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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule no 23 - Témoignages du 10 mai 2017


OTTAWA, le mercredi 10 mai 2017

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 16 h 15, pour poursuivre son étude sur le rôle de la robotique, de l'impression 3D et de l'intelligence artificielle dans le système de santé.

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je m'appelle Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse. Je préside le comité. Je demande tout d'abord à mes collègues de se présenter, en commençant à ma gauche.

Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, sénateur de Toronto et vice-président du comité.

Le sénateur Dean : Tony Dean, de l'Ontario.

La sénatrice Hartling : Nancy Hartling, du Nouveau-Brunswick.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Chantal Petitclerc, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur McIntyre : Paul McIntyre, Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal.

Le président : Nous sommes ici aujourd'hui pour poursuivre notre étude sur le rôle de la robotique, de l'impression 3D et de l'intelligence artificielle dans le système de santé. Je dois vous informer que l'appareil qui se trouve à l'autre bout de la pièce sera utilisé durant l'exposé et que nous pourrons, à la fin, nous rapprocher et l'observer de plus près. Je propose de lever la séance 15 minutes plus tôt que d'habitude pour ce faire, et pour que nous ne soyons pas contraints par le processus normal de la réunion. D'accord?

Des voix : D'accord.

Le président : Merci beaucoup.

Nous accueillons aujourd'hui deux témoins. Je vais vous les présenter avant le début de leurs exposés respectifs. J'invite tout d'abord M. Mike Monteith, représentant, cofondateur et directeur général de Thoughtwire, et membre du Council of Canadian Innovators, à commencer. Monsieur Monteith, pouvez-vous commencer votre exposé, s'il vous plaît?

Mike Monteith, représentant, cofondateur et directeur général, Thoughtwire, Council of Canadian Innovators : Merci, sénateur Ogilvie, et je remercie tous les autres membres du comité. Je témoigne aujourd'hui en tant que directeur général de Thoughtwire — une entreprise en pleine croissance basée en Ontario qui utilise l'intelligence artificielle dans le secteur de la santé — et au nom du conseil canadien de l'innovation.

Je n'ai pas toujours été directeur général. Pendant plus de la moitié de ma carrière, j'ai eu le privilège d'être fonctionnaire en Ontario, où j'ai participé à l'élaboration de bon nombre de stratégies. Tout au long de ma carrière, j'ai été inspiré par nos travailleurs de la santé de première ligne. J'ai alors créé une entreprise qui utilise l'intelligence artificielle et l'Internet des objets pour que nos hôpitaux se servent l'éventail de capteurs qui envahissent nos environnements et de l'intelligence artificielle pour pouvoir, en temps réel, créer un jumeau numérique de ces installations et de déployer des algorithmes pour faciliter la vie des travailleurs de la santé, leur permettre de consacrer plus de temps aux patients et résoudre des problèmes très difficiles.

Par exemple, avec Hamilton Health Sciences, nous avons mené un projet primé qui a pratiquement éliminé le code bleu — qui fait référence à une situation où la détérioration de l'état d'un patient passe inaperçue et mène à un arrêt cardiaque — en faisant en sorte que le personnel soit en mesure de surveiller les petits signaux et les changements de l'état de santé des gens, de mobiliser les équipes de soins plus tôt, de sauver la vie de nos citoyens et de les renvoyer à la maison en santé.

De plus, je fais partie du Council of Canadian Innovators, dirigé par Jim Balsillie, qui regroupe plus de 70 entreprises à forte croissance qui sont prometteuses et qui prennent de l'importance à l'échelle internationale. Nos entreprises spécialisées dans la technologie qui se concentrent sur l'intelligence artificielle et les technologies de la santé au Canada, dont bon nombre se trouvent en Ontario, mènent des travaux novateurs en se servant de l'expertise torontoise liée à l'apprentissage profond et au raisonnement symbolique, pour concrétiser le potentiel de l'intelligence artificielle, encore une fois, pour que notre système de santé puisse en bénéficier.

Je suis ici aujourd'hui pour vous parler de deux aspects dont le comité devrait tenir compte, à mon avis. Tout d'abord, l'intelligence artificielle et les répercussions qu'elle peut avoir sur l'emploi suscitent de plus en plus de craintes. Je crois que la situation du secteur des soins de santé est unique compte tenu du vieillissement de la main-d'œuvre et du grave manque de ressources essentielles. Le but de l'intelligence artificielle, qu'il s'agisse d'améliorer le déroulement du travail et l'efficacité ou le diagnostic — obtenir un diagnostic plus précis, plus rapidement —, en fait, c'est d'utiliser des appareils pour que notre main-d'œuvre soit meilleure, de sorte que nos citoyens et leurs familles aient accès à de meilleurs soins, plus rapidement, et, qu'on prenne une grande partie de ce qui constitue un savoir intrinsèque dans notre système de santé pour l'officialiser de manière à ce que les futurs travailleurs de la santé profitent des connaissances de notre milieu des soins de santé actuel.

Cela dit, je cède la parole à mon ami. Merci.

Le président : J'invite M. Charles Deguire, cofondateur et président de Kinova Robotics à présenter son exposé. Allez-y, s'il vous plaît.

Charles Deguire, cofondateur et président, Kinova Robotics : Monsieur le président, mesdames et messieurs, merci. Je suis cofondateur et président de Kinova Robotics. Il s'agit d'une entreprise canadienne qui a des activités partout dans le monde. Je suis très fier d'être ici pour parler du rôle de l'automatisation dans le système de soins de santé, en particulier de celui de la robotique dans les soins directs et indirects prodigués aux patients et dans les soins à domicile. La mission de Kinova consiste à habiliter l'humanité à l'aide de la robotique. Nous croyons que les personnes handicapées devraient se concentrer sur leurs études, leurs possibilités d'emploi et leur perfectionnement personnel plutôt que de se demander s'ils trouveront une personne qui leur ouvrira une porte ou leur donnera un verre d'eau. De plus, nous sommes convaincus que les professionnels de la santé devraient se concentrer sur l'interaction humaine et l'élaboration de nouvelles mesures d'intervention plutôt que de gérer des problèmes de logistique, de produire des rapports et d'accomplir des tâches répétitives puisque la valeur ajoutée de chacune de ces responsabilités est limitée.

Par conséquent, il y a 11 ans, nous avons créé Jaco, un appareil robotisé simple et sécuritaire. Ce robot est conçu pour être installé sur un fauteuil roulant. Pour les utilisateurs gravement handicapés, le robot utilise les commandes du fauteuil, de sorte que nous nous adaptons aux commandes qui sont déjà en place. Il peut s'agir d'un petit levier de commande, d'une commande au menton ou à la tête, d'un contacteur au souffle, d'une commande qui fonctionne avec les yeux et d'une nouvelle interface cerveau-machine. Peu importe les moyens dont dispose l'utilisateur du fauteuil, nous pouvons appliquer ces connaissances au bras robotisé.

L'une des choses que font nos utilisateurs, comme tout autre être humain, c'est prendre un verre d'eau. Dans le cas d'une personne atteinte de dystrophie musculaire ou de paralysie cérébrale qui n'a pas pu le faire depuis un certain temps, ou qui n'a jamais pu le faire, grâce à Jaco, elle en sera capable. C'est assez facile à apprendre. Même le premier ministre Trudeau a pu l'apprendre et a essayé le bras robotisé dernièrement. Il nous a mis au défi et il a réussi à accomplir la tâche.

Les gens dont l'utilisation du haut du corps est restreinte ne pouvaient pas faire des choses que l'on fait quotidiennement, comme se gratter, ramasser un objet sur le plancher ou prendre un repas soi-même. Grâce à notre bras robotisé, ils dépendent moins des soignants et profitent d'une meilleure qualité de vie.

L'équipe de Kinova a toujours dit, et a de nombreux exemples à cet égard, que les personnes à mobilité réduite veulent retrouver leur autonomie — non seulement pour leur bien-être, mais aussi pour contribuer à leur collectivité.

Au cours de la dernière année, pour accélérer les avancées en robotique et l'intégration de la robotique dans les soins de santé, nous avons pris contact avec des centaines de chercheurs et de concepteurs de plus de 35 pays. Ils utilisent leurs connaissances pour améliorer l'application des technologies robotiques. Grâce à ces collaborations, nous avons établi des partenariats stratégiques pour produire de nouvelles solutions dans le secteur de la robotique médicale. À ce moment-ci, Kinova collabore activement avec des chirurgiens et des professionnels de la santé afin de créer de meilleurs outils pour eux et leurs patients et, au bout du compte, de rehausser le niveau des soins de santé. Le scalpel utilisé par un chirurgien n'a pas beaucoup changé depuis un siècle. Il est temps que les outils médicaux évoluent, et la robotique est utile en ce sens.

Kinova aimerait que tous les gouvernements participent davantage et jouent un rôle de premier plan dans l'évolution de la médecine afin que la situation des patients s'améliore. Utiliser la robotique pour que l'accent soit mis sur les activités à valeur ajoutée plutôt que sur les tâches ayant peu de valeur permettra au système de soins de santé d'avoir les moyens nécessaires.

La création des outils est imminente, mais leur accessibilité nécessitera un changement sociétal. Merci.

Le président : Je vous remercie beaucoup tous les deux. Je pense que nous aurons une discussion intéressante aujourd'hui.

Le sénateur Eggleton : J'ai une question à poser à chacun des témoins. Je vais commencer par M. Monteith. Vous avez dit que l'une des craintes des gens concerne l'emploi; c'est-à-dire qu'ils ont peur d'être remplacés par des robots, par des systèmes d'intelligence artificielle en général. Comment parvenez-vous à convaincre les gens que des emplois peuvent être créés? Existe-t-il des programmes que vous conseillez aux gens? Tout le monde ne deviendra pas spécialiste dans la technologie de pointe. Des emplois moins bien rémunérés sont menacés également. Comment les gens, dont les revenus varient, peuvent-ils surmonter cette crainte de voir de nombreux emplois disparaître?

M. Monteith : C'est une question très importante dont nous débattons encore aujourd'hui. Je considère que la nouvelle économie et les changements de cette quatrième révolution industrielle peuvent être inclusifs. À mesure que les gens cheminent dans leur carrière, nous devons faire intervenir tous les niveaux d'études, c'est-à-dire les collèges communautaires et les universités, en vue de créer des emplois de haut niveau, à un moment où on élimine progressivement le travail manuel. Comme ce fut le cas lorsque nous sommes passés de l'agriculture à la fabrication — et maintenant de la fabrication à la nouvelle ère de l'information et des technologies —, je considère que nous sommes à l'aube d'un changement générationnel et que nous avons une occasion inouïe de profiter de cette transition.

