Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense
Fascicule no 10 - Témoignages du 12 décembre 2016
OTTAWA, le lundi 12 décembre 2016
Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui, à 13 h 1, pour étudier, afin d'en faire rapport, les politiques, les pratiques, les circonstances et les capacités du Canada en matière de sécurité nationale et de défense, et pour procéder à l'étude des questions relatives à l'Examen de la politique de défense entrepris actuellement par le gouvernement.
Le sénateur Daniel Lang (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je déclare la séance ouverte. Je voudrais souhaiter la bienvenue à ceux qui regardent la séance du lundi 12 décembre 2016 du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense.
Avant de commencer, j'aimerais présenter les personnes présentes à la table. Je m'appelle Dan Lang, sénateur du Yukon. À ma droite se trouve le greffier du comité, Adam Thompson. J'inviterais les sénateurs à se présenter en précisant la région qu'ils représentent, en commençant par la vice-présidente.
La sénatrice Jaffer : Je m'appelle Mobina Jaffer, originaire de la Colombie-Britannique. Bienvenue.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.
[Traduction]
La sénatrice Boniface : Gwen Boniface, de l'Ontario.
Le sénateur White : Vern White, de l'Ontario.
La sénatrice Beyak : Lynn Beyak, de l'Ontario.
Le président : Nous nous réunissons pour trois heures aujourd'hui. Nous recevrons en premier le conseiller à la sécurité nationale auprès du premier ministre nouvellement nommé, après quoi nous entendrons le directeur parlementaire du budget, suivi du commandant de la Force opérationnelle interarmées (Nord). À la fin de la séance, nous nous réunirons à huis clos pour une brève discussion.
Chers collègues, nous entendrons tout d'abord Daniel Jean, conseiller à la sécurité nationale auprès du premier ministre. Avant d'occuper ce poste, M. Jean a été sous-ministre des Affaires étrangères pendant trois ans, en plus d'avoir travaillé dans le domaine de l'immigration et à la fonction publique. Sachez que si le rôle de conseiller à la sécurité nationale a été créé en 2004, il ne dispose encore d'aucun pouvoir en vertu de la loi. Le conseiller à la sécurité nationale agit aujourd'hui à titre de coprésident du comité de la sécurité nationale du sous-ministre et joue donc un rôle clé dans le cadre du processus d'établissement des priorités en matière de renseignements.
Nous sommes ravis de recevoir M. Jean, qui fera la lumière sur son rôle. Bienvenue. Je crois comprendre que vous avez un exposé, monsieur Jean. Vous pouvez commencer.
Daniel Jean, conseiller à la sécurité nationale auprès du premier ministre, Bureau du Conseil privé : Merci, monsieur le président. Bonjour et merci de m'avoir invité à vous parler aujourd'hui. Je suis heureux d'avoir l'occasion de vous rencontrer après mes six premiers mois au poste de conseiller à la sécurité nationale auprès du premier ministre. Je vais vous donner une brève vue d'ensemble de cette fonction de conseiller, puis je parlerai de quelques grandes priorités du gouvernement quant à la politique en matière de sécurité nationale et de défense et à la politique étrangère. Mes responsabilités concordent avec les fonctions principales du Bureau du Conseil privé : conseiller le premier ministre, apporter du soutien au Cabinet et faciliter la coordination interministérielle. En tant que conseiller principal auprès du premier ministre sur la politique en matière de sécurité nationale et de défense et sur la politique étrangère, j'apporte du soutien au premier ministre et au gouvernement dans le cadre des efforts qu'ils déploient pour renouveler l'engagement du pays sur la scène internationale, tant au sein d'enceintes multilatérales qu'avec de nombreux partenaires bilatéraux clés, et pour mettre en œuvre l'ambitieux programme en matière de politique de défense et de sécurité nationale élaboré par le gouvernement.
À mon bureau au sein du Bureau du Conseil privé, mon équipe et moi-même sommes aussi chargés d'apporter du soutien au Cabinet en assumant les fonctions de secrétariat pour les trois comités du Cabinet, soit le Comité du Cabinet chargé du renseignement et de la gestion des urgences, présidé par le premier ministre; le Comité du Cabinet chargé du Canada dans le monde et de la sécurité publique; et le Comité du Cabinet chargé des questions concernant les relations canado-américaines. Ces comités ont permis aux ministres et aux fonctionnaires de tenir des discussions fructueuses qui ont contribué à faire avancer des questions prioritaires énoncées dans les lettres de mandat des ministres. De plus, les ministres ont reçu des séances d'information concernant les questions émergentes sur le plan géopolitique et en matière de défense et de sécurité nationale afin d'être encore plus au fait des menaces pour les intérêts du Canada et des Canadiens au pays et à l'étranger.
En ce qui concerne ma fonction de coordination, je dirige et facilite la coordination quotidienne entre les sous- ministres afin d'assurer la cohésion au sein du milieu canadien de la sécurité et du renseignement en ce qui concerne les initiatives stratégiques et les interventions menées par le gouvernement pour gérer des problèmes et des crises. Dans l'exercice de cette fonction, je dois respecter l'indépendance de chaque ministère et organisme.
J'aimerais dire quelques mots sur les priorités actuelles quant à la politique en matière de sécurité et de défense et à la politique étrangère. Pour le gouvernement, il est prioritaire de collaborer activement avec les partenaires internationaux du Canada sur les plans bilatéral et multilatéral. Sur le plan bilatéral, la visite du premier ministre à Washington en mars dernier a donné lieu à une série d'annonces sur la coopération entre le Canada et les États-Unis, en ce qui concerne notamment la défense continentale, la sécurité frontalière et la gestion des frontières. Ces annonces ont renforcé l'importance du partenariat étroit entre les deux pays.
Plus récemment, le premier ministre s'est rendu à Beijing en août pour rencontrer le président Xi. En septembre, il a accueilli le premier ministre Li à Ottawa pour établir une nouvelle relation bilatérale entre le Canada et la Chine. La visite du premier ministre a donné lieu à l'établissement d'un dialogue entre les chefs des deux pays et à d'autres initiatives importantes, notamment un dialogue sur la sécurité nationale et la primauté du droit.
Sur le plan multilatéral, le Canada a joué un rôle de chef de file pendant et après la négociation de l'Accord de Paris sur les changements climatiques, et dans l'amélioration du sort des victimes de la guerre en Syrie.
En mars 2016, le gouvernement a aussi annoncé qu'il avait présenté sa candidature pour obtenir un siège de membre non permanent au Conseil de sécurité des Nations Unies pour un mandat de deux ans à compter de 2021.
Du point de vue de la défense, le gouvernement poursuit un programme ambitieux, y compris le lancement d'un examen de la politique de défense et les consultations publiques qui s'y rapportent. Les consultations ont donné au public l'occasion de contribuer à façonner les décisions sur le futur rôle des Forces armées canadiennes au pays et à l'étranger.
Sur le plan opérationnel, le gouvernement a annoncé une stratégie pangouvernementale ciblant l'Irak et la région, dans le cadre de laquelle il confère aux Forces armées canadiennes le nouveau mandat de collaborer avec les membres de la coalition afin de former, de conseiller et d'aider les forces de sécurité iraquiennes et leurs partenaires pour reprendre le contrôle de leur territoire par suite de leurs combats avec Daech. Des initiatives humanitaires, de stabilisation et de résilience s'ajoutent à ces efforts militaires en vue d'apporter du soutien aux populations touchées en Irak et dans les pays de la région qui ont accueilli un nombre important de réfugiés.
Les Forces armées canadiennes jouent un rôle important ailleurs, notamment au sein de l'OTAN, où elles contribuent de diverses façons aux missions de réassurance menées en Europe. Elles dirigeront prochainement un groupe de combat multinational en Lettonie. En Ukraine, le Canada met en œuvre des programmes d'instruction militaire et de renforcement des capacités dans le cadre de l'opération UNIFIER. Nous continuons également à chercher des occasions de mener des opérations de paix afin de donner suite à l'annonce que le gouvernement a faite en août pour accroître ses contributions.
[Français]
En ce qui concerne la sécurité nationale, le Canada continue de faire face aux menaces au pays et à l'étranger. Le niveau de menace au Canada n'a pas changé depuis octobre 2014. Il demeure moyen, ce qui signifie qu'un acte de terrorisme violent pourrait survenir au Canada. Le niveau de menace est un outil qui permet de cerner les risques et les vulnérabilités associés aux menaces et, par la suite, de déterminer les mesures d'intervention appropriées à prendre pour prévenir ou atténuer un acte de terrorisme violent. La principale menace terroriste pour le pays est posée par des extrémistes violents qui pourraient être amenés à mener une attaque au Canada.
Récemment, Daech a perdu du terrain et de l'influence en Irak et en Syrie. Si cette tendance se maintient, cela pourrait entraîner un exode de ses combattants, y compris de ses combattants canadiens. Nombre de ces extrémistes peuvent s'en aller vers d'autres zones de conflit au Moyen-Orient et en Afrique; toutefois, d'autres pourraient chercher à revenir au Canada.
Internet a favorisé la propagation des idéologies extrémistes violentes, ce qui a amené des individus à perpétrer des actes terroristes dans leur pays et à l'étranger. Plus tôt, cette année, le ministre de la Sécurité publique a parlé de l'importance de contrer l'extrémisme violent. Il s'agit d'un élément crucial de notre trousse d'outils dans la lutte contre le terrorisme.
À mesure que le monde se tourne vers Internet, les criminels, les terroristes et les adversaires des gouvernements étrangers se servent de cette plateforme pour le vol, la fraude et le vol d'information classifiée, ainsi que pour menacer l'infrastructure essentielle et attirer des individus vers le terrorisme. L'examen de la cybersécurité que mène actuellement le ministre de la Sécurité publique devrait orienter nos stratégies futures en ce qui touche la gestion de ces menaces dans le nouveau monde numérique, tout en donnant à nos citoyens et à nos entreprises un accès aux possibilités novatrices qu'offre cette technologie.
En qualité de conseiller à la sécurité nationale auprès du premier ministre, j'espère continuer à apporter du soutien à la collectivité canadienne de la sécurité et du renseignement afin de trouver et de mettre en œuvre les moyens de contrer ces menaces d'une manière qui respecte les valeurs canadiennes. Dans cette optique, mes collègues de la collectivité de la sécurité et du renseignement et moi sommes en faveur de la création d'un comité de parlementaires qui accroîtrait les mécanismes d'examen qui s'appliquent actuellement aux activités reliées à la sécurité nationale.
Les Canadiens doivent avoir la conviction que l'appareil gouvernemental de la sécurité nationale demeure conforme aux lois et à la Charte canadienne des droits et libertés. Pour maintenir cette confiance, il serait utile d'établir un comité de parlementaires capable de mieux se renseigner sur les activités menées par ces institutions dans le cadre législatif pour cibler les menaces.
Pendant près de 34 ans, dans la fonction publique, j'ai été un membre actif de la collectivité de la politique de défense, de sécurité nationale et des affaires étrangères du gouvernement fédéral. Je suis honoré de travailler avec les nombreux professionnels de la collectivité qui se consacrent à faire progresser et à protéger les intérêts canadiens au pays et à l'étranger. J'espère pouvoir continuer à apporter ma modeste contribution aux efforts déployés par le gouvernement, et je me réjouis à l'idée de travailler avec les membres du comité.
Merci de m'avoir donné l'occasion de partager mes idées avec vous.
[Traduction]
Le président : Merci beaucoup, monsieur Jean.
Chers collègues, avec votre indulgence, je voudrais poser la première question, qui concerne la sécurité nationale et la question de la menace terroriste à laquelle le monde et le Canada sont confrontés.
Monsieur Jean, vous avez indiqué, dans votre exposé, que cette menace est, de toute évidence, fort préoccupante pour le poste que vous occupez. Vous savez probablement qu'il y a deux ans, le comité a appris l'existence de 318 djihadistes islamiques radicaux canadiens, dont 140 se trouvaient à l'étranger. Ils ont été identifiés par les organismes d'exécution de la loi.
Il y a deux semaines, le Service canadien du renseignement de sécurité a avisé le comité que 40 autres Canadiens appuyaient le terrorisme à l'étranger. En fait, au cours des deux dernières années, le nombre de Canadiens participant à des activités terroristes à l'étranger est passé de 140 à 180, selon nos autorités. Il peut aussi y en avoir d'autres. La semaine dernière, un rapport publié en Europe indiquait que 1 500 djihadistes islamiques étaient retournés en Europe et s'employaient à y établir des cellules terroristes.
Comme 180 Canadiens participent à des activités terroristes à l'étranger, principalement en Irak et en Syrie, et pourraient revenir au pays ou non, pouvez-vous nous dire si le Groupe des cinq sait si les Canadiens qui sont revenus au pays ont des liens avec les 1 500 djihadistes qui sont retournés en Europe? Pouvez-vous nous dire si certains d'entre eux planifient des attaques contre le Canada et sa population?
M. Jean : Merci, monsieur le président. Comme vous l'avez indiqué vers la fin de votre question, le directeur du SCRS utilise dernièrement le chiffre de 180. Il estime qu'environ 60 de ces personnes sont revenues au pays. D'après les meilleures estimations dont nous disposons, un peu moins de 100 se trouveraient en Irak et en Syrie. Bien entendu, compte tenu de l'intensité des affrontements au cours des dernières semaines, nous ignorons si certains d'entre eux sont morts au combat.
Nos autorités nationales, soit le SCRS travaillant en partenariat avec la GRC et l'Agence des services frontaliers du Canada, s'assurent toujours que nous disposons des meilleurs systèmes de renseignements pour pouvoir surveiller et repérer les gens quand ils reviennent, et pour déterminer quelle surveillance pourrait s'avérer nécessaire, toujours conformément au système de droit.
Pour répondre à votre question sur les liens avec un certain nombre de combattants étrangers en Europe, il y aura certainement eu des contacts, bien sûr. Dans notre cadre juridique, nous échangeons constamment des renseignements avec nos partenaires, notamment avec de nombreux Européens. Par exemple, nous savons que dans le contexte de certaines des attaques perpétrées en France, les renseignements du Canada ont permis de retrouver certains terroristes parce qu'ils avaient eu des contacts avec des Canadiens.
Pour ce qui est de dire s'il risque ou non de se produire une attaque terroriste, comme je l'ai indiqué, ce risque est modéré et donc présent actuellement. Nous pensons que ce qui risque le plus de se produire, c'est que quelqu'un agisse sous influence, comme celle que Daech est capable d'exercer sur Internet. C'est dans ce contexte que la GRC, avec le soutien du Service canadien du renseignement de sécurité, a pu mettre fin aux activités d'un loup solitaire en août dans le Sud de l'Ontario.
Le président : J'aimerais continuer sur le même sujet. En Europe — en Allemagne, il me semble —, le gouvernement a publié à l'intention de la population un rapport qui indiquait que 1 500 terroristes étaient revenus en Europe et se préparaient peut-être à organiser des attaques terroristes. Il a informé la population de la présence de ces terroristes pour qu'elle soit plus alerte et qu'elle porte attention quotidiennement aux incursions suspectes dans la communauté ou le pays.
Je veux donc vous poser la question suivante sur un point qui est, je pense, important pour les Canadiens : en vertu de vos politiques, si vous appreniez, directement ou indirectement, que certains combattants terroristes sont de retour au Canada et risquent d'y établir des cellules terroristes, en informeriez-vous la population, comme on l'a fait en Europe?
M. Jean : L'alerte de menace dont j'ai parlé, jugée modérée à l'heure actuelle, sert justement à cette fin. Je pourrais peut-être vous aider en prenant l'exemple de l'affaire qui s'est produite en août dans le Sud de l'Ontario. Nous savions que quelqu'un planifiait une attaque dans les environs de Toronto, dans la région de London, mais si nous n'avions pu découvrir où se trouvait cette personne, nous aurions probablement envisagé de faire passer le niveau d'alerte de modéré à l'élevé, voire à grave, car nos renseignements indiquaient qu'il risquait fort de se produire quelque chose à Toronto.
Dans cette affaire, le directeur du SCRS, qui est responsable de la question, n'a pas eu à le faire, parce qu'au cours de la journée, nous avons été en mesure de découvrir le nom et le lieu de résidence de la personne que la GRC devrait trouver.
Si demain, toutefois, nous recevions des renseignements laissant croire qu'une attaque risque fortement de se produire à Montréal et que ces preuves sont crédibles, nous aurions la responsabilité d'en aviser la population.
La sénatrice Jaffer : Merci de témoigner, monsieur Jean. Le travail que vous accomplissez dans ce domaine est bien connu, et nous vous sommes très reconnaissants de comparaître. Votre exposé était fort exhaustif. Je ne peux vous poser que quelques questions. Je suis heureuse que vous ayez parlé de votre travail concernant les droits et libertés prévus par la Charte.
J'ai deux questions, auxquelles je vous demanderais de répondre succinctement. Vous pourrez ensuite répondre plus longuement par écrit si vous le souhaitez.
J'aimerais notamment que vous nous expliquiez ce que vous faites pour que les communautés collaborent avec les divers organismes de sécurité, se sentent en confiance et comprennent qu'il y a entre elles et nous un partenariat plutôt qu'un problème.
M. Jean : Voilà une excellente question, sénatrice. C'est une des raisons pour lesquelles M. Goodale, ministre de la Sécurité publique, a annoncé qu'une somme de 35 millions de dollars, dont 10 millions ont déjà été versés, serait affectée à l'élaboration d'une stratégie de lutte contre l'extrémisme violent au Canada. Cette initiative s'inspire grandement des pratiques employées à Montréal, que de nombreux sénateurs connaissent et qui sont devenues un modèle que bien des pays utilisent. Il s'agit précisément d'un modèle dans le cadre duquel des gens de l'extérieur du gouvernement travaillent avec les groupes communautaires et jouent essentiellement un rôle de prévention auprès des jeunes qui commencent à se radicaliser. Ils assurent auprès d'eux un accompagnement pour tenter de les empêcher de passer à l'acte.
La sénatrice Jaffer : J'ai une question complètement différente, qui concerne les femmes, la paix et la sécurité. Le Canada était le chef de file mondial à cet égard dans les années 2000, une position que nous avons malheureusement perdue. J'espère que nous sommes maintenant en train de la reprendre. Notre comité s'est rendu à New York et a rencontré les femmes des Nations Unies, qui ont elles aussi parlé des femmes, de la paix et de la sécurité. J'aimerais savoir comment vous incluez les femmes, que ce soit au sein des forces armées ou dans votre travail, pour que tant les femmes que les hommes soient représentés dans le travail que vous accomplissez.
M. Jean : La stratégie que le gouvernement a annoncée en août pour augmenter nos efforts de maintien de la paix constitue un bon exemple. Dans les principes, les objectifs et les critères que comprend cette stratégie pour déterminer les prochaines missions de maintien de la paix qui seront mises en œuvre, un accent particulier est mis sur la protection des plus vulnérables, soit les femmes et les jeunes filles. On cherche aussi fortement à accroître la participation des femmes dans les activités militaires ou policières.
