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NFFN - Comité permanent

Finances nationales

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES FINANCES NATIONALES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 15 mai 2019

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales, auquel a été renvoyé le projet de loi S-246, Loi modifiant la Loi autorisant certains emprunts, se réunit aujourd’hui à 18 h 51 pour étudier le projet de loi, puis, à huis clos, pour étudier un projet d’ordre du jour (travaux futurs).

Le sénateur Percy Mockler(président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je m’appelle Percy Mockler. Je suis un sénateur du Nouveau-Brunswick et président du comité. Je souhaite la bienvenue à tous ceux qui sont avec nous dans la salle et tous les spectateurs dans le pays qui nous regardent à la télévision ou en ligne. Je rappelle à tous les spectateurs que les séances du comité sont ouvertes au public et disponibles également en ligne à sencanada.ca.

[Français]

Je demanderais maintenant aux sénateurs de se présenter.

[Traduction]

Le sénateur Boehm : Peter Boehm, Ontario.

[Français]

Le sénateur Pratte : André Pratte, du Québec.

Le sénateur Forest : Éric Forest, de la région du Golfe, au Québec.

[Traduction]

Le sénateur Klyne : Marty Klyne, Saskatchewan.

Le sénateur D. Black : Rob Black, Ontario.

La sénatrice Forest-Niesing : Josée Forest-Niesing, du Nord de l’Ontario.

La sénatrice Eaton : Nicky Eaton. Heureuse de vous voir, sénateur Day.

La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, Terre-Neuve-et-Labrador.

[Français]

Le président : J’aimerais vous présenter la greffière du comité, Gaëtane Lemay, ainsi que nos deux analystes, Alex Smith et Shaowei Pu qui, ensemble, appuient les travaux de notre comité.

[Traduction]

Nous entreprenons aujourd’hui notre étude du projet de loi S-246, Loi modifiant la Loi autorisant certains emprunts. Ce projet de loi a été présenté au Sénat le 1er mars 2018 par notre collègue, le sénateur Day. Il a fait l’objet d’une deuxième lecture le 27 novembre et a été renvoyé à ce comité ce jour-là.

Aujourd’hui, notre premier témoin pour cette étude est le parrain du projet de loi, le sénateur Joseph Day.

[Français]

En qualité de président du Comité sénatorial des finances nationales, je tiens à vous remercier, sénateur Day, de vos efforts inlassables et du leadership dont vous avez fait preuve à ce comité pendant 10 ans. L’année 2020 sera pour vous une année charnière, car vous allez quitter le Sénat canadien. Je vous remercie de votre grande contribution au Nouveau-Brunswick et au Canada et de votre leadership à titre de sénateur du Nouveau-Brunswick et, aujourd’hui, de leader des libéraux indépendants au Sénat du Canada.

J’ai toujours eu du respect pour vous ainsi que votre épouse, qui a déjà été députée et ministre à l’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Monsieur le sénateur, vous êtes le parrain et le premier témoin. Chers collègues, le sénateur Day présentera des observations préliminaires qui seront suivies par des questions qui lui seront posées directement.

[Français]

L’honorable Joseph A. Day, parrain du projet de loi : Merci beaucoup pour vos bons mots et merci, honorables sénateurs, de nous avoir donné le temps d’étudier le projet de loi S-246.

[Traduction]

Chers collègues, je tenterai de suivre mon discours de mon mieux. Je m’intéresse à ce dossier en particulier depuis un certain temps déjà. Ce projet de loi a pour objet de protéger l’institution du Sénat et les droits des sénateurs dans leur rôle, ce dont je parlerai au fur et à mesure de mes observations sur ce projet de loi d’initiative parlementaire.

Je vous remercie de me permettre de comparaître. Nous avons entrepris ce dossier depuis un certain temps déjà, mais avons l’occasion maintenant d’y donner suite, et je vous en suis reconnaissant.

Je ne saurais prétendre que je suis le seul auteur de ce dossier en particulier. Il prend fortement appui sur les travaux de nos anciens collègues, le sénateur Murray et le sénateur Moore. D’autres sénateurs ont aussi contribué par le passé, et le sénateur Banks y a participé.

Depuis 2008, périodiquement, les sénateurs Moore et Murray ont tous deux présenté des projets de loi semblables. De fait, durant toute la période au cours de laquelle ils ont été sénateurs, chacun d’entre eux a présenté trois projets de loi dans le même ordre d’idées que celui-ci. Pour diverses raisons, ces projets de loi ont expiré au moment de la prorogation, ce qui arrive parfois.

Si nous ne traitons pas du projet de loi avant la fin de cette session particulière, avant les élections, il nous faudra repartir à zéro. C’est logique, car il est important de débattre de cette question afin de veiller à ce que nous ayons un bon soutien. J’espère que nous pourrons faire avancer ce dossier pour pouvoir le renvoyer à la Chambre des communes en déclarant notre position.

Pour commencer, je crois qu’il est important de revoir un peu le contexte historique. Je n’ai pas l’intention de répéter ce que j’ai dit dans des discours à la Chambre sur l’historique du dossier. Je vous invite à y jeter un coup d’œil si cette question particulière vous interpelle. Je vais vous donner certains faits de base, pour que nous puissions tous savoir ce qui a eu lieu et vers quoi, je crois, nous devrions nous diriger.

Tout d’abord, le pouvoir du Parlement sur les deniers publics est un élément fondamental de notre système. C’est le Parlement qui autorise les dépenses et c’est le Parlement qui détermine la façon dont cet argent est prélevé. Traditionnellement — et j’entends par cela depuis la Confédération ou même avant —, quand les dépenses projetées du gouvernement pour une année en particulier étaient supérieures aux recettes prévues, fiscales et autres, le gouvernement demandait au Parlement la permission ou le pouvoir d’emprunter la différence. Ce pouvoir était conféré généralement par ce que nous appelons un projet de loi de crédits. Vous êtes encore saisis de tels projets de loi, mais à l’époque, ceux-ci contenaient le pouvoir d’emprunter.

Au fur et à mesure que la complexité des finances publiques s’est accrue, le Président de la Chambre des communes a ordonné que la disposition autorisant l’emprunt soit retirée d’un projet de loi de crédit et débattue individuellement. Selon ce Président de la Chambre des communes, inclure cet article dans le projet de loi de crédit signifiait que celui-ci ne pouvait être débattu correctement; il était tout simplement perdu. Vous savez comment cela peut arriver.

C’était en 1975. À partir de ce moment-là, chaque fois que le gouvernement voulait emprunter de l’argent, il devait déposer au Parlement un projet de loi distinct appelé projet de loi d’emprunt. Cette exigence est inscrite au paragraphe 43(1) de la Loi sur la gestion des finances publiques.

Comme les déficits ont été chose courante pendant de nombreuses années depuis 1975 environ, au moins un projet de loi d’emprunt a été déposé chaque année. Ces projets de loi étaient généralement traités très rapidement. Je vais vous donner un exemple. Un projet de loi déposé était en deuxième lecture un jour environ, renvoyé en comité, puis probablement adopté au cours de la semaine. Ces projets de loi faisaient l’objet de ces lectures très rapidement parce qu’ils étaient étudiés conjointement avec le projet de loi de crédits.

Le comité se réunissait au sujet d’un tel projet de loi, puis transmettait celui-ci. En 1996, c’était le projet de loi C-10, et celui-ci a été le dernier projet de loi d’emprunt traditionnel que le Parlement a adopté. Je vais vous expliquer pourquoi.

De 1975 à 1996, ce genre de projet de loi a été déposé indépendamment du projet de loi de crédits, mais de concert avec celui-ci.

Les sénatrices Bellemare et Moncion ont noté que, entre 1996 — date du dernier projet de loi, comme je l’ai mentionné — et 2007, il n’y a pas eu de projet de loi d’emprunt. Le 8 novembre 2018, prenant la parole au sujet de mon projet de loi, la sénatrice Moncion a précisé :

Entre 1996 et 2007, le Parlement n’a jamais examiné le pouvoir d’emprunt du gouvernement.

C’est tout à fait vrai. Il n’y a eu aucun projet de loi d’emprunt durant cette période.

Et le 1er mai, la sénatrice Bellemare m’a posé la question suivante au sujet de l’exigence dans la Loi sur la gestion des finances publiques concernant les projets de loi d’emprunt :

Saviez-vous que, de 1996 à 2007, jamais la loi antérieure n’a été appliquée?

C’est vrai, mais pensez un peu à la raison. Le gouvernement n’avait pas besoin de projets de loi d’emprunt parce qu’il avait des excédents. Un gouvernement ne dépose pas habituellement un projet de loi pour faire approuver un excédent. Ceux-ci sont fort bienvenus. Il n’était pas nécessaire de faire des emprunts, et c’est la réponse à ces points qui ont été soulevés à la deuxième lecture avant que nous soyons saisis de ce projet de loi.

Comme cela a été mentionné à la page 158 du plan budgétaire de 1998, en 1997-1998, le gouvernement fédéral allait équilibrer son budget pour la première fois depuis 1969-1970. Si le gouvernement avait un budget équilibré, il n’avait pas besoin d’emprunter de l’argent, et c’est la raison pour laquelle, comme je l’ai précisé, il n’y a pas eu de projet de loi d’emprunt. Cependant, en 2007, le gouvernement a changé la façon dont les déficits et les exigences fiscales seraient traités dorénavant.

À la page 295 du plan budgétaire de 2007, le gouvernement projetait :

[...] un excédent sous-jacent [...] de 10,6 milliards en 2007-2008 [...]

Cependant, à la page 353, il était dit :

Le gouvernement propose de modifier la LGFP pour qu’elle garantisse une transparence et une responsabilité accrues à l’égard de ses activités d’emprunt, tout en lui conférant davantage de souplesse pour combler ses besoins d’emprunt futurs [...]

Ainsi, transparence, responsabilité et souplesse accrues pour le gouvernement. Quand un gouvernement, quelle que soit son allégeance politique, promet des changements visant à améliorer la transparence et la responsabilité, ainsi qu’à permettre aux choses de se dérouler plus aisément, je crois qu’on devrait accorder une attention toute particulière à cette promesse.

