Aller au contenu
VEAC

Sous-comité des anciens combattants

 

Délibérations du Sous-comité des
Anciens combattants

Fascicule no 3 - Témoignages du 23 mars 2016


OTTAWA, le mercredi 23 mars 2016

Le Sous-comité des anciens combattants du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui, à 12 h 3, pour étudier les services et les prestations dispensés aux membres des Forces canadiennes; aux anciens combattants; aux membres et anciens membres de la Gendarmerie royale du Canada et à leur famille.

Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je déclare ouverte la séance du Sous-comité des anciens combattants du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense.

Avant de présenter nos témoins d'aujourd'hui, chers collègues, j'ai une mauvaise nouvelle à annoncer au sous- comité, et il s'agit du décès prématuré de Jim Hillyer, député de Medicine Hat-Cardston-Warner. Il est décédé ce matin, dans son bureau. Par respect pour lui et sa famille, je vous invite à vous lever pour observer un moment de silence.

Les honorables sénateurs observent une minute de silence.

Il est particulièrement poignant de savoir qu'il est mort au service de son pays, et c'est justement le domaine d'intérêt du Sous-comité des anciens combattants. Dans le cadre de nos travaux, il est souvent question de Canadiens qui ont perdu la vie ou qui se sont blessés en servant leur pays.

Cela m'amène à vous présenter nos témoins d'aujourd'hui.

[Français]

Nous poursuivons notre étude sur les services et les prestations dispensés aux membres des Forces canadiennes, aux anciens combattants, aux membres et anciens membres de la Gendarmerie royale du Canada et à leurs familles.

[Traduction]

Le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) est une des organisations qui servent ces groupes par l'entremise d'un processus de révision et d'appel concernant les décisions rendues par Anciens Combattants Canada en matière de prestations d'invalidité. Je suis très heureux d'accueillir deux représentants du tribunal : le président par intérim, M. Thomas Jarmyn, et la directrice générale, Mme Dale Sharkey.

Merci à tous les deux d'être des nôtres aujourd'hui. Nous avons hâte d'en savoir plus sur vos activités et sur l'évolution du tribunal qui, sauf erreur, a été créé en 1995-1996 — aux alentours de cette période — à la suite de la fusion de deux autres tribunaux qui existaient auparavant. Vos exposés et vos réponses à nos questions nous aideront beaucoup dans le cadre de nos réflexions sur les services et les prestations mis à la disposition des anciens combattants et de leurs proches.

Monsieur Jarmyn, vous avez une déclaration préliminaire à faire, après quoi nous passerons à Mme Sharkey. Vous avez la parole, monsieur.

Thomas Jarmyn, président par intérim, Tribunal des anciens combattants (révision et appel) : Merci, monsieur le président, honorables sénateurs. Je vous remercie de tenir ces audiences durant cette période certes difficile.

[Français]

Monsieur le président, honorables sénateurs, je vous remercie de m'avoir invité aujourd'hui pour vous parler du Tribunal des anciens combattants (révision et appel) et de la façon dont nous servons les vétérans canadiens. Je suis accompagné de Mme Dale Sharkey, directrice générale du tribunal.

[Traduction]

J'aimerais vous dire quelques mots à mon sujet : je suis un ancien combattant et j'ai plus de 18 ans de service comme officier de marine dans la Force régulière et dans la Force de réserve. Je suis également avocat avec un cumul de plus de 20 ans d'expérience. Je possède également des diplômes d'études supérieures en droit administratif et éthique.

Je suis très fier de mon rôle actuel, qui consiste à diriger le tribunal de manière à assurer l'équité du système des prestations d'invalidité pour les anciens combattants et leur famille. Le tribunal offre aux anciens combattants, aux membres des Forces armées canadiennes et de la GRC ainsi qu'à leurs proches un programme d'appel indépendant pour les décisions rendues par Anciens Combattants Canada concernant les prestations d'invalidité. Le tribunal a pour mission de veiller à ce que les anciens combattants obtiennent les prestations auxquelles ils ont droit en vertu de la loi grâce à la tenue d'audiences respectueuses en temps opportun, de même qu'à des décisions justes et rédigées dans un langage clair.

J'aimerais commencer en vous expliquant comment fonctionne notre processus. Si un ancien combattant est insatisfait d'une décision ministérielle sur des prestations d'invalidité, il peut présenter une demande de recours au tribunal. L'année dernière, parmi les quelque 30 000 anciens combattants qui se sont adressés au ministère pour une demande d'aide ou de prestations, environ 10 p. 100 ont fini par recourir au tribunal pour obtenir une décision. Ce sont souvent les cas les plus complexes et les plus difficiles, puisque le ministère n'a pas pu accorder de prestations à la première étape.

