Aller au contenu
RIDR - Comité permanent

Droits de la personne

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne

Fascicule nº 18 - Témoignages du 15 mai 2017


KINGSTON, le lundi 15 mai 2017

Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit aujourd'hui à 18 h 10, pour étudier les questions de droits de la personne des prisonniers dans le système correctionnel.

Le sénateur Jim Munson (président) occupe le fauteuil.

Le président : Honorables sénateurs et membres du public, je vous souhaite la bienvenue à notre séance publique dans la région de Kingston. Je m'excuse de notre léger retard, nous avons été très occupés aujourd'hui à Brockville et à Joyceville. Ce fut une expérience instructive et fascinante.

Nous formons le Comité sénatorial permanent des droits de la personne et nous étudions les questions des droits de la personne des prisonniers dans le système correctionnel. Pour vous mettre en contexte aujourd'hui, nous n'avons commencé cette étude qu'il y a environ deux mois. Nous avons entendu 23 témoins jusqu'à maintenant, dans le cadre de 6 audiences qui ont toutes eu lieu à Ottawa, et nous jugeons très important, pour comprendre la situation sur le terrain, d'aller sur le terrain. Nos arrêts à Brockville et à Kingston sont les premiers dans le cadre d'une étude qui pourrait prendre quelques années.

Nous espérons déposer un rapport contenant des observations dès septembre. Nous prévoyons visiter divers établissements et pavillons de ressourcement au Canada. Nous pourrions peut-être aussi nous rendre dans quelques pays qui semblent mieux tirer leur épingle du jeu que nous pour protéger les droits de la personne des prisonniers.

Pour commencer, j'aimerais régler une petite question d'ordre administratif. J'aimerais que nous adoptions une motion pour permettre l'enregistrement de nos audiences si des gens arrivaient avec des caméras pour les téléviser.

Une voix : Je la propose.

Le président : Adoptée, merci.

Nous recevons ce soir Sean Ellacott, LL.B., directeur de la Clinique juridique en droit carcéral de la faculté de droit de l'Université Queen's. Il comparaît à titre personnel. Soit dit en passant, j'ai dit à ma nouvelle stagiaire, qui a commencé à travailler avec moi il y a deux semaines, d'entrer en communication avec vous, puisqu'elle commencera bientôt sa première année en droit à Queen's.

Sean, la parole est à vous. Je suis certain que vous avez préparé un exposé, et comme les sénateurs sont toujours curieux, ils auront de nombreuses questions à vous poser. Je vous souhaite la bienvenue au comité.

Sean Ellacott, LL.B., directeur, Clinique juridique en droit carcéral, faculté de droit, Université Queen's, à titre personnel : Bonsoir, monsieur le président, et mesdames et messieurs les honorables membres du comité.

Le président : Avant de vous laisser continuer, je dois mentionner que j'ai fait une grave erreur, je n'oserais dire de débutant. J'ai fait une erreur de vieux de 71 ans. J'ai oublié de vous présenter nos sénateurs, donc je vais leur demander de se présenter.

La sénatrice McPhedran : Sénatrice Marilou McPhedran, Manitoba. Je remercie toutes les personnes qui sont parmi nous ce soir.

La sénatrice Hartling : Sénatrice Nancy Hartling. Je viens de Moncton, au Nouveau-Brunswick, et je vous souhaite la bienvenue à tous.

La sénatrice Pate : Sénatrice Kim Pate, Ontario.

Le président : Je m'appelle Jim Munson, et je viens d'Ottawa, en Ontario.

Sean, allez-y maintenant.

M. Ellacott : Merci.

C'est pour moi un privilège d'aborder ces questions des droits de la personne avec vous, parce que ce sont à mon avis des questions fondamentales. Je remercie le comité d'entreprendre cette étude. Je suis certain que vous savez déjà, compte tenu des séances que vous avez déjà tenues jusqu'ici, que ces questions ne sont généralement pas simples. Ce sont des questions complexes, qui n'en demeurent pas moins importantes, et je vous suis reconnaissant de mener cette étude.

Pour vous mettre en contexte, je suis devenu directeur de la Clinique juridique en droit carcéral de la faculté de droit de Queen's en janvier 2017. J'étais auparavant criminaliste et avocat en droit correctionnel dans un cabinet privé. Pendant ces années, je me suis principalement occupé d'audiences de libération conditionnelle, mais aussi de poursuites pour diverses infractions, dont beaucoup concernaient des actes violents et des homicides commis entre détenus dans le système correctionnel. Il y avait également des infractions désignées en matière de drogue, mais la plupart des infractions qui m'étaient soumises étaient des infractions violentes jugées par des tribunaux pénaux.

La Clinique juridique en droit carcéral de Queen's, qu'on appelait auparavant le Projet correctionnel de Queen's, a presque 40 ans. Depuis 40 ans, elle offre de l'aide juridique dans les audiences de libération conditionnelle, des services de représentation devant les tribunaux disciplinaires des prisons, des conseils sommaires, de l'aide dans les cas de griefs sur toutes sortes de problèmes, et je crois qu'elle reçoit plus de demandes que toute autre clinique au pays. L'an dernier, nous avons reçu plus de 1 000 demandes. Évidemment, Kingston est une région riche en prisons.

L'aide juridique est principalement offerte par des étudiants en droit, sous la supervision des avocats employés par la clinique. Tout récemment, la Clinique juridique en droit carcéral a ajouté une corde à son arc, puisqu'elle a présenté cinq ou six demandes de révision judiciaire depuis janvier, dont certaines ont déjà abouti et d'autres en sont à divers stades du processus.

J'ai moi-même participé à ce programme comme étudiant il y a 15 ans. Il m'a permis de toucher bien plus de dossiers et de questions, de me faire une meilleure idée de l'ampleur de chaque enjeu qu'en cabinet privé, où l'on scrute chaque menu détail de chaque affaire.

Comme je l'ai dit, une grande partie des questions auxquelles le comité s'attaquera est complexe. Je voulais essayer d'éviter de répéter inutilement ce que les témoins précédents vous ont dit, si bien que j'ai épluché une partie des documents soumis par certaines personnes, mais pas toutes, loin de là. J'ai déjà eu un aperçu de la difficulté à répondre à une question toute simple comme : qu'est-ce que l'isolement?

Il y a plusieurs définitions possibles de l'isolement et de la vie dans une cellule. Je crois donc qu'une partie du défi consistera à répondre à ce genre de questions. Je crois cependant que le fruit est mûr, dans certains cas, et que la motivation grandira au fur et à mesure que le comité avancera dans son étude et constatera que les difficultés ne sont peut-être pas toutes insurmontables. Je pense qu'il y a des solutions plus simples et évidentes que d'autres, et j'espère que nous aborderons ces questions, en plus des grands enjeux plus complexes.

Je ne sais pas si votre horaire d'aujourd'hui était trop chargé pour comprendre une visite au musée des prisons, mais il se trouve à une dizaine de minutes de marche d'ici. Ses diverses salles d'exposition rappellent les enjeux sur lesquels vous devez vous pencher, parce que le musée est divisé en salles séparées. Chaque salle présente essentiellement un pan de l'histoire et de la culture du Service correctionnel du Canada. C'est une culture très vaste et profonde ici, parce qu'il y a des prisons dans la région depuis longtemps. De nombreuses générations de personnes ont travaillé et travaillent encore dans les prisons, et vous verrez que cette réalité occupe une place prépondérante dans le musée.

Cette culture est parfois la meilleure chose que le personnel du SCC puisse offrir aux prisonniers sous sa garde et son meilleur outil pour assurer la sécurité dans l'établissement, mais elle est aussi ancrée profondément dans cette industrie, qui a dû se transformer au fil du temps. Il est parfois difficile de changer une culture. C'est donc parfois une force, parfois une faiblesse que d'avoir une culture aussi vaste et profonde.

Il y a également une salle dans le musée qui présente l'histoire du châtiment dans nos prisons. On y trouve des appareils de torture utilisés jusqu'à une certaine époque dans le système. Il est très utile de nous rappeler qu'il n'y a pas si longtemps, nous adhérions toujours pleinement à des façons de faire qui n'ont plus cours de nos jours et qu'il semblerait même absurde d'essayer de réintroduire. Certains de ces appareils sont clairement des outils de torture. Certains ont été discontinués au cours du dernier siècle, mais on trouve des récits à leur sujet dans des livres de Foucault, par exemple, et ils ont vraiment été utilisés. Vous pourrez voir ces appareils de vos yeux dans ce musée. Certains permettent une forme de torture extrême par l'eau.

Vous pourrez donc y découvrir une autre facette de notre histoire et de son évolution. En effet, ceux qui estimaient ces pratiques incontournables ont manifestement dû s'ouvrir l'esprit et accepter qu'elles changent. Des tables à sangles ont été utilisées jusqu'en 1969 à la prison de Stony Mountain. Elles servaient à attacher des gens nus pour les frapper avec d'énormes fouets de cuir. J'étais déjà né à cette époque. Il vaut la peine d'aller y faire un tour pour constater à quel point les choses ont changé, même si on ne l'aurait jamais cru à l'époque.

Une autre salle du musée rappelle la difficulté d'administrer les prisons. C'est une salle remplie d'armes saisies dans les prisons : des poignards et des fusils fabriqués à la main, des arbalètes faites de fourchettes, de plastique et de brosses à dent. Cette salle nous rappelle à quel point les prisonniers peuvent faire preuve d'ingéniosité devant le danger, celui que présentent les autres prisonniers comme celui qui présente le personnel. Ce sont deux choses distinctes, qui ont chacune leurs ramifications.

Il y a une autre pièce intitulée « Talents cachés ». On peut y voir des œuvres d'art de détenus, qui nous rappellent l'humanité des gens en prison. Des œuvres remarquables ont été accumulées. Cette salle est probablement trop petite, parce que j'ai moi-même vu beaucoup d'œuvres d'art produites par mes clients au fil du temps, qui auraient pu remplir le musée à elles seules. Ces œuvres rappellent la vie intérieure totalement unique qui habite un être humain enfermé entre ces murs.

Il y avait auparavant quelques pièces sur l'évasion, mais je pense qu'elles n'y sont plus. C'est dommage, parce que cette section rappelait à quel point certaines personnes veulent désespérément changer leur situation, pour diverses raisons, lorsqu'elles se retrouvent en prison.

Quoi qu'il en soit, c'est clairement une histoire incomplète, mais elle nous remet les deux pieds sur Terre et serait pertinente pour le comité dans son étude sur les droits de la personne, puisqu'elle présente les différents défis que présente le système carcéral, dans des salles séparées, les divers éléments que vous essaierez de relier, je présume, dans le rapport final qui ressortira de votre travail.

Ce sera pour moi un honneur de répondre à toutes les questions possibles pour vous éclairer sur la question. Comme je l'ai déjà dit, je pourrais avoir des pistes de solutions à proposer sur les questions les plus difficiles comme sur les moins difficiles, qui seraient à mon avis les plus propices aux changements.

Le président : On m'a posé des questions il y a quelques instants sur les activités agricoles ici, à Kingston, qui ont longtemps semblé connaître un grand succès, de mon point de vue, mais qui ont cessé. Le gouvernement vient de créer un comité consultatif pour se pencher sur la question. De mon point de vue, il n'y a pas grand-chose à examiner. Il faut simplement rétablir ces activités, parce que je crois que c'est un outil formidable pour améliorer la vie d'un détenu et respecter son droit fondamental de travailler, même en prison. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Ellacott : Cette ferme en particulier, celle qui se trouve derrière Collins Bay, mais qui était exploitée par ce qu'on appelait à l'époque l'établissement Frontenac, qu'on appelle aujourd'hui l'établissement à sécurité minimale de Collins Bay, si je ne me trompe pas, était probablement la ferme la plus rentable et productive pour le SCC, d'après ce que j'en sais, mais je ne suis pas un expert de la question agricole. Et l'on ne parle même pas des avantages intrinsèques du projet, de la formation professionnelle notamment, même si certains se demandaient à quel point ce pouvait être une bonne formation professionnelle si un détenu ne voulait pas se diriger vers l'agriculture. Je pense que c'est une bien piètre analyse de l'essence même de l'agriculture, qui consiste à résoudre des problèmes, à prendre soin des animaux, à bâtir des structures et tout et tout. J'ai eu de nombreux clients en pratique privée qui ont travaillé à la ferme pendant de longues années. Je n'ai entendu que de bons mots sur l'effet formidable que cela exerçait sur eux.

La sénatrice McPhedran : Ma question s'inscrit dans la même veine et m'a été inspirée de l'information que nous ont présentée des détenus cet après-midi, lorsqu'ils nous ont parlé de la qualité horrible des repas. On nous avait déjà dit que les repas n'étaient pas préparés sur les lieux.

M. Ellacott : Plus aujourd'hui.

La sénatrice McPhedran : Les repas sont expédiés de loin, et toute l'idée de la production locale s'est perdue. Ils nous ont dit que les gens se détournaient de plus en plus des repas servis.

M. Ellacott : Oui.

La sénatrice McPhedran : Ils préfèrent acheter des choses à la cantine, ce qui est bien loin, souvent, de leur procurer tous les éléments nutritifs qu'ils pourraient tirer des produits de la ferme. Je me demande si vous avez d'autres observations ou des recommandations à faire sur la question.

M. Ellacott : Eh bien, c'est une question qui revient de plus en plus fréquemment dans les griefs déposés à la clinique. Il y a notamment des plaintes de diabétiques de type 2, qui sont plus nombreux que jamais, qui soutiennent que ces repas ne répondent aux normes nutritionnelles comme ils le devraient.

Je pense que c'est honteux pour bien des raisons. On se serait attendu à ce que les établissements agrandissent leurs fermes à une certaine époque. Leur fermeture a été justifiée par le fait qu'elle faisait prétendument concurrence au marché, alors que presque tous les travailleurs de la ferme pénitentiaire, les principaux défenseurs des fermes pénitentiaires, étaient des agriculteurs. Les agriculteurs locaux souhaitaient que ces fermes survivent et ce sont surtout eux qui prenaient soin du troupeau.

Il ne fait aucun doute que sur le plan nutritionnel, d'après les commentaires que nous recevons, la qualité de la nourriture a beaucoup diminué, donc on se serait attendu à ce que ces fermes soient agrandies plutôt que fermées. C'est scandaleux.

Par ailleurs, il y a des exceptions à cela, parce que les gens essaient d'être réalistes quand ils pensent au moment de leur libération. Ils essaient d'acquérir des compétences professionnelles, et l'un des endroits pour le faire est la ferme, l'autre est ce qu'on appelle le CORCAN. On peut y apprendre la soudure et l'opération de machinerie lourde, mais il y a très peu d'industries qui emploient autant d'ex-détenus que les cuisines, où les gens s'inquiètent un peu de moins des antécédents criminels. C'est un travail difficile, mais il y avait constamment des personnes qui recevaient une formation en cuisine qui n'en reçoivent plus. Les détenus n'apprennent donc plus à mieux s'alimenter en vue du moment où ils sortiront et devront vivre dans la pauvreté. Ils ne peuvent plus acquérir de nouvelles compétences professionnelles comme ils pouvaient le faire quand ils travaillaient dans la cuisine au cours des deux ou trois dernières années. Il y a beaucoup de détenus, parmi mes clients encore une fois, pour qui il a été dramatique de perdre leur emploi à la cuisine. Ces emplois aidaient les gens à rester sur la bonne voie, parce qu'ils ne voulaient pas les perdre par sanction disciplinaire.

La sénatrice Hartling : Je vous remercie de votre présence parmi nous, Sean.

M. Ellacott : C'est un plaisir pour moi.

La sénatrice Hartling : Votre clinique juridique consigne-t-elle des données sur les griefs et les appels que vous recevez, dont vous pourriez faire part au comité, sans nécessairement nous donner de noms, mais simplement pour nous donner une idée du genre de griefs que vous recevez.

M. Ellacott : Oui, je comprends.

Je suis en poste depuis janvier. Est-ce que nous regroupons nos données pour pouvoir faire un suivi des tendances pour ce qui est des griefs ou des conseils sommaires? À ma connaissance, nous n'avons actuellement pas les moyens de déterminer combien portent sur l'alimentation, les accommodements religieux ou l'accommodement des personnes handicapées. Nous devons simplement faire un suivi des chiffres à des fins différentes, et c'est pourquoi on ne les divise pas en catégories. Ce serait une bonne idée. Compte tenu de l'endroit où nous sommes situés et du nombre de dossiers que nous pouvons traiter grâce à nos étudiants, ce serait un assez bon indicateur de la situation.

La sénatrice Hartling : Vous êtes en poste depuis janvier, donc d'après vos observations, quels seraient les thèmes ou enjeux communs qui reviennent?

M. Ellacott : Nous aidons beaucoup des gens devant comparaître devant un tribunal disciplinaire. Par exemple, l'an dernier, sur un total d'environ 1 100 demandes, nous en avons reçu environ 355 de personnes devant comparaître devant un tribunal disciplinaire, et quand je dis « demande », je précise qu'un même client peut en présenter plusieurs. Le mot renvoie à chaque question soumise par chaque client, mais le nombre de clients devant comparaître devant un tribunal disciplinaire s'élevait à 355. Pendant la même période, nous avons répondu à 60 demandes concernant des audiences de libération conditionnelle, et environ 250 détenus différents nous ont soumis d'autres questions institutionnelles. Il nous serait donc bien utile d'avoir une meilleure représentation des données dont nous faisons le suivi.

Outre les demandes liées aux tribunaux disciplinaires et à la libération conditionnelle, je dirais que depuis que je suis en poste, la question de la nourriture est probablement celle que je vois revenir le plus souvent. Ensuite, il y a différentes formes d'accommodements, dont certaines relèvent davantage la Commission des droits de la personne. Cela comprend les refus de mesures d'adaptation pour les personnes ayant un handicap, des maux de dos ou d'autres choses du genre.

Comme vous le savez sans doute, il y a beaucoup de détenus âgés dans la population carcérale. Il faudra donc réfléchir à la façon de s'occuper de la population vieillissante. J'ai vu dans ma pratique privée de nombreux clients mourir du cancer dans un pénitencier de ressort fédéral. Non seulement ces personnes ne bénéficient-elles pas de l'aide de leur famille et de leur entourage en général, mais je ne peux imaginer à quel point il peut leur être difficile d'avoir accès à des soins palliatifs, même si j'en ai une bonne idée. On s'attendrait à ce que les détenus, s'ils deviennent admissibles à une libération conditionnelle pendant cette période, soient considérés moins à risque, mais étonnamment, ce n'est pas ce qui s'observe dans les audiences de libération conditionnelle. Des personnes à qui il ne restait que quelques mois à vivre se sont vues refuser une libération conditionnelle. J'en ai vu plusieurs exemples, alors que ces personnes ne pouvaient pas représenter de grand risque à ce stade. Mais il n'y a pas beaucoup de maisons de transition outillées pour répondre à ce besoin. Et il est difficile d'y avoir une place.