À mesure que nous centrons nos efforts sur l'économie du savoir et que nous, les Canadiens, soutenons la concurrence sur le marché mondial, il y aura de nombreux débouchés qui s'offriront à nous, autant dans la recherche primaire et appliquée que pour les spécialistes qui tirent parti des nouvelles compétences qui nous permettront d'exporter ces capacités. Ce sont les outils que nous créons ensemble, tout comme les emplois spécialisés qui sont nécessaires pour installer, mettre en œuvre et encadrer d'autres économies dans le cadre de cette transition extraordinaire.

Pour revenir à ce que je disais plus tôt, je crois sincèrement que l'utilisation de l'intelligence artificielle, de la robotique et même de l'automatisation robotisée des processus, qui se situe entre les deux, représente un changement radical au chapitre de la prestation des soins de santé. Nous serons mieux en mesure de répondre aux besoins de nos citoyens en appliquant ces technologies, non seulement du point de vue de la qualité, mais aussi parce que certaines de nos ressources clés pourront se consacrer à des tâches plus importantes. Plutôt que d'avoir des préposés aux services de soutien personnel qui font boire de l'eau à leurs patients, par exemple, comme je l'ai dit plutôt, ces personnes pourraient prévenir les décès. Cela entraînerait une croissance de l'emploi.

Grâce à son expertise dans les domaines de la robotique et de l'intelligence artificielle, encore une fois, je considère que le Canada pourrait être un chef de file à l'échelle mondiale.

Le sénateur Eggleton : Monsieur Deguire, j'ignore combien coûte votre bras robotisé, mais vous dites qu'il est intégré à un fauteuil roulant. Est-ce abordable, et à qui s'adresse-t-il?

M. Deguire : C'est une très bonne question. Pour l'instant, le prix au Canada se situe entre 30 000 et 45 000 $, ce qui peut sembler très coûteux à première vue. Cependant, si on compare le coût de ce bras aux économies qu'il représente, c'est tout à fait abordable. C'est ce qu'on a fait aux Pays-Bas. Le bras robotisé est entièrement remboursé. Cela dit, si on peut économiser une heure ou une demi-journée de soins dispensés par un soignant, rémunéré selon un taux horaire, aux Pays-Bas, on obtient un rendement de ses investissements au cours des deux prochaines années.

Et ici, je parle uniquement des coûts associés aux fournisseurs de soins. Nous avons des utilisateurs aux Pays-Bas et en Allemagne, et en Allemagne, où le robot est maintenant couvert par les régimes d'assurance, il y a de plus en plus de gens qui peuvent reprendre leurs études ou réintégrer le marché du travail. Outre les avantages qu'il procure à ses utilisateurs, ce dispositif va créer des emplois et du travail à valeur ajoutée.

Comme je l'ai dit, le rendre accessible est un travail d'équipe. Nous devrons collaborer avec les collectivités, l'assurance-maladie et le fournisseur de la technologie. Ce produit a été développé pour l'Europe, et nous sommes au Canada depuis plus de 10 ans. N'empêche qu'aujourd'hui, 98 p. 100 de nos revenus proviennent de l'extérieur du Canada.

Le sénateur Eggleton : Comment un aîné touchant un faible revenu, quelqu'un qui vit d'une pension, pourrait se permettre un tel appareil? Comment est-ce possible? Ils ne pourront pas payer 30 000 $.

M. Deguire : Tout comme les gens n'achèteront pas un fauteuil roulant aujourd'hui. Ils n'achèteront pas un fauteuil roulant électrique; il est couvert par l'assurance. Si vous ne déboursez pas pour un fauteuil roulant, vous devrez payer quelqu'un pour vous aider. Si vous ne pouvez pas manger seul, quelqu'un devra le faire à votre place. Quelqu'un devra vous donner le verre d'eau dont vous avez besoin. Par conséquent, vous payez déjà pour cela.

Ce qui est difficile au Canada, c'est de convertir les dépenses liées aux services, c'est-à-dire rémunérer les gens selon un taux horaire, en dépenses d'immobilisations pour l'achat d'équipement. Il n'y a pas de processus simple pour y arriver.

Le sénateur Eggleton : Est-ce maintenant couvert par les régimes d'assurance?

M. Deguire : Les fournisseurs de soins sont maintenant couverts par les régimes d'assurance. On les paie selon un taux horaire, toutes les semaines, tous les mois, pour venir en aide aux gens dans le besoin. Ce que nous proposons, c'est de convertir une partie de ces dépenses en dépenses d'immobilisations. Ce n'est pas quelque chose qui se fait facilement. Le processus doit être amélioré afin d'accélérer l'intégration de l'innovation. Aujourd'hui, les gens ne nous disent pas que si le bras robotisé était la moitié du prix, ils le couvriraient. Ils ne savent même pas le prix qu'il devrait être pour pouvoir le couvrir.

Le sénateur Eggleton : Est-ce couvert par les régimes d'assurance au Canada?

M. Deguire : Non.

Le sénateur Eggleton : C'est donc une des questions qu'il faudra régler.

M. Deguire : Tout à fait.

La sénatrice Stewart Olsen : J'ai une question pour chacun d'entre vous. Monsieur Deguire, ma question comporte deux volets. Quelle est la durée de vie du bras robotisé? Les dépenses en immobilisations s'élèvent à 30 000 $, puis il y a ensuite l'entretien, et cetera. Vous avez dit quelque chose que je trouve intrigant, c'est-à-dire qu'il faudrait apporter un changement social. Pourriez-vous y revenir brièvement?

M. Deguire : Dans un premier temps, sachez que nos premiers utilisateurs, qui se trouvent aux Pays-Bas, utilisent la première génération du bras depuis sept ans, et il fonctionne encore très bien. Naturellement, il y a un service minimum au cours de la première année. Mais par la suite, une fois qu'ils ont compris le fonctionnement, tout va bien. Il a été conçu pour durer huit ans et plus. Vous devez comprendre que nous utilisons une technologie qui est utilisée dans des processus industriels pour plus d'un million de cycles. On ne fait pas un million de cycles lorsqu'on parle de soins à domicile. Par conséquent, il s'agit d'une technologie très durable, ce qui concorde avec son prix. Voilà pour la première partie de votre question. Pourriez-vous répéter la deuxième partie?

La sénatrice Stewart Olsen : Le changement social dont vous avez parlé.

M. Deguire : Si nous voulons intégrer plus d'innovation, nous devons préparer la voie. Nous sommes une société du savoir. Toutefois, le plus important consommateur au Canada est le gouvernement. Si on n'a pas de plan pour intégrer les nouvelles connaissances, les innovations dans les systèmes d'approvisionnement du gouvernement, comment pourrons- nous accélérer le développement de ces innovations au Canada?

La sénatrice Stewart Olsen : Monsieur Monteith, j'aurais peut-être besoin de votre aide. J'aimerais que nos systèmes d'éducation se tournent vers les nouvelles technologies. Cela dit, lorsque vous voulez recruter un nouvel employé au sein de votre entreprise, qu'est-ce que vous recherchez dans son CV?

M. Monteith : C'est une question très intéressante. Mon entreprise est composée de gens de divers horizons. Il y a des gens qui ont une formation en soins infirmiers et qui sont devenus experts en matière d'informatique de la santé et qui essaient de trouver des façons d'appliquer des pratiques exemplaires. Nous avons des ingénieurs qui se sont lancés dans les logiciels. Il y a même une personne qui a fait une maîtrise — sur les lasers iridium et la mécanique quantique — qui a dû apprendre le codage afin de prouver sa théorie, puis qui a finalement obtenu son diplôme dans le domaine qui nous intéresse.

Étant des pionniers dans le domaine du raisonnement symbolique, contrairement à ce que vous avez entendu au sujet de l'apprentissage profond, nous avons dû façonner nous-mêmes nos talents. Nous embauchons des gens intelligents et curieux et nous leur enseignons nos propres techniques afin que tous soient au même diapason rapidement. Nous sommes d'avis que nos collèges communautaires doivent participer davantage à la création de programmes visant à appuyer l'innovation appliquée. Nous avons un excellent système universitaire, qui forme des étudiants à la maîtrise et au doctorat, et grâce à l'investissement du gouvernement canadien dans l'Institut Vector et d'autres, il y en aura encore plus. Je pense que les entreprises qui diffusent ces innovations à l'échelle nationale et internationale ont là une véritable occasion d'accroître le nombre de travailleurs au sein de la population active.

C'est grâce à la collaboration des entités du secteur public, de tous les ordres de gouvernement, et des entités du secteur privé, qui travaillent à créer des programmes alignés sur les problèmes très complexes que nous voulons régler dans le domaine de la santé, ainsi que dans les domaines de l'innovation appliquée et même de la recherche primaire.

Au conseil, nous avons tenu de nombreuses discussions récemment pour savoir comment, en réunissant les entités du domaine de la santé qui souhaitent diffuser les innovations qui ont été créées et en travaillant avec des entreprises qui ont fait leurs preuves sur le marché canadien ou sur le marché mondial, nous pourrions créer de vastes ensembles de données et de connaissances, et une banque d'idées et de problèmes qui, selon nous, pourraient attirer plus d'étudiants, également dans les domaines de l'économie de la santé et de la recherche en santé, en leur donnant quelque chose sur quoi concentrer leur attention.

Par conséquent, en combinant l'idée de déployer les innovations à grande échelle, de créer des idées et des problèmes complexes à régler et de collaborer avec les collèges communautaires au développement de ses compétences, nous pensons pouvoir changer la donne pour les Canadiens.

M. Deguire : Tout à fait. Pour vous donner un exemple, à Kinova, sachez que ce qui nous anime le plus, c'est la passion. Face à une concurrence féroce, nous avons besoin de rapidité. Par conséquent, les gens qui apprennent le plus rapidement sont souvent ceux qui sont les plus passionnés. Nous avons des techniciens, et des doctorants qui travaillent ensemble. Les diplômes qu'ils ont importent peu. En fait, l'un de nos meilleurs ingénieurs en logiciel n'est même pas un ingénieur; il est technicien. Cependant, il est le chef technique qui encadre les autres ingénieurs. Pendant que les ingénieurs étudiaient pour obtenir leur baccalauréat, il faisait du codage. Il est devenu très bon dans le domaine parce qu'il était passionné.