Lorsqu'un ancien combattant se présente devant le tribunal, deux niveaux de recours s'offrent à lui : d'abord, la révision et ensuite, l'appel. Des audiences de révision sont tenues dans différents endroits du pays par des comités composés de deux membres du tribunal. À ma connaissance, il s'agit du seul tribunal au Canada qui compte un nombre pair de membres. C'est parce que, pour avoir gain de cause, l'ancien combattant n'a qu'à convaincre un des deux membres du bien-fondé de sa demande, ce qui est conforme aux dispositions de la loi relatives au bénéfice du doute.

Pendant ces audiences, les anciens combattants peuvent apporter de nouveaux éléments de preuve et présenter leur témoignage de vive voix. Leur dossier peut être présenté par un avocat du Bureau de services juridiques des pensions ou par des officiers d'entraide de la Légion royale canadienne. Ces audiences ne sont pas accusatoires. Autrement dit, personne ne conteste les allégations de l'ancien combattant et personne ne s'oppose à lui lors de son audience.

L'audience de révision est un moment de grande importance pour les anciens combattants. Il s'agit de la seule et unique occasion qu'ils ont de comparaître devant des décideurs pour raconter leur histoire en personne. Leur témoignage est souvent important, car cela peut les aider à établir le lien requis entre leur invalidité et leur service.

Les anciens combattants insatisfaits de la décision découlant de la révision de leur cas peuvent demander la tenue d'une audience d'appel. Les appels sont entendus par des comités composés de trois membres du tribunal qui n'étaient pas présents à l'audience de révision. Bien que la loi ne permette pas la présentation de témoignages oraux à cette instance, l'audience d'appel offre une nouvelle possibilité pour l'ancien combattant de soumettre, par l'intermédiaire de son représentant, de nouveaux renseignements et arguments à l'appui de son dossier.

L'année dernière, le tribunal a rendu plus de 2 700 décisions de révision et plus de 1 000 décisions d'appel. Ainsi, le tribunal a accordé de nouvelles prestations d'invalidité ou des prestations plus élevées à presque 1 800 anciens combattants.

Permettez-moi de prendre un instant pour vous parler des membres du tribunal. Ce sont les personnes qui tiennent les audiences, qui tranchent les cas et qui rédigent les décisions. En tant que décideurs indépendants, les membres du tribunal ne sont pas liés par des décisions antérieures prises par le ministère. Ils abordent chaque cas avec un regard neuf. Lorsqu'ils entendent une affaire, les membres du tribunal tiennent compte de la décision du ministère, des dossiers de service, des dossiers médicaux, de l'information médicale fournie par l'ancien combattant, du témoignage de l'ancien combattant et des arguments de son représentant pour déterminer si des prestations peuvent être accordées.

À titre de président par intérim, je communique régulièrement avec les dirigeants militaires pour leur rappeler qu'ils doivent encourager les militaires en service à signaler leurs blessures, à se faire soigner et à consigner tout problème récurrent. Je ne saurais trop insister devant votre comité sur l'importance pour les membres des Forces canadiennes et de la GRC de consigner les événements qui surviennent pendant leur service afin qu'ils puissent reconstituer les faits plus tard en vue d'appuyer leur demande de prestations.

[Français]

On me demande souvent qui sont les membres du tribunal et comment ils ont été choisis. Ce sont des Canadiens motivés et dévoués qui ont été retenus pour une nomination dans le cadre d'un processus de sélection fondé sur le mérite.

À l'heure actuelle, 13 des 20 membres du tribunal ont été soit militaires, soit membres de la GRC, soit policiers, ou ils possèdent une expérience dans le domaine des soins de santé. Selon les anciens combattants et les intervenants, tous les membres du tribunal ont le devoir de bien comprendre le travail et la culture militaire de la GRC, et nous sommes entièrement d'accord avec cette affirmation.

[Traduction]

Tous les membres reçoivent une formation donnée par du personnel encore en service. Ils effectuent également des visites pratiques aux bases des Forces canadiennes où ils découvrent les problèmes d'ordre physique et mental inhérents aux différents métiers. Les membres reçoivent aussi une formation continue sur les affections communes et nouvelles associées aux invalidités des anciens combattants.