La sénatrice Hartling : Ce serait donc une chose à garder en tête : il faut tenir compte du vieillissement de la population et des problèmes de santé connexes.

M. Ellacott : Oui, je crois que les soins de fin de vie seront un grand enjeu.

L'âge revêt un sens particulier pour les détenus sous responsabilité fédérale. Un détenu à l'aube de la cinquantaine y est un peu plus vieux en général que s'il vivait en liberté. La vie est prison est singulière.

Le Dr Fedoroff, un psychiatre judiciaire à l'hôpital Royal Ottawa, a témoigné à titre d'expert lors d'audiences sur des délinquants dangereux auxquelles j'ai participé. Il disait aux personnes à qui on demandait de prendre des produits de castration chimique comme le Lupron... Lorsqu'une personne prend ce médicament, elle doit subir une scintigraphie de la densité osseuse, et les gens craignent que le Lupron fasse diminuer leur densité osseuse. Or, il leur disait que beaucoup d'études montrent que l'incarcération elle-même cause une baisse de la densité osseuse en raison d'une immobilité accrue, probablement plus encore que le Lupron chez la plupart des sujets.

Certains détenus prennent du Lupron même s'ils sont incarcérés. Ils essaient de montrer qu'ils prendront du Lupron et qu'il fera d'eux de meilleurs candidats à la libération. Beaucoup de changements physiologiques s'accélèrent en détention fédérale.

La sénatrice Pate : Je vous souhaite la bienvenue au comité.

La sénatrice Pate : J'ai deux questions à vous poser.

Premièrement, vous avez mentionné avoir réclamé six révisions judiciaires depuis votre entrée en poste. J'aimerais connaître non pas les noms des personnes visées, mais la nature exacte des questions soulevées.

Deuxièmement, j'aimerais que vous me donniez des exemples de circonstances dans lesquelles vous avez invoqué les articles 29 ou 81 pour faire déplacer des détenus vers des établissements de soins appropriés hors du milieu carcéral : des détenus autochtones, des personnes souffrant de maladies mentales ou vieillissantes.

M. Ellacott : Je répondrai d'abord à votre première question parce que ma réponse sera plus courte.

Il n'y a eu aucun cas du genre depuis janvier, à ma connaissance. Il se pourrait que l'avocate responsable des révisions judiciaires soit saisie d'affaires qu'elle n'a pas mentionnées dans nos conversations, mais il n'y en a aucune en suspens, à ma connaissance, à tout le moins selon les supervisions directes que j'ai effectuées ou l'un des autres avocats responsables des révisions judiciaires. Je leur ai même posé la question en prévision de ma comparution d'aujourd'hui.

Je sais que dans d'autres contextes — et je pense à l'article 29 en particulier —, la situation de détenus souffrant de maladies mentales est tellement épouvantable qu'il crève les yeux qu'il faut en faire plus. Selon mon expérience, dans bien des cas, la difficulté consiste au moins à moitié à obtenir l'aval des hôpitaux, même quand le SCC est d'accord, mais je ne dis pas qu'il ne faut pas essayer pour autant.

Je ne sais pas à quel point c'est répandu chez les détenues, parce que Grand Valley n'est pas vraiment de notre ressort. J'ai eu des clientes à Grand Valley, mais il ne s'agissait évidemment pas de clientes de la clinique à Grand Valley. Je ne sais pas si cela se passe différemment pour les détenues, mais il est difficile d'obtenir le transfèrement de certains types de délinquants, notamment les délinquants sous responsabilité fédérale ayant des troubles mentaux, dans des hôpitaux, qui peuvent choisir les patients qu'ils admettent.

C'est le cas lors des audiences de déclaration de délinquant dangereux. Par le passé, les détenus qui étaient visés par des demandes de déclaration de délinquant dangereux se rendaient dans un hôpital psychiatrique pour y être évalués avant leur audience. Je n'arrive pas à me souvenir d'un cas où c'est arrivé au cours des dernières années. L'expert rencontre les détenus en prison ou les détenus sont conduits à un endroit pour leur évaluation, puis ils retournent dans la prison provinciale. C'est la solution la plus facile qui l'emporte.

Même pour ce qui est des détenus eux-mêmes, bon nombre de personnes qui ont de graves troubles mentaux ne seront pas nécessairement autant un danger, par exemple, pour le personnel. Cela ne se manifeste pas toujours ainsi. Cependant, leur historique ressemble peut-être sur papier à des cas dont il serait peut-être bon de convaincre un hôpital de s'occuper.

J'ai dit que ce serait une réponse courte; ce ne l'était pas vraiment. Nous n'avons aucun cas dont je suis actuellement au courant.

En ce qui a trait aux contrôles judiciaires, nous venons de recevoir une décision de la Cour fédérale. La décision est maintenant publiée, ainsi que le nom de la personne. Ce dossier concernait l'équité procédurale au sein des tribunaux disciplinaires, et la Cour fédérale a accueilli la requête de contrôle judiciaire et a annulé la condamnation.

Il y a un autre cas qui sera bientôt entendu. Le précédent gouvernement a modifié la disposition qui prévoyait que l'examen en vue de la libération conditionnelle pour un délinquant dangereux ou un condamné à perpétuité avait lieu tous les deux ans; c'est maintenant tous les cinq ans. C'était du moins l'idée. Le précédent gouvernement a modifié la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition pour forcer le détenu à attendre cinq ans, s'il ne réussit pas à obtenir sa libération conditionnelle, avant de pouvoir présenter une autre demande devant la Commission des libérations conditionnelles.

Cependant, les autorités ont oublié de modifier le Code criminel en conséquence, qui prévoit toujours que les personnes ainsi condamnées ont droit de le faire tous les deux ans. La Commission des libérations conditionnelles du Canada a décidé de seulement tenir compte de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, même si personne n'a modifié le Code criminel en conséquence. Ce dossier sera entendu sous peu. Nous demandons en gros à la Cour fédérale de déclarer que la disposition du Code criminel s'applique toujours. C'est en fait le cas, parce que la nouvelle disposition dit « dans les cinq ans », et nous disons que « dans les deux ans, c'est dans les cinq ans ». Vous pouvez en fait les lire.

La Commission des libérations conditionnelles a décidé de son propre chef de ne plus appliquer une disposition du Code criminel sur la libération conditionnelle, ce qui est incroyable. Nous en étions stupéfaits. Nous pensions qu'il suffirait d'une lettre, mais cela n'a pas fonctionné. Bref, ce dossier sera entendu bientôt.

Le ministère de la Justice a déjà reconnu ses torts dans d'autres dossiers, et nous avons obtenu des ordonnances des tribunaux dans ces affaires. L'un de ces dossiers porte sur ce que je qualifie d'occasion en or pour votre comité. Je ne sais pas s'il y en a déjà été question, mais l'isolement disciplinaire, ce que j'appelle l'isolement punitif par opposition à l'isolement préventif, a fait l'objet de bon nombre de rapports par l'enquêteur correctionnel, et vous en avez débattu longuement au comité.

Il y a eu le cas d'un détenu autochtone qui a été aux prises avec l'alcoolisme la majorité de sa vie adulte et qui a produit de l'alcool frelaté dans sa cellule à Collins Bay. L'un de nos étudiants le représentait. Le détenu s'est présenté à son audience du tribunal disciplinaire et s'est fait dire en gros, sans la présence de son avocat, que le président indépendant — qui est l'équivalent d'un juge dans ces petits tribunaux à l'intérieur des établissements — avait accepté, étant donné qu'il avait entendu par d'autres que le détenu était prêt à plaider coupable, de ne pas le condamner à 30 jours d'isolement, à condition qu'il plaide coupable aujourd'hui. Comme la transcription le témoigne, le client a dit qu'il n'était pas coupable et qu'il voulait avoir droit à son audience, mais qu'il participait à un programme intensif de réadaptation pour les alcooliques. Contrairement à ce que certains racontent, c'est impossible de poursuivre le programme pendant que vous êtes en isolement. Il ne voulait pas perdre sa place dans le programme et jeter à l'eau les progrès qu'il avait réalisés. L'offre de la dernière chance était une condamnation avec sursis de 30 jours en isolement et une probation de 90 jours, ce qui signifie que, si le détenu ne commet aucune infraction au cours de ces 90 jours, les autorités passent l'éponge; s'il commet une infraction, il doit alors purger sa peine en isolement.

Bref, la veille de son procès, il s'est en gros fait offert d'accepter cette entente ou — et je cite — « si vous passez devant le juge, cette solution ne sera plus possible. » Le détenu souhaitait continuer de participer au programme de réadaptation pour les alcooliques et de réaliser des progrès et éviter l'isolement.

Curieusement, après que le détenu a accepté l'entente, obtenu l'annulation de son procès, plaidé coupable à l'accusation et reçu une condamnation avec sursis de 30 jours et une probation de 90 jours, je crois que le président, pour être en mesure de dire qu'il n'allait pas mettre en isolement cette personne, a dit au détenu lors de la détermination de la peine : « Je ne vous aurais pas condamné à une période en isolement, mais je vous aurais condamné à une perte de privilèges », même si le détenu s'était clairement fait dire au départ qu'il ne serait pas possible d'éviter l'isolement. Tout cela pour avoir produit de l'alcool frelaté dans une cellule : un alcoolique qui produit de l'alcool frelaté.

Comme je l'ai mentionné, des discussions ont eu lieu au sujet de l'isolement et ce que cela signifie en pratique. Dans le cas de l'isolement préventif, qui a été longuement critiqué avec raison, selon moi, devant votre comité et dont nous devons réduire le recours, des gens essaient au moins de faire valoir qu'il serait préférable de continuer à y avoir recours moins souvent. À la base, nous en avons besoin pour assurer la sécurité dans les établissements durant un certain temps. Comme nous l'entendons, l'isolement a une certaine utilité, mais ce n'est pas une pratique de nature punitive; cela vise à assurer la sécurité au sein de l'établissement.

Par contre, selon un article de la même loi et les définitions de l'isolement, il s'agit d'avoir à votre disposition tout ce qui le serait normalement, à condition que vous puissiez le faire au travers d'une fente, qu'une personne puisse le faire cette journée-là et que cela ne concerne pas les autres détenus; vous pouvez donc dire adieu à votre programme, même si cela prévoit que vous êtes censé avoir droit au programme tant que cela ne concerne en rien les autres détenus. La formation, le programme, tout travail de groupe ou tout programme de traitement des dépendances auquel vous participez ne pourra pas se faire au travers de la fente de la porte.

Le pire aspect de cet isolement est que cela ne vise qu'un seul objectif. Ces personnes ne sont pas une menace pour l'établissement à ce stade. Il s'agit d'une peine de nature punitive. C'est le seul endroit dans la loi où une telle chose existe. C'est uniquement de nature punitive. Personne ne prétend même que c'est autre chose. Voilà pourquoi les autorités présentent cette possibilité comme une épée de Damoclès qui plane au-dessus de la tête du détenu pour voir s'il prendra la bonne décision, parce que « vous ne voulez pas que cela vous arrive ».

Personne ne se pose des questions sur la santé mentale des détenus avant de les envoyer en isolement punitif; j'appelle l'isolement disciplinaire de l'isolement punitif. Cette mesure ne vise aucun autre objectif dans les faits et en principe. Même si cela représente probablement seulement 4 p. 100 des cas d'isolement au fil des ans, je crois que cela ne se limite pas seulement à influer sur les tribunaux disciplinaires et à placer en isolement des détenus qui ne devraient pas l'être. Cela envoie aussi un message contradictoire concernant l'ensemble de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.

Vous entendez des témoignages tentant de démontrer si l'isolement est de nature punitive ou non. Cela demeure le même isolement. C'est physiquement la même chose, et c'est prévu en vertu de l'article 44 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition en vue de punir des détenus qui ont un comportement répréhensible. C'est exactement la même chose.

C'est déconcertant quand la question est abordée et débattue. Si vous êtes un gardien ou un agent de classification, vous connaissez très bien les tribunaux disciplinaires, parce que vous y avez été à de nombreuses reprises. Vous savez que ces tribunaux envoient des détenus en isolement, qu'ils les menacent de les y envoyer et que cette menace plane sans cesse sur eux; cela fait partie de ce que vous faites avec les détenus si vous suivez la loi et le règlement.

Vous ne vous renseignez pas non plus sur la santé mentale des détenus. Vous ne vérifiez pas non plus si le détenu a déjà été placé en isolement au cours des derniers mois. Même si la durée maximale de l'isolement est de 30 jours, ce qui est long, cette période de 30 jours peut se reproduire tous les deux mois, encore et encore. C'est probablement le prochain aspect que nous aimerions aborder devant les tribunaux pour le faire invalider; cette pratique devrait être inconstitutionnelle.

Nous prenons de plus en plus conscience des effets de l'isolement. Nous ne pouvons pas en vouloir aux gens de ne pas connaître certains éléments. Nos connaissances s'améliorent, mais la disposition est toujours présente. Nous savons que cette pratique cause des dommages psychologiques à un groupe d'individus qui compte beaucoup plus de membres fragiles sur le plan psychologique que la population en général. C'est la formule pour rendre une population en colère et plus versatile et avoir des personnes qui sont moins en mesure de réintégrer plus tard la société. Cette pratique n'a aucun effet positif.

Je répète que je crois qu'il y a des enjeux beaucoup plus complexes. Je n'ai entendu personne défendre cela. Je ne le sais pas; il y en a peut-être certains. Je ne comprends pas pourquoi c'est encore permis, étant donné que cela fait 15 ans que des enquêteurs correctionnels parlent dans leurs rapports du recours excessif à l'isolement.

À l'occasion, des détracteurs souligneront que l'isolement disciplinaire est louable, parce que c'est limité à 30 jours, mais ils ne tiennent pas compte que cette pratique n'a en fait aucun objectif légitime apparent. Peu importe si vous croyez que l'isolement préventif est un mal nécessaire ou non nécessaire, le camp dans lequel vous vous rangez n'a aucune importance. C'est le seul objectif, outre d'infliger des dommages psychologiques aux gens. C'est à mon avis une occasion en or.

Le ministère de la Justice a déjà reconnu ses torts dans plusieurs dossiers; ces questions ne seront donc pas contestées. Comme il l'a reconnu à cet égard, l'audience n'aura pas lieu.

Les dossiers concernent majoritairement jusqu'à présent, outre celui sur la libération conditionnelle dont j'ai parlé, les tribunaux disciplinaires et les questions d'iniquité procédurale qui reviennent sans cesse, ce que nous venons d'apprendre. Nous pensions qu'une jurisprudence plus récente était nécessaire concernant en particulier certains établissements précis et que le président en établissement ne semblait pas tenir compte de ce que nous considérons comme des indications claires en matière d'équité procédurale.

La sénatrice Pate : J'ai une question complémentaire. Serait-il possible de discuter avec vos clients et, avec leur permission, de nous envoyer les dossiers?

M. Ellacott : Oui.

La sénatrice Pate : Ce serait excellent. Merci.

M. Ellacott : En fait, dans certains cas, ce sont maintenant des documents publics. La Couronne était d'accord avec nous dans certains cas. Dans d'autres cas, elle dépose ses documents auprès du greffe de la Cour fédérale. Je suis donc en mesure de vous envoyer les mémoires ainsi que les contre-mémoires.

La sénatrice Pate : Les règlements incluent-ils des accords de confidentialité?

M. Ellacott : Je ne crois pas.

La sénatrice Pate : D'accord.

La sénatrice McPhedran : En ce qui a trait aux documents, je tiens à m'assurer de bien comprendre le tout. Vous avez dit qu'il y a eu plus de 1 100 cas et qu'un même détenu peut avoir plus d'un cas le concernant. Est-ce pour 2016?

M. Ellacott : C'était pour 2016 et jusqu'à la fin de l'exercice, soit le 31 mars 2017.

La sénatrice McPhedran : Je ne veux pas prendre le temps de le faire maintenant, mais j'espère que nous pourrons assurer un suivi pour avoir des données plus précises à cet égard.

Parmi ces cas, pouvez-vous nous parler d'expériences, de signalements ou de demandes d'aide quelconque ayant trait à l'orientation sexuelle ou à l'identité de genre? C'est une question de nature plus générale, mais je m'intéresse tout particulièrement à la question des transgenres.

M. Ellacott : Nous n'en avons eu aucun depuis que je suis là. Cette question a récemment été soulevée, parce que les étudiants ont fait des présentations. J'ai remis une liste de sujets possibles, dont cet enjeu, et une étudiante s'est penchée sur cette question.

Un candidat au doctorat de l'Université de Toronto réalise activement des recherches sur cet aspect et s'occupe de programmes pour les détenus transgenres dans divers établissements. Je l'ai rencontré un jour pour discuter des problèmes qu'il doit surmonter et de la manière dont nous pouvons l'aider dans ses études. Je crois que le SCC dit qu'il y a officiellement environ une bonne trentaine de détenus transgenres. Cependant, pour des raisons évidentes, cela ne correspond pas à la réalité. C'est trop dangereux pour certains détenus de le faire savoir. Pourquoi se manifesteraient- ils? Leurs renseignements personnels seraient-ils protégés? Bon nombre de détenus entretiennent des relations conflictuelles avec le Service correctionnel Canada et ne croient pas qu'ils pourraient en tirer quelque chose de mieux.

Selon ma compréhension de la jurisprudence, la dernière fois que les tribunaux se sont penchés sur les mesures d'adaptation en la matière, c'est environ en 2001. C'est le dernier cas. Cela fait longtemps, compte tenu de l'enjeu et de son évolution rapide. Après coup, plusieurs détenus ont demandé des contrôles judiciaires ou des mesures d'adaptation dans d'autres établissements, et toutes ces demandes ont été réglées. Il n'y a donc aucun précédent en la matière.

Selon ce que je comprends de ce que fait actuellement le SCC — je ne suis pas spécialiste dans ce que les autorités ont l'intention de faire —, son processus essaiera de reproduire ce qui se passe à l'échelle provinciale en Colombie- Britannique et en Ontario. C'est ce dont j'ai eu vent par l'entremise des travaux d'une étudiante sur la question. Ces deux provinces semblent avoir une longueur d'avance sur les autres; c'est ce que j'en comprends.

La sénatrice McPhedran : Que font-elles?