La sénatrice Beyak : Comme le sénateur Lang l'a souligné, un nombre sans précédent de Canadiens regardent les séances du comité, et le terrorisme les préoccupe. Notre comité s'inquiète quand il apprend que l'on a identifié 318 djihadistes radicaux et décelé 800 transactions de financement du terrorisme. Nous nous demandons pourquoi plus d'accusations n'ont pas été portées. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet?
M. Jean : C'est une question qui revient fréquemment. On dit souvent que l'argent est le nerf de la guerre. En s'attaquant au financement, on a un moyen efficace de tenter de faire avorter les attaques terroristes. Nos organisations collaborent étroitement avec le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada et l'Agence du revenu du Canada pour essayer de détecter certaines sources de financement.
Nous avons examiné la question en nous intéressant parallèlement au crime organisé, et je dirais que très souvent, dans les affaires qui sont mises au jour, les accusations ne sont pas déposées pour des motifs relatifs au financement, mais pour d'autres infractions du Code criminel, parce que la preuve est plus probante et que ces accusations pourraient donner lieu à des peines plus sévères. Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas d'accusation que la motivation ne joue pas un rôle crucial dans la détection non seulement de terroristes, mais parfois de membres du crime organisé.
La sénatrice Beyak : Avez-vous étudié certains de vos partenaires, comme la France et le Royaume-Uni, et les mesures qu'ils prennent pour tenir davantage les gens responsables de leurs actes? Ces démarches semblent porter fruit. Parfois, on peut tirer des leçons d'un modèle qui fonctionne déjà.
M. Jean : Je ne suis en poste que depuis six mois, mais j'ai eu la chance de passer pas mal de temps en France, où mon rôle est assumé par trois personnes. Je les ai rencontrées, et nous avons longuement échangé sur certaines de ces questions. J'ai aussi eu l'occasion de rencontrer un grand nombre de collègues du Royaume-Uni, dont mon homologue.
Je dirais que nous éprouvons tous les mêmes difficultés. En France, le nombre de combattants étrangers est bien plus élevé qu'ici. Et même si nous voulons prévenir le terrorisme où que ce soit, vous n'ignorez pas que ce pays a été le théâtre d'incidents très graves. On affecte certainement des ressources considérables à la suite de ces incidents pour tenter de prévenir le terrorisme, mais pour répondre à votre question sur le financement, nous n'avons observé aucun pays en particulier qui réussit mieux que les autres à cet égard. En fait, c'est un domaine auquel nous voulons accorder plus de temps pour voir comment nous pourrions améliorer notre stratégie.
Le président : Peut-être, chers collègues, pourrais-je poursuivre sur la question du financement du terrorisme avant que nous ne passions à autre chose.
Au cours d'un certain nombre de séances, notre comité a appris que 800 transactions de financement du terrorisme avaient été détectées. Or, à ce que nous sachions, aucune accusation n'a été portée. En fait, la loi est actuellement si laxiste que l'administrateur d'un organisme sans but lucratif risque simplement de ne plus pouvoir faire partie de l'organisme.
Le gouvernement peut-il modifier la loi pour que les administrateurs d'organismes qui financent le terrorisme puissent être accusés d'avoir détourné des fonds et d'avoir mis le Canada en danger?
À dire vrai, la loi est une farce à l'heure actuelle.
M. Jean : Monsieur le président, c'est une excellente question. En fait, nous cherchons à voir actuellement comment nous pourrions renforcer nos outils à cet égard. Dans certaines situations, comme dans le cas de Daech, nous ne pourrions agir même dotés de meilleurs outils, car la moitié des revenus sont tirés de la vente de pétrole et la plupart des transactions sont effectuées en espèces. Le reste du financement vient en grande partie des impôts, extorqués à la population locale dans les régions occupées.
Nous avons certainement besoin d'outils plus affûtés, j'en conviens parfaitement avec vous; dans certains cas, toutefois, ces outils seront nécessaires, mais insuffisants.
Le président : Je comprends Daech et la manière dont l'organisation fonctionne. Le fait est que des organisations non gouvernementales sont établies au pays aux fins de blanchiment d'argent afin d'appuyer des activités terroristes à l'étranger et même ici. Je pense parler au nom de tous les membres du comité en disant que cela doit être pris très sérieusement. Il est inutile d'avoir détecté 800 transactions de financement du terrorisme jusqu'à maintenant si on n'utilise pas l'information.
M. Jean : Je prends bonne note de votre remarque, monsieur le président. Sachez que nous collaborerons avec les organismes à ce sujet.
Le président : Nous nous attendrons à recevoir une mise à jour dans six mois.
Le sénateur White : Merci de témoigner aujourd'hui, monsieur Jean. Ma question portera sur la relation avec la Chine. Il y a quelques mois, en septembre, il me semble, nous avons entendu un professionnel de la cybersécurité du Home Office, à Londres, qui a parlé, lors d'une activité, des questions relatives à la Chine et des relations qui se sont établies sur le plan de la cybersécurité. Je constate que nous nous efforçons d'améliorer notre relation avec la Chine, contrairement aux États-Unis qui, il y a quelques années, ont indiqué sans ambages à la Chine que si elle les attaquait, ils répliqueraient en lançant une cyberattaque. Nous n'avons rien fait de tel.
Pourriez-vous nous expliquer ce que nous devrions faire dans l'avenir pour nous protéger des menaces de la Chine en matière de cybersécurité, qu'elle agisse directement ou par l'entremise de sociétés en activité au Canada qui sont, de toute évidence, dirigées par elle?
M. Jean : Merci. C'est une excellente question. En septembre, lors de deux visites de haut niveau, nous avons annoncé un dialogue sur la primauté du droit en Syrie avec la Chine. Les Américains et les Britanniques ont établi un dialogue semblable il y a quelques années. Dans le cadre de ces échanges, nous discutons avec les Chinois du cyberespace et de la cybersécurité, soulignant au passage que dans l'environnement mondialisé régi par le droit commercial, il ne devrait pas y avoir de vol de propriété intellectuelle dans le cadre de cyberattaques.
Il y a quelques années, les Chinois auraient refusé de discuter de la question avec nous, mais ils sont maintenant disposés à le faire. Nombreux sont ceux qui pensent qu'à mesure qu'ils gagnent en importance au sein de la chaîne d'approvisionnement, ils devront protéger de plus en plus leur propriété intellectuelle. Ils accorderont un intérêt croissant à ces domaines.
Nous devons disposer d'une stratégie pour dialoguer avec les Chinois tout en nous protégeant. Bien des travaux ont été réalisés à cet égard, particulièrement sur le plan des systèmes gouvernementaux. De valeureux efforts ont été déployés en ce qui concerne certaines infrastructures essentielles, mais l'examen de la cybersécurité que le ministre de la Sécurité publique vient d'achever fournira bien des avenues qui pourraient peut-être nous permettre de déterminer encore mieux les domaines où nous pourrions nous protéger, assurer une meilleure protection de nos secteurs essentiels et peut-être mieux aider le secteur privé et les citoyens à se prémunir contre les cyberattaques et la mort virtuelle.
Le sénateur White : Nous sommes à la recherche de liens qui amélioreront les relations, commerciales ou autres. Pouvons-nous recourir à des sanctions si la Chine s'adonne à de telles activités? Il m'est difficile de me rapprocher de quelqu'un en qui je n'ai pas confiance. Or, je ne fais pas confiance à la Chine à l'heure actuelle; j'éprouve donc de la difficulté à avoir cette relation.
Je cherche à voir comment nous pouvons avoir une relation qui pourrait exiger une forme quelconque de menace sur le plan commercial si la Chine continue d'être active, comme nous savons qu'elle l'est. Je le sais grâce à l'exposé qui nous a été présenté. Le gouvernement du Canada détient des preuves de ces activités. Je suis certain que si vous étiez autorisé à nous en parler ici, ce que vous n'êtes pas, vous pourriez nous révéler directement certaines activités auxquelles la Chine s'adonne.
Il m'est très difficile d'être convaincu que nous serons en mesure de gérer la menace. Ne partagez-vous pas mon avis? Il fallait que je formule une question, comme dans un jeu-questionnaire.
M. Jean : En fait, je pense pouvoir faire mieux, car nos relations avec la Chine visent en partie à favoriser un bon comportement. Vous savez qu'il y a environ deux ans, le Conseil national de recherches du Canada a fait l'objet d'une cyberattaque de la part d'un acteur parrainé par la Chine. Le gouvernement s'est alors adressé à la Chine afin d'aborder la question avec elle. Compte tenu des relations que nous entretenons actuellement avec les États-Unis et le Royaume-Uni, la Chine a accepté de signer un accord où elle indiquait qu'elle ne ferait plus d'espionnage international.
Certains affirment que ce ne sera pas entièrement parfait, ce à quoi nos collègues des États-Unis et du Royaume-Uni répliquent que si un incident se produit dans l'avenir, nous pouvons au moins rappeler son engagement à la Chine.
Je pense que c'est un domaine où nous devons continuer d'entretenir des relations avec tous les pays, pas seulement la Chine, afin d'encourager un meilleur comportement. Parallèlement, nous devons disposer de nos propres mesures de protection pour protéger non seulement les systèmes du gouvernement, mais aussi nos infrastructures essentielles et les intérêts clés du secteur privé.
Le sénateur White : Merci de votre franchise.
Le mot « stratégique » apparaît souvent dans le mandat des sous-ministres ces temps-ci, particulièrement quand il est question de la sécurité nationale. J'essaie de comprendre où notre stratégie de sécurité nationale s'en va. Pourriez- vous nous expliquer brièvement où nous en serons dans les 3, 6 ou 12 prochains mois?
M. Jean : Je pense que l'examen que le ministre de la Sécurité publique vient de terminer sur la sécurité nationale, l'examen qu'il est sur le point d'achever sur la sécurité nationale et celui qu'il vient de finir sur la cybersécurité nous fourniront d'excellents éléments pour peaufiner notre stratégie de sécurité nationale.
Nous disposerons ainsi de bons outils fidèles à nos valeurs et à la primauté du droit, des outils qui nous permettront de cibler les menaces pouvant venir des terroristes ou du crime organisé.
Quand le président Obama était ici, au printemps, il a indiqué que nous en sommes arrivés à un point où il se commet plus de crimes dans le cyberespace que dans le monde analogue. Il s'agit de toutes sortes de crimes, allant du terrorisme aux activités criminelles et à la pornographie infantile. À mon avis, cela signifie que nous devons moderniser notre stratégie et nos outils pour affronter le nouveau monde dans lequel nous vivons.
[Français]
Le sénateur Dagenais : En 2015, notre comité avait recommandé que le gouvernement élabore et mette en place des pouvoirs législatifs clairement définis afin d'aider les organismes nationaux de surveillance de la sécurité. L'objectif était de favoriser un échange d'information opérationnelle plus fluide entre les différents organismes, et ce, dans le but de protéger la vie des Canadiens.
Pouvez-vous nous donner des précisions sur la position de votre gouvernement à l'égard de cette recommandation?
M. Jean : Faites-vous référence au rôle de conseiller à la sécurité nationale, afin de lui donner un rôle statutaire en vertu de la loi?
Le sénateur Dagenais : En fait, ce que nous espérions, c'est que l'information soit transmise avec plus de fluidité entre les différents organismes. Il y a différents organismes de sécurité au pays; cependant, ils ne communiquent pas nécessairement entre eux.
M. Jean : Tout d'abord, permettez-moi de vous en dire davantage sur le rôle statutaire du conseiller à la sécurité nationale. Mes collègues et moi croyons que les ministres ont des mandats très précis, en termes de législation, et que leurs sous-ministres et leur ministère les appuient à cet égard. Ainsi, il serait très difficile de confier un rôle statutaire au conseiller à la sécurité nationale, compte tenu du type de responsabilités qui y sont liées.
Cela étant dit, je travaille au sein du gouvernement depuis 34 ans, et je travaille depuis longtemps avec des agences comme le SCRS et la GRC. Une chose qui m'a surprise lorsque j'ai rencontré les responsables de ces agences, c'est à quel point nous avons fait du progrès et comment, maintenant, la GRC et le SCRS travaillent bien ensemble ainsi qu'avec les autres agences. J'ai constaté ce fait lors de rencontres individuelles avec les représentants de ces agences. Le directeur du SCRS et le commissaire de la GRC m'ont affirmé que la relation entre les deux agences n'a jamais été aussi bonne. Il existe des façons de s'assurer qu'il n'y ait pas de conflit lorsque des enquêtes sont lancées, qu'il s'agisse d'éléments d'exécution de la loi ou d'autres éléments qui sont de l'ordre du renseignement.
Pour m'assurer que toutes ces choses fonctionnent bien, chaque matin, lorsque j'arrive au travail, j'assiste à des séances d'information qui traitent des éléments principaux liés au renseignement à travers le monde et de toute question sensible qui provient du Canada ou de l'étranger. Si des mesures doivent être prises ou si je désire confirmer que des mesures ont déjà été prises, je peux immédiatement contacter mes collègues, individuellement ou ensemble, dépendamment des questions à examiner.
Chaque mercredi, j'ai à ma table les patrons des différentes agences, qu'il s'agisse du renseignement de sécurité ou des agences frontalières du ministère de l'Immigration. Nous discutons des enjeux liés à la sécurité nationale et nous nous assurons de bien travailler ensemble. Nous avons créé un comité qui élabore des politiques communes auquel tout le monde participe. De plus, s'il y a un enjeu particulier un matin, j'ai la possibilité d'organiser une réunion avec les acteurs principaux dans l'heure qui suit afin de discuter avec eux de la façon dont nous coordonnerons nos efforts.
Je suis en effet le conseiller principal du premier ministre sur ces questions, mais nous avons un intérêt commun à bien travailler ensemble. À mon avis, j'ai l'influence et le pouvoir de persuasion nécessaires pour pouvoir travailler de façon efficace avec mes collègues afin que l'information soit communiquée et que les mesures soient prises, et ce, sans que mon rôle n'ait à être enchâssé dans la loi. Durant une période de six mois, j'ai toujours été en mesure d'obtenir de l'information et de m'assurer que deux ou trois agences ciblent une question particulière, et ce, toujours dans le respect de leur mandat respectif et de leur indépendance respective.
Le sénateur Dagenais : Vous devez être au courant que le juge de la Cour suprême, M. John Major, qui avait présidé la commission d'enquête sur les attentats d'Air India, avait recommandé que le conseiller à la sécurité nationale ait le pouvoir de réglementer ou de coordonner les organismes. Je comprends que vous êtes d'accord avec cette recommandation?
M. Jean : Une bonne partie de ces recommandations ont été mises en place. Quant à la question d'enchâsser mon rôle dans la loi, en toute honnêteté, je ne suis pas certain que cela puisse nous aider davantage, car la collaboration entre les principaux acteurs de la communauté est excellente.
Le sénateur Dagenais : Je vous remercie, monsieur Jean.
[Traduction]
Le président : Juste pour apporter un éclaircissement aux fins du compte rendu, vous n'êtes pas en faveur pour l'instant de l'adoption d'un cadre législatif établissant la position et les responsabilités du conseiller national?
M. Jean : Ce que j'ai dit, c'est que je ne suis pas certain que cela me donnerait demain matin ce que je n'ai pas aujourd'hui.
Le président : Je suppose qu'il faut alors se poser la question suivante, que je considère importante : qu'est-ce qu'il se passe en cas de crise? Il ne s'agit pas ici des activités quotidiennes ou de la tenue d'une réunion lundi matin. La question, c'est si la loi vous confère ou non le pouvoir de diriger vos collègues d'une manière quelconque parce qu'une crise est en cours. Cela vous préoccupe-t-il? Cela pourrait survenir. Essentiellement, personne n'est aux commandes.
M. Jean : Il est parfaitement entendu entre nos collègues qu'en cas de crise, moi ou un de mes collègues tiendra une téléconférence avec tous les administrateurs généraux. En fait, nous l'avons fait dans une certaine mesure lorsque nous avons prévenu l'incident dans le Sud de l'Ontario. Dans ce contexte, je serais en mesure de m'assurer que les administrateurs généraux prennent toutes les démarches appropriées dans le cadre de leurs mandats respectifs.
Nous faisons toutefois quelque chose que nous ne faisions pas par le passé : après chaque incident, nous cherchons à déterminer ce que nous aurions pu faire différemment et tirons des leçons de l'incident dans ce qui s'appelle une « séance de rétroaction immédiate » dans le jargon de l'exécution de la loi.
À moins que vous ne commenciez à essayer de modifier les responsabilités actuelles qui relèvent manifestement des ministres et des sous-ministres aux fins de soutien, j'ai tous les rôles, toutes les responsabilités et toute l'attention nécessaires dans le milieu pour avoir les responsables au bout du fil en 15 minutes pour commencer à intervenir si une crise survient.
Le président : Je n'insisterai pas sur ce point.
Le sénateur Meredith : Merci beaucoup de comparaître cet après-midi. Pardonnez-moi d'avoir manqué votre exposé; j'arrive à peine de Toronto.
Une de mes questions porte sur les réfugiés syriens. Le Canada a accueilli plus de 37 000 réfugiés de ce formidable pays. En fait, jeudi dernier, nous étions tous invités à entendre des chants d'enfants syriens, et c'est leur amour du Canada qu'ils ont chanté. C'était très émouvant.
Mais au milieu de tout cela, les Canadiens se préoccupent du processus de filtrage de sécurité qui a été appliqué. Je crois comprendre que certains dossiers ont été mis de côté. Pourriez-vous nous indiquer combien? De plus, pouvez- vous garantir au comité et aux Canadiens qui nous regardent qu'on n'a laissé entrer au pays aucune personne ayant des liens avec des groupes radicalisés? J'aurai ensuite une question de suivi.
M. Jean : Lorsque le gouvernement s'est engagé à poser un beau geste tout en aidant la région, il a également beaucoup investi dans la région, comme vous le savez. En posant un beau geste afin de partager le fardeau et d'accueillir un certain nombre de réfugiés de cette région, le gouvernement a très clairement indiqué l'an dernier qu'il fallait agir tout en assurant la sécurité.
Nous agissons aux termes d'un cadre de priorité du renseignement, en vertu duquel nous avons immédiatement adapté les efforts déployés par nos organismes. Le SCRS et la GRC ont donc été relocalisés pour appuyer l'initiative. Dans le cadre de ce processus, nous avons pu repérer quelque 83 dossiers que nous n'avons pas traités à l'époque, mais ne me citez pas, car je n'ai pas le nombre exact.
Comme vous le savez, ces réfugiés sont au Canada depuis un an, et des Canadiens des quatre coins du pays se sont évertués à les aider à bien s'établir au Canada. Le risque zéro n'existe pas, mais vous pouvez constater qu'en un an, aucun incident n'est survenu. Pour autant que je sache, aucun des réfugiés que nous avons accueillis n'a été impliqué dans un incident criminel violent. En fait, des pays amis ont demandé récemment à des membres des services du renseignement de leur faire part de certaines des pratiques exemplaires que nous avons utilisées dans le cadre de cette initiative l'an dernier.
