Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne
Fascicule nº 31 - Témoignages du 11 juin 2018
OTTAWA, le lundi 11 juin 2018
Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne, auquel a été renvoyé le projet de loi C-65, Loi modifiant le Code canadien du travail (harcèlement et violence), la Loi sur les relations de travail au Parlement, et la Loi no 1 d’exécution du budget de 2017, se réunit aujourd’hui, à 15 h 30, pour étudier ce projet de loi.
La sénatrice Wanda Elaine Thomas Bernard (présidente) occupe le fauteuil.
La présidente : Bonjour. Avant d’entendre les témoignages, j’aimerais que tous sénateurs se présentent, en commençant par la vice-présidente.
La sénatrice Cordy : Jane Cordy, sénatrice de la Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Boyer : Yvonne Boyer, de l’Ontario.
La sénatrice Hartling : Nancy Hartling, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Martin : Yonah Martin, de la Colombie-Britannique. Bienvenue.
La présidente : Je m’appelle Wanda Thomas Bernard. Je suis une sénatrice de la Nouvelle-Écosse et je préside le comité.
Nous entamons aujourd’hui notre étude du projet de loi C-65, Loi modifiant le Code canadien du travail (harcèlement et violence), la Loi sur les relations de travail au Parlement et la Loi no 1 d’exécution du budget 2017.
Je profite de l’occasion pour encourager les sénatrices à consulter le bureau de la greffière du comité s’ils ont l’intention de proposer des amendements au projet de loi.
Nous sommes heureux de souhaiter la bienvenue à notre premier groupe de témoins de la journée : Diane McCullagh, dirigeante principale des ressources humaines; Diane Blais, chef intérimaire, Partenariats des ressources humaines; et, enfin, Vanessa Bastos, chef, Personnes, culture et inclusion, qui travaillent toutes pour le Sénat du Canada.
Madame McCullagh, vous avez la parole.
Diane McCullagh, dirigeante principale des ressources humaines, Sénat du Canada : Bonjour, et merci de m’avoir invitée à vous adresser la parole. Comme certains d’entre vous le savent peut-être, je suis une nouvelle venue au Sénat. Je peux vous assurer que les trois dernières semaines comptent parmi les plus intéressantes de ma carrière professionnelle, notamment à cause de nombreuses premières, dont ma comparution devant vous aujourd’hui.
Comme on l’a mentionné plus tôt, je suis accompagnée de Diane Blais et de Vanessa Bastos. Mme Basos travaille également au Sénat depuis peu de temps. Elles m’apportent toutes les deux un soutien dans l’application des politiques sur le plan opérationnel.
À titre de dirigeante principale des ressources humaines, je suis responsable de la surveillance et des activités de la Direction des ressources humaines, ce qui comprend la prestation de conseils dans des dossiers délicats concernant le Sénat et les bureaux des sénateurs. La Direction des ressources humaines applique et surveille la Politique du Sénat sur la prévention et le règlement du harcèlement en milieu de travail ainsi que la Politique du Sénat sur la santé et la sécurité au travail, qui sont visées par le projet de loi C-65.
À l’instar de la Chambre des communes et de la Bibliothèque du Parlement, le Sénat est un employeur distinct assujetti à la Loi sur les relations de travail au Parlement. L’Administration du Sénat comprend 400 employés ainsi que des sénateurs et leur personnel, soit 350 autres personnes.
En juin 2009, le Sénat a adopté sa politique sur la prévention et le règlement du harcèlement en milieu de travail, qui s’applique à toutes les personnes qui travaillent au Sénat, y compris les sénateurs et leur personnel, les employés de l’Administration du Sénat, les entrepreneurs et leurs employés, ainsi que les bénévoles. Le Sénat a adopté cette politique pour garantir un milieu de travail sécuritaire et sain à tous les employés et à toutes les parties qui collaborent avec le Sénat ainsi que pour prévenir le harcèlement en insistant sur un traitement équitable pour tous, sur la sensibilisation et sur la communication ouverte.
Cette politique repose sur trois importants principes : l’équité procédurale, qui garantit à toutes les parties le droit d’être informées, d’être entendues et d’obtenir une décision impartiale; le temps opportun, qui garantit le traitement rapide des plaintes; et la confidentialité, qui vise à protéger la vie privée et la réputation des parties intéressées à toutes les étapes du processus.
Il y a environ un an, le Sénat a confié à un groupe de travail consultatif du Comité de la régie interne le mandat de revoir sa politique sur le harcèlement pour s’assurer qu’elle est conforme aux pratiques exemplaires et qu’elle tient bien compte des préoccupations et des besoins de l’organisation.
Une restructuration subséquente des comités du Sénat a eu lieu en novembre 2017 et a mené à la création du Sous-comité sur les ressources humaines, qui a été approuvée le 7 décembre 2017, pour revoir la politique sur le harcèlement. On a également chargé le sous-comité de poursuivre l’examen mené par le groupe de travail consultatif afin d’harmoniser la politique avec les pratiques exemplaires du marché du travail; d’examiner la façon dont les modifications envisagées dans le projet de loi C-65 devraient être intégrées dans une politique révisée; et de s’assurer que la politique tient compte des récents événements sociaux liés au mouvement #MoiAussi afin de donner suite à ces préoccupations.
Au cours des derniers mois, le Sénat, par l’entremise du sous-comité, a entamé une série de consultations avec des experts et des employés pour recueillir des idées pertinentes sur la façon d’améliorer sa politique dans le cadre de ce processus d’examen. Ces consultations se poursuivront jusqu’à la fin juin, et on s’attend à ce qu’elles orientent les recommandations que le sous-comité présentera au Comité de la régie interne d’ici la fin du mois de septembre.
La Politique du Sénat sur la prévention et le règlement du harcèlement en milieu de travail se trouve dans l’IntraSen, où tout le monde peut la consulter. Le politique définit clairement ce qui constitue du harcèlement dans le contexte du milieu de travail du Sénat. Elle prévoit également un mécanisme de règlement des plaintes de harcèlement et elle définit les rôles et la responsabilité de différents intervenants pour assurer le respect des principes de la politique. Enfin, elle prévoit un mécanisme pour donner suite aux plaintes, en fonction des parties impliquées, par exemple un employé de l’Administration du Sénat, un sénateur ou un membre de son personnel.
Lorsqu’une plainte est formulée pour la première fois, elle sera soumise à l’examen du dirigeant principal des ressources humaines. À ce titre, je vais examiner la plainte pour déterminer si elle correspond à la définition de harcèlement. Je travaillerai ensuite avec les parties concernées en tant que conseillère.
Notre pratique consiste à recourir aux services d’enquêteurs externes pour mener des enquêtes justes, impartiales et discrètes. Les enquêteurs préparent un rapport final soumis à l’examen du dirigeant principal des ressources humaines, qui le transmet ensuite au greffier du Sénat ou aux whips du gouvernement et de l’opposition, selon le cas, pour déterminer les mesures qui s’imposent. Il est important de mentionner que toutes les parties peuvent recourir à la médiation avant et en tout temps pendant le processus d’enquête.
Comme le Sénat est une petite organisation, une entente a été signée en 2016 avec la Chambre des communes afin que les employés de l’Administration du Sénat et le personnel des sénateurs aient accès aux services de médiation de la Chambre offerts dans le cadre du programme Ensemble, trouvons des solutions. Le renouvellement de cette entente est en cours.
Malgré la visibilité de cette question dans les médias, aucune plainte n’a été déposée au Sénat au cours du dernier exercice. Le Sénat en a toutefois reçu trois entre 2014 et le début de 2017, qui ont été réglées comme il se doit au moyen du mécanisme établi.
En 2015, le Sénat a offert une formation ciblée au groupe de la direction et à ses gestionnaires pour les informer de leurs responsabilités en vertu de la politique. À peu près au même moment, les employés des ressources humaines ont également suivi cette formation afin que tous les membres de l’équipe soient bien outillés pour reconnaître les allégations possibles de harcèlement et pour transférer ces plaintes aux spécialistes compétents des ressources humaines.
En janvier 2017, les ressources humaines ont participé à une séance d’orientation destinée au personnel des sénateurs, dont un volet abordait directement la Politique du Sénat sur la prévention et le règlement du harcèlement en milieu de travail. Tous les participants ont été informés sur la politique et les procédures.
Tout récemment, le Sous-comité sur les ressources humaines a distribué à l’ensemble des sénateurs et des employés du Sénat une mesure provisoire afin que tout le monde soit au fait de la politique et du mécanisme prévu pour signaler les plaintes potentielles.
Après le dépôt du rapport du Sous-comité sur les ressources humaines, la Direction des ressources humaines sera responsable d’examiner les recommandations, d’apporter des modifications pertinentes à la politique, de communiquer ces modifications ainsi que de préparer la formation nécessaire à tous les employés, y compris les sénateurs et leur personnel.
Les efforts que nous déployons pour garantir un milieu de travail exempt de harcèlement et de violence sexuelle se poursuivent. La mise à jour de nos politiques et de nos mécanismes sera un grand pas dans la bonne direction afin que nos employés puissent travailler dans un milieu de travail sain.
Mme Blais, Mme Bastos et moi ferons de notre mieux pour répondre à vos questions.
La présidente : Merci beaucoup de votre témoignage. Nous avons une liste d’intervenants. Nous allons commencer par la sénatrice Hartling, la marraine du projet de loi au Sénat.
La sénatrice Hartling : Merci beaucoup de votre exposé, et bienvenue au Sénat. Je sais que vous avez probablement dû vous dépêcher un peu pour préparer votre comparution et pour vous mettre à jour.
J’ai une question sur l’intégration. Quel est le processus suivi pour renseigner les nouveaux employés et les nouveaux sénateurs sur des politiques comme celle concernant le harcèlement sexuel, ainsi que sur la façon de gérer ces choses lorsqu’ils obtiennent leur nouveau poste?
Vanessa Bastos, chef, Personnes, culture et inclusion, Sénat du Canada : Je serai heureuse de répondre à votre question, madame la sénatrice. À l’heure actuelle, nous sommes en train de revoir notre programme d’intégration. Nous avons deux ou trois listes de vérification qui feront partie de la trousse remise à un gestionnaire pour qu’il puisse s’assurer que ses employés connaissent l’ensemble des politiques auxquelles ils sont assujettis. La politique sur le harcèlement fera partie des documents qui devront être passés en revue dans le cadre de ce processus.
Notre objectif est de procéder de manière plus systématique à l’avenir. Nous revoyons donc le processus d’intégration afin que la politique soit vue par tous les nouveaux employés du Sénat.
La sénatrice Hartling : Y aura-t-il une vérification pour s’assurer que l’employé l’a bien vue?
Mme Bastos : C’est exactement cela. C’est là l’intention.
La sénatrice Hartling : Je vois. Merci.
La sénatrice Cordy : Bienvenue à notre comité. Vous avez droit à un baptême de feu au cours de votre premier mois dans vos fonctions. Merci d’être assez brave pour comparaître ici.
Après avoir lu le projet de loi, j’étais très heureuse que la ministre l’ait déposé. Compte tenu de tout ce qui se passe — et de manière plus publicisée, ce qui est positif —, ce texte législatif sera utile, mais il ne réglera pas tous les problèmes. Il faut prendre toutes les mesures nécessaires.
On a soulevé des préoccupations, lorsque j’étais au Comité de la régie interne, à propos de la nécessité d’agir en temps opportun, et vous en avez parlé. Les personnes qui font part d’une préoccupation ou qui déposent une plainte semblent attendre trop longtemps selon moi. Je sais que vous êtes nouvelles dans vos fonctions. Lorsqu’on a un problème et qu’on décide enfin de le signaler — car on pèse longtemps le pour et le contre avant d’avoir le courage de se manifester —, qu’une ou deux années se sont écoulées sans que le problème ait été réglé de façon satisfaisante pour qui que ce soit et qu’on n’a pas été informé de la progression du dossier — et je ne parle pas seulement des ressources humaines, mais aussi des cas renvoyés au commissaire à l’éthique —, comment allez-vous gérer la question de la nécessité d’agir en temps opportun afin que les gens n’aient pas à attendre un an ou plus avant qu’on ait offert une solution à leurs préoccupations?
Diane Blais, chef intérimaire, Partenariats des ressources humaines, Sénat du Canada : La politique fixe des échéanciers pour la résolution des problèmes. Dès que nous sommes informés et qu’une plainte officielle a été portée, jusqu’à la fin du rapport définitif, il faut de quatre à six mois. C’est moins d’un an. La politique accorde au plaignant 12 mois pour porter plainte après l’incident présumé, et nous donnons suite au signalement dès qu’il est porté à notre attention.
Des employés, parfois, viennent nous voir pour seulement nous renseigner. Ils veulent des conseils sur la façon de dénouer une situation et des instructions particulières, ce que, habituellement je leur offre pour qu’ils s’en occupent avec la personne qui y est mêlée. Quand la situation est grave et que ces employés veulent vraiment se manifester et porter plainte, le processus sert à les appuyer. Mon rôle est habituellement de les y accompagner et de leur expliquer le processus et les options qui se présentent.
Comme Diane l’a dit dans son exposé, le problème peut toujours se résoudre par la médiation. Nous favorisons systématiquement une résolution au plus bas niveau possible. Si la médiation est possible, nous la recommandons plutôt que la plainte officielle, que parfois le plaignant préfère et à laquelle il fait suivre son cours.
Mon rôle serait de les informer des diverses options, de les appuyer dans le processus et de répondre à leurs questions tout au long du processus. Toutefois, il faut de quatre à six mois pour le tout, parce que le processus peut exiger la participation de tiers en sus du plaignant et du mis en cause, des témoins qu’il faut parfois interroger. Le processus peut s’étirer si la plainte est portée l’été, pendant les vacances.
Nous essayons d’agir avec autant de célérité que possible, parce que c’est difficile pour le plaignant et le mis en cause, et nous le comprenons. Notre rôle est de les appuyer pendant le processus, et nous essayons d’agir avec plus de diligence, pour ne pas les laisser à eux-mêmes pour régir le stress consécutif au dépôt d’une plainte.
C’est essentiellement mon rôle. Je suis aussi conseillère en relations de travail dans une autre partie de ma vie, mais c’est essentiellement ce que je fais. Ai-je bien répondu à votre question?
Mme McCullagh : Comme je ne suis employée du Sénat que depuis trois semaines, je connais moins bien le processus en vigueur ici, mais je possède un bon nombre d’années d’expérience dans le domaine des ressources humaines et je comprends que, dans des situations délicates où l’employé ne se sent pas sûr dans son milieu de travail, il lui a peut-être fallu beaucoup de temps pour même signaler la situation à un surveillant, à un collègue ou à un spécialiste des ressources humaines. Il est donc essentiel d’agir en temps voulu.
Les options varient selon le degré de gravité du problème, la volonté de la personne de communiquer des détails utiles, de signer son témoignage, ce genre de choses. Il est essentiel que l’employé ait absolument l’impression qu’on l’appuie et qu’on l’écoute.
Dès le tout début, nous donnons des explications et nous gérons les attentes, pendant tout le processus, pour qu’on ne s’attende pas à une solution en une semaine ou deux, si nous croyons qu’il faudra plus de temps, si nous devons faire appel à un enquêteur de l’extérieur et selon le nombre de témoins. Toutefois, tant que nous gérons les attentes des participants au processus, ça rend les délais tolérables.
Nous devons prendre la situation au sérieux et diligenter toutes les enquêtes qui prennent tantôt beaucoup, tantôt peu de temps. Il n’y a pas de cas d’espèce, mais il faut accorder la priorité aux cas pendant le déroulement du processus, et il n’y a pas d’exception à cette règle.
