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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule no 27 - Témoignages du 14 juin 2017


OTTAWA, le mercredi 14 juin 2017

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, auquel a été renvoyé le projet de loi S-228, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (interdiction de faire de la publicité d'aliments et de boissons s'adressant aux enfants), se réunit aujourd'hui, à 16 h 15, pour poursuivre son étude de ce projet de loi.

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Le président : Je m'appelle Kelvin Ogilvie, et je préside ce comité. J'invite maintenant mes collègues à se présenter.

Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, de Toronto.

Le sénateur Neufeld : Richard Neufeld, de la Colombie-Britannique.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Chantal Petitclerc, du Québec.

La sénatrice Galvez : Rosa Galvez, du Québec, et je remplace ce soir le sénateur Cormier.

[Traduction]

La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal.

Le président : Merci, chers collègues.

Aujourd'hui, nous étudions le projet de loi S-228, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (interdiction de faire de la publicité d'aliments et de boissons s'adressant aux enfants). Nous entendrons les représentants des industries de la publicité et de la radiodiffusion. Je vais présenter nos invités, puis ils seront invités à présenter leur exposé, dans l'ordre qui figure à l'ordre du jour.

Nous commençons par l'organisme Les Normes canadiennes de la publicité. Nous accueillons Mme Janet Feasby, vice-présidente aux normes, et Mme Nicole Bellam, vice-présidente des Services d'approbation de la publicité.

Madame Feasby, je crois savoir que c'est vous qui présenterez l'exposé.

Janet Feasby, vice-présidente, Normes, Les normes canadiennes de la publicité : Merci, monsieur le président. Je remercie le comité d'avoir invité Les normes canadiennes de la publicité à présenter des observations concernant le projet de loi S-228. Nous sommes conscients de l'importance de l'enjeu considérable qu'est l'obésité chez les enfants.

Les normes canadiennes de la publicité sont un organisme sans but lucratif d'autoréglementation de la publicité. Nous sommes probablement mieux connus du public pour notre rôle de traitement des plaintes des consommateurs. L'an dernier, nous avons rendu des décisions pour plus de 1 600 plaintes. Nous sommes aussi connus pour nos publicités d'intérêt public axées sur l'éthique publicitaire.

Une grande partie de notre travail consiste à assurer l'examen et la préautorisation des publicités proposées par les annonceurs. Les normes canadiennes de la publicité assurent la préautorisation des publicités de cinq catégories réglementées. L'approbation d'une publicité offre aux consommateurs la certitude que cette publicité est conforme aux lignes directrices et aux règlements gouvernementaux.

Il est important de souligner que nous ne sommes pas un organisme de défense des droits. Depuis plus de 60 ans, nous aidons les annonceurs à respecter les lois et les codes en vigueur au Canada pour un large éventail de produits, notamment les boissons alcoolisées, les aliments, les médicaments et les jouets.

En outre, Les normes canadiennes de la publicité collaborent avec le gouvernement fédéral, en particulier avec Santé Canada, pour l'élaboration de lignes directrices propres aux secteurs. Récemment, le Conseil du Trésor nous a demandé de faire un examen préalable des publicités du gouvernement pour s'assurer qu'elles n'étaient pas partisanes. Donc, notre rôle auprès des organismes gouvernementaux n'est pas de défendre des droits; il s'agit plutôt d'une collaboration pour veiller au respect des lois et règlements en matière de publicité.

Étant donné que la réunion d'aujourd'hui porte sur la publicité destinée aux enfants, je vais vous présenter le cadre de réglementation et d'autoréglementation de la publicité destinée aux enfants au Canada, à l'extérieur du Québec. Je vais aussi vous décrire le rôle d'autoréglementation de la publicité de l'organisme Les normes canadiennes de la publicité. Pour terminer, je traiterai des diverses préoccupations que nous avons à l'égard du projet de loi C-228, en fonction de notre vaste expérience de l'examen des publicités.

Le Canada s'est doté d'un cadre de réglementation et d'autoréglementation rigoureux en matière de contenu publicitaire. Le Code de la publicité radiotélévisée destinée aux enfants, qu'on appelle aussi le Code des enfants, précise que toute publicité radiodiffusée destinée aux enfants de moins de 12 ans doit être conforme aux dispositions rigoureuses de ce code. Les publicités destinées aux enfants de moins de 12 ans doivent d'ailleurs être approuvées par le Comité d'approbation préalable de la publicité avant qu'un diffuseur puisse accepter de les mettre en ondes. C'est là une condition d'obtention du permis de radiodiffusion délivré par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes.

Pour ce qui est de la publicité qui n'est pas radiodiffusée, ce qui comprend la publicité sur les sites web et le « publidivertissement », le Code canadien des normes de publicité contient des dispositions spéciales sur la publicité de produits alimentaires destinée aux enfants. Certaines dispositions du code précisent que les publicités représentant des repas montrent clairement le rôle d'un produit dans une alimentation équilibrée, et ne doivent pas contenir des images de portions excessives ou déraisonnables.

Ces codes et lignes directrices portent sur le contenu des publicités et ne visent pas à déterminer quels produits peuvent ou ne peuvent pas faire l'objet de publicités à l'intention des enfants. C'est là qu'entre en jeu l'Initiative canadienne pour la publicité sur les aliments et les boissons destinée aux enfants, qui été lancée en 2007 par de grands annonceurs canadiens d'aliments et de boissons dans le but de réorienter la publicité destinée aux enfants de moins de 12 ans vers la promotion de choix alimentaires plus sains. Toutefois, elle n'est pas et n'a jamais été conçue pour régir la publicité destinée aux adolescents ou aux familles.

Depuis son lancement en 2007, l'Initiative canadienne pour la publicité sur les aliments et les boissons destinée aux enfants a été renforcée dans le but d'accroître sa portée et d'ajouter des critères nutritionnels uniformes. Les participants ont reformulé et amélioré le profil nutritionnel des nombreux produits dont ils font la promotion auprès des enfants. À titre d'exemple, la teneur en sucre des céréales prêtes à consommer a été réduite de 17 à 60 p. 100, et aucun produit annoncé par les participants ne contient plus de 200 calories par portion.

En janvier 2016, les sociétés participantes ont adopté de nouveaux critères nutritionnels; environ 30 p. 100 des produits qui faisaient auparavant l'objet de publicités destinées aux enfants de moins de 12 ans ont été reformulés pour satisfaire aux nouveaux critères ou ne font plus l'objet de publicités destinées aux enfants.

Le projet de loi S-228 précise qu'une publicité peut s'adresser principalement aux enfants même si elle paraît dans une publication ou une émission destinée tant aux enfants qu'aux personnes âgées de 13 ans ou plus. Nous croyons comprendre que la sénatrice Greene Raine songe à modifier son projet de loi pour faire passer le seuil de l'âge de 13 ans à 16 ou 17 ans. En outre, dans le cadre de ses consultations, Santé Canada propose l'adoption du seuil de 17 ans et moins.

Avec un seuil fixé à 16 ou 17 ans, il deviendrait extrêmement difficile de savoir si une publicité sur un produit alimentaire est principalement destinée aux enfants. Si les critères varient selon le type d'émission et l'heure de diffusion, il convient de se rappeler qu'aux heures de grande écoute, comme nous le savons, les enfants et les adolescents regardent souvent les mêmes émissions de divertissement et de sport que les adultes. Considérer que les publicités sur les produits alimentaires diffusés lors de ces émissions sont principalement destinées aux enfants en raison du pourcentage d'enfants et d'adolescents parmi les auditeurs reviendrait pratiquement à interdire leur diffusion aux heures de grande écoute.

Pour ce qui est de la publicité qui n'est pas radiodiffusée, comme la publicité sur Internet, le comité a entendu que les enfants sont bombardés de publicité d'aliments et de boissons malsains sur les sites web, en particulier de publicité provenant de participants à l'initiative sur la publicité destinée aux enfants. Il s'agit d'une conclusion du Bulletin de santé 2017 de la Fondation des maladies du cœur et de l'AVC. Toutefois, cette conclusion ne correspond pas aux informations que nous détenons sur la publicité destinée aux enfants diffusée sur les sites web canadiens par les participants de l'initiative.

À tire d'exemple, le rapport mentionne deux produits précis parmi les produits les plus fréquemment annoncés sur les sites web populaires auprès des enfants. Toutefois, comme l'ont démontré les vérifications de la conformité aux normes sur la publicité, les sociétés n'ont fait aucune publicité pour ces produits sur quelque site canadien que ce soit, y compris les sites destinés aux enfants. En fait, un de ces produits n'est même pas vendu au Canada.

De plus, il semble qu'un seul des 10 sites web qui ont fait l'objet de l'étude était un site canadien.

Le projet de loi S-228 ne s'appliquerait qu'à la publicité sur les sites web canadiens. Les jeunes Canadiens seraient toujours exposés aux publicités de produits alimentaires sur les sites web américains populaires.