Le sénateur Meredith : Toujours dans la même veine, est-ce qu'un mécanisme ou une stratégie est en place pour assurer la surveillance? Certains réfugiés auraient encore des membres de leur famille en Syrie, et nous discutons des menaces intérieures que présentent les personnes soumises à une influence quelconque. Quel mécanisme est en place, le cas échéant?
M. Jean : À moins que les gens qui sont ici ne nous signalent des affiliations problématiques, les efforts visent à intégrer les réfugiés. Mais bien entendu, nous menons nos activités de renseignement habituelles grâce aux informations que nous transmettent nos partenaires. Si nous décelions des associations, nous mènerons une véritable enquête.
Le sénateur Meredith : Merci.
Le sénateur Oh : Merci, monsieur Jean. J'ai deux questions à vous poser. Tout d'abord, on propose d'instaurer en vertu de la loi un comité du renseignement constitué de parlementaires. Lorsqu'il sera créé, quel rôle jouera-t-il?
M. Jean : Comme je l'ai indiqué dans mon exposé, c'est une proposition que tous les membres du comité accueilleraient à bras ouverts. Comme n'importe quel acteur du domaine — le directeur du SCRS, le commissaire de la GRC et le président de l'Agence des services frontaliers du Canada —, nous jouerions un rôle dans la phase initiale en fournissant de bons renseignements sur l'application de notre boîte à outils en matière de sécurité nationale. Dans le cadre des activités du comité, nous lui transmettrions également de l'information sur le cadre des priorités du renseignement aux termes duquel nous travaillons, certaines de nos identités sur le plan de la sécurité nationale et quelques défis auxquels nous sommes confrontés. Comme bien d'autres, j'apporterai une aide substantielle à ce comité dans le cadre de ses travaux pour que les Canadiens sachent que les choses se font de manière responsable.
Pour revenir aux questions précédentes, très souvent, plusieurs organismes interviennent, et dans le rôle que moi et mon équipe jouons, nous utiliserons souvent le pouvoir de convocation pour présenter une histoire intégrée et exhaustive à la communauté au lieu de simplement offrir le point de vue du SCRS ou de la GRC.
Le sénateur Oh : On m'a indiqué — et dites-le-moi si je suis dans l'erreur — qu'en cas de crise nationale, nous n'avons pas d'unité d'intervention nationale au pays et qu'il n'existe aucun lien de communication permettant de transmettre l'information des grands centres urbains aux villes. Est-ce vrai?
M. Jean : Je ne pense pas que ce le soit. Je ne prétends pas que le système actuel est parfait, mais le ministère de la Sécurité publique, qui est responsable de la préparation aux situations d'urgence au Canada, est en contact avec les provinces et les territoires.
Le Centre des opérations du gouvernement est en rapport avec tous les autres centres des opérations. Il suffit d'observer la réaction dans le cas des incendies de Fort McMurray pour avoir une assez bonne idée des liens entre la Sécurité publique et la province de l'Alberta. En outre, dans les jours qui ont suivi, les efforts déployés entre le gouvernement fédéral et les municipalités ont été bien coordonnés.
Le sénateur Oh : On m'a dit qu'en cas d'attaque terroriste, l'information ne pourrait être transmise parce que tout le monde fait cavalier seul. Que ce soit à Mississauga ou à Toronto, chaque endroit dispose de sa propre unité d'intervention en situation d'urgence. Il n'existe pas de lien entre les diverses unités.
M. Jean : Si on prend l'exemple de l'incident qui s'est produit récemment dans le Sud de l'Ontario, dans le cadre duquel le SCRS, la GRC et des sources étrangères sont intervenus, il a fallu faire appel à la Police provinciale de l'Ontario et la municipalité locale, et en moins de 10 heures, l'opération était un succès.
Voilà pourquoi je dis dans ma réponse que ce n'est probablement pas parfait, mais je pense que rien ne serait inexact.
La sénatrice Jaffer : Nous procédons actuellement à des consultations nationales sur le projet de loi C-51, et je suis de ceux qui considèrent qu'on ne peut consulter la population à propos des droits. Nous avons la Charte des droits et libertés, et l'idée de consulter la population canadienne au sujet des droits me déplaît beaucoup. Ne vous méprenez pas sur le sens de mes paroles : je ne veux pas dire que nous ne devrions pas consulter les Canadiens, mais on applique en quelque sorte la règle de la majorité. Or, la Charte canadienne des droits et libertés protège expressément les droits des minorités.
Je voudrais qu'à titre de conseiller à la sécurité nationale, vous nous assuriez qu'après avoir reçu les résultats des consultations, vous veillerez encore activement à ce que la Charte soit suivie à la lettre. Nous savons que le projet de loi ne la suit pas.
M. Jean : Comme vous le savez, sénatrice, quand M. Goodale, ministre de la Sécurité publique, a lancé ces consultations, il a clairement indiqué qu'il voulait également examiner certains points préoccupants. Il voulait notamment s'assurer que tous les mandats du SCRS respectent la Charte, que rien n'empêche les citoyens canadiens de manifester et de défendre une cause de façon légale, et que la définition de « propagande terroriste » est ciblée et étroite. De plus, comme je l'ai fait remarquer, il faut que les gens puissent continuer de manifester légalement.
La sénatrice Jaffer : Alors même que vous tenez des consultations, je trouve très irritant que le SCRS, même après avoir été réprimandé par la Cour fédérale et s'être vu ordonner de ne pas conserver de données au Centre d'analyse de données opérationnelles, ne nous a pas donné de réponse claire, en ce qui me concerne. Ses représentants nous ont indiqué qu'ils ne recueilleraient plus de données, et je leur ai demandé de me fournir une réponse par écrit. Même ainsi, ils ne m'ont pas donné de réponse satisfaisante. Ils n'ont pas dit ce qu'ils feraient des données déjà recueillies sur les Canadiens innocents.
À titre de conseiller à la sécurité nationale, que ferez-vous pour vous assurer que le SCRS respecte la décision de la cour dans ce dossier?
M. Jean : Sénatrice, je pense que le directeur du SCRS a expliqué que ces données ont été isolées et ne sont plus utilisées.
Le ministre de la Sécurité publique a demandé au Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, l'organe de supervision, de surveiller la situation et de s'assurer que tout soit fait dans les règles de l'art.
Je pense en outre que lorsqu'il a comparu devant un autre comité la semaine dernière, il a expliqué que si les données étaient détruites maintenant, il fallait tenir compte du fait que la cour avait aussi critiqué le SCRS pour avoir détruit des renseignements de manière inappropriée. Dans ce contexte, il veut s'assurer que les données ne sont plus utilisées et sont isolées. Comme je l'ai expliqué, le ministre a demandé au CSARS de veiller à ce que cela se fasse correctement.
La sénatrice Jaffer : Si je comprends bien, « isolées » signifie que personne ne peut accéder aux données.
M. Jean : On ne peut y accéder ou les utiliser. Nous parlons ici de ce que le juge Noël a considéré inapproprié, c'est- à-dire la conservation des données. Nous devons nous rappeler que la cour a indiqué que l'accès à tous les mandats était légal. Ce que le juge Noël a critiqué, c'est la conservation des données connexes. Par exemple, en enquêtant sur quelqu'un, on peut tomber sur des données connexes, comme le numéro de téléphone ou l'adresse de courrier électronique d'une personne qui n'est pas visée par l'enquête. Le juge Noël a indiqué que ces renseignements ne devraient pas être conservés, du moins pas pour la période pour laquelle ils l'étaient.
Les données connexes ont donc été isolées et ne peuvent être utilisées, et on assurera une surveillance pour veiller à ce que tout soit fait adéquatement.
Si elles n'ont pas été détruites — comme le directeur l'a expliqué la semaine dernière, il me semble —, c'est parce que cela contreviendrait à d'autres décisions de la cour.
Le président : Pourrais-je poursuivre sur le sujet pour que nous ne le laissions pas tomber? Pour que tout soit clair sur le plan de la politique qui s'appliquera dans l'avenir, si on obtient, dans le cadre d'une enquête, l'adresse de courrier électronique ou le numéro de téléphone d'une personne qui n'est pas concernée par l'enquête, ces renseignements seront-ils détruits immédiatement ou conservés et détruits après une période donnée? Si c'est le cas, quelle est la politique?
M. Jean : S'il s'agit de données connexes visées par la décision de la cour, alors elles seront isolées, conformément à cette décision.
Le président : Cela ne répond pas à ma question. Ce que je veux savoir, c'est quand les données sont détruites. Existe-t-il un calendrier? Cela ne me semble pas bien compliqué. Si vous avez mon adresse de courrier électronique et que je ne suis pas visé par l'enquête, la détruirez-vous?
M. Jean : Comme le directeur l'a expliqué, le SCRS ne conserve plus les données connexes. Quant aux données qui ont un lien avec une enquête, elles ont été isolées.
Le président : Elles seront détruites un jour, n'est-ce pas?
M. Jean : Eh bien, à cet égard, le SCRS veut seulement s'assurer de ne pas contrevenir à d'autres décisions de la cour. Les données ne sont plus utilisées et ont été isolées. Le CSARS surveillera la situation.
Le sénateur White : En clair, donc, vous ne les détruisez pas. Elles sont encore conservées par un organisme du gouvernement fédéral. Voilà ce qui continue de préoccuper le commissaire à la protection de la vie privée : le fait qu'on s'approprie des renseignements de Canadiens. Vous n'êtes pas censés le faire, et quand la chose se sait, vous continuez de conserver les données. « Isoler » ne veut pas dire « détruire ». Vous conservez encore les données.
M. Jean : Je pense que le directeur du SCRS serait mieux placé que moi pour répondre à cette question.
Le sénateur White : Je n'accepte pas cette réponse, monsieur le président. M. Jean connaît la réponse.
La réponse, c'est que vous conservez encore les données. Est-ce exact?
M. Jean : La réponse, c'est que depuis le jour où la décision a été rendue, le SCRS s'y conforme.
Le sénateur White : Garde-t-il les adresses de courrier électronique? Conserve-t-il les renseignements qu'il nous a affirmé ne pas garder? Conserve-t-il ces données ou les détruit-il? Vous avez dit qu'il les isolait.
M. Jean : Les renseignements recueillis avant la décision ont été isolés et ne peuvent plus être utilisés.
Le sénateur White : Mais il les conserve encore. Il les a encore.
Le président : Chers collègues, nous n'allons pas nous disputer avec le témoin. Sénateur White, pour une simple question de suivi, la question est la suivante : quand allez-vous détruire les données au lieu de les isoler?
M. Jean : Comme je l'ai expliqué...
Le président : Non, mais quand? À quel moment seront-elles détruites?
M. Jean : Je l'ignore.
Le sénateur White : Monsieur Jean, en toute justice, j'ai au moins eu l'impression que vous avez répondu à la question. L'an dernier, il m'a semblé qu'elle était restée sans réponse.
Nous savons que les données sont conservées, alors qu'elles ne devraient pas l'être. Nous savons que le commissaire à la protection de la vie privée a déjà exprimé des préoccupations à ce sujet, mais ma question porte en fait sur l'évaluation de l'intégrité.
L'affaire Snowden nous a appris qu'un des problèmes, c'est le fait que les employés de la NSA ne faisaient l'objet d'aucune évaluation de l'intégrité. L'an dernier, quand j'ai interrogé le Centre de la sécurité des télécommunications et le SCRS à ce sujet, j'ai obtenu des réponses similaires : ils ne soumettaient toujours pas leurs employés à une évaluation de l'intégrité. Nous avons parlé des polygraphes et de bien d'autres choses.
Pouvons-nous nous attendre, dans le cadre d'une stratégie future, à ce que les organismes aient la responsabilité de soumettre leurs employés à une évaluation de l'intégrité?
M. Jean : Il faudrait que je consulte les organismes à ce sujet. Comme vous l'avez souligné dans votre question, les personnes embauchées font actuellement l'objet d'une vérification de sécurité. Dans ces organismes de nature très sensibles, ils doivent passer le test du polygraphe. Certains doivent se soumettre à ce test régulièrement. Leurs comportements sont surveillés si on note quoi que ce soit d'inhabituel.
Personne n'est à l'abri d'une menace interne, comme nous l'avons vu il y a quelques années dans l'affaire Delisle, dans la Marine. Mais pour l'instant, ce sont ces outils que nos organismes utilisent.
Le sénateur White : Je vous remercie de cette réponse, mais en fait, ils suivent les indications que vous leur donnez. Il me semble que le conseiller à la sécurité nationale pourrait avoir la responsabilité de leur prodiguer des conseils à propos des évaluations de l'intégrité dans l'avenir. Ces évaluations sont appliquées à l'échelle internationale également, et c'est une pratique courante dans les services de police. La ville de New York met en œuvre un formidable programme d'évaluation de l'intégrité.
Les gens se comporteront bien s'ils savent qu'ils sont surveillés. Je n'aime pas le dire, mais c'est la réalité, particulièrement dans les affaires à grand retentissement. M. Snowden n'aurait pas été aussi loin si la NSA l'avait soumis à une évaluation de l'intégrité. Elle l'aurait pincé bien avant.
Ne conviendriez-vous pas que les organismes devraient au moins envisager de recourir à des évaluations de l'intégrité, monsieur Jean?
M. Jean : Je pense que les organismes veulent être certains de disposer des meilleurs outils possible pour s'assurer qu'il n'y a pas de menace interne, et je me ferais un plaisir de discuter de la question avec eux.
Le président : Pourriez-vous nous tenir informés à ce sujet? Il serait logique que tous les organismes utilisent les mêmes évaluations d'intégrité qui sont imposées dans l'ensemble du gouvernement. Il est évident qu'il vaut la peine d'assurer le suivi à cet égard.
Le sénateur Meredith : Merci de témoigner. Vous conseillez le premier ministre en qualité de conseiller à la sécurité nationale. Pourriez-vous nous expliquer comment vous lui prodiguez des conseils sur les menaces à la sécurité nationale?
Le SCRS conseille également le premier ministre. Le fait-il par l'entremise de votre bureau? Comme nous entendons dire que le président élu, Trump, n'accepte pas de conseils sur les diverses situations, combien de fois par année le premier ministre reçoit-il cette séance d'information commune? À quel point y est-il réceptif en ce qui concerne les menaces à la sécurité des Canadiens?
M. Jean : Nous donnons régulièrement des séances d'information au premier ministre sur des points précis en ce qui concerne les questions relatives au renseignement. Le premier ministre actuel a décidé de...
Le sénateur Meredith : Quand vous dites « régulièrement », voulez-vous dire toutes les deux ou trois semaines?
M. Jean : Je le rencontre probablement une ou deux fois par semaine. C'est parfois pour parler d'affaires précises, alors qu'à d'autres moments, nous traitons de questions d'ordre général. Nous organisons des rencontres du Cabinet au cours desquelles nous discutons de certaines de ces questions.
Comme je le disais, le gouvernement actuel a décidé de créer un comité chargé du renseignement et de la gestion des urgences, lequel est présidé par le premier ministre. Ce comité se réunit régulièrement et étudie des questions cruciales afin de déceler les menaces et d'examiner les outils dont le Canada dispose pour les contrer.
Nous offrons aussi des séances d'information quotidiennes aux cadres supérieurs. Dès qu'une menace se fait jour, nous nous assurons que le premier ministre est informé. Vous pouvez imaginer que lorsqu'un incident comme celui du mois d'août se produit, il en est très rapidement informé au cours de la journée. Nous avons donc des entretiens réguliers avec le premier ministre, les principaux ministres et leur personnel.
Le sénateur Meredith : Le SCRS l'informe également par l'entremise de votre bureau?
M. Jean : Il fournit des renseignements, et si nous devons faire appel au directeur du SCRS ou à des experts clés, nous le faisons. Le Comité du Cabinet chargé du renseignement et de la gestion des urgences est composé de tous les principaux directeurs et des ministres. Le directeur du SCRS est donc là.
Le président : J'aimerais revenir à vos responsabilités quant aux relations canado-américaines. Notre comité a publié un rapport sur les missiles balistiques dans lequel il indiquait que le Canada devrait commencer à négocier avec les États-Unis afin de devenir un partenaire à part entière dans le cadre de la défense antimissiles balistiques en Amérique du Nord. Pouvez-vous nous dire si ces pourparlers ont commencé? Le gouvernement considère-il que nous devrions devenir des partenaires à part entière?
M. Jean : À cet égard, vous n'ignorez pas que c'est une des questions précises que le ministre de la Défense a posées dans le cadre de l'Examen de la politique de défense, dont il est en train d'évaluer le résultat. Il fera un énoncé de politique ultérieurement.
C'est un domaine où le gouvernement n'a pas encore pris de décision parce qu'il veut connaître l'avis de la population.
Le président : Je voudrais aussi revenir à l'incident impliquant M. Driver qui s'est produit dans le Sud de l'Ontario, auquel vous avez fait référence à quelques reprises. D'après ce que j'ai compris ou ce que les médias ont indiqué, ce jeune homme entendait commettre une attaque terroriste. Vous avez parlé d'une surveillance de 10 heures. Selon ce qu'a dit la presse, il semble que M. Driver ne faisait pas l'objet d'une surveillance régulière parce qu'il était connu des autorités. Est-ce exact?
M. Jean : Comme vous le savez, il devait respecter un engagement à ne pas troubler l'ordre public; il était donc soumis à un certain nombre de conditions, qui avaient été assouplies au fil du temps parce que son comportement semblait s'être amélioré. Certaines conditions avaient été abolies. Il devait toutefois encore respecter certaines conditions lorsque l'incident s'est produit.
Le président : Il n'était pas constamment surveillé.
M. Jean : Non, pas à ce moment-là.
Le président : J'aimerais revenir à la question des données. Vous vous êtes montré très franc, et je vous en remercie. Quand ces données seront-elles éliminées? Les personnes concernées seront-elles informées du fait que leurs renseignements ont été obtenus de manière illégale pour qu'elles sachent qu'ils ont été détruits? Pourriez-vous nous fournir cette information?
M. Jean : Cette une question, sauf le respect que je vous dois, que je dois transmettre au directeur du SCRS. Je ne crois pas avoir le mandat d'y répondre.
Le président : Mais vous êtes le conseiller national, et je suis sûr que vous voudriez en connaître la réponse; n'est-ce pas?
M. Jean : Je la transmettrai au directeur du SCRS.
Le président : Nous venons de passer une heure très intéressante. Nous vous sommes reconnaissants de votre présence. Nous sommes déjà impatients de vous revoir.
Nous accueillons notre deuxième groupe de témoins de la journée, le directeur parlementaire du budget, M. Jean- Denis Fréchette, accompagné de membres de son équipe : le directeur parlementaire adjoint du budget, M. Mostafa Askari; le directeur de l'analyse économique et financière, M. Jason Jacques; le directeur principal de l'analyse des coûts et des programmes, M. Peter Weltman. Aviez-vous besoin de toute cette aide?
Nous sommes heureux de l'accueillir dans le cadre de notre étude sur les questions relatives à l'examen de la politique de défense. Nous avons l'espoir d'en savoir plus sur son rôle dans l'examen des dépenses en matière de défense et leur vulgarisation parmi les Canadiens.