La sénatrice Cordy : Le Sénat a deux catégories distinctes d’employés : ceux qui travaillent pour le Sénat, que ce soit dans l’informatique, les finances ou les ressources humaines, et ceux qui travaillent pour les sénateurs. Les premiers — et ce n’est jamais agréable de le subir — font peut-être partie d’un plus grand service, de peut-être une trentaine d’employés, alors que les seconds font souvent partie d’une équipe de deux, peut-être trois, ce qui rend très peu tolérables la situation et le travail. Comment répondez-vous à chacun de ces deux contextes?
Si ce projet de loi est adopté — et la Chambre des communes l’a adopté à l’unanimité, ce qui me donne l’espoir qu’il le sera ici aussi —, faut-il passer par un programme de sensibilisation? Devrions-nous en proposer un? Je sais que nous en faisons, actuellement, mais devrions-nous l’étoffer un peu pour bien faire connaître les étapes et ce à quoi il faut s’attendre si on veut porter plainte?
Mme Bastos : Je suis heureuse de répondre. Sur votre première observation, sur les employés des bureaux des sénateurs, nous reconnaissons la situation extrêmement délicate qui se présente dans des milieux si restreints. Il est difficile d’en faire partie, de continuer à s’acquitter de ses tâches sans sentir de pressions. L’administration envisagera des solutions de rechange, soit déplacer l’employé dans l’organisation, si c’est faisable, soit lui accorder un congé payé, selon les circonstances. Cependant, encore une fois, nous tenons compte des circonstances dans la recherche de la meilleure solution.
Pour se préparer, je préconiserais de s’organiser pour le projet de loi C-65 et ses conséquences. Absolument. C’est l’une des possibilités que nous envisageons. L’importance de créer un milieu de travail sain qui protège chacun contre le harcèlement et la violence repose sur la sensibilisation et la connaissance de ses droits, conformément à la politique. Il faut connaître ses devoirs et ses responsabilités dans le contexte de ce projet de loi et de cette politique et s’assurer que les employés comprennent dans quelle mesure ils contribuent à instaurer le type de milieu auquel nous aspirons pour tout le Sénat. La formation en fera partie de même qu’une sensibilisation et des communications régulières. Il s’agit de nous assurer que, pour respecter la loi, nous diligentons le règlement de tous les problèmes qui se posent.
La sénatrice Boyer : Soyez les bienvenues. Je vous remercie d’être ici.
J’ai deux questions. La première porte sur les représailles et les mesures en place en cas de plainte. Comment rassurer le plaignant sur l’absence de représailles contre lui? Existe-t-il actuellement des mesures?
Mme Blais : Quand des employés se manifestent et s’informent à ce sujet, nous les rassurons. En se manifestant, ils exercent leurs droits, et nous leur confirmons qu’ils ne devraient pas subir de représailles.
Bien sûr, dans les bureaux des sénateurs, visiblement petits et ne comptant que deux ou trois employés, il était certainement inquiétant de se manifester, si j’en juge d’après mon expérience. Encore une fois, nous les soutenons, nous leur offrons diverses options et nous les soutiendrons quoi qu’il arrive. Le rôle des de la Direction des ressources humaines est de s’assurer de réagir avec une diligence raisonnable et de prévenir toutes représailles.
La sénatrice Boyer : De plus, relativement à la personne qui est l’objet de la plainte, les politiques comporteraient-elles une définition désormais fixée pour « représailles »?
Mme Blais : Nous offrons notre appui au plaignant et au mis en cause. Ce n’est facile pour aucun des deux. Voilà pourquoi nous offrons le même appui. Il importe beaucoup, pendant que nous les accompagnons dans le processus, qu’ils comprennent leurs droits. Notre rôle, à la Direction des ressources humaines, est de nous assurer de les orienter, de répondre à leurs questions et de les appuyer dans ce par quoi ils passent.
La sénatrice Boyer : J’ai une autre question. C’est au sujet des services adaptés à la culture. Si, par exemple, un employé autochtone se manifeste à vous, avez-vous accès aux aînés ou à quelqu’un qui pourrait l’aider? Vous avez parlé de services de médiation. Ferait-on appel à des aînés à cette fin? L’employé pourrait-il recevoir un service culturellement adapté?
Mme Blais : Il est sûr que nous devrons l’envisager pendant la révision de la politique. Ces employés risquent d’avoir des besoins particuliers, et nous examinerons certainement cette question dans le cadre de la révision de la politique et de notre travail sur les recommandations du sous-comité.
La sénatrice Pate : Merci à vous tous d’être ici et merci pour votre travail au nom de nous tous ici dans le contexte général du Sénat.
Je suppose que vous avez vu les recommandations de la Commission canadienne des droits de la personne sur des améliorations qu’on pourrait apporter au projet de loi pour mieux protéger les employés du Sénat. Je suis curieuse de connaître votre opinion sur ces diverses recommandations, relativement aux modifications à apporter au projet de loi?
Mme McCullagh : Je les ai lues, j’ai beaucoup lu ces trois dernières semaines et je ne suis pas en mesure d’évaluer maintenant ma position sur ces recommandations. Toutefois, je pourrai certainement vous renseigner sous peu et par écrit.
Mme Bastos : Je dirais seulement que, d’après les modifications proposées au projet de loi, je pense que ça semble beaucoup correspondre aux éléments et aux principes de la politique actuelle. Je pense que les améliorations me semblent correspondre avec le travail qu’envisage d’accomplir le Sous-comité sur les ressources humaines pour voir comment nous pouvons améliorer le projet de loi. Elles semblent s’harmoniser avec l’orientation que je pense que nous prendrons. Certaines des recommandations nous sont plutôt très agréables.
La sénatrice Pate : Aurais-je raison de croire, sans faire dire des choses à personne, que les amendements proposés par la commission feraient davantage la promotion de vos positions?
Mme Blais : Je le croirais. La politique va déjà au fond des choses, et je pense que ça va seulement favoriser le processus et lui permettre de ratisser plus large, et il s’appliquera dès maintenant à toutes sortes de situations. Je pense que c’est un plus, dès maintenant. C’est vraiment positif.
La sénatrice Pate : Dans le domaine où je travaillais, dans les prisons, il arrivait souvent que le personnel, des employés de Service correctionnel Canada, noue des relations, parfois de nature sexuelle, parfois autres, avec les détenus. Je le dis pour ceux qui ne seraient pas au courant. Ces détenus pouvaient parfois les qualifier de consensuelles. Il est sûr que beaucoup d’entre eux ne pourront pas les qualifier ainsi, finalement. Depuis mon arrivée au Sénat, il y a un an et demi, j’ai notamment remarqué qu’un certain nombre de ces relations s’installaient entre des sénateurs et des employés.
Pour ma part, je m’intéresse, et la sénatrice Bernard y a fait allusion dans son allocution au Sénat, à toute la question des témoins. En votre qualité d’observatrice de certaines de ces situations, quel est, d’après vous, le rôle d’un autre sénateur ou d’un autre membre du personnel quand ils sont les témoins de ce qui, souvent, ressemble beaucoup à une relation asymétrique, à cause du déséquilibre de pouvoir, de ce qui en a toute les apparences et de ce qui, en fin de compte, se présente comme une situation qui, si elle ne se définit pas comme du harcèlement, le frise certainement, puisqu’il s’agit de relations nouées avec des employés qui, visiblement, n’ont pas les mêmes privilèges que les sénateurs? Avez-vous des observations à ce sujet ou, si vous donnez de la formation, comment prévoyez-vous en traiter?
Mme McCullagh : Il est sûr que ce déséquilibre n’est pas rare. Vous décrivez une situation assez particulière. Vous voyez quelque chose; vous le dites. Si vous vous sentez à l’aise de signaler à votre surveillant un fait dont vous avez été témoin, qui vous préoccupe ou dont vous soupçonnez l’existence, vous devez coûte que coûte en parler. Si vous ne vous sentez pas à l’aise, adressez-vous à quelqu’un des ressources humaines et ayez aussi une conversation confidentielle avec l’un des membres de mon équipe. On ne peut pas remédier à un problème dont on ne connaît pas l’existence. L’important est vraiment de lancer cette conversation.
Les témoins, qui n’ont peut-être aucun pouvoir, sont peut-être très inquiets de même signaler les faits ou de même dire quoi que ce soit. C’est donc le signe d’un déséquilibre de pouvoir. J’encourage fortement les témoins à se manifester. Nous ne pouvons obliger personne à le faire, mais je les y encourage fortement. C’est avec notre équipe qu’on peut en discuter sans crainte, mais il faudrait le faire aussi avec le surveillant, si la relation avec lui est solide.
La sénatrice Pate : En fait, certains employés à qui j’ai parlé le perçoivent comme un compliment. Certaines avances ne leur semblent pas inconvenantes. Je suis seulement curieuse de connaître le genre d’efforts de sensibilisation que vous déployez ou que vous pourriez déployer pour que le nouveau personnel connaisse les conséquences de ses réactions à certains comportements qui sembleraient consensuels.
Mme Bastos : Le plus important, c’est, en fait, d’informer les gens sur une définition du harcèlement. Souvent, c’est lié à une mauvaise compréhension de cette définition ou de la mesure dans laquelle des situations qu’ils peuvent vivre pourraient y correspondre. Nous pensons qu’il est vraiment important que nous fassions en sorte que les employés comprennent bien la définition, la politique et les obligations et les devoirs que nous avons tous dans le contexte de notre emploi pour reconnaître les situations de harcèlement possibles et les signaler.
Ce n’est pas parce qu’une personne n’est pas la partie directement touchée qu’elle peut être jugée non responsable. Il est toujours de son devoir de s’assurer que le milieu de travail est positif et sain pour tout le monde. On s’attend à ce que, dans le cadre de la formation que nous prévoyons donner, nous parlions de ces éléments pour que les gens comprennent très bien cette définition et puissent voir les choses dans leur contexte afin de déterminer dans quelle mesure certaines situations qu’ils vivent correspondent à du harcèlement et régler le problème de façon appropriée, le cas échéant.
La sénatrice Andreychuk : J’aimerais seulement obtenir une précision concernant ce qu’a dit la sénatrice Pate. Elle parlait de certains amendements au projet de loi qui ont été recommandés, si je comprends bien. Je ne veux pas lui faire dire ce qu’elle n’a pas dit. Elle voulait savoir si vous croyez que ces amendements devraient être apportés au projet de loi C-65, ou si vous êtes d’avis que le contenu du projet de loi C-65 et d’autres politiques suffit et qu’il n’est pas nécessaire d’apporter les amendements. J’aimerais obtenir des précisions à cet égard.
Mme McCullagh : Instinctivement, je dirais que nous voudrions attendre les recommandations du sous-comité, mais je crois que nos collègues du domaine juridique seraient mieux en mesure de répondre à votre question à ce moment-ci. Je ne pense pas que nous soyons assez bien placées pour vous fournir une réponse approfondie.
La sénatrice Andreychuk : Nous ignorons s’il est nécessaire d’apporter ces amendements au projet de loi C-65. D’accord.
La présidente : Pourriez-vous nous fournir une réponse écrite? Merci.
La sénatrice Andreychuk : Je veux revenir au Sénat. Puisque j’y siège depuis de nombreuses années, il semble que nous soyons toujours sur le point de mettre en place une politique. C’est nouveau; on essaie; on évalue. Ce sont des mots que j’entends souvent ici. Combien de temps faut-il pour mener un processus, de sorte que nous soyons tous sur la même longueur d’onde? Le problème tient en partie au fait que nous avons des bribes, et bien que ce soit une évolution, toujours, parce que les attentes et la société changent, il me semble que nous n’avons jamais été capables d’aller quelque part et de voir tout le processus. On m’a dirigée ici et là. Quand aurons-nous cette politique omnibus que nous comprendrons tous? J’aimerais obtenir une idée du temps qu’il faudra.
Mme Bastos : Je peux répondre à la question, sénatrice. Comme je l’ai mentionné — et je crois que Dianne en a parlé également dans sa déclaration préliminaire —, le Sous-comité sur les ressources humaines a déjà entrepris une partie des travaux d’examen de la politique.
À l’heure actuelle, nous travaillons de concert à la tenue de consultations auprès de membres du Sénat, d’employés et de gestionnaires de même que d’employés du groupe de travail des sénateurs, ainsi que de spécialistes de la question. Le but, c’est que, à la fin de ces consultations, nous ayons une meilleure idée quant aux éléments de la politique actuelle que nous devrions modifier, ce qui nous permettra d’avoir un mandat clair pour déterminer comment nous réviserons la politique et nous mettrons en œuvre, au cours de l’automne, une politique complète et précise qui tient compte des diverses préoccupations exprimées au cours des consultations.
Le but à ce moment-là sera d’avoir un plan d’action claire pour la mise en œuvre de tous les mécanismes de soutien que nous voulons apporter avec le projet de loi, dont la formation, la communication et toutes les autres activités que nous avons mentionnées plus tôt.
La sénatrice Andreychuk : Pouvez-vous définir « automne »?
Mme Bastos : À ce moment-ci, j’éviterais de vous donner une date exacte, mais je peux certainement vous dire que nous ciblons l’automne.
La sénatrice Andreychuk : Parlons-nous de septembre ou de novembre?
Mme Bastos : Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, je ne me prononcerai pas là-dessus, sénatrice.
La sénatrice Andreychuk : Je pose tout de même la question. J’espère être en avance.
Il faut dire entre autres que nous avons intégré un élément du Code régissant les conflits d’intérêts et que nous l’avons modifié pour le Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts. Il y a certainement confusion, car nous n’avons pas encore une politique complète. Si cela concerne un sénateur, la tendance est d’aller vers le Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts, mais ce n’est pas son rôle — et ce n’était pas l’intention ni le libellé de l’article 7 — de remplacer une politique sur le harcèlement incluant des responsabilités selon ce que vous me direz concernant ce que nous aurons cet automne.
A-t-on réfléchi aux communications et au contenu pour définir clairement l’objet de l’article 7 du Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts? C’est le comportement le plus grave qui a des répercussions sur le Sénat, l’institution, d’autres sénateurs, et cela ne supplantera pas ce qui est visé concernant les codes du travail. Si cela n’est pas amorcé, je propose qu’on y jette un coup d’œil. Vous pouvez y revenir plus tard, mais je pense que c’est fondamentalement une question à laquelle le Sénat devra répondre. La tendance, c’est d’aller vers ce qui, je crois, doit être réglé au sein du Comité de la régie interne.
Mme Bastos : Absolument, sénatrice. À ce moment-ci, pour être honnête, je dirais que je ne suis pas beaucoup informée concernant le Comité de l’éthique et son rôle à cet égard. C’est quelque chose que j’examinerai, et nous reviendrons assurément ici pour vous dire ce que nous ferons à cet égard dans le contexte de la politique. Le point que vous soulevez est vrai. La politique existe pour une raison, et il y a un mécanisme pour régler ces problèmes dans les limites de la politique. S’il y a confusion, c’est quelque chose que nous voudrons régler et nous voudrons nous assurer que cela se marie bien avec certaines des autres politiques que nous avons en place.
La sénatrice Andreychuk : Je tenais à le dire. Il est important que nous connaissions bien les divers organismes qui existent au Sénat.
Je veux parler de la définition de « harcèlement et violence » qui figure dans le projet de loi C-65. N’importe qui d’entre vous peut répondre à ma question. Comment voyez-vous les choses lorsqu’on dit « tout acte, comportement ou propos, notamment de nature sexuelle — et j’aime cette partie jusqu’à maintenant —, qui pourrait vraisemblablement offenser ou humilier un employé ou lui causer toute autre blessure ou maladie, physique ou psychologique, y compris tout acte, comportement ou propos réglementaire, et on arrive ensuite au projet de loi précédent.
