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VEAC

Sous-comité des anciens combattants

 

Délibérations du Sous-comité des
Anciens combattants

Fascicule no 2 - Témoignages du 24 février 2016


OTTAWA, le mercredi 24 février 2016

Le Sous-comité des anciens combattants du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui, à 12 h 4, afin de poursuivre son étude sur les services et les prestations dispensés aux membres des Forces canadiennes; aux anciens combattants; aux membres et anciens membres de la Gendarmerie royale du Canada et leurs familles.

Le sénateur Jean-Guy Dagenais (vice-président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le vice-président : Bonjour, je suis le sénateur Jean-Guy Dagenais, vice-président du comité. Je remplace le sénateur Day à titre de président.

C'est avec plaisir que je vous souhaite la bienvenue. Je vais demander aux sénateurs de bien vouloir se présenter, en commençant à ma droite.

[Traduction]

Le sénateur Mitchell : Je suis Grant Mitchell, de l'Alberta.

Le sénateur Runciman : Bob Runciman, de l'Ontario.

La sénatrice Wallin : Pamela Wallin, de la Saskatchewan.

[Français]

Le vice-président : Aujourd'hui, nous poursuivons l'examen des services et des prestations dispensés aux membres des Forces canadiennes, aux anciens combattants qui ont servi honorablement dans les Forces canadiennes par le passé, aux membres et anciens membres de la Gendarmerie royale du Canada et des organismes qui l'ont précédé, ainsi qu'à leurs familles.

Ce matin, nous allons entendre M. Guy Parent, ombudsman des vétérans, du Bureau de l'ombudsman des vétérans, qui est accompagné de Mme Sharon Squire, ombudsman adjointe des vétérans et directrice exécutive des opérations au Bureau de l'ombudsman des vétérans.

Je vous invite, monsieur Parent, à faire votre présentation. Par la suite, nous passerons à la période des questions. Je vous remercie, monsieur Parent.

Guy Parent, ombudsman des vétérans, Bureau de l'ombudsman des vétérans : Je vous remercie, monsieur le président. Je suis ravi de prendre la parole devant vous aujourd'hui.

Je vous donnerai un aperçu du travail effectué par le Bureau de l'ombudsman des vétérans et je vous ferai part des défis que mon équipe et moi-même devons relever. Je partagerai également notre évaluation des enjeux à venir.

[Traduction]

Nous célébrerons bientôt le centenaire de la Loi sur les pensions, la première loi canadienne importante visant les anciens combattants. Elle a été adoptée par le Parlement en 1919. Depuis l'adoption de cette loi il y a près d'un siècle, les gouvernements successifs ont déployé des efforts soutenus pour améliorer les avantages et les programmes offerts aux anciens combattants, mais certaines lacunes subsistent encore. Je respecte tous les efforts des anciens parlementaires, des fonctionnaires, des organismes d'anciens combattants et des défenseurs des droits des anciens combattants qui ont travaillé avec ardeur pour combler ces lacunes, et je reconnais le travail accompli par votre comité sénatorial pour améliorer le traitement des anciens combattants et de leur famille.

Tout d'abord, j'aimerais vous parler du rôle de mon organisme. Au Canada, il y a quelque 700 000 anciens combattants et plus de 100 000 membres actifs des Forces armées canadiennes et de la Gendarmerie royale du Canada qui, un jour, joindront leurs rangs. Qu'ils reçoivent ou non des services et des avantages d'Anciens Combattants Canada, je les considère tous, eux et leur famille, comme des parties intéressées et des clients potentiels du Bureau de l'ombudsman des vétérans.

En tant qu'organisme indépendant, le Bureau de l'ombudsman des vétérans se veut la voix indépendante et impartiale de tous ceux et celles qui reçoivent les services d'Anciens Combattants Canada. À ce titre, nous offrons des services directs à une clientèle très dispersée et veillons à ce que l'on tienne compte des besoins des anciens combattants du Canada et ceux de leur famille conformément à la Déclaration des droits des anciens combattants.

De plus, mon rôle de conseiller spécial pour le ministre des Anciens Combattants m'offre de nombreuses occasions de présenter directement au ministre des enjeux importants pour la communauté des anciens combattants. Le bureau agit souvent comme catalyseur pour orienter et appuyer le débat national sur les dossiers touchant les anciens combattants. Nous sommes bien placés pour jouer ce rôle, car nous communiquons continuellement avec des anciens combattants et leur famille partout au Canada dans le cadre de conversations individuelles et de discussions ouvertes, sur notre site web et, bien sûr, dans les médias sociaux.