Jean-Denis Fréchette, directeur parlementaire du budget, Bureau du directeur parlementaire du budget : C'est notre première comparution devant votre comité. Voilà pourquoi nous sommes si nombreux. Nous étions tout excités à l'idée de comparaître devant vous.
[Français]
Merci, honorables sénateurs et sénatrices, de cette invitation à comparaître devant le comité afin de discuter avec vous du mandat du directeur parlementaire du budget et de certaines analyses que nous avons effectuées par le passé, ainsi que de celles qui sont en cours dans le domaine de la sécurité nationale et de la défense.
Comme je l'ai dit, c'est la première occasion pour l'équipe du Bureau du directeur parlementaire du budget de comparaître devant votre comité. Je me permettrai donc de décrire brièvement certains éléments de notre mandat et les changements proposés.
[Traduction]
Notre mandat législatif consiste à fournir au Sénat et à la Chambre des communes une analyse indépendante de l'état des finances nationales, du budget de dépenses du gouvernement et des tendances de l'économie nationale et d'estimer les coûts des propositions financières qui sont du ressort du Parlement.
Comme vous le savez, le gouvernement a l'intention de modifier la loi qui s'applique au directeur parlementaire du budget pour rendre la fonction indépendante de la Bibliothèque du Parlement et pour confier à son titulaire l'établissement des coûts des programmes des partis politiques. Nous attendons toujours le dépôt d'un projet de loi en ce sens. De plus, d'après l'Énoncé économique de l'automne du gouvernement, la nouvelle loi accordera au directeur parlementaire du budget un plus grand accès aux renseignements pertinents que détiennent les ministères et les sociétés d'État.
J'espère, monsieur le président, que cet accès plus grand se matérialisera, parce qu'il serait vraiment utile dans certains des domaines auxquels votre comité s'intéresse.
D'après notre mandat actuel, notre analyse vise à aider le Parlement à exiger que le gouvernement lui rende des comptes en informant mieux les sénateurs et les députés sur les mesures budgétaires qu'il présente. Nous ne formulons pas de recommandations dans nos rapports, pas plus que nous élaborons des politiques.
[Français]
En vertu de notre mandat, trois comités parlementaires, y compris le Comité sénatorial permanent des finances nationales, sont spécifiquement mentionnés dans notre législation et peuvent nous demander des recherches en ce qui touche les finances et l'économie du pays. Ce fut le cas récemment pour le président du Comité sénatorial permanent des finances nationales. À la demande des comités permanents sénatoriaux ou de la Chambre des communes, nous pouvons entreprendre des analyses portant sur les prévisions budgétaires. De plus, les comités ou les membres de l'une ou l'autre des deux chambres du Parlement peuvent nous demander d'évaluer le coût financier de toute mesure proposée qui relève de la compétence du Parlement. Nous pouvons aussi, bien sûr, entreprendre des études sous nos propres auspices.
Tous nos rapports sont rendus publics et sont affichés sur notre site web dès leur publication. Nous faisons parvenir un préavis de publication de 24 heures à tous les parlementaires. Le jour même de la diffusion du rapport, une séance d'information privée est généralement offerte aux parlementaires et à leur personnel.
L'équipe du Bureau du directeur parlementaire du budget comprend une quinzaine d'analystes, et son budget de fonctionnement annuel est de 2,8 millions de dollars.
[Traduction]
Certains de nos rapports récents comprennent une analyse des dépenses fédérales consacrées à l'éducation dans les réserves des Premières Nations et des aspects financiers de la légalisation du cannabis, susceptibles, je crois, d'intéresser le sénateur Carignan, qui a déposé un projet de loi sur la conduite avec les facultés affaiblies par la drogue.
Nous avons aussi publié Budget 2016 : Enjeux principaux pour les parlementaires, pour donner suite à l'Énoncé économique de l'automne du gouvernement. Nous publions régulièrement une analyse détaillée du Budget supplémentaire des dépenses et une actualisation sur le plan de dépenses du gouvernement dans le Suivi des dépenses, qui renvoie souvent au budget du ministère de la Défense nationale.
Deux fois par année, nous publions nos Perspectives économiques et financières, qui fournissent au Parlement une projection à court à moyen terme de la situation économique et financière canadienne. Une fois par année, nous publions notre Rapport sur la viabilité financière, qui expose un scénario à long terme visant à évaluer les perspectives à long terme de la dette publique, compte tenu de la politique financière en vigueur.
Le travail que nous avons entrepris dans les domaines de la défense et de la sécurité comprend l'estimation des coûts du programme des chasseurs F-35, une analyse des coûts de la sécurité au sommet du G8 et du G20 qui a eu lieu au Canada en 2010, l'estimation de la suffisance du budget du programme de navires de soutien interarmées et du projet des navires de patrouille extracôtiers et de l'Arctique ainsi qu'une analyse de la viabilité financière du programme de défense.
Nous travaillons actuellement à l'analyse de la suffisance du budget pour le programme du Navire de combat de surface canadien et, très récemment, nous avons commencé à examiner le mandat de l'examen d'un devis pour l'acquisition projetée par le gouvernement de chasseurs à réaction F-18 Super Hornet.
Je m'arrête ici, monsieur le président. Merci encore. Mes collègues et moi serons heureux de répondre à vos questions.
Le président : Merci.
La sénatrice Jaffer : Je vous remercie d'être ici et, aussi, pour votre travail très utile. Tous les rapports que nous consultons nous aident aussi. Merci beaucoup.
Dans un rapport récent, le vérificateur général a déclaré que le ministère de la Défense nationale éprouvait des difficultés à prévoir les coûts de fonctionnement et d'entretien de l'équipement nécessitant des dépenses importantes. Il a aussi déclaré que ça avait conduit à la surestimation de l'emploi de l'équipement, à la sous-estimation des coûts de soutien et à des besoins en personnel mal comblés.
Nous savons tous que les biens d'équipement sont très importants. Dans l'examen de la défense, l'état de nos ordinateurs me préoccupe particulièrement. Comment obtient-on les renseignements?
En votre qualité de directeur parlementaire du budget, utilisez-vous les données du ministère de la Défense ou créez- vous vos propres données? Comment les analysez-vous?
M. Fréchette : Quand nous avons accès aux données de la Défense nationale, nous les utilisons. Comme je l'ai dit dans mon exposé, c'est parfois plutôt difficile, personnellement, pour la détermination des coûts. Mais quand nous y avons accès, particulièrement pour le budget et ainsi de suite, nous les utilisons. Notre Suivi des dépenses précise quand nous avons pu accéder aux données publiques.
Certaines données de la Défense nationale utiles à l'établissement des coûts — par exemple, j'ai mentionné les navires — sont pour la plupart considérées comme confidentielles pour une raison que j'ignore, et ça crée des problèmes.
Mostafa Askari, directeur parlementaire adjoint du budget, Bureau du directeur parlementaire du budget : Essentiellement, nous utilisons, pour l'établissement des coûts, seulement les données de la Défense nationale ou celles de l'ensemble de l'administration fédérale. Elles doivent provenir de sources officielles. Nous ne pouvons pas vraiment en créer. Quand les données officielles du Canada nous étaient inaccessibles, il nous est arrivé de parfois utiliser l'information d'autres sources, à des fins de comparaison, ce qui nous a permis d'établir approximativement les coûts de certains éléments. Mais, d'ordinaire, il faut des données officielles.
La sénatrice Jaffer : Ça me donne vraiment du fil à retordre. J'ignore si vous pourrez me répondre. C'est au sujet du projet de loi C-22, sur le comité qui supervisera toutes les opérations de sécurité en général, et du fait que vous deviendrez un haut fonctionnaire du Parlement. Votre position le deviendra. Pourtant, ce nouveau comité ne pourra pas vous demander de renseignements. De ce que je comprends, vous ne pourrez pas lui fournir de renseignements essentiels en réponse aux questions concernant le gouvernement en matière de sécurité. Est-ce exact? Qu'en pensez- vous?
M. Fréchette : Je vous remercie pour la question. Vous avez raison. Je ne suis pas encore vraiment un haut fonctionnaire du Parlement...
La sénatrice Jaffer : Nous faisons semblant.
M. Fréchette : Comme je l'ai dit, nous espérons que la loi sera adoptée. Cela reste à voir.
Quant au comité, c'est vrai qu'il est limité dans sa capacité de demander des renseignements. C'est ainsi que nous le comprenons, pour le moment du moins.
La sénatrice Jaffer : Le comité est en train de se former, et j'entends beaucoup de professions de foi selon lesquelles il répond à tous nos problèmes, particulièrement, et ça m'inquiète, concernant la Charte canadienne des droits et libertés. Pourtant, n'est-ce pas qu'il est incapable d'obtenir des renseignements de vous ou du vérificateur général?
M. Fréchette : C'est parce que ce ne sera pas, proprement dit, un comité parlementaire. C'est vraiment ce qui le limite, comme je l'ai dit. La loi qui porte sur le directeur parlementaire du budget mentionne précisément trois comités parlementaires du Sénat et de la Chambre des communes, notamment le Comité sénatorial des finances nationales. Les autres comités ne sont pas considérés comme parlementaires. Je n'ai pas de véritable rapport avec eux, et il en sera de même avec ce comité.
Le sénateur Meredith : J'aurais posé à peu près la même question sur la loi qui vous concerne et, comme la sénatrice Jaffer, sur l'information que nous vous demanderions. Ça ne vous inquiète-t-il pas que cette loi nous empêche d'obtenir de vous ces renseignements? Comment contourner ce problème, dans un souci de transparence pour tous les Canadiens et de transparence des données? En fait, nous examinons cette politique. Nous savons combien coûtent les F-18, les navires et ainsi de suite, mais, quand vous serez haut fonctionnaire du Parlement, vous cesserez d'être accessible à cet égard. Comment l'expliquez-vous alors qu'on ne parle que de transparence?
M. Fréchette : Je ne l'explique pas. Je constate seulement qu'il existe une limite. Cela ne signifie pas qu'un comité comme le vôtre ne peut pas demander les renseignements, parce que vous êtes un comité sénatorial permanent. Vous pouvez demander à vous informer sur les coûts des F-18, par exemple. L'autre comité auquel la sénatrice Jaffer faisait allusion ne sera pas un comité parlementaire proprement dit.
Le président : Ça dépend donc vraiment des pouvoirs accordés par la loi pour peut-être avoir accès à des organisations comme la vôtre, n'est-ce pas?
M. Fréchette : Parlez-vous de la loi en vigueur?
Le président : Oui, si elle était modifiée pour permettre l'accès à vos services.
M. Fréchette : Votre comité peut demander au directeur parlementaire du budget d'établir les coûts de tout ce que vous voulez.
Le président : Je comprends. Je faisais allusion au comité de surveillance.
M. Fréchette : Le comité de surveillance?
Le président : Comme vous dites, c'est un comité séparé. Ce n'est pas un comité parlementaire. Si la loi autorisait l'accès à votre organisation pour profiter de ses compétences, ça permettrait de contourner l'obstacle que ce n'est pas un comité parlementaire, n'est-ce pas?
M. Fréchette : Oui, mais ce n'est pas ma décision.
Le président : Je comprends.
M. Fréchette : C'est entre les mains du Parlement.
Le sénateur Meredith : Comment cette loi, le cas échéant, touchera-t-elle vos rapports avec le vérificateur général selon le même point de vue?
M. Askari : Quelle loi?
Le sénateur Meredith : La nouvelle loi que propose le gouvernement.
M. Askari : Pour le directeur parlementaire du budget?
Le sénateur Meredith : Oui.
M. Askari : Je ne crois pas qu'elle modifie les rapports avec le vérificateur général. Au fond, le mandat du vérificateur général est quelque peu différent du nôtre. Il regarde le passé. Nous regardons l'avenir. Ça ne changera aucunement. La loi ne changera pas nos méthodes de travail. Elle modifiera le poste du fonctionnaire et l'accès à l'information ainsi que la durée du mandat.
M. Fréchette : Mais nous ne connaissons pas tous les détails. Il faut préciser que le vérificateur général possède sa loi et qu'il relève d'un comité permanent, celui des comptes publics de la Chambre des communes. Quant au directeur parlementaire du budget, il est assujetti à la Loi sur le Parlement du Canada, et indépendant d'après cette loi, mais il relève actuellement de la Bibliothèque du Parlement. C'est vraiment la différence. Cette loi, la Loi sur le Parlement du Canada, ne s'applique pas uniquement à lui, contrairement à la loi à laquelle est assujetti le vérificateur général.
La sénatrice Beyak : Merci encore, messieurs. Dans les travaux que vous avez pu terminer jusqu'ici, avez-vous pu reconnaître des écarts dans la capacité de financement au ministère de la Défense nationale?
Peter Weltman, directeur principal, Analyse des coûts et des programmes, Bureau du directeur parlementaire du budget : Ce genre d'étude que nous avons entrepris il y a environ un an et demi a révélé un manque de financement.
Attention, encore une fois, l'étude s'est déroulée à un niveau assez élevé, en parvenant à examiner la situation actuelle des forces, pour déterminer les besoins en équipement, en soldats, en appui, avec des projections sur 10 ans fondées sur ce que nous savions des budgets et dans l'hypothèse où la capacité ne changerait pas. Donc, on conservant le même nombre de soldats, en conservant l'équipement dans un état semblable de disponibilité opérationnelle, nous avons examiné les coûts à ce moment-là. Nous avons constaté que, avec l'effectif actuel de 68 000 soldats, le déficit serait assez important. Et nous avons aussi éprouvé des scénarios pour différentes structures des forces.
La sénatrice Beyak : Merci. Ça m'amène à une deuxième question sur les réservistes. Si nous devions former les 11 000 réservistes pour l'armée réelle, pouvez-vous en déterminer le coût?
M. Weltman : Nous n'avons pas chiffré précisément ce coût, mais nous pourrions le faire. Nous espérions refaire l'étude en tenant compte de l'éventuelle nouvelle politique de défense. Nous en tiendrons certainement compte.
La sénatrice Beyak : Merci beaucoup.
Le président : Puis-je poursuivre sur la question des réserves? Pendant votre étude, et j'ignore la teneur de l'étude sur les réservistes, avez-vous trouvé qu'il manquait de 10 000 à 11 000 soldats au moins, par rapport au nombre projeté pour faire partie des effectifs?
M. Weltman : Nous n'avons pas formulé de commentaires précis sur les réservistes. Nous avons plutôt examiné la politique du gouvernement à l'époque. Nous avons supposé que les effectifs de réservistes et de soldats à part entière correspondaient à la politique du gouvernement. Ç'a été notre hypothèse de départ pour l'établissement des coûts. Nous n'avons pas formulé d'observations sur l'état actuel des forces. Nous nous sommes plutôt servis d'un état hypothétique.
M. Askari : Si je peux ajouter, monsieur le président, que ces études se sont focalisées sur le financement et le budget et non sur d'éventuelles lacunes fonctionnelles. Ce n'est pas vraiment notre rayon. Nous n'examinons pas vraiment si nous disposons suffisamment ou pas de réserves. Notre travail se concentre vraiment sur l'établissement des coûts et le budget.
Notre mandat ne nous autorise pas à déterminer si le gouvernement a prévu suffisamment de réserves. Voici des questions auxquelles nous nous tentons de répondre : Combien ça coûte? Quel est l'écart dans les coûts? Vu la structure actuelle de notre système de défense, quel serait l'écart de financement dans le temps?
Le président : Chers collègues, j'ignore si certains sont mêlés, mais moi, je le suis un peu.
Prenons comme exemple les réserves. Il nous manque en gros 10 000 réservistes, actuellement, dans les effectifs militaires projetés et visés.
Êtes-vous en train de me dire que s'il nous manque 10 000 réservistes, vous n'en avez pas vraiment tenu compte dans les chiffres que vous, monsieur Weltman, avez produits sur la situation qui existait au moment où vous avez effectivement examiné les forces?
M. Weltman : Nous avons examiné la politique du gouvernement. Nous n'avons pas examiné en détail l'équilibre entre la Force de réserve et la Force régulière. Comme je l'ai dit, l'étude s'est déroulée à haut niveau. Nous avons travaillé avec les données qui nous étaient accessibles.
Notre concept était que notre programme de défense dispose de 68 000 réguliers et un nombre X de milliers de réservistes. C'est ce que dit la politique du gouvernement. C'est l'objectif. C'est ce que nous avons fait, et c'est en quelque sorte la structure de la force actuellement : tant d'avions, tant de navires et tant de chars. Je simplifie peut-être à outrance.
Le président : Non, soyez simple. Nous en sommes heureux. Nous ne voulons pas que vous nous déboussoliez.
M. Weltman : J'essaie d'être assez simple. Ensuite, bien sûr, il faut du personnel pour l'acquisition du matériel et en assurer le fonctionnement. Il faut donc du soutien. C'est vraiment ce à quoi ressemble la structure des forces. C'est la structure que le gouvernement a commandée. Nous savons que l'objectif n'est pas encore atteint, mais notre examen porte sur un horizon de 10 à 15 ans. Nous n'examinons pas la situation d'une année à l'autre. Alors, combien y a-t-il d'argent, aujourd'hui, pour financer les navires, les avions, les chars, le personnel et le soutien actuels? Qu'en sera-t-il dans 10 ans, par exemple? Quels sont, à notre connaissance, les budgets des 10 prochaines années? Y a-t-il un écart ou pas?
Je suppose, alors que j'entends ces réactions après coup, et j'en tiendrai sûrement compte, que, si nous ne sommes pas au niveau visé par la politique, un rapport ultérieur pourrait le mentionner. Mais ce n'était pas l'objet précis du rapport. Il s'agissait de déterminer si nous avions les moyens de nous offrir la politique, vu l'argent qui y a été alloué pour les 10 prochaines années?
Le président : Je pense que je comprends.
M. Weltman : Est-ce que nous brûlons?
Le sénateur Meredith : Il y a un déficit. Quelle était l'écart? Que faudra-t-il pour que les effectifs soient complets? Quel est ce nombre? Avez-vous cherché à le savoir? C'était la question importante.
M. Weltman : Non, nous n'avons pas cherché à le savoir. Merci de l'explication.
Le président : Vous pourrez faire un rapport à ce sujet assez rapidement.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Nous connaissons bien le rôle du vérificateur général au Sénat pour l'avoir étudié dans le passé, mais nous pourrions peut-être faire appel à votre bureau dans le cadre de nos travaux sur l'avenir du Sénat.
Lorsque vous devez remplir votre mandat d'examen auprès des différents ministères, en particulier celui de la Défense nationale, quels sont les défis auxquels vous faites face? Pour bien paraître, essaie-t-on parfois de vous cacher certaines choses? Lorsque vous entamez des travaux au sein d'un ministère dans le cadre de votre mandat, vous ouvrez tous les livres. Par exemple, dans le dossier de l'achat des appareils Super Hornet ou des CF-35, comment cela se passe- t-il?