Ce qui est le plus difficile, c’est de déterminer ce qu’est l’humiliation et ce qui constitue une blessure psychologique. J’ai pratiqué le droit de la famille, et ce qui offense une personne peut ne pas offenser quelqu’un d’autre. Cela peut dépendre de l’origine d’une personne ou de sa culture. Quels outils seront appliqués et quel est le critère du caractère raisonnable ici? Il y a toujours des cas où l’on dit : « Eh bien, ce n’est pas l’impression que je voulais donner », et « Eh bien, c’est la façon dont je l’ai perçu ». Je crois que ce sera le plus grand défi dans le cadre du projet de loi. Avez-vous quelque chose à nous dire à ce sujet? Ce sera le cœur de la question. Nous l’avons constaté.
Mme Bastos : Absolument, sénatrice. D’abord et avant tout, j’aimerais répéter que chaque plainte de harcèlement est unique. Il faut l’examiner dans son contexte pour s’assurer qu’on tient compte de l’expérience des parties concernées, qu’on comprend également le contexte dans lequel les allégations ont été faites, et ces facteurs seront probablement pris en compte dans la façon de déterminer s’il y a eu harcèlement ou non.
Pour ce qui est d’une définition, elle est suffisamment vaste pour différents types d’incidents. Or, encore une fois, nous ne pouvons pas utiliser une démarche globale pour déterminer automatiquement ce qui constitue du harcèlement ou ce qui n’en constitue pas. Il faut examiner la question dans le contexte de la situation que l’on examine et en fonction des personnes concernées pour déterminer comment appliquer la définition, dans la mesure où la définition est assez vaste.
La sénatrice Andreychuk : Chose certaine, au Sénat, et dans d’autres secteurs dans lesquels j’ai travaillé, cela nous a posé problème. Pour les tribunaux, la norme raisonnable — pas toujours, mais habituellement —, correspond à une norme objective. Bien entendu, notre société est extrêmement diversifiée. Ce n’est pas aussi utile.
Au Sénat, il y a des gens qui ont exercé le jugement pour déterminer si c’est raisonnable ou non et qui ont été blâmés plus tard; ils ne représentaient pas ce à quoi je croyais et ce que je pensais. Non seulement ils n’ont pas obtenu la réponse qu’ils voulaient, mais cela n’a fait que les convaincre davantage que le système n’était pas conçu pour les aider.
Avez-vous réfléchi à ce à quoi des agents ou des groupes — j’ignore quels termes vous utiliserez cet automne — feront à cet égard et comment décèle-t-on ces problèmes? Comment désamorce-t-on la situation? Je sais qu’il y aura de la médiation, mais si elle échoue, c’est là que les choses se compliquent. On a tendance à recourir aux tribunaux, mais cette norme des tribunaux, qu’il s’agisse d’une agression ou d’un autre acte, correspond à un élément de preuve de haut degré, au-delà de tout doute raisonnable. Dans les questions administratives, c’est un critère du caractère raisonnable, ce qui n’est pas tout à fait la même chose. Alors, qu’allons-nous faire à cet égard? Y avez-vous réfléchi? Si ce n’est pas le cas, c’est un autre point sur lequel on peut revenir plus tard, car il est fondamental pour la question de savoir si les gens ont l’impression qu’on les a bien écoutés et que justice a été rendue.
Mme Bastos : Si vous me le permettez, sénatrice — et j’inviterai mes collègues à intervenir —, il est souvent difficile, lorsqu’il s’agit de harcèlement, entre autres, d’arriver à un point où chaque partie est d’avis que le résultat est satisfaisant. Souvent, ce sont des questions très personnelles, c’est une question de perception et de contexte, ce qui fait en sorte qu’il est difficile pour les gens d’être entièrement satisfaits du résultat.
On essaie du mieux que l’on peut de se concentrer sur les faits que la situation présente. En fonction de cela, on essaie de faire une évaluation juste et d’adopter un processus qui est cohérent sur le plan de la procédure pour toutes les parties concernées. À partir de cela, on essaie de prendre la meilleure décision éclairée quant aux mesures à prendre en tenant compte de divers facteurs.
Vous avez soulevé un aspect très important que nous devrons examiner et que nous n’avons pas réglé totalement à ce moment-ci.
La sénatrice Andreychuk : C’est un travail en cours.
La présidente : J’ai une question qui est liée aux questions de la sénatrice Andreychuk.
Il est clair que la définition de harcèlement et violence inclut la violence sexuelle, mais je m’interroge sur les problèmes d’homophobie, de capacitisme et de racisme. Concernant ces types de plaintes, surtout lorsqu’une personne est en situation d’autorité, a-t-on discuté de ces questions? Comment prévoyez-vous en discuter, surtout dans la formation?
Mme Bastos : Je serai ravie de répondre à la question, sénatrice. Encore une fois, nous n’en sommes qu’à une étape préliminaire — malheureusement, c’est relativement nouveau au Sénat — et nous attendons les résultats des travaux que le Sous-comité sur les ressources humaines est en train d’effectuer pour ce qui est de revoir la politique et de déterminer comment nous voulons intégrer les dispositions du projet de loi dans notre politique. Ce seront des facteurs que nous devrons examiner.
À cette étape-ci, je ne pourrais pas dire ce que nous entendons faire à cet égard. Nous savons que ce sont des préoccupations et des facteurs qu’il nous faut examiner et que nous devons utiliser pour renforcer toute politique en place afin de répondre aux besoins de ces divers groupes.
La présidente : Je sais que le groupe de travail s’est dit préoccupé par le fait qu’on ne mentionne pas les mesures de résolution. Par exemple, quelles seraient les répercussions, compte tenu en particulier des privilèges qu’ont les sénateurs?
Mme McCullagh : J’ai entendu le terme « privilège parlementaire » au cours de mes trois premières semaines ici. Je crois comprendre que le privilège parlementaire ne fait pas en sorte que les sénateurs peuvent se soustraire aux obligations et aux responsabilités qu’ils ont en tant qu’employeurs. Nous devrons déterminer ce que cela signifie et quelle sera la situation.
C’est vraiment une question d’information. Vous avez dit que peut-être que les gens qui sont en position de pouvoir, lorsqu’il s’agit d’homophobie, par exemple... Il s’agit vraiment de comprendre ce qu’est un milieu de travail équitable et exempt de harcèlement et de s’assurer qu’ils connaissent leurs responsabilités par rapport aux questions que vous avez mentionnées. Ensuite, nous devrons attendre les recommandations du sous-comité pour déterminer jusqu’où nous pouvons aller. Nous y donnerons certainement suite.
La sénatrice Andreychuk : Le privilège parlementaire est défini; c’est connu. Il y a des faits historiques qui y sont associés — le modèle de Westminster. Vous n’en parliez pas dans ce sens; vous parliez du déséquilibre des pouvoirs.
La présidente : Le pouvoir et le privilège, oui.
La sénatrice Andreychuk : Avant d’arriver ici et de devenir sénateur, on ne sait pas à quel point être parlementaire est un privilège, mais cela crée également un déséquilibre par rapport aux gens qui s’adressent aux sénateurs. Ils disent souvent : « Mais vous avez le pouvoir de faire des choses. » Je crois que c’est ce dont vous parliez, de leur statut, et non du concept du privilège parlementaire, qui est bien défini et concerne les travaux de la Chambre, essentiellement. Je voulais simplement le dire, car votre point était pertinent, et je ne veux pas que cela se perde dans des questions de privilège parlementaire qui sont des questions de procédure.
La présidente : Oui. Merci.
La sénatrice Martin : Je vous remercie de votre exposé, madame McCullagh, et je remercie les autres témoins qui répondent à certaines questions posées par mes collègues.
Je vais poursuivre dans la foulée de certaines des questions que j’ai entendues. En essayant de structurer toute l’information que vous avez communiquée dans votre synthèse, madame McCullagh, dans votre exposé, vous avez parlé des travaux que le Sénat a réalisés depuis 2015. Je me souviens des efforts qui ont été déployés. En tant que groupe et caucus, nous avons examiné les documents et différentes politiques et nous avons essayé de discuter entre nous, pour nous assurer que nous connaissons tous nos devoirs et nos responsabilités à l’égard des membres de notre personnel, car nous sommes tous des employeurs pour eux.
J’essayais de comprendre quelles incidences le projet de loi C-65, une fois adopté, aura sur les mesures que nous avons déjà, ce qu’il y ajoutera et s’il les complétera.
Quelles incidences sur le privilège parlementaire auront les nouveaux devoirs des employeurs concernant le harcèlement et la violence dans le milieu de travail? De plus, concernant nos programmes et nos processus que le sous-comité est en train d’examiner — comment procède-t-on dans le contexte du projet de loi C-65? Offrira-t-on des ateliers aux sénateurs et aux membres du personnel pour qu’ils puissent bien comprendre comment tout cela fonctionnera ensemble?
Ce projet de loi se veut très exhaustif. Il vise à corriger des lacunes. J’espère que vous me garantirez que ce sera le cas, compte tenu de tout ce que nous avons déjà fait en ce sens, au Sénat, et de l’étude en cours. Je sais que vous êtes nouvelle à ce poste, mais j’espère comprendre comment tout cela sera conciliable. C’est une grande question.
Mme McCullagh : C’est une grande question, effectivement. Malheureusement, je ne suis pas certaine de pouvoir vous fournir de réponse complète à ce stade-ci. Je sais que vous attendez impatiemment les résultats des travaux du Sous-comité sur les ressources humaines et que la formation et les communications seront essentielles pour la mise en œuvre de ces mesures, quels que soient les changements apportés.
Tant mieux si des changements sont apportés, mais si nous ne communiquons pas bien à la population ce qu’ils représentent, si nous ne faisons pas d’éducation, ils ne serviront à rien. Bref, la communication et l’éducation à tous les niveaux seront un énorme facteur, et rapidement, je dirais. Nous n’avons pas à attendre très longtemps. Nous souhaiterions mettre ces changements en œuvre le plus vite possible, tout en faisant preuve de la diligence voulue et en veillant à faire les choses correctement.
Je n’ai pas d’autres informations à vous donner tant que je n’aurai pas reçu l’information du Sous-comité sur les ressources humaines, à moins que vous ayez quoi que ce soit à ajouter à ce sujet. C’est malheureusement tout ce que je peux vous dire pour l’instant.
La sénatrice Martin : Très bien.
Je sais que vous attendez notre rapport pour faire votre examen et qu’il s’écoulera du temps entre la sanction royale et sa véritable mise en œuvre, mais selon votre étude préliminaire, ce projet de loi permettra-t-il de simplifier les processus et les programmes déjà en place? Parfois, ce n’est pas mieux d’en rajouter. Il semble que notre institution a déjà pris pas mal de mesures. D’une certaine façon, ce projet de loi semble confirmer ce que nous faisons déjà. J’espère qu’il permettra de simplifier et d’enrichir ce que nous avons déjà, parce qu’il y a déjà des choses en place. J’espère qu’il y aura concordance entre toutes ces mesures. J’aimerais savoir si c’est ce que vous prévoyez, d’après votre étude préliminaire.
Mme McCullagh : C’est ce que je crois, oui. Encore une fois, ce n’est qu’une étude préliminaire. Il reste du travail à faire et des conversations à tenir à ce sujet.
Le but de tout cela, le but d’une politique contre le harcèlement ou de toute autre politique doit être de simplifier les choses. Plus les politiques seront simples et claires, mieux ce sera. Elles seront plus faciles à respecter et à faire appliquer dans ce contexte aussi. Nous l’espérons, en tout cas, et c’est ce à quoi je m’attends, compte tenu du travail que j’ai vu jusqu’à maintenant.
La sénatrice Hartling : Je vous remercie infiniment de toutes vos réponses. Vous vous en tirez très bien, même si vous êtes toute nouvelle à ce poste.
Seulement pour conclure, il y a manifestement un déséquilibre des pouvoirs. Je sais que nous avons des lois, qui suscitent des changements, mais il faudra un changement de culture. J’ai entendu une chose, en Australie, que j’ai trouvée vraiment ridicule. Il y est interdit à quiconque d’entrer en relation avec une autre personne au Parlement. Cela va trop loin, mais pour ce que vous faites, je pense que le projet de loi se mariera très bien aux politiques en place au Sénat. Cela dit, il faut aussi nous doter de ressources, faire de l’éducation, gagner la confiance des gens pour avancer. Savez-vous s’il y a des endroits où il y a des programmes ou des mesures qui ont suscité ce genre de changement de culture?
Mme McCullagh : Quand on essaie de changer la culture, par une politique contre le harcèlement ou un code d’éthique, comme dans l’exemple donné un peu plus tôt sur les relations en milieu de travail, il peut certainement y avoir un déséquilibre des pouvoirs au départ. Si la relation est totalement consensuelle, on risque de se retrouver en situation de conflit d’intérêts, éventuellement, donc il faut en tenir compte en amont aussi.
Un changement de culture ne se fait pas du jour au lendemain, à tout le moins selon mon expérience, et je travaille dans le domaine des ressources humaines depuis 29 ans. Ce genre de chose peut prendre beaucoup de temps. C’est un marathon, pas un sprint. Le changement doit forcément venir d’en haut. Les gestionnaires doivent prêcher par l’exemple, faute de quoi nous ne pouvons pas nous attendre à ce qu’on nous suive. Nous devons pouvoir inspirer à nos collègues et à nos coéquipiers un comportement adéquat en milieu de travail. Cela commence par nous, par l’équipe de gestion.
Il y a d’autres détails sur la façon dont nous comptons procéder. Les communications seront essentielles aussi, nous devrons utiliser diverses plateformes. Il ne suffit pas de multiplier les courriels. Différentes personnes réagissent à différents mécanismes de communication, donc il faut veiller à ce que tous soient en place.
Nous devons favoriser une approche intégrée pour réussir à susciter un changement de culture. Il faut aussi être patient et ne pas s’attendre à voir des résultats au bout de six mois, ce qui vaut pour presque tout. Tout dépend de la complexité de la mesure, mais celle-ci est complexe, donc elle nécessitera du temps.
C’est possible. J’ai déjà vu des changements de culture. Ils doivent venir d’en haut. Il faut une approche intégrée, utiliser divers mécanismes. Je veux dire par là qu’il ne suffit pas d’adopter une politique contre le harcèlement; il faut aussi adopter d’autres politiques et offrir de la formation pour que tout le monde soit au diapason.
La sénatrice Hartling : Merci. Avez-vous des moyens pour contribuer à bâtir des ponts avec les personnes, le personnel et le Sénat? Avez-vous un plan?
Mme McCullagh : Il y a actuellement une véritable transformation des ressources humaines qui s’opère, qui fera d’une partie de notre équipe des partenaires d’affaires. Le fait que des membres de l’équipe des ressources humaines fassent pratiquement partie de l’équipe de ces partenaires nous permettra de mieux comprendre les besoins de nos clients, ce qui les empêche de dormir, ce qui les fait souffrir, de manière à mieux les aider. C’est un mécanisme.
Je dois absolument comprendre les activités de mes clients si je veux pouvoir les aider d’une quelconque façon. J’ai déjà commencé à rencontrer mes homologues à ce sujet précis. Je prévois d’ailleurs continuer de le faire, dans cet objectif.
La présidente : Je vous remercie toutes d’avoir pris le temps de venir nous présenter votre témoignage et d’entendre les questions des sénateurs.
Le deuxième groupe que nous avons le plaisir d’accueillir aujourd’hui se compose de Marie-Claude Landry, présidente de la Commission canadienne des droits de la personne, et de son équipe, qu’elle nous présentera.
Marie-Claude Landry, présidente, Commission canadienne des droits de la personne :
Bonjour à tous. Je vous présenterai mon exposé en français et en anglais.