J'aimerais maintenant aborder les efforts que nous faisons pour mieux servir les anciens combattants. Au cours des dernières années, le tribunal a fait de grands progrès pour améliorer le programme d'appel. Tout d'abord, nous nous sommes donné comme priorité d'améliorer la rédaction de nos décisions. Nous avons déployé beaucoup d'efforts pour former les membres afin de nous assurer que les décisions sont rédigées dans un langage simple et que les motifs sont clairement expliqués. Ces efforts ont porté leurs fruits. Lors des séances de rétroaction informelles coordonnées par la Légion royale canadienne, les membres en service et les anciens combattants ont indiqué que nos décisions sont désormais plus claires et plus faciles à comprendre. Nos décisions sont le plus important outil de communication que nous avons, et leur amélioration continuera d'être notre priorité.

Nous avons également amélioré l'accès à nos décisions en publiant tous les appels et beaucoup de révisions sur le site web de l'Institut canadien d'information juridique, soit CanLII.org, une ressource juridique en ligne bien connue. En date de ce matin, le site contient presque 1 850 décisions accessibles dans leur intégralité. Cela accroît la transparence de notre processus décisionnel. La publication des décisions permet aux anciens combattants de comprendre comment le tribunal applique la loi dans des cas semblables aux leurs, et montre aux Canadiens que le tribunal s'acquitte de ses obligations. J'invite tout le monde — vous, les anciens combattants et les gens qui s'intéressent à nos travaux — à visiter le site web de CanLII et à lire certaines de nos décisions.

En plus de veiller à l'équité des audiences et à la rédaction de décisions claires, le tribunal est soucieux de son obligation légale de fournir des services en temps opportun ou, comme le prévoit la loi, de traiter les demandes aussi rapidement que les circonstances et les considérations d'équité le permettent. Nous avons démontré notre engagement à l'égard de la rapidité du processus en établissant des normes de service pour la partie du processus que nous pouvons contrôler et en respectant ces normes dans la grande majorité des cas. Nous reconnaissons qu'il y a toujours matière à amélioration et nous poursuivons nos efforts en vue de réduire les délais de traitement au moyen de nouvelles pratiques de planification plus souples et d'une surveillance étroite de notre travail.

[Français]

En ce qui concerne l'amélioration de nos services, nous accordons une grande importance à ceux et à celles que nous servons. Le tribunal a mené un sondage sur les départs continus afin d'obtenir des commentaires de la part d'anciens combattants qui ont participé à une audience de révision. Ce sondage a confirmé que la vaste majorité des anciens combattants ont vécu une expérience positive dans le cadre de leur audience de révision.

[Traduction]

Fait notable, 95 p. 100 des anciens combattants ont déclaré que les membres du tribunal les avaient traités avec respect au cours du processus d'audience. En outre, 93 p. 100 ont indiqué que les membres du tribunal avaient écouté ce qu'ils avaient à dire et 91 p. 100 que les membres du tribunal s'étaient efforcés de les mettre à l'aise. Le sondage de départ constitue aussi une occasion pour les anciens combattants de nous donner une rétroaction sincère et descriptive que nous utilisons pour améliorer le processus d'audience.

Nous cherchons également à améliorer nos activités grâce à la modernisation. Nous nous efforçons d'établir un processus d'audience sans papier et de donner à nos membres les outils, la technologie et la formation dont ils ont besoin pour mener à bien le processus et produire des décisions plus rapidement. Toutes ces mesures appuient l'objectif de rendre, en temps opportun, des décisions équitables et mûrement réfléchies pour les anciens combattants.

Enfin, nous continuons de nous concentrer sur le langage clair dans nos communications et d'accroître notre prise de contact avec les Forces armées canadiennes et la GRC, les organismes d'anciens combattants et d'autres groupes voués au soutien des anciens combattants et de leur famille. Au bout du compte, nous voulons que les anciens combattants soient au courant de leurs droits. Nous voulons qu'ils manifestent s'ils sont satisfaits, qu'ils nous parlent de leur situation, qu'ils sachent que nous tenons compte de leurs idées et qu'ils aient confiance dans nos décisions. Mais surtout, nous voulons qu'ils reçoivent toutes les prestations auxquelles ils ont droit en vertu de la loi.

[Français]

Sur ce, monsieur le président, je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de vous parler aujourd'hui de notre important travail auprès des anciens combattants du Canada. C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.

[Traduction]

Merci beaucoup.

Le président : Merci infiniment, monsieur Jarmyn. Vos observations nous sont très précieuses, et je suis sûr qu'elles susciteront des questions. Mais d'abord, nous allons entendre Mme Sharkey.

Dale Sharkey, directrice générale, Tribunal des anciens combattants (révision et appel) : Je n'ai pas de déclaration à faire. Je suis ici pour seconder M. Jarmyn durant la période des questions.