Pour résumer, nous souhaitons soulever deux points. Premièrement, nous recommandons que le comité étudie minutieusement l'ensemble des témoignages entendus et des recherches citées. Deuxièmement, le comité doit tenir compte de la complexité de cet enjeu et du risque que ce projet de loi entraîne des conséquences inattendues qui iraient plus loin que l'objectif d'interdire la publicité destinée aux enfants.

Les normes canadiennes de la publicité comptent plus de six décennies d'expérience dans le domaine de l'autoréglementation de la publicité. Nous serons heureux de vous aider, au besoin. Merci.

Le président : Merci beaucoup.

Maintenant, représentant Corus Entertainment Inc., nous accueillons Me Sylvie Courtemanche, vice-présidente et avocate-conseil associée aux relations gouvernementales et à la conformité, et Mme Simone Sammut, gestionnaire principale, Programmation interne, Politiques et relations gouvernementales, Services juridiques.

Je crois comprendre que vous vous partagerez le temps qui vous est imparti. Nous commençons par Me Courtemanche.

Sylvie Courtemanche, vice-présidente et avocate-conseil associée, Relations gouvernementales et conformité, Corus Entertainment Inc. : Je remercie le comité de cette occasion de discuter d'un enjeu qui nous tient à cœur : la santé et du bien-être des enfants canadiens.

En guise de contexte, Corus est le principal diffuseur et créateur de contenu de langue anglaise destiné aux enfants au Canada. Nos chaînes spécialisées dans les émissions pour enfants — YTV, TELETOON, Treehouse, Nickelodeon, Cartoon Network et les chaînes Disney — se classent au premier rang des chaînes les plus populaires pour tous les groupes d'âge chez les enfants, les préadolescents et les adolescents. Notre société de production, Nelvana, est un chef de file mondial de la production et de la diffusion de contenu animé pour enfants. Nous exportons notre contenu dans plus de 160 pays, et ce, dans plus de 40 langues.

Simone Sammut, gestionnaire principale, Programmation interne, Politiques et relations gouvernementales, Services juridiques, Corus Entertainment Inc. : Nous sommes extrêmement fiers de nos succès dans le marché des émissions pour enfants, mais nous sommes conscients que le monde des médias est en pleine évolution. La réalité, c'est que nous sommes à un moment charnière.

Selon les plus récentes données d'auditoire, la part de l'auditoire de Netflix aux heures de grande écoute pour la catégorie des enfants de 2 à 11 ans surpasse désormais la part d'auditoire combinée des chaînes Treehouse, Disney Channel et YTV. Corus travaille avec acharnement pour s'adapter à cette nouvelle réalité, mais il ne fait aucun doute que d'autres défis importants nous attendent.

Le projet de loi S-228 traite d'un enjeu de politique publique des plus essentiels. L'obésité juvénile est un problème complexe auquel Corus accorde une grande importance. Dans son témoignage du 1er juin, la sénatrice Greene Raine s'est dite favorable aux campagnes médiatiques axées sur la promotion d'aliments sains et de bonnes habitudes alimentaires. C'est exactement ce que nous faisons. Depuis 2004, nous avons consacré plus de 15 millions de dollars en temps publicitaire à la promotion d'initiatives pour une vie saine et active destinées aux enfants et aux familles.

Récemment, nous avons lancé l'initiative le Défi des p'tits chefs en partenariat avec l'Agence de la santé publique du Canada et les Clubs garçons et filles du Canada. Cette campagne vise à aider les enfants et les parents à acquérir des connaissances pratiques en matière de planification, de préparation et de cuisson de collations et de repas sains.

Mme Courtemanche : Nous avons une connaissance exhaustive de l'important enjeu de politique publique qu'on vise à résoudre par l'intermédiaire du projet de loi S-228, mais nous considérons que la version actuelle du projet de loi comporte deux lacunes majeures. Premièrement, dans la pratique, le projet de loi n'apportera pas de solution efficace au problème des publicités auxquelles les jeunes sont réellement exposés. Deuxièmement, le projet de loi risque d'entraîner de nombreuses conséquences négatives imprévues.

D'abord, pour être efficace, toute restriction en matière de publicité doit être conçue en fonction des habitudes de visionnement des enfants. La réalité, c'est qu'aux heures de grande écoute, plus de 70 p. 100 du temps de visionnement des enfants de 2 à 11 ans est consacré à l'écoute de contenu sur Netflix, tandis que les visionnements sur YouTube représentent 74 p. 100 du temps de visionnement en ligne chez les enfants de 2 à 17 ans. On parle du temps que les jeunes consacrent au visionnement en ligne plutôt qu'à regarder la télévision.

Même si le projet de loi vise les médias canadiens en ligne, nous savons que la surveillance de la publicité en ligne est un exercice d'une extrême complexité. Cela signifie que les effets du projet de loi toucheront principalement les radiodiffuseurs comme Corus, qui font d'ailleurs l'objet d'une surveillance réglementaire rigoureuse. En effet, la réglementation du CRTC et le Code de la publicité radiotélévisée destinée aux enfants interdisent aux radiodiffuseurs de diffuser plus de quatre minutes de messages publicitaires par demi-heure pour les émissions destinées aux enfants, alors que les limites pour les émissions d'autres catégories sont plus élevées, voire inexistantes. Dans les faits, ces 10 dernières années, Corus a réduit le nombre de publicités pour les aliments et les boissons diffusées sur ses chaînes spécialisées pour enfants. Nous sommes toutefois conscients qu'il reste du travail à faire et nous voulons travailler avec vous pour trouver une solution.

Je rappelle toutefois que ce que les enfants voient à la télévision n'est aucunement comparable à ce qu'ils voient en ligne, et que l'application d'une interdiction visant la publicité en ligne s'avérera extrêmement difficile, comme en témoigne l'expérience au Royaume-Uni.

Mme Sammut : Cela nous amène à notre deuxième principale préoccupation, soit les effets négatifs inattendus potentiels du projet de loi.

Les diffuseurs comme Corus doivent être titulaires d'une licence du CRTC pour exercer leurs activités, ce qui n'est pas le cas des services par Internet.

Pour obtenir leur licence, les radiodiffuseurs comme Corus doivent satisfaire à diverses exigences, dont celle de consacrer une partie importante de leurs recettes à la production de contenu canadien; les services par Internet n'ont pas cette obligation.

Contrairement aux services par Internet, les radiodiffuseurs comme Corus sont tenus de se conformer à la réglementation et aux normes qui régissent l'industrie, ce qui a une incidence sur leurs choix en matière de programmation et de contenu publicitaire.

Lorsqu'ils regardent les émissions pour enfants sur toutes les chaînes de Corus, les parents ont l'assurance que la publicité qui y est diffusée a fait l'objet d'une vérification rigoureuse. Le contenu, l'heure de diffusion, la présentation et les valeurs sous-jacentes doivent être conformes aux normes rigoureuses du Code de la publicité radiotélévisée destinée aux enfants et de nos propres politiques internes.

Notre filtre ne se limite pas à la publicité, mais vise également la programmation en soi. Nous sommes conscients que les enfants ne sont pas seulement vulnérables aux messages négatifs qui pourraient être véhiculés dans la publicité, mais aussi à ceux des émissions qu'ils regardent.

Corus est fière d'offrir aux enfants canadiens un environnement sain. Chaque émission que nous mettons en ondes doit être conforme aux codes en vigueur de l'Association canadienne des radiodiffuseurs. Par comparaison, les émissions que les jeunes regardent en ligne ne sont aucunement filtrées.

Ce projet de loi aura une incidence marquée sur les revenus de chaînes comme YTV, TELETOON et Treehouse, et ce, alors que nous devons déjà affronter la concurrence de sources médiatiques non réglementées. La menace qui plane sur ces chaînes ne fera qu'inciter plus de jeunes à se tourner vers du contenu non filtré sur Internet.

Mme Courtemanche : À terme, les répercussions financières sur les services que nous offrons aux jeunes Canadiens pourraient également entraîner des pertes d'emplois pour les créateurs canadiens. La Canadian Media Producers Association évalue à environ 573 millions de dollars les sommes consacrées en 2015-2016 pour la production de contenu télévisuel et de longs métrages canadiens destinés aux enfants, ce qui représente des milliers d'emplois dans les secteurs de l'animation, des arts de la scène et de la production au Canada.

Le Québec nous offre un exemple éloquent des répercussions de l'interdiction de la publicité destinée aux enfants, une mesure qui est en place au Québec depuis 1980, comme vous le savez. Cette interdiction a eu un effet direct sur la production de contenu destiné aux enfants dans la province. La CMPA a constaté que 473 millions de dollars ont été dépensés pour la production d'émissions de langue anglaise pour les enfants et les jeunes, et qu'un montant comparable a servi à la production de scènes réelles et d'émissions d'animation. Par contre, sur une période identique, seulement 12 p. 100 des dépenses de 96 millions de dollars pour la production de contenu de langue française destiné aux enfants et aux jeunes ont servi à la production d'émissions d'animation.