[Français]

Dans le cadre de notre travail, nous respectons les normes de pratique de l'Institut international de l'Ombudsman et du Forum canadien des ombudsmans.

[Traduction]

Notre organisme fonde son travail sur les données probantes et nous évaluons l'équité de tout avantage ou programme offert aux anciens combattants en fonction de sa pertinence, de son caractère suffisant et de son accessibilité.

Nous avons un effectif de première ligne dévoué qui aide chaque ancien combattant à comprendre les avantages et les programmes parfois complexes d'Anciens Combattants Canada. Nous cernons également les lacunes qui existent dans les programmes, les avantages et les services offerts aux anciens combattants et à leur famille, et nous favorisons un débat éclairé sur les enjeux systémiques en rendant tout d'abord compte des faits dans un examen, qui est suivi d'un rapport contenant des recommandations.

Le BOV, le nom communément donné au bureau, a joué un rôle important de 2012 à 2014 lorsqu'on a soumis la Nouvelle Charte des anciens combattants à un examen approfondi qui a été présenté au Comité permanent des anciens combattants de la Chambre des communes. En fait, notre examen, notre rapport et notre analyse actuarielle de 2013, appuyés par tous les organismes d'anciens combattants, défenseurs des droits des vétérans et intervenants, ont été les catalyseurs qui ont amené le gouvernement à entreprendre un examen de l'ensemble de la Charte.

Je suis fier que notre recherche fondée sur des données probantes ait permis d'amorcer un débat qui a mené à d'importantes recommandations appuyées à l'unanimité par tous les membres du CPAC. Toutefois, il reste encore beaucoup à faire malgré les efforts ardus de tous ceux et celles qui se soucient des questions relatives aux anciens combattants.

Les avantages offerts sont encore trop complexes. Après des décennies de superposition de règlements et de politiques sans s'arrêter pour examiner les répercussions sur d'autres avantages, la complexité est souvent de nature byzantine. La prestation des services doit être plus axée sur les anciens combattants et fondée sur une approche de guichet unique. De plus, pour favoriser la transparence et l'ouverture, les processus et les motifs des décisions d'ACC concernant les demandes d'avantages des anciens combattants doivent être communiqués plus efficacement à ces derniers. On pourra ainsi promouvoir l'engagement positif des citoyens.

Toutes les personnes qui traitent des dossiers des anciens combattants connaissent ces enjeux, mais des questions se posent toujours. Par exemple, comment combler ces lacunes? Comment définir ces lacunes? Poursuivons-nous la même démarche même si elle n'a pas pu répondre aux besoins des anciens combattants après presque un siècle ou entreprenons-nous autre chose? Par exemple, nous pourrions nous concentrer sur des résultats concrets pour les anciens combattants.

Anciens Combattants Canada ne mesure pas les résultats des programmes offerts aux anciens combattants, et l'impact de ces programmes sur la communauté des anciens combattants n'est pas non plus évalué. En fait, nous avons découvert, lors de notre recherche exhaustive sur les origines des prestations aux anciens combattants, que de 1920 à nos jours, aucun programme ne comptait d'énoncé écrit au sujet des résultats souhaités pour les anciens combattants. Le BOV a toujours fait passer en premier l'atteinte des résultats pour les anciens combattants, et il semble que notre nouveau gouvernement ait également adopté cette orientation. Saisissons donc cette occasion pour définir clairement les résultats que nous voulons atteindre et qui combleront les lacunes pour les anciens combattants et leur famille. En effet, sans connaître les résultats visés, il nous est difficile de définir l'ampleur des lacunes.

Permettez-moi d'aller plus loin. Savez-vous que nous n'avons aucun repère définissant ce qu'est un niveau d'indemnisation financière convenable pour le remplacement du revenu ou encore pour la douleur et la souffrance vécues par les anciens combattants? Comment savoir si nos efforts valent la peine si nous n'avons pas de point de comparaison établi? De plus, lorsque nous effectuons une analyse exhaustive du remplacement du revenu pour les anciens combattants, les données, en plus de montrer des résultats incohérents et parfois injustes, nous indiquent qu'il y a, dans de nombreux cas, absence de justification stratégique pour avancer ces résultats.

[Français]

Je crois qu'il est temps d'adopter une nouvelle approche qui soit axée sur les résultats pour les vétérans et non sur les activités et les résultats des programmes. Sinon, nous continuerons à désavantager un bon nombre de nos vétérans et leur famille, comme nous le faisons depuis près de 100 ans.

