de 1 000 banques, alors que le marché canadien est nettement plus concentré. On dit qu’un des piliers politiques pour le ministère est la question de la concurrence et de l’efficience.
On reconnaît aussi que les Canadiens ont un niveau de confiance élevé envers leurs institutions financières. Nous croyons que les institutions financières actuelles s’en tireront bien dans le cadre d’un système bancaire ouvert. On entend dire aussi que, sans l’accès aux données, la survie des petites institutions financières sera impossible.
L’objectif du gouvernement avec le système bancaire ouvert est de veiller à ce que tous les joueurs puissent y participer, tout en étant à l’affût des effets inattendus, comme la question des grandes compagnies de technologie qui auraient accès à ces données, ce qui pourrait renforcer leur position sur le marché. Ce sont toutes des questions sur lesquelles nous nous penchons en ce moment. Vous dire qu’on a la réponse à toutes ces questions serait vous mentir; toutefois, elles sont à l’étude.
Le sénateur Dagenais : Merci beaucoup.
[Traduction]
Le sénateur C. Deacon : J’abonde dans le sens de ce que le sénateur Wetston a dit sur le fait qu’il nous faut changer les choses ou les règles du jeu. Une approche linéaire ne permet peut-être pas de suivre le rythme des changements qui ont déjà cours. Le fait est qu’on traite avec un ministère gouvernemental, un organisme gouvernemental, que les choses se passent entre gouvernements, alors que le monde bouge rapidement autour de nous.
Vous savez où nous en sommes. Sur quoi nous recommanderiez-vous de nous concentrer dans notre rapport? Qu’est-ce qui vous préoccupe le plus et comment pouvons-nous vous aider?
Mme Ryan : Merci, monsieur le sénateur. Nous avons vraiment très hâte de voir votre rapport. Vous avez entendu les témoignages de nombreuses personnes et de nombreuses entreprises. Nous souhaitons que les autorités comprennent la priorité à accorder à ces questions, tant dans les domaines où vous voyez toutes sortes de problèmes actuellement — et nous vous avons parlé de quelques-uns aujourd’hui — que dans ceux sur lesquels nous devrions nous concentrer plus tard.
Pour ce qui est des questions de législation, de surveillance réglementaire, de normes fondées sur les principes ou de normes davantage consacrées par l’usage, il faut déterminer là où il faut commencer, l’ordre, la priorité et l’organisation du règlement d’un très grand nombre de questions qui se présentent à nous, là où on peut adopter une approche sectorielle et là où nous devrions plutôt, comme vous le dites, prendre du recul et examiner nos lois d’application générale qui s’appliquent à tous les secteurs. Voilà le genre de questions sur lesquelles nous nous penchons. Dans la mesure où vous pouvez donner une meilleure idée du sentiment d’urgence et du consensus qui se dégagent de vos auditions, nous sommes très intéressés à voir votre rapport.
M. Brazeau : J’ajouterai que votre voix donnera énormément de visibilité à cette question tant au niveau gouvernemental qu’administratif. C’est extrêmement important.
Au gouvernement, les choses se font normalement en vase clos, mais, vous, vous avez la capacité de faire les choses autrement. Nous travaillons au ministère des Finances, mais nous comprenons que la question doit être traitée dans un contexte gouvernemental plus large également. Vous avez parlé avec des responsables d’autres ministères qui sont aux prises avec des problèmes différents, mais vous pouvez rassembler toute cette information pour obtenir une vue d’ensemble. Votre opinion sur la nécessité de traiter la situation dans son ensemble et de réfléchir de façon novatrice nous est très utile.
Mme Ryan : Permettez-moi un commentaire de plus, monsieur le sénateur. Si votre rapport est rédigé de façon à être facilement compréhensible pour la population générale, vous aiderez d’autant plus à obtenir la participation de tous pour régler cette question.
Le sénateur C. Deacon : Je me demande s’il y a quelque chose de...