Cela est attribuable à deux facteurs : la base d'abonnés plus petite du Québec et l'interdiction visant la publicité. À une certaine époque, d'importants studios d'animation québécois comme Cinar et CinéGroupe étaient des joueurs majeurs. À notre connaissance, toutefois, il ne reste aujourd'hui que trois petits studios d'animation, dont la survie est principalement attribuable aux projets qu'ils réalisent pour le compte de TELETOON/TÉLÉTOON, notre service d'animation bilingue offert à l'échelle nationale. Même les producteurs québécois réclament des changements à l'interdiction provinciale.

Nous remercions le comité de nous avoir donné l'occasion de témoigner et nous vous sommes reconnaissants de l'occasion de travailler avec vous pour renforcer les mesures d'encadrement de la publicité destinée aux enfants. C'est avec plaisir que nous répondrons à vos questions.

Le président : Merci beaucoup à tous. Nous passons maintenant aux questions des sénateurs.

Le sénateur Eggleton : Merci beaucoup de vos exposés.

Notre comité a réalisé une étude sur l'obésité. Nous sommes préoccupés par l'augmentation des taux d'obésité chez les enfants au cours des 30 dernières années. Nous n'étions pas convaincus, du moins à l'époque où nous avons mené cette étude, que les méthodes volontaires aient donné le moindre résultat. En réalité, certaines des études qui nous ont été présentées démontraient que les mesures volontaires avaient très peu d'effet et que la hausse des taux d'obésité chez les enfants se poursuivait.

Un de nos témoins, une professeure adjointe à l'École d'épidémiologie et de santé publique de l'Université d'Ottawa a participé aux études. Elle a notamment indiqué ce qui suit : « Nous avons encore une fois étudié la situation avant et après pour voir si la valeur nutritive des aliments et des boissons annoncés aux enfants avait changé depuis la mise en œuvre des nouveaux critères nutritionnels uniformes. » Elle faisait référence à l'Initiative canadienne pour la publicité sur les aliments et les boissons destinée aux enfants. Elle a ensuite ajouté :

Nous n'avons vu aucun changement.

L'une des différences marquantes que nous avons observées, c'est que l'exposition des enfants à la publicité sur les aliments et boissons avait augmenté après la mise en œuvre de l'autoréglementation.

Nous avons également constaté que le pouvoir de la publicité sur les aliments et boissons s'était accru depuis la mise en œuvre de l'IPE. Les enfants et les adolescents sont plus souvent la cible de la publicité... environ 92 p. 100 plus souvent.

Il semble qu'une partie du problème soit attribuable au fait que les entreprises qui ont pris cet engagement — je crois qu'elles étaient 18 — ne représentent pas l'ensemble de l'industrie. Je ne sais pas quel pourcentage elles représentent; vous le saurez peut-être.

Dans leur exposé, les représentants de la Société canadienne du cancer nous ont parlé d'un autre sondage. Ils ont dit qu'un récent sondage d'opinion publique avait démontré un appui général de la population à l'égard des restrictions en matière de publicité destinée aux enfants. Par exemple, 70 p. 100 des répondants croyaient que les enfants étaient trop exposés à la publicité de l'industrie des aliments et des boissons. Par conséquent, vous n'arrivez pas non plus à convaincre la population que la méthode volontaire est la solution.

Je suis tout à fait d'accord avec vous : peu importe la solution choisie, il nous faudra mieux contrôler Internet et toutes les autres plateformes qui montrent ces publicités aux enfants et aux adolescents. Or, la télévision demeure un facteur important. Elle n'est pas sans conséquence à notre époque.

Ma question s'adresse aux représentantes de Corus. Vous dites que vous centrez vos efforts sur les aliments sains et de saines habitudes alimentaires. Selon certains témoins qui ont comparu devant le comité — c'est à cela que je veux que vous répondiez —, une chaîne de restaurants, par exemple, peut offrir à la fois des aliments sains et des aliments malsains. Elle peut annoncer des aliments sains pendant les émissions pour enfants afin de les attirer dans ses restaurants, où se trouvent aussi des aliments malsains. Que pensez-vous de cela?

Mme Courtemanche : À titre de précision, lorsque nous parlons de nos campagnes publicitaires, c'est ce qu'on appelle des messages d'intérêt public. C'est différent de la campagne publicitaire achetée par un client. Nous avons investi 50 millions de dollars dans ce que l'on appelle des messages d'intérêt public, qui font la promotion de saines habitudes alimentaires et qui montrent par exemple comment faire un bon lunch. Ces 50 millions de dollars n'ont pas été investis dans nos activités commerciales.

Avez-vous quelque chose à ajouter, Simone?

Le sénateur Eggleton : C'est donc au-delà de la publicité.

Mme Courtemanche : Nous ne sommes pas payés pour cela. Nous le faisons gratuitement. Nous croyons qu'il est de notre devoir public d'éduquer les enfants sur les saines habitudes alimentaires; de faire la promotion de ParticipACTION, de l'exercice, ce genre de choses.

Le sénateur Eggleton : Mais il y a tout de même des publicités de boissons gazeuses et d'autres choses du genre qui contiennent beaucoup de sucre?

Mme Sammut : Bien sûr, il y a tout de même des publicités sur les aliments et boissons. Pendant les émissions pour enfants, toutefois, seules les publicités approuvées par NCP peuvent être diffusées. Si les entreprises prennent part à l'IPE, elles doivent respecter leurs engagements ou le Code de la publicité radiodiffusée.

Le sénateur Eggleton : Mais ce système ne fonctionne pas. Nous en avons la preuve. Je crois qu'il faut trouver des mesures plus efficaces.

Mme Courtemanche : Nous sommes d'accord avec vous : le système peut être amélioré; tout à fait. Nous sommes ici pour vous dire que nous pouvons faire mieux. Or, selon la définition actuelle des aliments dans les études... C'est comme pour tout : les aliments et les boissons ne sont pas tous malsains. Par exemple, le lait n'est pas malsain. Il fait partie de l'étude. Nous disons seulement qu'on pourrait mieux le définir. Comprenez-vous ce que je veux dire?

Le sénateur Eggleton : Je comprends ce que vous dites.

Aucun amendement officiel n'a été présenté au comité, mais la marraine du projet de loi, la sénatrice Nancy Greene Raine, a fait valoir, dans son discours à l'intention du comité, qu'elle préfèrerait le terme « aliments malsains ». Apparemment, cela correspondrait aux définitions de l'Organisation mondiale de la Santé en vue de l'élaboration d'un code en la matière, qui serait préparé par Santé Canada. Croyez-vous qu'il s'agit d'une meilleure approche?

Mme Courtemanche : Tout à fait, monsieur le sénateur. Je crois qu'on fait un pas dans la bonne direction en limitant la définition aux aliments et boissons malsains. Mais au bout du compte, tout est dans les détails. Je travaille dans le domaine de la réglementation depuis 30 ans. Lorsqu'ils seront transposés dans la réglementation, ces concepts vastes nous permettront de mieux comprendre les conséquences financières sur notre industrie.

Nous appuyons toutefois la transition vers une réglementation, parce que nous croyons qu'il s'agit d'une meilleure approche. Les règlements nous permettent de nous adapter aux circonstances changeantes un peu plus facilement que les lois. Nous appuyons donc ces deux approches, mais nous ne pouvons pas les commenter davantage avant d'avoir vu le libellé des règlements.

Nous avons étudié la publication de Santé Canada de cette semaine, et elle démontre bien pourquoi tout est dans les détails. Santé Canada définit la publicité destinée aux enfants en fonction des plages horaires. Le problème avec cela, c'est qu'à l'heure actuelle, l'émission de télévision la plus regardée par les Canadiens de 16 ans est Survivor. Si on ne se fie qu'aux plages horaires, les émissions destinées aux mères ou à d'autres publics seront visées. L'incidence sur l'industrie sera donc globale et touchera aussi la télévision locale. Les nouvelles locales sont l'une des façons d'informer la population, et elles pourraient être touchées.

Ce que nous disons, c'est qu'il faut absolument une définition et que la réglementation est une bonne façon de faire, mais qu'il faut comprendre comment on définit et on interprète les choses. La définition sera la clé. Nous voulons faire partie du processus et vous aider à élaborer cette définition.

Le sénateur Eggleton : C'est juste.

Est-ce que les représentantes des Normes canadiennes de la publicité veulent faire un commentaire sur ces changements associés aux aliments malsains? Ce serait pour les jeunes de 16 ans et moins, ou pour les jeunes de « moins de 17 ans »; ce serait une autre façon de l'exprimer, mais la limite serait 16 ans. La loi contiendrait moins d'éléments prescriptifs, qui seraient plutôt abordés dans les règlements.

Mme Feasby : Comme l'a fait valoir Sylvie, la réglementation est plus flexible. Je crois que la question a trait à l'âge. Est-ce que les émissions destinées aux jeunes de 16 ou 17 ans chevauchent celles destinées aux adultes?