Par le passé, des promesses semblables se sont soldées par des déceptions, ce qui a été le cas de celle-ci. À l’époque, le gouvernement a glissé dans le projet de loi omnibus d’exécution du budget de 2007 — le C-52 — la courte phrase suivante à l’article 43.3 :

Le gouverneur en conseil peut autoriser le ministre à contracter des emprunts pour le compte de Sa Majesté du chef du Canada.

Aucune autre explication n’a été donnée. Le gouverneur en conseil — le Cabinet — peut autoriser le ministre à emprunter de l’argent au nom de Sa Majesté du chef du Canada. Le Parlement n’a aucun rôle là-dedans.

Ainsi, le gouvernement, sur la seule autorisation du Cabinet, pouvait emprunter n’importe quel montant sans demander au Parlement la permission ou le pouvoir de le faire. Jusqu’à ce que ce changement ait été apporté, la Loi sur la gestion des finances publiques limitait le pouvoir d’emprunt du gouvernement au refinancement des emprunts existants, ce qui est logique, puisqu’ils avaient été approuvés précédemment, et à des emprunts temporaires d’une période ne dépassant pas six mois. Mais, avec ce nouvel article 43.1, il n’y avait aucune limite à ce qu’un ministre pouvait emprunter.

Comme je l’ai expliqué, ce petit article du projet de loi omnibus d’exécution du budget s’est glissé dans les deux chambres sans faire l’objet d’une attention ou d’un débat. Ce n’est que quelque temps après que la sanction royale a été accordée au projet de loi d’exécution du budget que feu notre collègue, le sénateur Banks, a remarqué ce qui était arrivé. Il a attiré mon attention là-dessus parce que j’étais, comme notre président l’a mentionné, le président du comité des finances à l’époque, ainsi que président du caucus.

Il a aussi attiré immédiatement l’attention du sénateur Lowell Murray. Le sénateur Murray était le leader du gouvernement au Sénat sous le premier ministre Mulroney et avait lui-même présidé ce comité pendant de nombreuses années.

Le sénateur Murray et moi avons tous deux été très surpris et déçus de ce que le sénateur Banks nous a signalé. Nous étions déçus de n’avoir pas remarqué cet article quand le projet de loi est passé par le comité et les diverses lectures à la Chambre, et surpris que le gouvernement ait fait une telle chose.

Le sénateur Murray a vite déposé un projet de loi pour rétablir le pouvoir du Parlement sur les emprunts du gouvernement. Pour ceux que ce dossier intéresse, son discours à la deuxième lecture du projet de loi, le 10 juin 2008, mérite d’être lu. Malheureusement, ce projet de loi est mort à la prorogation, comme je l’ai mentionné. D’autres projets de loi ont été déposés par le sénateur Murray, puis le sénateur Moore qui a pris la relève après que le sénateur Murray a pris sa retraite.

Enfin, le gouvernement actuel du premier ministre Trudeau a abrogé cet article, mais, comme je l’ai expliqué lors de mon discours de deuxième lecture le 1er mai 2018, la façon dont cette abrogation s’est effectuée n’a pas été ce qu’on nous avait dit qu’elle serait ni ce que nous espérions. Sans entrer dans les détails, je vous donne un bref résumé de ce qui s’est passé.

Dans le projet de loi d’exécution du budget de 2016, no 1, le projet de loi C-15, l’article 182 abrogeait l’article fatidique 43.1. Mais, ce nouvel article d’abrogation n’a jamais fait l’objet d’une loi. Il a été adopté, puis est resté en suspens, sans jamais être mis en œuvre.

L’année suivante, le projet de loi d’exécution du budget, le C-44, a été adopté et, pour empirer les choses, quand l’article 43.1 a finalement été abrogé, un an après l’adoption d’une loi visant son abrogation, il a été immédiatement remplacé par un autre article dans un autre projet de loi d’exécution du budget, qui semblait conférer au gouvernement le même pouvoir que lui conférait l’article d’un an plus tôt quoiqu’avec quelques failles.

À la page 290 du projet de loi C-44, la page 66 de la section 2 du projet de loi omnibus d’exécution du budget, sous la rubrique « Dette publique », il y avait une nouvelle loi : la Loi autorisant certains emprunts. On a la Loi sur la gestion des finances publiques, et maintenant, une nouvelle loi à l’intérieur de la Loi d’exécution du budget; donc, une loi à l’intérieur d’une loi. L’article 3 de la Loi autorisant certains emprunts autorise le ministre des Finances à contracter des emprunts au nom du gouvernement — un peu comme le faisait l’ancien article 43 — donnant ainsi au Cabinet l’autorisation de contracter des emprunts. Maintenant, le ministre des Finances peut emprunter de l’argent.

La Loi autorisant certains emprunts comportait deux nouveaux détails. Je répète, la nouvelle Loi autorisant certains emprunts était contenue dans la Loi d’exécution du budget. Tout d’abord, l’article 4 de la nouvelle loi établissait une limite supérieure; ainsi, le gouvernement déclarait qu’il y aurait un plafond. Nous pouvons emprunter jusqu’à concurrence de cette limite, mais quand on l’atteint, il faut revenir devant le Parlement. C’était la première chose ajoutée.

Deuxièmement, il était prévu que le Parlement présenterait un rapport triennal. Tous les trois ans, il serait tenu de présenter un rapport sur les emprunts. Il était dit que la dette globale du gouvernement et des sociétés mandataires contractée sur les marchés s’élèverait à 1,070 billion de dollars d’ici la fin de l’exercice 2019-2020. La limite supérieure était plafonnée à 100 milliards de dollars de plus, ce qui permettait au gouvernement, au sens de cette nouvelle loi, d’emprunter 100 milliards de dollars de plus sans avoir à demander l’autorisation du Parlement. Cela représenterait environ trois années, selon le déficit accusé. Il était important que ces nombres comprennent la dette totale combinée du gouvernement et des sociétés mandataires.

Pure coïncidence, je suppose, le premier rapport triennal sur les emprunts du gouvernement ne pourra être examiné par le Parlement ou le public avant bien après la prochaine élection. C’est le problème des cycles de trois ans pour ce genre de choses par opposition à un an, comme pour toutes les autres questions fiscales.

Mon projet de loi changerait la façon dont le gouvernement traite avec le Parlement en matière de fiscalité. Tout d’abord, même si la limite supérieure des emprunts est déjà approuvée par le Parlement, si le gouvernement souhaite contracter un emprunt une année donnée, il devra quand même obtenir l’autorisation du Parlement, mais seulement s’il accuse un déficit. Dans ce cas, il sera tenu d’obtenir l’approbation du Parlement.

Deuxièmement, au lieu de ne faire rapport que tous les trois ans, il devra présenter un rapport annuel sur la dette accumulée, le montant qu’il veut emprunter et la raison pour laquelle il souhaite le faire.

On pourrait se demander pourquoi il est si important que le gouvernement demande la permission du Parlement tous les ans s’il veut emprunter de l’argent maintenant que le Parlement a déjà approuvé la limite supérieure, qui est de 1,168 billion de dollars. J’explique comment le gouvernement est arrivé à ce nombre magique.

Pour répondre à une telle question, j’aimerais citer ce qu’a dit le sénateur Murray dans un de ses discours :

Par le passé, quand on accusait des déficits, il y avait au moins un projet de loi portant pouvoir d’emprunt chaque année financière.

Ceux-ci représentaient une occasion pour le Parlement de débattre des questions de gestion financière, de stratégie économique et de stratégie d’emprunt. C’était le pivot permettant aux parlementaires de parler au gouvernement de ces questions. C’était une autre occasion pour le gouvernement de rendre des comptes au Parlement.

Le gouvernement précédent avait eu tort, en 2007, d’accorder au Cabinet le pouvoir sans réserve de contracter des emprunts sans une approbation parlementaire. C’était inacceptable. Pour paraphraser le sénateur Murray, c’était une façon pour le gouvernement d’éliminer un des aspects dont il devrait rendre compte au Parlement.

En 2017, pour modérer ce pouvoir, le gouvernement actuel a ajouté l’exigence de rapports et la limite supérieure globale. C’était une amélioration, mais, à mon avis, insuffisant. Je vous précise qu’il n’y a pas eu de discussion. Ce dossier existait bien des années avant le budget de 2017. Or, il n’y a eu de discussion avec aucune des personnes qui avait déposé un de ces projets de loi d’initiative parlementaire pour corriger la situation. Rien de la part du gouvernement pour dire qu’il avait rectifié cela et expliquer ce qu’il avait fait, ce qui, à mon avis, est insatisfaisant.

Il faut rétablir la relation traditionnelle entre le gouvernement et le Parlement pour les emprunts publics, une relation qui, comme je l’ai mentionné, remonte à avant la Confédération. Elle remonte très loin. Si le gouvernement a besoin d’emprunter de l’argent une année donnée, il devrait expliquer pourquoi au Parlement. À l’heure actuelle, il n’est tenu de présenter une explication que tous les trois ans, après coup. En trois ans, il se passerait beaucoup de choses dont nous ne serions pas au courant selon la loi actuelle. Cela n’est pas, à mon avis, ce que rendre des comptes au Parlement signifie.

Pour cette raison, je soumets respectueusement à votre considération ce projet de loi d’initiative parlementaire, le projet de loi S-246, qui rétablirait une bonne situation de reddition des comptes. Ce sont là mes observations préliminaires.

Le président : Merci.

La sénatrice Marshall : Merci, sénateur Day, d’être des nôtres ce soir. J’ai deux ou trois questions. Vous parliez de l’historique des changements aux lois.

Dans sa campagne électorale en 2015, le gouvernement actuel s’était engagé spécifiquement, et je cite :

Nous [...] obligerons le gouvernement à soumettre tout plan d’emprunt au vote de la Chambre.

Il a fait le changement, ne convenez-vous pas qu’il a respecté son engagement?