Cela dit, lorsque nous nous adressons aux jeunes étudiants qui veulent étudier en robotique, nous insistons sur l'importance d'être passionné et de chercher à en apprendre tous les jours sur le sujet. Toutes les connaissances qu'ils auront acquises au cours de leurs études ne seront plus à jour au moment où ils obtiendront leur diplôme. Par conséquent, ils doivent apprendre à apprendre. C'est tout ce qui compte pour notre entreprise — la vitesse à laquelle ils pourront acquérir de nouvelles connaissances et établir des liens avec leurs coéquipiers.

La sénatrice Stewart Olsen : Selon moi, c'est également un changement social. Merci beaucoup.

La sénatrice Seidman : Merci beaucoup à vous deux. Je ne suis pas sûre si j'ai entendu tout ce que vous avez dit ou si j'ai peut-être raté quelques informations. J'aimerais revenir sur la question que la sénatrice Stewart Olsen a posée pour ce qui est de recycler les travailleurs actuels ou d'encourager les jeunes à choisir des programmes qui les mèneront dans ce domaine.

Lorsqu'on examine le programme des écoles primaires et secondaires, j'ai l'impression qu'il est assez standard. Lorsqu'on parle aux jeunes, ils ont beau avoir constamment entre les mains des appareils numériques et être très intégrés, lorsqu'on leur demande vers quel domaine ils souhaitent s'orienter, il est rare qu'on les entende dire : « Je veux étudier en intelligence artificielle ou en robotique. »

Tout d'abord, est-ce facile de recruter des gens? Avez-vous du mal à trouver des Canadiens, de façon générale, pour travailler au sein de votre entreprise? Si oui, vers qui vous tournez-vous? Est-ce que vous recrutez à l'étranger? Quelles recommandations pourrait-on faire pour aider le système d'éducation à remanier certains de ces programmes afin d'attirer des jeunes dans le domaine?

M. Deguire : Tout d'abord, sachez que nous sommes 150 employés, dont 75 ingénieurs, avec toutes sortes de diplômes. Nous n'avons pas de difficulté à recruter des ingénieurs. Ils viennent des quatre coins du monde.

Nous avons plutôt du mal à recruter des gens qui possèdent des compétences techniques, comme des techniciens et du personnel d'assemblage sur la ligne de production. Il a été plus difficile en fait de recruter ces gens que les ingénieurs. Nous sommes un fabricant, alors cela constitue une grande partie de notre main-d'œuvre. C'était le premier élément.

Deuxièmement, je pense que les jeunes et les étudiants doivent toucher à différents domaines pour savoir ce qui les passionne vraiment. Ensuite, tout est dans la méthode de travail. Nous devons souvent leur enseigner le pourquoi et le comment : pourquoi accomplissez-vous cette tâche? Quelle est votre stratégie? Comment allez-vous mettre en pratique vos connaissances? C'est très simple, mais peu importe le travail que l'on fait, c'est toujours le même processus : structurer, travailler en équipe et tirer parti des connaissances des autres. Qu'il s'agisse d'un domaine spécialisé ou général, j'estime que ce type d'exercice de résolution de problèmes complexes peut les aider davantage. Nous devons mettre au défi nos jeunes et nos étudiants.

Lorsque nous recrutons, particulièrement des ingénieurs, nous passons en entrevue tous ceux qui ont participé à des concours en dehors du processus habituel. Ils doivent aller en dehors de leur zone de confort et rivaliser à l'échelle mondiale. Je ne crois pas qu'il faille attendre jusqu'à l'université ou jusqu'au collège pour lancer des concours afin de recruter les jeunes.

M. Monteith : Je suis tout à fait d'accord. Nous sommes établis à Toronto, et je trouve qu'il est extrêmement difficile d'être en concurrence avec les banques qui se redéfinissent comme des entreprises de logiciels, des multinationales qui remplissent tout le corridor du centre-ville et qui font augmenter les salaires. C'est ce que mon entreprise et bon nombre de nos homologues du CCI vivent au quotidien. L'accès aux talents constitue un véritable défi.

Je félicite le gouvernement de chercher à accélérer l'embauche des travailleurs étrangers au Canada. J'estime que c'est une mesure extraordinaire qui pourrait nous aider à remédier à la situation.

Pour répondre à la deuxième partie de votre question, pour que les jeunes s'intéressent aux sciences et à la technologie, ils doivent en premier lieu être exposés à ces domaines pour voir à quel point ils sont intéressants. Nous participons à des programmes qui montrent notamment aux jeunes à faire du codage et qui encouragent les femmes à s'orienter dans les domaines du codage et de la technologie. Notre société doit faire valoir ces domaines. Ce qui différencie les pays comme l'Iran, la Russie et beaucoup d'autres, c'est que d'un point de vue social, qu'il s'agisse d'hommes ou de femmes, ils sont tous encouragés à exceller, et il est tout à fait normal de se diriger vers les sciences et la technologie.

Il y a encore beaucoup de préjugés liés à ces domaines dans le contexte nord-américain, et c'est en collaborant avec les médias, les divers établissements et les écoles que nous arriverons à rendre la chose attrayante.

La sénatrice Petitclerc : Je vous remercie pour vos exposés. C'est fascinant. En fait, étant moi-même en fauteuil roulant et connaissant beaucoup de gens qui ont un handicap, je connais quelqu'un à Montréal qui possède un appareil semblable. Je peux vous confirmer que cela a littéralement changé sa vie.

J'aimerais que vous m'expliquiez tous les deux — peut-être que M. Monteith pourrait commencer — comment fonctionne le processus d'innovation. Est-ce fondé sur la science, la technologie, la nouveauté ou les besoins des gens que vous essayez d'aider? Est-ce une combinaison de tout cela? Comment fonctionne cette dynamique? Est-ce que vous essayez de cerner quels sont les besoins d'une personne, d'un hôpital, du personnel infirmier, à partir desquels vous construisez quelque chose, ou est-ce l'inverse?

M. Monteith : Je pense que tout commence par une étincelle et un désir. Je peux parler en mon nom et en celui de mes cofondateurs. Lorsque nous avons démarré notre entreprise, nous essayions d'imaginer comment les gens pourraient interagir avec le monde numérique pour améliorer et simplifier leur vie. Il y a tellement de technologies qui ont rendu les gens des esclaves de la technologie par le passé. Nous voulions changer la situation. C'était notre source de motivation.

Après avoir perfectionné notre art, nous avons décidé que le système de santé était le domaine qui bénéficierait le plus de nos compétences et de notre expérience. Nous avons alors recherché des personnes qui partageaient nos idées et avaient des problèmes fort complexes, que nous pourrions les aider à résoudre. Nous avons ensuite élargi la portée de l'innovation à la lumière de leurs histoires et des résultats qui peuvent en découler.

Je pense que le parcours est fort différent. Certaines innovations majeures émergent des milieux universitaires, mais tout commence au même endroit : des entrepreneurs passionnés qui veulent changer le monde, puis qui réussissent à trouver une idée, à se frayer un chemin, à attirer l'attention et à bâtir une entreprise d'ampleur modulable. Je pense que c'est l'essentiel de la réponse. Il faut encourager l'entrepreneuriat et continuer à le faire pour que le domaine soit considéré comme étant branché. Nous avons des talents incroyables au pays. Il s'agit donc d'un ensemble de circonstances très vastes.

M. Deguire : Pour ma part, l'inspiration vient de ma famille. J'ai grandi avec trois oncles qui sont atteints de dystrophie musculaire. J'ai été témoin de leur vie quotidienne, mais aussi de leur rage de se battre et d'améliorer leur autonomie chaque jour. Je les voyais chaque été, et leurs capacités se dégradaient. La dystrophie musculaire est une maladie dégénérative. Malgré tout, ils réussissaient chaque année à faire plus de choses puisqu'ils adaptaient leur fauteuil roulant et leurs outils.

En tant que jeune Canadien, j'ai été frappé par ce potentiel d'innovation. Lorsque je suis devenu un ingénieur, je me suis spécialisé dans la robotique, puis j'ai compris les possibilités qu'offrent la robotique et les connaissances que j'avais acquises grâce à mes oncles. Il m'a donc été facile de concilier les deux idées et de décider d'améliorer les choses.

Lorsque nous avons créé la première génération de Jaco — nommé en l'honneur de mon oncle Jacques, que nous appelons tous Jaco —, c'est la réalité que j'avais en tête. C'est pour cette raison que nous avons développé l'ensemble de ses fonctionnalités. C'est sécuritaire, et les enfants peuvent même jouer aux alentours, étant donné que les gens sont entourés d'enfants. C'est la vie. Vous pouvez lui faire la vie dure. C'est intuitif. Personne n'a besoin d'un doctorat en robotique pour conduire Jaco.

C'est l'ensemble des fonctionnalités qui explique le coût du produit. Nous avons choisi de ne pas nous limiter à un faible prix simplement parce qu'il serait plus facile de percer le marché. Nous voulons plutôt offrir la bonne solution. Si c'est le prix qu'il faut payer, mais que le produit change une vie, c'est ce que nous voulons. Jaco a changé bien des choses. Nous avons été épaulés par des gens d'affaires qui nous disaient d'aller dans une direction donnée ou de vendre à d'autres marchés. Mais nous avions un cheminement précis à l'esprit. Si mon oncle devait utiliser Jaco, il était mieux d'être à la hauteur. Voilà ce que nous avions en tête.

[Français]

La sénatrice Mégie : Je crois que M. Deguire pourra répondre à ma question qui concerne les soins de santé. J'ai trouvé vos présentations géniales, et je trouve que le sujet l'est tout autant. J'ai pu constater la débrouillardise de gens atteints de dystrophie musculaire. Même sans robotique, je les ai vus se tirer d'affaire avec des dispositifs mécaniques, en réussissant à faire bouger leur fauteuil roulant avec leur menton, par exemple.

En ce qui concerne les soins de santé, vous avez donné l'exemple de l'infirmière qui aurait à donner de l'eau à son patient. Si un robot le faisait à sa place, elle pourrait alors s'occuper d'autre chose. Du côté pratique, pouvez-vous me dire qui programme le robot afin qu'il soit en mesure d'aider ce patient? Est-ce que quelqu'un le fait à l'avance pour faire gagner du temps à l'infirmière? Comment cela se passe-t-il?