M. Ellacott : Je regrette de ne pas avoir apporté son travail.

Il y avait une série de changements. Il y avait évidemment le placement en soi des détenus ainsi que le financement du traitement hormonal ou chirurgical en ce qui a trait notamment aux médicaments, parce qu'une certaine confusion règne entre les autorités provinciales et fédérales au sujet de ce qui est couvert et de ce qui devrait l'être. Je ne me rappelle pas tout ce qui est couvert; ce n'est pas du tout mon champ d'expertise. Selon ce que j'en comprends, je crois qu'une révision à ce sujet est prévue d'ici l'année prochaine, et je crois qu'il y avait probablement un manque de services parce que des règlements étaient offerts aux détenus et que personne n'était au courant de ce qu'ils avaient obtenu. Cela touche l'ensemble du SCC. Si vous êtes détenu à Renous et qu'un grand nombre de ces règlements surviennent, par exemple, en Colombie-Britannique, vous n'avez aucune idée de ce qu'il vous est même possible de demander, et vous passez votre vie avec ce problème personnel.

Il s'agit certainement d'un enjeu sur lequel nous nous pencherons; voilà pourquoi je l'ai inscrit sur la liste pour qu'une personne fouille le dossier et prépare un document d'information que pourront consulter les prochains étudiants, et c'est aussi la raison pour laquelle j'ai rencontré le candidat au doctorat de l'Université de Toronto.

La sénatrice McPhedran : Merci.

Le président : Vous avez parlé de la question de l'isolement et avez présenté des arguments très convaincants à cet égard. Savez-vous si des mesures d'adaptation sont possibles pour les détenus sous responsabilité fédérale — nous avons parlé des problèmes de santé mentale — qui ont des déficiences intellectuelles ou qui sont autistes, par exemple? Des mesures d'adaptation sont-elles prises pour eux lors des audiences de libération conditionnelle? La capacité de ces personnes d'obtenir leur libération conditionnelle vous inquiète-t-elle?

M. Ellacott : Eh bien, nous n'avons pas encore eu de cas d'autistes à la clinique. Toutefois, si j'exerçais encore dans le secteur privé, je serais en train de faire valoir des arguments pour remettre en question l'incarcération même d'un client. La preuve psychologique relativement à cette personne est que l'incarcération serait manifestement insoutenable; le confinement serait littéralement insoutenable pour cette personne. Les rencontres en personne avec des figures d'autorité sont souvent un problème.

Je ne suis pas au courant de mesures d'adaptation possibles pour ces personnes, mais c'est un autre domaine où le nombre de détenus autistes semble être en hausse, d'après ce que nous pouvons lire. Cela semble aussi être le cas relativement aux crimes informatiques, et c'est la raison pour laquelle je crois que ce sera un problème pour le Service correctionnel Canada.

Les personnes plus lourdement atteintes d'autisme sont peut-être moins susceptibles d'être impliquées dans certains crimes violents en raison de leur sensibilité à l'égard de leur espace personnel. Cependant, je vois un grand nombre de personnes dans le système de justice pénale que nous n'aurions probablement pas vues dans le système par le passé, et ces personnes y sont pour des crimes informatiques, parce que les gens sont beaucoup plus habiles en informatique. Nous avons dans ce secteur des communautés qui ne dépendent pas de l'ouverture aux autres. Cela leur permet de tirer parti de leurs forces à bien des égards, mais il arrive aussi parfois que des gens posent des gestes répréhensibles et aboutissent devant les tribunaux.

À l'époque où j'exerçais dans le secteur privé, j'ai brièvement examiné comment les choses pouvaient se dérouler pour un client, et les gens que j'ai consultés n'avaient aucune bonne réponse à mes questions. Cela visait les systèmes provinciaux et fédéral, et j'ai consulté des hauts placés dans ce dossier.

Le président : J'aimerais poser une question de nature générale avant de redonner la parole à la sénatrice Pate. Nous visiterons demain Millhaven, puis nous nous rendrons à l'établissement de Bath. Si vous nous accompagniez et que vous pouviez poser des questions aux détenus, au directeur de l'établissement ou aux autres personnes présentes, que leur demanderiez-vous? Que chercheriez-vous à savoir?

Comme je l'ai mentionné plus tôt, c'est le début des audiences du comité à l'extérieur d'Ottawa. Nous avons appris aujourd'hui que ces deux établissements seront extrêmement importants relativement à ce que nous verrons au Québec, dans la région de l'Atlantique et ailleurs au pays.

M. Ellacott : Il y a maintenant un Centre régional de traitement à l'établissement de Millhaven. C'est un peu à l'arrière, près du quai de chargement.

Le président : Oui. Nous le visiterons.

M. Ellacott : Je me rendrais donc à cet endroit.

Je ne sais pas dans quelle mesure la prison prend une autre apparence lorsqu'un groupe de sénateurs y met les pieds. Selon moi, vous avez entrepris une mission d'étude difficile, et je ne le dis pas au sens péjoratif. Je pense seulement que la réalité demeure que des gens entretiennent des relations conflictuelles entre eux; par exemple, c'est le cas entre les détenus et le personnel.

Il n'y a pas énormément de lanceurs d'alerte au sein du SCC. Le cas d'isolement le plus médiatisé actuellement est celui d'Adam Capay; nous pouvons lier ce dossier à un lanceur d'alerte qui a publié un message sur Twitter au sujet d'Adam Capay et qui était un garde à cet établissement de Thunder Bay.

Je ne suis pas en train de dire que c'est un grand secret que tout le monde protège. J'ai seulement de la difficulté à trouver les bonnes questions et le bon environnement pour que les gens se sentent libres de s'exprimer. Je suis persuadé que vous avez déjà réfléchi au processus à employer, mais cela en ferait partie.

Je vais vous donner mon opinion; ce n'est pas l'opinion de la Couronne. Lorsque vous traitez d'affaires criminelles ayant trait au milieu carcéral, vous constatez que les statistiques, par exemple, ne sont pas toujours ce qu'elles semblent être lorsqu'il est question des audiences de déclaration de délinquant dangereux. Vous pouvez éplucher une centaine d'affaires au cours desquelles le même manège a été employé par la Commission des libérations conditionnelles et le Service correctionnel du Canada. Les autorités essayaient de démontrer à la cour que les délinquants dangereux obtiennent leur libération conditionnelle lorsqu'ils sont prêts. Les chiffres n'étaient jamais bons. Vous pouviez les contre-vérifier, mais les chiffres n'étaient même pas près de la réalité dans ces dossiers. Les autorités arrêtaient de les utiliser lors des audiences lorsque je les informais que je leur demanderais la source de ces chiffres.

Dans l'aire des visites et de la correspondance dans les établissements, pratiquement toutes les tables autour de vous ont des micros pour que les gens puissent écouter les discussions entre les détenus et leur épouse, leurs proches et d'autres visiteurs. Vous êtes donc dans l'aire des visites. Si vous découvrez qu'à l'une ou l'autre de ces tables... Pour écouter les gens, vous êtes censé obtenir l'autorisation écrite du directeur de l'établissement. Vous êtes également censé obtenir son autorisation pour en gros mettre sur écoute des personnes ou une ligne téléphonique et intercepter des communications entre les détenus.

Il n'y a pas vraiment de vie privée dans les établissements carcéraux. Par conséquent, le peu que les détenus ont revêt une grande importance. Cependant, c'est rare dans une affaire criminelle de pouvoir dire : « Pourrais-je maintenant obtenir l'autorisation qui est dans ce document qui atteste que nous avons obtenu l'autorisation de le faire? » Nous ne l'obtenons jamais.

Je demanderais si une personne surveille ce genre de choses. Le système qui vous permet d'écouter les appels téléphoniques et les conversations privées dans l'aire des visites entre les détenus et leurs proches vous permet-il d'en surveiller l'utilisation? Il suffit d'appuyer sur un bouton pour écouter. Y a-t-il une puce? Y a-t-il un élément dans le système qui vous permet de savoir combien de fois par mois quelqu'un écoute les conversations et cela correspond-il au nombre d'autorisations écrites pour ce faire?

Soit dit en passant, cette question a été soulevée dans deux ou trois affaires, mais ce n'est pas bon signe pour l'instant. Les données probantes ne semblent pas indiquer que ces chiffres correspondent parfaitement. Bref, je crois que ces secteurs des établissements carcéraux pourraient faire l'objet d'audits.

Par ailleurs, la capacité des autorités de conserver les enregistrements des incidents semble tout simplement... Les établissements ont peut-être seulement eu un mauvais contrat. Je ne sais vraiment pas ce qu'est le problème, mais la majorité de ce qui se passe est maintenant enregistrée. Si un détenu est sur le point de l'objet d'un transfèrement non sollicité vers un établissement à sécurité plus élevée, la réponse se trouve très souvent sur l'enregistrement.

Cela survient également devant les tribunaux disciplinaires. Les détenus diront : « Veuillez obtenir l'enregistrement; veuillez obtenir l'enregistrement », parce qu'ils veulent ce qui s'y trouve; il n'y a aucun enregistrement. Il a malencontreusement été perdu, ou le système n'était pas en fonction, par exemple. Je ne sais pas si cela se produit souvent dans d'autres secteurs, mais je sais qu'il en est question à l'occasion notamment dans les rapports de l'enquêteur correctionnel. Je serais curieux de connaître la fréquence à laquelle de tels problèmes techniques surviennent.

Cela peut vous sembler bizarre, mais ces enregistrements sont utiles pour obtenir une application régulière de la loi pour les personnes dont le transfèrement vers des établissements à sécurité plus élevée est en jeu; nous pourrions faire tomber des accusations criminelles tout simplement en montrant ces enregistrements, parce que ces enregistrements sont déposés lorsqu'ils sont négatifs. Les enregistrements ont tendance à fournir des preuves accablantes sur des comportements étranges.

J'ai vu un enregistrement l'autre jour. Il s'agissait d'un drone qui larguait un colis, et une personne se tenait directement à l'endroit où le colis a atterri. C'est un tout nouveau domaine.

C'est difficile de vous répondre sans y être. Je parlerais aux dirigeants des comités de détenus parce que nous pouvons déjà établir qu'ils sont un peu plus disposés à se faire voir. Beaucoup de gens suivent seulement le conseil général suivant. Soyez le détenu que personne ne remarque lorsqu'il n'est plus là et tenez-vous tranquille. Il y en a d'autres qui assument des rôles de dirigeant, même si ce n'est pas toujours une excellente chose à faire si vous ne voulez pas vous attirer les foudres des autres. Bref, je crois que ces détenus se sentiraient généralement plus à l'aise de raconter la vérité.

Le président : Eh bien, nous ne verrons peut-être pas tout ce que nous voulons voir, mais nous essaierons.

La sénatrice Pate : J'aimerais revenir sur certains éléments que vous avez mentionnés ou auxquels vous avez fait allusion. Vous arrive-t-il souvent de voir des renseignements provenant de tiers servir de fondement pour des accusations d'infraction disciplinaire ou des manquements aux conditions de libération conditionnelle?

Nous avons visité Joyceville et nous irons demain à Millhaven, soit deux établissements qui ont une unité d'évaluation. Nous avons discuté du nombre de manquements aux conditions. Nous n'avons pas eu beaucoup de données probantes concernant les types de manquements et leur fondement, mais je sais que vous avez de l'expérience en la matière.

M. Ellacott : Parlez-vous de manquements postsuspension?

La sénatrice Pate : Et d'accusations d'infraction disciplinaire se fondant sur des renseignements provenant de tiers.

M. Ellacott : Pas vraiment de tiers. Voulez-vous dire de l'extérieur ou de l'intérieur de l'établissement?

La sénatrice Pate : De l'intérieur de l'établissement.

M. Ellacott : Eh bien, les enquêtes qui visent à obtenir, par exemple, l'autorisation de réaliser une fouille exceptionnelle de la cellule d'un détenu se fondent pratiquement toutes sur de prétendus renseignements fiables.

La sénatrice Pate : Avez-vous eu l'occasion de vérifier ces renseignements?

M. Ellacott : Dans le contexte carcéral, c'est très rare. Vous en comprenez l'essentiel, pour le dire ainsi, mais c'est tout. À l'époque où je pratiquais dans le secteur privé, nous exercions des pressions devant le tribunal criminel pour au moins avoir suffisamment d'information pour établir que le client ne pouvait pas être vu sur un enregistrement au moment et à l'endroit mentionnés, mais il fallait généralement trimer dur pour ce faire. Ce sont des affaires impliquant des drogues qui ont été trouvées dans une cellule que se partagent peut-être deux détenus.

Voilà pourquoi j'ai l'impression que la technologie semble accusée du retard. Cela pourrait nous aider à établir divers éléments concernant des détenus; ce n'est pas à sens unique. Tout le monde est gagnant. Cependant, en ce qui a trait à l'équité, nous avons l'impression que la technologie accuse un énorme retard par rapport à ce qu'elle pourrait être actuellement, mais il y a beaucoup de renseignements provenant de tiers dans de telles situations.

Personnellement, je n'ai pas participé récemment à un grand nombre d'audiences postsuspension, mais la clinique juridique est actuellement saisie de certains dossiers. Je crois que bon nombre d'entre eux concernent les analyses d'urine. Il se peut qu'un individu ne se soit pas présenté pour son analyse d'urine, qu'il n'ait pas appelé ou qu'il n'ait pas parlé des nouvelles personnes qu'il a rencontrées. Il se peut qu'un individu doive se plier à certaines conditions. Par exemple, vous avez un nouveau partenaire et vous ne l'avez pas dit suffisamment tôt dans le processus à votre agent de libération conditionnelle. Il y a de nombreux manquements qui vont en ce sens.

La sénatrice McPhedran : Vous considérerez peut-être que ma prochaine question s'appuie trop sur vos impressions; sentez-vous libre, si c'est le cas. J'aimerais connaître vos impressions au fil de vos années à la clinique de la faculté de droit de l'Université Queen's et, en particulier, j'aimerais savoir si vous sentez plus ou moins d'impartialité évidente à l'égard des détenus issus de minorités. J'ai déjà posé une question sur les détenus transgenres, mais j'aimerais maintenant parler des détenus issus de minorités ou des détenus qui ont des troubles évidents de santé mentale ou du développement; nous pourrions croire, peut-être à tort, que ces détenus sont plus susceptibles d'être victimes d'abus et de discrimination et plus faciles à punir. Avez-vous été témoin de l'un ou l'autre de ces éléments au cours de votre carrière?

M. Ellacott : Je suis vraiment à la tête de la clinique depuis seulement quelques mois. Je suis à Kingston et je connais les personnes qui y ont travaillé au fil des ans. J'y étais à titre d'étudiant. Étant donné que j'en suis le directeur depuis seulement quelques mois, je ne pourrais pas vraiment vous dire précisément si cela augmente.

À mon avis, que cela augmente ou non, certains problèmes systémiques sont toujours bien présents. Je crois que c'est un problème. L'affaire Ewert sera bientôt entendue par la Cour suprême et porte sur l'utilisation des tests actuariels à l'égard d'un détenu autochtone au cours des plaidoiries. Il a jusqu'à présent été démontré avec succès que la validité de ces tests n'a pas été démontrée.

Je me suis beaucoup occupé d'audiences de déclaration de délinquant dangereux devant les tribunaux criminels, j'ai exercé le droit carcéral et j'ai fait bien d'autres choses, et je me suis dit au fil des ans que le SCC s'appuie beaucoup trop aveuglément sur les tests actuariels et qu'il y accorde tout simplement une trop grande priorité. Bon nombre de ces tests se fondent sur des facteurs fixes qui ne peuvent pas changer. Le résultat de la personne ne peut pas vraiment changer en raison des aspects dynamiques, soit les facteurs qui évoluent. Vous pouvez améliorer votre formation; vous pouvez réduire votre degré de dépendance à diverses substances; selon la documentation, plus vous vieillissez et plus votre violence s'atténue. Tout change, mais les tests actuariels ne suivent pas cette évolution. C'est mon opinion et c'est également l'opinion d'un grand nombre de psychologues judiciaires qui ne travaillent pas pour le SCC.

Alors j'ai toujours pensé que ces mesures étaient surutilisées. J'estime que la commission des libérations conditionnelles se fie trop à elles, car elles peuvent fournir ce qui semble être une probabilité numérique. Ce n'est pas exactement ainsi que cela fonctionne. Les deux mesures principales qui sont ressorties de l'Ontario, bien qu'elles soient utilisées partout, s'appellent — et je ne sais pas si c'est trop technique — les GERV et les GERDS; elles sont censées prédire si un délinquant est susceptible de récidiver avec violence ou de commettre une nouvelle agression sexuelle.

L'échantillon original de personnes visées se composait de gens qu'on avait laissé sortir de l'hôpital Penetanguishene au fil du temps; en raison de la nature de cette institution — aucune de ces personnes n'aurait été mise en liberté conditionnelle, et la plupart d'entre elles le seront — personne n'a établi de statistiques sur le nombre de caucasiens, de Premières Nations ou de Canadiens d'origine africaine parmi eux. On ne dispose d'aucunes statistiques sur ces groupes, alors bien des gens diraient qu'elles ne sont pas validées pour d'autres groupes ethniques non plus.

Bien que ce soit une bonne chose que l'affaire Ewert soit portée devant la Cour suprême, son dossier d'instruction n'est pas génial. Il est dommage qu'on n'ait pas disposé d'une affaire avec un dossier plus substantiel dont il aurait été possible de tirer plus d'informations ou qu'elle ne se soit pas trouvée au stade auquel se trouve actuellement l'affaire Ewert, mais je pense que les gens qui y travaillent essaient de tirer le meilleur parti possible de ce qu'ils ont. C'est simplement que le dossier d'instruction pourrait être meilleur.

Si vous lisez le dossier d'instruction, vous verrez que les remarques du juge sont cinglantes à l'égard du parti pris non déclaré des experts appelés à témoigner par le Service correctionnel dans cette affaire. Alors ce n'est peut-être pas principalement pour cette raison, mais pourquoi SCC, qui emploie nombre de cliniciens très qualifiés et de personnes qui ont rédigé des articles sur une gamme de ces sujets, n'a pas fait appel à ces personnes pour simplement montrer que ces vieilles échelles fonctionnent? En fait, la question du parti pris non déclaré dans l'affaire Ewert était qu'un des autres promoteurs de ces échelles était l'expert de SCC et qu'il ne l'a pas déclaré.

La sénatrice McPhedran : À la fin des années 1970 et au début des années 1980, l'Ontario a laissé partir un nombre énorme de patients en psychiatrie dans des collectivités à la grandeur de la province, y compris dans cette région. Ce matin, nous étions dans une installation faisant partie du groupe Royal, qui accueillait 10 fois le nombre de patients avant la libération obligatoire des patients en psychiatrie. Nous avons de nombreux problèmes attribuables à la façon dont cela a été fait, mais pouvez-vous envisager une région de Kingston où la vaste majorité des gens qui sont actuellement incarcérés ne le sont plus? Voyez-vous comme quelque chose de réalisable, de souhaitable, la fermeture de ces installations et la libération de ces gens?