Le sénateur Day : Ce n’est pas cet engagement qui nous intéresse, et dans « nous » j’inclus tous ceux qui sont à cette table du comité des finances nationales. Il ne s’est rien passé pendant un certain temps. Nous avions le projet de loi d’initiative parlementaire. Le ministre des Finances a déclaré : « J’ai corrigé tout ça pour vous. » Puis, nous avons vu le projet de loi d’exécution du budget où une des dispositions déclarait l’abrogation de l’article 43.1, et ramenait les choses à ce qu’elles étaient auparavant. Il fallait obtenir l’autorisation parlementaire. S’ils s’en étaient tenus à ça, déclarer simplement cela, ça aurait été parfait.

Cependant, cette disposition particulière du projet de loi d’exécution du budget qui respectait la promesse du premier ministre et la promesse du gouvernement avant la dernière élection n’a été mise en vigueur qu’un an plus tard. À ce stade, un autre article permettant que la même chose se produise a été ajouté.

Cette étape suivante n’a fait l’objet d’aucune consultation. Il n’y a eu aucune discussion concernant la limite supérieure ni concernant les rapports triennaux. Ces deux choses — avec l’ajout d’un article du type 43.1 autorisant le gouvernement à contracter des emprunts sans l’autorisation du Parlement, et l’autorisation n’étant pas plus que « nous avons approuvé la limite supérieure, et nous n’y sommes pas encore » — ne nous offrent aucune occasion de débattre de la question.

La sénatrice Marshall : Alors, vous n’avez pas retiré la limite supérieure de 1,68 milliard de dollars, n’est-ce pas? Si votre loi est adoptée, cette limite supérieure n’est pas retirée. Pourquoi l’avez-vous laissée? S’il faut revenir tous les ans obtenir l’autorisation d’emprunter, à quoi sert cette limite supérieure?

Le sénateur Day : À vrai dire, c’est le ministre des Finances et le gouvernement actuel qui ont décidé de garder cette limite supérieure. Je ne crois pas que nous en ayons besoin. Je ne crois pas que ce soit nécessaire ni souhaitable, mais il faut avoir quelque chose là jusqu’à ce que l’autre partie soit réglée. Je ne voulais pas rendre les choses plus difficiles qu’il le faut. Si le gouvernement qui l’a adoptée sans consultation souhaite la retirer, ce n’est pas moi qui présenterais un projet de loi d’initiative parlementaire.

La sénatrice Marshall : Quand la Loi autorisant certains emprunts a été adoptée, il y avait dans la Loi sur la gestion des finances publiques l’article 46.1 et je me demande si votre projet de loi changera cela. C’est un article qui porte sur les situations d’urgence. Au titre de la Loi sur la gestion des finances publiques, l’article 46.1 autorise le gouverneur en conseil à autoriser le ministre à contracter des emprunts dans le cas de circonstances exceptionnelles. Votre projet de loi changera-t-il cela?

Le sénateur Day : Non. Je n’avais pas l’intention d’enlever au gouvernement ce pouvoir discrétionnaire en situation d’urgence. Il y a aussi le refinancement des emprunts qui a déjà fait l’objet d’un débat et a été approuvé. Il n’y a aucune raison pour les parlementaires de participer au refinancement et ce sera la même chose que l’article 46 de la loi.

Le sénateur Pratte : J’essayais de me souvenir du débat sur le projet de loi C-44 au cours duquel vous avez soulevé cette question. Je crois que le parrain du projet de loi C-44 était le sénateur Woo, si je ne m’abuse. Je me souviens qu’il y a eu un débat là-dessus. J’essaie de me souvenir des arguments du gouvernement en faveur de ce qui a été adopté en 2017. Pouvez-vous nous rappeler les arguments du gouvernement et votre réponse à ces arguments?

Le sénateur Day : Si je me souviens bien — et nous entendrons des personnes du gouvernement plus tard —, ces amendements ont offert une souplesse et la possibilité de gérer les choses plus facilement. Le gouvernement n’avait pas à revenir tous les ans, mais tous les trois ans. Et la limite supérieure lui donnait une marge de manœuvre suffisante pour contracter des emprunts sans avoir à s’adresser au Parlement.

Les dispositions qui facilitent la tâche aux fonctionnaires ne sont pas toujours dans l’intérêt de la surveillance parlementaire.

Le sénateur Pratte : J’ai été frappé par quelque chose. C’est une question de traduction, peut-être, et les greffiers législatifs pourraient se pencher là-dessus, mais en anglais, il est dit que :

Le ministre peut, en conformité avec les lois fédérales [...]

Si je comprends bien, cela veut dire, tous les ans, le Parlement devra voter pour accorder au gouvernement ce pouvoir de contracter des emprunts. Ai-je raison?

Le sénateur Day : Vous avez raison.

[Français]

Le sénateur Pratte : En français, et je cite : « Le ministre peut, en conformité avec les lois fédérales [...] ».

[Traduction]

En anglais, il s’agit d’une loi du Parlement.

[Français]

En français, et je cite : « [...] en conformité avec les lois fédérales [...] ».

[Traduction]

Je suppose que la traduction est exacte, mais à mon avis, cela ne veut pas dire exactement la même chose.

Le sénateur Day : Et « les lois » pourraient comprendre les lois concernant le refinancement des emprunts ainsi que les nouveaux emprunts, ce qui représenterait une nouvelle loi sur les emprunts qui porte sur une nouvelle situation d’emprunt particulière. Il y a d’autres dispositions, comme les situations d’urgence et le refinancement.

[Français]

Les lois recoupent peut-être ces situations.

[Traduction]

Le sénateur Pratte : Dans votre réponse à la sénatrice Marshall, vous dites que l’article 4 portant sur la limite supérieure n’est pas vraiment nécessaire. Si l’on suit votre raisonnement et le fait que vous tentez de rendre au Parlement ce pouvoir concernant les emprunts du gouvernement, cette limite supérieure n’est pas nécessaire.

Le sénateur Day : Elle ne serait pas nécessaire, mais c’est un autre outil offert.

Le sénateur Pratte : Merci beaucoup.

La sénatrice Eaton : Sénateur Day, je suis essentiellement d’accord avec vous, dans ce que vous dites et ce que vous essayez de faire avec ce projet de loi. Une chose m’interpelle, cependant. Si le gouvernement était minoritaire, sachant à quel point l’autre chambre peut être partisane, qu’arriverait-il si le Parlement refuse l’autorisation de contracter des emprunts? Le gouvernement tombe-t-il? Est-ce la même chose que dans le cas d’un projet de loi d’exécution budgétaire?

Le sénateur Day : Je ne dirais pas que c’est une question de confiance, à moins que le gouvernement ne le déclare une question de confiance pour tenter de mobiliser l’équipe. Mais cela pourrait dire qu’une initiative ou deux envisagées par le gouvernement ne verraient pas le jour parce qu’il ne dispose pas des fonds nécessaires.

La sénatrice Eaton : Il faudra probablement faire des changements, mais le gouvernement ne chuterait pas forcément.

Le sénateur Day : C’est mon avis.

[Français]

La sénatrice Forest-Niesing : Merci à vous, sénateur Day, d’être ici aujourd’hui et d’accepter de répondre à nos questions.

Je suis, comme ma collègue, tout à fait à l’aise avec votre proposition, à l’exception d’une petite préoccupation, qui est celle-ci : partagez-vous mon inquiétude en ce qui a trait au fait d’exiger l’approbation du Parlement pour un emprunt, qui pourrait avoir un effet négatif ou limiter la rapidité avec laquelle des fonds pourraient être accessibles dans des situations urgentes ou imprévues?

Le sénateur Day : J’espère que non. Si la loi est claire, c’est comme un approvisionnement chaque année. Il est bien évident qu’on doit adopter ces projets de loi pour que le gouvernement fonctionne. C’est la même chose si le gouvernement doit obtenir de l’argent en contractant un emprunt. À titre de parlementaires, nous sommes bien au courant de ce fait et nous sommes prêts à adopter le projet de loi aussi rapidement que possible.

[Traduction]

La sénatrice Forest-Niesing : En ce qui concerne la limite supérieure, celle-ci est stipulée précisément et, si je comprends bien votre réponse de plus tôt, personne ne cherche à changer ce montant; donc, nous n’avons pas besoin de nous en préoccuper.

Cependant, je me demande si on y a pensé. D’après votre exposé qui nous a indiqué la mesure dans laquelle les changements importants comme celui que vous proposez peuvent prendre du temps, et compte tenu de cela ainsi que des montants et du changement de valeur avec le temps si ces montants restent les mêmes, les conséquences non prévues sont une réduction.

Le sénateur Day : L’effet de l’inflation.

La sénatrice Forest-Niesing : A-t-on pensé à la possibilité de maintenir le montant tel quel, mais dans un règlement qui peut alors être mis à jour plus facilement pour tenir compte de l’inflation et des considérations actuarielles?

Le sénateur Day : On s’éloignerait de nouveau de la surveillance parlementaire. J’essaie d’aller dans le sens opposé, de créer pour les parlementaires des outils leur permettant d’exercer leur surveillance.

Le sénateur Boehm : Je passe mon tour, parce que ma question a été posée et je suis satisfait de la réponse.

[Français]

Le sénateur Forest : Je crois que c’est une proposition législative fort intéressante. La première question que je me pose... Je fais référence à mon ancienne vie en politique municipale parce que, quand on faisait un emprunt, il fallait adopter un règlement d’emprunt. Dans ce cas-ci, nous étudions le projet de loi C-97, qui est le budget de 2019-2020.

Le projet de loi C-97 que nous étudions — et on verra bien si nous l’adoptons — est un budget qui comporte un déficit de 19,8 milliards de dollars.

Dans mon esprit, si nous adoptons le budget, nous autorisons implicitement le gouvernement à emprunter 19,8 milliards de dollars. Peu importe la raison d’un déficit, selon vous, est-ce que le projet de loi fait en sorte que, à la fin de l’année, si par exemple le résultat n’était pas un déficit de 19,8 milliards, mais de 22,8 milliards, le gouvernement aurait alors besoin d’une résolution parlementaire pour entériner le déficit budgétaire?