Vous avez parlé des études que vous avez lues et dont vous avez discuté. J'ai lu ces études également. Elles visent les heures de visionnement préférées des enfants. Elles visent aussi les adolescents. Les émissions préférées des enfants sont Survivor, The Big Bang Theory, des choses du genre. Le programme d'autoréglementation n'a jamais été destiné à ce genre d'émissions. Il visait à changer l'ensemble des produits annoncés pendant les émissions pour enfants, qui sont définies en grande partie par le diffuseur, et non par ce qu'écoutent les adolescents. Toutes ces études portent sur les émissions écoutées par les adolescents, les sites web qu'ils consultent et ce que regardent les enfants. Cela n'a jamais été l'objectif du programme.

Le programme a su atteindre les objectifs visés. On a réduit les taux de sucre et de sel dans les aliments. On ne présente pas de publicités de confiseries, de chocolats ou de boissons gazeuses aux enfants de moins de 12 ans. Le programme a donc réussi à atteindre ses objectifs, mais il ne visait pas les éléments abordés dans la recherche : les habitudes télévisuelles des enfants et des adolescents.

La sénatrice Seidman : Nous vous remercions de vos exposés.

Le préambule du sénateur Eggleton aurait très bien pu être le mien : ce que nous avons compris lorsque nous avons réalisé notre étude sur l'obésité, c'est que les mesures volontaires ne se sont pas avérées très efficaces; c'est le moins qu'on puisse dire. Je me souviens avoir été profondément marquée par la présentation — par une association d'annonceurs, je crois — d'une liste des produits admissibles. L'un d'entre eux était un tube qui ne contenait que du sucre et de la vitamine C ajoutée. On pouvait l'annoncer comme un produit bon pour la santé. Cela m'a vraiment frappée.

Je vous entends parler de deux comités volontaires, de normes et de codes. J'aimerais que vous me disiez comment ils fonctionnent. Dans votre exposé, vous avez parlé du Comité d'approbation de la publicité destinée aux enfants des Normes canadiennes de la publicité. Les représentantes de Corus ont parlé du Code de la publicité radiotélévisée destinée aux enfants. Ils offrent tous deux des normes volontaires et j'aimerais savoir quels sont les critères utilisés pour évaluer les publicités.

Mme Feasby : Je vais demander à ma collègue de répondre à cette question, puisque cela fait partie de son champ d'expertise. Le Comité d'approbation de la publicité destinée aux enfants et le Code de la publicité sont la même chose.

Nicole Bellam, vice-présidente, Services d'approbation de la publicité, Les normes canadiennes de la publicité : Je dois tout d'abord souligner qu'au Canada, chaque publicité est examinée en vertu du Code de la publicité radiotélévisée destinée aux enfants, et qu'il tient compte de la vulnérabilité des enfants. Par exemple, certains articles du code énoncent qu'on ne peut faire de pression indue sur les enfants. Par conséquent, aucune publicité ne peut dire aux enfants : « Achète-le; demande à tes parents de te l'acheter. » Il n'y a aucun facteur de harcèlement non plus.

De plus, on ne peut utiliser des personnages de télévision, des porte-parole connus ou des personnages animés dans les publicités destinées aux enfants, à l'exception des personnages créés par les annonceurs pour promouvoir leurs produits.

Nous avons aussi établi certains critères précis ou lignes directrices en matière de publicité alimentaire. Ainsi, aucune publicité alimentaire ou autre destinée aux enfants ne peut montrer un enfant en train de consommer plus d'une portion de n'importe quel aliment. Donc, même dans une publicité pour un four jouet, par exemple, on ne peut voir un enfant manger une montagne de petits gâteaux. On le verra en manger une seule portion.

Il faut présenter le repas de manière appropriée, à titre de repas complet. On ne peut pas montrer un enfant manger seulement ses frites et laisser de côté son poulet et son brocoli, tout comme on ne peut pas voir une enfant choisir un suçon plutôt qu'une pomme dans une publicité.

Toutes ces lignes directrices ont été élaborées pour veiller à une représentation appropriée des aliments, non seulement dans la publicité alimentaire, mais aussi dans toutes les autres publicités qui ne vendent pas des aliments, mais où les aliments font partie du scénario. Ce sont les lignes directrices qui s'appliquent aux aliments.

Il y a aussi les valeurs sociales. Bien sûr, on ne peut pas montrer des activités jugées immorales, contraires à l'éthique ou illégales par le comité chargé d'examiner toutes les publicités destinées aux enfants.

J'aurais dû préciser que nous ne sommes pas responsables d'évaluer ces publicités. Elles sont évaluées par un comité qui compte trois membres du public en plus des représentants de l'industrie et des diffuseurs. Le CRTC siège à ce comité. C'est très important.

La sénatrice Seidman : Qu'en est-il pour Corus? Vous avez parlé du Code de la publicité radiotélévisée.

Mme Courtemanche : Il faut une approbation pour diffuser une publicité pendant les émissions destinées aux enfants. C'est ainsi qu'on procède. On suit le processus qui vient d'être décrit.

La sénatrice Seidman : Le même processus d'approbation.

Mme Courtemanche : C'est le seul processus d'approbation qui existe. Nous avons nos propres politiques internes, qui s'ajoutent à cela. Nous évaluons d'abord la publicité en fonction de nos politiques internes. Il y a certaines choses que nous n'acceptons pas — et je vais laisser Simone vous en parler —, qui s'ajoutent aux restrictions du code.

Mme Sammut : Seules les publicités approuvées par NCP seront présentées pendant nos émissions destinées aux enfants. À cela, nous ajoutons nos politiques internes qui tiennent compte du public d'une émission en particulier, de notre image de marque ou des attentes des téléspectateurs.

Mme Courtemanche : Par exemple, nous avons la chaîne Treehouse, qui s'adresse aux enfants d'âge préscolaire. Nous veillons à ce que toutes les publicités présentées... et de toute façon, à l'heure actuelle, nous ne pouvons pas présenter de publicités à cette chaîne pendant la journée. Il n'y en a tout simplement pas. Elles ne sont présentées que plus tard dans la journée. Nous avons une politique stricte sur ce qui est diffusé sur la chaîne Treehouse. Elle s'adresse à des enfants d'âge préscolaire. Nous avons une politique différente pour notre chaîne YTV, qui s'adresse aux jeunes de 17 ans et moins. Nous avons donc ces politiques de marque, en plus des codes, qui nous permettent de filtrer les publicités diffusées sur nos chaînes.

Mme Sammut : À titre de précision, il n'y a aucune publicité destinée aux enfants d'âge préscolaire.

Mme Courtemanche : Oui. Désolée, on parle du visionnement avec les parents, le soir.

Mme Sammut : Oui, ce sont des publicités destinées aux parents ou aux familles, mais elles doivent être appropriées pour les enfants d'âge préscolaire. Nous déterminons donc si les publicités conviennent aux enfants de cet âge. Nous évaluons le tout et nous déterminons si la publicité est trop effrayante, si elle transmet un mauvais message social ou si elle ne convient tout simplement pas à ce groupe d'âge.

Il en va de même pour une chaîne comme YTV. Au fil du temps, notre auditoire vieillit, change et varie; nous devons donc utiliser les plages horaires pour filtrer les publicités en fonction de ces changements.

Mme Courtemanche : Nous voulons vraiment créer ce que nous appelons un refuge sûr pour les jeunes.

Il y a de nombreuses années, lorsque je travaillais au CRTC, les Power Rangers sont arrivés sur nos écrans. Je ne sais pas si vous vous en souvenez. Le Canada a été le premier pays au monde à créer un code concernant la violence, qui n'existe pas aux États-Unis. Ce n'est pas seulement la publicité. C'est tout le contenu : il faut créer un refuge sûr et offrir un contenu sécuritaire tout au long de la journée. Nous prenons cela très au sérieux, car c'est notre image de marque.

La sénatrice Seidman : Mais vous n'avez pas vraiment répondu à la question. Je n'ai pas entendu parler des critères clairs et précis utilisés pour filtrer les publicités. Vous avez un genre de conseil. J'aimerais que vous m'en parliez davantage, mais je n'ai plus de temps. Je voulais seulement souligner que je n'ai pas entendu parler des critères utilisés. Ce dont j'entends parler, c'est surtout du discernement et des politiques. Je ne comprends pas bien comment vous pouvez faire la distinction entre... Je pense à l'exemple de ce tube de sucre avec de la vitamine C ajoutée.

Mme Feasby : Cela ne fait pas partie du Code de la publicité radiotélévisée. Le code porte uniquement sur le contenu. Nous pourrions vous laisser une copie du code ou vous en transmettre une copie.

Le président : À ce sujet, madame Bellam, vous avez dit qu'on pouvait montrer un petit gâteau, par exemple, dans la publicité; mais un seul. Croyez-vous que ce gâteau passerait le test des aliments malsains?

Mme Feasby : Il s'agit de la publicité d'un fabricant de jouets, pas de celle d'une entreprise de produits alimentaires. L'initiative volontaire qui établit les critères nutritionnels vise les fabricants de produits alimentaires, pas les fabricants de jouets ou autres.

Le président : Vous avez fait valoir votre point de vue. Je comprends tout à fait.

Le sénateur Neufeld : Nous vous remercions de vos exposés. Je vais vous poser une question d'ordre général.