M. Ellacott : Je pense qu'il y a un certain nombre de raisons pour lesquelles beaucoup moins de personnes devraient être incarcérées, et l'une d'elles, selon moi, est que le taux de personnes mises en liberté conditionnelle a augmenté légèrement au cours de la dernière année et demie. Cela semble avoir changé depuis les dernières élections.

Un des avantages d'une hausse des libérations conditionnelles est que presque tout le monde sort à un moment donné, et les taux de récidive sont moins élevés chez les gens qui ont été libérés sous condition pour de plus longues périodes pendant lesquelles quelqu'un pouvait non seulement surveiller leur comportement, mais aussi les aiguiller vers des programmes payés. S'il s'agit d'un type de programme de suivi adapté aux problèmes d'un détenu en particulier — il pourrait s'agir de toxicomanie, de gestion de la colère — un agent de libération conditionnelle saura où il est offert et pourra l'y inscrire.

Une fois que votre mandat sera arrivé à échéance, cela ne se produira plus, et les gens devront se tourner vers des programmes privés à moins d'être hospitalisés pour une raison ou une autre. Il est très difficile pour les gens d'obtenir des traitements en établissement pour les dépendances et ces types de choses s'ils n'ont pas d'argent — beaucoup d'argent. J'ai essayé de le faire en pratique privée avec des accusés. Alors vous voulez que l'on rallonge les périodes de liberté conditionnelle, car on fera généralement moins de victimes au bout du compte.

Je ne comprends pas entièrement ce que vous entendez par « cette région ». Disons que 20 p. 100 de personnes de plus étaient libérées. Est-ce que je trouverais cela un peu troublant? C'est ce que vous voulez dire?

La sénatrice McPhedran : Je pose ma question en partie en réaction au fait que l'Ontario est en train d'opter pour un plan « Mincome » pour la province et aussi à l'idée de la désinstitutionalisation de nombres considérables de personnes — d'une politique délibérée de décarcération à beaucoup plus grande échelle.

Et non, ce n'était pas une question tendancieuse pour savoir si vous seriez nerveux, mais plutôt une question concernant ce que vous envisageriez, compte tenu des remarques liminaires au sujet de l'industrie, si vous voulez, des prisons dans cette région.

M. Ellacott : Je pense que cela procurerait de nombreux avantages. Encore une fois, on en revient à la technologie dans bien des cas. Cependant, lorsque vous avez un client en pratique privée qui a les moyens de le faire et que vous essayez d'obtenir sa liberté sous caution, par exemple, vous prenez conscience du fait que les dispositifs de surveillance à la cheville sont à un niveau totalement différent de celui d'il y a cinq ans. Manifestement, ces dispositifs sont maintenant munis d'un GPS intégré. Un des points dont on se préoccupe le plus en ce qui concerne certaines personnes en liberté conditionnelle est de savoir où elles vont, pour différentes raisons, mais les endroits où elles vont peuvent être le principal problème. Ainsi, vous disposerez d'un GPS capable de vous dire où la personne est allée et de vous permettre de recréer son emploi du temps, et cetera.

Je ne cherche pas un état de surveillance, mais il y en a d'autres qui se déclenchent et sonnent une alerte s'ils sentent la présence d'alcool dans votre sang — et qui sont entièrement fiables. Il existe maintenant des entreprises avec lesquelles vous pouvez jumeler les clients et qui envoient des représentants à la séance de libération sous caution pour s'occuper de ces détails.

Au fil des ans, vous entendez parler de projets pilotes en tout genre de SCC auxquels on a ensuite mis fin. On soulève des arguments du genre : « Oh, un type se trouvait dans le métro de Toronto et on ne recevait plus aussi bien le signal ». Ensuite, il n'est plus jamais question de ce programme.

C'est surprenant, par contre, car c'est facile à faire au privé. Si un client a de l'argent et que vous avez besoin de ces technologies, elles existent et leur prix baisse considérablement dans la plupart des cas. Si c'était plus cher auparavant, c'est que la seule à les offrir était la société chef de file de départ. Maintenant, elles sont deux ou trois à le faire. Les prix ont beaucoup baissé. Vous pourriez avoir beaucoup de personnes qui vont au travail, qui vont à l'école, qui reçoivent des services dans le contexte d'une relation non conflictuelle. Ce serait extrêmement avantageux.

Le président : D'accord. Nous vous savons gré de votre témoignage, professeur.

Sénatrice Hartling.

La sénatrice Hartling : Les intervenants de la clinique d'aide juridique ont-ils senti de la résistance de la part de SCC pour ce qui est de communiquer avec les détenus et d'avoir accès aux clients là-bas? Les échanges se sont-ils généralement faits en douceur?

M. Ellacott : Ils ont généralement tissé une très bonne relation. J'ai constaté au fil des ans qu'il s'agissait d'une relation d'institution à institution.

La sénatrice Hartling : D'accord.

M. Ellacott : Et ce n'est pas vraiment au niveau de la sécurité que cela se passe; dans certaines institutions, il existe une masse critique plus difficile à gérer en ce qui concerne les questions d'accès à un avocat.

La clinique juridique envoie des étudiants en personne sans arrêt, alors très peu d'échanges se passent au téléphone à part l'appel initial. Ensuite, nous envoyons quelqu'un sur place.

Dans le contexte d'une pratique privée, il peut, en quelque sorte, être difficile d'être l'avocat de personnes dans certaines institutions. Si vous vous rendez en voiture jusqu'à Bath, vous venez de perdre votre avant-midi, et vous pouvez attendre dans la salle des visiteurs pendant une heure et demie sans qu'on avertisse votre client que vous êtes là. En fait, ils ne l'informeront pas de votre présence, car ils se disent qu'ils affichent l'information sur un babillard et que c'est à eux de regarder. Ensuite, vous apprendrez que l'information n'a jamais été affichée, et les clients vous appelleront, frustrés, car ils penseront que vous ne vous êtes pas présenté.

En conséquence, tous les avocats spécialisés en droit carcéral — et ils sont tout un groupe — pourraient citer exactement les mêmes institutions lorsqu'il est question de problèmes d'accès à un avocat.

La sénatrice Hartling : Merci.

La sénatrice Pate : C'est votre réponse à la sénatrice McPhedran qui m'a donné envie de vous poser cette question. Vous avez mentionné que, lorsque vous étiez avocat de la défense, vous aviez des clients payeurs qui pouvaient obtenir des choses comme des dispositifs de surveillance électronique.

Mais toute cette recherche, y compris les travaux menés par le ministère de la Sécurité publique, a montré, en fait, que l'effet probable de ces choses est simplement d'accroître les violations possibles et non le potentiel d'offrir du soutien dans la collectivité.

Je veux m'assurer que nous vous comprenons bien. Ce sont des options qui pourraient être offertes quand on dispose de quelques ressources, mais êtes-vous d'accord pour dire qu'il est préférable d'offrir de vrais programmes de traitements et services qui supposent ce type d'intervention humaine dynamique plutôt que des mesures de sécurité statiques?

M. Ellacott : J'envisagerais que pour un certain type de délinquant, on adopte un point de vue plus prudent afin de déterminer si cette personne devrait être remise en liberté ou si elle représente un risque gérable. J'estime simplement que la majorité des problèmes pourraient être plus facilement réglés avec une technologie qui coûte beaucoup moins cher que l'incarcération.

Il est indéniable que ce type de chose a un effet d'élargissement du filet. Chaque fois que vous suggérez une façon de contourner un certain problème, soudainement, les gens pour lesquels personne n'aurait envisagé la surveillance électronique seront munis de dispositifs. C'est ce qui s'est produit avec les peines d'emprisonnement avec sursis et tout le reste.

Par contre, disons que je suis un détenu et que j'ai ces choix. Je peux rester en prison ou être près de ma famille. Je peux être près d'un centre de traitement où je pourrai recevoir des soins dans une atmosphère moins hostile et plus confidentielle, et je sens que j'ai un choix de traitements. Si je suis toxicomane et que j'ai besoin d'autre chose que des programmes en 12 étapes parce qu'ils ne me conviennent pas vraiment, alors j'ai plus d'options, tout simplement.

Bien que je sois attentif à l'élargissement du filet, je continue de penser qu'il est préférable d'être à l'extérieur qu'à l'intérieur. Je pense qu'il y a beaucoup de personnes actuellement incarcérées qui n'ont pas besoin de dispositifs de surveillance électronique.

Tout le monde ne voit pas les risques du même œil. Si vous tenez des audiences de libération conditionnelle et vous voyez que différents dossiers font l'objet d'examens, vous constaterez qu'il y aura tout un groupe de détenus. Le nombre sera élevé, car la partie la plus importante de cette courbe est composée de personnes dont certains diraient qu'elles devraient être remises en liberté dans la collectivité pour apprendre différentes choses. Il pourrait s'agir, entre autres, de compétences ou simplement d'une semi-liberté dans une maison de transition qui permettrait au détenu de passer ses nuits en prison et ses journées dehors.

Je pense que, quel que soit votre point de vue, vous devriez donner aux gens la possibilité de choisir, et ils pourraient estimer ne pas poser de risque.

Vous parlez d'études dont je ne suis pas au courant, mais je ne connais pas bien des personnes qui contreviennent à la surveillance électronique lorsqu'elle est fixée lors des audiences sur la mise en liberté sous caution. Je n'en connais vraiment pas beaucoup. J'ai eu un cas semblable, mais il est littéralement parti.

Je ne connais pas grand-chose des autres. Il faudrait que je vois de quel type de surveillance il s'agissait et que je connaisse la teneur de l'étude, car vous allez être mieux informé que moi au moins sur ce point, entre autres.

Le président : Merci beaucoup de votre témoignage de ce soir, professeur. Il compte beaucoup pour nous. Nous avons beaucoup appris, et nous allons aussi tenter de donner suite à vos suggestions demain.

M. Ellacott : Merci.

Le président : Le travail que vous faites avec vos étudiants est extrêmement important. Nous vous en savons gré. Merci beaucoup d'être venu.

Honorables sénateurs, nous venons d'entendre le témoignage fascinant et éloquent de Sean Ellacott, professeur à l'Université Queen's. Notre prochain témoin est Catherine Latimer, directrice générale de la Société John Howard du Canada.

C'est un plaisir de vous revoir.

Catherine Latimer, directrice générale, Société John Howard du Canada : Merci.

Le président : La dernière fois que nous nous sommes rencontrés a été à l'occasion de votre témoignage passionné devant le caucus ouvert des sénateurs libéraux, et c'est de là qu'est née l'idée de notre comité. Nous tenons à vous en remercier.

Nous accueillons aussi Lawrence DaSilva.

Nous vous avons vu à Ottawa.

Lawrence DaSilva, ex-détenu fédéral, Société John Howard du Canada : Oui, monsieur.

Le président : Votre témoignage était excellent et passionné.

Et du Regroupement canadien d'aide aux familles de détenu(e)s, nous recevons Margaret Holland, coordonnatrice pour l'Ontario, Centres de ressources pour visiteurs.

Qui aimerait commencer? Les sénateurs seront ici pour poser des questions. Catherine?

Mme Latimer : Je suis ravie de commencer. Je tiens à réitérer à quel point nous sommes heureux que vous preniez vraiment le temps de partir en mission d'étude, d'aller dans certaines des prisons et de parler à des détenus.

Je pense que la dernière fois que je suis venue témoigner devant vous, je vous ai dressé une liste de certaines des questions qui soulèvent vraiment des préoccupations sur le plan des droits de la personne, et je veux en ajouter quelques autres qui ont tendance à être un peu courantes et vous parler ensuite des services correctionnels communautaires qui, je crois, s'inscrivent à votre ordre du jour.

Une chose qui a fait la manchette récemment et qui a soulevé de sérieuses préoccupations a été la mort de Matthew Hines. Je crois que nous ne devrions pas édulcorer ce qui s'est vraiment passé : des agents correctionnels ont employé une force meurtrière.

Les agents correctionnels sont des agents de la paix, alors ils sont capables d'employer la force et même d'employer une force meurtrière, mais il nous faut un cadre législatif et des modèles de responsabilisation entourant l'utilisation de ce type de force.

Je me préoccupe du fait que c'est SCC qui détermine qui est un agent de la paix et qu'il ne semble pas y avoir de façon individualisée d'enlever à quelqu'un son statut d'agent de la paix si cette personne paraît avoir usé d'une force excessive ou d'avoir, de toute autre façon, abusé des pouvoirs d'agent de la paix qui lui ont été conférés. Je me demande s'il ne serait pas prudent de disposer d'un type de système de surveillance et d'accréditation externe pour déterminer qui devrait être agent de la paix et qui devrait continuer de l'être, en particulier après un cas majeur où une force physique ou meurtrière a été employée à l'encontre de détenus.

L'autre point que je veux soulever et dont je suis assez ravie est le fait qu'il semble que l'on consacrera des ressources supplémentaires aux questions de santé mentale dans le budget de Service correctionnel, ce qui est excellent. J'espère qu'une partie de ce financement servira à offrir d'autres options que le recours à l'isolement préventif.

Nous constatons que bien trop de personnes souffrant de problèmes de santé mentale sont placées en isolement et que les responsables des services correctionnels font souvent valoir que ces cellules sont le meilleur endroit pour elles. Je pense que de plusieurs maux, c'est probablement le moindre, mais que nous avons de bien meilleures solutions que de penser que l'isolement, dont nous savons qu'il occasionne des problèmes importants aux personnes souffrant de maladies mentales, est la meilleure option. Je me réjouis donc beaucoup à la perspective de voir ces ressources particulières être utilisées à bon escient. Je pense que c'est une très bonne chose.

L'autre nouvelle concernant les questions de santé mentale a fait la manchette la semaine dernière et elle portait sur les taux excessivement élevés de troubles de stress post-traumatique chez les agents correctionnels. C'est très préoccupant. Il survient en prison des événements très traumatisants pour les gens, ce qui nuit à leur capacité de faire leur travail et a des répercussions sur leur vie de famille et bien d'autres choses. Je crois qu'il faut qu'on reconnaisse ce type de traumatisme et qu'on le soigne, mais j'estime qu'on ne doit pas se limiter aux agents correctionnels.

Les détenus passent 24 heures par jour, mois après mois, dans des établissements correctionnels et sont aussi témoins d'actes assez atroces et traumatisants. Nombre de détenus ont vécu des expériences traumatisantes avant d'aller en prison et en vivront d'autres pendant leur incarcération, et je pense qu'il serait bénéfique d'élargir toute stratégie de traitement du syndrome de stress post-traumatique destinée aux gardiens de prison pour englober aussi les détenus.

Une autre de mes préoccupations porte sur les délais pour remédier aux violations des droits. C'est parce que la Société John Howard et la BC Civil Liberties Association ont entamé une action en justice pour contester la conformité à la Charte des dispositions sur l'isolement et de leur application.

Ce procès a été retardé de six mois en partant du principe que le gouvernement fédéral présenterait un projet de loi qui porterait sur la question au cœur de la poursuite. Nous constatons maintenant qu'il n'a déposé ni projet de loi, ni proposition, et le procès se tiendra en juillet, mais il y a eu une longue intervention qui a duré six mois où il aurait pu publier une déclaration reconnaissant qu'il s'agit d'une violation des droits garantis par la Charte et prendre des mesures.

Alors durant vos visites des prisons, je serais très intéressée à ce que vous déterminiez, en quelque sorte, le nombre de personnes qui ont été soumises récemment à des périodes d'isolement prolongées et que vous nous disiez s'il y a eu des décès récents en isolement. On a entendu dire qu'un homme s'était pendu dans un pénitencier de l'Atlantique après environ 118 jours d'isolement, mais la rumeur ne nous a pas été confirmée. Ce serait un cas tragique de perpétuation de ce que nombre d'entre nous estimons être une violation très fondamentale des droits de la personne.

Je veux maintenant parler brièvement des services correctionnels communautaires. Votre dernier témoin a indiqué que la probabilité de se voir accorder la liberté conditionnelle a augmenté légèrement, mais le taux est toujours très bas. Bien trop de personnes se voient priver de la possibilité d'être mises en liberté conditionnelle ou de profiter de tout autre type de congé temporaire en préparation à leur libération, qu'il s'agisse de placements à l'extérieur, de libération pour raisons de compassion ou autres choses du genre. Alors on constate que bien trop de gens sortent lorsqu'ils reçoivent leur libération d'office ou même après, ce qui occasionne de réelles préoccupations quant à leur préparation et, au bout du compte, à la sécurité communautaire.

Mon autre préoccupation, et je pense que c'était une des questions auxquelles la sénatrice Pate a fait allusion, concerne la probabilité que des personnes enfreignent les conditions de leur liberté conditionnelle, ainsi que la nature de la preuve applicable et des procédures dans ces cas-là.

Une femme a communiqué avec mon bureau la semaine dernière. Son fils était en semi-liberté au mois et sa liberté conditionnelle avait été révoquée parce que son agent de libération conditionnelle avait omis de préparer la documentation nécessaire pour qu'elle soit prolongée d'un mois. Ses libertés ont été grandement restreintes en raison, selon sa mère, d'une erreur administrative, ce qui n'a aucun sens.

En outre, certains éléments indiquent que les comportements qui mènent à un manquement doivent être persuasifs et crédibles, mais je constate souvent que, en particulier, ceux qui ont été témoins du manquement n'ont pas remarqué de détérioration de l'attitude, et que les manquements mineurs sont très difficiles à déterminer et bien trop facilement invoqués.

Je pense que plus une personne a passé de temps dans la collectivité sans commettre de crime et à mener une vie prosociale, plus il revient à la Commission des libérations conditionnelles de montrer que les conditions de sa libération conditionnelle n'ont pas été respectées.

Je connais un cas dans lequel une personne condamnée à la prison à vie avait été trouvée coupable de n'avoir pas respecté une des conditions de sa libération conditionnelle après 22 ans dans la collectivité, mais pas d'avoir commis une nouvelle infraction. Je pense que nous avons besoin de faire très attention à la perte résiduelle de libertés entourant ce type de manquement et aux types de processus et de procédures qui doivent être mis en place.