À mon avis, dans l’exercice budgétaire, c’est au moment de l’adoption du budget que le Parlement a l’occasion de donner son approbation. À la fin de l’exercice, peu importe la raison, que ce soit l’inflation ou autre chose, si le budget n’est pas respecté, est-ce que c’est à ce moment-là, selon vous, que les parlementaires devraient accepter que le déficit n’ait pas été de 19,8 milliards de dollars, mais bien de 22,8 milliards?

Le sénateur Day : Si ce projet de loi de loi est adopté et que le budget est modifié pendant l’exercice, quelle qu’en soit la raison, l’adoption d’un autre projet de loi sera nécessaire pour combler la différence. C’est, en quelque sorte, une espèce de discipline pour le gouvernement.

Le sénateur Forest : Je crois que cela aura l’avantage d’imposer une plus grande rigueur à l’exercice budgétaire. Aujourd’hui, lorsque nous adoptons un budget déposé en mars, trois mois plus tard nous avons un Budget supplémentaire des dépenses (A), suivi d’un Budget supplémentaire des dépenses (B). Dans un tel cas, l’exercice budgétaire semble moins rigoureux que si nous étions dans une situation où l’on adopte un budget avec un déficit prévu. Si nous excédons ce budget, nous devons revenir devant les parlementaires. À mon avis, cela amènerait de la rigueur.

Le sénateur Day : Je suis d’accord avec cela.

Le sénateur Forest : Lorsque nous adoptons un budget déficitaire, nous autorisons implicitement le gouvernement à emprunter pour combler le déficit prévu au budget. Je suis d’accord pour qu’un rapport sur l’évolution de la situation soit déposé chaque année, car, si on le fait tous les trois ans, nous n’assurons pas de transparence.

L’initiative est, à mon avis, fort intéressante. Je comprends bien le principe selon lequel, si nous adoptons un budget déficitaire, cela signifie que nous autorisons un déficit, et que, si le budget est grevé, il faut revenir devant les parlementaires.

Le sénateur Day : Exactement.

Le président : Vous avez fait une bonne analyse, sénateur Forest.

[Traduction]

La sénatrice Andreychuk : Tout d’abord, j’aimerais m’excuser de mon retard, car j’avais une autre réunion. Vous avez assuré la présidence du Comité des finances et y avez siégé pendant de nombreuses années...

Le sénateur Day : Les plus belles années de ma vie.

La sénatrice Andreychuk : Entre vous et la sénatrice Marshall, c’est très intéressant de siéger à ce comité. Vous avez beaucoup réfléchi à ces questions, et je tiens également à m’excuser pour mon retard.

Avez-vous établi la comparaison avec d’autres pays? J’ai beaucoup entendu dire que nous perdions l’emprise sur les budgets; les gens ne le comprennent pas; la société devient de plus en plus complexe. Avez-vous étudié d’autres systèmes de surveillance parlementaire, puisque essentiellement, c’est de cela qu’il s’agit?

Le sénateur Day : Oui.

La sénatrice Andreychuk : Dans d’autres pays, je veux dire des pays qui font face au même genre de problèmes?

Le sénateur Day : Non. J’aimerais vous dire que je l’ai fait, et peut-être que ce pourrait être un projet intéressant, monsieur le président, d’entreprendre une telle étude à un moment donné.

J’ai comparé les débuts historiques à la situation présente, et j’ai étudié ce qui s’est passé entre les deux — nous avons hérité du système britannique. Tout a commencé à Runnymede. Cela remonte à très longtemps. Et depuis la Confédération, ici au Canada, ce que nous avons accompli jusqu’à ce que ce changement intervienne — et il est intervenu pour des motifs d’efficacité et de fonctionnement plus harmonieux du gouvernement. C’est pour toutes ces raisons, comme je l’ai mentionné, que ce changement n’est pas toujours compatible avec l’intérêt et le rôle des parlementaires.

La sénatrice Andreychuk : Merci.

Le président : Merci.

La sénatrice Duncan : Merci beaucoup. Je dois moi aussi m’excuser d’être arrivée en retard.

J’apprécie votre survol de l’histoire et du chemin que nous avons parcouru jusqu’ici. J’aimerais partager avec vous, si vous me le permettez, et très brièvement, l’exemple du Yukon. En 1987, une entente de financement avec Ottawa, appelée Formule de financement des territoires, est intervenue. Aux termes de cette entente, Ottawa verse aux territoires des transferts fondés sur un horizon de trois ans. Peu après, le chef du gouvernement, le premier ministre, a déposé et fait adopter la Loi sur la protection des contribuables, laquelle stipulait que le territoire ne pouvait accumuler de déficit ni présenter de projet de loi visant la perception d’un nouvel impôt sans passer par un référendum. Telles étaient les dispositions de la Loi sur la protection des contribuables.

C’était une période difficile sur le plan financier, à l’époque où je siégeais au gouvernement. J’ai oublié les détails exacts, mais la sénatrice Marshall et moi-même avons abordé la question de la possibilité d’effectuer un emprunt en donnant en garantie le RPC et d’autoriser les provinces à le faire. Je serais curieuse de savoir où nous en sommes à cet égard.

Je sais que nous l’avons fait. Les gouvernements successifs ont modifié la Loi sur la protection des contribuables sous le couvert de modifier les règles comptables, et ont autorisé le gouvernement d’alors à emprunter en mettant les actifs en garantie et à inscrire les coûts en capital de tous les actifs du territoire de manière à ce que les livres s’« équilibrent ». Je mets ce dernier mot entre guillemets.

Cela va à l’encontre de l’efficacité et de la transparence. Il s’agissait de financer le territoire, et cela permettait également aux sociétés d’État d’accumuler un déficit grâce à ces emprunts mettant les actifs en garantie. Il n’était certainement pas question de vendre les écoles, mais il s’agissait de nouvelles règles comptables, de changements en matière de comptabilité.

Voici ma question : nous empruntons ces millions de dollars, ces milliards de dollars, en contrepartie de quoi? J’aimerais poursuivre sur la lancée de la sénatrice Andreychuk concernant la situation dans d’autres pays. J’aimerais savoir quelles sont les dispositions dans les autres provinces en matière de responsabilité comptable. Et aussi, si vous me le permettez, j’aimerais revenir sur la discussion que j’ai tenue avec la sénatrice Marshall au sujet de ceux qui empruntent en utilisant le RPC comme garantie; j’aimerais savoir combien ils empruntent, et qui surveille les intérêts des contribuables canadiens. Donc, c’est ma question. Merci.

Le sénateur Day : J’aimerais bien, moi aussi, discuter de cette question avec la sénatrice Marshall. Je pense que le principe de ce projet de loi est de mettre entre les mains des parlementaires les outils nécessaires pour vérifier toutes ces choses. Si on procède à un changement dans les règles comptables, pourquoi l’a-t-on fait, et quelles seront les répercussions à long terme de ce changement? Si l’on ne dispose pas des outils, on n’a guère la possibilité d’enquêter sur ces choses, et il faut que l’on exerce une certaine surveillance.

La sénatrice Duncan : Je suis d’accord.

Le sénateur Day : Si nous pouvions y parvenir en les ramenant à l’endroit où nous étions il y a 10 ou 15 ans, je pense que cela nous placerait en bonne position pour surveiller ces points que vous avez soulevés.

La sénatrice Duncan : Merci.

La sénatrice Marshall : Je dois dire que je trouve la discussion très intéressante parce que nous parlons tellement du budget, mais nous n’abordons jamais la question du montant réel en dollars. Tout le monde a les yeux rivés sur le budget. Lorsque les états financiers sont présentés, personne ne s’intéresse à ce qui s’est réellement produit. Nous n’avons d’yeux que pour le futur.

Nous n’abordons pas la question de la dette. La plupart des gens ignorent quel est le montant de la dette du gouvernement. J’ai demandé aux analystes de la Bibliothèque de me fournir l’encours total de notre dette. Je pense que les gens seraient surpris de voir combien notre dette a augmenté au cours des 10 ou 12 dernières années. Vous avez mentionné, sénateur Day, cette époque au cours de laquelle elle avait diminué, mais actuellement, elle grimpe vraiment. D’ici la fin de 2020 — ces chiffres sont établis en fonction des dépenses réelles jusqu’en 2018 et de projections pour les deux prochaines années — elle dépasse de loin mille milliards de dollars.

Je pense que si nous adoptions une loi comme celle que vous proposez, cela forcerait la discussion autour de la dette. Jusque dans les années 1980, on avait l’habitude d’adopter une loi sur les emprunts chaque année. J’ai fait des recherches et j’ai lu certains comptes rendus des débats. En 1985, lorsque le gouvernement a demandé le pouvoir d’emprunter pour ce qu’il jugeait bon de faire, le sénateur Bill Doody — et le sénateur Allan MacEachen, qui était dans l’opposition — avaient eu un échange intéressant et musclé sur la question de la dette. Je pense que nous gagnerions à tenir une telle discussion.

Mais ce n’est pas ma question. Ma question est...

Le sénateur Day : Je suis néanmoins d’accord avec vous.

La sénatrice Marshall : Je tenais seulement à ce que ce soit au compte rendu.

Ce rapport triennal que vous avez mentionné, j’avoue ne pas comprendre. Est-ce que vous en comprenez la logique? Le gouvernement publie un rapport sur la gestion de la dette tous les ans, et il semble que les renseignements qui figurent dans ce rapport sur la gestion de la dette se retrouveront dans le rapport triennal. Je n’arrive pas à faire le lien entre les deux, je me méfie. Je pense que quelque chose m’échappe, mais j’ignore ce que c’est. Vous y êtes-vous intéressé?

Le sénateur Day : La raison du rapport dans les trois ans...

La sénatrice Marshall : Quel est le grand secret?

Le sénateur Day : Tout d’abord, permettez-moi de dire que je suis heureux que vous soyez méfiante, parce que c’est exactement le genre de chose — qui doit éveiller la curiosité des parlementaires et leur faire poser des questions. Je ne connais pas la réponse, mais il y a des responsables du gouvernement ici. Peut-être que ce serait une bonne question à leur poser lorsqu’ils arriveront.