[Traduction]

Nous devons faire mieux, dès aujourd'hui, en réglant certains problèmes liés à la NCAC. Mais, ce qui est encore plus important, c'est de façonner l'avenir en effectuant une analyse complète des interdépendances de tous les avantages offerts. Dans les deux cas, il nous faut mieux comprendre les répercussions d'un changement apporté à un résultat sur l'ensemble des avantages pour tous les anciens combattants. Grâce à notre nouvelle perspective visant d'emblée des résultats pour les anciens combattants, nous devons également nous assurer de tenir compte de l'effet global du gouvernement sur le soutien apporté aux anciens combattants et à leur famille.

Plus précisément, pour améliorer aujourd'hui le sort des anciens combattants les plus vulnérables, il faut majorer l'allocation pour perte de revenu à 90 p. 100 et trouver une nouvelle façon de déterminer les catégories de l'allocation pour déficience permanente. Il est important d'indemniser les membres de la famille qui sont forcés d'abandonner leur carrière pour s'occuper d'un ancien combattant blessé et de leur faciliter l'accès aux services de santé mentale.

Dans le but de façonner l'avenir, nous devons définir et atteindre les résultats souhaités pour les anciens combattants afin de leur garantir, à vie, une sécurité financière et une indemnisation pour la douleur et la souffrance. Nous devons nous rapprocher des anciens combattants et de leur famille pour comprendre leurs besoins et savoir comment y répondre. De plus, il nous faut adopter une demande simplifiée pour les programmes d'avantages offerts aux anciens combattants, et cette approche doit être gérée de façon proactive par ACC. Le ministère devrait lui-même évaluer et offrir tous les avantages et services auxquels l'ancien combattant est admissible, plutôt que d'imposer cette tâche à l'ancien combattant. Enfin, nous devons assurer aux anciens combattants et à leur famille une transition de la vie militaire vers la vie civile qui soit facile et réussie.

Ces priorités sont le reflet des objectifs que contient la lettre de mandat du ministre des Anciens Combattants. L'occasion nous est donnée de finalement combler les lacunes des avantages et des programmes offerts aux anciens combattants et, surtout, de bien faire les choses pour la première fois. Faisons de cette génération celle qui assurera de meilleurs jours aux anciens combattants et à leur famille.

[Français]

Améliorons aujourd'hui, façonnons le futur.

Le vice-président : Je vous remercie, monsieur Parent, pour votre présentation. Madame Squire, souhaitez-vous ajouter des commentaires? Passons maintenant à la période des questions.

[Traduction]

Le sénateur Mitchell : Je vous remercie de votre exposé et de votre travail soutenu et efficace, monsieur Parent. Il ne fait aucun doute que vos efforts font une différence.

J'ai été très surpris par votre commentaire selon lequel il revient aux anciens combattants de déterminer les services et les avantages qui leur sont offerts. Ne leur offre-t-on pas une trousse de départ ou un séminaire lorsqu'ils prennent leur retraite de l'armée ou de la GRC? Y a-t-il une différence entre ce processus, s'il existe, et l'aide reçue par les agents de la GRC?

M. Parent : C'est une très bonne question. Les communications provenant d'Anciens Combattants Canada ont toujours été l'une des préoccupations du bureau, comme nous le disons depuis de nombreuses années. En ce moment, nous menons un examen à Anciens Combattants Canada sur la transition entre le service militaire et la vie civile, et il semble que la communication ne soit pas adéquate. Actuellement, les gens sont orientés seulement vers les programmes pour lesquels ils peuvent faire une demande ou dans lesquels les besoins sont manifestes. Nous soutenons qu'il faut adopter une approche plus holistique. Lorsqu'un ancien combattant quitte les forces et qu'il est libéré en raison de blessures imputables au service, le ministère devrait automatiquement être responsable de lui communiquer les avantages auxquels il a droit. Toutefois, ce n'est pas ce qui se produit en ce moment, et c'est un gros problème.

Le sénateur Mitchell : Vous évaluez la situation, et c'est formidable.

Dans votre exposé, vous avez également mentionné qu'il est important d'indemniser le membre de la famille qui doit abandonner sa carrière pour s'occuper d'un ancien combattant blessé et qu'il faut également faciliter l'accès aux services de santé mentale aux membres de la famille. Je crois que les membres de la famille des militaires ont accès à certains services. Pourriez-vous le confirmer? Et pourriez-vous ensuite comparer cela à l'accès aux services dont profitent les membres de la famille d'un agent de la GRC qui souffre d'un TSPT ou d'un TSO?