L'autre chose que je mentionnerais — et dans mon esprit, cela est incroyablement paradoxal — est que les responsables de SCC prendront des personnes qu'elles estiment être à haut risque et les garderont en détention jusqu'à l'expiration du mandat. Il est clair que lorsque nous avons travaillé à la réforme du système de justice pour la jeunesse, nous croyions que c'était aux personnes les plus à risque que le système correctionnel devait accorder la plus grande attention et offrir le plus de soutien et de supervision dans la collectivité afin de les y intégrer. Mais on a cette idée de les faire purger leur peine jusqu'au bout, d'ouvrir la porte arrière de la prison et de leur dire : « D'accord, c'est à vous de vous débrouiller » ou, pire encore, d'alerter la police pour leur dire que quelqu'un qu'ils croient violent ou dangereux est sur le point d'être libéré pour qu'elle arrête cette personne à sa sortie de prison et lui impose une ordonnance en vertu de l'article 810, ce qui mène essentiellement à une demande d'engagement à ne pas troubler l'ordre public. Cet engagement impose, en gros, une série de conditions qui peuvent être très lourdes.

Le manquement à ces conditions peut mener à une peine d'emprisonnement de quatre ans. En conséquence, les manquements mineurs, comme ne pas respecter un couvre-feu ou prendre un verre, peuvent avoir des conséquences très graves sur une personne qui a déjà soi-disant purgé sa peine. Elle a payé sa dette. Elle s'est pleinement conformée à la peine que le tribunal lui a imposée, et si les responsables de SCC n'arrivent pas à la préparer à réintégrer la collectivité, ses libertés seront brimées et encore plus restreintes, ce qui pose vraiment un sérieux problème.

Mon dernier argument est que lorsque les gens ont passé du temps dans la collectivité, ont purgé leur peine et n'ont pas commis de crime pendant une période donnée, le fait qu'ils aient déjà été condamnés ne devrait plus être une base sur laquelle se fonder pour faire preuve de discrimination à leur égard.

On en est venu au point où, lorsqu'un pardon ou une suspension du casier judiciaire a été accordé, les gens jouissent de protections au titre des lois de protection des droits de la personne, ce qui est excellent. La difficulté réside dans le fait que les coûts pour obtenir un pardon — les conditions et les limites imposées aux personnes en mesure d'en faire la demande — sont tels qu'on peut se retrouver avec une protection très inégale des droits de la personne en fonction de ceux qui ont les moyens de payer les 631 $ et qui n'ont pas commis trois actes criminels au lieu de deux.

L'inégalité avec laquelle les dispositions de la Loi sur le casier judiciaire sont appliquées mine fortement les protections des droits de la personne, si bien que certains d'entre nous souhaitent vivement qu'il ne s'agisse plus d'un processus de présentation de demande, mais plutôt d'une application de la loi qui ferait en sorte que, dès qu'une période sans perpétration de crime est passée, ces casiers dépassés et les gens qui les ont devraient automatiquement jouir de protections des droits de la personne garantissant qu'ils ne peuvent plus faire l'objet de discrimination en fonction de ces casiers judiciaires.

C'est vraiment l'essentiel des commentaires que je voulais formuler, et je vous remercie beaucoup.

Le président : Merci beaucoup, Catherine.

Madame Holland?

Margaret Holland, coordonnatrice pour l'Ontario, Centres de ressources pour visiteurs, Regroupement canadien d'aide aux familles des détenu(e)s : J'apporte une perspective très différente. Je travaille pour le Regroupement canadien d'aide aux familles des détenu(e)s, alors je parle du point de vue des familles des détenus qui leur rendent visite dans les établissements et de leurs expériences.

Le Regroupement canadien d'aide aux familles des détenu(e)s est un organisme sans but lucratif qui s'attache à renforcer et à sécuriser les collectivités en aidant les familles touchées par des comportements criminels, l'incarcération et la réintégration communautaire. Nous offrons un soutien confidentiel aux familles par l'intermédiaire d'une ligne sans frais où les familles dont un membre est incarcéré nous font part de nombre de leurs préoccupations.

Nous représentons aussi les familles à diverses tables de discussion. Le Regroupement a participé aux consultations sur la Charte des droits des victimes, la Loi sur le Code criminel, le scanner à ions, la surveillance électronique qui influe sur les familles, et il a pris part à des examens du système de justice criminel comportant diverses facettes.

Le personnel du Bureau de l'enquêteur correctionnel nous a demandé de tenir des consultations pour savoir comment les familles sont informées des décès de détenus et des accidents graves, consultations qui se sont soldées par la publication, en août 2016, d'un rapport important du ministère intitulé : « Laissés dans le noir : Enquête sur les pratiques relatives à l'échange et à la divulgation d'information sur les décès en établissement dans le système correctionnel fédéral ».

Nous dépendons du financement que nous recevons de nouveaux partenariats et de partenariats actuels pour aider les familles qui en ont besoin. Grâce au financement de Service correctionnel du Canada et de la Mennonite Foundation, nous avons été en mesure de mettre en place cinq centres de ressources pour visiteurs à l'intérieur des établissements correctionnels où un bénévole — moi ou un autre — se rend dans l'aire des visites avec les membres de la famille. Nous sommes en mesure de leur donner des recommandations d'éventuels organismes communautaires, de leur fournir des renseignements, de peut-être les sensibiliser, d'intervenir dans leurs situations et de discuter confidentiellement avec elles des difficultés qu'elles peuvent éprouver.

Les familles cherchent à obtenir des renseignements et des conseils concernant les audiences de libération conditionnelle et la meilleure façon pour nous de soutenir ce membre de la famille, et elles s'assurent que celui-ci n'éprouve pas de difficultés. Elles ont du mal avec les questions et les procédures de sécurité au sein du système correctionnel.

Samedi, j'ai discuté avec le membre d'une famille qui voulait savoir s'il lui était possible d'assister à l'audience de libération conditionnelle, ce qu'il était possible d'y apporter et comment elle se déroulait. Les membres des familles sont complètement perplexes en ce qui concerne ces types de renseignements : « Si j'écris une lettre, où ira-t-elle? Quels genres de choses puis-je faire pour aider le membre de ma famille lorsqu'il sera libéré dans la collectivité? À qui doit-on rendre des comptes? »

Nous offrons des jeux et des activités pour aider les familles à entretenir leurs relations. Les familles finissent par avoir épuisé les sujets de conversation et ont besoin de choses à faire, et il arrive souvent que ces jeux et activités créent une interaction supplémentaire.

L'initiative se concentre beaucoup sur les enfants, et la politique vise à ce qu'une visite avec un enfant gravite autour de lui. On s'attache à ce que la visite de l'enfant soit axée sur la famille.

À une occasion, une enfant m'a dit : « C'est très difficile d'avoir un père en prison. » Je lui ai demandé ce qui était difficile, et elle m'a répondu que c'était d'en parler à ses amis. Je lui ai ensuite demandé ce qu'elle leur disait et elle m'a répondu : « Ça va, je leur dis simplement qu'il est à l'étranger. » Peut-être que vous apprenez à vos enfants à ne pas mentir, et cette fillette apprend que le mensonge est pour elle la meilleure façon de procéder dans sa situation. Nous avons donc rédigé un dépliant intitulé Telling the Children sur lequel je reviendrai plus tard.

Les travaux de recherche ont révélé que la famille constitue un élément important d'une bonne réintégration. En aidant les familles et les enfants, et en tissant des liens sains, nous favorisons la sécurité des collectivités.

Les familles ont besoin de notre aide dans les collectivités, et nous offrons un groupe de soutien aux familles dans la région de Toronto. Nous avons fermement appuyé le groupe de mères qui existe dans la région d'Ottawa. Notre page web contient une base de données qui informe les gens des groupes de soutien dont nous entendons parler à la grandeur du Canada, et nous avons aussi rédigé un livret sur la façon de créer un groupe du genre.

Par l'intermédiaire de Service correctionnel du Canada et du Comité central mennonite dans les Maritimes, le Regroupement sert de liaison aux familles dans l'établissement Nova, il appuie le programme mère-enfant, il offre des cours sur les compétences parentales et il traite les questions de réintégration des femmes.

Le partenariat avec le Comité central mennonite des Maritimes nous a permis de poster des paquets aux centres de ressources du Regroupement dans les régions rurales à la grandeur de l'Atlantique pour donner la possibilité aux organismes sans but lucratif et autres de venir en aide aux familles.

En partenariat avec la Fondation Movember, au cours de la dernière année, nous avons été en mesure d'élaborer un module de formation pour les pères incarcérés. En nous servant des ressources tirées du dernier financement de Réseau Papa, nous avons pu accroître nos connaissances en établissant des liens avec un certain nombre d'établissements et en consultant des papas incarcérés, leurs pères et des organismes de soutien pour connaître les besoins des principaux intéressés.

Ce contrat de sept mois nous a donné l'occasion de nous concentrer sur les forces parentales et l'introspection des pères, et nous a permis de rehausser le contact parent-enfant ainsi que de renforcer les liens en vue de la réintégration. Nous sommes vraiment ravis que la Fondation Movember nous ait récemment accordé un contrat de deux ans pour offrir des formations sur les habiletés parentales dans les établissements où des pères sont incarcérés.

Nous travaillons en partenariat avec Sesame Street, qui nous a fourni un DVD ayant pour titre « Little Children, Big Challenges : Incarceration ». Lorsque nous avons reçu cette trousse éducative, nous avons été motivés à chercher diverses formes de financement pour renforcer les familles par l'intermédiaire de la fondation communautaire, qui a versé du financement permettant la tenue de six événements à la grandeur du Canada dans le cadre desquels nous avons sensibilisé les membres des familles et les organismes communautaires à la réalité des familles qui visitent des proches en prison et qui ont des liens avec la criminalité.

Dans le cadre d'une de ces activités, nous avons rencontré une mère qui pleurait dans les allées d'une bibliothèque. En bavardant avec elle, nous avons appris que son mari subirait un procès et qu'il finirait probablement en prison. Cette expérience nous a donné l'occasion de tisser des liens avec cette femme, de lui offrir du soutien en vue du procès et aussi de la mettre en contact avec d'autres services dans la région.

Un des commentaires que j'ai entendus dans le cadre d'un de ces événements auquel j'ai pu assister a été « je n'avais pas la moindre idée que les familles étaient touchées par la criminalité ». On ne les voit même pas comme un élément de ce scénario.

Nous offrons un certain nombre de ressources écrites aux familles, et je les ai apportées pour que vous y jetiez un coup d'œil. La publication initiale est un guide de survie pour les familles intitulé Time Together, qui explique la réalité d'entrer dans un établissement. Cet outil donne aux familles beaucoup de renseignements concernant la sécurité. Il contient aussi des notes utiles provenant d'autres membres de la famille. C'est vraiment un bon document d'appoint.

J'ignore si l'un d'entre vous connaît Shannon Moroney, mais elle nous a fourni un livret dans lequel elle explique ce qu'elle aimerait faire et comment la criminalité a changé sa vie. Il s'agit d'une autre ressource utile pour les membres de la famille.

Nous nous intéressons aussi vivement à la réintégration, secteur dans lequel, selon moi, il y a fort à faire. J'en ai beaucoup entendu parler. À cet égard, nous offrons aux familles deux choses qui couvrent les sept facteurs dynamiques permettant de comprendre ce que la situation représente pour les membres de la famille, mais aussi les contrevenants. J'encourage les contrevenants à noter les types de choses qu'ils veulent avoir à la fin d'une audience de libération conditionnelle et de faire aussi part de ces objectifs à leurs familles pour qu'elles soient mieux préparées au moment de la réintégration, ce qui renforce cette relation.

J'ai déjà mentionné le dépliant Telling the Children, qui est publié dans cinq langues. Il s'agit essentiellement d'une ressource et d'une base de connaissances sur la façon de parler aux enfants au sujet de l'incarcération afin qu'ils ne prêtent pas oreille à certaines des histoires. C'est une discussion très difficile. Je dis aux familles : « Ceci est une boîte à suggestions. Vous savez quoi faire dans votre famille. » Cependant, il est préférable d'avoir quelque chose d'utile.

À partir d'un projet que nous avons mené sur la santé mentale, nous avons pu créer un ouvrage intitulé Faire face au fil du temps. Bon nombre des passages ont été tirés des discussions avec des membres de la famille qui ont parlé de leur expérience concernant l'incarcération et la mise en liberté, ainsi que des défis auxquels ils font face. Nous avons également produit un ouvrage sur la réinsertion sociale des femmes, intitulé Un nouvel envol.

Voilà donc les ressources.

Nous avons deux livres sur « Jeffrey ». Le premier porte sur son incarcération et le second, sur sa libération. Dans le premier, on dit : « Mon père est une bonne personne, mais il a commis une grave erreur; il est maintenant en punition. » On y parle aussi des procédures de sécurité auxquelles les enfants sont soumis lors des visites.

Le message dans le deuxième, c'est : « Mon père s'en vient. » Le thème central est l'audience de libération conditionnelle : on y explique à quoi peuvent s'attendre les membres de la famille qui assistent à l'audience de libération conditionnelle, que cela ne signifie pas que le père est libéré sur-le-champ, mais qu'il reviendra à la maison et que tout redeviendra comme avant.

Afin de maintenir la liaison avec les pères, nous avons créé une trousse de 24 fiches d'activités qu'ils peuvent remplir et renvoyer par la poste à leurs enfants ou qu'ils peuvent utiliser dans l'aire des visites afin de renforcer leurs relations. Ces activités sont très adaptées à l'âge, à mesure que l'enfant grandit. C'est donc une autre ressource mise à leur disposition.

Merci beaucoup de m'avoir donné l'occasion de vous parler du Regroupement canadien d'aide aux familles des détenu(e)s. Je crois qu'il s'agit d'un très précieux programme sur lequel nous devrions vraiment nous concentrer.

Le président : Merci beaucoup. Notre greffier ne manquera pas de recueillir tous vos dépliants et vos livres, et nous les emporterons avec nous partout au pays.

Combien de familles pensez-vous avoir aidées?

Mme Holland : Malheureusement, je n'ai pas apporté de statistiques. Je m'en suis aperçue trop tard.

Le président : En avez-vous une idée?

Mme Holland : Probablement plus d'un millier par année.

Le président : Un millier?

Mme Holland : Oui. Un, deux ou même trois milliers. Nous avons une ligne sans frais, et je rencontre aussi au moins un bon millier de familles dans les aires des visites chaque année.

Le président : Et l'idée est née ici, à Kingston?

Mme Holland : Notre organisme existe depuis 25 ans. Je fais ce travail depuis maintenant 17 ans.

Le président : Merci.

Lawrence, vouliez-vous dire quelques mots avant que nous passions aux questions?

M. DaSilva : Oui. Je tenais à vous offrir une fois de plus, comme je l'ai dit la première fois, mon dossier, qui est très détaillé.

J'ai écouté le témoin précédent avant que nous prenions place, et je vous encourage à concentrer vos questions sur ces mandats et les autres sujets sur lesquels vous vous êtes déjà penchés pour que nous puissions faire le point et aller de l'avant.

Mais je voudrais d'abord reconnaître ceux qui ont perdu la vie et ceux dont nous allons parler : Ashley Smith, Laurence Stocking, Eddie Snowshoe et Matthew Hines. Mon propre cas en dit long, d'autant plus que nous attendons encore des nouvelles sur le décès en établissement après environ 108 jours en isolement.

Pour commencer, j'aimerais parler de l'article 10 de la Loi sur le système correctionnel qui prévoit le statut d'agent de la paix, autorisé par le commissaire. Il y a un décalage complet entre le statut d'agent de la paix et son actualisation dans un cadre juridique, comme nous en avons parlé lors de ma première comparution devant le comité. Cette situation continue de permettre des infractions à la loi, et ce, à très grande échelle, surtout dans le cas de détenus problématiques comme moi-même, Ashley Smith, Laurence Stocking, Eddie Snowshoe et M. Hines. Il y a parfois des détenus qui cherchent la confrontation parce qu'ils souffrent de maladies mentales, mais ils ne sont pas traités. Ils se trouvent déjà dans un état agressif — c'est ainsi qu'ils interagissent avec les autres et qu'ils essaient de faire face aux problèmes. Leurs comportements sont ensuite mal interprétés par le personnel, et c'est ce qui donne lieu à ce genre d'incidents.

En ce qui concerne ces incidents, j'invite tout le monde ici présent à se poser la question suivante : « Le Service correctionnel du Canada a-t-il parlé ouvertement des cas d'Ashley Smith, de Laurence Stocking, d'Eddie Snowshoe ou de M. Hines, ou a-t-il préféré ne pas faire de commentaires? » Il y a un décalage entre l'énoncé de mission du Service correctionnel du Canada et ce qui se passe en réalité. Ces choses ne sont pas divulguées.

Je fais allusion par là aux conclusions de l'enquêteur correctionnel sur l'affaire de M. Hines, conclusions qui viennent d'être publiées. Je ne vais pas toutes les passer en revue, mais je vais parler de celles que je considère comme les plus importantes sur le plan de l'ouverture, de l'efficacité, de l'intégrité et de la reddition de comptes.

Quand on examine les conclusions du rapport, voici ce qu'on peut lire au numéro 1 :

De multiples recours à la force inutiles et inappropriés ont contribué à l'urgence médicale subséquente et au décès.

C'est donc dire que, relativement au statut d'agent de police, on constate un écart entre la procédure prévue par la loi et ce qui se passe en réalité; il n'y a pas de concordance.

Voyons le numéro 2 :

L'absence de mesures de contrôle suffisantes et d'une obligation de rendre compte en ce qui a trait à l'utilisation d'agents inflammatoires dans les pénitenciers fédéraux.

Lorsque j'ai témoigné devant le comité la première fois, j'ai dit qu'on avait beaucoup eu recours à la force contre ma personne. Je connais bien ces « instruments » pour en avoir subi les effets à plusieurs reprises. Ce qui est troublant, c'est qu'il n'y a aucun moyen de surveiller comment le Service correctionnel du Canada utilise ces armes.

Si je devais utiliser cette arme pour commettre un crime dans le monde libre, ce serait une agression armée, mais ce n'est pas le cas en prison, où de tels actes ne font pas l'objet d'une enquête parce qu'il n'y a aucune mesure de contrôle ni statistique pour faire état de la quantité de produit qui est dégagé par ces armes — des armes, d'accord?

Passons au numéro 3 :

La nécessité d'établir un modèle de gestion et d'intervention indépendant et distinct pour aider le personnel de première ligne à reconnaître les situations d'urgence en matière de soins de santé physique ou mentale et à intervenir.

Quand on tient compte de ce qui s'est passé à M. Hines, on s'aperçoit qu'il s'agissait d'une interaction de 30 secondes où trois ordres directs ont été donnés, et voilà le résultat.