M. Deguire : La limite ou la frontière de l'automatisation devient de plus en plus flexible.

Chez Kinova, nous nous spécialisons en plaçant l'humain au centre de la question. Dans notre plateforme, il y a donc toujours un être humain qui a le contrôle, que l'on travaille avec une infirmière, un chirurgien ou une personne en situation de handicap. Si l'être humain veut contrôler chaque étape pour prendre le verre, il le peut. Si l'être humain décide qu'il veut juste prendre le verre, il le peut aussi. Si l'infirmière et le chirurgien souhaitent atteindre une position dans l'anatomie humaine, ils pourront se rendre jusqu'au point qu'ils désirent automatiser.

De plus en plus, en technologie, on offrira ce choix à l'utilisateur. Cela permettra à l'utilisateur de se concentrer sur certaines tâches, comme dans le cas de l'infirmière. On peut parler de solutions automatisées à 100 p. 100 pour la logistique. Donc, si l'infirmière connaît les médicaments dont elle pourrait avoir besoin, au lieu d'aller les chercher, elle pourra les faire livrer par le robot. Donc, elle engage les activités et en recevra les résultats.

On parle aussi de la production de rapports, dont une partie peut être effectuée par l'intelligence artificielle. L'énergie et les minutes sauvées pourront être réinvesties là où la personne croit qu'il y a une valeur ajoutée. Grâce aux choix qui sont offerts aux professionnels, on favorise la capacité d'évoluer au prochain niveau afin d'aider le fournisseur de soins, car celui-ci conserve le contrôle. Certaines activités auront plus de valeur pour certains patients, et ce ne seront pas nécessairement les mêmes activités qui seront utiles à d'autres patients. Donc, avoir une robotique ou une automatisation dont l'être humain a la maîtrise est la clef afin de favoriser l'intégration et de créer ainsi davantage de valeur.

[Traduction]

Le sénateur McIntyre : Messieurs, je vous remercie de vos exposés. Ces derniers mois, notre comité a écouté toutes sortes d'intervenants parler de nouvelles technologies. Cela dit, il est intéressant d'entendre votre témoignage, étant donné que vous produisez et commercialisez des technologies.

Certaines personnes pourraient croire que ces nouvelles technologies sont néfastes pour le secteur de la santé. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Aussi, le secteur est-il prêt à recevoir ces nouvelles technologies? Dans le cas contraire, comment peut-il s'y préparer?

M. Deguire : Le secteur est-il prêt? J'en doute pour le moment, compte tenu du système en place. La population et les citoyens canadiens en ont-ils besoin? Je pense que oui. C'est pourquoi nous devrons travailler ensemble pour que le tout se concrétise. Comme je l'ai dit, puisqu'il n'y a aucun chemin tracé pour intégrer l'innovation à notre système de santé, comment les gens du domaine pourraient-ils être prêts à l'intégrer?

Ce qu'on nous dit le plus, c'est : « Je voudrais vous aider, mais ce n'est ni mon travail ni ma responsabilité. » Par conséquent, qui s'occupe d'intégrer l'innovation au système de santé?

Le système devrait mettre au défi les entreprises privées. Nous faisons affaire avec de nombreux autres systèmes de santé dans le monde. Nous sommes d'ailleurs présents dans 35 pays. Nous aimerions donc beaucoup travailler avec le système de santé canadien. Vous n'avez qu'à nous mettre au défi. Si nos méthodes ne répondent pas à vos besoins, dites-nous ce que nous pourrions faire pour y arriver. À cette fin, vous devez connaître vos critères et vos données, puis les mettre à notre disposition. Nous sommes dans le milieu de la robotique; nous avons donc l'habitude de travailler avec des données.

Nous parlons d'aspects économiques. Si nous avons des chiffres précis — par exemple, le coût des soins dispensés à un patient atteint de dystrophie musculaire dans une région donnée —, nous pourrions vous soumettre une offre qui vous permettrait d'économiser de l'argent et nous permettrait d'intégrer une solution de sorte que tout le monde y gagne. Mais si l'information n'est pas disponible ou n'existe pas, comment pouvons-nous faire bouger les choses?

Bien des éléments doivent changer. Les avantages économiques de l'innovation sont incontestables à mes yeux. De nos jours, comment un comptable pourrait-il faire son travail sans feuille de calcul ni ordinateur? Pour nous, c'est la même chose que de se demander comment un chirurgien pourra faire une opération sans robot d'ici une décennie. Ce sera comparable.

Si nous ne changeons rien au réseau d'aujourd'hui, nous accuserons un retard, ce que nous ne pouvons pas nous permettre. Nous parlons de soins de santé. Il s'agit donc de la qualité de vie et de la vie des gens. Je demande instamment à tout le monde ici aujourd'hui d'obliger les responsables des systèmes de santé à prendre des mesures proactives à l'égard de l'innovation. N'attendons pas que le réseau voie l'innovation ailleurs et trouve que c'est une bonne idée. Faisons en sorte qu'il soit obligatoire de favoriser l'innovation. Vous ne pouvez pas vous permettre d'attendre.

M. Monteith : J'aimerais revenir sur le système de santé. Nous utilisons ce terme de façon très large, mais il s'agit d'un réseau de centaines de milliers de travailleurs individuels qui se trouvent dans plus de 1 200 hôpitaux et établissements de santé au pays.

Si nous regardons notre bilan en matière d'innovation, nous constatons que nous sommes une nation de projets pilotes. Il y a des foyers d'innovation d'un bout à l'autre du pays. Ce qui nous fait défaut, c'est la capacité d'assurer l'expansion de ces innovations. Je doute que ce soit parce que le système de santé n'est pas prêt. À l'instar de tous les marchés, il y a d'abord des utilisateurs précoces, puis une majorité précoce, après quoi tout le monde adopte l'innovation. Si nous observons l'ensemble de notre grand pays, nous verrons que des personnes à différents niveaux de préparation participent à l'expansion de différents types d'innovation, en fonction des besoins particuliers de leur organisation, de leur situation géographique et des concitoyens qu'ils cherchent à servir.

Nous devons envisager de créer un modèle dans lequel les organisations peuvent trouver des organisations aux vues similaires qui ont des technologies éprouvées et rentables, puis former des groupes afin d'assurer l'expansion de l'innovation. Il faut montrer aux autres membres du réseau qu'il est possible de tripler les résultats financiers grâce à ce type d'innovation à une telle échelle. Voilà qui est dans l'intérêt de nos citoyens et de leur famille. L'innovation permet même de couvrir certains des coûts d'exploitation de notre grand réseau — 228 milliards de dollars cette année — et de générer des revenus pour les entreprises qui augmentent leurs activités.

Examinons les méthodes traditionnelles. Un dollar de recettes au sein d'une entreprise en expansion peut valoir jusqu'à 6 ou 8 dollars de création de richesse pour les Canadiens. En revanche, un dollar d'aide aux entreprises versé sous forme de subvention ne vaut rien de plus qu'une augmentation des liquidités. Si nous pensons à la façon dont l'innovation à grande échelle profitera simultanément aux belles entreprises et à notre secteur de la santé, il y a bel et bien une occasion à saisir.

Si nous mettons à profit les réalisations du milieu universitaire — ce qui revient encore une fois à l'une de mes principales réflexions en tant qu'innovateur au sein de notre collectivité —, je crois que nous pouvons demander aux universitaires de se pencher sur des problèmes très épineux et d'étudier les résultats et avantages des innovations à grande échelle, qui deviennent des outils de commercialisation et de vente dans le cadre de la mondialisation.

Il faut miser sur les entreprises pour augmenter les recettes du pays de 2 à 4 p. 100. En ce moment, il y a probablement 20 à 30 entreprises au Canada qui pourraient devenir des sociétés multimilliardaires avec l'aide du gouvernement.

Le président : Monsieur Monteith, vous avez mis le doigt sur un concept omniprésent dans bon nombre de nos études, à commencer par notre étude de l'Accord sur la santé, à savoir que nous n'avons pas de système de santé au Canada; comme vous l'avez dit, nous avons plutôt un ensemble de réseaux qui fonctionnent en « vases clos ». C'est le terme que nous employons.

Surtout, vous avez mentionné la notion de projets pilotes en réponse à la question du sénateur McIntyre. Nous sommes un pays de projets pilotes, mais nous avons constaté dans la plupart de nos études qu'il n'y a aucun moyen de faire connaître les avantages d'un endroit à un autre, même au sein d'une province, et encore moins entre les différentes provinces. Vous avez donc mis le doigt sur un thème majeur — ou plutôt, vous avez nommé un désavantage concurrentiel majeur du Canada, en particulier lorsque l'avenir repose sur la connaissance.

[Français]

Le sénateur Cormier : Je vous remercie de votre présentation et je vous félicite, monsieur, pour votre prix du Gouverneur général de 2016 pour l'innovation.Cela démontre le leadership que vous exercez dans ce secteur. Vous avez manifestement beaucoup de passion à parler de vos innovations. Vous avez aussi beaucoup de pouvoir de conviction. Nous essayons de cerner les actions du gouvernement fédéral qui pourraient favoriser cette transition dans laquelle nous sommes et qui touche plusieurs aspects, tels que les questions de l'accès et des coûts dont nous avons parlé tout à l'heure, ainsi que la question de la formation. Si vous deviez cerner trois priorités sur lesquelles devrait travailler le gouvernement fédéral afin d'aider à la fois les citoyens et le milieu hospitalier à faire cette transition, quelles seraient- elles?

M. Deguire : Premièrement, il s'agirait de lancer des défis aux entreprises, dont les résultats changeraient l'avenir de l'ensemble des systèmes de santé au Canada. On parlait plus tôt d'éducation, on parlait des entreprises auxquelles nous faisons concurrence à l'étranger; nous travaillons beaucoup avec les défis.

[Traduction]

Le seul risque avec lequel nous avons du mal à composer est celui qui est associé au développement du marché. Si vous arrivez à l'atténuer en affirmant que le gouvernement est prêt à payer un montant donné advenant que l'entreprise arrive à résoudre le problème, je vous garantis que les jeunes et les entreprises uniront leurs efforts pour relever le défi. Notre génération aime être mise au défi. Si le gouvernement arrive à exposer une difficulté du système de santé qui touche l'ensemble des provinces et des territoires, et qui est importante pour chaque instance, puis que nous arrivons à y trouver des solutions, nous aurons amplement d'universités, de centres de recherche, d'entrepreneurs et de personnes passionnées pour composer avec ces inventions ou pour résoudre les nouveaux problèmes technologiques.