Dans vos exposés, vous parlez de ce qui ne fonctionne pas, des renseignements qui sont peut-être inexacts. Nous sommes toujours aux prises avec un problème d'obésité et les règlements à cet égard sont en place depuis longtemps, selon ce que vous dites. Vous avez pris des mesures... Corus prend des mesures depuis longtemps. Qu'est-ce qui peut fonctionner? Nous ne sommes pas ici pour rendre la vie des gens misérable. Nous sommes ici pour trouver des façons de lutter contre le problème d'obésité chez les enfants. Ce sont nos enfants. Dites-moi, qu'est-ce qui fonctionne? Qu'est- ce qui pourrait fonctionner?

Mme Courtemanche : J'aimerais vous faire remarquer que...

Le sénateur Neufeld : Je sais ce qui ne va pas fonctionner.

Mme Courtemanche : Non. Je suis d'accord avec vous.

Au Québec, il y a une interdiction depuis 1980, et le taux d'obésité chez les enfants du Québec est supérieur à celui de l'Alberta, où il n'y a jamais eu d'interdiction. Je regarde cela, et je me demande s'il y a une corrélation directe entre les deux. Il s'est fait beaucoup d'études. Est-ce qu'il existe des données absolues et irréfutables pour corroborer cela?

C'est un problème complexe. Je n'ai pas besoin de vous dire que c'est lié au taux d'activité physique et aux facteurs socioéconomiques. Le problème de l'obésité est complexe, et ce que nous vous disons, c'est que lorsqu'il est question de marketing et de publicité, c'est tout aussi complexe.

Pouvons-nous faire mieux? Absolument. L'une des initiatives dont on a parlé est celle de déterminer comment mieux définir ce qui constitue un produit nocif pour la santé, et nous avons dit que — oui — la réglementation peut nous amener là. C'est une solution. Ce que nous vous avons dit, cependant, c'est que vous devez veiller à ce que la solution ne s'applique pas seulement aux services de diffusion linéaires, car la grande majorité des jeunes ne regardent même pas cela.

Il sera pratiquement impossible de réglementer ce qui va sur Internet. Le CRTC lui-même adopte une approche passive par rapport à Internet. Personne n'a besoin d'une licence.

Ce que je dis, c'est qu'avec plus de 70 p. 100 de la diffusion qui n'est pas liée à nos services, même si vous optez pour l'interdiction de la publicité, une forte proportion de jeunes ne profitera pas des filtres que vous cherchez à imposer et que nous estimons représenter la voie à suivre.

Le sénateur Neufeld : Ce que j'ai entendu, c'est ce que vous avez dit pour commencer. La seule chose différente que j'ai entendue, c'est au sujet des aliments nocifs pour la santé. Pourquoi donc faut-il que quelqu'un propose des mesures législatives afin d'amener les gens à commencer à penser à ce qu'il serait possible de faire d'autre? Je crois que c'est une bonne question à poser. C'est peut-être un peu dur, mais c'est une bonne question. Tout le monde embarque, tout va bien, et tout à coup, quelqu'un se pointe avec un projet de loi. Je ne dis pas que c'est parfait, mais quand on connaît Nancy Greene Raine comme je la connais, on sait très bien à quel point elle se préoccupe de l'obésité chez les enfants.

Mme Courtemanche : J'ai rencontré personnellement la sénatrice Greene Raine. Je sais qu'elle a cela à cœur.

Le sénateur Neufeld : Qu'est-ce qu'il y a d'autre? Nous savons déjà qu'elle pourrait présenter un amendement qui définirait les aliments nocifs pour la santé. Vous avez dit cela.

Mme Courtemanche : L'autre enjeu, c'est la question de savoir ce qui constitue de la publicité s'adressant aux enfants. Il n'y a pas un million de choses qu'on peut faire, sur ce plan. En réalité, il y en a deux : déterminer ce qui constitue des aliments et boissons nocifs pour la santé, et déterminer ce qui fait que la publicité s'adresse à des enfants. Autrement, vous allez tout englober et causer de graves dommages à l'industrie canadienne qui fournit du contenu canadien et qui reflète nos valeurs. Je ne pense pas que le comité veuille faire cesser le contenu canadien qui reflète nos valeurs, car c'est ce qui va finir par se produire. Nous disons deux choses, et ce sont les deux choses que j'ai décrites. En dehors de cela, je ne crois pas que vous ayez grand-chose à faire.

Le président : Je crois que la publicité d'un four pour enfant dans laquelle on montre un petit gâteau est un excellent exemple de ce que vous dites. C'est l'un des principaux problèmes. C'est parmi les plus importantes catégories de problèmes liés à l'obésité.

La sénatrice Petitclerc : J'essaie de comprendre, car compte tenu des initiatives facultatives et des critères et politiques que vous venez de décrire, le message que vous envoyez, c'est un peu que cela fonctionne déjà ou que cela fonctionne assez bien. En même temps, vous avez toutes les deux mentionné la crainte de ce que vous appelez les conséquences non voulues du projet de loi, et il s'agit principalement de conséquences financières liées aux activités commerciales et à la programmation.

On dirait que vous dites que l'aspect facultatif de cela fonctionne généralement, mais que le projet de loi va nuire aux affaires. J'essaie simplement de comprendre la différence.

De plus, les enfants vulnérables et l'obésité étant les objectifs principaux, n'y a-t-il pas d'autre façon de financer les émissions destinées aux enfants, outre la publicité s'adressant aux enfants?

Mme Courtemanche : C'est la raison pour laquelle nous avons des annonces d'intérêt public que nous diffusons pour faire la promotion d'une alimentation saine, et ainsi de suite. Oui, nous sommes d'accord. Nous faisons cela depuis 2004.

Pour revenir à ce que vous demandiez : pouvons-nous faire mieux? Oui, et nous sommes ici pour vous dire cela. Est- ce que le code que nous utilisons sur une base volontaire pourrait être amélioré? Absolument. Nous savons très bien cela. Nous ne voulons pas que le bébé soit jeté avec l'eau du bain. Nous croyons que nous pouvons bâtir un régime de réglementation qui définit les enjeux dont nous discutons et qui contribue à les résoudre, qu'il s'agisse des collations fruitées ou d'autre chose, afin de mettre en place une exclusion.

Nous diffusons les services Disney. Disney applique un code très strict, et c'est un filtre que nous utilisons pour les services Disney. Cela fait partie de leur image de marque. Nous ne le faisons pas sur tous nos canaux, mais avec Disney, notre accord impose des règles nettement plus strictes sur ce que nous pouvons offrir et ce que nous ne pouvons pas offrir.

Est-ce que calquer cela est possible? Tout à fait. Nous comprenons que c'est la direction que nous devons prendre. Nous allons poursuivre nos efforts en matière d'alimentation saine et en faire la promotion dans toutes nos cases horaires, avec ParticipACTION et ce genre de choses. Cela doit faire partie de la solution. Il ne s'agit pas que d'interdire des publicités. Il faut veiller à ce que nos enfants fassent des changements de style de vie.

Je sais très bien cela. Nous avons en ce moment la première génération d'enfants pour lesquels l'espérance de vie sera inférieure à celle de leurs parents. C'est épeurant. J'en ai la chair de poule. Cela me dérange vraiment. Cela étant dit, je veux que nous veillions à ce que toute mesure que nous prendrons soit véritablement efficace. Oui, nous allons continuer de déployer tous les efforts possibles pour faire la promotion d'une saine alimentation.

Mme Feasby : L'Initiative canadienne pour la publicité destinée aux enfants est une initiative volontaire qui réunit 18 membres de l'industrie des aliments et boissons et qui est efficace pour la publicité s'adressant aux enfants de moins de 12 ans. Cette initiative ne touchait pas les adolescents, par exemple. Elle a évolué depuis sa création, il y a 10 ans, en 2007. Sa portée s'est étendue. En 2015, nous avons adopté de nouveaux critères de nutrition qui ont pris effet en 2016. Cela peut continuer d'évoluer et demeurer en place. Comme vous l'avez dit, il y a des choses que nous pouvons faire, et nous pouvons travailler à améliorer le programme.

La sénatrice Galvez : Merci beaucoup de vos exposés. Je vous sais gré de vos efforts.

J'aimerais commencer par vous raconter un peu mon expérience de mère de trois enfants. Mes deux premiers enfants étaient des bambins quand nous avons déménagé en France, et il n'y a pas beaucoup d'enfants obèses en Europe. Il n'y a pas beaucoup d'enfants obèses en Italie, où nous avons aussi vécu, même s'ils mangent beaucoup de pâtes.

En ce qui concerne les émissions de télévision, les enfants sont protégés de 7 heures à 10 heures, puis de 16 heures à 19 heures. Il y a donc deux périodes, au début de la matinée et au début de la soirée, où vous ne voyez pas beaucoup de publicité s'adressant aux adultes.