M. Parent : Anciens Combattants Canada, par l'entremise de son site web, par exemple, offre des programmes qui permettent aux gens d'apprendre comment vivre avec un TSPT tout en gérant leur vie de famille, et cetera. Malheureusement, il n'y a pas d'accès aux cliniques spécialisées en TSO. Il se pourrait qu'une personne traitée pour un TSPT ait accès à ce type de clinique, mais ce n'est pas un droit. Nous cherchons donc à faire progresser ce type de service.

Il existe un tout nouveau programme sur le site web d'Anciens Combattants Canada qui est censé aider les aidants à gérer une telle situation. Il s'agit d'un tout nouveau programme que nous n'avons pas encore eu la chance d'évaluer. Il reste encore beaucoup de travail à faire pour leur donner accès à ce qu'ils ont droit. L'une des choses qui nous préoccupent, c'est que de nombreux avantages offerts aux familles et aux conjoints sont seulement accessibles par l'entremise de l'ancien combattant, c'est-à-dire que le membre de la famille ou le conjoint ne peut pas y avoir accès directement.

Sharon Squire, ombudsman adjointe des vétérans et directrice exécutive des opérations, Bureau de l'ombudsman des vétérans : Il existe un numéro sans frais, mais il ne donne pas accès à un psychologue ou à des prestations pour payer les honoraires d'un psychologue, par exemple. Il s'agit seulement du numéro sans frais qu'un membre de la famille peut utiliser.

La sénatrice Wallin : D'une certaine façon, lorsqu'on examine cette situation, il semble que le problème ne se limite pas à la communication. Lorsque vous parlez des blessures imputables au service, qui est chargé de déterminer si c'est bien le cas? Cela semble constituer le cœur du problème. Cela s'est-il produit auparavant? Est-ce lié à la personnalité de l'ancien combattant? Existe-t-il un lien direct? La question plus générale — et elle forme la deuxième partie de la discussion — est la suivante : qui résiste à cette initiative? ACC est censé exister pour fournir des services aux anciens combattants et pourtant, il semble y avoir une résistance à cet égard. Pourquoi? Les représentants du ministère craignent-ils d'établir un précédent coûteux? Les ministres ont-ils peur des conséquences? La bureaucratie d'ACC est- elle trop complexe? Où sont les obstacles?

M. Parent : À mon avis, le premier obstacle est probablement la culture, et la situation s'améliore en ce moment même. Il est très important de comprendre les effets du service militaire sur les gens, que vous ayez servi vous-même dans l'armée ou quelle que soit votre expérience du service militaire. L'attribution de service est effectuée par des arbitres à Charlottetown et encore une fois, on ne tient certainement pas compte de la pleine valeur de l'interprétation libérale permise par la loi. Je crois que dans de nombreux cas, nous constatons que les principes d'interprétation libérale n'ont pas été utilisés à leur plein potentiel.

Lorsque les gens font une demande de prestations, ils doivent tout d'abord fournir une preuve de service et un diagnostic qui établit le lien entre une blessure et le service.

Dans le système américain, par exemple, on a recours au jugement présumé, c'est-à-dire qu'on présume que le service militaire ou le service dans la GRC a réellement un effet sur le bien-être et des répercussions psychologiques et physiques sur les militaires ou les agents. Puisqu'on accepte qu'il s'agit d'un fait dès le départ, il est ensuite beaucoup plus facile pour les arbitres d'examiner une série de blessures et de les lier au service.

C'est une question de culture et d'interprétation libérale. Mais, encore une fois, les statistiques des quatre ou cinq dernières années démontrent que la situation s'est grandement améliorée. Il reste toutefois du travail à faire.

La sénatrice Wallin : En ce qui concerne le lien dont vous parliez ou le diagnostic officiel, comment pouvons-nous progresser dans des domaines dans lesquels, nous le savons, il est très difficile de poser un diagnostic et de le faire rapidement?

M. Parent : L'une des difficultés, c'est que très souvent, une fois que le militaire a quitté les forces, c'est un médecin de famille ou un médecin traitant qui pose le diagnostic d'une blessure et qui établit un lien entre cette dernière et le service. Encore une fois, un grand nombre de ces médecins ne comprennent pas le service militaire.