Parlons maintenant des agents de la paix. Nous sommes, espérons-le, des citoyens, des individus aux vues similaires, qui estiment que ces gens sont censés nous protéger; donc, lorsque de tels incidents éclatent, ces individus sont censés avoir la formation nécessaire et être prêts à intervenir parce qu'ils font partie du personnel de première ligne. Si ce n'est pas le cas, nous nous demandons pourquoi, jusqu'à présent, rien n'a été fait en ce sens et pourquoi on se traîne encore les pieds. Parce qu'il pourrait y avoir, demain, un autre cas de recours à la force. Cela aurait pu s'être déjà produit aujourd'hui, et quelque chose de mal aurait pu résulter directement de ce genre de recours à la force par la police, pouvant causer la mort dans certains cas.

À cela s'ajoutent des questions concernant la qualité, la diligence et la pertinence des interventions en matière de santé. Lorsque de tels incidents surviennent, habituellement, si on appuie sur un bouton, l'alarme retentit sur une certaine distance. D'après mon expérience, dès que les membres du personnel de santé entendent l'alarme, ils sortent des gants et préparent une trousse pour se rendre dans la zone, où le tout est censé être enregistré sur bande vidéo.

En ce qui a trait aux enregistrements vidéo et à leur délai de conservation, c'est consternant puisque, selon la directive du commissaire, ces séquences vidéo ne sont conservées que pendant quatre jours. En cas de recours à la force, il est pratiquement impossible pour nous, les détenus, de penser : « Hé, on devrait être en mesure de signaler cela; je vais faire une demande d'accès à l'information. »

Je continue de vous offrir mon dossier, et j'ai fait plusieurs demandes pour qu'on nous remette cette séquence vidéo. On ne l'a jamais fait, et on n'a jamais remis les documents non plus. Ils ont toujours été caviardés à tel point qu'il y a un manque total de transparence. C'est presque vide.

Un autre problème important, c'est la teneur inexacte et insuffisante des renseignements échangés avec les membres désignés de la famille à la suite d'un décès en établissement. Quand l'être cher de quelqu'un est en prison, c'est le moment de favoriser la responsabilisation et tout le reste parce que cet individu est envoyé en prison pour qu'on puisse protéger la société. Il n'est pas envoyé en prison pour y être assassiné — on ne s'attend pas à un accident ou à un incident entraînant la mort. Non, ce n'est pas pour être tué en prison. Voilà le résultat direct du démantèlement du poste de négociateur du directeur d'établissement.

Passons au point suivant. Dans le cadre de son enquête, le Service correctionnel du Canada a lui-même dégagé 21 infractions. Voici un extrait du rapport :

Actes de non-conformité

Le Comité d'enquête a relevé dans son rapport 21 actes de non-conformité aux politiques, ou lacunes dans celles- ci. Suivent les infractions les plus graves qu'il a relevées :

1. Ne pas avoir constamment évalué et réévalué les interventions en matière de sécurité et les mesures prises par le personnel.

2. Ne pas avoir protégé contre les blessures une personne menottée dans le dos.

3. Ne pas avoir pris la situation en main (un agent aurait dû prendre le leadership).

4. Avoir utilisé le gaz poivré de façon « inappropriée ».

5. Ne pas avoir contrôlé les agents inflammatoires ni en avoir tenu compte de façon adéquate.

6. Ne pas avoir préservé l'intégrité d'une scène de crime possible.

7. Ne pas avoir fourni de soins de santé d'urgence.

Cela dit, j'aimerais terminer par l'observation suivante. J'ai moi-même connu la détention, alors je vous encourage à poser des questions. J'en subis les conséquences encore aujourd'hui, au moment même où l'on se parle. Demain, je vais signer la seule entente valable que j'aie pu obtenir de la part du Service correctionnel du Canada, parmi ce qui m'a été imposé, à savoir l'acceptation d'une ordonnance aux termes de l'article 810 pour être sous surveillance pendant un an. En fait, je suis sous surveillance depuis ma sortie de prison, sans mise en accusation. Les effets ont été extrêmement difficiles, d'autant plus que je n'y étais pas préparé. Si je n'avais pas l'assistance et la ténacité nécessaires pour continuer jusqu'ici, il y aurait eu une rechute immédiate parce qu'on ne prépare pas bien les détenus à la réintégration sociale.

Voilà qui met fin à mon exposé. Je vous remercie de votre attention.

Le président : Merci beaucoup.

Sénatrice Pate?

La sénatrice Pate : Je voudrais commencer par Catherine. Vous avez parlé des histoires dont on entend parler dans les nouvelles.

Justement, la semaine dernière, les médias ont révélé qu'on allait enfin commencer l'enquête sur le décès de Kinew James, une femme autochtone souffrant de graves problèmes de santé mentale, qui est morte au Centre psychiatrique régional à la suite, semble-t-il, d'une crise cardiaque provoquée par le diabète et les problèmes cardiaques connexes. On a évalué que ces deux problèmes de santé auraient pu être gérés dans la collectivité si elle avait eu accès à un niveau suffisant d'exercice physique et à un régime alimentaire approprié. Elle a passé beaucoup trop de temps en isolement, et c'est l'une des questions que l'on examine actuellement.

Je tiens à préciser un point. Vous avez mentionné que, dans le budget, des fonds ont été alloués aux services de santé mentale dans les prisons, mais vous avez également dit qu'il faut fournir des services de santé mentale dans la collectivité.

Le Dr Livesley est un expert qui a été embauché par le Service correctionnel du Canada pour former le personnel. Il est un de ceux que M. Ellacott aurait qualifiés d'employés ne faisant pas partie du Service correctionnel du Canada et chargés de mener des évaluations. Il a dit, en somme, que les meilleures interventions thérapeutiques doivent être offertes dans la collectivité et qu'un détenu ne devrait avoir accès à des services communautaires que s'il ne peut pas être mis en liberté dans la collectivité pour une raison quelconque, notamment en raison de la peine imposée.

Je me demande si vous pouvez nous faire part de vos observations à ce sujet parce que, selon certains, la disponibilité de nouvelles ressources signifie que nous devons accroître les services de santé mentale dans les prisons. Selon d'autres — et je pense que vous connaissez ma position —, cela augmentera le nombre de personnes qui seront probablement criminalisées et incarcérées puisque la prison sera de plus en plus perçue comme le seul endroit où obtenir des services de santé mentale, et nous avons déjà vu où cela peut mener.

Mme Latimer : Je crois que vous avez tout à fait raison. Il faut vraiment repenser la prestation de services de santé dans les pénitenciers et dans la collectivité.

Il ne fait aucun doute que les organismes internationaux de défense des droits de la personne soutiennent que la prestation des soins de santé devrait relever des ministères qui en sont responsables, et non pas des autorités correctionnelles.

Kinew James est un exemple très tragique de cas que l'on voit souvent, c'est-à-dire des cas où les intérêts en matière de sécurité l'emportent sur les problèmes de santé. La gestion des maladies chroniques, comme le diabète, dans les prisons est épouvantable. Je parlais à un type, et il me disait qu'on avait tout simplement laissé son taux de sucre dans le sang monter à un niveau élevé. Le personnel ne se soucie pas des éventuelles complications qui pourraient se présenter plus tard; c'est ainsi qu'on gère la situation à court terme.

Donc, à mon avis, pour assurer la continuité de soins, il est très important que les services de santé et, selon toutes probabilités, leur mécanisme de prestation soient de qualité égale à ce dont jouissent les personnes dans la collectivité.

Je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire que la prestation de soins de santé mentale et physique devrait être une norme communautaire. Souvent, on met tellement l'accent sur la sécurité dans les prisons qu'on n'arrive pas à bien s'occuper d'un détenu souffrant d'un problème médical grave. Selon moi, le personnel peut mettre un pansement là- dessus, mais s'il s'agit d'un problème grave, la qualité n'est pas à la hauteur de ce qu'on souhaiterait pour un être cher.

La sénatrice Pate : J'ai une question complémentaire. L'article 29 de la Loi sur le système correctionnel permet maintenant une telle mesure, mais je dirais que cette disposition n'est pas invoquée; en tout cas, si elle l'est, je n'en ai pas beaucoup entendu parler.

L'un ou l'autre d'entre vous connaît-il des exemples de cas où ce genre d'option de traitement a été mis en place pour que les gens aux prises avec des problèmes de santé mentale ou même des problèmes de toxicomanie puissent être transférés dans la collectivité en vertu de l'article 29?

M. DaSilva : Oui, l'article 29 prévoit cela, mais au cours des 19 ans que j'ai passés dans une prison fédérale, je n'ai rien vu de moindrement comparable à ce qui est prescrit, ne serait-ce que par compassion. Malgré le décès des êtres chers de ces familles, on refuse toujours aux détenus des libérations provisoires pour des raisons vitales; par conséquent, cet article n'est pas appliqué. Cela ne s'est pas fait, car il n'y a pas de fondement statistique.

Les fois où cette mesure est appliquée, c'est sur une base démographique; autrement dit, cela ne se produira qu'au niveau de sécurité minimale, et je crois que cela se fait très rarement au niveau de sécurité moyenne, car les libérations provisoires ont été supprimées dans ces unités.

La sénatrice Pate : Donc, l'article 29 peut être invoqué pour les détenus à sécurité maximale; ce n'est pas limité à la sécurité minimale.

Aujourd'hui, le comité a visité le centre de Brockville, où il y a des unités pour hommes. Ils purgent, pour la plupart, des peines de ressort provincial. D'ailleurs, on s'intéresse depuis longtemps à l'idée de créer une unité pour femmes.

Pour ce qui est des hommes purgeant une peine de ressort fédéral, êtes-vous d'avis qu'il serait préférable de procéder par l'entremise des services de l'hôpital Royal Ottawa au lieu d'invoquer l'article 29, compte tenu de ce qui se passe actuellement?

M. DaSilva : Tout à fait, et ce serait conforme à la façon de faire canadienne en vertu de la Charte. Comme je l'ai dit dans ma première comparution devant le comité, il doit y avoir un écart entre Santé Canada et le Service correctionnel du Canada. Ce que nous apprenons, même à la lumière des extraits que je viens de vous lire, c'est qu'il y avait un décalage entre les deux.

Du point de vue de la compassion, en tant que citoyen canadien, on est censé être protégé par la Charte, en ce sens qu'on devrait au moins être considéré comme tel.

Et, oui, une telle approche serait très efficace parce que cela empêcherait ces hommes et femmes de voir leur état de santé mentale se détériorer encore davantage, au vu et su des agents correctionnels, qui ne font rien.

La sénatrice Hartling : J'ai quelques questions à vous poser.

Je songe à Matthew Hines. J'ai entendu la nouvelle juste avant mon retour à Ottawa. Pouvez-vous, aux fins du compte rendu, nous dire ce qui s'est passé et ce qui aurait pu empêcher une telle situation?

Mme Latimer : Je vais commencer par vous expliquer le déroulement de l'incident, d'après ce que j'ai pu comprendre.

Mme Latimer : Je crois que Lawrence a, lui aussi, des opinions sur cet incident et les moyens qui auraient pu l'empêcher.

D'après ce que je crois comprendre, Matthew Hines avait des problèmes de santé mentale. On lui a demandé de retourner dans sa cellule, et il ne l'a pas fait. Par conséquent, les agents l'ont aspergé de gaz poivré. Ils ont eu recours à la force et l'ont projeté au sol.

Matthew Hines était un homme corpulent de 330 livres. Les agents ont continué à l'asperger de gaz poivré. Je crois qu'il a reçu du gaz poivré dans le visage peut-être à cinq reprises, et il s'est fait mal à la tête.

À ce qu'il paraît, les agents étaient en train de l'escorter à reculons, les mains menottées dans le dos; il avait donc du mal à maintenir son équilibre. Lorsqu'ils l'ont amené en bas, dans la douche de décontamination, où il est tombé à la renverse, il s'est cogné la tête.

Essentiellement, de mon point de vue, les agents l'avaient maîtrisé bien avant de cesser de recourir à la force. Selon moi, c'était un incident très malheureux, et je pense qu'il y a probablement bien des façons d'empêcher qu'une telle situation ne se reproduise.

La fréquence de l'utilisation du gaz poivré a beaucoup augmenté parce que les agents correctionnels peuvent maintenant le porter à leur ceinture. Avant, ils devaient se rendre dans une aire centrale pour en obtenir.

Voulez-vous en parler?

M. DaSilva : On appelle cela « demander le vaporisateur ». Voici comment les choses se déroulaient en cas d'incident. Il y avait, derrière vous, une vitre percée d'un trou. Les agents pouvaient alors courir vers la vitre, frapper sur le bouton de commande et demander qu'on leur donne du gaz poivré. On venait alors leur porter une bonbonne de gaz poivré ou, si la situation commençait à dégénérer, on vaporisait du gaz lacrymogène à partir du trou dans la vitre.

Cependant, il existe un écart évident entre les rapports qui sont publiés et la façon dont les choses se sont réellement déroulées. J'ai expliqué à beaucoup de membres du comité durant la discussion en table ronde, ainsi qu'à Mme Latimer après ma première comparution devant le comité, la façon dont M. Hines avait été menotté. Je vais me lever un instant afin que vous compreniez le recours à la force.

Quand on reçoit du gaz poivré sur le visage, on ne va pas continuer de regarder dans cette direction. C'est un réflexe. Donc, même si M. Hines a été jeté au sol, avant ou après s'être fait asperger de gaz poivré, 11 hommes se sont rués sur lui et ont saisi ses membres.

Après avoir été menotté, les mains dans le dos, il a reçu des coups répétés — on appelle cela des « techniques de distraction ». Elles ont été utilisées sur moi à maintes reprises. C'est quand un agent correctionnel se place à côté du détenu — en l'occurrence M. Hines —, alors que les autres se mettent sur lui, et celui chargé d'appliquer la technique de distraction ou de donner les coups, commencera alors à le frapper à la tête, au visage, à coups de poing ouvert et fermé, ou peu importe, tout en lui criant quoi faire : « Arrête de résister. »

Donc, si la personne ne résiste pas la première fois... on porte l'attention sur la formation. L'agent était censé frapper, et c'est ce qui s'est passé. Il a été frappé à plusieurs reprises.

Par ailleurs, quand il était menotté, les mains dans le dos, on l'a soulevé et on l'a fait marcher le long du couloir.

À partir de là, il y a des divergences quant à la façon dont il a été forcé à marcher, notamment si c'était à reculons ou non. Habituellement, quand vous traversez le long couloir, votre dos serait dans la direction où vous vous dirigez; autrement dit, vous marchez à reculons, vos mains menottées comme ceci.

Pensez-y. Quand vous restez dans cette position, vous êtes retenu, un bras en dessous, et l'agent vous tient par la nuque. Il ne le fait pas avec douceur, entendons-nous bien. Il vous empoigne par la nuque. Là, ce qui va se passer, c'est que les agents ne vont pas vous escorter de cette façon; ils vont commencer à vous faire marcher plutôt de cette façon pour qu'ils puissent, en cas de résistance, lever votre bras — comme ceci —, ce qui fait pencher votre tête vers le bas.

Quand M. Hines est allé sous la douche, on l'a poussé à l'intérieur de la cabine parce qu'il n'aurait pas pu tomber à la renverse, les mains menottées dans le dos. On l'a lancé avec force dans la cabine de douche, et c'est pourquoi il était si important que l'enquête du coroner soit très transparente; d'ailleurs, je crois que l'enquête n'a eu lieu qu'un mois et demi après l'incident, en raison des formalités administratives et bureaucratiques du Service correctionnel du Canada et des restrictions qu'il y a imposées.

Nous parlons ici d'un citoyen, n'est-ce pas?

Lorsque vous rencontrez des détenus contre qui on a utilisé la force et ce genre de choses, il est très important que vous leur posiez les questions pertinentes. Comment cela s'est-il passé? Où cela s'est-il passé?

J'encourage le comité à consulter, au moyen d'une demande d'accès à l'information — je vous en donne l'autorisation si vous le faites vraiment — le dossier du 17 juin 2011, et je veux que vous voyiez l'ampleur réelle du recours à la force. Dix-sept jets de gaz lacrymogène ont été utilisés dans une petite zone — je dirais que c'était entre ici et l'endroit où se trouve M. Munson —, et chaque tir équivalait à trois contenants métalliques de gaz lacrymogène. C'est ce que l'on a vaporisé dans ma direction en raison de ma non-conformité. Il s'agit là, encore une fois, d'une force excessive, mais je n'en dirai pas plus.

La sénatrice Hartling : Merci, Lawrence. Où cela s'est-il passé? C'était au Nouveau-Brunswick, n'est-ce pas?

M. DaSilva : Oui, cela s'est passé au Nouveau-Brunswick. Oui, madame, je crois que c'était à Dorchester.

La sénatrice Hartling : Si j'ai bien compris, le frère de Matthew Hines a vraiment été atterré. D'autant plus que le crime commis n'était pas énorme...

M. DaSilva : Il n'y a même pas lieu de se demander quel type de crime avait été commis.

La sénatrice Hartling : Non, non. Je comprends.

M. DaSilva : Non, je vous dis simplement les choses avec transparence.

La sénatrice Hartling : Oui.

M. DaSilva : On ne se pose aucune question sur le type de crime commis par une personne qui refuse de se conformer à l'ordre direct d'un agent de la paix. Il faut toujours que l'agent et le détenu interagissent avec calme, et c'est ce qui explique cet incident. Le tout s'est donc déroulé ainsi :

« Rentre dans ta cellule. »

« Non. »

« Non? »

« Non. »

« Rentre tout de suite dans ta cellule. »

« Non. »

« Non? Rentre dans ta cellule. Là, on va recourir à la force. » Et puis, boum. « Non? »

« D'accord, allez chercher l'équipe; préparez-la. »

Voilà la vitesse à laquelle la situation dérape parce qu'il n'y a plus de négociateur du directeur d'établissement.

En effet, le poste de négociateur a été supprimé lorsque le gouvernement conservateur est arrivé au pouvoir. On l'a immédiatement démantelé. La stratégie du Service correctionnel du Canada était claire. Il voulait une prime de risque. Il a fini par l'obtenir, et le gouvernement a payé les gilets des agents, dont le port est maintenant obligatoire.

Vous ne le savez pas, mais moi, oui : les agents correctionnels ne portent pas ces gilets. Ils ne veulent pas les mettre. Ils ont trop chaud quand ils les portent. La seule fois où ils vont mettre ces gilets, c'est lorsqu'ils se trouvent près d'un détenu comme moi, qui étais dans l'unité spéciale de détention et qu'ils provoquaient tout le temps, ou encore dans l'unité à sécurité maximale où ils agissaient de la même manière, faisant preuve d'une conduite non professionnelle, et ce, sans aucune justification.

Donc, quand on parle de l'ampleur et de la cause de ces incidents, c'est le manque de formation et de conformité à la loi qui est à l'origine de ces problèmes.

La sénatrice Hartling : Merci beaucoup.