Le président : Vous êtes satisfaite de ses observations?

Mme Sharkey : Oui. Je l'ai aidé à les préparer.

Le président : Excellent. Vous êtes bien serviable.

[Français]

Je vais commencer par un sénateur du Québec, le sénateur Dagenais, qui est le vice-président du sous-comité.

Le sénateur Dagenais : Je remercie nos invités de leur exposé. J'ai pris connaissance de vos travaux, et j'ai noté que près de 50 p. 100 des demandes de révision ou d'appel sont susceptibles d'être rejetées, ce qui est élevé.

La médecine en matière de stress est une science plutôt imprécise. Qu'est-ce qui motive le tribunal à rejeter des demandes de révision ou d'appel? Quelle est la principale raison qui incite à une révision?

[Traduction]

M. Jarmyn : En général, le décideur au niveau du ministère explique, de façon assez claire, les exigences et les lacunes dans la décision qui est rendue. L'ancien combattant présente ensuite son dossier à notre tribunal à l'étape de la révision. La loi établit les exigences que l'ancien combattant doit remplir, et ces dispositions ont été interprétées par la Cour fédérale du Canada.

Il y a souvent une vaste gamme de circonstances. Dans certains cas, l'ancien combattant n'est pas en mesure d'établir le lien entre l'état de santé allégué et le service. Dans d'autres cas, il y a des questions liées au diagnostic présenté dans la demande. Mais je dirais que, dans la grande majorité des cas, l'ancien combattant n'a pas pu établir le lien entre son état de santé allégué et son service militaire ou son service dans les forces de police.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Les décisions sont-elles suffisamment étoffées afin que les anciens combattants puissent bien comprendre le motif que vous venez d'évoquer?

[Traduction]

M. Jarmyn : Au cours des dernières années et, en fait, dans le cadre de nos séances de formation — nous venons d'en dispenser une la semaine dernière —, nous avons passé beaucoup de temps à rappeler aux membres l'importance d'expliquer très clairement la teneur et les motifs de leurs décisions. Vous pouvez lire nos décisions sur CanLII.org. Je crois que maintenant, nos décisions exposent clairement, dans un langage accessible aux anciens combattants, les raisons pour lesquelles nous avons accepté ou refusé une demande. C'est important non seulement pour l'ancien combattant concerné, mais aussi pour les gens qui pourraient se trouver dans une situation semblable.

Si j'envisage de présenter une demande pour un problème au genou, je veux être en mesure de consulter d'autres décisions portant sur le même sujet pour savoir ce que je dois prouver et établir avant de me présenter devant le tribunal ou, même, avant de m'adresser au ministère. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous mettons également l'accent sur le processus de publication.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Y a-t-il des médecins qui font partie du tribunal? Si oui, disposez-vous d'un guide de référence pour prendre vos décisions?

[Traduction]

M. Jarmyn : Nous comptons deux professionnelles de la santé, qui sont toutes deux infirmières : une infirmière en santé du travail et une infirmière psychiatrique. Nous utilisons des documents médicaux généralement reconnus. Il s'agit de documents normalisés, comme le manuel Merck et les documents de la Clinique Mayo. À cela s'ajoutent nos propres ressources normalisées concernant des problèmes médicaux particuliers, comme la perte auditive ou l'arthrose. Les membres du tribunal et les employés du ministère utilisent couramment ces ressources, qui sont également disponibles en ligne; ainsi, on peut les consulter avant de se présenter à une audience. Il y a donc un large éventail de ressources dont les membres du tribunal se servent avant de prendre des décisions.

Le président : Sur ce point, monsieur Jarmyn, à titre de précision, est-ce bien Anciens Combattants Canada qui détermine quels troubles médicaux peuvent ou ne peuvent pas être couverts? Appartient-il au tribunal et à ses membres d'établir des liens de cause à effet entre des activités particulières et des affections?

M. Jarmyn : D'habitude, l'ancien combattant s'adresse d'abord à Anciens Combattants Canada. Le ministère examine les faits et la demande de l'ancien combattant pour ensuite essayer d'établir un diagnostic qui correspond le plus au problème de santé dont souffre l'ancien combattant. Enfin, le ministère tente de répondre à la question suivante : l'affection est-elle liée au service?

Si l'ancien combattant n'obtient pas gain de cause devant le ministère et qu'il souhaite interjeter appel, son dossier au complet est renvoyé au Tribunal des anciens combattants (révision et appel) pour répondre à nouveau à cette question en s'appuyant, on l'espère, sur de nouveaux éléments de preuve, qu'il s'agisse de témoignages ou de preuves médicales, selon les lacunes que le ministère a cernées dans la demande initiale. Nous prenons comme point de départ l'examen initial du ministère.