Je présume qu'un autre problème, c'est que les ministères exigent des renseignements exhaustifs, et certains médecins trouvent cela difficile. Il arrive que certains fournisseurs de soins ne souhaitent pas vraiment servir les clients d'Anciens Combattants Canada, car les formulaires sont trop complexes à remplir et il est difficile de poser un diagnostic approprié. C'est donc un autre problème. Nous devons nous pencher sur cette situation et peut-être informer certains omnipraticiens des effets du service militaire.

Manifestement, si Anciens Combattants Canada fournissait des formulaires plus faciles à remplir, ce serait une bonne chose, et le ministère y travaille en ce moment. Il reste toutefois que ce problème doit être réglé.

La sénatrice Wallin : J'ai une autre question, mais je peux attendre.

Le sénateur Runciman : Il se peut que ma question ait déjà été approfondie, car je ne suis pas membre en titre du comité, mais vous avez parlé de lois en vigueur dans d'autres États qui permettent de présumer les effets sur les gens. Je sais que le gouvernement de l'Ontario — et je n'ai pas étudié les détails — a adopté cette semaine une loi visant les premiers intervenants en cas de TSPT, et je ne sais pas si cela concerne simplement la détection précoce et l'accès au traitement. Avez-vous eu l'occasion de l'examiner? Il serait utile d'examiner cette loi ou celles en vigueur dans d'autres provinces ou territoires du Canada pour déterminer comment on aborde la question dans ces endroits et dans quelle mesure cela correspond à la situation des anciens combattants. Avez-vous des commentaires à cet égard?

M. Parent : Cette loi nous intéresse beaucoup, car comme vous le dites, elle établit un parallèle avec l'approche américaine selon laquelle on présume que le service militaire a des effets sur les gens.

Encore une fois, je crois que ces nouvelles approches permettront probablement aux arbitres d'élargir leur interprétation pour affirmer qu'on admet maintenant que ce type de service a des effets sur les gens et pour changer la culture liée à cette situation, mais ce qui nous intéresse vraiment, c'est la portée de cette loi. Cette approche liée au jugement présumé évoluera-t-elle ensuite vers l'accès à des soins spéciaux, et cetera?

Le sénateur Runciman : Dans les documents que j'ai lus, en ce qui concerne le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) et les recommandations, j'ai remarqué que vous avez indiqué que votre priorité sera d'examiner la façon dont on effectue les paiements rétroactivement à partir de la date de présentation de la demande.

J'aimerais connaître l'état des relations entre le TACRA et votre bureau et ce que vous a répondu le tribunal au sujet de l'échec de la mise en œuvre de cette recommandation. Comment réagissez-vous dans des situations comme celles-là? Quelle est l'approche habituellement adoptée?

M. Parent : Nos relations avec le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) sont très bonnes. Je dirais qu'elles étaient un peu tendues la première fois que nous avons présenté le rapport, car nous n'avons aucune compétence sur ce tribunal, sauf dans le cadre de ce processus. Il s'ensuit que s'il y a un problème avec la justice administrative, nous pouvons accepter des plaintes formulées contre le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), mais nous ne pouvons pas remettre en question sa décision. Il y a quelques années, les choses ont été un peu tendues pendant un certain temps lorsque nous avons présenté le rapport, mais les membres du tribunal étaient reconnaissants de ce rapport fondé sur des preuves, car souvent, les médias assoiffés de sensationnalisme négligent de présenter les preuves. Nous avons été en mesure de rédiger un rapport fondé sur des preuves pour présenter les faits. Ensuite, nous avons rédigé un rapport de suivi et nous avons conclu que la plupart des recommandations avaient été mises en œuvre.

La recommandation concernant la rétroactivité a en quelque sorte été mal comprise, même par le bureau du ministre de l'époque. Notre objectif était de faire en sorte que lorsqu'une personne faisait une demande de prestations dans le cadre de l'ancienne Loi sur les pensions, elle obtenait le remboursement des traitements médicaux qu'elle avait reçus entre le moment de sa demande de prestations et le moment de la décision ou de la réception des prestations. En vertu de la Nouvelle Charte des anciens combattants, étant donné que la date de décision est la date d'entrée en vigueur, les prestations n'étaient pas mentionnées, et il n'y avait donc aucun remboursement. C'était donc notre recommandation. Nous collaborons actuellement avec le bureau du ministre et le ministère pour corriger la situation.

Le sénateur Runciman : Cela touche-t-il les lois ou s'agit-il seulement d'un rajustement de la politique?