La sénatrice Marshall : Oui, ils vont nous le dire.

Le sénateur Day : Il ne semble rien y avoir dans la documentation expliquant — mais je sais pourquoi ils ont choisi le montant maximal de 1 100 milliards de dollars —

La sénatrice Marshall : Cela nous amène à après les élections.

Le sénateur Day : Cela a été expliqué dans l’un des documents. Vous avez mentionné que le déficit accumulé prévu dépasserait 1,070 milliard de dollars à la fin du présent exercice financier.

La sénatrice Marshall : C’est exact.

Le sénateur Day : C’est toujours important de regarder ce qu’il y a d’inclus dans ce chiffre. Dans ce cas particulier, il y a des ministères et des sociétés d’État. Il faut toujours commencer par se renseigner sur ce qu’est la base, et partir de là. Mais pourquoi dans trois ans? Les deux points m’ont chicoté, les trois ans et le montant maximal. J’aurais préféré qu’ils laissent les choses comme elles l’étaient.

La sénatrice Marshall : Je vais poser cette question aux représentants du gouvernement.

Le président : Merci. Avant de terminer, je ne pense pas que j’aurai l’occasion de poser cette question au sénateur en 2020.

Le sénateur Day : Bien sûr que vous l’aurez.

Le président : J’ai une question à vous poser, sénateur Day.

Le sénateur Day : Vous n’allez pas vous débarrasser de moi aussi facilement.

Le président : J’ai lu les commentaires que vous avez formulés dans le passé sur la modernisation du Sénat. En fait, j’étais membre du Comité, et je le suis toujours, j’imagine. Mais d’après la nuance que vous avez apportée dans vos commentaires, il est évident que vous cherchez à mettre en place un instrument qui permettra aux parlementaires de participer à la discussion et, d’accepter cette participation à l’avenir, et ce, peu importe le parti qui formera le gouvernement. Si vous ne souhaitez pas répondre à la question, je le comprendrai.

En janvier 2014, l’actuel premier ministre, M. Justin Trudeau, alors qu’il était chef des libéraux à la Chambre des communes a déclaré ceci :

Si le Sénat a un rôle à jouer, c’est assurément de servir de contrepoids au pouvoir extraordinaire que détiennent le premier ministre et son cabinet, surtout dans le cas d’un gouvernement majoritaire.

La question que je souhaite vous poser, en rapport avec le projet de loi S-246 est la suivante : est-ce que ce projet de loi serait un exemple ou un élément d’un instrument que le Sénat — s’il agissait de la manière décrite par le premier ministre il y a cinq ans — pourrait utiliser et qui offrirait aux parlementaires, d’un bout à l’autre du pays, la possibilité de participer à la discussion, si l’on tient compte des objectifs du projet de loi S-246?

Le sénateur Day : Merci de votre question, monsieur le président. Lorsque j’ai entendu le premier ministre faire cette déclaration la première fois, j’étais de tout cœur avec lui. Je l’ai même utilisée dans certaines de mes allocutions, à l’occasion.

Vous avez tout à fait raison. Ce projet de loi, s’il est adopté par le Sénat et mis en œuvre par le gouvernement — dans la mesure où le Sénat et la Chambre des communes feraient savoir au pouvoir exécutif que c’est ce que nous voulons — si nous disposions de cette mesure législative, cela nous fournirait de meilleures possibilités d’exercer la surveillance qui convient et de jouer le rôle qui nous revient, en tant que parlementaires.

Il arrive parfois que l’on soit terriblement occupés. J’ai été pris dans ce tourbillon, comme je l’ai expliqué. Je fais d’ailleurs mon mea culpa dans mes remarques. Nous avons raté une partie extrêmement importante de la loi d’exécution du budget. Ceux d’entre vous qui étaient avec moi après cela savent que nous avons passé beaucoup de temps à faire l’étude article par article de la Loi d’exécution du budget pour cette raison. Nous devons jouer notre rôle, nous devons veiller à ne pas abandonner les outils et les possibilités qui nous permettent de le faire. La population compte sur nous.

Le président : Sénateur Day, il n’y a pas d’autres questions. Merci beaucoup de votre professionnalisme et de votre leadership.

Honorables sénateurs, nous accueillons les représentants du ministère des Finances.

[Français]

Nous recevons Nicolas Moreau, directeur général, Division de la gestion des fonds, Direction de la politique du secteur financier.

[Traduction]

M. James Wu, directeur principal, Division de la gestion des fonds, Direction de la politique du secteur financier.

[Français]

Je tiens à vous informer que M. Moreau nous fera une présentation et qu’il sera suivi de M. Wu, qui nous livrera également ses commentaires. Monsieur Moreau, la parole est à vous.

Nicolas Moreau, directeur général, Division de la gestion des fonds, Direction de la politique du secteur financier, ministère des Finances Canada : Je vous remercie, monsieur le président, de nous permettre de nous adresser aux membres de ce comité au sujet du cadre pour l’approbation parlementaire des activités d’emprunt du gouvernement.

Nous comprenons que le projet de loi S-246 a pour objet de rétablir l’autorité du Parlement en ce qui a trait aux emprunts du gouvernement et de permettre au gouvernement d’en faire rapport annuellement au Parlement.

Comme l’a très bien fait le sénateur Day, je vais prendre quelque temps pour faire un survol rapide de l’historique de l’autorité du Parlement en ce qui concerne les emprunts du gouvernement, dans le but d’avoir une base comparative avec les plus récents développements.

Je suis d’avis, honorables sénateurs, que le cadre établi par la loi en 2017 est conforme aux objectifs du projet de loi S-246, car le cadre établi en 2017 permet au Parlement de surveiller mieux que jamais les activités d’emprunt du gouvernement et offre plus de transparence au Parlement et aux Canadiens.

Premièrement, avant 2007, le Parlement jouait un rôle dans le processus d’emprunt du gouvernement en autorisant les emprunts supplémentaires annuels de celui-ci. Toutefois, ce rôle était très limité, car l’approbation du Parlement n’était requise que lorsque les montants empruntés augmentaient.

En 2007, l’autorité du Parlement d’approuver les augmentations des montants empruntés a été uniquement déléguée au gouverneur en conseil, c’est-à-dire le Cabinet. L’approbation par le Parlement des emprunts du gouvernement a été rétablie en 2017, lorsque la nouvelle loi autorisant certains emprunts est entrée en vigueur. Ce nouveau cadre d’approbation des emprunts par le Parlement représente une grande amélioration.

En vertu de cette nouvelle loi, le Parlement a autorisé le gouvernement à emprunter jusqu’à un montant maximal approuvé de 1 168 milliards de dollars.

Le nouveau montant approuvé par le Parlement est fondé sur les prévisions budgétaires. Plus précisément, il est fondé sur les prévisions des besoins financiers du gouvernement pour une période de trois ans, présentés dans le budget de 2017, ainsi que d’une marge pour imprévus de 5 p. 100 afin de faire face à des circonstances fiscales inattendues.

De plus, la loi autorisant certains emprunts exige que le ministre des Finances fasse rapport au Parlement dans un délai de trois ans. Ce rapport a pour but d’informer le Parlement sur le montant total des emprunts du gouvernement comparativement au montant maximal et d’évaluer si un nouveau montant maximum, revu à la hausse ou à la baisse, est indiqué.

Permettez-moi maintenant de me pencher sur deux caractéristiques du cadre qui le distinguent par rapport aux cadres précédents.

Premièrement, le nouveau cadre offre au Parlement une surveillance plus importante que jamais des activités d’emprunt du gouvernement. Le Parlement a désormais le pouvoir d’approuver les emprunts du gouvernement sur les marchés et, pour la première fois, les emprunts des sociétés d’État. C’est important, étant donné que les sociétés d’État ont légalement le pouvoir d’emprunter et que gouvernement est redevable de ces emprunts.

Pour être clair, le montant maximum de 1 168 milliards de dollars autorisé par le Parlement combine la dette contractée sur les marchés par le gouvernement fédéral et par les sociétés d’État.

La deuxième amélioration par rapport aux cadres précédents est la transparence et la reddition de comptes. Le pouvoir du Parlement couvre non seulement les besoins croissants d’emprunt, mais couvre maintenant également l’encours, c’est-à-dire le stock total de la dette contractée sur les marchés. C’est important pour assurer la transparence relativement au niveau global d’endettement du gouvernement.

La transparence est rehaussée en exigeant que le ministre des Finances présente un rapport sur la situation des emprunts au Parlement au moins tous les trois ans, même lorsque le niveau de la dette contractée sur les marchés est stable ou à la baisse. Il n’y avait aucune exigence de ce genre dans le cadre avant 2007.

En fait, dans le cadre précédant l’année 2007, la dernière fois que le gouvernement a demandé l’approbation du Parlement pour ses activités d’emprunt s’est produite au cours de l’exercice fiscal 1996-1997. Pour les années 1997 à 2007, le gouvernement n’a pas eu à obtenir l’approbation du Parlement. Par conséquent, le gouvernement ne s’est pas présenté devant le Parlement pour discuter de ses activités d’emprunt pendant une période d’environ 10 ans.

Il est également important de souligner les autres exigences en matière de rapports et d’approbation du Parlement associées aux activités d’emprunt du gouvernement.

Premièrement, outre cette nouvelle exigence de rapports triennaux réguliers, le gouvernement fournit également des rapports annuels au Parlement sur ses activités d’emprunt afin d’améliorer la reddition de comptes et la transparence.

Ces rapports incluent notamment la Stratégie annuelle de gestion de la dette, qui énonce les plans d’emprunt à venir du gouvernement; le rapport annuel sur la gestion de la dette, qui rend compte des emprunts et de l’utilisation des fonds de l’année précédente; et, enfin, les Comptes publics du gouvernement, un rapport annuel qui contient des renseignements détaillés sur les résultats de chaque exercice.