[Français]
Je vous remercie beaucoup d’avoir invité la Commission canadienne des droits de la personne à prendre part à votre étude sur le projet de loi C-65. Je suis accompagnée de Mme Fiona Keith, avocate-conseil principale, Direction générale de la protection des droits de la personne, et de Mme Marcella Daye, conseillère principale en politiques, Division des politiques, de la recherche et des affaires internationales.
Quand j’ai parlé de ce projet de loi au comité permanent de la Chambre des communes en février, j’ai mentionné qu’il s’agissait d’un autre exemple des mesures prises par le gouvernement pour remettre les droits de la personne à l’ordre du jour national. J’ai mentionné que ce projet de loi était une étape positive dans la lutte contre le harcèlement, le harcèlement sexuel et d’autres formes de violence en milieu de travail au Canada. Je le crois tout autant aujourd’hui.
[Traduction]
C’est la raison pour laquelle la Commission canadienne des droits de la personne est encouragée par l’aspect préventif du régime réglementaire qu’offre ce projet de loi. Nous souhaitons le succès de ce projet de loi, comme nous désirons le succès de toutes les autres initiatives visant l’égalité, de la législation sur l’équité salariale à la Stratégie nationale du logement. Nous croyons que tous ces régimes réglementaires pourraient contribuer de façon significative à prévenir les injustices en droit de la personne avant qu’elles ne se produisent.
Toutefois, afin d’assurer leur succès, il est impératif que ces régimes réglementaires soient développés en pleine considération des droits de la personne qu’ils sont censés appuyer. Ces régimes ne doivent pas être confondus avec les régimes de protection quasi institutionnelle des droits de la personne et les recours qu’ils offrent. Ces régimes doivent être vus comme les complétant. Ils doivent aider à diriger les victimes vers les protections et les recours du système des droits de la personne.
C’est pourquoi je suis ici aujourd’hui pour demander que les droits de la personne, et le langage des droits de la personne, s’intègrent autant que possible dans tous les régimes réglementaires, y compris le projet de loi C-65.
Cela étant dit, nous reconnaissons également que le facteur temps est ici essentiel et que ce projet de loi est dans sa phase d’examen final. Par conséquent, je me présente avec trois recommandations concrètes — qui, selon nous, vous aideront à mieux harmoniser ce projet de loi à une approche centrée sur les droits de la personne. Ces trois recommandations sont les suivantes :
Un : que la définition du harcèlement soit élargie afin d’être aussi inclusive que possible.
Deux : que le projet de loi comprenne la reconnaissance qu’au Canada, un milieu de travail libre de harcèlement et de violence est un droit de la personne.
Trois : comme c’est en ce moment le cas, toute victime de harcèlement ou de violence en milieu de travail au Canada peut toujours se prévaloir de la protection de la Loi canadienne sur les droits de la personne, et ce, par une variété de moyens.
Avant de poursuivre, nous vous soumettons pour examen des propositions de langage pour chacun de ces points. Vous les trouverez dans notre mémoire écrit.
Notre première recommandation est la plus simple des trois, mais peut-être la plus importante. Nous croyons que cette modification permettra d’assurer que l’application de ce projet de loi soit aussi large que possible, qu’il aura une plus longue durée de vie, qu’il aura un impact plus systémique sur cette question systémique. Et nous croyons que tout cela peut être accompli en changeant un seul mot.
En ce moment, dans la disposition du projet de loi définissant le harcèlement, la première phrase indique que « le harcèlement signifie... » Nous demandons que cette formulation soit remplacée par : « le harcèlement comprend... »
Les questions de droits de la personne sont en constante évolution. Le projet de loi C-65 devrait le reconnaître et le permettre. Nous croyons fermement que ce seul changement élargira la définition et transformera une définition fixe en une définition plus souple et plus inclusive, une définition qui peut évoluer.
Compte tenu du contexte actuel, nous pensons qu’il n’a jamais été plus important pour le Canada de faire les choses correctement, et nous le pouvons. Par conséquent, nous encourageons fortement le comité à apporter ce seul changement si important.
[Français]
Notre deuxième recommandation contient trois éléments qui sont mentionnés dans notre soumission. Ensemble, ces éléments ajoutent au projet de loi un langage qui reconnaît clairement qu’au Canada, un milieu de travail libre de harcèlement et de violence fait partie des droits de la personne. Le langage du projet de loi C-65 doit indiquer clairement que le harcèlement est non seulement une question de sécurité en milieu de travail, mais aussi une question fondamentale de droits de la personne. Lorsque la violence ou le harcèlement existe en milieu de travail, il y a violation des droits de la personne.
La commission comparaît pour une deuxième fois dans le cadre de l’étude de cet important projet de loi, parce que le harcèlement au travail est un problème omniprésent et profondément enraciné au Canada. Le harcèlement est un obstacle à l’égalité, et il constitue une forme de discrimination. Nous croyons donc que le texte du projet de loi C-65 doit en tenir compte.
[Traduction]
Le troisième et dernier point que nous aimerions mentionner à l’égard du langage utilisé dans le projet de loi est le suivant : toute personne au Canada victime de harcèlement ou de violence en milieu de travail peut toujours se prévaloir de la protection de la Loi canadienne sur les droits de la personne, à l’aide d’une variété de moyens.
Les protections sont les mêmes pour tous, mais les voies peuvent être différentes. Je vais vous expliquer ce que je veux dire.
Tout le monde au Canada est protégé contre la violence et le harcèlement en milieu de travail sur la base de motifs de distinction illicites, en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne. C’était le cas avant l’adoption du projet de loi C-65 et ce sera le cas par la suite. Ces protections des droits s’appliquent à tout le monde, y compris au personnel parlementaire, aux députés et même aux sénateurs.
La différence est simplement celle-ci : selon votre rôle ou votre lieu de travail ou l’organisme dont vous relevez, que vous soyez syndiqué ou non, vous avez accès à ces mesures de protection des droits de la personne, mais les voies d’accès peuvent être différentes. Mêmes protections; voies différentes. Toutefois, quel que soit le chemin que vous prenez, les protections juridiques fondamentales et quasi constitutionnelles sont tirées de la Loi canadienne sur les droits de la personne et de rien d’autre.
Ainsi, il doit être clair pour tous que le processus établi dans le projet de loi C-65 peut aider à prévenir le harcèlement, mais que les victimes ont toujours le droit de demander des recours au régime des droits de la personne si et quand elles le souhaitent.
Les employeurs peuvent aider à améliorer la culture en milieu de travail. Ils peuvent mettre en place de nouvelles mesures pour prévenir le harcèlement, mais en vertu du projet de loi C-65, l’employeur ne peut indemniser les victimes de violations des droits de la personne. Si une victime de harcèlement sexuel veut obtenir réparation ou indemnisation pour ces violations, elle ne peut le faire qu’en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Ce doit être clair dans le libellé du projet de loi et dans son application. Les victimes doivent savoir dès le début du processus que le fait d’utiliser le processus prévu dans le projet de loi C-65 ne veut pas dire qu’elles ne peuvent pas avoir recours au processus des droits de la personne.
En somme, le projet de loi C-65 ne limite pas l’accès des victimes de harcèlement aux différents recours à leur disposition pour obtenir justice face à une violation des droits de la personne. Les gens ont besoin de le savoir. Ce point doit être plus clair. Nous croyons que la loi doit clairement exiger de l’employeur qu’il informe immédiatement les victimes de harcèlement des moyens mis à leur disposition pour accéder aux protections offertes par la Loi canadienne sur les droits de la personne. Nous soutenons les suggestions d’un carrefour d’information et de la ligne sans frais comme points de départ. Nous continuerons aussi à demander la mise en œuvre de ces mesures ainsi que d’autres moyens plus robustes de sensibilisation. Nous croyons que la réalisation de ce troisième amendement permettra d’éviter que le projet de loi C-65 limite involontairement les protections des droits de la personne et qu’elle l’aidera plutôt à atteindre son objectif.
Je tiens à remercier le comité pour cet examen final du projet de loi, comme je le remercie d’avoir invité la commission à lui faire profiter de son expertise. En terminant, je vous offre une dernière pensée : pour protéger la sécurité et les droits de la personne, les textes de nos lois et de nos règlements ont une grande importance. Les gens se tourneront vers le libellé du projet de loi C-65 comme source d’information sur la façon d’aborder le très grave problème du harcèlement et de la violence en milieu de travail et d’en parler. Assurons-nous que le Canada les guide dans la bonne direction. Faisons en sorte que le projet de loi C-65 traite de cette question non seulement comme un problème de sécurité en milieu de travail, mais comme une question d’égalité fondamentale qui exige un langage des droits de la personne et — autant que possible — une approche axée sur ces droits. C’est la seule manière d’assurer que nos milieux de travail offrent l’égalité des chances pour tous.
Nous serons heureux d’appuyer le comité pour la suite de ce travail important. Nous sommes disposées à répondre à vos questions. Merci beaucoup.
La présidente : Merci. La sénatrice Hartling, marraine du projet de loi, posera les premières questions.
La sénatrice Hartling : Merci infiniment. Je suis contente de vous revoir. Je m’attendais à une citation aujourd’hui. Marie-Claude Landry nous a lu une belle citation de Nelson Mandela la dernière fois qu’elle a comparu devant nous, donc je m’attendais à ce que vous en ayez une aujourd’hui.
Je vous remercie beaucoup de ces recommandations. Je vous en suis très reconnaissante. Prenons la troisième, qui me semble très importante. Elles le sont toutes, mais je vous parlerai de celle-là. Si nous ne la suivons pas, si nous la laissons tomber, quelles seraient les conséquences de ne pas avoir inclus les droits de la personne ou le langage des droits de la personne dans le projet de loi? Que pourrait-il arriver? Quels seraient les problèmes potentiels?
Fiona Keith, avocate-conseil principale, Direction générale de la protection des droits de la personne, Commission canadienne des droits de la personne : Je commencerai, après quoi mes collègues pourront ajouter ce qu’elles souhaitent.
Nous ne croyons pas que le fait de laisser ce libellé de côté empêcherait qui que ce soit de se prévaloir de la Loi canadienne sur les droits de la personne, en raison de sa nature quasi constitutionnelle, qui ne changera pas, peu importe les autres lois adoptées. Les mesures qu’elle propose demeureront, et les divers moyens qu’a mentionnés notre présidente, notamment les griefs syndicaux, continueront de s’appliquer. Nous craignons surtout les conséquences involontaires et avons peur que la population, parce qu’elle ne les voit pas clairement dans la loi, n’utilise pas ces recours.
Marcella Daye, conseillère principale en politiques, Division des politiques, de la recherche et des affaires internationales, Commission canadienne des droits de la personne : Je vous remercie encore une fois de cette question.
J’ajouterai à la réponse de ma collègue que notre proposition, l’amendement précis que nous recommandons et le libellé qu’on trouve dans notre mémoire écrit visent deux objectifs assez uniques à ce processus et à cette loi.
Premièrement, il existe une disposition comparable dans le Code canadien du travail, et nous souhaitions le mettre en relief pour que vous soyez bien conscients de ce que vous faites si vous éliminiez cet article; et si vous choisissez de proposer un amendement pour que ce type de libellé demeure dans le code, vous aurez des options tangibles.
Deuxièmement, nous voulions vous proposer des solutions à la lumière du débat qui a eu lieu sur le parquet du Sénat à ce sujet exactement. Nous avons écouté attentivement les préoccupations soulevées par les sénateurs. Nous savons que vous avez suivi les conseils de votre personnel et que certains d’entre vous travaillez à ces questions depuis des dizaines d’années. Nous voulions vous proposer un libellé concret pour guider dans votre travail.
La sénatrice Hartling : Merci.
La sénatrice Cordy : Je vous remercie beaucoup d’être ici. Je pense que vous contribuez beaucoup à susciter un bon dialogue et que vous portez tout le monde à réfléchir. Vous avez dit que ces mesures remettaient les droits de la personne à l’ordre du jour national et que c’est toujours positif quand on commence à parler de solutions. Réussirons-nous du premier coup? Peut-être que oui, peut-être que non. Je suis certaine qu’il y aura beaucoup de changements.
J’ai vraiment été saisie par votre proposition de remplacer le mot « signifie » par « comprend » dans la définition du harcèlement et de la violence. Pouvez-vous vous expliquer un peu plus? Je crois vous avoir entendu dire que cela rendrait la définition plus inclusive et que comme les choses évoluent — et pour le mieux, je l’espère —, cette formulation résisterait à l’épreuve du temps.
Mme Landry : En fait, cela permettrait à la loi d’évoluer en fonction de ce que nous vivrons ou de ce que la population vivra au cours des prochaines années. Le mot « signifie » est très restrictif, alors que « comprend » en élargit la portée. Pour nous, cela permettrait à la loi de rester actuelle, adaptée à toutes les situations auxquelles les gens pourront être confrontés à l’avenir, en plus de nous aider à y faire face.
Mme Keith : L’approche que notre présidente décrit est très conforme à ce qu’on trouve dans les lois sur les droits de la personne en général. C’est un domaine du droit dans lequel l’interprétation évolue beaucoup en fonction des nouvelles préoccupations sociales et des nouvelles activités. L’un des exemples qu’on donne toujours dans le contexte du harcèlement — et vous le savez probablement —, c’est celui du harcèlement en ligne, de l’utilisation de Facebook ou d’autres médias sociaux pour harceler des collègues. Cela vient aussi rejoindre notre définition et notre interprétation de « milieu de travail » et c’est en raison de ce type d’évolution dans notre société que les lois sur les droits de la personne contiennent très rarement des définitions détaillées plutôt que larges et inclusives.
La sénatrice Cordy : Si ce projet de loi est adopté, quelle importance accordera-t-on à la formation des employés sur la Colline du Parlement? Lorsque la ministre s’est adressée à la Chambre des communes, elle a parlé des déséquilibres de pouvoir qui peuvent réellement se produire dans le secteur privé, mais qui sont certainement aussi très présents sur la Colline du Parlement. Nous avons de petits bureaux. Nous avons un, deux ou trois employés, et il y a les députés et les sénateurs. Dans toutes les sources que j’ai consultées, de nombreuses personnes, non seulement sur la Colline du Parlement, mais aussi dans d’autres endroits, n’expriment pas leurs préoccupations. Elles tentent de les régler par elles-mêmes. Lorsqu’on parle à ces personnes, elles répondent qu’elles ne s’étaient pas rendu compte que ce n’était pas un comportement normal. Si le comportement est extrêmement grave et se situe à l’autre bout du spectre, on sait certainement qu’il s’agit d’un comportement inapproprié, mais lorsque le comportement se situe au début du spectre, les gens l’acceptent et se disent que c’est simplement ce que font les garçons pour s’amuser. Je ne dis pas que les femmes ne peuvent pas être coupables de harcèlement, car elles peuvent l’être. Toutefois, nous n’avons toujours pas surmonté l’obstacle de l’acceptation sociale.
Mme Landry : À la Commission canadienne des droits de la personne, nous croyons certainement que la formation à cet égard est essentielle. En effet, elle a permis aux gens de connaître leurs droits, et elle nous permettra peut-être de régler les problèmes liés à la crainte des représailles qu’éprouvent souvent ces personnes et à créer un espace sécuritaire pour que ces personnes puissent parler de leur expérience et comprendre que ce qui a été accepté pendant de nombreuses années ne l’est plus. À titre de présidente de cette importante institution, je crois certainement que la formation à cet égard est essentielle et qu’elle est certainement importante pour les droits de la personne et pour sensibiliser les gens à leur importance.