Ce que nous ne pouvons pas déterminer, c'est la valeur de la solution au problème. L'information appartient à ceux qui paient aujourd'hui, à savoir les différents systèmes de santé qui fonctionnent en vase clos. Il serait donc utile qu'un même projet puisse toucher l'ensemble des vases clos d'un seul coup.

Vous devez vous mettre à ma place. Je suis le président d'une entreprise. Que ce soit au Québec ou en Californie, nous devrons déployer la même énergie pour créer un système de santé. Sur le plan de la taille, le Québec perd chaque fois. C'est pourquoi nous exportons aujourd'hui à 98 p. 100. Chaque dollar que nous investissons dans le développement du marché est important. Nous devons donc obtenir le meilleur rendement du capital investi. Simplifiez la procédure au Canada, et les gens seront au rendez-vous.

La première étape consiste donc à trouver un défi qui touche l'ensemble des provinces et des territoires. Voilà qui permettrait aux différentes provinces de se concerter, et la voie à suivre consiste à lancer un défi aux écoles et aux jeunes. Je vous encourage en ce sens.

M. Monteith : En tant qu'ancien fonctionnaire, j'ai moi aussi passé un certain temps au fil des ans à réfléchir à ces problèmes. Au pays, nous devons aider notre système de santé fragmenté à atteindre des objectifs de sorte que l'information commence à être mise en commun, et que la qualité de l'information et le désir d'innover augmentent. Nous devons choisir quelques thèmes importants qui auront une incidence directe sur la prestation de soins de santé et les investissements que nous réalisons avec nos précieuses ressources en santé. Pour appuyer une cause, il n'y a rien de tel que de lancer un appel à l'action, et que de déclarer la guerre à une chose qui interpelle tout le monde, des citoyens et leurs familles jusqu'à nos travailleurs de première ligne en santé et leurs dirigeants.

Nous examinons les chiffres. L'Institut canadien d'information sur la santé, ou ICIS, vient de publier des données qui confirment celles de l'Université Johns Hopkins. En fait, il semble que les traumatismes subis en milieu hospitalier constituent la troisième cause de décès en Amérique du Nord. Le Emergency Care Research Institute, ou ECRI, un regroupement américain qui étudie l'incidence de ce genre de choses, parle désormais d'une crise en matière de santé publique. Il faut envisager de lancer un appel à l'action pour réduire les méfaits, améliorer l'accessibilité et la qualité de vie, ou améliorer la rapidité et l'exactitude du diagnostic de sorte que notre système corresponde à certains grands thèmes importants, puis faire en sorte que des entreprises essaient d'abord de résoudre ces problèmes à l'intérieur du pays. Monsieur le président, il faut aussi créer un écosystème qui fonctionne non pas sur une période de 2 à 5 ans, mais bien sur 20 ans, ainsi qu'un modèle opérationnel qui favorise les découvertes.

La raison pour laquelle nous sommes une nation de projets pilotes, c'est que notre système de santé est tellement submergé par une demande à laquelle il ne peut pas répondre qu'il ne reste plus de temps pour les découvertes. Nous apprenons les uns des autres au moyen de présentations PowerPoint lors de conférences auxquelles bien des gens n'assistent pas. Il n'y a aucune tribune pour la découverte. Il n'y a aucune tribune à laquelle les citoyens canadiens pourraient participer pour comprendre les innovations qui ont émergé à l'échelle nationale, une tribune qui permettrait aux intervenants d'unir leurs voix pour dire que c'est important.

Pour surmonter ce défi, il faut inviter les gens à passer à l'action sur quelques thèmes importants, en fonction de nos capacités au pays.

M. Deguire : Vous nous avez demandé de nommer trois éléments à changer. Je pense que le troisième serait d'encourager les gens à adopter l'innovation. À l'heure actuelle, si un système de santé décide en vase clos d'introduire une innovation, rien ne le motivera réellement à le faire à l'interne, de sorte qu'il devra assumer le risque lui-même. J'échangerais n'importe quand une subvention pour une commande. Peut-être pourriez-vous délaisser les subventions de développement, puis réserver une petite partie des ressources au soutien du système de santé. Les gens pourraient lancer leur propre projet pilote, qui serait accompagné d'une mesure incitative afin de réduire le risque qu'ils assumeraient.

En revanche, ne pas soutenir l'innovation comporte son lot de conséquences. C'est notre qualité de vie qui est en jeu. Comme je l'ai dit plus tôt, nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas investir dans l'innovation. Si un ministère, un gouvernement ou un système de santé décide de ne pas favoriser l'innovation, ce choix ne lui incombe pas.

[Français]

Le sénateur Cormier : À moi qui viens du secteur de la créativité, des arts et de la culture, par curiosité, pouvez-vous me dire si vous avez réfléchi à la dimension esthétique de cet outil? On dit que certaines personnes peuvent avoir peur de cet instrument. Les jeunes, par exemple, vont l'aborder ou l'intégrer à leur vie différemment que les personnes âgées.

[Traduction]

M. Deguire : L'objectif était que le bras s'intègre à la vie de nos utilisateurs et soit accessible tant aux jeunes qu'aux moins jeunes. Il devait donc être attrayant. Prenons l'exemple de nos jeunes utilisateurs, qui peuvent être aussi jeunes que cinq ans, mais disons qu'il s'agit d'un jeune de huit ans. Quand Oliver, qui habite à Montréal, se promène avec son bras, il tient la main de Jaco et présente Jaco à son ami. La technologie devient une extension de lui-même. C'est comme un ami. La technologie est nécessaire pour éviter que les gens aient peur. Ils veulent qu'elle fasse partie de leur vie.

Il s'agit d'un attrait positif, surtout chez les personnes en fauteuil roulant. Souvent, les personnes sans handicap ne savent pas trop comment aborder ces gens. Leur offrir un engin qui paraît bien — c'est un robot, et c'est branché — aura une incidence positive sur leur image et leur entourage. L'esthétique était donc bel et bien importante pour nous. La technologie devait bien paraître et faire peu de bruit pour ne nuire ni à la réputation ni à l'image des utilisateurs.

La sénatrice Hartling : Merci beaucoup. Il est tellement intéressant et emballant d'entendre ce que vous faites. J'ai commencé à me renseigner sur la robotique lorsque je me suis jointe à ce comité, puis je viens de rencontrer un étudiant de Moncton qui s'intéresse beaucoup au sujet. Je suis toujours en contact avec lui. Il a participé à une compétition sur la robotique à Halifax, où il a rencontré le premier ministre, et il envisage même de faire ses études en robotique. Il existe tout un mouvement auquel je n'aurais pas songé, ou que je n'aurais pas connu si je n'avais pas été ici, et si je n'avais pas rencontré ce jeune.

Pour revenir sur ce que le sénateur Cormier a dit, y a-t-il d'autres entraves ou d'autres choses comme de la paperasserie administrative que vous trouvez difficiles en affaires? Vous êtes très enthousiasmé par ce que vous faites, mais y a-t-il d'autres choses qui sont vraiment ardues ou des points qui stimuleraient l'avancement de vos innovations et dont vous aimeriez nous parler?

M. Monteith : Nous avons travaillé à ce dossier en étroite collaboration avec Santé Canada. Dans le domaine de l'intelligence artificielle et des logiciels en général, le taux de changement est très élevé. Dans un sondage, nos clients nous ont encouragés à nous rapprocher encore davantage des patients. À titre d'exemple, dans le cas d'un patient qui subit un arrêt cardiaque, nous devons lui donner une chance de s'en sortir avant d'en arriver à placer le lit pour pouvoir le réanimer et à arrêter la pompe à perfusion contenant des narcotiques parce qu'il est déjà décédé. Cela ferait de notre dispositif un instrument médical de classe II. Un organisme de réglementation comme Santé Canada comprend l'écart. Nous ne savons pas comment régler cette question. Il est clair que la FDA aux États-Unis y travaille. Elle est en train de créer un groupe très spécialisé sur la santé numérique pour se pencher sur différents types de talents et processus en ingénierie. J'encouragerais ces mesures à l'échelle locale.

Il est clairement important d'obtenir des licences d'établissement relatives aux matériels médicaux et l'homologation nécessaire, mais les limites qu'impose cette même homologation sur le plan du changement et de l'invention continue représentent un obstacle important pour bien des entreprises spécialisées en technologies de la santé au Canada.

Le président : Monsieur Monteith, avec qui ou avec quelle direction à Santé Canada faites-vous affaire?

M. Monteith : Nous avons rencontré M. Kennedy, le sous-ministre, ainsi que son équipe, Marion Law. Ils dirigent une équipe fantastique, très engagée dans le dossier et qui travaille d'arrache-pied pour essayer de comprendre ce monde en évolution. De nos jours, même les instruments en tant que tels sont commandés par ordinateur. Alors, qu'il s'agisse de sociétés canadiennes qui essaient d'accroître leur part du marché ou de multinationales, le problème est le même pour tout le monde.

Il y a de nombreuses années, Santé Canada a décidé d'encourager l'enregistrement et l'homologation des logiciels à la grandeur du pays. Il y a eu énormément de résistance de toutes parts — des hôpitaux à d'autres intervenants qui construisent leurs propres logiciels dans certains cas, en passant par les multinationales, car nous n'avons pas les capacités nécessaires au Canada pour nous prêter à ces exercices. Cependant, le fait de ne pas atteindre ces buts signifie que la pénétration de notre propre marché devient un obstacle à la vente quand les gens demandent si nous avons l'homologation d'instrument médical de classe II.

M. Deguire : Pour nous, le principal obstacle, et l'élément qui stimulerait la croissance de notre entreprise, serait l'accès rapide au marché canadien. Dans notre cycle, notre tout premier client à Kinova a été les Pays-Bas. Nous avons dû y faire nos essais cliniques. Il faut consacrer beaucoup de temps et d'investissements pour s'y rendre. Si nous pouvions le faire au Canada, encore une fois, je vous dis de nous mettre au défi. Si le Canada nous donnait un accès rapide au marché, et qu'en échange, nous lui offrions des prix avantageux à vie, tout le monde y trouverait son compte. Nous sommes ouverts à cette possibilité. S'il vous plaît, demandez aux personnes responsables des soins de santé de venir en discuter avec nous.