Ces trois documents fournissent une mise à jour de l’approbation par le Parlement des emprunts du gouvernement. En résumé, le nouveau cadre offre au Parlement une surveillance plus importante des emprunts du gouvernement, y compris, pour la première fois, les emprunts des sociétés d’État mandataires, pour lesquels le gouvernement est responsable.

Le nouveau cadre offre également une plus grande transparence en faisant référence à l’encours de la dette sur les marchés, c’est-à-dire le niveau d’endettement total du gouvernement. De plus, afin de régler le problème qui existait avant 2007, lorsque le gouvernement n’a pas eu à solliciter l’autorisation du Parlement pour ses activités d’emprunt pendant près d’une décennie, le nouveau cadre exige que le ministre fasse régulièrement rapport au Parlement en matière d’emprunts relativement au montant maximal prévu par la loi, même lorsque le niveau de la dette contractée sur les marchés est stable ou à la baisse.

Je vais maintenant céder la parole à mon collègue, James Wu, qui va discuter de manière plus précise du projet de loi S-246.

[Traduction]

James Wu, directeur principal, Division de la gestion des fonds, Direction de la politique du secteur financier, ministère des Finances Canada : Monsieur le président, honorables sénateurs, nous comprenons que le projet de loi S-246 a clairement pour objet d’exiger du gouvernement qu’il demande chaque année l’autorisation du Parlement, s’il souhaite augmenter ses emprunts. Sauf le respect que je vous dois, cela pourrait présenter certaines difficultés, et je me ferai un plaisir de vous en énumérer quelques-unes.

Premièrement, pour mettre en œuvre les politiques fiscales, les autorisations de dépense du Parlement sont généralement fournies par le biais des processus des budgets des prévisions budgétaires et des projets de loi de crédits, dont on a déjà parlé. Il serait problématique que le Parlement approuve les dépenses, mais pas les emprunts correspondants pour financer les dépenses. Les opérations gouvernementales pourraient être affectées si les autorisations d’emprunt sont insuffisantes pour couvrir les dépenses approuvées.

Deuxièmement, et par exemple, aux États-Unis, les débats sur l’approbation des dépenses et des emprunts ont entraîné la fermeture du gouvernement (par exemple en 1995 et en 2013).

Les sociétés mandataires empruntent des fonds auprès du Trésor, des marchés financiers ou des institutions financières. Elles seraient également touchées. Un processus d’approbation parlementaire annuel pourrait créer une incertitude quant à leur financement et limiter leurs activités.

Enfin, un cadre d’autorisations d’emprunt trop strict pourrait créer des risques pour le gouvernement sur les marchés financiers, notamment en ce qui a trait aux cotes de crédit. L’incertitude quant à la capacité du gouvernement d’emprunter, de financer ses opérations et de mettre en œuvre des politiques fiscales pourrait inquiéter les participants au marché, par exemple en ce qui concerne la capacité du gouvernement à soutenir l’économie. Cela pourrait potentiellement augmenter le coût d’emprunt pour le gouvernement et les sociétés mandataires. Un exemple de cette situation s’est produit aux États-Unis en 2011, lorsque l’agence de notation Standard & Poor’s a abaissé la note du gouvernement américain en donnant comme explication le fait que les discussions entourant le plafond de la dette américaine entraînaient de l’incertitude pour les activités d’emprunt du pays

Au contraire, monsieur le président, je suis d’avis que la période de trois ans applicable au nouveau cadre établit un équilibre entre accorder au gouvernement un horizon de planification raisonnable; éviter l’incertitude dans la mise en œuvre des politiques fiscales et le financement des opérations gouvernementales; et donner l’occasion au Parlement de surveiller sur une base régulière les activités d’emprunt du gouvernement en faisant preuve de la transparence nécessaire.

L’horizon de planification de trois ans est basé sur l’horizon de cinq ans prévu dans le budget. Les budgets que le gouvernement dépose au Parlement dévoilent ses dépenses — et du fait même ses besoins de contracter des emprunts sur une période de cinq ans.

Le Parlement procède alors à l’examen et à l’approbation annuels des demandes de dépenses dans le cadre des processus du budget principal des dépenses et des projets de loi de crédits. Les emprunts seraient conformes aux dépenses autorisées. Le cadre actuel contient également plusieurs freins et contrepoids concernant les emprunts du gouvernement. Le processus existant d’approbation annuelle par le gouverneur en conseil des emprunts garantit que les activités d’emprunts du gouvernement respectent le montant maximal des emprunts autorisés par le Parlement, actuellement ce montant est de 1,168 milliard de dollars. De plus, la Stratégie de gestion de la dette et les autres rapports déposés au Parlement fournissent une mise à jour des emprunts autorisés par le Parlement.

La Stratégie de gestion de la dette comprend notamment les plans d’emprunt du gouvernement, de même que des explications de l’utilisation qu’il compte faire des montants empruntés.

Cette année, par exemple, la Stratégie de gestion de la dette comporte une page où il est question du pouvoir d’emprunt actuel détenu par le Parlement dans le budget.

Même les années où les plans d’emprunt changent, comme, par exemple, pendant les crises financières, les Stratégies de gestion de la dette sont déposées au Parlement pour informer les parlementaires si les plans d’emprunt du gouvernement changent. Ainsi, le Parlement peut, à plusieurs reprises durant l’année, confirmer que le gouvernement respecte le montant maximal qu’il peut emprunter selon la loi, poser des questions au gouvernement, étudier les rapports ou les enjeux, inviter des témoins à comparaître et, sauf le respect que je vous dois, je crois que rien n’empêche les débats ou les sénateurs de procéder à des vérifications du gouvernement ou du pouvoir exécutif à cet égard, et ce, même si ce montant est fondé sur un horizon de trois ans.

En conclusion, j’aimerais remercier le président et les membres du Comité de nous avoir donné l’occasion de vous donner un aperçu de ce sujet important. J’aurai le plaisir de répondre à toutes questions que vous pourriez avoir à me poser.

Le président : Merci.

La sénatrice Marshall : Merci beaucoup de votre exposé. Mais, vous ne m’avez pas convaincue.

Je ne vois pas comment vous pouvez affirmer que des projections fondées sur un horizon de trois ans sont supérieures au processus consistant, pour le gouvernement, à demander chaque année au Parlement d’autoriser ses emprunts. Laisser entendre que dans un horizon de trois ans dans le futur, le gouvernement ne dépassera pas le montant de 1,100 milliard de dollars, je ne vois pas en quoi cela nous renseigne davantage ou fournit de meilleurs renseignements au Parlement que le fait d’exiger que le gouvernement s’adresse au Parlement chaque année pour demander, « Nous aimerions obtenir votre autorisation pour emprunter 100 millions de dollars ».

Je sais que pendant plusieurs années avant 1996 il n’était pas nécessaire de se présenter devant le Parlement pour demander l’autorisation d’emprunter, mais si on remonte dans les années 1980, le gouvernement devait demander au Parlement l’autorisation avant de faire des emprunts. Je sais que l’on a abordé cette question au Sénat. Donc, c’est possible. On dirait que dans les années 1980, il était possible de surmonter toutes les difficultés que vous avez mentionnées, aussi je ne vois pas pourquoi aujourd’hui, 20 ou 30 ans plus tard, on ne pourrait pas les surmonter encore.

À mon avis, du point de vue du gouvernement, et peut-être même de ses représentants, il est beaucoup plus facile d’obtenir l’approbation du gouverneur en conseil que celle du Parlement. J’ai l’impression que c’est le nœud du problème, et que tous les autres enjeux se situent en périphérie. Je n’ajouterai donc rien d’autre à ce sujet.

Il y a un point que j’ai toujours trouvé assez particulier, et je pense que vous pourrez me répondre, et c’est le rapport triennal. Pourquoi est-il triennal? J’ai lu la stratégie publiée en même temps que le budget, et j’ai lu le rapport annuel sur la gestion de la dette. Qu’y a-t-il de si particulier dans ce rapport triennal que l’on ne trouvera pas dans le rapport sur la gestion de la dette? Vous précisez qu’il sera publié tous les trois ans, alors j’imagine qu’il contiendra des renseignements vraiment intéressants. Il me semble pourtant que tous les renseignements pertinents figurent déjà dans le rapport annuel. Qu’est-ce qui m’échappe?

M. Wu : Merci beaucoup de votre question, honorable sénatrice. Je suis heureux de pouvoir y répondre.

Premièrement, en ce qui a trait au processus historique, je pense que la question vaut la peine d’être posée. Il faut avoir étudié la question pour comprendre ce qui s’est passé historiquement. D’après ce que j’ai compris, les questions entourant les dépenses et les emprunts sont devenues plus complexes, aussi la situation a évolué de telle sorte que les décisions d’emprunt ont été prises séparément de celles entourant les dépenses, mais nous pouvons y jeter un œil.

Pour ce qui est de certains risques potentiels, cependant, je crois comprendre que le processus a fonctionné raisonnablement bien pendant la période entre les années 1980 et 1996, parce qu’un certain nombre d’autorisations parlementaires ont été approuvées. Pour ce qui est de l’exemple de la crise financière de 2008, pendant laquelle le gouvernement a dû réagir à la situation, si je me souviens bien, le Parlement ne siégeait pas pendant cette période.

La sénatrice Marshall : Mais l’article 46.1 de la Loi sur la gestion des finances publiques prévoit les situations d’urgence, n’est-ce pas?

M. Wu : Les crises financières et les catastrophes naturelles sont deux exceptions ou autorisations qui ont été inscrites dans cet article. J’admets que je ne suis pas devin. J’ignore quelles éventualités susceptibles de se produire pourraient forcer le gouvernement à contracter des emprunts à des moments où le Parlement ne siège pas, et n’est donc pas là pour approuver des emprunts supplémentaires. Ce sont là des autorisations prévues pour offrir une certaine souplesse, mais elles ne couvrent pas nécessairement toutes les éventualités.

La sénatrice Marshall : Pourriez-vous nous parler du rapport triennal. Vous devez me fournir une réponse à ce sujet, parce que je suis vraiment intriguée.