Mes enfants ont appris à cuisiner en regardant la télé le samedi matin. Il y avait des émissions de cuisine pour les enfants, et ils ont appris à devenir des consommateurs responsables et en santé. Ils ont appris à lire les étiquettes quand ils allaient au marché, à déterminer la quantité de sucre et à distinguer le naturel du chimique. Quand je suis revenue au Canada — je suis du Québec, et nous aimons peut-être trop la poutine —, la situation m'a attristée.

Corus existe maintenant depuis 1999, soit à l'époque exacte où je vivais en Europe. Cela fait autour de 20 ans. Je vais aller dans le même sens que ma collègue, la sénatrice Seidman. Si vous êtes là et que vous faites la promotion de ce qui est bon, comment mesurez-vous l'effet de cela dans la vraie vie? Il y a bien des idées. Je vous invite à regarder ce qui se fait en Europe.

Mme Courtemanche : Vous avez raison. Je pense à ma propre expérience. Quand j'étais au primaire, 400 élèves fréquentaient mon école. Il y avait une seule personne obèse dans toute l'école. Je suis sûre que si j'y retournais aujourd'hui, la situation serait différente. Je le sais très bien.

Vous avez raison au sujet de l'Europe. L'une des choses qui se produisent en Europe, c'est qu'il n'y a pas beaucoup d'aliments hautement raffinés comme on en voit en Amérique du Nord. Ce n'est pas un problème exclusivement canadien; c'est un problème nord-américain, le sucre et les aliments hautement raffinés. Je comprends cela parfaitement.

Nous n'étions pas au Québec, alors vous n'auriez pas pu voir les services de Corus. Nous avons des services en anglais. Nous avons maintenant la chaîne Disney au Québec, et c'est seulement depuis l'année dernière. Alors vous n'auriez malheureusement pas pu voir nos initiatives visant la saine alimentation parce qu'elles ne sont pas offertes sur ce marché. Cependant, nous sommes d'accord, et c'est exactement ce que nous faisons. Nous montrons aux enfants comment cuisiner et préparer des repas avec leurs parents, et cela fait absolument partie du processus d'éducation.

Mais nous ne sommes pas les seuls à devoir faire cela. Il faut que cela se produise dans les écoles et à la maison. Nous devons tous assumer une part de responsabilité, mais cela n'incombe pas qu'à nous. Nous comprenons que nous avons une responsabilité, et nous la prenons très au sérieux.

Au Québec, malheureusement, l'interdiction de la publicité n'a pas donné lieu à une baisse significative de l'obésité. L'interdiction existe depuis 1980, et les taux d'obésité sont toujours élevés, au Québec. S'il y avait une corrélation directe entre l'un et l'autre, vous auriez vu une baisse considérable.

Ce qui s'est produit, c'est que les enfants se sont retrouvés devant beaucoup moins de choix. Il n'y a pas de service préscolaire en français, au Québec. Il n'y a pas d'équivalent au Québec. Pourquoi? Parce que l'interdiction de la publicité fait qu'il n'est pas profitable ou viable de l'offrir. Alors il n'y en a tout simplement pas. Ce type de plateforme éducative est laissée aux services comme Télé-Québec, une entreprise financée par la province. TV Ontario fait ce genre de choses. À moins que le gouvernement intervienne, il n'est pas commercialement viable de le faire. C'est ainsi.

La sénatrice Beyak : Je représente la sénatrice Greene Raine aujourd'hui. Je la remplace. Il nous fallait le quorum au Sénat, alors je suis désolée d'être arrivée en retard.

Nancy et moi sommes de bonnes amies. En tant que propriétaire d'une petite entreprise, elle s'opposait aux règlements inutiles, ainsi qu'aux hausses de taxes.

Je n'appuie pas le projet de loi, mais en raison du principe qui le sous-tend et des données, je suis sûre qu'il sera adopté.

J'ai peut-être manqué des éléments de vos exposés, mais je me demande si vous pouvez nous faire des suggestions, car cela ne va pas toucher les câblodistributeurs ou les réseaux américains, Netflix — qui est de propriété américaine —, comme YouTube. Cela ne va toucher que les entreprises canadiennes. Est-ce qu'il y a quelque chose que nous pouvons faire pour aider, si le projet de loi est adopté?

Mme Courtemanche : Il y a une question de compétence, et c'est là que se trouve le problème, essentiellement. C'est la raison pour laquelle nous vous disons que cela ne se limite pas au fait que les enfants regardent des émissions en ligne. Cela n'a aucun effet sur le contenu pour lequel il n'y a absolument pas de filtres. Donc, à moins que vous en veniez à une entente avec le gouvernement américain — et nous savons qu'ils souhaitent une déréglementation —, pour toute question de réglementation, vous n'allez pas vous en faire des amis. Ils sont en pleine négociation de l'ALENA. Je crains fort qu'ils n'aiment pas cela. Il faut quand même dire qu'il y a un trou béant dans le système.

C'est la même chose avec les produits pharmaceutiques. Au Canada, nous n'avons pas le droit d'en faire la publicité, mais toutes les annonces sont diffusées sur NBC et Fox, et il n'y a pas de filtres. C'est la même chose qui va se produire avec ceci. Vous allez avoir des filtres pour les services canadiens, mais il y aura ce genre de choses, sans filtres du tout, et encore plus en ligne.

Comment le faire efficacement? J'aimerais vous dire que je connais la réponse. Vraiment. Mais je ne l'ai pas. Sans une sorte d'entente avec les États-Unis, cela ne va pas se réaliser.

La sénatrice Beyak : Merci beaucoup.

Le sénateur Eggleton : Vous avez toutes les deux beaucoup parlé de « conséquences non voulues », alors j'aimerais que vous nous en disiez plus.

Je veux aussi dire, au sujet du dernier commentaire, qu'il est vrai que vous ne pouvez pas mettre un frein à la publicité qui vient des États-Unis, mais dans les émissions rediffusées au Canada par des stations canadiennes, les publicités américaines sont remplacées, alors nous pouvons arrêter cela. Il n'y a pas de publicité sur Netflix. On s'y abonne. Il y a cependant d'autres moyens de faire de la publicité s'adressant aux enfants.

De toute façon, j'aimerais que vous m'en disiez plus sur ce que vous voyez comme conséquences non voulues, précisément.

Mme Courtemanche : L'une des conséquences non voulues est l'effet financier sur les services canadiens et sur notre capacité de continuer d'offrir des services canadiens aux enfants qui reflètent les valeurs canadiennes et qui créent des emplois partout au pays ainsi que du contenu canadien. Je pense que c'est à n'en pas douter une conséquence très réelle.

Le CRTC a tenu, il y a quelques années, des audiences appelées Parlons télé. Dans le cadre de ces audiences, ils ont dit qu'ils allaient se mettre à réglementer les services de télévision comme ils le font pour la radio. En ce moment, avec la radio, un jour, vous pouvez être un poste de musique country, et le lendemain, vous pouvez devenir un poste de musique rock. C'est ce qu'ils ont fait avec la télé. Donc, si les conséquences non voulues vous empêchent de tirer suffisamment de revenus de la publicité pour assurer votre subsistance, vous pourrez alors dire : « D'accord. Nous allons choisir un format qui nous permettra d'être viables. » Ce sont les enfants canadiens qui vont y perdre, franchement, et je trouve que c'est triste.

Le sénateur Eggleton : Un instant. Qu'en est-il des conséquences que sont les risques accrus de maladies chroniques chez les enfants — des enfants souvent en surpoids ou obèses, qui le demeurent une fois adultes? Cela entraîne la hausse des dépenses en santé.

Mme Courtemanche : Je le sais très bien. Mais s'il était vrai que la publicité est la seule raison de cela au Canada, je dirais oui, d'accord, mais ce n'est pas le cas. C'est un problème complexe. Nous en avons parlé.

Pouvons-nous faire mieux? Oui, j'ai dit que j'étais d'accord avec vous. J'ai dit qu'il faut commencer à restreindre ce qui est « nocif pour la santé ». C'est une solution.

Mais ce que je dis, c'est si vous fermez la porte à cela, faites-le d'une manière qui ne va pas se répercuter sur des milliers d'emplois au Canada, sur les valeurs canadiennes et sur le contenu des émissions, ce qui est tout aussi important, d'après moi.

Le sénateur Eggleton : C'est un bon commentaire.

J'ai une question pour Les normes canadiennes de la publicité. Nous parlons et entendons parler d'aliments nocifs pour la santé dans le sens où on l'entend dans le système de profils nutritionnels de l'Organisation mondiale de la Santé. Utilisez-vous cela pour les normes qui servent à la publicité?

Mme Feasby : Nous avons entendu la semaine passée qu'il existe divers systèmes de profils nutritionnels. Il y a un système au Royaume-Uni, il y a celui de l'Organisation panaméricaine de la santé, et il y a celui dont vous parlez. Divers systèmes ont été envisagés pour l'établissement des critères de l'Initiative canadienne pour la publicité sur les aliments et les boissons destinée aux enfants. Il y avait un programme semblable aux États-Unis et en Union européenne. Étant donné que les entreprises participantes sont de portée mondiale et qu'elles sont actives à l'échelle mondiale, les critères établis dans chacun des secteurs — le Canada, l'Union européenne et les États-Unis — sont uniformes. Certains des critères sont différents. Par exemple, le programme EU Pledge permet une teneur en matières grasses plus élevée dans les produits laitiers parce que les Européens sont habitués, culturellement, à des produits contenant plus de gras. Nous avons donc regardé la ligne directrice de Santé Canada, le Guide alimentaire et l'outil sur l'étiquetage de l'ACIA. Nous nous sommes basés sur bien d'autres normes, mais au bout du compte, c'est essentiellement canadien.