M. Fréchette : Comme dans toute bonne famille, il y a des gens avec qui il est plus difficile de faire affaire. Non seulement devant les comités du Sénat ou de la Chambre des communes, on me demande toujours quels sont les bons et les moins bons ministères.
Avec le ministère de la Défense nationale, c'est un peu difficile, on en a parlé auparavant, mais nous entretenons une bonne relation. Peter, par exemple, a de bonnes relations avec les gens à l'interne. J'entretiens moi-même une excellente relation d'entité à entité, mais il semble que, lorsque les demandes sont plus officielles, comme celle qui a été rendue publique vendredi dernier sur les coûts d'acquisition des F-18, on attend toujours une réponse. Dans le cas de plusieurs demandes de ce genre, il existe une culture qui fait en sorte que ces renseignements deviennent soudainement confidentiels.
[Traduction]
Dans les réponses des ministères, on lit presque à toutes les deux semaines le motif « document confidentiel du cabinet. »
[Français]
Il semble y avoir ce genre de culture-là. Comme nous l'avons mentionné, nous sommes en train de faire les calculs liés aux navires. Nous recevons de l'information qui provient surtout des États-Unis. Toute cette information est publique aux États-Unis, alors qu'ici, c'est beaucoup plus difficile de l'obtenir.
Vous me demandez quel est l'état des relations que nous avons : elles sont bonnes sur le plan interindividuel, mais au chapitre des relations officielles, lorsque nous avons des demandes à faire, c'est plus difficile.
Cela étant dit, pour préciser, le directeur parlementaire du budget ne peut que demander de l'information, selon la loi. Je n'ai pas de moyen coercitif pour obtenir ces renseignements, si ce n'est un recours parlementaire qui m'a été octroyé en 2015 par le Comité de la Bibliothèque du Parlement.
Le sénateur Dagenais : Vous l'avez mentionné, les rapports sont plus compliqués parfois avec le ministère de la Défense nationale. On pourrait dire qu'il s'agit pour vous d'essayer de déterminer un peu l'avenir, non pas en cachette, mais en ayant moins de possibilités de sonner l'alarme. Certains observateurs estiment que les décisions pourraient être erronées. Est-ce que vous ne craignez pas parfois, lorsque vous recevez des réponses plus ou moins claires et que vous devez prendre des décisions concernant les budgets qui ont été accordés, que vos décisions soient erronées? Prenons par exemple le cas de l'achat des Super Hornet. Comme vous le mentionnez vous-même, vous ne connaissez peut-être pas les coûts liés à l'entretien ni ne savez quelles pièces sont en fin de vie, et cetera. Ne trouvez-vous pas que cela vous met dans une position où, parfois, vos décisions pourraient être erronées?
M. Fréchette : Vous voulez dire les résultats? Effectivement, les résultats peuvent être moins détaillés et moins fiables qu'ils pourraient l'être si nous avions accès à toute l'information. Cela dit, nous avons adopté une approche depuis un certain temps selon laquelle, en dépit du fait que nous n'ayons pas été en mesure d'obtenir l'information voulue, nous avons développé un modèle qui nous permet de faire une approximation des coûts de façon relativement précise. Cependant, nous le mentionnons, en précisant que cela fait partie des limites de l'analyse comme telle. C'est la seule chose qu'il nous est possible de faire.
[Traduction]
Le sénateur White : Merci. Ma question, en fait, porte sur les coûts du cycle de vie. Lorsque nous avons suivi, il y a quelques années, le processus des F-35, nous avons parlé de cycle de vie. J'ignore s'il était de 20 ou de 40 ans.
M. Fréchette : Il était de 30 ans.
Le sénateur White : Je savais que ça se situait dans ces parages. Nous avons parlé de coûts du cycle de vie, et beaucoup de parlementaires et beaucoup de Canadiens ont été scandalisés, parce que, soudainement, le chiffre était beaucoup plus élevé qu'ils croyaient.
Je n'ai pas vu les coûts du cycle de vie pour le nouvel achat de Super Hornet. Le directeur parlementaire du budget envisage-t-il de faire une analyse des coûts du cycle de vie des Super Hornet, comme ç'a été fait pour les F-35?
M. Fréchette : Nous travaillons au mandat.
M. Weltman : Nous examinons les coûts à l'acquisition et les coûts du cycle de vie. Le cycle de vie est complexe. L'examen des F-35 s'est fait à très haut niveau parce que, encore une fois, l'avion était en train d'être mis au point. On en savait très peu à son sujet.
Notre démarche, que nous continuerons de suivre, a été d'examiner la vie utile de l'appareil. Nous sommes des financiers, pas des pilotes d'avions de ligne ou d'avions à réaction. Je suis financier. Si j'achète un bien, je m'attends à une certaine longévité de ce bien. J'amortirai le coût sur la période que le bien durera.
Les F-18 ont duré plus de 30 ans, certains d'entre eux plus de 36. Nous avons fait des vérifications auprès du fabricant et auprès de nos partenaires de l'OTAN pour trouver le nombre probable d'heures de vol d'un F-35, ce qui nous a donné le résultat de 30 ans. Ce n'est pas que nous cherchions un nombre plus élevé; c'était la durée de vie du bien.
D'autre part, une période plus courte d'amortissement augmente l'amortissement annuel et accélère le remplacement du matériel. Globalement, les montants ne différeront pas tellement, d'une façon ou de l'autre.
Le sénateur White : Merci. J'ai effectivement apprécié l'établissement des coûts du cycle de vie des F-35 et je pense que cette analyse s'impose pour tous nos achats.
Un deuxième élément vient s'ajouter, parce que nous utiliserons deux plateformes. Avons-nous tenu compte des coûts de la double plateforme d'un Super Hornet par rapport au F-18? Ou est-ce que ça fait partie maintenant de votre analyse?
M. Weltman : Ça fait partie de l'analyse. Nous avons demandé au ministère de la Défense de nous fournir toutes les données sur les coûts dont il pourrait disposer sur l'acquisition et le maintien en puissance. Nous lui avons aussi demandé de nous communiquer toute modification des coûts reliés à l'intégration d'une nouvelle plateforme dans son processus actuel. C'était il y a à peine une semaine. Je pense qu'il faudra un certain temps.
D'après mes contacts officieux avec mes sources habituelles, le ministère réfléchit à la façon de délimiter la portée de la réponse, parce que nous savons que c'est important. Il se peut que nous ayons à produire deux rapports séparés, le premier sur l'acquisition, puis, dès que nous disposerons de meilleures données sur l'exploitation et le maintien en puissance, le deuxième.
L'avantage est qu'on possède beaucoup de données un peu partout sur le maintien en puissance. L'Australie exploite ces avions depuis longtemps. Je sais qu'elle possède des données et elle vérifie actuellement si elle peut nous les communiquer.
M. Fréchette : Pour obtenir de plus amples renseignements, on peut aller sur notre site web, où se trouvent toutes les demandes et les lettres d'information que nous envoyons aux ministères. Celle-ci a été publiée le 8 décembre, et vous verrez les listes pointées et les deux demandes, exactement les détails que nous avons demandés au ministère. Les intéressés peuvent visiter notre site.
Le sénateur White : Merci. Enfin, ces détails, c'est pour quand? Je sais que, pour les F-35, nous avons reçu des renseignements avant de les acheter, ce qui était spectaculaire. Je pense que ça nous a donné à tous la chance d'en discuter plus franchement, et je pense que ç'a certainement alimenté deux années de discussions.
Je sais que, dans ce cas, nous n'aurons probablement pas de renseignements avant l'acquisition. J'essaie simplement d'avoir une idée du moment où nous pouvons nous attendre à ces détails. Une date précise, si vous voulez bien.
M. Weltman : Je suis optimiste. Je crois bien que nous pourrons les obtenir dans un proche avenir, parce que l'avion vole depuis un certain temps. Beaucoup de données ont été rassemblées. Notre outil de modélisation intègre déjà certains calculs. Je croise donc les doigts pour que ça se fasse rapidement, en quelques mois, plutôt que les 10, je pense, qu'il nous a fallu pour les F-35.
Le sénateur White : Merci.
Le président : Je vais suivre aussi ce filon, parce que je pense que c'est important. D'après mes renseignements, cette plateforme, celle du Super Hornet que nous envisageons d'acheter, arrivera à son terme dans un très proche avenir.
Dans votre analyse des coûts, tenez-vous compte qu'il n'y aura pas d'appareil de remplacement ni diverses autres choses nécessaires au fonctionnement des appareils au cours de leur durée de vie?
Ma question, au nom des Canadiens, est de savoir si nous achetons deux avions au lieu d'un seul pour pouvoir le réparer quand il éprouve des problèmes. En tenez-vous compte?
M. Weltman : Oh, oui! Absolument! La grande question est que, si nous achetons ces Super Hornet, pendant combien de temps prévoyons-nous les garder? La production de pièces de rechange et de ce genre de matériel est censée s'arrêter en 2017 ou en 2018. C'est possible plus tard si les commandes le justifient.
Nous ferons une étude rétrospective pour savoir ce qu'on a fait dans d'autres programmes, quand la situation était semblable. Ce n'est pas le premier avion de combat à réaction qu'on construit. Beaucoup ont connu cette sorte de situation. Nous tiendrons compte de tout ce qui se produit ordinairement dans ce genre de situation.
Le sénateur Meredith : Je reviens à la question du sénateur Dagenais concernant les difficultés d'accès à l'information. Dans le projet de loi, que souhaitez-vous à l'égard des obstacles? Vous avez dit que, parfois, vos demandes de renseignements ne sont pas exaucées. Que pourrait faire la loi pour vous procurer un accès plus grand et plus rapide à des renseignements gratuits?
Vous avez dit que 15 analystes travaillaient pour vous. La sénatrice Jaffer a posé une question importante sur la composition de ce groupe, parce qu'aucune femme ne se trouve dans votre délégation. C'est très important pour les possibilités d'avancement dans votre service. Faites-vous appel à des analystes de grands cabinets d'expertise comptable pour vous aider dans votre travail?
M. Fréchette : La semaine dernière, le comité sénatorial des droits de la personne m'a posé beaucoup de ces questions.
Parmi nos 15 analystes, nous avons des femmes, et d'autres ne sont pas analystes; des femmes font de l'analyse et toutes sortes de travaux. Le recrutement n'est pas seulement sexospécifique. Les candidats doivent pouvoir répondre aux exigences de l'emploi, et ainsi de suite.
Au sujet de la loi à venir, nous ne savons pas encore, comme je l'ai dit, ce qu'elle nous réserve pour l'accès à l'information. Ce que j'ai dit sur un accès plus grand provient seulement de ce que nous avons entendu ou de ce que nous avons lu dans l'Énoncé économique de l'automne et aussi dans la lettre de mandat du leader du gouvernement à la Chambre des communes, ce qui était une promesse électorale du Parti libéral.
L'important sera une distinction claire de ce à quoi nous pouvons avoir accès. Avons-nous accès aux documents confidentiels du cabinet? Je ne veux pas savoir ce dont on a discuté et ainsi de suite, mais s'il s'agit simplement de données sans commentaires pour les étoffer, je voudrais que la loi le précise.
Comme je l'ai dit, pour le moment, mon prédécesseur s'est adressé aux tribunaux pour avoir accès à des renseignements et les obtenir ou, du moins, il obtiendra un jugement qui lui permettrait d'accéder à tous ces renseignements.
J'ai une solution parlementaire. En 2015, le comité de la Bibliothèque du Parlement m'a proposé d'écrire, chaque fois qu'un ministère me ferait des problèmes, aux trois comités permanents mentionnés dans la loi, le Comité sénatorial des finances nationales, le Comité des finances de la Chambre des communes et le Comité des comptes publics, pour leur demander d'invoquer leurs pouvoirs absolus pour réclamer documents et témoins, c'est-à-dire vos pouvoirs, pour m'aider, moi, le directeur parlementaire du budget, à accéder aux données.
Jusqu'ici, nous n'avons pas utilisé ce moyen. Si, en fin de compte, c'est le seul mécanisme utilisable, la loi devrait peut-être l'autoriser ou prévoir un mécanisme semblable. Il devrait être consacré dans la nouvelle loi.
Le sénateur Meredith : Pour produire des données qui sont dans l'intérêt de tous les Canadiens et de nos comités, pour la prise de décisions ou la justification d'un achat, pour vous adresser aux tribunaux — c'est quand même étonnant que vous deviez le faire pour obtenir l'information dont vous avez besoin — et pour administrer votre bureau, quelle sorte de coûts tout ça entraîne-t-il?
Monsieur Jacques, vous n'avez encore rien dit. Peut-être voulez-vous intervenir sur ce point. J'essaie seulement de vous accorder la parité.
Jason Jacques, directeur, Analyse économique et financière, Bureau du directeur parlementaire du budget : La parité pour tout le monde. C'est très apprécié.
Le sénateur Meredith : J'aime l'égalité.
M. Jacques : Comme M. Fréchette l'a dit, notre budget a été fixé à 2,8 millions de dollars depuis la création du bureau, en 2008.
Comme vous l'avez dit, ayant travaillé pour le bureau pendant la période où il avait décidé d'engager un recours judiciaire, c'est très coûteux et ça prend beaucoup de temps.
Le sénateur Meredith : Nous parlons ici de l'argent des contribuables.
M. Jacques : Nous en sommes très conscients.
Bien sûr, nous n'avons pas d'idée très claire de ce à quoi ressemblera exactement la loi, comme M. Fréchette l'a dit. En même temps, compte tenu des promesses électorales et des promesses plus récentes du gouvernement dans son Énoncé économique de l'automne, nous avons une idée rudimentaire des changements proposés pour le bureau et, à partir de là nous avons publié une analyse de rentabilisation.
Compte tenu des modifications éventuelles, notamment l'établissement des coûts des programmes électoraux, nous avons publié une analyse de rentabilisation pour montrer à quoi pourraient ressembler certains des changements du bureau, et les coûts associés. Je crois que nous envisagions des coûts supplémentaires de près de 2 millions de dollars par année.
Le sénateur Meredith : Est-ce que la loi est une solution? Vous avez essayé la collaboration, monsieur Askari, avec les chefs de service et pour la demande de renseignements. À part une loi, pourriez-vous utiliser d'autres mécanismes?
M. Askari : La loi est un premier volet, le plus important, parce qu'il oblige les ministères à respecter certaines règles, certains règlements.
L'une des insuffisances de la loi en vigueur est son libellé peu contraignant et très général. Il est parfois très précis, parce qu'il ne parle que de données financières alors que nous, souvent, nous avons besoin de plus que de données seulement financières.
Par exemple, pour l'établissement des coûts d'un chasseur à réaction ou d'un navire, il faut obtenir du ministère de la Défense d'autres types de renseignements sur les exigences de ces appareils. Il ne s'agit pas seulement de données financières. Il y a des exigences.
Ce genre de précisions, la loi doit en parler. Ensuite, il faut que nous ayons un recours pour obliger les ministères récalcitrants à fournir les renseignements demandés. C'est le maillon faible de la loi, et nous espérons que le gouvernement y remédiera.
M. Fréchette : À titre d'information, monsieur le président, le vérificateur général a conclu un protocole d'entente avec les ministères et le Conseil privé, qui lui accorde plus de pouvoir pour accéder à l'information. J'ignore si ce protocole d'entente est toujours parfaitement efficace, mais, au moins, un mécanisme est en place.
Mostafa a fait allusion au Bureau de la responsabilité financière de l'Ontario, qui est l'équivalent, pour cette province, de notre Bureau du directeur parlementaire du budget. Jason peut vous en parler. C'est lui qui, là-bas, a contribué à élaborer la loi et à la mettre en œuvre.
La loi ontarienne est un peu plus limpide que la nôtre, même si elle s'en inspire, et elle a suppléé à l'absence, dans la nôtre, de mots comme « renseignements », alors que la nôtre n'a que le mot « données ». Cet ajout, et d'autres, ont apparemment aidé mon homologue ontarien à accéder aux renseignements. Il possède aussi un peu plus de pouvoir, parce qu'il relève d'un comité permanent, le Comité des finances, qui peut lui fournir ce genre d'accès.
La sénatrice Beyak : Au cours des années, beaucoup de témoins nous ont dit que certains de nos alliés possédaient une stratégie militaire qui survivait aux élections, peu importe le parti qui prenait le pouvoir, conservateur, néo- démocrate ou libéral. Le gouvernement change, mais la stratégie militaire — objectifs, théâtres des combat ou, encore, choix du matériel à acheter — ne dévie pas.
Est-ce que ça permettrait au Canada d'économiser? Je le crois, et j'ai écouté très attentivement ces témoins. Nous semblons gaspiller beaucoup d'argent — que les contribuables écoutent bien — à refaire les contrats qu'un gouvernement antérieur a conclus, simplement parce que nous le pouvons. Tous les gouvernements semblent également coupables.
Vous, les esprits financiers, y voyez-vous un avantage?
M. Fréchette : Esprits financiers et esprits politiques.
M. Askari : En principe, la stabilité et la certitude des achats reviennent moins cher. Si on modifie sans cesse ses exigences et ses objectifs, il faut alors refaire les contrats et chercher à obtenir d'autres biens qui risquent de coûter plus cher.
C'est le plus loin que je peux m'avancer, mais le reste est question de décision stratégique prise par le gouvernement au pouvoir.
La sénatrice Beyak : Merci. Quelqu'un d'autre a-t-il des observations?
Le président : Non, je ne crois pas.
Chers collègues, la conclusion de cette partie de la séance arrive bientôt, et nous avons une motion que je voudrais que nous traitions avant la suspension des travaux, mais j'ai une autre question sur les Super Hornet.
Dans votre analyse, évaluerez-vous le fait qu'il semble n'y avoir qu'un marché à fournisseur unique pour l'achat de ces appareils, et, de ce fait, ce marché nous en donnera-t-il pour notre argent, par rapport à un marché qui aurait mis en concurrence d'autres fournisseurs? Est-ce que ça fera partie de l'évaluation?
M. Askari : Malheureusement, il n'existe pas vraiment assez de renseignements sur le coût de l'attribution du marché à un fournisseur unique. Quand nous avons préparé notre rapport sur les F-35, nous nous sommes notamment posé la question, sans pouvoir lui trouver de réponse satisfaisante, parce que, selon certaines indications, certains renseignements et certains résultats de recherche, ce genre de marché pouvait entraîner des surcoûts de jusqu'à 18 p. 100, mais nous n'avions pas assez de données pour communiquer un chiffre sûr aux parlementaires, à l'époque.
La même situation se présente peut-être encore, dans ce cas-ci, parce que, d'abord, c'est sujet à négociation entre le gouvernement et Boeing, et que nous ne connaissons pas exactement l'issue de cette négociation ni le prix qu'en tirera l'avionneur. Il est très difficile pour nous de chiffrer exactement les économies que permet un fournisseur unique ou les résultats qu'il permet d'obtenir.
Le président : Chers collègues, nous avons ici une motion que je voudrais que nous prenions en considération avant de suspendre les travaux. Si personne d'autre n'a de question, je voudrais autoriser nos témoins à se retirer. Je tiens à remercier M. Fréchette et sa délégation, dont le témoignage a été très intéressant. Nous sommes impatients de vous revoir, et notre comité pourra discuter de la possibilité de vous confier du travail, en son nom, sur les déficits de capacité militaire. Vous pourrez recevoir de nos nouvelles dans un avenir proche.