Le président : Je fais remarquer que le ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, a dit il y a un an qu'une enquête s'impose. C'était en août 2015, donc il y a plus d'un an. Combien de temps faut-il pour obtenir des réponses, je me le demande?

M. DaSilva : Puis-je vous poser une question?

Le président : Oui.

M. DaSilva : Vous dites cela, mais que se passerait-il si c'était votre fils? Quand vous lisez sur les 21 infractions que le Service correctionnel du Canada a lui-même recensées, je vous le demande, en tant que citoyen, qui voulez-vous que je sois? Vous voulez que je ne sois plus un criminel, alors me voici réadapté, et je vous pose une question, en tant que citoyen, dans ce nouveau pan de ma vie. Comment est-il possible que l'enquête du Service correctionnel du Canada ait relevé 21 infractions et qu'aucun des gardiens n'ait pourtant été accusé? Aucun d'eux n'est inculpé.

Voilà qui met en évidence la même sous-culture de corruption, à savoir la cosa nostra correctionnelle, dont j'ai parlé ici lors de ma première comparution.

Le président : J'ai deux questions à poser à Mme Holland.

Comment les membres de la famille des personnes purgeant une peine de ressort fédéral sont-ils traités par le Service correctionnel du Canada lorsqu'ils rendent visite à leur être cher en prison?

Mme Holland : J'éprouve beaucoup d'admiration et de respect pour les gens qui rendent visite régulièrement à un détenu, car le processus à suivre avant de pouvoir entrer dans l'établissement est, bien souvent, intimidant.

Du point des responsables des services correctionnels, certaines de ces mesures sont jugées nécessaires parce qu'il y a eu des incidents où des familles avaient fait entrer des produits de contrebande, mais on met tout le monde dans le même panier.

Souvent, on ne fournit pas de réponses à leurs questions. Ces gens peuvent être soumis à des évaluations des menaces et des risques, mais ils ne reçoivent pas les documents après coup. Ils ne connaissent pas les procédures pour se défendre. C'est très humiliant et très avilissant; il s'agit donc d'un processus très difficile à subir régulièrement.

D'ailleurs, l'intensité a augmenté pour ce qui est de déterminer quelles familles peuvent entrer, et cela a vraiment influé sur le nombre de familles qui viennent rendre visite au cours de l'année.

Le président : Donc, avez-vous fait quelque chose en collaboration avec le Service correctionnel du Canada sur le plan de la sensibilisation? Le Service correctionnel du Canada dispose-t-il d'un programme pour atténuer les conséquences négatives dont nous parlons?

Mme Holland : Pas à ma connaissance. Bon nombre des appels reçus à notre numéro sans frais portent sur des questions comme : je ne sais pas quoi faire maintenant parce que le détecteur ionique ou le chien détecteur de drogue a décelé quelque chose, mais je ne consomme pas de drogue et je n'en consommerais jamais; je n'ai rien à voir avec les drogues et pourtant, on m'a imposé une visite avec séparation; ou je n'ai droit à aucune visite pour les trois prochains mois; ou encore, c'est toujours ainsi que les choses se passent, et je pourrais être soumis à un régime de visites avec séparation.

Vous êtes automatiquement considéré comme étant coupable; voilà donc le message. Ce sont des moyens de détection à toute épreuve. On dit qu'il suffit d'être « en contact », et non « en possession ». Ainsi, nous pouvons être en contact rien qu'en manipulant de l'argent. Souvent, les gardiens disent : « Ne mettez pas votre carte d'identité sur le comptoir, car je ne sais pas ce qu'on a mis d'autre là-dessus. Je ne peux pas scanner votre carte si vous le placez sur le comptoir. » La famille reçoit le message qu'elle est coupable et qu'elle se fera imposer des restrictions lors de ses visites pour cette raison.

Le président : Merci beaucoup.

La sénatrice McPhedran : C'est peut-être une question trop précise, mais elle donne suite directement à la question du sénateur Munson et à la réponse que vous venez de donner.

Nous avons appris aujourd'hui que les remorques utilisées depuis un certain temps pour les visites familiales et conjugales ont été fermées et qu'elles ne sont pas actuellement utilisées à Joyceville. Des demandes ont été faites pour les rendre disponibles, et elles ne sont pas mises à la disposition de ceux qui sont là pour une évaluation. Toutefois, la nature du processus d'évaluation semble avoir changé, si bien qu'il y a maintenant des prisonniers qui restent là pendant presque un an sans avoir droit à des visites.

Un détenu a cité comme exemple le fait que, par conséquent, les seules visites possibles se font derrière une vitre, sans contact physique, même si les membres de la famille ont parcouru de très longues distances.

Je me demande si vous disposez d'autres renseignements précis à cet égard et si vous avez des recommandations à nous faire.

Mme Holland : Les visites familiales privées jouent un rôle extrêmement important dans le maintien des liens familiaux. J'ignore ce qu'ils font exactement à l'établissement de Joyceville. J'avais cru comprendre qu'il y avait une rangée à cet établissement où certaines visites-contacts étaient autorisées, des visites qui ne se font pas derrière une vitre.

Il s'ensuit, d'après ce que j'ai entendu, qu'il n'y a pas de visites familiales privées là-bas, compte tenu des transitions qui ont été opérées pour convertir l'établissement de Joyceville en unité d'évaluation. En outre, certaines rangées servent maintenant de logements.

La sénatrice Pate : Vous avez raison. Je pense que nous avons aussi entendu dire que des visites-contacts ont lieu dans cette unité particulière, mais non des visites familiales privées. Est-ce aussi ce que vous avez cru comprendre?

Mme Holland : Oui.

La sénatrice Pate : Je pense que c'est ce que vous demandiez.

Le président : Sénatrice Pate?

La sénatrice Pate : Je souhaite vous poser quelques questions à propos du détecteur ionique, mais j'en reparlerai plus tard.

Catherine, Lawrence, vous avez tous deux parlé du danger de traiter les agents correctionnels comme des agents de la paix. Il y a 21 ans, Louise Arbour a fait des recommandations à propos de la nécessité de prévoir des sanctions contre les agents correctionnels.

Un certain nombre d'entre nous, y compris moi-même, ont exhorté les autorités à ne pas s'engager dans cette voie, en partie en raison du temps, de l'énergie, et de l'argent qui seraient consacrés à combattre les tentatives d'inculpation. Il est peut-être temps de réexaminer la question.

Louise Arbour a émis une autre recommandation qui allait de pair avec celle-là, à savoir que, lorsque la façon dont Service correctionnel Canada traite les détenus, en recourant à une force excessive ou à l'isolement, ou en leur refusant l'accès à des programmes ou à des membres de leur famille, équivaut à une ingérence correctionnelle dans l'application d'une peine légale, il devrait en fait y avoir un recours possible, une possibilité de retourner devant les tribunaux afin que la peine soit réexaminée. Est-ce que l'un de vous deux ou de vous trois aimerait formuler des observations à ce sujet?

Mme Latimer : À mon avis, les agents de la paix devraient être tenus de satisfaire à une certaine norme de professionnalisme. Ce qui m'a étonnée, entre autres, c'est la mesure dans laquelle les récits des détenus que j'ai entendus indiquent que le degré de professionnalisme de certains agents de la paix est nettement inférieur à ce à quoi vous vous attendriez.

Je ne sais pas si vous irez au Centre régional de traitement pendant votre visite de l'établissement de Millhaven, mais certains des hommes à qui j'ai parlé là-bas ont indiqué que, s'ils avaient des pensées suicidaires et qu'ils le mentionnaient à l'un des gardes, ce garde leur disait : « Allez-y, suicidez-vous; cela nous fera une personne de moins à surveiller. » Conseiller le suicide est une infraction criminelle, et ce n'est pas acceptable.

De plus, les agents de la paix entravent la livraison du courrier, et la prestation d'autres services de ce genre, ce qu'ils ne sont pas censés faire.

Le problème que je trouve le plus troublant, c'est celui de la désinformation. Une disposition du Code criminel stipule qu'ils n'ont pas le droit d'avoir recours à la désinformation dans le cadre de leurs fonctions. Et pourtant, on trouve souvent — je ne sais pas si c'est souvent, mais c'est certainement arrivé dans certaines des affaires criminelles que j'ai examinées — des renseignements inexacts et incomplets, c'est-à-dire un travail qui n'est pas digne du professionnalisme d'un agent de la paix.

Il faudrait qu'ils mettent leurs culottes et deviennent des agents de la paix ou qu'ils perdent le pouvoir de désigner des agents de la paix, un pouvoir qu'ils confieraient à une autorité policière en lui demandant de former et d'accréditer les agents de la paix.

Pensez-vous vraiment que, si un agent de police traitait Matthew Hines de la façon dont il a été traité, une enquête d'une sorte ou d'une autre ne serait pas menée par un corps policier externe? Ces types enquêtent sur eux-mêmes et trouvent des réponses comme : « Nous avons besoin de davantage de formation. »

Vous avez besoin de davantage de formation? Oui, mais j'estime que le problème va plus loin que ça.

À mon avis, cela crée une ambiance qui n'est pas propice à la réadaptation parce qu'elle démontre que le type le plus coriace gagne : si vous employez la force, vous gagnerez. Ce n'est pas le mode de fonctionnement qu'on souhaite adopter.

Je ne prétends pas que tous les agents correctionnels se comportent de cette manière, mais je crois qu'il faut se défaire de ceux qui auraient tendance à recourir à une force excessive. Lawrence peut peut-être formuler des observations à ce sujet, mais je ne serais pas étonnée d'apprendre que ce sont les mêmes personnes qui ont recours à une force excessive.

M. DaSilva : Le rapport Arbour était magique à tellement d'égards. Il a donné à la société une idée des traitements que les détenus subissaient depuis longtemps, y compris les femmes incarcérées.

Il y a encore à mon étage des pierres provenant de la Prison des femmes qui se trouvent à côté d'un cadre pour ces femmes et du rapport Arbour. Le rapport Arbour et ses conclusions fournissent des solutions pour remédier à ces situations. Ce rapport est merveilleux en ce sens que, dans celui-ci, Mme Arbour prend en considération les effets que des traitements de ce genre ont sur les personnes, et pas seulement sur les femmes, et elle donne son opinion à cet égard.

Si vous étudiez attentivement le rapport Arbour, vous constaterez que la plupart des femmes ont intenté des poursuites et présenté des demandes d'habeas corpus. Lorsque je parle de demandes d'habeas corpus, j'ai fait allusion à la protection des droits garantis par la Charte. Ces femmes ont eu gain de cause après les effets de leur détention et l'émeute dont traite le Rapport Arbour, mais la façon dont elles ont été traitées par la suite montre que les tribunaux sont toujours déconnectés de la réalité. En effet, après avoir rendu un jugement, ils ont confié au système la tâche de prendre d'autres mesures contre les femmes qui avaient déclenché l'émeute en premier lieu.

La sénatrice Pate : En fait, même Service correctionnel Canada a déterminé qu'il ne s'agissait pas d'une émeute.

M. DaSilva : Ce n'en était pas une, mais, en utilisant le terme « émeute », j'ai fait, pour le compte rendu, allusion à ce que j'ai lu. Nous savons tous deux que c'était loin d'être une émeute.

Après l'émeute, l'état d'esprit des femmes était tel qu'il était encore possible de leur parler. Ce sont des êtres humains. Le rapport Arbour a révélé ce que j'ai appelé « la cosa nostra correctionnelle ». C'est une sous-culture corrompue que Mme Arbour a clairement reconnue dans son rapport. Cette sous-culture se renforce de plus en plus en raison du peu d'attention qu'on prête au rapport Arbour, au livre intitulé Justice Behind the Walls et aux conclusions qu'ils contiennent.

La sénatrice Pate : Fort bien.

L'une des observations que Louise Arbour a formulées — et le témoin précédent, M. Ellacott, en a parlé — est liée au fait que ce système est complexe. Louise Arbour a déclaré que le système était truffé de règlements qui le faisaient paraître complexe, mais que la primauté du droit n'en faisait pas partie. Si la primauté du droit avait été respectée, cela aurait grandement simplifié le système.

Nous avons entendu des témoignages contradictoires. La dernière fois que vous avez comparu devant nous, nous venions d'entendre des représentants de Service correctionnel Canada et leur version des faits. Puis nous avons obtenu votre version des faits et celle d'Alia Pierini et d'autres témoins. Bon nombre de gens diraient que la vérité se trouve quelque part au milieu, et ce serait certainement la décision rendue par un tribunal.

L'une des questions que je pose fréquemment et à laquelle je demande aux étudiants en droit et aux avocats de réfléchir est la suivante : qui bénéficie du point de vue qu'on vous demande d'accepter? Je ne sais pas si l'un d'entre vous aimerait formuler des observations à ce sujet.

J'aimerais également poser des questions en particulier à propos des familles. Au fil des ans, nous avons entendu de nombreux récits concernant des familles qui n'ont pas suffisamment d'argent pour subvenir à leurs besoins, mais qui prennent des mesures comme le fait d'envoyer tous leurs vêtements chez le teinturier par crainte de déclencher le détecteur ionique, et de ne pas passer l'évaluation des risques et de la menace. Vous pourriez peut-être m'expliquer en quoi consistent les deux tests qui doivent être réalisés, puis l'évaluation des risques et de la menace — lesquels ne sont tout de même pas censés mettre fin aux possibilités de visite.

Et j'aimerais prendre connaissance de tous les commentaires que vous pourriez faire à propos de la façon dont la liberté d'une famille de fréquenter un être cher est appuyée et honorée par le processus des visites.

Mme Holland : Des gens qui travaillent à SCC m'ont dit que l'organisme avait adopté une politique, mais que ses employés ne l'appliquaient pas et n'y croyaient pas. Ils sont très désabusés par rapport au processus.

Lorsqu'un membre d'une famille arrive à l'établissement, il doit être soumis à une fouille à l'aide d'un détecteur ionique. S'il obtient un résultat supérieur à ce qui est acceptable, il n'ira pas vraiment plus loin. Selon les normes de SCC, les membres des familles sont censés bénéficier d'une deuxième chance. Parfois, c'est le cas; parfois, ce ne l'est pas. La décision peut être arbitraire.

S'ils bénéficient d'une deuxième chance et que le résultat est encore élevé, ils font l'objet d'une évaluation des risques et de la menace. Pendant cette évaluation, deux ou trois gardes vous interrogent en même temps, dont un agent correctionnel. Il s'agit donc d'un agent à quatre chevrons qui vous posent des questions intimidantes d'une façon très énergique.

Une de mes bénévoles m'a révélé qu'elle avait été forcée de prendre un comprimé de Percocet ce matin-là. Elle a mentionné s'être lavée méticuleusement les mains avant d'entrer dans l'établissement. Le chien a heurté sa main sans la renifler. Le garde lui a alors dit :

« À quelle soirée avez-vous participé hier soir? »

Elle a répondu : « Je n'ai pas participé à une soirée ».

« Oui, vous vous êtes rendue à une soirée ».

Il n'y a aucun élément de vérité manquant dans la phrase « je n'ai pas participé à une soirée », qui correspondait à la réalité. On a fini par la laisser entrer parce qu'elle a expliqué exactement ce qui s'était passé, mais ce n'est pas toujours le cas. Souvent, ce n'est pas le cas.

Si les gens ont parcouru une grande distance, on pourrait leur permettre une visite avec séparation ou leur refuser toute visite. La décision revient entièrement aux agents correctionnels.

Si les gens franchissent avec succès l'étape de la fouille à l'aide du détecteur ionique, mais qu'un chien s'assoit après les avoir flairés, ils devront faire l'objet d'une évaluation des risques et de la menace, à l'issue de laquelle ils pourraient être privés de visite ou n'avoir droit qu'à une visite restreinte.

Un membre d'une famille m'a appelée cette semaine. Elle était très contrariée. Il s'agit d'une professionnelle qui venait rencontrer un détenu. Elle s'inquiète des répercussions que cela pourrait avoir sur son statut professionnel, si on venait à l'apprendre. Elle a été signalée, mais elle n'a aucune idée de la raison pour laquelle elle l'a été ou de ce qu'elle a fait de mal. À ce moment-là, on lui a dit qu'elle pouvait entrer, puis, une semaine plus tard, on lui a dit qu'elle ne pouvait pas revenir. Elle ne comprend pas du tout ce qui s'est passé, et sa demande fait l'objet d'un examen en ce moment.

L'examen peut avoir lieu une ou deux semaines plus tard. Les demandeurs sont censés recevoir une lettre. Parfois, ils en reçoivent une; parfois, ils n'en reçoivent pas. Il y a donc un manque d'uniformité à cet égard. C'est une routine et un processus très difficile à suivre pour les familles.

J'éprouve vraiment beaucoup de respect envers ceux qui tiennent le coup parce qu'ils estiment que ces visites jouent un rôle très important dans la survie de la personne incarcérée et dans le succès de sa réinsertion sociale.

La sénatrice Pate : Merci.

Le président : Avez-vous des observations finales à formuler?

Nous allons passer à la partie « assemblée publique » de notre audience, parce que certains membres du public aimeraient dire quelques mots.

Mme Latimer : J'aimerais préciser que le travail que le comité accomplit à cet égard est très important, et je suis tellement heureuse que vous profitiez de cette occasion pour visiter des détenus. Si vous recherchez des violations des droits de la personne, il faudrait vraiment que vous examiniez certains des critères utilisés pour désigner les détenus « problématiques ». J'espère que ceux qui souhaitent vous rencontrer auront l'occasion de le faire.

M. DaSilva : Je voudrais simplement vous remercier de nous avoir tous reçus ici, d'avoir discuté de la question et de continuer d'en débattre alors que nous retournons tous chez nous et reprenons le cours de nos vies. Peu importe où elles nous mènent, j'espère qu'elles permettront à nos chemins de se croiser de nouveau, car ceux qui restent derrière ont besoin d'une voix pour se faire entendre. Mais surtout, leurs dossiers et leurs preuves doivent faire l'objet d'un examen exhaustif.

Je vous encourage à continuer de rencontrer des prisonniers pour savoir ce qu'il faut chercher, parce que le Service correctionnel du Canada ne vous le dira pas. Merci.

Mme Holland : Je voulais simplement formuler quelques remarques.

On a beaucoup parlé de la violence au sein de l'établissement et de ses effets sur les membres de la famille, puisque les prisonniers les appellent parfois.

Cette semaine, j'ai passé une bonne demi-heure au téléphone avec une mère qui pleurait parce qu'elle était convaincue que son fils allait se faire tuer en prison parce qu'il l'appelait, bouleversé et en proie à la panique. La violence a des répercussions jusque dans notre communauté. Quand une mère est touchée, cela a des répercussions sur le reste de la famille, ce qui a une forte incidence sur la société. Je pense donc que c'est un facteur dont il faut tenir compte.