Le sénateur Eggleton : Ce ne sont donc pas les guides de profilage nutritionnel de l'Organisation mondiale de la Santé?

Mme Feasby : Je ne suis pas sûre qu'ils étaient en vigueur. Ils ne l'étaient peut-être pas.

Le sénateur Eggleton : Je pense que vous avez raison. Ils sont assez récents.

La sénatrice Seidman : J'aimerais revenir aux critères. Je voudrais bien comprendre votre réponse à ma question précédente, si vous me le permettez. Si j'ai bien compris ce que vous avez dit, vos normes et votre code ne régissent pas vraiment ce qu'on trouve dans les produits alimentaires annoncés. Ce n'est pas l'objet de vos normes. Par exemple, la liste des produits annoncés en 2015 qu'on trouve à l'annexe 1 du rapport de conformité à l'Initiative canadienne pour la publicité sur les aliments et les boissons destinée aux enfants présente le genre de produits dont on peut faire la publicité?

Mme Feasby : Non, pas nécessairement. L'Initiative canadienne pour la publicité sur les aliments et les boissons destinée aux enfants établit des critères nutritionnels dans huit catégories d'aliments. Concernant les produits auxquels vous faites allusion, annoncés en 2015, les critères sont entrés en vigueur en 2016. Environ 30 p. 100 des produits que les entreprises annonçaient directement aux enfants de moins de 12 ans ont été soit reformulés pour répondre aux nouveaux critères soit éliminés des publicités. Cette liste n'est pas à jour, c'est ce que je veux dire.

La sénatrice Seidman : Pouvez-vous nous expliquer la différence entre ce qui était possible en 2015 et ce qui ne l'est plus en 2016 pour que seulement 30 p. 100 des produits soient toujours admissibles? Qu'avez-vous enlevé? J'essaie toujours de comprendre les critères.

Mme Feasby : Je comprends.

Ce sont les critères qui s'appliquent depuis le 1er janvier 2016. Avant, les entreprises avaient chacune leurs propres critères. Il y a désormais un document commun et une série de critères fondés sur leurs limites standards pour les calories, le sucre, le sodium, les gras saturés et les gras trans. Il y a aussi les nutriments à privilégier. Si un produit respecte les limites prescrites dans ce document, alors les entreprises participantes (et je ne parle pas des autres entreprises, seulement de ces 18 entreprises) peuvent effectivement annoncer le produit aux enfants de moins de 12 ans sur les chaînes de Corus, par exemple.

La sénatrice Seidman : Donc, pour revenir à la question du sénateur Eggleton, ces critères ne sont pas les critères de l'OMS pour les aliments sains et malsains?

Mme Feasby : Non.

La sénatrice Seidman : Ils correspondent aux normes qui ont été établies...

Mme Feasby : Ils ont été établis à cette fin, parce que rien d'autre n'existait à l'époque.

La sénatrice Seidman : Par exemple, l'aliment dont je vous parlais tout à l'heure — le rouleau aux fruits de moins de 100 calories qui se compose essentiellement de sucre, mais qui contient de la vitamine C — serait admissible selon les normes actuelles?

Mme Feasby : Je n'en suis pas certaine. Il faudrait que je vérifie.

La sénatrice Seidman : Merci.

La sénatrice Galvez : Comment ce document et vos critères se comparent-ils aux normes exemplaires de l'industrie, aux autres normes en vigueur dans le monde ou aux normes des organisations internationales? Avez-vous fait la comparaison?

Mme Feasby : Parlez-vous des critères nutritionnels?

La sénatrice Galvez : Oui.

Mme Feasby : Les critères nutritionnels sont semblables à ceux établis dans le cadre du programme volontaire de l'UE et de celui des États-Unis.

Depuis, d'autres systèmes de profilage nutritionnel ont été mis au point, mais je n'ai pas comparé leurs critères aux nôtres. Il y a des différences. La plupart établissent des limites aux quantités de sucre, de sel et de gras acceptées, comme les nôtres.

Par contre, la plupart ne tiennent pas compte des nutriments à privilégier, comme les vitamines, les minéraux et les fibres. Nos critères incluent les deux volets. Je ne crois pas que les autres les incluent nécessairement, mais je ne les ai pas tous analysés en détail.

La sénatrice Galvez : Croyez-vous qu'il serait important de...

Mme Feasby : Oui. Comme je l'ai déjà dit, ce programme ne se veut pas statique; il a été conçu pour évoluer, et il évolue.

Nous mentionnons que les critères seront revus dans le document. Il y est écrit qu'ils seront révisés après trois ans ou si Santé Canada change ses critères, auquel cas ils seront évidemment révisés avant. Ils seront donc réévalués au bout de trois ans ou moins, si Santé Canada change les siens.

La sénatrice Petitclerc : J'ai été un peu étonnée de vous entendre dire à deux reprises, je crois, maître Courtemanche, que le modèle du Québec n'est pas fructueux. Je suis un peu confuse, parce que ce n'est pas ce que nous avons entendu de la sénatrice Greene Raine. Ce n'est pas ce que j'ai constaté quand j'ai préparé mon propre discours au moment de la deuxième lecture du projet de loi.

Même ici, en octobre 2016, il était écrit dans l'Ottawa Citizen que le Québec interdit les publicités depuis 1980. Par conséquent, une étude publiée en 2011 conclut que la loi aurait fait diminuer de 13 p. 100 la probabilité que les consommateurs n'achètent de la malbouffe. Il y est également écrit que le Québec affiche le taux d'obésité le plus bas au Canada chez les enfants de 6 à 11 ans et le taux de consommation de fruits et de légumes le plus élevé, malgré le fait que les enfants québécois soient parmi ceux ayant le mode de vie le plus sédentaire.

Ce sont donc deux choses très différentes.

Mme Feasby : La première étude que vous mentionnez portait sur leurs choix alimentaires. Qu'avez-vous dit? Il n'y était pas question d'obésité.

La sénatrice Petitclerc : On y mentionne une diminution de 13 p. 100 de la probabilité que les consommateurs n'achètent de la malbouffe.

Mme Feasby : Exactement, on parle d'achat, mais pas d'obésité.

La sénatrice Petitclerc : Il y est écrit que le taux d'obésité y est le plus bas.

Mme Feasby : C'est faux. C'était dans l'étude de 2004 sur la santé communautaire...

La sénatrice Petitclerc : C'était dans l'étude de 2011.

Mme Feasby : ... d'où tout le monde tire ses données.

La sénatrice Petitclerc : Il s'agit de l'étude de 2011.

Mme Courtemanche : Nous parlons ici de taux d'obésité. Il ne faut pas confondre. L'étude de 2011 ne portait que sur l'achat de différents types d'aliments. Cela n'a rien à voir avec l'obésité. Soyons clairs.

Mme Feasby : L'étude que tout le monde cite est l'étude de 2004 sur la santé communautaire. Le taux combiné d'obésité et de surpoids chez les enfants du Québec est de 22,6, contre 21,8 en Alberta.

Mme Courtemanche : Nous avons besoin de meilleures données. Je n'en reviens pas que nous n'ayons rien de plus récent que 2004, parce que nous aurions besoin de ces données. J'ai moi-même été renversée quand je m'en suis rendu compte, je me suis dit : « Sérieusement? » Cette étude date de 13 ans. Ne fondons pas nos décisions sur des données totalement dépassées. Nous ne pouvons pas croire qu'elles sont encore bonnes.

Cela dit, selon les données de 2004, il est vrai que cela n'aurait pas eu d'effet. Cela a pourtant commencé en 1980.

La sénatrice Petitclerc : Concernant les données selon lesquelles le Québec afficherait le taux d'obésité le plus bas et le taux de consommation de fruits et de légumes le plus élevé, nous dites-vous qu'elles sont fausses ou obsolètes?

Mme Courtemanche : Je dis qu'elles sont obsolètes. Il serait grand temps de les mettre à jour; elles ont été compilées en 2004, alors que nous sommes en 2017.

La sénatrice Petitclerc : Y a-t-il des données récentes qui indiquent autre chose?

Mme Feasby : Non, les données que nous citons datent de 2004.

La sénatrice Petitclerc : Nous n'avons pas de nouvelles données.

Mme Courtemanche : Nous n'avons pas réussi à en trouver. Ce que je vous dis, c'est que c'est un projet de loi tellement important qu'il ne faut pas nous tromper. Il faut nous assurer de nous fonder sur des données justes et non sur des données qui datent de 13 ans.

La sénatrice Petitclerc : Mais elles ne sont pas nécessairement fausses.