M. Parent : Non, il s'agit de la réglementation.

D'une certaine façon, on a utilisé cette date comme date d'entrée en vigueur au cas où le processus durerait un an, car étant donné qu'il s'agit d'une prestation indexée, l'indemnité forfaitaire augmente. Il aurait donc été injuste pour eux de fonctionner de façon rétroactive.

L'interprétation selon laquelle les sommes versées devaient l'être rétroactivement était erronée : ce sont les traitements reçus pendant le traitement de la demande qui devaient faire l'objet d'un examen rétroactif.

Le sénateur Runciman : Je crois que vous avez dit qu'il y avait 700 000 anciens combattants au Canada.

M. Parent : Oui, 700 000.

Le sénateur Runciman : Vous avez également mentionné les discussions ouvertes. Avec combien d'anciens combattants, parmi les 700 000 recensés, réussissez-vous à communiquer? Vous parlez de discussions ouvertes. Je présume que vous visitez les légions. Je ne me souviens pas de votre visite dans ma région, Leeds Grenville, mais il se peut que vous l'ayez visitée. À combien s'élève votre budget de déplacement? À quelle fréquence faites-vous ce type de visite pour informer les anciens combattants et les collectivités en général de votre présence et des types de services que vous offrez?

M. Parent : Nous avons un plan annuel pour les activités de sensibilisation, et je crois qu'au cours des cinq dernières années, nous avons couvert la plus grande partie du Canada. Nous concentrons manifestement nos efforts dans les endroits où il y a le plus grand nombre d'anciens combattants. Nous irons à Kingston et à Trenton au cours des prochaines semaines, mais encore une fois, nous planifions pour toute l'année en tenant compte des événements qui se produiront cette année-là. Dans le cadre de ces activités, nous organisons un forum public. Nous organisons également une réunion avec les maires de la région pour les sensibiliser au bien-être des anciens combattants. Nous visitons aussi les détachements locaux de la GRC et les établissements de soins de longue durée de la région et souvent, si c'est possible, nous rencontrons les représentants du bureau d'Anciens Combattants Canada de la région — s'il y en a un — et nous leur parlons des enjeux que nous avons cernés.

En moyenne, nous rencontrons de 300 à 400 anciens combattants par année dans le cadre de cette initiative. Évidemment, nous avons établi des liens avec les principaux organismes d'anciens combattants et notre bureau reçoit en moyenne 6 000 appels par année. Nous communiquons donc avec un grand nombre d'anciens combattants pendant l'année.

J'ai dit qu'il y avait 700 000 anciens combattants et 100 000 membres actifs. Toutefois, environ 200 000 personnes reçoivent en ce moment des services d'Anciens Combattants Canada ou des prestations.

Mme Squire : Nous utilisons grandement les médias sociaux pour créer des liens avec les jeunes anciens combattants et d'autres personnes. Nos comptes Facebook et Twitter sont très actifs et nous possédons également un compte YouTube.

Le sénateur Runciman : Lorsque vous parlez des jeunes anciens combattants, je pense surtout à l'Afghanistan. Je ne sais pas si vous avez reçu des commentaires sur ce sujet, mais je suis membre d'une légion à Brockville et partout au Canada, on entend dire que les jeunes anciens combattants ne se joignent pas aux légions. Je ne suis pas au courant de la situation, car je n'ai pas parlé aux jeunes anciens combattants; je parle surtout aux anciens combattants plus âgés qui fréquentent la légion. Votre expérience vous a-t-elle permis d'expliquer pourquoi cela se produit? Pendant de nombreuses décennies, les légions ont appuyé la cause des anciens combattants et l'existence d'un grand nombre d'entre elles est maintenant menacée.

M. Parent : Je vous remercie d'avoir formulé ce commentaire très pertinent et d'avoir posé une très bonne question.

En fait, je pense que c'est attribuable à l'évolution des besoins. Ceux des anciens combattants d'aujourd'hui sont bien différents de ceux des anciens combattants plus âgés ayant servi pendant la Seconde Guerre mondiale et la guerre de Corée.

Je peux vous dire qu'à mes débuts dans ce domaine, lorsque nous visitions les légions, nous constations une dissension entre les deux générations — le fossé était manifeste. La situation a changé récemment, grâce aux efforts de sensibilisation déployés au cours de la dernière année. Lors d'une assemblée publique à laquelle nous assistions, un ancien combattant plus âgé s'est levé, puis a dit ceci : « Je tiens à présenter des excuses pour notre comportement, car nous ne savions pas que vous aviez eu autant de difficultés que nous. Il était plus facile pour nous d'être devant la ligne de front d'un ennemi identifiable. Nous comprenons ce que vous avez vécu, et nous en sommes conscients. » C'était un début de réconciliation.