La sénatrice Cordy : J’examine la modification dont parlait la sénatrice Hartling. Pourrait-on faire cela dans le cadre d’une trousse de sensibilisation sur la Colline du Parlement? Ce projet de loi vise précisément la Colline du Parlement. Pourrait-on aborder ces notions dans une trousse de sensibilisation plutôt que dans le projet de loi? C’est lié au fait qu’il n’y a rien dans le projet de loi qui empêche une personne d’obtenir réparation en vertu d’une loi du Parlement.
Mme Keith : Pour offrir une première réponse à votre question, ce qui est intéressant, c’est que les dispositions actuelles du Code canadien du travail prévoient que ces renseignements doivent être communiqués aux employés par l’entremise de la politique de l’employeur. Donc, en vertu des dispositions actuelles, c’est une exigence liée à la politique de l’employeur, mais ces dispositions existantes seront abrogées. Il y aura donc maintenant une lacune liée à l’exigence d’informer l’employeur dans la loi, c’est-à-dire dans le projet de loi C-65.
Nous pensons qu’il est utile d’ajouter cela aux politiques des employeurs. Il pourrait également être utile de le préciser dans la loi elle-même.
J’aimerais revenir à votre question initiale sur les personnes qui expriment leurs préoccupations dans un milieu comme la Colline du Parlement, car notre expérience en matière de plaintes démontre qu’il faut également offrir un environnement sécuritaire dans lequel les gens peuvent s’adresser à une tierce partie neutre et obtenir une meilleure protection contre les représailles. Cela peut être difficile à accomplir lorsqu’on travaille dans un petit bureau avec seulement deux ou trois autres personnes.
La sénatrice Cordy : Je vous remercie chaleureusement de tout ce que vous faites.
La sénatrice Boyer : J’aimerais remercier les témoins d’être ici aujourd’hui.
Pour faire suite aux propos de la sénatrice Cordy, je sais que vous avez accompli beaucoup de travail pour formuler ces trois recommandations. Vous avez aussi mentionné la sensibilisation et la mise en œuvre des politiques. À votre avis, existe-t-il une approche plus harmonisée ou complémentaire entre le projet de loi C-65 et la Loi canadienne sur les droits de la personne, afin de renforcer le projet de loi? C’est ma première question.
Ma deuxième question s’adresse à Mme Daye. Étant donné le travail qu’elle accomplit depuis de nombreuses années, j’aimerais lui demander si, à son avis, le projet de loi C-65 protège les personnes les plus vulnérables.
Mme Daye : Je peux commencer par répondre en partie à votre question. L’adoption d’une approche harmonisée, je crois, est en cours. Je dirais, au nom de la commission, que nous avons grandement participé aux discussions et aux consultations sur les règlements. Je crois que ce n’est pas une situation unique à ce projet de loi, mais c’est une bonne chose qu’ils produisent le projet de loi, qu’ils mènent des consultations sur les règlements et qu’ils obtiennent la participation de la Commission canadienne des droits de la personne à toutes les étapes.
Nous sommes très heureux de pouvoir participer et nous croyons que cette participation et la participation de nombreuses parties intéressées — notamment des syndicats, des groupes qui revendiquent l’égalité et des groupes contre la violence faite aux femmes — qui sont consultées dans le cadre des règlements représentent une contribution qui correspond à une approche axée sur les droits de la personne dans l’élaboration des lois et des règlements. Toutefois, il peut aussi être utile d’harmoniser les choses et de rendre les intentions du projet de loi plus susceptibles d’être reflétées dans les règlements et dans les activités quotidiennes et les politiques de l’employeur. Je dirais que, en ce qui concerne l’harmonisation, la structure et les consultations qui sont établies nous encouragent beaucoup en ce moment.
Il y aura toujours une certaine diversité dans les démarches que les gens peuvent utiliser pour se prévaloir des protections prévues dans notre loi. Nous voulons éviter l’harmonisation à outrance qui ne laisserait qu’un choix aux gens. En fait, nous avons constaté que lorsque les gens ont une seule option, cela peut les décourager encore plus de signaler ce type de situation. Nous croyons qu’il est utile d’avoir de nombreuses options et de nombreux recours, et qu’il est essentiel que ces recours soient sécuritaires et que les gens aient accès à un endroit sécuritaire.
En ce qui concerne la deuxième partie de votre question sur les personnes les plus vulnérables, vous parlez sûrement du personnel de la Colline du Parlement. En effet, ce sont souvent de jeunes employés qui arrivent sur la Colline. Parfois, les meilleurs éléments de la nation sont représentés parmi les stagiaires et les jeunes employés de la Colline qui peuvent espérer — de plein droit — devenir un jour sénateurs et législateurs de cette grande nation. Les circonstances dans lesquelles ils travaillent font souvent en sorte qu’ils doivent relever directement de « leur propre PDG », c’est-à-dire le cadre responsable dans leur propre bureau.
L’ampleur du déséquilibre de pouvoir qui existe sur la Colline est assez rare et il faut vraiment en tenir compte, afin d’offrir aux gens une option sécuritaire. Je sais que les consultations sur la réglementation explorent les façons d’y arriver, par exemple en offrant un endroit sécuritaire, un bureau à l’extérieur de la Colline avec lequel on peut communiquer, c’est-à-dire un bureau d’ombudsman ou un organisme sectoriel qui serait accessible à tous les employés du Parlement. Il est important d’explorer ces types d’endroits sécuritaires. Je parle de ces options, mais je ne dis pas que nous pensons que l’une est meilleure que l’autre; je crois qu’on est en train d’explorer les options, et c’est essentiel. La commission est l’un de ces endroits avec lesquels les gens peuvent communiquer, et nous voulons veiller à ce qu’ils soient à l’aise de le faire pour obtenir des conseils supplémentaires sur leurs droits.
Idéalement, l’endroit sécuritaire permet également aux gens de trouver une solution rapidement, facilement et dans les limites de leur environnement. C’était l’intention qui sous-tendait des décisions judiciaires telles Robichaud et Janzen c. Platy. Nous savons que l’employeur est le mieux placé pour régler le problème et veiller à ce qu’il ne se reproduise plus sans devoir communiquer avec l’extérieur, et nous encourageons cela. Il existe des vulnérabilités particulières dont le projet de loi C-65, la politique et le Sénat doivent s’occuper. Les membres de la commission comparaîtront également devant le sous-comité chargé d’examiner la politique du Sénat.
La sénatrice Boyer : Merci beaucoup.
La sénatrice Pate : Je vous remercie de tout votre travail, et je vous remercie également de comparaître ici et dans l’autre endroit.
Madame Landry, lorsque vous avez comparu devant le comité de la Chambre des communes, vous avez parlé de l’importance de modifier le projet de loi, comme vous l’avez fait aujourd’hui, afin de veiller à ce que le projet de loi indique explicitement que les employés doivent pouvoir avoir accès à la Loi canadienne sur les droits de la personne et à la Commission canadienne des droits de la personne. Avez-vous des préoccupations, en plus de ce que vous avez déjà dit, sur les répercussions de la décision Vaid à cet égard et y a-t-il d’autres raisons pour lesquelles, selon vous, nous devrions inclure ce type d’amendement dans le projet de loi?
[Français]
Mme Landry : Premièrement, selon moi et selon la Commission canadienne des droits de la personne — comme ma collègue, Mme Keith, l’a mentionné —, les lois relatives aux droits de la personne doivent être larges et faciles à interpréter. Les gens doivent être en mesure de se reconnaître dans les lois. Il est extrêmement important d’inclure ces définitions et de veiller à ce que l’application de la Loi canadienne sur les droits de la personne soit claire.
Cette loi vise la protection de personnes qui sont en situation de vulnérabilité. À partir du moment où on s’adresse à des personnes en situation de vulnérabilité, on doit s’assurer qu’elles se reconnaissent dans la loi, qu’elles se reconnaissent dans un dispositif qui leur est offert et qu’elles se sentent suffisamment à l’aise pour faire appel au processus qui est mis à leur disposition.
[Traduction]
Mme Keith : Nous avons appris une chose précise et unique de la décision Vaid, et cela concerne les employés visés par la partie I de la LRTP. Manifestement, c’est le fonctionnement de l’article 2 de la LRTP, qui est distincte du projet de loi C-65. Selon ce que je comprends, cela ne sera pas modifié par le projet de loi C-65. Les répercussions de l’article 2font en sorte que les employés visés par la LRTP — je leur donnerai ce surnom pour faciliter les choses — qui ont un grief relatif aux relations de travail devront toujours utiliser ce grief dans la grande majorité des situations.
Nous terminerons avec notre observation selon laquelle le projet de loi C-65 ne modifie aucune des options pour les employés, que cette option mène directement au mécanisme de résolution de différends en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, qu’il s’agisse d’un grief relatif aux relations de travail dans le secteur public ou dans le secteur privé ou qu’il s’agisse de ce que j’appellerai un grief lié à la LRTP pour les employés visés par la partie II de la LRTP.
La sénatrice Pate : Je remarque également que l’Association nationale de la femme et du droit a recommandé quelques lignes directrices relatives au choix des enquêteurs externes indépendants et des personnes qui pourraient se qualifier ou qui pourraient être admissibles pour devenir la personne compétente. Avez-vous quelque chose à ajouter qui pourrait servir au comité dans son étude du projet de loi?
Mme Daye : Je vous remercie d’avoir posé la question.
Comme nous l’avons mentionné plus tôt, nous avons participé aux consultations liées aux règlements. On a beaucoup parlé des qualifications que devait nécessairement posséder la personne compétente. Nous sommes heureux de voir qu’actuellement, les connaissances liées à la législation en matière de droits de la personne, y compris la Loi canadienne sur les droits de la personne, sont incluses dans la liste des qualifications que doit posséder la personne compétente. Nous pensons que cela sera très utile et que cela correspond bien aux recommandations que nous avons formulées lorsque nous avons comparu devant la Chambre des communes au sujet de ce projet de loi. Nous observons donc que quelques recommandations sont déjà intégrées aux plans liés à la réglementation.
Nous pensons qu’il y aura d’autres discussions sur ces règlements et que ces règlements seront précisés pendant l’été, mais ce que nous pouvons observer jusqu’ici nous encourage beaucoup.
La présidente : Permettez-moi maintenant de préciser que je n’ai personne sur la liste des intervenants pour la deuxième série de questions. Si les sénatrices ont des questions de suivi, elles peuvent les poser maintenant.
La sénatrice Pate : Avez-vous d’autres recommandations que nous pourrions ajouter au compte rendu sur le type de formation qui, à votre avis, devrait être offert aux personnes qui mettront en œuvre ces politiques après l’adoption de la loi et à ceux d’entre nous qui ont des employés dans nos bureaux, afin de veiller à ce que ces employés soient au courant de ces enjeux?
Mme Daye : Je répondrai en premier. Nous parlons souvent de l’adoption d’une approche axée sur les droits de la personne pour les lois, les politiques et les règlements. Nous aimerions vous offrir quelques recommandations sur la façon dont cela pourrait se faire dans le projet de loi C-65.
À la suite de ces règlements, nous continuerons probablement, à tout le moins, de recommander que la formation comprenne des informations sur les lois sur les droits de la personne et sur les protections et les droits des employés, et ce n’est pas parce qu’une personne atteint un certain niveau d’ancienneté dans un emploi ou un poste de gestionnaire, mais parce que cette personne est un être humain. Ce sont des droits à l’égalité avec lesquels les gens arrivent dans un milieu de travail et ils ne devraient pas et ne peuvent pas leur être enlevés.
Deuxièmement, nous encourageons cette formation à présenter des enjeux comme le harcèlement et la violence en milieu de travail dans un cadre en matière d’égalité. Cela signifie, comme la présidente de la commission l’a mentionné dans son exposé, qu’il ne s’agit pas seulement d’enjeux liés aux dommages psychologiques — même s’ils sont certainement très graves — ou à des risques professionnels, mais qu’il s’agit d’enjeux fondamentaux liés à l’égalité. Traditionnellement, nous avons constaté que si les femmes étaient harcelées plus souvent, elles quittaient le milieu de travail, elles ne revenaient pas et ne tentaient pas d’obtenir de promotion. Il s’agit donc d’un enjeu fondamental lié à la participation des femmes et à l’égalité des chances, que ce soit en milieu de travail ou dans l’ensemble de l’économie canadienne.
Les avantages dont profitent la société, l’égalité, les droits de la personne et l’économie lorsque nous veillons à ce que le harcèlement et la violence en milieu de travail ne se produisent pas sont visibles partout. Ils n’existent pas seulement par l’entremise des avantages qui découlent de la mise en œuvre réussie du projet de loi C-65. En effet, on place ces enjeux dans un cadre lié à l’égalité qui peut aider les gens à se rendre compte que les lois et les règlements qui interdisent le harcèlement et la violence en milieu de travail peuvent avoir des effets comparables aux lois qui interdisent l’inégalité salariale au travail. Ces lois et règlements sont semblables aux lois et aux règlements qui interdisent l’inégalité en matière d’emploi. Tous ces différents types de lois peuvent veiller à l’épanouissement de nos milieux de travail et de nos mains-d’œuvre et inclure pleinement des personnes qui pourraient autrement être laissées derrière en raison des obstacles à l’égalité.
La dernière chose que j’aimerais ajouter, c’est qu’une approche axée sur les droits de la personne tient toujours compte des enjeux liés à l’intersectionnalité. Nous encourageons vivement la mise en œuvre de ces enjeux dans tous les programmes de formation qui sont élaborés. L’intersectionnalité — la plupart d’entre vous connaissent bien le sujet —, c’est l’idée exprimée dans la Loi canadienne sur les droits de la personne selon laquelle les gens peuvent faire face à des obstacles et à des répercussions discriminatoires qui ne se fondent pas seulement sur un motif énuméré dans notre loi, mais sur l’effet combiné de plusieurs de ces motifs. Par exemple, une femme autochtone qui souffre d’un handicap peut subir des répercussions très graves qui sont différentes de celles subies par une personne qui ne fait peut-être pas partie de la catégorie des personnes ayant un handicap, de la catégorie de la discrimination fondée sur le sexe ou d’autres catégories. Il s’agit de l’importance d’être en mesure de comprendre l’effet combiné de l’inégalité, non seulement tel qu’il se manifeste dans le milieu du travail, mais également dans la façon dont les antécédents des gens qui arrivent dans un milieu de travail peuvent avoir des répercussions sur leur capacité de profiter des droits liés à l’égalité dont ils méritent de profiter dans ce milieu de travail. Pendant que nous nous efforçons tous d’améliorer la mise en œuvre des recommandations qui découlent de la Commission de vérité et réconciliation, il sera essentiel d’intégrer ces types d’enjeux et d’intersectionnalité dans les programmes de formation.
La présidente : J’aimerais ajouter un commentaire et ensuite, je suis certaine que la porte-parole du projet de loi, qui vient de se joindre à nous, aura quelques questions.
Je suis heureuse de vous entendre parler de l’intersectionnalité, madame Daye, et de son importance. Dans la discussion qui a eu lieu avec le groupe précédent, l’un des commentaires formulés par la sénatrice Andreychuk, qui a dû partir plus tôt, c’est l’idée de l’intention et de l’interprétation des gens. Dans les cas de médiation, la personne accusée répondra souvent que ce n’était pas son intention. Plus les milieux de travail sont diversifiés, plus ces types de situations sont susceptibles de se produire. Avez-vous des suggestions qui pourraient cibler ces types d’enjeux dans le projet de loi? Je pense aux micro-agressions quotidiennes qui peuvent se produire constamment. Si une personne arrive au point où elle tente de déposer une plainte, comme nous le savons tous, il peut être très difficile de prouver le bien-fondé de cette plainte. De nombreuses personnes souffrent en silence, car elles craignent de parler.