Le président : Nous essayons de les convaincre de venir nous parler.

La sénatrice Unger : Merci beaucoup de votre présentation. Y a-t-il quelque chose que vous puissiez faire dans le cas d'un appareil vocal qui ne fonctionne pas? Monsieur Monteith, vous avez déjà répondu à une question que je me posais concernant la fragmentation de votre industrie. Donc, non seulement le système de soins de santé est lui-même fragmenté, mais vous êtes au stade précoce de ce qui, selon moi, sera une industrie florissante, bien que toujours fragmentée, alors je me demandais comment tous les éléments se placeraient.

Je me pose aussi des questions, monsieur Deguire, au sujet de la concurrence. J'envisageais quelque chose qui aurait l'air d'un bras bionique recouvert de peau. Je pense que certaines personnes pourraient en avoir peur, mais si vous avez besoin de l'aide qu'il peut vous offrir, ce dispositif devient alors votre meilleur ami. Avec la concurrence, je m'interroge aussi sur l'infrastructure de télécommunications du Canada. Est-elle suffisamment robuste pour ces types d'innovations?

M. Monteith : Je vais commencer par poser une question concernant la fragmentation de l'industrie. Il se passe beaucoup de choses aujourd'hui étant donné que le gouvernement du Canada a déposé un budget très axé sur l'innovation pour encourager la création de super grappes. Je pense que les grappes naturelles fonctionnent, du moins au niveau rudimentaire. On pense au corridor entre Waterloo et Toronto — du moins pour ce qui concerne le développement des technologies numériques — et à des regroupements d'excellence à Montréal, Toronto et ailleurs.

Je crois que nous avons l'occasion de faire front commun au Canada pour encourager les inventeurs, les entreprises qui élargissent leurs opérations et les entreprises en démarrage à faire concurrence, de façon différente, à des endroits comme la Silicon Valley.

Si vous prenez le Council of Canadian Innovators, fondé grâce au leadership de Jim Balsillie et de John Ruffolo, il vous faut remonter aux années 1980. Ils ont créé Communitech, regroupement de cinq nouvelles entreprises technologiques qui ont convenu de partager les coûts pour trouver une façon de parler aux gouvernements et au secteur bancaire et financer leurs opérations conjointement. Au CCI, nous avons réuni 70 entreprises en plein essor très prometteuses pour former un groupe de personnes prêtes à parler bénévolement à des organismes comme le vôtre à ce sujet.

Le gouvernement peut faire preuve d'un leadership continu à cet égard afin de créer un écosystème qui fonctionne mieux en encourageant la création de forums et en mettant l'accent sur la gamme d'entreprises et leurs diverses étapes de développement. Nous croyons qu'on a trop insisté sur la recherche universitaire pure, les incubateurs et la création d'un nombre accru d'entreprises en démarrage. Nous croyons en un équilibre. Il faut instaurer de nouvelles politiques axées aussi sur les entreprises en plein essor. Nous pensons qu'en faisant ces deux choses, nous favoriserons, en fait, une meilleure collaboration en voyant le monde comme notre marché mondial plutôt que les ventes au pays comme le moteur de la création — soyons honnêtes — d'entreprises axées sur le mode de vie au lieu de faire en sorte que de solides entreprises canadiennes deviennent des multinationales.

M. Deguire : Pour ce qui concerne la concurrence, elle existe dans le domaine de la robotique, mais l'industrie est suffisamment vaste pour que nous ayons chacun notre place. Il n'y a toujours pas assez de joueurs dans ce secteur. J'espère qu'il y en aura d'autres qui s'attaqueront à la question des soins de santé. Nous accueillons favorablement la concurrence et, à l'heure actuelle, nous surpassons la plupart de nos concurrents ou nous nous en faisons des alliés. Nos premiers distributeurs aux Pays-Bas étaient des concurrents, mais ils sont devenus nos principaux distributeurs en Europe. Nous avons tous le même objectif en tête : celui d'aider les gens. Notre technologie était meilleure que la leur. La concurrence existe. Nous en voulons davantage et nous nous attendons à en avoir davantage.

Voilà pourquoi notre guerre, notre course, est menée autour de la vitesse de l'innovation. Les capacités de ce produit dépassent largement celles de notre première génération de robots. Et notre prochaine génération, qui est déjà en développement depuis quelques années, surpassera tout ce que faisait la génération précédente. Notre cible est toujours l'efficacité des utilisateurs. Alors aujourd'hui, avec Jaco, il vous est possible de préparer un repas complet en 35 minutes. Grâce aux dernières avancées, vous pouvez le faire en 20 minutes, ce qui est beaucoup plus proche de ce qu'une personne en bonne santé physique peut faire. Alors pour nous, la concurrence représente le statu quo; c'est la limite de l'être humain. Dans cette optique, nous avons plus d'alliés que de concurrents.

Pour ce qui concerne l'infrastructure des télécommunications, une partie de notre nouvelle technologie et de notre prochaine génération dépend des robots qui apprennent. Ces robots sont capables d'apprendre vos façons d'agir et de les utiliser afin de mieux vous comprendre et vous appuyer dans vos décisions et vos gestes. Pour ce faire, nous avons besoin d'une solide infrastructure des télécommunications, c'est clair. Nous en avons déjà suffisamment, mais à la vitesse à laquelle nous progressons, nous pourrions dépasser l'infrastructure existante. Si nous voulons continuer d'avancer au Canada, la qualité de notre infrastructure revêt une importance très stratégique.

M. Monteith : J'aimerais parler de la politique en matière de propriété intellectuelle ainsi que des normes mondiales comme instruments pour améliorer le classement du Canada du point de vue de la concurrence sur la scène internationale.

Les entreprises font face à de nombreux défis lorsqu'elles élargissent leurs opérations. Quand d'aucunes commencent à avoir assez de pouvoir pour déranger les grandes sociétés étrangères ou montrent un potentiel de croissance élevé, nous observons qu'elles font l'objet de poursuites fallacieuses pour atteinte à la propriété intellectuelle. Il est très important de formuler une stratégie en matière de propriété intellectuelle qui s'attache à appuyer les entreprises qui prennent de l'essor et de créer, ce faisant, une espèce d'OTAN des sociétés canadiennes et de leur propriété intellectuelle mise en commun, ainsi que des ressources mises en commun pour les défendre contre ces types de poursuites fallacieuses, qui peuvent les mettre en faillite. L'autre aspect de cette question est que, comme beaucoup d'entre vous le savent, lorsque nous protégeons notre propriété intellectuelle, il peut falloir jusqu'à sept ans pour régler une affaire de brevets. Pendant ce temps, je crois que c'est en collaboration avec des groupes comme le Conseil canadien des normes qu'il faut trouver des créneaux comme celui qu'occupe mon estimé collègue; ou c'est à de nombreuses entreprises canadiennes perçues comme des chefs de file qu'il revient de présider des comités de normalisation internationaux qui font en sorte que la propriété intellectuelle canadienne devienne la norme internationale.

Comme vous le savez, nous n'avons pas de bonnes relations de collaboration avec certains pays en ce qui touche le respect de la propriété intellectuelle, mais ils adoptent les normes internationales. Dans les cas où il nous est possible de définir les normes, nous pouvons devenir la norme internationale qui sous-tend la réussite de la commercialisation sur la scène internationale. C'est une course à l'armement. Nous participons à une course à l'armement à l'échelle mondiale en faisant concurrence à des pays comme... Je ne vais pas les nommer devant la caméra, mais vous les connaissez tous.

Si vous prenez le nombre de demandes de brevets ainsi que le taux de développement et le montant en capital qui a été mis en jeu pour le motiver, c'est de là dont vient une bonne partie de la concurrence. Nous sommes des chefs de file ici, et ensuite, nous sommes dépassés parce que nous ne représentons pas la norme ou nous ne pouvons pas survivre à ces types de contestations.

Le président : Avant de céder la parole au sénateur Eggleton et au sénateur McIntyre, je veux soulever certaines questions.

Premièrement, j'ai été vraiment ravi de vous entendre parler de ce que vous recherchez chez vos employés. C'est typique dans un contexte d'innovation concurrentiel de s'intéresser plutôt à la personne qu'au nombre de diplômes ou de titres après son nom.

En réalité, dans les années 1970, c'était ainsi que les choses se passaient en général. Les entreprises embauchaient des personnes brillantes. Bien sûr, elles voulaient que les candidats puissent lire et écrire, alors un diplôme universitaire était un début, mais elles s'intéressaient plus à ce que ces personnes arriveraient à faire et étaient motivées à faire au sein des entreprises qu'à ce qu'elles savaient au moment de leur embauche.

Ensuite, nous avons vu les entreprises prendre de l'essor et vouloir des diplômés universitaires, si bien qu'on a commencé à produire des titulaires de diplômes supérieurs spécialisés qui étaient embauchés pour travailler dans des unités particulières. C'est toujours le cas dans les grandes organisations dotées d'une fonction répétitive, mais pas dans celles qui sont axées sur l'innovation. On en revient exactement au point où vous en êtes.

Cependant, bien entendu, vous êtes aux premières loges de l'innovation et vous êtes en mesure de prendre ces décisions vous-mêmes, tandis que les grandes sociétés embauchent des gens pour essayer de déterminer quels sont les meilleurs candidats pour eux et qui ils veulent. Vous savez qui vous voulez embaucher. Vous jouissez d'un réel avantage lorsque vous identifiez des jeunes gens vraiment brillants, passionnés et dévoués qui veulent changer les choses. Je suis la situation depuis un certain temps et certains exemples de jeunes gens qui sont entrés dans votre monde et le monde des TI sont assez remarquables à cet égard, et ce, depuis un moment. C'est très excitant, alors il est vraiment important que vous ajoutiez cette dimension à la discussion.

Monsieur Monteith, je voulais revenir à votre exemple de tout à l'heure dans lequel vous avez décrit la capacité de la technologie de sonner l'alerte à l'avance en cas d'arrêt cardiaque en milieu hospitalier. Prenons la situation que je crois que vous décriviez. Vous parliez d'un patient hospitalisé qu'on pourrait suivre rapidement pour prévenir une attaque imminente.