J'ai souvent dit à la direction des légions que les filiales devraient ressembler à un centre de ressources pour les familles sur la base. J'ignore si les membres du comité ont eu l'occasion de visiter un de ces centres, mais on y retrouve tout ce qu'il faut pour répondre aux besoins des familles et des anciens combattants, y compris des forces armées. C'est une question d'évolution. Il est bien entendu frustrant pour de nombreux jeunes anciens combattants de constater qu'un grand nombre de membres de la légion n'ont jamais servi. À leurs yeux, il ne s'agit pas d'un groupe de pairs. Il y a des gens qui s'intéressent à l'armée sans nécessairement y avoir servi.

La sénatrice Wallin : J'aimerais simplement dire un mot sur la légion. Je suis membre de la légion locale de ma petite ville en tant qu'agent d'entraide. Lorsque nous assistons aux séances d'information sur le sujet, on nous dit en fait d'envoyer les dossiers des anciens combattants à l'administration centrale. C'est difficile, surtout dans une petite ville.

J'aimerais revenir sur une chose que vous avez dite : il n'y a aucun point de référence de niveau acceptable d'indemnisation financière ou de remplacement du revenu. Je sais que l'aide varie en fonction de l'invalidité, de la blessure et du reste, mais n'y a-t-il aucun point de repère dans le système, même en ce qui a trait au salaire de base d'un membre des forces armées? Nous arrivons à déterminer la somme dont les réfugiés syriens ont besoin pour une journée ou une semaine. Nous avons des prestations d'aide sociale qui varient d'une région à l'autre du pays. N'y a-t-il aucun point de référence?

M. Parent : Certains programmes prévoient un cadre de référence — comme la rémunération de base dans le cas de l'allocation pour perte de revenus. Le fait que nous avons atteint la parité avec les réservistes pour ce qui est de la rémunération de base constitue un gain important pour notre bureau et pour le comité de la Chambre des communes.

Le résultat du programme est atteint, mais pas le résultat général du bien-être des anciens combattants et de leur famille. L'indemnité forfaitaire est actuellement le meilleur exemple. Nous avons recommandé qu'elle demeure au moins au niveau généralement établi par les tribunaux civils. Nous sommes en train de revoir l'indemnisation pour la douleur et la souffrance de manière à complémenter l'examen de la Nouvelle Charte des anciens combattants que nous avions réalisé.

Dans ce cas, rien ne dit que le montant de l'indemnisation doit être comparable à celui que la population civile touche. Ce n'est mentionné nulle part. Une somme de 286 000 $ a été déterminée quelque peu arbitrairement au départ, mais aucun résultat n'a été visé quant aux répercussions générales sur l'ancien combattant et sa famille. Voilà ce que nous cherchons à faire. Nous devrions élaborer les mesures législatives à partir des résultats escomptés. Pour l'instant, il semble que nous avons une somme donnée, que nous la répartissons en fonction des mesures législatives, puis que nous essayons d'en superposer les bienfaits. Or, nous devrions travailler dans l'autre sens en fonction des résultats.

La sénatrice Wallin : Des progrès sont-ils réalisés à ce chapitre?

M. Parent : En effet, le sous-ministre souscrit à cette philosophie, au moins. Mais la culture doit évoluer, et je pense que c'est déjà commencé.

La sénatrice Wallin : Je sais que mes questions sont difficiles, mais disons que vous pouviez agiter votre baguette magique et réaliser une chose demain matin. Je sais que vous avez une liste d'une centaine de souhaits, mais qu'est-ce qui aurait le plus d'incidence, si une modification était apportée à Anciens Combattants Canada, au ministère ou à quoi que ce soit? Quelle est la chose qui aiderait vraiment?

M. Parent : Je voudrais d'abord qu'il y ait un examen et une augmentation de l'indemnité pour les personnes les plus grièvement blessées. À l'heure actuelle, l'allocation pour déficience permanente pose problème. Au fil des ans, bien des organisations, y compris le Comité permanent des anciens combattants, ont relevé des problèmes d'accessibilité pour ceux qui sont les plus grièvement blessés. Il y a également des problèmes d'évaluation quant au niveau d'aide convenable. Chose certaine, il faut s'y attaquer dès que possible.