Mme Daye : Je vous remercie de soulever ce point. Des questions comme celles-ci font certainement partie de la discussion liée à la réglementation. Même si je ne pense pas que nous ayons des recommandations précises liées à des changements au niveau législatif, certaines des suggestions qui ont été formulées dans le cadre de la réglementation visent à reconnaître qu’une plainte officielle ou même non officielle de harcèlement ou de violence en milieu de travail est un indicateur que quelque chose ne va pas du tout dans ce milieu de travail. Toutefois, les expériences que vous avez décrites, sénatrice, sont d’autres indicateurs que quelque chose ne va pas dans un milieu de travail. Nous sommes heureux de constater qu’on tente non seulement d’offrir une réponse solide aux plaintes officielles ou non officielles de harcèlement, mais que le milieu de travail reconnaît aussi qu’il existe d’autres indicateurs d’inégalité et d’autres indicateurs qui sont des précurseurs au harcèlement et à la violence et qu’il faut en tenir compte.
Une autre mesure pratique à envisager consiste à faire en sorte que les données recueillies sur les plaintes de violence et de harcèlement en milieu de travail ne servent pas que dans le Code canadien du travail, mais qu’elles soient aussi remises au milieu de travail lorsqu’il se penche sur les questions d’égalité en matière d’emploi de façon plus large. Cela comprend la prise en compte des plaintes dans la conception des plans d’équité en matière d’emploi, dans l’élaboration de mesures d’équité salariale, et dans la diversité et l’inclusion de façon plus générale en milieu de travail. Ainsi, les connaissances tirées d’événements malheureux qui sont un signe avant-coureur ou le résultat de harcèlement et de discrimination peuvent servir à élaborer des mesures proactives qu’un employeur peut prendre, ce qui est fort important aussi.
La sénatrice Ataullahjan : Je m’excuse de mon absence. J’avais un ennui médical à régler. On m’a dit qu’on a répondu à la plupart de mes questions, de sorte que j’ai hâte de lire la transcription. Merci d’être avec nous.
La présidente : Y a-t-il d’autres questions?
La sénatrice Hartling : S’il n’y a pas d’autres questions, je vous remercie encore une fois de votre excellent travail. J’adore vous écouter, parce que ce que vous dites est fort éloquent.
Disons que le projet de loi est adopté, puis que nous allons de l’avant avec l’inclusion d’amendements et des choses semblables. Que faut-il faire d’autre pour opérer un changement de culture? Selon vous, quelles sont les choses qui doivent changer au Canada pour que l’égalité règne dans notre milieu de travail et notre société?
Mme Landry : À mes yeux, tout passe par l’éducation. Nous devons travailler avec les gens, les informer et les sensibiliser. C’est encore une fois une question d’éducation, comme je l’ai mentionné plus tôt. Il n’y a pas d’autre option. Nous devons dénoncer la situation. Nous devons visiter les universités et les collèges. Nous devons parler avec la génération future. C’est la seule façon de changer la culture. Nous devons travailler avec des personnes qui le vivent, mais aussi avec la génération de demain pour changer cette mentalité, de sorte que cela fasse désormais partie de notre mode de vie et de notre expérience — le respect dans tous les milieux de travail.
Pour revenir à votre point sur Nelson Mandela, je dirai que les choses semblent toujours impossibles jusqu’à ce qu’elles soient faites.
La sénatrice Hartling : Merci beaucoup. Je vous en suis très reconnaissante.
Mme Daye : J’ajouterais une chose. Comme la présidente de la commission l’a dit au début de ses observations liminaires, nous considérons que le projet de loi C-65 est l’un des nombreux morceaux du casse-tête qui est actuellement assemblé au Canada, et nous le trouvons très encourageant. Pour ce qui est d’un changement de culture, je suis une conseillère en politiques, de sorte que je m’intéresse assurément à la législation et à la politique. Nous sommes heureux de constater que de nombreuses pièces du casse-tête vont de l’avant en ce moment. Nous nous attendons à ce que vous soyez bientôt saisis d’une forme de loi sur l’accessibilité et l’équité salariale, qui ont toutes les deux été annoncées publiquement par le gouvernement. Tout cela fait partie d’un ensemble. Tout cela fait partie d’un système qui peut encourager et promouvoir l’égalité réelle. Ces législations fonctionnent mieux ensemble. Lorsque tous ces éléments seront réunis, ils constitueront une force inspirante pour l’égalité réelle au Canada. Nous avons bon espoir qu’ensemble, ils favoriseront une meilleure égalité et un changement de culture plus efficace que si l’un des deux était seul.
La sénatrice Ataullahjan : Je m’excuse si vous l’avez déjà mentionné, mais je ne fais que parcourir les notes. Vous dites que la loi donne également à la Commission canadienne des droits de la personne, ou CCDP, le pouvoir de mener des recherches, de sensibiliser le public et de s’exprimer sur toute question liée aux droits de la personne au Canada. Je parle expressément de certaines communautés d’immigrants. Savent-ils qu’ils ont cette tribune et qu’ils peuvent s’adresser à vous? Comment les sensibilisez-vous?
Mme Landry : Nous allons dans les universités. Nous avons rencontré beaucoup de parties intéressées. Nous interpellons également des employeurs et des syndicats. C’est ainsi que nous faisons savoir que la Loi canadienne sur les droits de la personne est un outil qui permet éventuellement aux gens de se plaindre à un moment donné, s’ils estiment que c’est nécessaire. À mes yeux, c’est la seule façon de procéder. Il faut aller sur le terrain et en parler. C’est principalement ce que nous avons fait pendant trois ans. Nous avons également beaucoup simplifié notre processus de plainte. Grâce au formulaire de plainte en ligne, nous avons des outils qui aident les gens à se sentir appuyés lorsqu’ils décident d’aller de l’avant. En fait, nous avons conçu de nombreux outils que nous continuons de perfectionner et de peaufiner ensemble.
Mme Daye : J’ajouterai simplement que certaines des façons dont nous nous exprimons ne sont pas nécessairement sur la scène publique. Il s’agit de comparaître devant des comités comme le vôtre ou de soumettre des mémoires. De fait, notre présidente a déposé un mémoire lors du débat sur le projet de loi M-103, dans lequel nous avons encore réclamé un plan d’action national sur le racisme qui, nous l’espérons, permettrait de régler de façon plus coordonnée certaines difficultés que les nouveaux Canadiens rencontrent. Nous demandons aussi des changements dans le système de justice pénale et la représentation disproportionnée dans les prisons, bien sûr. Nous avons dénoncé plusieurs enjeux devant des comités parlementaires, mais aussi devant les Nations Unies. D’ailleurs, la présidente était récemment devant le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, pendant la troisième étape de l’examen périodique universel, ou EPU, du Canada, pour soulever un certain nombre de questions concernant les Canadiens vulnérables. Nous continuerons de le faire et de tout mettre en œuvre pour encourager les décideurs, les responsables des politiques et les législateurs comme vous à faire en sorte que les protections soient meilleures et renforcées, et que la sensibilisation à leur égard augmente.
La présidente : Je vous remercie tous infiniment d’être ici. Nous sommes ravies d’avoir entendu les représentantes de la Commission canadienne des droits de la personne et leur analyse poussée du besoin d’un cadre fondé sur les droits dans ce projet de loi. Je suis absolument d’accord avec vous pour dire que les obstacles systémiques à l’égalité et à l’emploi prennent souvent leur origine dans le harcèlement et la violence au travail. Merci de nous avoir fait part de votre analyse.
La sénatrice Jane Cordy (vice-présidente) occupe le fauteuil.
La vice-présidente : Bienvenue, madame la ministre. Avant de commencer, j’invite tous les membres du comité à se présenter. Je m’appelle Jane Cordy, vice-présidente, et je viens de la Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Hartling : Nancy Hartling, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Bernard : Wanda Thomas Bernard, de la Nouvelle-Écosse. Je suis présidente du comité, mais je vais m’absenter un instant pour aller au Sénat.
La sénatrice Boyer : Yvonne Boyer, de l’Ontario.
La sénatrice Pate : Kim Pate, de l’Ontario.
[Français]
Le sénateur Dalphond : Pierre J. Dalphond, du Québec.
[Traduction]
La sénatrice Ataullahjan : Sénatrice Salma Ataullahjan. Je suppose que je suis la membre la plus ancienne du comité. Je suis l’autre vice-présidente.
La vice-présidente : Pour notre troisième et dernier groupe de témoins d’aujourd’hui, nous sommes heureux d’accueillir l’honorable Patricia Hajdu, ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et du Travail. Cet après-midi, la ministre est accompagnée de Charles Bernard, directeur général du Secteur du Portefeuille et affaires gouvernementales, de Services publics et Approvisionnement Canada. Nous accueillons également les représentantes d’Emploi et Développement social Canada : Lori Sterling, sous-ministre du Programme du travail; Brenda Baxter, directrice générale de la Direction du milieu de travail, Programme du travail; et, enfin, Barbara Moran, directrice générale de la Direction de la politique stratégique, de l’analyse et de l’information sur les milieux de travail.
Madame la ministre, veuillez commencer vos remarques d’ouverture.
L’honorable Patricia Hajdu, C.P., députée, ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et du Travail : Merci infiniment, madame la présidente. Je suis heureuse d’avoir été invitée à prendre la parole devant ce comité afin de parler d’une initiative législative qui représente un véritable droit de la personne, soit le droit de vivre et de travailler dans un environnement exempt de toute forme de harcèlement ou de violence.
La prise de position de notre gouvernement est simple : le harcèlement et la violence, y compris le harcèlement sexuel et la violence sexuelle, sont inacceptables et ne peuvent pas être tolérés. Le harcèlement et la violence en milieu de travail sont envahissants, prennent plusieurs formes et ont de profonds effets négatifs. Nous devons faire tout ce que nous pouvons pour mettre fin à ces comportements inacceptables.
[Français]
Nous avons tous entendu parler de situations qui illustrent les effets néfastes de ces comportements.
[Traduction]
Des employés subissent de l’intimidation au point de se sentir malades à l’idée de se présenter au travail. De jeunes collaborateurs sur la Colline du Parlement abandonnent une carrière prometteuse, car ils sentent qu’ils n’ont pas d’autre choix.
Lorsque de tels comportements persistent sans qu’il y ait intervention, ils peuvent empoisonner les milieux de travail; les supérieurs se sentent alors libres d’abuser de leur pouvoir, et les employés plus vulnérables ont peur de dénoncer ces comportements, car ils craignent les représailles. Il en résulte un cycle d’inégalités qui s’autoperpétue; les conséquences de cette inégalité et l’abus de pouvoir qui en découle peuvent être désastreux.
[Français]
Mais ce ne sont pas seulement les personnes touchées qui font face à des difficultés.
[Traduction]
Quand on permet à ces comportements de continuer, voire de proliférer dans un milieu, cela a des conséquences pour tous. La situation peut être insupportable pour les personnes qui sont témoins du comportement, mais qui sont réticentes à intervenir. Une telle situation nuit également aux employeurs, puisque le résultat net pour eux est souvent une perte de productivité, un roulement plus élevé du personnel et, dans certains cas, des frais d’avocats et de la publicité négative.
Afin de mieux comprendre le problème, nous avons mené des consultations en 2016 et au début de 2017. Nous avons découvert que le harcèlement et la violence sont présents dans de nombreux milieux de travail, et que les mesures qui sont actuellement en place pour régler les problèmes ne sont tout simplement pas suffisantes. Voilà pourquoi nous avons présenté le projet de loi C-65.
En utilisant les leviers législatifs et stratégiques les plus efficaces, le projet de loi C-65 contribuera à enrayer le harcèlement et la violence, ainsi que leurs conséquences, dans les milieux de travail sous réglementation fédérale et au Parlement. À l’heure actuelle, la violence en milieu de travail relève de la partie II du Code canadien du travail, et le harcèlement sexuel est traité à la partie III du code. La partie II s’applique au secteur public et privé sous réglementation fédérale, mais la partie III s’applique uniquement au secteur privé sous réglementation fédérale. Ni l’une ni l’autre ne s’applique aux milieux de travail parlementaires.
Le projet de loi C-65 vise à remplacer cette approche incohérente par un processus beaucoup plus complet. En effet, le projet de loi C-65 élargira les exigences actuelles en matière de prévention de la violence, établies à la partie II du Code canadien du travail, de façon que tous les employeurs soient tenus de prévenir toutes les formes de harcèlement et de violence en milieu de travail et de protéger leurs employés contre celles-ci. Cela nous permettra de nous attaquer au spectre complet du harcèlement et de la violence, y compris le harcèlement et la violence de nature sexuelle.
Le Code canadien du travail modifié exigera également que les employeurs interviennent efficacement en cas d’incident et qu’ils soutiennent les employés touchés par la suite. En élargissant la protection prévue à la partie II de façon à englober les milieux de travail parlementaires, y compris les employés au Sénat et à la Chambre des communes, le projet de loi C-65 fera en sorte qu’un plus grand nombre de Canadiens pourront compter sur une protection améliorée.
Et rien dans le projet de loi C-65 n’empêchera un employé de porter plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne, ou de déposer un grief en vertu de la Loi sur les relations de travail au Parlement.
Je crois comprendre que le comité a entendu la Commission canadienne des droits de la personne plus tôt, et mes représentants sont en contact avec ceux de la commission pour s’assurer que le projet de loi C-65 n’empêchera pas un employé de demander réparation auprès de la commission ou d’autres organismes. Nous comprenons que la CCDP demande des précisions pour renforcer ce volet dans la loi. Mon principal objectif est maintenant de faire en sorte que la loi soit adoptée aussi rapidement que possible afin de protéger le plus de gens possible.
Une fois le projet de loi C-65 adopté, les dispositions réglementaires élaborées dans le cadre de consultations tripartites seront présentées. Entre autres choses, ces dispositions réglementaires donneront un aperçu des éléments essentiels d’une politique de prévention du harcèlement et de la violence en milieu de travail, ainsi que de la procédure d’intervention en cas d’incident qui devrait être en place. Cette procédure doit définir : les délais, les exigences en matière de confidentialité, les compétences d’une personne qui peut enquêter sur un cas et formuler des recommandations, le rôle du comité local, l’obligation qu’a l’employeur de mettre en œuvre des mesures correctives à la lumière du rapport d’enquête établi par une personne compétente, le soutien qui doit être fourni aux employés ayant subi du harcèlement ou de la violence.
Les comités locaux joueront un rôle essentiel dans les activités suivantes : élaborer conjointement la politique de prévention en milieu de travail et ses éléments obligatoires, dresser une liste de personnes compétentes, aider à mettre en œuvre les recommandations de la personne compétente, signaler les incidents. Ils fourniront, comme demandé, du soutien aux employés qui ont subi du harcèlement ou de la violence et recevront des copies caviardées du rapport de la personne compétente, afin de faire en sorte que les recommandations soient mises en œuvre. Le projet de loi C-65 veillera également à ce qu’un plus grand nombre de milieux de travail aient des comités locaux en les rendant obligatoires à moins qu’il y ait déjà en place un comité qui remplit les mêmes fonctions.
Nous devons faire en sorte que les gens se sentent à l’aise de dénoncer et de signaler les cas de harcèlement et de violence et qu’ils n’aient pas peur de subir des représailles, d’être humiliés ou de faire l’objet de rumeurs. Pour ces raisons, et comme d’autres administrations telles que l’Ontario qui ont déjà adopté une loi similaire, le projet de loi C-65 retire aux comités locaux le droit de participer aux enquêtes spécifiques portant sur les cas de harcèlement ou de violence.
[Français]
Notre priorité a toujours été, et sera toujours, de protéger les employés touchés.