M. Moreau : Si je peux me permettre de répondre. Vous avez mentionné quelque chose d’intéressant. En effet, vous avez dit, « Qu’est-ce qui m’échappe dans ce rapport? Parce que j’ai déjà lu la stratégie de gestion dans le rapport sur la gestion de la dette. » Il semble que le gouvernement fasse déjà preuve de transparence en montrant les résultats et en indiquant aussi ses besoins d’emprunt dans le futur.

Pourquoi trois ans? Parce que nous trouvons qu’il y a déjà suffisamment de rapports publiés annuellement. Un délai de trois ans nous donne une marge de manœuvre pour gérer le programme de la dette avec les sociétés d’État parce que ces dernières exercent leurs activités suivant des exercices financiers différents. Il est difficile de garantir que nous disposerons des prévisions budgétaires pour toutes les sociétés d’État. Une publication annuelle ne nous laisse pas la souplesse requise, alors que nous devons nous adresser au Parlement pour lui demander d’approuver une certaine limite à ne pas dépasser. Aussi, lorsque nous disons trois ans, c’est dans un délai maximal de trois ans.

S’il est nécessaire d’augmenter le montant des emprunts au-dessus de ce niveau, le gouvernement devra s’adresser de nouveau au Parlement au préalable. Nous ne sommes pas autorisés à dépasser ce niveau. C’est pourquoi nous disons que nous allons présenter un rapport au maximum dans les trois ans. Mais il ne faut pas oublier tous les autres rapports que nous fournirons au gouvernement.

La sénatrice Marshall : Quels renseignements trouverai-je dans le rapport triennal qui ne figurent pas déjà dans les autres rapports? Je peux trouver les emprunts des sociétés d’État et les emprunts du gouvernement. Peut-être faudra-t-il que je regarde de plus près. Ce serait plus facile si quelqu’un voulait bien me le dire, mais une chose est sûre, les renseignements sont là. Vous pouvez les trouver si vous cherchez bien. Alors, dites-moi, quels renseignements supplémentaires nous seront fournis?

M. Moreau : Le rapport triennal fournira une révision du plafond, c’est-à-dire du montant maximal que le gouvernement sera autorisé à emprunter. Donc, il rassemblera les renseignements sur les prévisions budgétaires du gouvernement concernant le montant du déficit, mais il combinera également tous les montants que les sociétés d’État devraient emprunter, plus le 5 p. 100 pour les éventualités.

La sénatrice Marshall : Et c’est tout.

M. Wu : Comme nous l’avons souligné, et comme vous l’avez indiqué à juste titre, honorable sénatrice, les rapports annuels renferment beaucoup de renseignements. Ces renseignements fournissent des possibilités de s’adresser au gouvernement et d’inviter des témoins à venir fournir des explications eu égard au contenu des rapports annuels. L’objectif de ce rapport triennal est de fournir une mise à jour de la limite d’emprunt spécifique, du montant maximal d’emprunt approuvé et de sa composition.

L’objectif était en outre de fournir un autre outil permettant de discuter avec le gouvernement, avec les parlementaires, parce que le ministre serait tenu de le déposer et de fournir une explication à savoir s’il pense que le montant maximal devrait être rajusté, soit à la hausse, ou à la baisse. Il était également prévu qu’il devienne un autre moyen de tenir cette discussion.

La sénatrice Marshall : Merci.

[Français]

Le sénateur Pratte : Je suis intéressé par le lien à faire entre le rôle du Parlement et les sociétés d’État. Avant 1996, lorsque le Parlement approuvait les emprunts du gouvernement, devait-il aussi approuver les emprunts des sociétés d’État?

M. Moreau : Non, pas à l’époque. C’est une nouvelle recommandation depuis 2017.

Le sénateur Pratte : En adoptant ce projet de loi... Le projet de loi dit que le ministre peut contracter des emprunts. C’est également ce que dit la loi actuelle visant à autoriser certains emprunts. Est-ce que, lorsqu’une société d’État contracte un emprunt, c’est le ministre qui emprunte pour elle? Non? Elle emprunte directement?

M. Moreau : À l’heure actuelle, il y a deux façons d’emprunter pour les sociétés d’État, soit par l’entremise du Programme d’emprunt des sociétés d’État, donc directement par l’intermédiaire du gouvernement, ou alors le gouverneur en conseil leur accorde l’autorisation d’emprunter, et elles peuvent donc emprunter de leur propre gré. La majorité des emprunts qui sont inclus actuellement dans le maximum empruntable sont contractés directement par l’entremise du gouvernement.

Le sénateur Pratte : Donc, c’est le gouvernement qui, compte tenu des dispositions d’emprunt avantageuses, emprunte pour elles ou leur prête de l’argent? Comment est-ce que cela fonctionne?

M. Moreau : Le gouvernement emprunte pour elles au taux de financement du gouvernement fédéral.

Le sénateur Pratte : Si on demandait au Parlement d’approuver annuellement les emprunts du gouvernement, pourquoi cela aurait-il un impact sur le financement, la flexibilité et les taux d’intérêt pour les sociétés d’État?

M. Moreau : Parce que ce sont souvent des projets d’investissement ou des emprunts qui sont contractés sur une période de plusieurs années.

Donc, le fait d’amener de l’incertitude sur la capacité des sociétés d’État à rembourser leurs emprunts année après année peut compliquer le financement de certains projets et faire en sorte que certains investisseurs seront plus réticents à investir et à contracter une dette.

M. Wu : Puis-je ajouter quelque chose? Je suis désolé, mais je préfère répondre en anglais.

[Traduction]

Aussi, lorsque les sociétés d’État empruntent, elles le font essentiellement au nom du gouvernement parce qu’elles sont des mandataires de la Couronne. Si, par hasard, une autorisation d’emprunter démesurément rigoureuse devait créer des inquiétudes sur les marchés financiers susceptibles d’influer sur la cote de crédit du Canada, cela entraînerait aussi une incidence sur la capacité ou les coûts d’emprunt des sociétés d’État sur les marchés.

Le sénateur Pratte : Pour que cette incertitude existe, il faudrait que les marchés s’inquiètent du fait que le Parlement puisse rejeter la demande d’autorisation d’emprunter du gouvernement. Ce pourrait être la source de l’incertitude.

M. Wu : Je crois que c’est exact. Je pense que la nature de cette inquiétude a été exprimée par Standard & Poor’s vis-à-vis des États-Unis en 2011.

Le sénateur Pratte : Dans le cas du Canada, est-ce jamais arrivé?

M. Wu : À ma connaissance, non, mais le risque existe néanmoins.

Le sénateur Pratte : On ne sait jamais ce qui peut arriver, c’est l’essentiel de votre message. Merci.

La sénatrice Andreychuk : Le projet de loi qui est à l’étude vise à accroître la surveillance parlementaire. La majorité d’entre nous n’y consacrons pas autant de temps que vous, heureusement. Vous étudiez les emprunts et les dépenses. Nous avons d’autres tâches et occupations, mais la surveillance parlementaire des finances est un rôle très important.

Il semble que ce rôle se soit amoindri parce que, comme l’a fait remarquer la sénatrice Marshall, il y a tous ces rapports. Nous ne possédons pas les compétences requises. Nous ne nous présentons pas ici en tant que spécialistes des finances. Nous ne disposons ni des compétences, ni du temps, et parfois même, ni des ressources.

Le budget est, bien entendu, en train d’augmenter. On dirait qu’il ressemble de plus en plus à une politique, et de moins en moins à un budget. C’est déroutant. Nous ne savons pas vraiment où va l’argent dépensé, et l’on nous dit que les renseignements figureront dans les règlements par la suite.

Je n’ai pas de problème avec Standard & Poor’s. Mon problème tient plutôt au fait que l’une de nos responsabilités fondamentales est la surveillance des fonds publics. Je pense qu’il faut y revenir.

Votre tentative avec le cadre sur trois ans, les nouvelles initiatives, est admirable, mais elle est plus complexe. Elle cible la dette et les emprunts, et je pense que le grand public est capable de comprendre ce concept.

Ce qui m’amène à vous demander pourquoi le processus devrait être aussi complexe; cela semble peut-être plus logique pour les finances, mais il me semble que la comptabilité est tout aussi importante. J’aimerais que vous y réfléchissiez

Vous utilisez un exemple aux États-Unis. Nous n’avons pas un gouvernement de style américain. Je comprends l’outil politique utilisé par le Congrès et la dynamique avec le président. Notre système est complètement différent. Je vois que notre notation est fondée sur notre prospérité économique, sur le développement, et le risque associé aux projets qui ne semblent aller nulle part, plutôt qu’au fait que le Parlement retarde quelque chose.

Il faudrait nous mettre à l’épreuve, du moins, afin de voir si nous réagirions de la même manière. Je serais davantage intéressée par un modèle de Westminster.

Je ne pense pas que les États-Unis soient importants pour nous dans un cas semblable.

M. Wu : Merci de vos commentaires, honorable sénatrice.

Je pense avoir entendu une question plus tôt demandant si on s’était intéressé à d’autres administrations, et les États-Unis m’ont semblé un exemple évident parce que c’est un pays où l’on débat à l’occasion du montant maximal de la dette, et où l’on étudie beaucoup cette question. Je ne connais pas de modèle de Westminster comportant un montant maximal pour la dette, mais nous pouvons certainement faire des recherches.

J’apprécie également vos commentaires nous suggérant d’examiner dans quelle mesure il est nécessaire de se doter d’un cadre aussi complexe pour l’autorisation des dépenses et des emprunts. Je me ferai un plaisir de me pencher sur la question.

Si je peux me permettre, il existe en effet des stratégies et des rapports sur la gestion de la dette. Et ils peuvent sembler compliqués. Ils sont déposés au Parlement, et je pense que les parlementaires et les comités peuvent demander à les étudier. Nous, en tant que fonctionnaires du gouvernement, sommes disponibles pour vous aider à comprendre ces rapports, au besoin.

Le président : Merci.

[Français]

Le sénateur Forest : Je vous remercie de votre présence.