En deuxième lieu, je dirais qu'il faut résoudre les problèmes relatifs à la transition pour que tout le reste soit simple à l'avenir.

La sénatrice Wallin : Qu'entendez-vous par là?

M. Parent : Pour une transition harmonieuse entre la vie militaire et la vie civile, il faut une bonne communication, une bonne réadaptation et des normes minimales de bien-être, comme un toit au-dessus de la tête, de la nourriture sur la table, une sécurité financière à vie et une vie bien remplie. Si ces objectifs sont atteints pendant la transition, bien d'autres problèmes seront éliminés.

Nous réalisons bien sûr un examen conjoint, et je tiens à remercier l'ombudsman militaire Gary Walbourne d'avoir commencé à répondre à ces préoccupations.

La sénatrice Wallin : L'effort doit venir des deux côtés.

M. Parent : Oui. Nos conclusions préliminaires démontrent que le ministère de la Défense nationale, ou MDN, doit établir le dialogue, puis qu'ACC doit y participer. Au fond, gouvernance et communication sont nécessaires.

La sénatrice Wallin : Vous vous intéressez au sujet depuis longtemps. Pensez-vous que la grande question de la transition progresse véritablement?

M. Parent : Nous avançons. En fait, certaines de nos conclusions à ce jour ont été communiquées à Vétérans 2020, le projet d'ACC visant à faciliter l'avenir et la transition. Des synergies se dégagent. Les gens travaillent parallèlement, et nous leur transmettons tout ce que nous trouvons et qui peut leur être utile.

Au moins, ce volet de la transition n'est pas réalisé en vase clos. Nous cherchons à atteindre un but et un objectif commun.

[Français]

Le vice-président : Monsieur Parent, vous avez mentionné la transition et le retour à la vie civile. J'ai été policier pendant 39 ans, et le jour que l'on redoute le plus lorsqu'on est policier, c'est le jour de la retraite, où l'on doit remettre son uniforme et sa plaquette d'identité. À titre d'information, la plaquette d'identité est très importante pour les policiers. C'est donc souvent un choc pour la plupart d'entre eux; je l'ai vécu moi-même, et nous avons alors l'impression de nous retrouver seuls face à la vie civile.

Un mécanisme de transition a-t-il été prévu quant à la recherche d'emplois? C'est bien d'avoir un toit, des sous et de la nourriture, mais si la personne se retrouve chez elle et qu'elle ne travaille pas — l'oisiveté est la mère de tous les vices —, c'est difficile.

Vous me corrigerez si je me trompe, mais je crois que le Corps des commissionnaires embauche des anciens combattants. J'ai entendu une publicité qui invitait les gens — spécifiquement les policiers de la GRC et les militaires — à postuler au Corps des commissionnaires. Un accompagnement est-il prévu? Leur offre-t-on un emploi?

Bon nombre de mes anciens collègues à la retraite ont de l'argent, de la nourriture et un logement, mais ils ne travaillent pas, et je peux vous affirmer qu'après un an, c'est terrible, même pour la famille.

M. Parent : Il existe plusieurs opportunités en ce moment. Vous mentionniez le Corps des commissionnaires, mais il y a aussi la nouvelle loi qui prévoit le transfert ou l'accès à la fonction publique fédérale pour les membres de la GRC et les militaires blessés. Donc, c'est un autre aspect. Il y a plusieurs compagnies civiles aussi. Il y a le programme Du régiment aux bâtiments qui offre des emplois. De plus, un travail important est fait pour tenter de transférer les expertises et les connaissances militaires au domaine civil, afin que les gens comprennent bien de quoi sont capables ces militaires et ces policiers à la retraite.

Ce qui manque définitivement dans cette approche, c'est qu'il n'y a pas de point de coordination. Les gens offrent beaucoup d'opportunités, mais il n'y a aucune organisation désignée pour les informer ou pour coordonner leurs efforts. C'est l'un des aspects de la transition que nous examinons dans le cadre de notre révision du processus. Il s'agit de tierces parties, donc il faut essayer de cerner les autres agences qui offrent des emplois ou des opportunités financières, et faire des recommandations, avoir un point de contrôle qui permettrait à nos anciens combattants blessés, policiers ou militaires, d'avoir au moins une compréhension de ce qui leur est offert.

Le vice-président : Merci beaucoup, monsieur Parent. Voulez-vous ajouter quelque chose, madame Squire?

Mme Squire : Non.

Le vice-président : S'il n'y a pas d'autres questions, je remercie nos invités et je déclare la séance levée.

(La séance est levée.)


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