La question de la santé a également des répercussions. J'ai reçu un autre appel cette semaine d'une famille dont le fils a subi une chirurgie de la hanche. La famille s'inquiétait à savoir s'il était bien soigné et s'il recevait les bons médicaments antidouleur. Ces problèmes ont eux aussi des répercussions sur les familles, sur leur fonctionnement et sur le monde en général.

Je vous remercie donc d'effectuer cette enquête.

Le président : Merci beaucoup.

Comme je l'ai déjà indiqué, nous espérons publier nos observations rapidement. Normalement, la publication des rapports du Sénat prend du temps. Parfois, le gouvernement en tient compte, mais ce n'est pas toujours le cas. Cependant, il s'agit d'une question qui est tellement d'actualité que nous publierons nos observations à l'automne, après quoi nous poursuivons alors notre étude.

Nous comptons nous rendre dans le Canada atlantique, dans l'Ouest canadien et dans le Nord. Nous espérons aussi voyager à l'étranger pour examiner les pratiques exemplaires en Écosse et en Norvège.

Votre témoignage, Lawrence, était fort convaincant.

Catherine et Margaret, merci d'avoir comparu.

Je demanderais aux membres du public qui ont exprimé le souhait de témoigner devant le comité de prendre la parole. Il se fait tard, mais bien entendu, il importe d'entendre les membres du public.

Julie Langan?

Julie Langan, à titre personnel : Oui.

Le président : Vous êtes de Kingston et témoignez à titre personnel.

Et voici Katheryn...

Katherine Wabegijig, à titre personnel : Wabegijig.

Le président : Vous avez probablement entendu que nous étions à Brockville ce matin vers 8 heures et que nous nous sommes rendus dans la région de Kingston au cours de la journée dans le cadre de notre étude sur les droits de la personne des prisonniers dans le système correctionnel. Bienvenue devant notre comité.

Qui souhaite commencer?

Mme Wabegijig : J'ai hésité à seulement venir ici, mais j'ai rencontré Catherine Latimer plus tôt aujourd'hui.

Mon mari se trouve à l'établissement de Millhaven. Il est incarcéré depuis 2006 et a été transféré au pénitencier de Kingston vers 2009, il me semble. Il est passé par diverses unités, comme l'unité d'évaluation de Bath, puis il est arrivé dans cet établissement.

Je le visite depuis 2009; j'ai donc beaucoup voyagé. J'ai vécu ici le temps d'un été et je l'ai visité très fréquemment, environ trois fois par semaine, chaque semaine.

Je suis revenu le 1er mai et nous nous préparons en vue de sa deuxième audience de maintien en incarcération. De toute évidence, une bonne partie de ce que Margaret Holland et Catherine Latimer ont dit au sujet de cette audience a vraiment touché une corde sensible chez moi.

Nous nous préparons donc pour sa deuxième audience de maintien en incarcération. Ce qui me préoccupe le plus quand on va à l'institution pour voir les détenus, les délinquants, c'est le nombre de rencontres régulières qu'ils ont avec leur agent de libération conditionnelle quand ils se préparent à une audience de maintien en détention afin de tenter d'établir des ressources au sein de la communauté où ils souhaitent être libérés. S'ils ne bénéficient pas de ce soutien... mon mari a mon plein soutien, et je ne sais pas grand-chose. Je ne dispose pas de beaucoup de ressources non plus. Je dois les chercher et les réunir par moi-même, et c'est vraiment beaucoup de travail.

J'ai quitté ma communauté de Sault Ste. Marie pour être ici avec lui et pour assister à l'audience de maintien en détention prévue en juillet ou en juin. Nous ne sommes pas certains de la date de l'audience maintenant. Comme je l'ai souligné, la dernière a eu lieu il y a deux ans. Le simple fait d'ignorer quand l'audience aura lieu constitue une épreuve pour les familles, à mon avis.

Le principal point, comme je l'ai indiqué, ce sont les agents de libération conditionnelle, leur rôle quant aux plans de libération et leurs rencontres avec les détenus. Mon mari ne rencontre son agente qu'une fois par mois, et on pourrait croire que les rencontres seraient plus fréquentes alors l'audience de maintien en incarcération est imminente. Il a appris récemment que son audience aurait lieu en juin plutôt qu'en juillet. Voilà qui bouleverse les plans de tous ceux qui comptaient y assister, y compris les miens et ceux de son aîné, qui souhaite être là pour lui.

Quand on lit les responsabilités des agents de libération conditionnelle du SCC, on constate qu'ils doivent tenir régulièrement des rencontres et maintenir des rapports constants. En parlant aux employés qui travaillent dans les établissements et qui sont censés être là pour les prisonniers, on voit que certains s'occupent vraiment de ces derniers et se soucient d'eux, mais ils ne les rencontrent pas non plus. L'aîné de mon mari a même dû communiquer avec l'agente de probation.

Un des gardes a proposé de rédiger une lettre de soutien à l'intention de mon mari, ce qui n'arrive habituellement pas. Lorsque mon mari l'a présentée à son agente de libération conditionnelle, elle lui a dit qu'il était trop tard parce qu'elle avait déjà écrit le rapport. Or, le SCC doit pouvoir mettre les rapports à jour en s'appuyant sur les faits nouveaux portés à son attention. Je voudrais vraiment qu'on porte attention à ce genre de choses.

Sachez en outre que les agents ne fondent leurs évaluations que sur les documents figurant dans leur dossier et sur des évaluations psychologiques datant peut-être de 10 ans, lesquelles, dans le cas présent, ont été examinées et jugées essentiellement identiques. Les agents se contentent de remplir la paperasse.

Je voudrais aussi vous faire part de mes préoccupations quant au processus de demande prévu à l'article 810, dont je n'avais jamais eu vent avant aujourd'hui. Je pense que c'est vraiment décourageant, d'autant plus que nous pensons que mon mari sera détenu jusqu'à l'expiration de son mandat. Il est alcoolique et ne reçoit pas suffisamment de traitement en prison. Il trouve donc très difficile d'être incarcéré jusqu'à l'expiration du mandat et d'être laissé à lui- même, avec mon soutien, bien sûr.

Pour ce qui est du rapport Gladue, je suis une Autochtone de la nation Ojibwe. Il en va de même pour mon mari. On ne lui a rien dit à ce sujet et on ne lui a pas proposé d'en faire préparer un pour lui. J'ai effectué quelques recherches à ce sujet, et il semble qu'il soit très difficile d'obtenir un tel rapport. Ce processus n'est pas très accessible.

En outre, en ce qui concerne vos questions sur le processus de visite, j'ai échoué au test du détecteur à ions en 2011, ce qui a eu un effet direct sur nos demandes de visites familiales privées, visites dont nous n'avons toujours pas pu bénéficier. Il en va ainsi depuis 2009, depuis que je le visite. Le détecteur à ions est en fait un point soulevé chaque fois que nous réclamons une visite familiale privée. L'appareil a détecté du LSD, une substance que jamais je n'aurais eue sur moi.

Voilà qui fait en sorte que les membres de la famille craignent de se présenter à la prison. Quand on parle avec les autres familles et aux autres conjointes, on s'aperçoit que c'est une constante.

Je descendais du Nord à ce moment-là et je ne venais pas m'installer dans le Sud. En raison de ce problème, nous n'avions plus droit qu'à des visites sans contact. Je ne suis pas venue m'installer dans le Sud jusqu'à ce que je puisse avoir de nouveau des visites avec contact avec lui. Cela a une réelle incidence. J'ai même entendu des gardes affirmer que ce n'est pas un bon système.

La sénatrice Hartling : Il n'est pas fiable?

Mme Wabegijig : Non. Un garde ne se sert pas du détecteur parce qu'il ne croit pas en son efficacité. Je trouve cela fou.

Le président : Merci beaucoup. À mon avis, il y aura de nombreuses questions à propos de cet important témoignage.

Julie?

Mme Langan : Je comparais à titre personnel, mais dans le cadre de mon principal emploi, j'aide les prisonniers libérés.

C'est la sénatrice McPhedran qui a parlé de la désinstitutionalisation, il me semble. Même si je considère que cette mesure convient pour les personnes appropriées, je pense que nous avons constaté que certaines personnes atteintes d'un handicap intellectuel se retrouvent en prison.

Un grand nombre de gens posent un faible risque et pourraient vivre au sein de la communauté, mais ils ont quand même besoin de soutien. Ils risquent de se retrouver à la rue, comme je peux le constater quotidiennement à l'échelle provinciale. Aucun soutien ne leur est offert au chapitre du logement.

Dans une région comme celle de Kingston, le studio moyen coûte près de 700 $ par mois. C'est plus que les prestations du programme Ontario au travail. Rien d'étonnant à ce que cela encourage les gens à vivre dans la rue en hiver et à se prévaloir des services d'hébergement et de repas des refuges, puisque cela leur offre une certaine stabilité.

Il s'agit essentiellement de gens qui n'ont pas de soutien ou d'accès aux médicaments. C'est là un des principaux problèmes auxquels sont confrontées les personnes libérées des pénitenciers fédéraux. Elles ne reçoivent des médicaments que pour deux semaines, sans prescription. Si une personne a reçu des médicaments peu susceptibles de causer une dépendance pendant son incarcération, il lui sera difficile d'obtenir ces médicaments dans une salle d'urgence ou auprès d'un médecin.

Ces gens reçoivent des médicaments comme des Percocets ou des Tylenol 3, puis ils sont libérés avec seulement trois jours de médicaments peu susceptibles d'entraîner une dépendance ou deux semaines d'antipsychotiques. S'ils n'ont pas de médecin de famille, comme c'est le cas pour la majorité d'entre eux, ils doivent constamment lutter pour obtenir du soutien alors qu'ils se heurtent à des obstacles systémiques qui dépassent de loin leurs capacités à les comprendre ou à les surmonter.

La désinstitutionalisation est bien plus complexe que l'ouverture des portes. Comment pouvons-nous aider efficacement les gens qui se retrouvent dans la communauté pour qu'ils ne risquent pas de récidiver ou pour leur permettre de mener une vie de qualité?

Certaines des personnes libérées restent dans des endroits où je ne voudrais pas que mes animaux vivent, mais il n'y a pas de problème, car leur mandat est échu et le SCC n'a plus à s'occuper d'eux. Ces gens sont constamment confrontés à ces problèmes. C'est comme s'ils étaient laissés à eux-mêmes une fois qu'ils ne relèvent plus des soins et du contrôle de SCC.

Le président : Merci beaucoup de ces explications.

Je suis en train de lire un article très convaincant paru en 2014 dans le Kingston Whig-Standard sur le manque de fiabilité des détecteurs à ions.

Mme Langan : Je vous encourage tous à passer le test du détecteur à ions pour voir si quelqu'un y échouera.

Le président : D'accord. Eh bien, dans cet article en particulier, il est indiqué que...

Mme Langan : Et touchez quelques billets de 20 $ avant d'y aller.

Le président : Vraiment? D'accord.

Mme Langan : Il y a plus de cocaïne sur les billets de 5 $, parce qu'ils servent tout le temps à la consommation de stupéfiants. Des familles de clients ne vont même pas dans les toilettes des stations-service ou des établissements, par crainte de déclencher le détecteur. Tellement de facteurs peuvent faire échouer au test.

Les gardiens utilisent les outils aux fins de contre-vérification. Ils recourent au détecteur à ions, puis font appel au chien, mais si on échoue à un test, mais pas à l'autre, cela ne montre-t-il pas qu'un des deux n'est pas efficace?

Le président : C'est ce que l'article laisse entendre.

Mme Langan : Oui.

La sénatrice Pate : Merci à vous deux d'être venues.

Nous entendons une foule d'histoires sur le manque de fiabilité du détecteur à ions, notamment de la part de Michael Jackson, qui doit témoigner, il me semble. Nous devrions l'interroger à ce sujet, parce que lui et deux autres personnes... Enfin, pas lui, mais trois avocats qui l'accompagnaient ont échoué le test. Nous aurions ainsi le fin mot de l'histoire.

Comme vous l'avez entendu plus tôt, une bonne partie de la documentation n'est pas suivie dans le cadre du processus ou de ce qu'il est censé être.

Katheryn, je vais vous dire comment les choses sont censées se dérouler. Je ne veux pas que vous divulguiez quoi que ce soit qui vous rende mal à l'aise ou qui soit confidentiel à propos de votre mari, mais il me semble qu'il n'a pas été évalué par un aîné, une procédure dont les prisonniers autochtones peuvent non seulement se prévaloir, mais dont ils sont censés faire l'objet.

Selon la jurisprudence, l'alinéa 718.2e), où figurent ce qu'on appelle souvent les facteurs Gladue, est censé être pris en compte à toutes les étapes du système, y compris lors des audiences relatives à la mise en liberté et au maintien en incarcération. J'ai l'impression que ce n'est pas ce qu'il s'est passé, mais si je fais erreur et si vous vous sentez à l'aise de répondre à cette question, il nous serait utile d'avoir l'heure juste.

J'aimerais aussi savoir si l'aîné est de votre communauté ou à la prison.

Mme Wabegijig : Il s'agit de l'aîné de l'établissement.

La sénatrice Pate : D'accord.

Mme Wabegijig : Dites-vous que le rapport Gladue équivaut essentiellement à l'évaluation d'un aîné?

La sénatrice Pate : Non, ce n'est pas ce que je dis. Je dis qu'un aîné est censé procéder à une évaluation et qu'il faut tenir compte de l'alinéa 718.2e). Parfois, ces deux mesures se ressemblent, mais elles peuvent être très différentes.

Mme Wabegijig : Mon mari a été évalué par un aîné. Son aîné s'est particulièrement occupé de lui parce qu'il participe beaucoup aux programmes, aux activités culturelles et aux cérémonies. Il s'occupe donc activement de lui.

La sénatrice Pate : Vous avez indiqué que vous avez entendu parler de l'article 810 et du recours aux engagements à ne pas troubler l'ordre public...

Mme Wabegijig : Aux mandats.

La sénatrice Pate : ... si quelqu'un est détenu. Est-ce la première fois que vous en entendiez parler?

Mme Wabegijig : C'est la première fois, oui. J'en ai parlé à mon mari avant de venir ici, et il a indiqué qu'il en avait entendu parler, mais qu'il n'avait jamais eu l'impression que cela pourrait arriver. Mais maintenant que j'en entends parler, il me semble qu'il est tout à fait plausible que cela lui arrive, s'il était détenu et si le mandat expirait.

Il serait intéressant de savoir à combien de gens c'est arrivé. Je l'ignore.

Mme Langan : Je n'ai jamais vu de rapport Gladue dans le cadre d'une évaluation effectuée dans un centre résidentiel communautaire. On ne nous donne donc pas accès à ces renseignements.

La sénatrice Pate : Pour que tout soit clair, il ne s'agit pas d'un rapport Gladue proprement dit; cela fait partie de ce qu'il faut examiner dans le cadre de l'évaluation aux fins de décision. Ces dispositions sont censées être prises en compte. Il existe quelques dossiers au sujet desquels je pourrais vous communiquer de l'information : il s'agit des affaires Twins et Pelletier. Cela serait probablement utile.

Le président : Eh bien, à moins que vous ne souhaitiez ajouter quelque chose, nous voulons vous remercier de tout cœur d'avoir témoigné devant nous. Il importe que nous entendions ces récits personnels. Je crois comprendre qu'une bonne partie des protocoles ne sont pas suivis en ce qui concerne le détecteur à ions et les chiens.

Mme Langan : Oui.

Le président : Quelles mesures peut-on prendre à la place?

Mme Langan : C'est bien ce que je me demande.

Le président : J'étais simplement curieux. Il faut faire quelque chose, je présume, quand vous effectuez une visite.

Mme Langan : Il n'y a pas de contrôle de la qualité. Je visite régulièrement les établissements, et les pratiques varient d'une prison ou d'un CX-2 à l'autre. Les agents utilisent le même coton-tige à plusieurs reprises, ce qui contrevient aux procédures. Ils portent également des gants différents.

Parfois, on se demande simplement à qui on aura affaire. Je suis une professionnelle qui bénéficie d'une autorisation de sécurité supérieure à celle de la plupart des agents de correction qui me soumettent au détecteur. Je ne peux imaginer ce que doivent vivre les familles quotidiennement.

Le président : Notre journée s'est révélée fort instructive. Nous avons entendu parler d'un grand nombre de mesures qui ne sont pas appliquées correctement. Pour être juste, je pense que le comité doit inviter publiquement Don Head à comparaître de nouveau parce que nous en avons entendu beaucoup en 24 heures.

La présente étude durera un an et demi. Nous publierons des rapports intérimaires, comme je l'ai indiqué. Nous avons entendu des représentants du Service correctionnel du Canada, mais je pense franchement, au bout du compte, c'est le patron qui a le dernier mot. Je pense qu'il doit témoigner devant nous, parce que nous n'entendons qu'une partie d'une histoire de grande envergure. Nous entendons ceux qui se plaignent et dénoncent des violations alléguées des droits de la personne.

Vous avez fait preuve d'empathie pendant un moment, soulignant que certains gardes tentaient de faire de leur mieux à l'intérieur de la prison. Un jour comme celui-ci, il vaut la peine de souligner qu'au sein du système carcéral, bien des gens souhaitent que les choses s'améliorent dans les établissements, d'autant plus que nous avons appris aujourd'hui à quel point la situation est difficile pour les familles. Nous avons notamment entendu les propos de Lawrence. Je considère qu'à titre de sénateurs, il nous incombe de formuler des recommandations inspirées de vos témoignages et de ceux d'autres personnes afin d'adopter une approche équilibrée quant à ce qui se passe à l'intérieur de prisons.

Vous avez la parole, sénatrice McPhedran.

La sénatrice McPhedran : Merci beaucoup d'avoir pris le temps de témoigner et de nous avoir parlé avec autant de clarté et d'authenticité. Nous vous en sommes très reconnaissants.

La question suivante est facultative; ne vous sentez donc pas obligées d'y répondre. Craignez-vous de subir des répercussions parce que vous êtes venues nous parler ce soir?

Mme Wabegijig : Nous allons y réfléchir, mais à première vue, non.

La sénatrice McPhedran : Pourrais-je vous demander de nous informer si quelque chose arrive?

Le président : Sur ce, je vais clore à séance sur des propos très terre à terre. Notre autobus part demain matin à 8 h 15. Une autre journée de 12 heures nous attend donc. J'ai moi-même travaillé dans les médias pendant 35 ans, alors si quelqu'un critique le fait que nous ne travaillons pas... je vais m'abstenir de faire un commentaire.

Notre séance a été fort instructive. Nous vous remercions sincèrement d'être venus.

(La séance est levée.)

Haut de page