Nous avons eu un autre témoin qui a parlé d'un patient cardiaque qui a repris la vie normale après avoir suivi une thérapie. Cependant, comme nous le savons, il y a possibilité de rechute. Cette réalité concerne une vaste gamme de personnes. Il a dit qu'il y aurait de la technologie et a laissé entendre qu'elle est pratiquement déjà au point, qu'il est possible de porter un appareil qui vous alertera en cas de crise chez le type de personne dont je parle — quelqu'un qui a survécu à une crise cardiaque et qui a suivi une réadaptation. Maintenant, cette personne est retournée à la vie normale. Ce dispositif pourrait l'alerter que dans deux ou trois jours, elle pourrait avoir un problème, et lui suggérer de demander rapidement de l'aide.

Vous êtes dans le domaine et vous envisagez cette technologie en contexte canadien. Pouvez-vous nous donner une idée de la façon dont cette technologie nous permettra d'alerter les personnes concernées chez elles, ou ailleurs, d'une crise potentielle pour qu'elles puissent demander de l'aide avant qu'elle ne se produise?

M. Monteith : Je pense qu'on assiste à une véritable explosion des inventions et des innovations dans le domaine des technologies prêtes à porter, des apports sensoriels et des algorithmes qui sensibilisent les gens à toutes sortes de choses; cela va du niveau d'activité — par exemple dans le cas du Fitbit qui rappelle aux gens de se lever et de marcher — aux troubles pouvant vraiment mettre la vie en péril.

Disons qu'une personne a subi un arrêt cardiaque pour lequel elle a été opérée et qu'elle est ensuite rentrée chez elle après avoir reçu son congé de l'hôpital. Maintenant, imaginez tous les dispositifs au-delà des technologies prêtes à porter, comme les balances intelligentes, qui pourraient être déployés de façon très économique aujourd'hui grâce à l'intelligence artificielle en temps réel, pour pouvoir dire : « Vous êtes à risque d'être réadmis à l'hôpital et vous devriez téléphoner à votre médecin. » Ou les dispositifs qui pourraient aller au-delà du patient pour mobiliser toute la famille et l'équipe de soins afin d'améliorer les résultats.

Je crois que c'est ce qui se passe aujourd'hui. Nous participons, en fait, à une étude avec l'Université McMaster qui se penche sur le problème du congé post-opératoire pour prévenir les réadmissions et améliorer les résultats. Je pense que les technologies destinées au grand public coïncideront avec l'obligation de l'hôpital d'en faire plus avec moins de ressources et d'offrir plus de services à domicile d'une façon qui changera fondamentalement l'endroit où les soins sont offerts et qui s'attachera davantage à l'intervention précoce et à la prévention des rechutes qu'à l'intervention une fois que le mal est fait.

Le président : Monsieur Deguire, tout à l'heure, vous parliez de votre bras. Vous avez mentionné à quelques reprises que vous en aviez un qui opérait aux Pays-Bas depuis sept ans. Cependant, vous n'arrivez pas à le faire instaurer au Canada de façon organisée. C'est un désavantage énorme au plan concurrentiel, qui limite aussi grandement les possibilités de nos citoyens.

Alors, parlez-nous un peu plus en détail de ce que les Pays-Bas ont fait, il y a plus de sept ans, pour pouvoir adopter cette technologie dans un système et un régime permettant qu'il soit couvert par l'assurance.

M. Deguire : Premièrement, aux Pays-Bas, le système de soins de santé diffère un peu du nôtre.

Le président : Chaque endroit est différent du nôtre.

M. Deguire : Je vais simplement vous donner quelques exemples. Tout le monde doit avoir de l'assurance-maladie, mais les principales compagnies d'assurances sont privées et peuvent se faire concurrence. Alors il n'y a pas de monopole comme au Québec, où il n'y a qu'un seul joueur. Ainsi, si elles ne bougent pas, il n'y a pas de conséquences, si bien que cette concurrence crée un besoin d'innovation.

Ensuite, ils ont fait la recherche. Ils se sont demandé si les robots pouvaient réduire les coûts. Nous devrions tous nous poser cette question. Ils ont donc réalisé une étude avec les entreprises et avec notre compétiteur, qui était là avant nous. Ils ont réalisé une étude avec les utilisateurs qui avaient un bras robotique sur leur fauteuil roulant, afin de déterminer dans quelle mesure on pouvait réduire le temps consacré aux soins par un intervenant chaque semaine. On a déterminé qu'on pouvait gagner deux heures par jour. On a ensuite multiplié ce résultat par le taux horaire des soignants et on a dit : « Voilà la couverture que nous sommes prêts à offrir. Si vous pouvez faire mieux, c'est tant mieux pour vous. »

Ainsi, les Pays-Bas ont mis les intervenants de l'industrie au défi. Ils leur ont dit : « Si vous pouvez respecter cette fourchette de prix, nous allons payer. » Ils ont transmis l'information à l'industrie, qui a répondu à l'appel en offrant un produit qui correspondait à cette fourchette de prix.

Lorsque nous sommes arrivés aux Pays-Bas, nous étions au courant du prix à respecter. C'était clair dès le départ. Il faut respecter ce prix pour être couverts et c'est ce que nous avons fait. Le prix est de 28 000 euros. C'était très simple. Le risque associé à l'accès au marché pour les entreprises et les développeurs était simplifié.

On vous donne la réponse et vous devez respecter ce prix. Nous serions heureux de relever le même défi ici, au Canada. Même si l'on ne parle pas du prix d'acquisition des immobilisations, mais plutôt d'un prix par jour, nous pouvons innover, et pas seulement sur le plan technologique. Nous pouvons aussi transformer le modèle opérationnel. Si vous nous demandez de trouver une solution pour permettre aux gens de manger seuls leur repas pour 15 $, nous allons le faire. Nous pouvons trouver des solutions.

Le président : C'est très important pour nous d'entendre cela, puisque nous tentons de comprendre l'incidence de ces technologies sur le système de soins de santé. Nous accusons déjà sept ans de retard dans certains domaines clés.

En passant, en ce qui a trait à l'exemple que vous nous avez donné, c'est exactement ce que font les sociétés d'assurances de personnes des États-Unis. Elles cherchent dans le système de soins de santé des domaines où cela pourrait fonctionner et paient les entreprises pour qu'elles trouvent des solutions.

Monsieur Deguire, je veux revenir sur la question de la sénatrice Mégie. Elle a parlé de programmation, mais cela revient au fonctionnement du bras en soi.

Vous nous avez donné un aperçu à cet égard dans votre exposé. Je crois que le comité aimerait en savoir plus sur la façon dont on peut aujourd'hui permettre à une personne quadriplégique de faire bouger la technologie autour d'elle grâce à des signaux provenant d'électrodes. Au cours des deux ou trois derniers mois seulement, j'ai été témoin de développements remarquables à cet égard.

Pourriez-vous nous parler de cela davantage et nous donner quelques exemples de la façon dont les personnes interagissent avec le bras?

M. Deguire : Tout d'abord, la partie robotisée est complètement séparée du contrôle. Ainsi, peu importe votre niveau de contrôle, vous obtenez les mêmes caractéristiques et les mêmes fonctions. Par exemple, notre fils de cinq ans utilise la manette. On peut avoir une mini manette ou un appareil plus précis pour les chirurgiens qui utilisent une console Xbox. Ce sont les méthodes de contrôle disponibles.

Nous avons construit notre structure pour être prêts pour la prochaine génération. Nous parlions d'une interface cerveau-ordinateur. À l'heure actuelle, Kinova ne développe pas d'interfaces cerveau-ordinateur, mais plus de quatre projets dans le monde utilisent la technologie Jaco, qui est contrôlée par une interface cerveau-ordinateur. Dans certains cas, on implante une puce informatique dans le cerveau; dans d'autres, la puce est externe. C'est surprenant de voir à quel point on a développé ces technologies rapidement au cours des dernières années, et même au cours des derniers mois. Je travaille dans ce domaine et cela m'impressionne tous les jours. C'est de plus en plus rapide. On se prépare à cela.

La présentation et les propositions de valeur demeurent les mêmes. Si vous avez un moyen de contrôle, que ce soient vos yeux, votre cerveau ou votre signal musculaire résiduel, nous allons pouvoir l'utiliser pour faire bouger l'équipement. Par exemple, les personnes qui souffrent d'une maladie dégénérative comme la dystrophie musculaire arrivent peut-être à soulever un verre, mais ne pourront pas ouvrir une porte. Le robot vous aide à faire le pont et peut vous apporter un crayon pour que vous puissiez écrire. Même si vous perdez de la mobilité et que vous ne pouvez bouger qu'un seul doigt, vous pourrez manger un repas et ouvrir la porte. Lorsque votre main ne fonctionnera plus du tout et que vous devrez contrôler votre fauteuil roulant avec le menton, vous pourrez encore manger un repas et ouvrir la porte.

La stabilité des capacités grâce à la robotique est une proposition de valeur. On peut tenir compte de la valeur directe, mais aussi de l'effet psychologique d'une telle technologie. Ces gens qui perdent leurs capacités se voient maintenant offrir une stabilité, sans égard au stade de leur maladie. C'est énorme. Ces gens peuvent maintenant penser à retourner à l'école et à travailler parce qu'ils savent qu'ils pourront ouvrir la porte et aller chercher le document dont ils ont besoin sans devoir se fier à leurs collègues de travail pour le faire, et ce même lorsqu'ils auront une mauvaise journée et n'auront pas beaucoup d'énergie ou si leur maladie est plus agressive que prévu.

On donne à ces gens l'espoir d'un avenir plus stable.

Le président : Je vais aller un peu plus loin, et ce même si je connais certaines des réponses; il faut consigner ces renseignements au compte rendu pour pouvoir les utiliser dans le cadre de notre rapport. Je vais aller un peu plus loin et vous demander de nous parler de la capacité des capteurs de détecter les signaux... un quelconque signal du cerveau par l'entremise des divers systèmes. On peut se connecter presque partout, pourvu qu'on obtienne un signal, et contrôler le bras directement; est-ce exact?

M. Deguire : Oui, c'est exact. Aujourd'hui, le contrôle du robot dépend de la quantité de renseignements qu'on peut lui transmettre. Nous avons recours à l'intelligence artificielle dans le but d'utiliser moins de renseignements des humains et d'en faire plus avec le robot.