Dans mon esprit, ce projet de loi d’initiative parlementaire traite de toute la question de l’exercice budgétaire, de la reddition de comptes et de la rigueur. En étudiant le projet de loi C-97, un projet de loi budgétaire qui nous propose des revenus et, implicitement, des dépenses déficitaires de 19,8 milliards de dollars, j’ai l’impression qu’on vient d’autoriser le gouvernement à emprunter ce montant.

Si, à la fin de l’exercice, il y a un déficit — peu importe la raison, cela s’explique et cela peut arriver, parce qu’on parle d’un domaine où rien n’est confiné —, à ce moment-là, le gouvernement a la responsabilité de s’expliquer et, dans le sens du projet de loi, d’obtenir une autorisation des parlementaires, parce qu’il aura assumé ses responsabilités de gestionnaire.

Personnellement, je ne gérais pas de gros montants; cela n’a rien à voir avec le budget du gouvernement. C’est mon premier exercice de ce genre. Je siège au Comité des finances nationales depuis ma nomination. Un budget a été déposé en mars et, trois mois plus tard, on étudie déjà des budgets supplémentaires. J’ai été complètement renversé de voir un ministère, après trois mois, nous demander 652 millions de dollars pour des dépenses essentielles qui n’avaient pas été prévues dans le budget qui venait d’être déposé. Je ne peux pas m’expliquer cela. Je me dis que l’avantage du projet de loi proposé, c’est que, après avoir adopté un budget, nous serons en mesure, à titre de parlementaires, d’autoriser un emprunt si le budget est déficitaire. Il n’y aura pas d’emprunt autrement.

Je crois que cela ajoutera de la rigueur lors de l’exercice des Budgets supplémentaires des dépenses. Sinon, on a tendance à penser que ce n’est pas grave si les budgets ne sont pas prévus adéquatement, puisqu’on peut se fier au Budget supplémentaire des dépenses (A) trois mois plus tard.

L’an dernier, deux mois avant la fin de l’exercice, nous avons étudié le Budget supplémentaire des dépenses (C), et nous avons vu certains ministères arriver avec des dépenses très importantes. On leur a demandé si les dépenses avaient déjà été engagées et comment ils feraient pour entamer un processus d’appel d’offres dans les limites de l’échéancier budgétaire.

Ce projet de loi apporte, à mon avis, une dimension de reddition de comptes, de rigueur et de responsabilité à l’exercice budgétaire, et c’est ce qui rend la proposition fort intéressante. Quant à moi, la limite du montant de 1 168 milliards de dollars, c’est comme un plat de bonbons; tant qu’il y en a dans le plat, on en prend, et, quand il n’y en a plus, on retourne voir les parlementaires.

Cela me rappelle certaines dérives au Québec. Parfois, quand on accordait des contrats publics, on préautorisait une part de 10 p. 100 au titre des imprévus et des contingences. On n’a jamais été obligé de revenir pour faire autoriser un dépassement des coûts, parce qu’il était déjà autorisé. Je ne dis pas que c’est ce qui se passe ici, mais disons que c’est un environnement qui ne stimule pas vraiment la rigueur et la reddition de comptes.

C’est pourquoi je trouve la proposition fort intéressante. Cela amène, dans chacun des ministères, une réflexion qui assurera un exercice budgétaire plus rigoureux et une meilleure reddition de comptes, parce que, si on ne respecte pas les objectifs budgétaires, on doit rendre des comptes et obtenir une autorisation des parlementaires. Donc, il y a une question de reddition de comptes qui sous-tend toute une réforme du processus budgétaire.

Le président : Quelle est la question?

Le sénateur Forest : Êtes-vous d’accord pour dire que ce projet de loi devrait amener plus de rigueur à l’exercice budgétaire du gouvernement? Excusez-moi, le préambule était un peu long. Je me suis emporté.

Le président : Avez-vous des commentaires?

M. Moreau : Je comprends votre point de vue en ce qui a trait aux dépenses, mais ce qui manque à votre interprétation, ce sont les revenus : les revenus sont très difficiles à estimer sur une base annuelle. Il y a beaucoup de variations année après année. L’activité économique est difficile à prévoir également. On ne contrôle pas les aléas du marché ni tout ce qui se passe au Canada. Nous sommes une petite économie ouverte.

C’est bien de considérer les dépenses, mais, du côté des revenus, nous n’avons pas de certitude. Je crois que nous faisons montre de beaucoup de rigueur du côté des dépenses, mais, si on en montrait encore davantage, cela ne comblerait pas l’écart qui existe entre les revenus et les dépenses. Cela fait en sorte que, à la fin de l’année, on peut avoir un déséquilibre fiscal plus important que ce que l’on avait anticipé.

Un exercice strictement annuel circonscrit un peu les choses du point de vue de la gestion de la dette. Lorsqu’on planifie une stratégie de gestion de la dette, on essaie d’être le plus transparent possible en mentionnant au marché ce qu’on va émettre comme secteur et comme benchmark — excusez l’anglicisme.

C’est ce qui fait la force du gouvernement actuellement. Le Canada est un des principaux leaders en ce qui concerne la gestion de la dette, parce qu’il est vraiment transparent. Le marché sait exactement ce que le Canada va émettre, quand il le fera et de quel ordre sera le montant. Lorsqu’on a un peu plus d’incertitude du point de vue de la gestion parce qu’on travaille dans une perspective annuelle et non trimestrielle, cela impose des contraintes à l’exercice et cela correspond tout à fait à l’idée qu’on ne peut pas prévoir les revenus de manière très précise. Il y a toujours une incertitude sur ce plan, parce que l’économie est volatile.

Le sénateur Forest : Il reste quand même que l’économie est volatile d’un côté comme de l’autre, mais cela s’explique. En fait, si vous dépassez les résultats, il n’y a pas d’explication à donner, mais les marchés en seront quand même conscients.

Le président : Avez-vous d’autres commentaires à faire, messieurs? Non? Merci.

[Traduction]

Mesdames et messieurs, voilà qui met fin à l’étude du projet de loi. L’une des raisons pour lesquelles nous étudions si soigneusement les projets de loi d’exécution du budget est pour veiller à ne rien laisser passer d’important. Vous avez d’ailleurs repéré certaines anomalies dans le passé. C’est l’une des nombreuses pratiques efficaces mises en place par le sénateur Day à l’époque où il présidait ce comité. Il ne fait aucun doute dans mon esprit que ses objectifs ont toujours été ceux que nous avons collectivement : transparence, reddition de comptes et prévisibilité.

Aux témoins du ministère des Finances...

[Français]

— je vous remercie de votre témoignage. Vous pouvez maintenant vous retirer. Merci de votre professionnalisme.

[Traduction]

Mesdames et messieurs, voilà qui met fin aux audiences des témoins pour l’étude du projet de loi S-246.

Seriez-vous prêts, honorables sénateurs, à procéder à l’étude article par article de ce projet de loi? Et à cette fin, j’aurai besoin de connaître votre réponse en tant que comité.

Le sénateur Pratte : Je ne le suis pas. Je sens que le comité est très favorable à ce projet de loi. Je comprends pourquoi, mais je pense que nous avons reçu des renseignements importants. Nous avons entendu le formidable témoignage du sénateur Day, nous avons obtenu des renseignements du ministère des Finances, certaines de ces questions sont assez complexes. J’aimerais avoir encore un peu de temps pour y réfléchir.

Le président : Mesdames et messieurs, y a-t-il consensus autour de la table? À titre de président, je pourrais demander d’étudier individuellement ce qui a été déposé ou soulevé par le sénateur Day et les fonctionnaires, et le président et le comité de direction pourraient revenir devant le comité pour les directives.

La sénatrice Marshall : Je suis prête à faire l’étude article par article.

La sénatrice Eaton : Je suis d’accord avec le sénateur Pratte. Et une grande partie du projet de loi présenté par le sénateur Day me plaît, mais je suis préoccupée par la question de la demande annuelle aux parlementaires. J’aimerais entendre encore un ou deux témoins, peut-être, même si c’est à partir d’un autre système de Westminster afin de voir comment cela fonctionne dans un système parlementaire. Je sais que ça a bien fonctionné en 1985, mais nous vivons à une époque où le monde est traversé de crises. Donc, j’aimerais entendre d’autres témoins.

Le président : D’autres commentaires? La présidence donne la parole aux sénateurs sur la question de l’étude article par article.

[Français]

Le sénateur Forest : Je suis d’accord avec le sénateur Pratte. Par contre, il serait intéressant de rencontrer le directeur parlementaire du budget, qui a une vision périphérique, si je puis m’exprimer ainsi. On a entendu le point de vue du sénateur Day et celui des fonctionnaires, donc il serait peut-être intéressant de connaître celui du directeur parlementaire du budget.

[Traduction]

Le sénateur Boehm : Moi aussi, j’aimerais avoir un peu plus de temps de réflexion. L’autre jour, j’ai posé une question au ministre des Finances au sujet du ratio de la dette au PIB. Notre ratio de la dette au PIB est en réalité en baisse, et notre situation est assez enviable, de ce point de vue, en tant que pays. Mais je pense que le sénateur Day a soulevé quelques points très importants. J’apprécie également l’argument historique.

J’aimerais aussi examiner d’autres modèles du système de Westminster. C’est intéressant de regarder ce qui se passe aux États-Unis, mais leur système est différent du nôtre. Je préférerais avoir plus de temps de réflexion.

Le président : Avez-vous d’autres commentaires à formuler, mesdames et messieurs? Sinon, la présidence va rendre la décision suivante, c’est-à-dire que nous porterons cette question à l’attention du Comité de direction, après la pause. Si vous avez d’autres commentaires, je suis prêt à les entendre et à les transmettre au Comité de direction. Nous prendrons une décision sur la manière de procéder avec le projet de loi S-246.

Je vais maintenant suspendre la séance, et la réunion se poursuivra à huis clos pour l’étude d’un dernier point, s’il y a consensus autour de la table, nous poursuivrons la réunion à huis clos pour un point.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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