Mme Courtemanche : Honnêtement, nous ne le savons pas.

Le sénateur Neufeld : Je sais que la première fois que j'en ai parlé avec Nancy, j'ai mentionné qu'il faudrait peut-être limiter la quantité de sucre et de sel dans les aliments pour tout le monde, enfant ou non, puisque nous savons que le sucre, le sel et les gras trans sont vraiment nocifs pour nous. Je lui en ai parlé un peu.

J'ai posé la même question à un autre groupe, qui se composait de gens chevronnés. Ils ont eux aussi dit que ce serait difficile, mais je comprends pourtant, madame Feasby, qu'on l'a déjà fait pour d'autres aliments, n'est-ce pas? N'avez- vous pas parlé d'un rapport à la sénatrice Seidman?

Mme Feasby : C'était pour les catégories de produits dont les 18 entreprises participant à l'initiative sur les enfants font la publicité.

Le sénateur Neufeld : Donc, est-ce que cela se limite seulement aux aliments pour enfants, est-ce là où le sucre est limité? Je crois que vous avez dit que la quantité de sucre était limitée.

Mme Feasby : Dans les aliments annoncés aux enfants.

Le sénateur Neufeld : J'aimerais aller un peu plus loin. Vous avez dit qu'on avait réduit la quantité de sucre dans les céréales prêtes à manger de 17 à 60 p. 100.

Mme Feasby : Les adultes peuvent manger les mêmes céréales.

Le sénateur Neufeld : C'est la question.

Mme Feasby : Ils peuvent manger les mêmes, c'est certain.

Le sénateur Neufeld : Il n'y a pas deux genres de céréales sur les étalages. Il n'y en a qu'un. Si on aime les Corn Flakes, il n'y a pas de Corn Flakes pour enfants et de Corn Flakes pour adultes, n'est-ce pas?

Mme Feasby : Non. Mais supposons qu'une entreprise présente une gamme de huit sortes de céréales et qu'elle souhaite en faire la publicité. Elle ne pourra viser les enfants de moins de 12 ans dans ses publicités de céréales que pour les produits qui répondent aux critères.

Le sénateur Neufeld : Convenez-vous qu'il serait peut-être plus facile, pour contrer le phénomène de l'obésité, de limiter le nombre d'additifs ajoutés aux aliments, qui sont la source du problème, dans la plupart des cas — pas toujours, mais la plupart du temps?

Mme Feasby : Je ne suis pas une experte du domaine de la santé, une nutritionniste. Je ne pense pas pouvoir me prononcer là-dessus. Quoi qu'il en soit, l'une des solutions est de lire la liste des ingrédients.

Le président : Je veux m'assurer d'avoir bien compris ce que vous avez dit. Vous nous avez montré un document, qui présente les nouvelles lignes directrices nutritionnelles destinées aux publicitaires participant à l'initiative volontaire. Je crois avoir compris qu'avant la publication de ce document, chaque annonceur avait ses propres directives.

Mme Feasby : Oui.

Le président : Je vous ai donc bien comprise.

Mme Feasby : Oui.

Le président : Je n'irai pas plus loin. Je vais m'arrêter là. Je vous remercie infiniment. Vous avez répondu à ma question.

Le sénateur Eggleton : J'aurais une brève question à poser.

Madame Feasby, 18 entreprises participent à l'IPE. Quel pourcentage des publicités destinées aux enfants viennent de ces entreprises?

Mme Feasby : Je n'ai pas le pourcentage exact, mais elles représentent la vaste majorité des annonceurs. Nous le savons, parce que nous devons préapprouver les publicités destinées aux enfants. Ma collègue voit tous les types d'annonces de produits alimentaires destinés aux enfants, de tous les fabricants. Parmi les 18 entreprises membres de cette initiative, 7 font de la publicité destinée aux enfants et 11 n'en font pas. Ces sept entreprises produisent la vaste majorité des publicités d'aliments destinées aux enfants.

Seriez-vous d'accord, chez Corus? C'est ce que vous constatez aussi.

Le sénateur Eggleton : Qui sont ces sept entreprises?

Mme Feasby : Il s'agit de Campbell's, Danone, General Mills, Kellogg's, McDonald's, Post et Parmalat.

Le sénateur Eggleton : Certaines de ces entreprises ont des produits conçus pour les enfants, comme les Frosted Flakes, des hamburgers, des frites et toutes sortes d'autres choses. Certaines produisent ce que je qualifierais, comme la plupart des gens, comme des aliments malsains.

Mme Feasby : Par exemple, les repas de restauration rapide qu'on voit dans les publicités destinées aux enfants ne contiennent pas de frites. C'est un Joyeux festin, qui contient du lait à 1 p. 100, des tranches de pommes et un tube de yogourt Danino aux fraises. Ou il peut s'agir de poulet, de McCroquettes faites de viande blanche, de lait à 1 p. 100, de tranches de pommes et d'un yogourt Danino.

Le sénateur Eggleton : Quand les enfants entrent dans un restaurant McDonald's, une fois que Ronald McDonald les a convaincus d'y aller, ils y sont exposés à toutes sortes d'autres aliments malsains.

Qu'en est-il des fabricants de boissons? Vous n'avez mentionné aucun fabricant de boissons.

Mme Feasby : Les fabricants de boissons participant à l'initiative ne font aucune publicité destinée aux enfants de moins de 12 ans.

Le sénateur Eggleton : Mais ils ciblent les adolescents, n'est-ce pas?

Mme Feasby : Je ne le sais pas. Tout ce que je sais, c'est qu'ils ne font pas de publicité destinée aux enfants. Je pense que vous entendrez demain des représentants de l'association des boissons.

Le sénateur Eggleton : En effet. Merci.

Le président : C'est un domaine complexe. Nous nous entendons là-dessus. Les deux groupes ont dit — l'un directement et l'autre y a fait allusion — que c'est un enjeu complexe, qu'il y a de nombreux facteurs qui entrent en ligne de compte pour avoir un mode de vie sain. Nous sommes absolument d'accord. En fait, nous l'avons mentionné dans notre rapport sur le sujet.

Cela ne signifie pas pour autant qu'il ne faut pas nous pencher sur chacun des éléments du spectre. En fait, cela signifie qu'il faut tenir compte de tous les éléments, dont la publicité de produits malsains destinée aux enfants, qui sont dans une catégorie à part. Il y a beaucoup d'études qui montrent comment inciter les enfants à consommer ou à vouloir un produit jusqu'à en harceler leurs parents.

La publicité est donc l'un des nombreux facteurs qui entrent en ligne de compte. Aucun membre du comité ne s'attendrait à ce qu'une solution à un problème ne règle tous les problèmes du spectre, mais il faut cerner quelles sont les principales composantes du problème de société auquel nous sommes confrontés, et voici un projet de loi qui porte sur la publicité, qui est l'un des problèmes.

Prenons l'exemple du four pour enfants qui ne peut contenir qu'un petit gâteau, si j'ai bien compris. C'est un exemple de façon dont on peut facilement contourner le problème dans les publicités. On ne fait pas de publicité pour les petits gâteaux, mais pour un four. Et qu'est-ce qu'on voit dans ce four? C'est l'exemple que vous avez donné. On y voit un petit gâteau. Compte tenu de tout le sucre que contiennent les petits gâteaux, ils seraient au sommet de la liste des produits très accessibles. Cela fait partie des ramifications du problème.

Nos convenons également avec vous que la publicité est un domaine complexe. Il est loin d'être simple. Mais nous avons un projet de loi à étudier, et nous devons déterminer s'il sera bénéfique ou si nous voulons faire des recommandations. C'est notre rôle d'analyser toutes ces questions.

Vous avez très clairement présenté les problèmes que vous voyez, de votre côté. Bien sûr, c'est la raison pour laquelle nous vous avons invitées ici. Nous voulions entendre votre point de vue et que vous nous aidiez à le comprendre.

Sur cette note, je tiens à remercier mes collègues des questions qu'ils vous ont posées, puis des réponses et des tentatives de réponses que vous nous avez données.

Je mentionnerai pour terminer que nous semblons extrêmement faibles au Canada pour effectuer des analyses nationales en matière de santé. Nous avons d'excellentes statistiques sur le cancer. Il semble que les Canadiens aient réussi à forcer leurs maîtres politiques à s'intéresser au cancer, à toutes ses déclinaisons et à la fréquence ainsi qu'à la mesure dans laquelle il frappe notre société. Mais sur la plupart des autres questions de santé, nous n'avons tout simplement pas de bonnes données. C'est l'un des handicaps qui nous freinent quand nous essayons de nous attaquer aux grands problèmes de santé. Nous en avons étudié beaucoup au comité, dont la démence, tout récemment. C'est un autre exemple où il n'y a pas de bonnes statistiques sur des questions pourtant fondamentales.

Nous avons des préoccupations communes pour la suite des choses, mais nous devons réussir à aider nos enfants à adopter un mode de vie sain. C'est essentiel.

Sur ce, je déclare la séance levée.

(La séance est levée.)

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