Chers collègues, passons à une motion que la vice-présidente présentera au comité. Elle concerne l'accord conclu sur la composition des comités par suite des modifications survenues dans le personnel du Sénat. Vous en avez le texte. Nous serons tenus de l'adopter au Sénat pour passer de neuf à douze membres.
La sénatrice Jaffer : Voici la motion :
Que, conformément à l'ordre adopté par le Sénat le 7 décembre 2016, le nombre de membres du Sous-comité du programme et de la procédure soit augmenté par un membre sans droit de vote choisi parmi les sénateurs qui ne sont pas membres d'un parti reconnu, à désigner après les consultations d'usage.
Le président : Chers collègues, je devrai présenter à nouveau la motion dont j'ai parlé, qui parlait, en général, d'augmenter de trois le nombre de membres du comité, d'après ce que je comprends, mais cette motion-ci concerne le comité de direction, visé par les accords qui ont eu lieu entre les partis, à la Chambre.
Je pense que la motion est assez claire. La sénatrice Jaffer propose que nous augmentions d'un le nombre de membres du comité de direction.
Êtes-vous d'accord? Quelqu'un s'y oppose-t-il? Adopté.
Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, dans le cadre de son étude sur les questions relatives à l'examen de la politique de défense, est heureux d'accueillir son troisième groupe de témoins de la journée, par vidéoconférence. Il s'agit du brigadier-général Michael Nixon et du lieutenant-colonel Luis Carvallo, commandants, respectivement, du Commandement de la Force opérationnelle interarmées (Nord) et du 1er Groupe de patrouilles des Rangers canadiens.
Le Commandement des opérations interarmées du Canada surveille six commandements qui, d'un bout à l'autre du pays, assurent le commandement et le contrôle à la force d'intervention militaire déployée dans des opérations au Canada. L'une de ces forces est la Force opérationnelle interarmées (Nord), chargée des opérations dans le Yukon, les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut. Cette zone de responsabilité d'environ 4 millions de kilomètres représente 40 p. 100 de la surface émergée du Canada et 75 p. 100 de son littoral.
Messieurs, soyez les bienvenus.
Brigadier-général Michael Nixon, commandant, Force opérationnelle interarmées (Nord), Défense nationale et Forces armées canadiennes : Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, mesdames et messieurs, bonjour.
Tout d'abord, merci de nous donner la possibilité de vous parler de questions de défense et de sécurité dans le Nord, une région qui me passionne beaucoup.
Comme vous l'avez entendu, je suis le commandant de la Force opérationnelle interarmées (Nord), l'une des formations relevant du Commandement des opérations interarmées du Canada, le COIC. Comme vous l'avez aussi entendu, je suis accompagné du lieutenant-colonel Luis Carvallo, commandant du 1er Groupe de patrouilles des Rangers canadiens.
La zone de responsabilité de la Force opérationnelle interarmées (Nord), comme le président du comité l'a dit, est extrêmement étendue. Elle est à peu près de la taille de l'Union européenne, mais sa population équivaut seulement à celle de Kingston, en Ontario, c'est-à-dire 118 000 habitants. C'est donc une population dispersée sur une vaste superficie.
[Français]
La zone de responsabilité de la Force opérationnelle interarmées (Nord) comprend le Yukon, les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut.
[Traduction]
En ma qualité de commandant de la Force opérationnelle interarmées (Nord), mes priorités sont assez simples : préparer, planifier et mener des opérations; bâtir et maintenir la connaissance de la situation dans la zone de responsabilité; élargir et renforcer les partenariats régionaux; soutenir les Rangers canadiens et le programme des Rangers juniors canadiens; soutenir le personnel de l'Équipe du Nord; tout aussi important, me faire le champion des projets des infrastructures nécessaires.
L'Équipe du Nord désigne tous les membres du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes qui vivent et travaillent dans le Nord. Deuxième présence fédérale en importance dans le Nord, elle emploie presque 300 militaires et civils et se compose du quartier général de la Force opérationnelle interarmées (Nord), y compris un détachement dans chacune des capitales des deux autres territoires, Whitehorse et Iqaluit.
Le reste de l'équipe est constitué du 1er Groupe de patrouilles des Rangers canadiens, du 440e Escadron, de la compagnie C, du Loyal Edmonton Regiment et des groupes de Rangers juniors canadiens et cadets.
Comme vous le savez peut-être, l'engagement dans le Nord et les intérêts politiques du Canada reposent sur quatre piliers qui orientent notre planification opérationnelle. Il s'agit de la souveraineté; du développement économique et social; de la protection de l'environnement; et, bien sûr, de la gouvernance.
[Français]
La principale menace opérationnelle pour la zone de responsabilité de la Force opérationnelle interarmées (Nord) est le climat.
[Traduction]
La température peut descendre à moins 55 degrés Celsius pendant les mois d'hiver, et la météo peut avoir un effet négatif sur l'équipement et le personnel. Comme partout ailleurs sur le globe, il existe un risque de catastrophes naturelles, par exemple des feux de végétation, des tremblements de terre et des inondations. Il importe aussi de noter que si le degré de vulnérabilité est élevé en raison de ces conditions climatiques particulières et de la dispersion de la population, le degré de résilience et de préparation est également élevé dans ces trois territoires, ce qui permet d'atténuer la plupart de ces risques.
[Français]
Les Forces armées canadiennes sont l'organisme responsable de la prestation de services de recherche et de sauvetage maritime et aéronautique. Elles fournissent aussi de l'aide aux provinces et aux territoires relativement aux incidents de recherche et de sauvetage au sol, sur demande, dans la mesure de leurs capacités et avec les ressources qui leur ont été octroyées.
[Traduction]
Quand un appel parvient à un centre conjoint de coordination des opérations de sauvetage pour une demande d'assistance dans une opération de recherche et de sauvetage au sol, cela peut déclencher le déploiement d'un aéronef de recherche et de sauvetage, ou de tout autre bien des Forces armées canadiennes considéré comme une ressource secondaire. Le centre conjoint de coordination des opérations de sauvetage responsable peut également dépêcher un navire ou un aéronef local utilisé dans la région de la recherche pour contribuer à l'opération.
Notez qu'en 2015, des nombreuses interventions de recherche et de sauvetage effectuées partout au Canada, moins de 5 p. 100 de celles dirigées par les Forces armées canadiennes se sont produites au nord du 55e parallèle, ce qui est à peu près la hauteur de Grande Prairie, en Alberta.
Parmi les autres missions d'intervention d'urgence possibles, on retrouve les grandes catastrophes aériennes ou maritimes — pour lesquelles on a dressé des plans de contingence —, les crises liées à l'infrastructure dans les collectivités, les réapprovisionnements d'urgence des collectivités et les crises sanitaires.
Bien qu'il s'agisse d'une des formations et d'une des six forces opérationnelles interarmées régionales, la Force opérationnelle interarmées (Nord) est différente des autres, précisément parce qu'elle n'a pas de mandat pour la mise sur pied d'une force. Il s'agit plutôt d'une petite organisation dotée d'un personnel limité, chargée de la planification, de la coordination, du commandement et du contrôle, qui se sert de biens provenant de formations et d'unités situées au Sud, ou des autres forces opérationnelles interarmées régionales.
Pour les opérations dans le Nord, on fait appel aux soldats, aux marins, aux aviateurs et aux aviatrices des trois services. Par exemple, la Marine royale canadienne intervient dans les eaux du Nord toute l'année, surtout en été, et dans la glace en hiver, avec ses unités de plongée de la flotte. Ses navires et ses plongeurs sont régulièrement déployés pour contribuer aux missions de surveillance du gouvernement du Canada, pour mener des exercices de souveraineté et pour soutenir d'autres ministères gouvernementaux.
Les navires de patrouille de l'Arctique de la classe Harry DeWolf et l'installation d'avitaillement en carburant de Nanisivik à venir augmenteront fortement les capacités de la Marine royale canadienne dans le Nord.
L'armée canadienne s'entraîne et intervient dans le Nord en hiver et en été. Encore une fois, les unités sont basées dans le Sud et déployées dans le Nord, selon les besoins. Elles peuvent compter jusqu'à 550 membres. La plus importante unité de l'armée canadienne est déployée de façon permanente dans le Nord. Il s'agit du 1er Groupe de patrouilles des Rangers canadiens; c'est une des raisons pour lesquelles le commandant m'accompagne aujourd'hui. L'effectif de ce groupe est d'environ 1 800 membres répartis dans 60 collectivités du Nord. Il assure la souveraineté du pays et il constitue une force essentielle de construction de la nation.
Le 1er Groupe de patrouilles des Rangers canadiens est également responsable du programme des Rangers juniors canadiens dans le Nord. Il y a environ 1 300 Rangers juniors répartis dans 41 collectivités du Nord. Les Rangers juniors sont soutenus par les Forces canadiennes, et le programme est destiné aux jeunes de 12 à 18 ans. Notez qu'il s'agit d'un des programmes pour les jeunes à la croissance la plus rapide, en fonction de la densité de la population dans le Nord.
Enfin, depuis qu'elle intervient dans le Nord, l'Aviation royale canadienne y joue un rôle essentiel; elle a permis de relier des points distants et de conduire des missions nationales et militaires dans tout le Grand Nord. Le rayon d'action de l'ARC permet de parcourir tout le Nord, avec des aéronefs à voilure fixe et à voilure tournante. Comme je l'ai déjà dit, les capacités du 440e Escadron de transport, basé à Yellowknife, sont limitées. Il est équipé de quatre CC- 138 Twin Otter.
Les Forces canadiennes doivent être en mesure d'intervenir rapidement et efficacement lorsqu'on leur demande de l'assistance et lorsque les moyens de ses partenaires ne suffisent pas. Pour accomplir cette mission, nous, les membres de la FOIN, collaborons avec tous les autres ministères et organismes du gouvernement fédéral ayant un intérêt dans le Nord — ils sont nombreux —, ainsi qu'avec les gouvernements et les groupes municipaux, territoriaux et autochtones. Les objectifs principaux sont de favoriser la communication avant la crise, pour permettre aux gens de se connaître, ce qui est toujours important; de faire en sorte qu'il y ait une image commune de la situation opérationnelle lorsqu'une crise se produit; d'assurer une planification exhaustive; ainsi que de favoriser le partage de ressources et d'infrastructures, qui sont toutes essentielles dans le Nord.
Pour conclure, j'aimerais dire que je suis extrêmement fier des hommes et des femmes qui composent l'Équipe du Nord, et je suis honoré et ravi d'être leur commandant. C'est une expérience unique, et je ne la tiens pas pour acquise. Il s'agit d'une organisation remarquable qui ne cesse de m'étonner par ses réussites.
Monsieur le président, mesdames et messieurs, je vous remercie encore de m'avoir offert cette possibilité. Le lieutenant-colonel Carvallo et moi nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.
Le président : Merci beaucoup, brigadier-général. J'aimerais tout d'abord dire que nous aussi, nous sommes très fiers des hommes et des femmes qui forment l'Équipe du Nord. J'ai eu l'occasion de participer à l'opération NANOOK au Yukon pendant une journée. J'ai été très impressionné par l'ensemble des forces, surtout par les soldats, les hommes et les femmes présents, par les Rangers et par leurs compétences et leur enthousiasme pour le travail qu'ils se sont engagés à accomplir. Nous pouvons être très fiers de ce que vous faites et nous vous remercions de vous joindre à nous en ce qui doit être une journée très douce à Yellowknife.
Nous allons inviter un visiteur à lancer la période de questions, le sénateur Dennis Patterson, du Nunavut. Il a soumis un document d'orientation que le comité pourra examiner dans le cadre de l'examen de la politique de défense. Sénateur Patterson, la parole est à vous.
Le sénateur Patterson : Merci beaucoup, monsieur le président. Merci aussi aux témoins. C'est vrai que j'ai effectué un examen de la politique de défense au Nunavut, et j'ai été ravi que des membres de la FOIN y participent.
J'aimerais poser une question sur la recherche et le sauvetage. Vous avez mentionné votre rôle, monsieur le brigadier-général. Bien sûr, nous avons accueilli favorablement la nouvelle récente concernant l'acquisition d'appareils C-295 pour remplacer les Hercules. C'est une bonne nouvelle parce que les nouveaux aéronefs seront équipés d'un radar thermique à balayage frontal que les C-130 n'avaient pas. Ils pourront donc détecter des personnes et des véhicules au sol dans tout le blanc. C'est une très bonne nouvelle.
Toutefois, je suis préoccupé. J'ai appris que le C-295 est beaucoup plus lent que le C-130 : 480 kilomètres-heure comparativement à 660 kilomètres-heure. Selon les recherches que j'ai faites pour la table ronde de la défense, actuellement, aucun Hercules en provenance de Trenton, en Ontario; de Greenwood, en Nouvelle-Écosse; et de Winnipeg ne peut se rendre à Iqaluit en trois heures de vol à partir de ces bases. Nous aurons donc maintenant des aéronefs plus lents, mais dotés de meilleures technologies. Or, qu'en est-il de la recommandation des participants à la table ronde, recommandation présentée il y a longtemps par le comité, de relocaliser les aéronefs soit à Iqaluit ou à Yellowknife, où vous avez mentionné avoir des détachements, ou même à Cambridge Bay, pour améliorer considérablement le temps de réaction? Grâce à la relocalisation, les aéronefs auraient beaucoup plus de carburant, et on pourrait en prolonger le temps sur zone.
Vous faites partie du groupe qui procède actuellement à l'examen de la politique de défense. Êtes-vous en faveur de rapprocher les nouveaux aéronefs de recherche et de sauvetage de la région de l'Arctique où ils sont requis? Je n'ai pas à vous dire qu'Iqaluit est située dans la partie sud-est de l'Arctique de l'Est. C'est un territoire énorme, comme vous l'avez souligné. Est-ce que nous améliorerions nos capacités de recherche et de sauvetage en rapprochant les aéronefs de l'Arctique?
Bgén Nixon : C'est une très bonne question, sénateur. Je vous en remercie. Ce fut un privilège de permettre à des membres de mon équipe de participer aux discussions que vous avez parrainées dans le cadre de l'examen de la politique de défense, dont les résultats seront publiés bientôt, je crois. Ce serait négligent de ma part de ne pas vous remercier, car ces discussions nous ont permis d'échanger avec des gens non seulement du Nunavut, mais aussi des trois territoires.
Concernant les ressources et la localisation des ressources pour la recherche et le sauvetage, évidemment, le choix du meilleur emplacement dépasse de loin le mandat de la FOIN, mis à part dans le cas d'une opération ou d'une intervention précise et prévue, dans le cadre de laquelle il faudrait localiser une ressource temporairement. Je dirais que ce serait dans de tels cas qu'il faudrait placer des ressources à des endroits éloignés pour une chaîne d'actions précise, ce qui pourrait réduire considérablement les temps de réaction. Toutefois, ce serait pour une situation prévue, comme le passage d'un navire de croisière qui ne serait pas aussi bien préparé que celui du Crystal Serenity l'été dernier. Un autre navire de croisière ne prendrait peut-être pas les mesures nécessaires pour collaborer avec la Garde côtière et d'autres partenaires; nous pourrions donc examiner une telle situation.
De façon permanente, toutefois, je pense que ce serait aux gens du quartier général d'examiner la question et d'y répondre. Vous avez mentionné le temps de déplacement de trois heures de Winnipeg au Nunavut. Or, je sais que si cet emplacement central était, disons, Yellowknife, le temps de déplacement ne serait pas moins long parce que, sur le plan géographique, ce n'est pas plus près que Winnipeg. La possibilité de déployer les aéronefs que nous avons aujourd'hui, qu'ils soient à voilure tournante ou à voilure fixe, de les avitailler, puis de les utiliser dans des interventions de recherche et de sauvetage pose problème d'un océan à l'autre étant donné l'immensité de notre pays.
Je peux donc parler de ce que nous prendrions en considération dans une situation précise unique, mais je ne peux pas me prononcer sur une installation permanente. Il faudrait poser la question à une personne responsable à la fois de toutes les ressources et de toutes les tâches.
Le sénateur Patterson : Diriez-vous, toutefois, que ces avions sont plus lents que les Hercules et qu'ils représentent une réduction des capacités en ce qui touche le temps de réaction?
Bgén Nixon : Je ne connais pas la différence de temps de déplacement et de temps de vol entre les deux modèles. Je n'ai pas fait beaucoup de recherches là-dessus puisque je ne suis pas pilote.
Or, je sais que l'atout le plus important des appareils de recherche et de sauvetage est de pouvoir faire du vol stationnaire de longue durée et mener des recherches sur une grande superficie. Le Nord est immense, comme nous l'avons déjà dit; il faudrait donc tenir compte des temps de déplacement d'un endroit à un autre dans la planification. Comme nous le savons tous, le temps de réaction est un des facteurs cruciaux dans le Nord.
Je pense que le facteur le plus important est la durée du vol stationnaire ou la possibilité de mener des recherches sur une grande superficie pendant longtemps. Ce n'est pas vraiment une question de vitesse, mais de capacité de rester au poste.
Le sénateur Patterson : J'aimerais parler des Rangers canadiens. Vous les avez mentionnés. Nous sommes très fiers d'eux. Ils sont présents dans toutes les collectivités du Nord. Ils connaissent très bien le terrain.
J'aimerais savoir si vous avez des commentaires sur la recommandation formulée par le Comité des pêches et des océans en décembre 2009, recommandation qui se trouve aussi dans mon examen de la politique de défense. On y propose que le MDN considère la possibilité d'établir un protocole d'entente avec les Rangers et la Garde côtière dans le but de renforcer le soutien des services de recherche et de sauvetage en mer, comme ceux déjà établis avec le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, la GRC et les Territoires du Nord-Ouest.
À l'heure actuelle, les Rangers font uniquement des recherches sur terre. Les Inuits, en particulier les peuples maritimes, ont des connaissances et des compétences non seulement en recherche et en sauvetage, mais aussi dans des domaines comme les interventions en cas de déversement d'hydrocarbures. Que pensez-vous d'élargir le rôle des Rangers pour qu'ils puissent participer à des interventions en mer?
Bgén Nixon : Avant de céder la parole au commandant, qui pourra fournir des commentaires, j'aimerais faire quelques observations.
Vous avez mentionné que les Rangers font uniquement de la recherche et du sauvetage sur terre. C'est le secteur sur lequel ils se concentrent, mais ils ont aussi participé à des interventions de recherche et de sauvetage le long des côtes, en utilisant leurs embarcations personnelles, ainsi que sur la neige et sur la glace, avec des véhicules et des systèmes. Je pense qu'il est plus convenable de parler de recherche et de sauvetage au sol.
Vous avez parlé d'un protocole d'entente entre le MDN, la Garde côtière et les Rangers. Les Rangers font partie du MDN et des Forces armées canadiennes; c'est donc la même chose.