[Traduction]
Nous savons fort bien que la solution au problème ne se trouve pas uniquement dans la législation, et que le projet de loi C-65 ne s’appliquera qu’aux milieux de travail parlementaires et relevant de la compétence fédérale. Toutefois, j’espère et je crois sincèrement que le projet de loi C-65 établira la norme et jouera un rôle de catalyseur de changement de culture dans les milieux de travail partout au Canada. Voilà pourquoi je demande à tout le monde ici aujourd’hui de démontrer le même soutien non partisan que celui reçu à l’autre endroit.
[Français]
Nous espérons que, avec votre aide, cet important projet de loi pourra être adopté le plus rapidement possible.
[Traduction]
Chaque jour qui passe sans que ce projet de loi ne soit en vigueur est un jour sans protection pour les employés des secteurs de compétence fédérale et du Parlement. Je tiens à remercier tous les membres du comité du Sénat sur les droits de la personne pour vos idées, votre soutien et vos conseils au sujet de cette législation fort importante.
La vice-présidente : Merci beaucoup, madame la ministre. Nous allons commencer les questions par la marraine du projet de loi au Sénat, la sénatrice Hartling.
La sénatrice Hartling : Madame la ministre, je tiens à vous remercier pour votre travail sur ce projet de loi, et aussi pour votre excellente équipe. Tout le monde a été phénoménal. J’ai travaillé avec eux ces derniers mois, et je tiens à les remercier pour le travail accompli.
Ma question porte sur quelques enjeux. Madame la ministre, avez-vous été surprise de constater le nombre ou la mesure dans laquelle la situation est fréquente dans les milieux de travail sous réglementation fédérale, au Sénat et au Parlement? Étiez-vous surprise? Était-ce plus ou moins que ce à quoi vous vous attendiez? Qu’en avez-vous pensé, ou qu’avez-vous appris?
Mme Hajdu : Merci, sénatrice. On m’a souvent posé cette question, et je dois être parfaitement honnête. En tant que femme qui a déjà occupé un emploi précaire, et qui a travaillé dans de nombreux endroits où règne une étrange dynamique de pouvoir, je n’ai pas été particulièrement surprise. Je n’étais certainement pas étonnée de l’expérience des gens de notre milieu, le Parlement, car c’est une organisation hiérarchique à forte prédominance masculine. Elle présente toutes les caractéristiques d’un milieu où l’on s’attend à trouver du harcèlement, y compris de la violence sexuelle.
Il était désolant de le voir écrit noir sur blanc, dans une telle proportion, et certaines des histoires étaient déchirantes. Toutefois, comme les femmes en particulier savaient que je travaillais sur ce projet de loi, j’ai non seulement entendu des témoignages au moyen des mécanismes officiels de consultations, de signalements et d’enquêtes en ligne, mais j’ai aussi entendu ma propre version des histoires de la part de nombreuses employées, souvent jeunes, du Parlement qui ont vécu ce que nous appellerions partout ailleurs du harcèlement continu et persistant.
Malheureusement, je ne suis pas surprise. Je pense que quiconque a déjà gravi les échelons, pour ainsi dire, à partir de postes sans pouvoir ne sera probablement pas si choqué.
La sénatrice Hartling : Mon autre question porte sur le cadre relatif aux personnes handicapées, vulnérables, faisant partie de la communauté LGBTQ, étant de race différente ou autochtones. Comment le cadre que prévoit le projet de loi aidera-t-il ces personnes au chapitre de l’intimidation et des comportements semblables? Qu’est-ce que ce cadre fera pour eux?
Mme Hajdu : Ce cadre indique clairement en quoi consistent le harcèlement et la violence, et stipule que l’employeur a l’obligation d’élaborer un cadre afin d’informer ses employés à ce sujet. Or, le savoir confère du pouvoir. Le problème touche particulièrement les gens les plus vulnérables, comme je l’ai indiqué dans mon exposé. Les personnes démunies, qui sont souvent membres de groupes sous-représentés de bien des manières, sont souvent plus vulnérables aux mauvais traitements. Cette mesure législative solide, qui précise l’ensemble des responsabilités de l’employeur et des droits de l’employé et qui fournit un cadre permettant aux gens d’avoir d’autres recours si le processus n’est pas suivi, constitue certainement une amélioration par rapport au régime en place.
La sénatrice Hartling : Merci.
La sénatrice Ataullahjan : Madame la ministre, à titre de porte-parole du projet de loi, je dois vous remercier d’avoir présenté cette mesure législative. Je pense qu’elle répond à un besoin criant.
Lorsque vous avez comparu devant le comité HUMA en février dernier, vous avez indiqué que la partie 20 du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail serait modifiée afin d’appuyer la mise en œuvre du projet de loi C-65 et qu’à cette fin, des consultations seraient menées auprès de groupes d’employeurs et d’employés. Vous avez brièvement fait mention des consultations. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet? Nous indiquerez-vous quels groupes vous avez consultés? Comment les consultations ont-elles inspiré les modifications relatives à la prévention, à la réaction et au soutien?
Mme Hajdu : Merci. Ce sont là d’excellentes observations.
À ce chapitre, nous avons tenu des consultations d’envergure sur les problèmes de harcèlement et de violence auprès des diverses parties prenantes et du grand public. Nous les avons effectuées de juin 2016 à mars 2017 dans le cadre de téléconférences ciblées, de rencontres en personne, d’un sondage d’opinion publique en ligne et de tables rondes ministérielles avec des intervenants et des experts. Nous voulions recueillir l’opinion de toutes les personnes concernées, mais aussi de ceux qui étudient la question depuis longtemps afin de savoir quelles mesures devaient être prises.
En mars 2018, nous avons entamé des consultations sur le règlement relatif au harcèlement et la violence, consultations qui se sont poursuivies au cours du printemps 2018 et qui sont encore en cours. C’est dans le cadre du Programme du travail que se sont tenues neuf tables rondes et quatre conférences WebEx sur le règlement proposé. Nous publierons également un document de discussion en ligne comprenant les détails du règlement proposé et lancerons un sondage grâce auquel les répondants pourront fournir des commentaires. Nous pensons qu’il s’agit d’un important processus récurrent et que les gens concernés par le règlement auront l’occasion de se faire entendre.
Ai-je oublié une partie de vos questions?
La sénatrice Ataullahjan : Non. Nous avez-vous remis une liste des intervenants? Pourriez-vous nous la communiquer?
Mme Hajdu : Nous pouvons vous fournir une liste des intervenants qui ont été consultés. Je ne l’ai pas avec moi, mais nous pouvons vous transmettre de l’information sur les personnes consultées.
La sénatrice Ataullahjan : Merci. Les modifications au règlement entreront-elles en vigueur en même temps que le projet de loi C-65? Si je vous pose la question, c’est que l’efficacité d’une loi dépend de son application et de sa mise en œuvre.
Mme Hajdu : Certainement. Le projet de loi doit d’abord être adopté, bien entendu. Nous procéderons ensuite à la consultation dont nous avons parlé concernant le règlement proposé qui accompagnera le projet de loi. L’élaboration des documents d’éducation pourra commencer dès que le projet de loi aura été adopté. Nous formerons des inspecteurs spécialisés dans le cadre du Programme du travail, adapterons les systèmes d’information afin de surveiller le respect des nouvelles obligations de reddition de comptes des employeurs et lancerons une campagne de sensibilisation afin d’informer les parties prenantes en milieu de travail à propos de leurs nouveaux droits et responsabilités.
Une partie de ces démarches est déjà en cours, et nous nous préparons en vue de l’entrée en vigueur du projet de loi. Il nous faudra toutefois peut-être un an ou plus après l’entrée en vigueur du projet de loi pour mettre toutes ces mesures en place. Nous espérons que la loi sera en vigueur avec le règlement à l’automne 2019.
La sénatrice Ataullahjan : Avez-vous utilisé une analyse comparative entre les sexes au cours de l’élaboration du projet de loi? Quels en ont été les résultats?
Mme Hajdu : Nous l’avons assurément fait. Je suis fière du fait que mon ministère dispose d’une équipe et d’un processus très solides d’analyse comparative entre les sexes; une telle analyse a donc été utilisée lors de l’élaboration du projet de loi. En fait, à titre d’ancienne ministre de la Condition féminine, une des premières choses que j’ai fait savoir aux deux ministères, c’est qu’il serait fort embarrassant pour la ministre de la Condition féminine de proposer un projet de loi sans qu’une analyse comparative entre les sexes ait été réalisée.
La sénatrice Ataullahjan : Je me devais de vous poser la question.
Mme Hajdu : On porte beaucoup attention à la question.
La sénatrice Pate : Merci beaucoup à tous de témoigner.
Madame la ministre, je suis certaine que vous savez que la Commission canadienne des droits de la personne a formulé des recommandations particulières pour que dans les domaines devant actuellement être assujettis au règlement, le projet de loi soit amendé pour faire en sorte que les mesures de protection soient au premier plan. Vous opposeriez-vous à ces amendements si la recommandation émanait du Sénat?
Mme Hajdu : Je tiens à ce qu’il soit clair que rien, dans le projet de loi C-65, n’empêche actuellement un employé de déposer une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne. Il est crucial que les gens le comprennent. Rien dans le présent projet de loi ne modifie le droit qu’ont les gens d’emprunter cette avenue.
Nous avons fait savoir que nous étions disposés à envisager des amendements. Le problème, c’est qu’il faut déterminer qu’ils valent la peine d’être apportés au regard des retards qu’ils entraînent sur le plan de l’adoption du projet de loi. En fait, si ces amendements ne modifient pas la nature du projet de loi, mais le rendent plus clair sans toutefois le renforcer, je dirais, sachant qu’il n’empêche pas les gens de faire appel à la commission, qu’il faudrait réfléchir soigneusement aux retards que cela entraînerait.
La sénatrice Pate : Qu’en est-il des dispositions qui élimineraient certains mécanismes actuels? Il y a certainement lieu de se demander si le droit d’accès serait automatique ou si les recours seraient aussi accessibles si les dispositions ne sont pas abrogées. J’ai quelques exemples si vous en avez besoin. Par exemple, d’après ce que je comprends, le projet de loi C-65 abrogerait l’obligation de prévention du harcèlement sexuel que prévoit actuellement l’article 247.3 de la partie III du code.
Mme Hajdu : Je crois comprendre qu’en tentant d’abroger ces dispositions, nous nous efforçons de regrouper toutes les mesures en un tout cohésif afin d’adopter une approche plus exhaustive à l’égard du harcèlement et de la violence sexuelle à tous les égards. Je laisserai la sous-ministre traiter de la question.
Lori Sterling, sous-ministre, Programme du travail, Emploi et Développement social Canada : Merci beaucoup. Il est vrai que nous avons abrogé tout le passage de la partie 3 portant sur le harcèlement sexuel et pas seulement la disposition sur la Loi canadienne sur les droits de la personne. Si ces mesures se trouvaient dans l’ancien passage, c’est parce qu’aucun autre recours ne s’offrait aux gens. Toutes les dispositions figurant maintenant dans le projet de loi C-65 n’existaient pas. Dans l’ancien régime, les gens devaient s’adresser à la Commission des droits de la personne s’ils cherchaient à obtenir des mesures réparatoires. Dans le nouveau régime, nous avons enlevé le message indiquant que la Commission des droits de la personne constitue le seul recours. Nous instaurons à la place un code complet, qui comprend un mécanisme d’examen interne.
La loi relative aux droits de la personne est une loi quasi constitutionnelle qu’aucune mesure législative ordinaire ne peut supplanter. Les gens auront toujours la possibilité de s’adresser à la commission s’ils souhaitent obtenir une indemnisation, par exemple. De même, d’autres lois en matière de relations de travail pourraient prévoir des recours, comme celles qui concernent les griefs. Certains pourraient préférer cette avenue, alors que d’autres opteront pour des procédures criminelles dans des affaires de violence. Le Code criminel prévoit des recours à cet égard.
Je pense qu’il convenait d’éliminer tout l’ancien passage pour instaurer un nouveau processus. Cependant, dans les campagnes d’éducation, au cours de la formation, voire dans les politiques, nous pourrions indiquer que le nouveau processus n’est qu’une avenue parmi l’éventail de moyens que l’on peut utiliser, dont le processus de la Commission canadienne des droits de la personne fait partie.
La sénatrice Pate : La Commission canadienne des droits de la personne, dont vous connaissez la proposition, recommande expressément que l’obligation de l’employeur figurant à l’alinéa 125(1)z.16) soit modifiée pour indiquer « déploie tous les efforts raisonnables pour maintenir un milieu de travail sans harcèlement et sans violence » et ainsi de suite. La commission a inclus cette précision au lieu de simplement se fier au fait qu’on intégrerait ce genre de dispositions au règlement. Vous opposeriez-vous à cet amendement si la recommandation émanait du comité et, au bout du compte, du Sénat?
Mme Sterling : Je pense avoir répondu en partie à votre question en ce qui concerne l’élimination de l’ancienne référence. Je ne vous ai pas répondu en ce qui a trait aux efforts raisonnables.
Je pense, comme la ministre l’a indiqué, que nous sommes disposés à envisager des amendements, mais je ferais remarquer que l’objectif du projet de loi figure déjà dans diverses dispositions du projet de loi. Par exemple, l’article 122.1 précise que l’objectif du projet de loi est la prévention. Tout à coup, donc, nous nous retrouvons avec deux objectifs différents. À l’article 124, il est indiqué que l’employeur a l’obligation générale de veiller à la protection de ses employés en matière de santé et de sécurité au travail. En outre, dans une autre disposition, soit l’alinéa 125(1)z.16), nous ajouterons des détails sur la manière dont l’employeur peut prévenir le harcèlement et en protéger ses employés. Ainsi, même si nous sommes disposés à accueillir des amendements, je dirais que le projet de loi actuel couvre amplement les divers objectifs du projet de loi. Si on ajoutait encore une fois que l’employeur doit déployer des efforts raisonnables, cela figurerait pour la quatrième fois dans la loi.
La sénatrice Pate : Il s’agit là de l’objectif du projet de loi, bien entendu. Je ne vous ai toutefois pas entendu exprimer d’opposition.
Mme Sterling : Oh non. Je pense qu’il revient à la ministre de le faire.
Mme Hajdu : Au bout du compte, nous devons décider si l’ajout d’une autre disposition en vaudrait la peine ou non, compte tenu du fait que le projet de loi est très clair, comme la sous-ministre l’a souligné, et des retards que cela pourrait entraîner. Je pense que nous devons réfléchir à ces décisions.
J’exhorte le comité à apporter le moins d’amendements superflus possible. S’il y a une omission évidente ou un passage qui va dans le sens contraire de l’objectif du projet de loi, alors je veux certainement que nous corrigions le problème, mais s’il s’agit essentiellement d’une répétition de quelque chose que le projet de loi indique déjà de manière différente et qu’il s’agit plus de faire un énoncé que de corriger une omission ou d’apporter une correction à quelque chose qui est peut-être contraire à l’objectif du projet de loi, alors je ne suis pas certaine qu’il vaille la peine de retarder potentiellement le processus du projet de loi.
La sénatrice Pate : Adopteriez-vous la même position quand il s’agit, par exemple, d’autoriser l’amendement visant à permettre à une victime de choisir une personne au lieu d’exiger qu’elle s’adresse à une personne désignée par l’employeur, comme le prévoit le paragraphe 127.1(1)? La loi exige actuellement que l’employé s’adresse à un supérieur hiérarchique; or, nous savons que cela pose déjà un problème important au chapitre de la sous-déclaration. On nous a proposé de permettre à la victime de s’adresser à la personne de son choix.
Mme Hajdu : Il faut que ce soit une personne compétente.