M. Smolynec : Merci beaucoup. Selon nous, il serait souhaitable que vous repreniez une déclaration faite dans votre rapport sur le projet de loi C-74, à savoir que les lois canadiennes sur la protection de la vie privée doivent être mises à jour et adaptées aux normes mondiales. C’est une bonne chose que de réclamer une réforme des dispositions législatives sur la protection de la vie privée, y compris des pouvoirs accrus et des dispositions fondées sur les droits. De plus, c’est tout particulièrement utile de demander que le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada participe à l’élaboration des normes applicables à un système bancaire ouvert, sur le plan de la protection de la vie privée, et à la surveillance du système même.
Le sénateur C. Deacon : Et vous voulez que la priorité soit accordée aux efforts que vous déployez à cet égard, n’est-ce pas? Pour bouger rapidement.
M. Smolynec : Oui, oui.
Le sénateur C. Deacon : Merci.
La sénatrice Stewart Olsen : J'ai encore seulement deux ou trois questions. Nous avons un des meilleurs ministères des Finances au monde et je ne suis pas certaine des raisons pour lesquelles — et c’est une hérésie, je le sais — nous avons besoin de toutes ces consultations publiques. Vous, au ministère, vous savez ce qu’il faut faire. Vous savez comment gérer ces choses correctement. Vous avez très bien géré toutes ces questions pour nous depuis des années.
Vous parlez de dispositions législatives habilitantes, et cela me préoccupe. Selon moi, il y a peut-être moyen d’avancer sans passer par un long processus législatif. Vous devriez peut-être agir maintenant, au lieu de faire encore plus de consultations. Même si la protection accordée est temporaire, nous devons aller de l’avant. Je ne vois aucune autre façon de faire. Nous pouvons continuer ainsi pendant encore un an, un an et demi. Entretemps, de plus en plus de Canadiens risquent de voir leurs renseignements personnels compromis.
Que pensez-vous d’une mesure de protection temporaire qui pourrait apaiser certaines de nos craintes et protéger assurément les Canadiens?
M. Brazeau : Nous sommes certainement intéressés à connaître vos points de vue sur la forme que cette mesure pourrait prendre. Là encore, nous reconnaissons bel et bien qu’un sentiment d’urgence existe. Nous voulons consulter encore le secteur privé sur les conditions de la mise en œuvre d’un système bancaire ouvert. Nous pouvons peut-être changer d’optique et orienter les consultations sur la forme que devrait prendre la mise en œuvre et commencer à proposer des solutions. Nous ne chercherions pas tant à connaître l’opinion des gens sur la question qu’à leur faire savoir que nous reconnaissons l’existence du problème. Maintenant que pouvons-nous faire de façon constructive ensemble pour progresser, que ce soit le gouvernement qui utilise certains de ses pouvoirs, ou le secteur privé, qui va mettre les mesures en œuvre? Des mesures provisoires ne seraient certainement pas malvenues, mais il nous faudrait travailler avec l’industrie pour les trouver.
La sénatrice Stewart Olsen : Vous êtes des experts, et l’industrie, de son côté, cherchera toujours à aller de l’avant par elle-même. Je m’arrêterai là. Merci.
Le président : Madame et messieurs les témoins, je vous remercie beaucoup. Vos témoignages ont été très éclairants. Comme je vous l’ai dit en privé avant la réunion, vous êtes notre « équipe de nettoyage ». Nous avons entendu de nombreux...
La sénatrice Wallin : De la façon la plus agréable possible.
Le président : En qualité de Calgarien, je connais l’importance d’une équipe de nettoyage, pensons à la parade du Stampede de Calgary. C’est important. Je ne veux pas dire que nous avons le même nettoyage à faire ici.
Je dirai simplement que votre participation est très utile. Nous sommes bien conscients que nous avons ici une occasion unique d’essayer d’aider à élaborer une conclusion importante pour le travail sur lequel vous vous êtes tous penchés. Vos interventions ont été très claires. Vous semblez bien comprendre le ton que nous donnerons probablement à nos travaux. Nous arrivons au terme de notre rapport. Nous le déposerons en juin, et j’espère qu’il vous sera utile. Merci de votre contribution.
(La séance se poursuit à huis clos.)