Nous avons déjà un protocole d'entente avec la Garde côtière, en quelque sorte, parce que nous sommes tous deux des ministères fédéraux. C'est elle qui dirige la recherche et le sauvetage en mer. Nous jouons un rôle de soutien, peu importe la taille du navire ou le nombre de marins ou de soldats.
Je sais que la Garde côtière a élargi ses activités et que la Garde côtière auxiliaire est déjà en place dans plusieurs collectivités. C'est la Garde côtière. Elle a l'expertise technique et probablement aussi l'expertise en matière d'approvisionnement nécessaires pour décider quelle taille de navire il faut, s'il doit être fermé ou ouvert, quelle puissance il doit avoir, et cetera.
Tout soutien devrait être apporté sous la direction de la Garde côtière, comme c'est le cas actuellement. Le MDN continuerait d'offrir son appui, dans ce cas-ci par l'entremise des Rangers. Soit dit en passant, l'appui que nous fournissons sur demande est très rapide et efficace. Si on reçoit une demande d'assistance, j'ai le pouvoir de l'autoriser immédiatement; nous nous occupons des documents plus tard. Nous pouvons agir rapidement. Pratiquement, les ententes sont déjà en place.
Je vais demander au commandant s'il a d'autres commentaires.
Lieutenant-colonel Luis Carvallo, commandant, 1er Groupe de patrouilles des Rangers canadiens, Défense nationale et les Forces armées canadiennes : Merci, sénateurs, de me permettre de m'adresser à vous aujourd'hui et de répondre à la question.
Les Rangers varient d'une collectivité à l'autre, selon les ressources intrinsèques de chaque collectivité. Nous ne fournissons pas les navires nécessaires pour apporter cet appui. Il faudrait adapter le soutien à ce que la collectivité possède déjà.
Nombre de nos collectivités auraient de la difficulté à se procurer une embarcation qui leur permettrait de s'éloigner considérablement des côtes. Il faudrait adapter l'appui à chaque collectivité.
Le sénateur Patterson : Merci.
Le président : Avant que nous changions de sujet, si je me rappelle bien, des témoins qui ont comparu il y a deux ou trois semaines nous ont dit que la Garde côtière considérait la possibilité de conclure une entente avec les Rangers pour en faire une sorte de force auxiliaire dans diverses collectivités le long des côtes. Avez-vous des renseignements à ce sujet, par exemple, les possibilités envisagées?
Bgén Nixon : Je n'ai pas de renseignements précis à donner. Je dirais simplement, monsieur le sénateur, que je sais que dans plusieurs collectivités d'une certaine taille, si vous prenez non seulement la Garde côtière ou les Rangers, mais aussi les organisations communautaires de recherche et de sauvetage composées de bénévoles qui existent dans certaines collectivités, dans certains cas, c'est la même personne qui fait tout.
Le président : Je comprends.
Bgén Nixon : Je ne suis au courant d'aucune entente officielle entre les Rangers et la Garde côtière, à moins qu'il y ait une initiative locale dont je n'ai pas connaissance.
Le président : Nous allons vérifier et vous revenir là-dessus. Je suis certain qu'un témoin nous a parlé de la possibilité de créer une aile auxiliaire de la Garde côtière.
Le sénateur White : Ma question comporte deux parties. Premièrement, peut-on entreposer le nouvel aéronef sur les bases d'Inuvik et d'Iqaluit pendant la nuit, ou les hangars sont-ils trop petit? Je ne me souviens plus.
Bgén Nixon : Les deux installations gérées par le NORAD peuvent entreposer tous les appareils de la flotte du NORAD, et non seulement ceux de la flotte du Canada. La réponse est oui.
Le sénateur White : Merci beaucoup. La deuxième question porte sur le programme des Rangers. À quoi ressemble l'avenir du programme des Rangers pour les 3, 5 ou 10 prochaines années? Constatez-vous une augmentation du nombre de participants au programme des Rangers juniors canadiens qui sont recrutés pour occuper des postes ordinaires au ministère de la Défense nationale?
Bgén Nixon : Pour répondre à la première partie de votre question concernant l'avenir, des changements sont en cours. Les modifications apportées au matériel durant les derniers mois ou les deux ou trois dernières années se poursuivront pendant quelques années. La première chose qu'on constatera, c'est que les Rangers seront mieux équipés, tant sur le plan des armes personnelles que des vêtements et du matériel. Le programme des Rangers, surtout dans le Nord — il y a six patrouilles différentes — est unique, comme vous pouvez l'imaginer, en raison de son emplacement.
Il faut réussir à trouver un équilibre entre la fourniture d'équipement et l'austérité. Comme le commandant l'a déjà dit, nous nous attendons à ce que les Rangers utilisent en grande partie leur propre matériel lorsqu'ils sont déployés pour des patrouilles de souveraineté. Normalement, nous offrons une indemnité quotidienne aux Rangers qui se servent de leur propre équipement, que ce soit un réchaud, une tente ou une motoneige.
Il y aura des changements sur le plan de l'équipement grâce à la réalisation de quelques projets mineurs d'immobilisations visant à accroître leurs moyens. Il y a aussi la question de la taille, qui a été posée à quelques reprises.
J'ai eu des discussions avec des gens et avec mes supérieurs du quartier général sur l'expansion de la patrouille des Rangers en particulier, le 1er Groupe de patrouilles des Rangers canadiens. En augmentant le personnel et le nombre de patrouilles, on agrandirait certainement son empreinte, mais il faudrait aussi renforcer la formation et les mécanismes de soutien, car, comme je l'ai déjà dit, son effectif de 1 800 membres en fait la plus grande unité des Forces armées canadiennes. Les ressources très modestes dont elle dispose pour le soutien et la formation sont suffisantes dans la situation actuelle, mais il faudrait les augmenter.
C'est un autre changement qui pourrait être apporté au cours des prochaines années. Si on augmente le nombre de Rangers, il faudra aussi augmenter le nombre de personnes dans les coulisses qui préparent, forment et équipent les Rangers.
En ce qui concerne les Rangers juniors canadiens, je ne crois pas que nous fassions de suivi. C'est comme le programme des cadets. Je vais demander au commandant de répondre.
Lcol Carvallo : Merci, monsieur le sénateur. À l'heure actuelle, nous n'avons pas de mécanisme de suivi qui nous permet de savoir si les Rangers juniors qui ont atteint l'âge de 18 ans et qui ont quitté le programme se sont engagés dans les Rangers ou dans les Forces armées canadiennes.
Notre but, idéalement, c'est que les Rangers juniors fassent des études postsecondaires ou qu'ils entreprennent des activités de ce genre, et non nécessairement qu'ils poursuivent une carrière militaire. La portée du programme est plus vaste que cela; ce n'est pas un simple outil de recrutement des Forces canadiennes ou des Rangers mêmes.
Le sénateur White : Or, compte tenu des cibles de recrutement axé sur la diversité fixées par la Défense nationale au cours des 5 et des 10 dernières années, vous pourriez profiter du fait qu'une personne est entre vos mains jusqu'à l'âge de 18 ans, pas nécessairement pour la recruter directement dans les forces, surtout quand on considère les programmes d'enseignement secondaire, en particulier ceux du Nunavut. J'ai passé 19 ans dans les 3 territoires; les programmes d'enseignement secondaire ne favorisent pas toujours la continuation des études au niveau universitaire. C'est beaucoup plus difficile. Vous avez là certainement une véritable occasion. Je mettrais en question non seulement l'absence de suivi, mais aussi le fait que vous ne ciblez pas spécifiquement les Inuits, les Métis et les Autochtones afin d'augmenter les chiffres étant donné les exigences que vous devez satisfaire aujourd'hui relativement au recrutement axé sur la diversité.
Bgén Nixon : Merci, monsieur le sénateur. Comme le programme des cadets dans le Sud du Canada, le programme des Rangers est administré par le vice-chef d'état-major de la Défense, le directeur général - Réserves et cadets. Des restrictions empêchent de s'en servir comme outil de recrutement. Ce sont, d'abord et avant tout, des programmes pour les jeunes, et ils sont conçus pour permettre aux jeunes Canadiens de donner le meilleur d'eux-mêmes.
Si une personne décide d'entrer dans la Force régulière ou même dans la Force de réserve après sa carrière de cadet, c'est son choix personnel. Nous n'utilisons pas nécessairement le programme comme outil de recrutement, et je ne pense pas que nous allons commencer à le faire.
Le président : Pour parler à titre de président, je ne vois pas pourquoi vous ne le feriez pas, honnêtement. Je sais que c'est une décision politique qu'il faudrait prendre afin de permettre aux personnes comme vous d'utiliser les outils dont elles disposent pour encourager les gens à s'engager dans les forces. C'est une question qu'il faut poser au ministre de la Défense et non à vous. Pour ma part, je crois que nous devrions le faire.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Merci, monsieur le président, merci brigadier-général Nixon.
À votre avis, quelles devraient être les principales préoccupations du Canada en matière de sécurité dans l'Arctique? Est-ce que ce serait les menaces militaires, la recherche et le sauvetage, les navires commerciaux dans l'Arctique, la contrebande, le terrorisme? Quelle est votre principale préoccupation actuellement?
Bgén Nixon : Merci de votre question, sénateur. C'est une excellente question. Si je connaissais la réponse, j'occuperais probablement le poste de mon chef.
[Traduction]
C'est difficile à dire. D'abord, d'après moi, les menaces militaires directes ne sont pas une priorité. Je sais qu'une entente bilatérale a été conclue pour que le Canada et les États-Unis, par l'intermédiaire du NORAD, examinent le territoire du point de vue de l'aéronautique. Or, du point de vue des terres et des côtes, notre objectif principal est vraiment d'assurer et de renforcer la sécurité des Canadiens vivant dans le Nord, peu importe ce que cela veut dire. Cela peut vouloir dire beaucoup de choses, par exemple, prendre des mesures visant à supplier un défaut d'infrastructure grave que la collectivité ou le territoire n'a pas les moyens de corriger et qui requiert une intervention fédérale. Nous assurons également la sécurité publique, comme tous le savent, et ce, pour tout le Nord.
Nous maintenons la souveraineté, non seulement en faisant des opérations militaires dans l'Extrême-Arctique, mais aussi en aidant les Canadiens dans toutes les collectivités du Nord à surmonter les diverses difficultés qu'ils pourraient avoir à affronter. Heureusement, l'équipe fédérale ici est composée de membres remarquables. En outre, les structures territoriales favorisent parfaitement les partenariats dont nous dépendons. La préoccupation principale serait donc la protection des Canadiens dans le Nord; à cet égard, on peut dire qu'il s'agit du côté doux de la défense. Côté terrestre, donc, il n'y a pas de menace militaire majeure.
La protection adéquate de l'environnement compte également parmi nos priorités. L'environnement du Nord est fragile. Les changements subis par la calotte glaciaire ont des répercussions non seulement sur les opérations militaires, mais aussi sur les activités commerciales et les entreprises privées. De plus, chaque année, en été, mais depuis récemment un peu plus en hiver aussi, nous nous préoccupons des aventuriers qui décident d'eux-mêmes de se donner le défi d'affronter le Nord canadien. La plupart du temps, les gens agissent et se préparent adéquatement. D'autres fois, ce n'est pas le cas, et nous devons réagir.
Ce sont donc là les trois préoccupations : la protection des Canadiens dans le Nord, la protection adéquate de notre environnement et la sécurité des gens qui visitent nos territoires.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Vous l'avez mentionné au début de votre exposé, brigadier-général Nixon, plusieurs pays entourent l'Arctique. C'est une région convoitée et, avec les changements climatiques, elle pourrait l'être encore plus. Concernant la nature et la gravité des menaces actuelles ou futures pour la sécurité dans la région du Nord, s'il y avait de nouveaux investissements importants à faire, est-ce qu'on devrait les faire, entre autres, en faveur des systèmes d'alerte ou des nouveaux satellites qui peuvent fournir des prévisions météorologiques plus précises, ce qui est un aspect important pour vos activités dans cette région? S'il y avait des investissements à faire, à quels postes devrait-on les faire et qu'est-ce que vous aimeriez retrouver dans notre rapport à ce sujet?
Bgén Nixon : C'est une bonne question également. La capacité la plus importante pour moi, à titre de commandant, est probablement celle de pouvoir communiquer partout avec le gouvernement du Canada. C'est vraiment un défi pour nous à cause du système actuel, mais je n'ai aucun doute que, à l'avenir, nous aurons un système plus robuste que celui dont nous disposons maintenant. Cependant, je ne fais pas partie de l'organisation responsable d'acheter ces systèmes ou de faire les recherches pour les obtenir. Bref, ce système et cette capacité sont les plus importants pour nous.
Le sénateur Dagenais : Merci beaucoup, brigadier-général Nixon.
[Traduction]
Le sénateur Meredith : Merci à vous deux de représenter le Canada aujourd'hui, et merci à vous et à votre famille de servir le pays.
Par rapport à la question que le sénateur Dagenais vient de vous poser concernant l'intention du gouvernement de verser 133 millions de dollars, où souhaiteriez-vous que ces fonds soient investis à l'égard de la surveillance et des prochaines étapes? Vous savez ce qui manque. Où ces fonds devraient-ils être investis?
Bgén Nixon : C'est une bonne question, monsieur le sénateur, surtout deux semaines avant Noël.
Le sénateur Meredith : Voilà. C'est un cadeau.
Bgén Nixon : Comme je l'ai déjà mentionné, ce serait dans l'amélioration des communications dans le Nord. C'est un problème qui persiste depuis nombre d'années. Les communications sont une source quotidienne de difficultés. Nous avons la redondance nécessaire pour communiquer efficacement dans tout le Nord au moyen de systèmes à haute fréquence, mais la technologie d'aujourd'hui est plus avancée et elle permet de transmettre de grandes quantités de données.
Je vais vous donner un exemple simpliste. Récemment, tout près de la région de Hall Beach, dans le Nord, on entendait des sons qui provenaient de sous la glace. On nous a demandé d'aller jeter un coup d'œil, à titre de membres de l'équipe de la défense. La capacité de repérer un objet d'intérêt et de transmettre rapidement de l'information à son sujet, c'est peut-être là un secteur qui nécessiterait un peu d'investissement parce que nous dépendons de systèmes qui fonctionnent, mais qui ne sont pas nécessairement aussi avancés que la technologie à laquelle on est habitué dans le Sud. Cela dit, je crois que nous ne pourrons jamais doter le Nord des mêmes ressources dont jouit le Sud, dans n'importe quel domaine, que ce soit la connaissance de la situation, les communications ou autres, simplement parce qu'une analyse coûts-avantages ne justifierait probablement pas un investissement dans l'infrastructure requise.
D'après moi, il faudrait probablement opter pour un investissement modeste afin de répondre à nos besoins dans le Nord.
En ce qui concerne la sécurité et la surveillance pour l'ensemble du Canada, je suis loin d'être en mesure de répondre à la question.
Le sénateur Meredith : Merci. Lieutenant-colonel, mes collègues ont posé des questions à propos du programme des Rangers juniors et des difficultés que les Rangers affrontent. Brigadier-général, vous avez dit qu'il y a actuellement 1 800 membres. Quelles sont les difficultés liées à leur maintien en poste, surtout dans le Nord, et comment pouvons- nous les équiper pour faire en sorte qu'ils aient les moyens de poursuivre leur travail? Nous savons que le paiement des indemnités quotidiennes pose problème, et d'autres témoins nous ont dit que les réservistes ont aussi du matériel limité lorsqu'ils sont déployés.
Comment pouvez-vous les soutenir et veiller à ce qu'ils demeurent en poste et à ce qu'ils soient adéquatement formés? Quelle est votre stratégie à cet égard?
Bgén Nixon : Juste avant que le commandant prenne la parole, pour préciser, 1 800 est le chiffre que j'ai employé pour décrire l'effectif. Le personnel compte moins de 1 800 membres. C'est normal que le nombre de membres soit inférieur à l'effectif. Luis?
Lcol Carvallo : Oui, nous avons un effectif de 1 800. Le 1er Groupe de patrouilles des Rangers canadiens compte actuellement 1 500 membres, dans mon unité seulement, c'est-à-dire au nord du 60e parallèle. Comme on l'a déjà dit, il y a 5 groupes de patrouilles des Rangers canadiens au Canada, et l'effectif complet pour l'ensemble des groupes est d'environ 5 000. Je ne peux pas parler au nom des autres unités, mais dans mon unité, le maintien en poste n'est pas nécessairement un problème. Être Ranger est une source de grande fierté dans les collectivités. Dans la plupart des cas, beaucoup de personnes attendent d'être admises.
Nous organisons les dossiers afin d'être en mesure de pourvoir les autres postes de Rangers. Il n'y a donc pas de difficultés de ce côté-là.
Toutefois, il y a des difficultés en ce qui concerne la formation continue, surtout, comme le brigadier-général l'a déjà dit, parce qu'il faut encore davantage de ressources, de ressources humaines, de formateurs qui peuvent se rendre dans les collectivités et assurer la formation continue des Rangers.
Le sénateur Meredith : Y a-t-il une stratégie en place pour le recrutement au sein des collectivités? Est-ce que ça fonctionne?
Bgén Nixon : Les Rangers eux-mêmes sont des agents de recrutement dans les collectivités. On les identifie facilement lorsqu'ils portent leur chandail rouge à capuchon. Je ne porte pas moi-même ce chandail, mais il arrive que l'on me demande si je suis un Ranger, car ils sont la représentation la plus connue des Forces armées canadiennes dans les collectivités éloignées.
Dans une perspective plus générale, le groupe du recrutement des Forces canadiennes a une équipe qui se rend régulièrement dans les collectivités éloignées pour faire du recrutement. Cela se fait notamment depuis un emplacement central à partir duquel on rayonne. En d'autres occasions, on installe simplement un centre de recrutement temporaire dans une localité de plus grande taille.
En outre, pour toutes les opérations que nous menons, qu'il s'agisse d'exercices liés à la souveraineté à proprement parler ou d'activités de nature plus communautaire, nous organisons des journées spéciales assorties d'un volet recrutement pour lequel nous invitons des experts formés en la matière.
À la différence de villes comme Toronto, par exemple, où des centres permanents de recrutement sont en place, ce sont des efforts de nature plus temporaire, dosés en fonction de la taille de la population. Ce n'est pas nécessairement chose facile, car il faut établir un calendrier de manière à couvrir un maximum de collectivités.
Le sénateur Meredith : Merci beaucoup.
Le sénateur Patterson : Je vais être très honnête avec nos invités. J'ai été un peu consterné de vous entendre dire dans vos observations préliminaires que moins de 5 p. 100 des incidents de recherche et sauvetage de 2015 sont survenus au nord du 60e parallèle. Je dirais que ce n'est peut-être pas l'aspect le plus important que l'on doit faire ressortir en parlant de recherche et sauvetage.