Par contre, nous nous associons aux équipes de développement qui tentent de trouver une façon d'obtenir plus de renseignements des humains. Cela signifie de se connecter au système nerveux, de se connecter directement au cerveau pour capter les signaux à leur point de départ. Parfois, une personne ne peut bouger son muscle, mais le signal s'y rend quand même. Si l'on peut se connecter à cela directement, on obtient plus d'information. Il y a moins de filtres et l'approche est plus directe.

Nous développons de l'équipement et des interfaces de contrôle et nous nous préparons à l'arrivée de cette nouvelle technologie.

Le président : C'est excellent. C'est ce que je voulais entendre, pour le compte rendu. Merci beaucoup.

Le sénateur Eggleton : Je reviens à vous, monsieur Deguire. Vous dites qu'aucun régime d'assurance — aucun régime provincial et aucun régime privé — ne couvre cette technologie. Arrivez-vous quand même à la vendre au Canada?

M. Deguire : Permettez-moi de vous corriger : certains régimes d'assurance à primes couvrent la technologie. Il y a eu quelques cas dans les Forces armées canadiennes, notamment. De plus, au Québec, certains régimes spécifiques et régimes privés ont couvert la technologie, mais aucune assurance du système de soins de santé ne la couvre.

On y arrive petit à petit, et les discussions ont aussi commencé à cet égard. À l'heure actuelle, la plupart des ventes au Canada se font par l'entremise d'un organisme de bienfaisance — donc une fondation — ou directement au privé.

Le sénateur Eggleton : Ou les hôpitaux, peut-être?

M. Deguire : Pas les hôpitaux, mais les groupes de recherche affiliés aux hôpitaux.

Au Canada, nous vendons plus de robots pour la recherche que pour les appareils fonctionnels. La recherche a trait à de nombreux domaines comme l'agriculture et l'industrie alimentaire et vise l'utilisation de nos robots par les techniciens en explosifs et les techniciens en alimentation électrique. L'utilisation des robots à titre d'appareils fonctionnels pour les personnes en fauteuil roulant, par exemple, est encore limitée.

Nous progressons. Ce n'est pas comme si nous n'avions rien fait au cours des sept dernières années. Nous avons travaillé et nous avons répondu aux questions et aux besoins; nous franchissons une étape à la fois. Il faudrait toutefois aller plus vite que cela.

Le sénateur Eggleton : Avez-vous d'autres appareils, à part Jaco?

M. Deguire : Oui. Au Canada, nous pouvons offrir divers appareils fonctionnels, comme le support de bras, un exosquelette simplifié qui permet aux gens de soulever des objets. Si vous ne pouvez pas lever votre bras, le support de bras peut vous aider. Nous offrons des supports de bras passifs et des supports actifs, qui sont motorisés. Nous avons un plus petit robot, qui s'appelle Mico, et nous avons Jaco.

Si vous êtes en fauteuil roulant et que vous avez des contraintes au haut du corps, nous pouvons vous offrir une vaste gamme de solutions, dont le prix varie entre 7 000 et 45 000 $, qui pourront vous permettre de manger seul, d'être plus indépendant et d'avoir une meilleure mobilité du haut du corps.

Le sénateur Eggleton : Est-ce que Santé Canada approuve ces appareils à titre d'instruments médicaux?

M. Deguire : Oui, ce sont des instruments médicaux, au même titre que les fauteuils roulants.

Le sénateur Eggleton : Ils sont donc tous approuvés.

M. Deguire : Oui.

Le sénateur Eggleton : Monsieur Monteith, je suppose que vous n'êtes pas confrontés à ces problèmes d'assurance. Vous vendez vos produits aux hôpitaux, et on ne parle pas seulement de robotique, mais aussi de logiciels et d'intelligence artificielle.

M. Monteith : Cela ne rend pas les ventes plus faciles ou plus rapides pour autant. Nous tentons d'encourager l'investissement, que ce soit de la part des assureurs privés ou du système de santé. C'est le même problème, en gros.

Le défi auquel sont confrontées toutes les sociétés canadiennes après la commercialisation de leurs produits, c'est d'accroître l'accès aux consommateurs. C'est la découverte. Comment peut-on attirer l'attention des gens? Comment peut-on fonctionner en Ontario, dans le cadre du Modèle d'allocation fondée sur la santé, qui exige des organisations qu'elles prévoient leurs coûts opérationnels sur trois ans? Comment peut-on prévoir l'innovation?

Nombre des défis qui existent toujours aujourd'hui... Je crois que c'est l'accès aux capitaux pour permettre à ces organisations de participer de façon non punitive. Aujourd'hui, on punit les premiers utilisateurs en dépassant le budget s'il s'agit de fonds de fonctionnement ou de dépenses en immobilisations. Le financement des soins de santé par des entités du secteur privé ou du secteur public n'y change pas grand-chose. Elles ne prévoient pas ces capacités perturbatrices associées au marché et nous devons trouver de nouveaux modèles d'affaires en conséquence. Nous vivons dans un monde où le coût du capital est presque nul et il y a beaucoup de technologies en attente, même au Canada. Comment peut-on rassembler toutes ces forces et permettre à d'autres comme lui de vendre cette incroyable technologie dans notre système hospitalier, qui s'en trouverait transformé?

[Français]

Le sénateur McIntyre : Monsieur Deguire, je comprends que votre entreprise produit des plateformes et des composantes robotiques pour des robots d'assistance et de service. Pourriez-vous nous expliquer la différence entre la robotique d'assistance et la robotique de service?

M. Deguire : Nous avons développé le robot Jaco avec une structure modulaire. C'était tout d'abord pour que le service soit simple et aussi pour réduire les coûts et permettre à la technologie d'évoluer. Cette technologie modulaire des actionneurs peut être vendue pour d'autres types d'application. Souvent, on peut avoir exactement le même type de configuration ou une variante. Si on a six degrés de liberté, on peut avoir une version à quatre, cinq, six ou sept degrés de liberté. Au lieu d'avoir une main conçue pour prendre des objets de la vie de tous les jours, on peut avoir une main plus rigide, faite pour intervenir dans un milieu industriel ou agroalimentaire. On peut en configurer les composantes.

Pour ce qui est de la réadaptation, ce sera toujours le même format et le même modèle. Pour la robotique de service, on va exploser les composantes et les utiliser spécifiquement pour chaque application. Au lieu de repartir de zéro, on part des modules et on arrive à un résultat beaucoup plus vite. La technologie des actionneurs est modulaire et « scalable ». On peut avoir de plus petits actionneurs et en avoir de plus gros.

Dans le milieu médical, où sont utilisées nos applications chirurgicales, nous avons aussi des actionneurs 10 fois plus précis, qui incluent la redondance et qui sont mieux conçus pour une application spécifique. Ils ont aussi un prix différent.

Nous avons des spécialistes du développement de produits robotiques. La spécialité, c'est de suivre des spécifications pour une application bien précise. Les spécifications incluent le prix. Si le client, en l'occurrence le système de santé, connaît ces données et combien lui coûte une problématique, on peut développer un produit spécifiquement en fonction de ce prix et de cette application. C'est notre capacité.

Sinon, du point de vue de la robotique de service, c'est un monde en effervescence dont le milieu médical représente le plus gros marché. Toutefois, l'agriculture et la logistique sont des industries qui font partie de la robotique de service et qui sont en forte croissance. Dans ce cas, il n'y a pas encore de champion mondial. Le Canada a la possibilité d'en devenir un. Grâce à la qualité des « cerveaux » que nous avons au Canada, nous avons la possibilité de jouer un rôle d'impulsion dans le domaine de la robotique de service. Il ne faut pas rater cette occasion.

[Traduction]

Le président : C'est fascinant. Nous avons hâte de voir ce bras robotisé de près. Vous avez abordé de nombreux enjeux auxquels est confronté le Canada en vue de maintenir la qualité de vie de la population, parce qu'il faut des entreprises novatrices qui nous aideront à aller de l'avant en créant des produits et des possibilités pour permettre aux gens de faire partie du monde moderne.

Vous nous avez parlé de nombreux enjeux. Le problème des brevets soulevés par M. Monteith n'est pas nouveau. Même pour les vieilles industries, la sauvagerie fait partie du cycle de la concurrence. Si vous avez suffisamment d'argent, vous pouvez faire fermer une autre entreprise en la traînant en cour pour des questions de propriété intellectuelle. Ce que j'ai aimé de votre commentaire, toutefois, c'est l'idée de trouver une façon de collaborer, de permettre aux entreprises en croissance d'être concurrentielles dans ces circonstances. Vous avez fait des commentaires à cet égard et vous nous avez aussi parlé des possibilités d'avenir.

Malheureusement, vous — et surtout M. Monteith — avez confirmé ce que nous savons depuis des années : le défi associé à ce que la plupart des gens appellent un système de soins de santé, mais qui n'en est pas un. Ce que je veux dire, c'est que ce n'est pas un système. J'utilise souvent l'exemple du dossier de santé électronique, parce qu'il est simple à comprendre. Cela fait déjà près de 10 ans — et peut-être même un peu plus — que les gouvernements fédéraux investissent des milliards de dollars dans l'idée de créer un dossier de santé électronique, mais nous ne l'avons toujours pas. Selon ce que je comprends, la principale raison pour cela, c'est que l'exigence première des demandes de propositions est la protection des données, et qu'aucun système ne pourra être sûr à 100 p. 100.

En revanche, comme nous l'avons dit à maintes reprises en comité, les Canadiens adorent transmettre leur déclaration de revenus par voie électronique, et ces renseignements sont beaucoup plus sensibles que la plupart des renseignements sur la santé qui se trouveraient dans le dossier de santé électronique. On ne pourra pas avoir accès aux renseignements dont on a besoin, même dans notre petit système, tant qu'on n'aura pas de dossier de santé. Le système à payeur unique ne nous permet pas de recueillir et d'adapter les données comme le font les 35 autres pays industrialisés du monde.

Vous nous avez donc parlé d'un large éventail d'enjeux, en plus de nous donner des exemples concrets de la façon dont ces technologies profitent aux gens de partout dans le monde, et des prochaines étapes.

Sur ce, je vais mettre fin à la séance, mais je rappelle à mes collègues qu'ils sont invités à rester avec nous pour recevoir un câlin de Jaco, qui est très aimable et très sociable, d'après ce que je comprends. La séance est levée.

(La séance est levée.)

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