La sénatrice Pate : Oui, une personne désignée comme étant compétente.
Mme Hajdu : Les parties doivent s’entendre mutuellement quant à la personne compétente, laquelle peut venir de l’intérieur ou de l’extérieur de l’organisation. Cette possibilité existe déjà, car la décision n’est pas unilatérale. C’est un point au sujet duquel les parties s’entendent.
La sénatrice Pate : Ce n’est certainement pas indiqué explicitement. Un employeur pourrait-il exiger que ce soit une personne jouissant d’un rapport d’autorité?
Mme Hajdu : Les parties doivent s’entendre mutuellement quand au choix de la personne.
La sénatrice Pate : Nous n’avons donc pas besoin de renforcer cette partie non plus?
Mme Hajdu : À notre avis, non, car le projet de loi indique clairement que le processus ne peut être unilatéral.
La sénatrice Boyer : Merci à tous de témoigner.
Je voulais approfondir davantage le sujet abordé par la sénatrice Pate à propos des personnes compétentes mutuellement retenues et des comités en milieu de travail. Je voudrais particulièrement savoir si le règlement définira ces éléments.
Mme Hajdu : Oui.
La sénatrice Boyer : Comment assurerez-vous la protection de la vie privée et de la confidentialité? Adopterez-vous une approche adaptée à la culture? Je pense à la personne mutuellement retenue; que fait-on si une Autochtone a un problème et que la liste des personnes compétentes ne contient aucune personne acceptable? Je n’en suis pas tellement sûre. Pouvez-vous me donner plus détails sur la manière dont le processus fonctionnerait?
Mme Hajdu : Dans le cadre du processus, il y aurait une liste de personnes compétentes disponibles, mais si les parties ne peuvent s’entendre à ce sujet, le ministère du Travail pourrait, en pareil cas, agir à titre de médiateur pour trouver une personne compétente pour les parties.
La sénatrice Boyer : Quelle est la définition de personne compétente? Comment ce terme serait-il défini?
Mme Hajdu : Le règlement définira la formation, l’expertise et l’expérience que cette personne doit posséder.
La sénatrice Boyer : Et le processus inclurait une approche adaptée à la culture, n’est-ce pas?
Mme Hajdu : Oui.
La vice-présidente : Je vous poserai une question avant que nous n’entamions le deuxième tour. Lorsque vous avez parlé cet après-midi et pris la parole à la Chambre des communes, vous avez indiqué que les nets déséquilibres de pouvoir observés sur la Colline du Parlement ne se retrouvent pas nécessairement dans la plupart des milieux de travail. Vous avez ajouté que la loi ne pouvait à elle seule résoudre un problème d’une telle ampleur.
Bien des gens — je ne dirai pas « la plupart » — gardent le silence et ne parlent à personne du harcèlement qui a cours dans leur milieu de travail. Ils se taisent pour de nombreuses raisons, mais fondamentalement, ils considèrent qu’il est risqué de parler. Si le projet de loi est adopté — et je sais que la Chambre des communes l’a adopté à l’unanimité —, quels genres de démarches d’éducation votre ministère entreprendra-t-il pour veiller à ce que les employés de la Colline du Parlement en particulier soient informés des modifications apportées et se sentent suffisamment à l’aise pour se manifester s’ils sont victimes de harcèlement?
Mme Hajdu : Merci. C’est une excellente question. Trop souvent, les gens gardent le silence pour diverses raisons. Bien franchement, d’après mon expérience en milieu de travail, c’est habituellement pour des questions d’argent. Si l’employeur vous libelle votre chèque de paie et que, dans mon cas, vous êtes mère monoparentale, vous pourriez conserver longtemps un emploi où vous êtes très mal à l’aise pendant que vous cherchez peut-être un autre poste. Les gens ne peuvent souvent pas démissionner. L’argent pose donc un problème, mais bien d’autres facteurs poussent les gens à se taire.
Parfois, le problème s’installe graduellement, et les gens se demandent s’ils sont victimes de harcèlement. C’est une situation très courante également. Est-ce un flirt ou du harcèlement? Où se trouve la limite entre les deux? Les gens deviennent subitement mal à l’aise, mais la situation évolue parfois si lentement qu’ils n’ont aucun recours parce que, dans notre culture, ils sont responsables de la situation quand ils sont victimes de harcèlement.
Vous avez parlé du changement de culture. Or, pour changer la culture, il faut disposer d’une loi solide et faire beaucoup d’éducation. L’objectif premier est en fait la prévention. Il faut réagir aux incidents et soutenir les personnes victimes de harcèlement et de violence en milieu de travail, mais, à titre d’ancienne professionnelle de la santé publique, ma priorité est la prévention.
Nous pouvons mieux former les employeurs au sujet de leurs obligations, former les employés sur leurs attentes et les recours auxquels ils ont droit, et aider les employeurs à mettre en place des processus qui vont des services de médiation jusqu’aux approches plus interventionnistes.
Je pense à une situation que j’ai vécue à titre d’employeuse avec un travailleur social plus âgé, qui faisait des avances à ses collègues beaucoup plus jeunes. Dans ce contexte, tous les employés avaient suivi la même formation en travail social. Une des employés n’était vraiment pas à l’aise avec cela. Elle a déposé une plainte. Nous avons fait de la médiation et l’employé en question a modifié son comportement. Parfois, si l’on s’attaque à un comportement assez tôt ou si la situation n’est pas encore trop grave, on peut changer la trajectoire de l’auteur et de la victime de violence ou de harcèlement. Cette expérience a su donner de la force à la victime qui a dénoncé et a ouvert les yeux à l’autre employé, qui croyait d’abord ne rien faire de mal.
Il faut un programme d’éducation exhaustif. C’est pourquoi on veut veiller à ce que les employeurs aient en place de solides politiques et à ce que tous suivent une formation appropriée afin de bien connaître la politique et leurs droits. Ainsi, on discutera aussi de la nature du problème et de notre responsabilité, même à titre de spectateurs, pour aborder les enjeux au travail.
La sénatrice Ataullahjan : Pour revenir aux propos de la sénatrice Cordy, ce qui me préoccupe, ce sont les femmes des minorités visibles, surtout les nouvelles immigrantes qui ne savent pas quels sont leurs droits, quels sont leurs recours et à qui adresser une plainte. Si elles viennent d’obtenir un emploi, elles auront peur de le perdre; il y a aussi la stigmatisation associée au harcèlement sexuel ou au harcèlement en général, même. Est-ce que le projet de loi va leur rendre la tâche un peu plus facile? Est-ce qu’on va expliquer à ces femmes ou à ces hommes quels sont leurs droits?
Mme Hajdu : J’espère que toutes les mesures que nous allons prendre vont améliorer la situation des personnes les plus vulnérables de notre pays, qu’il s’agisse des minorités visibles, des nouveaux arrivants, des gens qui ont une incapacité ou des Autochtones. C’est l’objectif du projet de loi. C’est une question de pouvoir, et souvent, ce sont les groupes les plus vulnérables qui sont les plus touchés.
Est-ce que nous allons régler tous les problèmes du jour au lendemain? Non, je ne le crois pas, parce que je ne crois pas qu’une loi puisse régler un problème systémique dans une culture très patriarcale. Ce que je peux dire, c’est que la loi rehaussera les discussions ici et dans les autres milieux de travail, et à l’échelle internationale également. Je reviens tout juste de l’OIT, et le Canada mène l’élaboration d’une convention sur le harcèlement et la violence au travail. Les conversations portaient sur les effets du harcèlement sur les gens qui sont plus vulnérables en raison d’un ensemble de circonstances. Je ne suis pas naïve au point de croire qu’il s’agit d’une solution magique et que tout ira bien à partir de là, mais je crois que si nous ne mettons rien en place, alors nous nous fermons les yeux en nous disant que c’est le problème de quelqu’un d’autre, et pas le nôtre.
Les personnes vulnérables sont au cœur des mesures que je prends à titre de ministre et de celles prises par le gouvernement. Toutes nos décisions visent à aider les personnes qui sont confrontées aux plus grandes difficultés. Nous voulons leur donner une chance, que ce soit par l’entremise de mesures incitatives pour l’embauche de personnes appartenant à des groupes sous-représentés ou pour le renforcement du programme de formation pour les compétences destinée aux Autochtones, par l’entremise d’un financement accru et d’une plus grande autonomie, et d’engagements prolongés en matière de financement. Ce sont les mesures que prend le gouvernement. Nous savons que lorsque ces gens ont une chance de réussir, ils la prennent. Ils participent.
C’est ce que nous avons fait pour le projet de loi : nous l’avons élaboré avec en tête les gens les plus à risque et les groupes vulnérables. C’est un énorme pas en avant, mais on ne réglera pas le problème immédiatement ou du jour au lendemain. Il faudra du temps, et cela fait partie d’un changement de culture. Le projet de loi contribuera à la conversation déjà lancée au Canada et ailleurs par de braves personnes qui ont osé aborder le sujet.
La sénatrice Ataullahjan : Est-ce qu’il y a des pratiques exemplaires à l’échelle internationale qui pourraient renforcer le projet de loi?
Mme Hajdu : Tout à fait. Je vais laisser la sous-ministre vous parler des pratiques exemplaires, mais le gouvernement fonde toutes ses décisions sur des données probantes, et c’est le cas ici également.
Mme Sterling : Nous avons examiné les pratiques exemplaires de partout dans le monde. Nous avons tenté de les intégrer à notre approche.
Par exemple, la notion voulant que le harcèlement couvre un large spectre et que la définition du terme vise autant l’incivilité que la violence représente une pratique exemplaire à l’échelle internationale.
La notion relative à une personne compétente et indépendante, convenue mutuellement, lorsque les parties ne peuvent régler un différend par elles-mêmes est une pratique exemplaire en soi, et nous avons intégré cela à la loi également.
L’exigence voulant que l’employeur doive suivre les recommandations lorsqu’elles sont raisonnablement possibles représente un autre type de pratique exemplaire.
Selon l’expérience et les directives de la ministre, nous avons tenté d’intégrer les pratiques exemplaires. C’est exactement de cela qu’elle parle. Il n’est pas seulement question d’intervenir en cas d’incident, mais de viser la prévention, l’intervention et le soutien, en misant sur les mesures prises par la ministre lorsqu’elle travaillait dans le domaine de la violence contre les femmes à titre de ministre de la Condition féminine.
Nous avons adopté des mesures de prévention et de soutien. Par exemple, nous avons déjà mis sur pied un carrefour qui répond aux appels et offre des services de sensibilisation. Nous offrirons aussi bientôt une formation sur la nouvelle loi.
Ce sont des exemples des mesures prises pour innover.
La sénatrice McPhedran : Je vous regardais pendant que je faisais d’autres tâches en haut. Je crois que je suis à jour.
Tout d’abord, je tiens à souligner ma reconnaissance envers vous, madame la ministre, et envers toutes les personnes qui travaillent avec vous à cette importante mesure novatrice qui, j’en suis certaine, aura un effet d’entraînement et améliorera notre société.
Ma question a trait à votre point au sujet du processus tripartite en vue de l’élaboration de la réglementation. Selon mon expérience dans le domaine, très souvent, c’est par la réglementation qu’on met en œuvre les changements envisagés dans la loi. Ces changements n’auront pas lieu si la réglementation n’est pas axée sur les réalités pratiques qui doivent être abordées. J’ai confiance à cet égard.
Ma question est toutefois assez précise. En règle générale, le processus tripartite ne compte pas la participation des survivants aux processus qui seront abordés dans la réglementation. Pouvez-vous me dire si l’on tient compte de cela et si vous solliciterez des rétroactions sur l’ébauche du règlement, en tenant compte de la confidentialité? Ce qui arrive très souvent, c’est qu’on adopte les règlements, sans avoir consulté les gens qui ont la plus grande expérience. Ensuite, on leur demande de renverser la vapeur une fois de plus. J’espère que ce sera différent pour le processus associé à ce règlement.
Mme Hajdu : Tout à fait. Tout d’abord, je dirais que les groupes de femmes du mouvement ouvrier sont ceux qui luttent le plus contre le harcèlement et la violence sexuelle. Nous allons certainement consulter ces groupes de femmes, qui ont une grande expérience en la matière. À titre d’ancienne ministre de la Condition féminine et de ministre du Travail, je consulte souvent les groupes de femmes des mouvements ouvriers, parce qu’elles ont parfois un point de vue différent de celui de leurs confrères.
Nous allons aussi veiller à consulter les groupes de femmes qui ont une expérience générale par l’entremise du processus de réglementation. La population aura aussi l’occasion de s’exprimer. La mesure législative sera publiée et le public disposera d’une certaine période pour nous faire part de ses commentaires.
Il ne faut pas oublier les groupes d’employeurs, parce que souvent, les femmes qui font partie de ces groupes ont vécu les pires expériences en matière de harcèlement. Ce sont les femmes qui travaillent dans les marchés de capitaux, par exemple. L’une des expériences les plus profondes que j’ai vécue à titre de ministre de la Condition féminine, c’est lorsque j’ai consulté un groupe qui s’appelait Women in Capital Markets. Ces femmes étaient vice-présidentes ou présidentes de petites entreprises... Certainement pas des présidentes de banques, parce qu’elles sont beaucoup plus rares. Ces femmes ont parlé du harcèlement qu’elles ont subi dans le cadre de leur travail à titre de femmes haut placées dans un domaine auquel on n’aurait pas pensé. Ce n’est pas cela qui nous viendrait en tête lorsque nous pensons aux femmes qui se font harceler au travail.
Je suis certaine que nous allons entendre la voix de nombreuses femmes, surtout, et d’autres personnes qui ont été victimes de harcèlement et de violence, qui nous parleront de leur expérience personnelle, afin de veiller à ce que la réglementation nous permette de bien faire les choses.
La sénatrice McPhedran : Je crois que la plupart des gens dans la salle sont d’accord pour dire qu’au Parlement nous travaillons dans une bulle qui roule depuis longtemps sans qu’il y ait beaucoup de responsabilisation ou de renvoi aux lois qui s’appliquent déjà aux autres depuis un bon moment. Dans le cadre du processus de réglementation, est-ce que les membres du personnel et d’autres personnes qui ont vécu des expériences dans ce milieu particulier auront leur mot à dire?
Mme Hajdu : Oui, et mes représentants en sont très heureux. Nous allons tenir des consultations spéciales sur la Colline du Parlement au sujet du règlement. Ce sont de bonnes nouvelles. Je vous remercie de le souligner. Vous avez tout à fait raison. Vous connaissez mon parcours. Pour moi, rien ne se fera pour nous sans nous; c’est ma philosophie.
J’ai donné ces directives à de nombreuses reprises : lorsque nous reformons ou que nous transformons un programme, que ce soit celui-ci ou un autre, ou une approche, nous devons veiller à ce que les gens les plus touchés aient l’occasion de se faire entendre au sujet de ce qui a une incidence sur leur vie.
La vice-présidente : Madame la ministre, nous vous remercions de votre présence ici aujourd’hui. Ces conversations au sujet du projet de loi nous sont très utiles. Comme l’a fait valoir l’un des témoins de la Commission des droits de la personne, le projet de loi est l’une des pièces du casse-tête qui nous aidera à améliorer la situation.
Madame la ministre, je partage votre espoir de voir un changement culturel émaner du projet de loi, parce que la prévention est notre objectif à tous. Nous pouvons ramasser les pots cassés, mais la prévention est essentielle. Vous en avez parlé dans votre déclaration.
Je remercie également vos représentants, qui nous ont transmis de nombreux renseignements. La sénatrice Hartling a parlé tout à l’heure de l’aide qu’elle a reçue afin de parrainer le projet de loi.
(La séance est levée.)