J'ai fait quelques vérifications et je peux vous dire que 12 000 vols transpolaires ont été effectués en 2012, une augmentation de 1 100 p. 100 sur une période de neuf ans, et qu'il y a eu en 2010 cinq accidents maritimes — tous au nord du 60e parallèle — impliquant des pétroliers dans trois cas, et des navires de croisière dans les deux autres. Compte tenu des changements climatiques, il faut s'attendre à une augmentation du trafic maritime, et le nombre de vols transpolaires va aussi augmenter considérablement.
Nous avons donc peut-être effectivement moins d'incidents nécessitant une intervention des services de recherche et sauvetage dans le Nord, comparativement au reste du Canada, mais leurs conséquences peuvent être catastrophiques.
Même la Défense nationale a perdu un avion Hercules à une douzaine de milles de sa destination d'Alert en 1991. Il y a eu cinq morts parmi les passagers parce qu'il a fallu 30 heures pour se rendre sur place à partir des bases situées au sud, une stratégie que nous devrions selon moi revoir.
Vous avez indiqué que vous aviez pour mandat de réagir rapidement et efficacement. En considérant les risques qu'une catastrophe survienne dans un emplacement éloigné et l'importance critique des délais d'intervention pour venir au secours des passagers d'un navire ou d'un avion commercial, ne devrait-on pas surtout s'employer à faire le nécessaire pour réduire ces délais d'intervention en matière de recherche et sauvetage dans l'Arctique?
Bgén Nixon : Merci sénateur. Les chiffres que vous citez sont incontestables. Il y a effectivement eu une forte augmentation du nombre de vols transpolaires, un phénomène qui a toutes sortes de répercussions, des considérations environnementales jusqu'aux préoccupations en matière de sécurité.
Les Forces armées canadiennes maintiennent en permanence une capacité d'intervention d'urgence en cas de catastrophe aérienne. Cette capacité est en place depuis plusieurs années. Nous disposons ainsi de tous les outils nécessaires pour pouvoir intervenir rapidement depuis Trenton en Ontario, un emplacement central au Canada, en cas de catastrophe aérienne majeure, comme ce serait le cas avec un vol commercial.
Je suis également préoccupé par le grand nombre de vols effectués par des aéronefs de taille intermédiaire comme ceux utilisés 50 fois par semaine pour desservir par exemple la mine d'Ekati dans les Territoires du Nord-Ouest. Les mesures d'intervention nécessaires sont également prévues à cet effet.
Lorsque j'indiquais que 5 p. 100 des incidents surviennent au nord du 60e parallèle, je parlais en fait de 5 p. 100 des missions de recherche et sauvetage menées par les Forces armées canadiennes en 2015. Il y a effectivement presque à chaque semaine, voire dans certains cas à chaque jour, une foule d'interventions de recherche et sauvetage qui sont effectuées dans le Nord, surtout par des équipes au sol, mais les capacités en place dans cette région du pays, comme je vous l'indiquais dans mes observations préliminaires, permettent de régler ces situations avant qu'elles ne deviennent un problème d'envergure nationale.
Des plans d'urgence sont en place pour les cas plus exceptionnels comme ceux que vous avez mentionnés pouvant mettre en cause des vols commerciaux ou des navires, auquel cas c'est la Garde côtière canadienne qui est responsable de l'intervention.
Je n'arrive pas à voir dans quelle situation il pourrait être plus efficace de retrouver ailleurs au pays les ressources dont nous disposons actuellement à Trenton avec les parachutistes, les techniciens en recherche et sauvetage et les équipes chargées de l'entretien de l'équipement nécessaire pour réagir en cas de catastrophe aérienne.
Le sénateur Patterson : Le sénateur White vous a posé une question au sujet des emplacements d'opérations avancés à Inuvik et à Iqaluit. Compte tenu de l'infrastructure en place, pourriez-vous vous donner les moyens d'accueillir les nouveaux avions C-295, des appareils équipés d'une meilleure technologie mais plus lents, à Yellowknife et à Iqaluit?
Bgén Nixon : Voulez-vous dire pour qu'ils soient basés sur place ou simplement pour qu'ils puissent y faire escale?
Le sénateur Patterson : Pour qu'ils soient basés sur place.
Bgén Nixon : L'infrastructure existante à ces trois endroits — Yellowknife, Inuvik et Iqaluit — est spécialement conçue pour répondre aux besoins des opérations du NORAD. Elle vise d'abord et avant tout à permettre les interventions pour la défense aéronautique.
On pourrait effectivement accueillir ces appareils de façon temporaire, mais les installations ne sont pas conçues pour qu'ils puissent y être basés en permanence. On veut pouvoir intervenir beaucoup plus rapidement et de manière beaucoup plus directe que pour une opération de recherche et sauvetage. Quoi qu'il en soit, nous avons toujours appuyé les opérations de recherche et sauvetage à partir de ces trois emplacements par le passé, comme nous le faisons depuis différents endroits dans le Nord, comme le Centre d'entraînement dans l'Arctique des Forces armées canadiennes à Resolute Bay.
Je voudrais faire remarquer à la personne qui s'occupe de la caméra que nous sommes deux questions en retard sur l'image vidéo. Mais ne vous inquiétez pas, sénateurs, nous n'avons pas bougé.
Le sénateur Patterson : J'aimerais que nous reparlions des Rangers, si vous permettez. D'après ce que j'ai pu comprendre, il y aurait eu des engagements politiques en faveur d'un accroissement du nombre de Rangers pour le porter à 6 000, si je ne m'abuse, dans le Nord. Où en sommes-nous à ce chapitre? Par ailleurs, pouvez-vous nous dire également où on en est rendu dans le remplacement des carabines des Rangers?
Bgén Nixon : Pour répondre à votre première question, sénateur, je crois que le nombre visé est 5 000. C'est ce qui a été établi il y a quelques années. Ce n'était pas seulement pour le 1 GPRC, mais pour l'ensemble des GPRC. Il devait y avoir augmentation. Dans certains cas, le processus est en cours; il y a encore des gens qui attendent d'avoir subi toutes les vérifications de sécurité pour pouvoir être officiellement enrôlés. La tâche peut être difficile dans certaines petites localités en raison du manque de capacité.
C'est l'une des raisons pour laquelle je parlais précédemment de l'expansion à venir. Pour pouvoir augmenter nos effectifs, nous devons d'abord nous donner toutes les capacités nécessaires à cette fin. C'est tout ce qu'il y a de plus logique; on ne peut pas arbitrairement augmenter ses effectifs sans d'abord accroître ses ressources en conséquence.
Pour ce qui est de votre seconde question, les nouvelles carabines devraient être distribuées sous peu. Les deux choses vont se faire en parallèle. La nouvelle carabine sera distribuée à toutes les patrouilles de Rangers. Je vais demander au commandant de vous en dire plus long tout à l'heure. Je ne sais pas s'il y a un ordre qui a été établi ni comment l'armée compte s'y prendre exactement.
Il faudra également procéder de manière appropriée pour se débarrasser de toutes les anciennes carabines Lee- Enfield 303. Les deux processus vont se dérouler en parallèle. Aviez-vous une question de suivi?
Le sénateur Patterson : Oui, j'aimerais bien savoir ce que l'on va faire exactement de ces fiables carabines Lee- Enfields. Je crois en effet qu'un bon nombre des Rangers les apprécient vraiment parce qu'elles continuent de très bien fonctionner même dans un froid extrême.
Le premier ministre Harper avait annoncé que les Rangers pourraient garder leur vieille Lee-Enfields lorsqu'elle serait remplacée. Je suis un peu inquiet de vous entendre dire que l'on allait s'en débarrasser. J'espère que vous vouliez dire par là que vous comptiez les remettre à ces fidèles et loyaux serviteurs de notre pays dans le Grand Nord.
Bgén Nixon : Merci, sénateur. C'est mon passé qui ressort. J'ai été directeur des besoins en ressources terrestres pendant deux ans. J'étais alors responsable de l'équipement de l'armée. J'ai d'ailleurs travaillé sur le dossier du remplacement des carabines des Rangers il y a cinq ou six ans.
J'ai dit que l'on allait s'en débarrasser; j'aurais peut-être dû dire que l'on allait s'en défaire. Nous allons nous départir des carabines 303 de telle sorte qu'elles n'apparaissent plus dans nos livres. Avant de laisser le commandant vous en dire un peu plus long, je voudrais préciser que, pour avoir vu moi-même en action la nouvelle carabine et en avoir discuté avec un certain nombre de Rangers, je la préférerais à la Lee-Enfield 303 si j'avais un choix à faire. C'est une arme assez phénoménale.
Lcol Carvallo : Merci, sénateur. J'ai juste deux éléments à préciser. Pour l'instant, l'armée envisage le déploiement de la carabine C-19 à compter de 2017. Il faudra peut-être une année ou deux pour que tous les Rangers reçoivent leur nouvelle carabine, mais c'est bel et bien ce qui est prévu par l'armée canadienne. Vous devriez sans doute voir les premières vers le milieu ou la fin de 2017. Il y a d'ailleurs déjà des activités en cours pour la formation des formateurs.
Pour ce qui est de votre question concernant l'augmentation du nombre de Rangers dont mon brigadier-général a déjà traité, le gouvernement précédent a demandé à ce que les effectifs de mon unité soient portés à 1 800 Rangers. Nous n'avons pas encore atteint ce niveau. J'y travaille. Nous mettons de l'ordre dans nos livres pour atteindre cet objectif de 1 800.
Dans le cadre de cette expansion, nous avons porté à 60 le nombre de patrouilles dans le Nord.
Le président : J'aimerais revenir à la question posée par le sénateur Patterson. Allons-nous donner aux Rangers leur vieille carabine Lee-Enfield lorsqu'on la remplacera par la nouvelle? Est-ce bien ce qui a été convenu? Je ne suis pas certain que l'on nous ait répondu à ce sujet.
Lcol Carvallo : Oui, nous voulons en faire cadeau aux Rangers qui ont actuellement une de ces carabines en leur possession. Un processus sera mis en place en collaboration avec d'autres ministères pour veiller à ce que le tout se déroule de façon appropriée.
Le président : Je suis persuadé que cela pourra se faire rapidement au moment où ils recevront la nouvelle carabine.
La sénatrice Beyak : Merci beaucoup, messieurs. Je me demandais combien de temps il faut pour s'enrôler comme Ranger. Vous avez indiqué qu'il vous en manque 300 et je voulais savoir combien de temps il faudrait pour combler ce manque.
Lcol Carvallo : Merci, sénatrice. Le processus de recrutement pour les patrouilles de Rangers est particulier en ce sens que nous effectuons nous-mêmes le recrutement en commençant au niveau communautaire. Lorsque l'intention de recruter est exprimée, nous devons d'abord déterminer quels postes sont à combler au sein de nos différentes patrouilles. Certaines sont déjà complètes, mais les autres peuvent effectuer du recrutement pour combler les postes vacants. Les formalités administratives sont semblables à celles que l'on doit remplir pour toute personne qui se joindrait à la Première réserve ou à la Force régulière. Une vérification approfondie de la fiabilité doit être effectuée dans chaque cas; nous devons suivre les procédures habituelles.
Le temps requis dépend de la vitesse avec laquelle nous parvenons à transmettre les documents nécessaires à Ottawa pour que le tout soit traité et réglé. Le plus souvent, il y a un certain nombre de futurs Rangers qui attendent en coulisses. Il faut surtout que nous arrivions à créer des ouvertures pour ces gens-là en libérant officiellement les Rangers qui ont déjà quitté le programme.
Le président : Comme nous arrivons à la fin de notre séance, j'aurais moi-même quelques questions à vous poser. J'aimerais revenir une dernière fois sur la situation des Rangers. À la lumière des témoignages que notre comité a pu entendre au fil des ans, j'avais cru comprendre qu'il y avait actuellement un maximum de 5 300 postes de Rangers et que l'objectif à long terme était de porter ce nombre à 6 000. Êtes-vous en train de nous dire que le nombre optimal serait plutôt de 5 000?
Bgén Nixon : Avant de laisser le commandant vous dire ce qu'il en est, je peux vous assurer que 5 000 est bel et bien le nombre indiqué actuellement pour le programme des Rangers à l'échelle nationale.
Lcol Carvallo : C'est exact, sénateur. Il s'agit bien de 5 000 Rangers. Depuis mon entrée en fonction au mois de juin, c'est le nombre qui a toujours été annoncé.
Le président : Je sais pourquoi vous vous en tenez à ce nombre, mais je veux savoir, compte tenu de certaines autres questions qui ont été posées, si vous prévoyez éventuellement vous rendre jusqu'à 6 000. Allez-vous plutôt vous en tenir strictement à 5 000?
Bgén Nixon : Il s'agit d'une question stratégique qui ne sera pas nécessairement abordée dans le rapport de l'Examen de la défense nationale qui sera rendu public sous peu. J'ai discuté avec les membres de différentes patrouilles dans le Nord, et tous voudraient que l'on prenne rapidement de l'expansion, mais c'est une simple volonté qu'ils expriment. Il faut qu'une décision soit prise à cet effet, car cela concerne non seulement notre budget à nous, mais celui de l'ensemble de l'armée.
Le président : Nous allons donc présumer que le budget actuel permet d'avoir 5 000 Rangers et qu'il reviendra à des gens comme nous d'exercer des pressions si nous voulons que l'on passe à 6 000. Nous verrons ce que nous pourrons faire.
Je reviens aux hélicoptères et aux questions posées par le sénateur Patterson au sujet, si je ne m'abuse, des Cyclones CH-148. Vous avez indiqué que 5 p. 100 des activités de recherche et sauvetage avaient lieu au nord du 60e parallèle.
Est-ce qu'une étude a été menée pour déterminer dans quelle mesure les délais d'intervention seraient différents si les activités de recherche et sauvetage étaient menées à partir d'endroits comme Iqaluit ou Yellowknife, que l'on parle de la partie septentrionale d'une province ou du Nord comme tel? Toutes les fois que nous posons cette question, on nous répond invariablement que Trenton est un endroit merveilleux qui convient tout à fait et que l'on ne voit pas pourquoi on déplacerait ces capacités maintenant alors qu'elles s'y trouvent depuis 100 ans. Il va de soi qu'avec l'évolution technologique, il y a plus d'activités que jamais dans les régions septentrionales des provinces de même que dans le Nord lui-même. On peut ainsi se demander si l'on ne pourrait pas réduire les délais d'intervention en déménageant une base de Winnipeg à Yellowknife, par exemple, pour pouvoir intervenir à la fois vers le nord et vers le sud. J'espère que vous me comprenez bien. Est-ce qu'une étude a été réalisée afin de déterminer s'il aurait été possible d'intervenir beaucoup plus rapidement dans un sens ou dans l'autre si l'on avait pris pour base Yellowknife ou Iqaluit? Nous convenons tous en effet que le temps d'intervention est primordial.
Bgén Nixon : Très intéressant comme question et comme concept, monsieur le président. Il n'y a pas à ma connaissance d'études qui auraient été menées dans le secteur de la recherche et du sauvetage. Je peux toutefois vous dire que nous tenons annuellement un exercice national de recherche et sauvetage. Il a eu lieu cette année à Yellowknife, un emplacement central pour la partie sud de l'Arctique, comme vous le savez. L'exercice a permis aux techniciens en recherche et sauvetage de mettre en pratique les compétences nécessaires dans l'environnement local qui regorge d'étendues d'eau et de territoires difficiles d'accès. Par contre, il n'y aurait pas eu à ce que je sache d'études permettant de déterminer les délais d'intervention et la différence que l'emplacement de la base aurait pu faire dans certains cas.
Le président : Pourriez-vous vous renseigner pour savoir s'il serait possible de mener une étude générale préliminaire afin de voir qu'est-ce que cela aurait pu changer au cours des cinq dernières années? Je pense que ce serait une excellente question à poser. Vous auriez tout au moins une meilleure idée de la situation.
Bgén Nixon : Je peux certes le faire. Je pourrais essayer de savoir ce qu'en pensent les experts en recherche et sauvetage au quartier général du COIC dont je relève.
Le président : Ce serait très bien que vous puissiez nous tenir au courant.
Le sénateur Patterson est du Nunavut, mais j'aimerais me rapprocher encore plus de chez moi. Comme vous le savez, je viens de l'autre côté, soit du Yukon. J'aimerais que vous fassiez le point avec nous au sujet de l'installation multifonctionnelle pour cadets qui doit desservir tout le territoire à partir de la Caserne Boyle à Whitehorse. Nous avons déjà grand hâte que cela se réalise. Pouvez-vous nous dire où on en est rendu?
Bgén Nixon : Je sais que l'annonce a été faite. Sauf erreur de ma part, on va commencer à creuser le terrain cette année. Il faudrait que je vérifie auprès de mes collègues des biens immobiliers. Mais les travaux vont commencer cette année. La nouvelle installation appuiera les activités des cadets partout dans le Nord et le Yukon, et pas seulement à Whitehorse. Comme vous le savez, la Caserne Boyle est un endroit exceptionnel, mais il y a certaines restrictions saisonnières. La construction de cette nouvelle installation permettra d'y tenir davantage d'activités. Si vous voulez, je peux demander à mes spécialistes des biens immobiliers de vous faire parvenir une mise à jour écrite.
Le président : Je vous en serais très reconnaissant. Je tiens à préciser au bénéfice de mes collègues que l'on va construire une installation multifonctionnelle pour les cadets. Le coût prévu est d'environ 5 millions de dollars. Comme l'indiquait le général, cette nouvelle installation servira surtout aux cadets. Chaque été, nous accueillons jusqu'à 300 cadets de partout au Canada, mais aussi d'autres pays. Cette installation deviendra un atout important pour la ville de Whitehorse, et pourra peut-être aussi servir également aux Rangers et à d'autres groupes pendant l'hiver. Je tiens à exprimer toute ma reconnaissance à ce sujet.
Il y a une autre question qui a été soulevée. C'est encore un enjeu local, mais je suis persuadé que cela pourra intéresser tous mes collègues. Il y a eu une demande en vue du rétablissement d'un régiment au Yukon. Nous avons en effet déjà eu un régiment. Est-ce que des mesures sont prises pour donner suite à cette demande?
Bgén Nixon : Le régiment serait une unité de l'armée au même titre que le 1 GPRC qui relève du contrôle opérationnel de mon quartier général et de moi-même. Il vaudrait donc mieux poser la question à l'armée. À ma connaissance, il n'y a aucune initiative envisageant la création d'une unité de réserve, car c'est ce dont il serait question, d'une unité de gestion ou d'une sous-unité à Whitehorse pour le moment, mais je répète qu'il vaudrait mieux poser la question au commandant de l'armée.
Le président : Nous allons voir ce que nous pouvons faire de ce côté. Est-ce que mes collègues auraient d'autres questions?
Je tiens à remercier nos témoins. Vous nous avez fourni de nombreux renseignements qui nous seront certes utiles pour la conclusion de notre examen de la politique de défense. Je veux aussi remercier le sénateur Patterson pour avoir participé à la séance à titre de représentant du Nunavut, car il a contribué à alimenter le débat.
Merci beaucoup, messieurs. Vous pouvez maintenant retourner à vos occupations. Nous allons reprendre nos travaux à huis clos dans quelques minutes.
(La séance se poursuit à huis clos.)