Le président : Permettez-moi de préciser un peu ma question afin que ce soit clair pour tout le monde. Prenons le cas de l'exposition à l'agent Orange sur la base de Gagetown — c'est lié au service. Un soldat y a été exposé durant son séjour à la base. La question porte sur le problème de santé dont souffre cet ancien combattant. L'affection aurait-elle pu être causée par l'agent Orange? Y a-t-il un lien? Aux États-Unis, l'autorité médicale et le département des Anciens Combattants affirment que oui. Au Canada, nous disons que non. Qui prend la décision?

C'est le genre de détail que j'aimerais obtenir. Je voudrais que vous nous indiquiez qui établit cette relation.

M. Jarmyn : La première démarche que l'ancien combattant entreprend, c'est de présenter la demande en disant « J'ai été exposé à l'agent Orange et cela a entraîné le problème médical suivant. »

Même aux États-Unis, c'est ainsi que l'on procède. Il ne suffit pas d'avoir été exposé à l'agent Orange et de présenter une demande. Il faut montrer que l'exposition à l'agent Orange est à l'origine du problème médical.

Prenons un des problèmes les plus courants apparemment causés par l'agent Orange : le cancer de la prostate. Les anciens combattants s'adresseraient au ministère en indiquant qu'ils ont été exposés à l'agent Orange et que cela a causé le cancer de la prostate. Nous avons accepté, en nous appuyant sur divers journaux médicaux et d'autres parutions, que cette relation est bien établie.

Le ministère doit alors se demander si l'ancien combattant a été exposé à l'agent Orange. C'est souvent le point au sujet duquel on s'interroge, et c'est souvent le tribunal qui doit trancher. Il ne s'agit pas de déterminer si l'agent Orange cause le cancer de la prostate, mais d'établir si l'ancien combattant a été exposé ou non à l'agent Orange.

Le sénateur White : Je vous remercie tous les deux de témoigner

Je sais que vous gérez également le processus d'évaluation du handicap de la GRC. Avez-vous effectué des recherches pour connaître la durée du traitement d'une demande des membres de la GRC, du début jusqu'à la fin?

M. Jarmyn : Environ 8 p. 100 des demandeurs qui ont comparu devant nous l'an dernier sont des agents de la GRC.

Le sénateur White : Huit.

M. Jarmyn : Huit pour cent. Pour notre part, nous intervenons quand le Bureau de services juridiques des pensions ou l'avocat de l'ancien combattant indique qu'il est prêt à procéder à l'audience. Habituellement, le dossier d'un agent de la GRC ne diffère pas beaucoup de celui de l'ancien combattant moyen. À l'heure actuelle, il s'écoule environ 112 jours entre le moment où le dossier est prêt à être entendu et celui où la décision est rendue.

Le sénateur White : Il n'existe donc pas de différence entre le niveau de soutien offert, que l'ancien combattant soit du ministère de la Défense nationale ou de la GRC? Les anciens combattants reçoivent le même soutien?

M. Jarmyn : Oui. En fait, le Bureau de services juridiques des pensions a présenté des demandes tant pour la GRC que pour le MDN. Il a obtenu l'aide de la Légion royale canadienne pour ces deux groupes. Je dirais qu'il n'existe pas de différence perceptible dans le traitement de ces demandes.

Le sénateur White : Comme vous le savez probablement, 3 800 agents qui ne sont pas membres de la GRC ont été affectés dans 66 opérations menées à l'étranger dans le cadre des activités internationales de la GRC. Il s'agit de membres de corps de polices municipaux ou provinciaux, qui ne sont pas admissibles en vertu de la loi relative aux handicaps, même s'ils ont agi à titre d'agents de la GRC à l'étranger et qu'en fait, ils pourraient revenir de mission avec un handicap, souvent des TSO ou le SSPT.

Est-ce que certains services de police municipaux ou provinciaux ont fait des appels ou des tentatives auprès de votre ministère pour tenter d'avoir accès aux prestations que reçoivent les agents de la GRC?

M. Jarmyn : Je ne suis pas au fait des démarches initiales entreprises par ces demandeurs ou, en fait, les anciens combattants en général auprès d'Anciens Combattants Canada.

Le sénateur White : Vous vous en occupez donc plus tard.

M. Jarmyn : Oui. Nous faisons cavalier seul. Nous sommes indépendants, et les gens s'adressent à nous après avoir fait affaire avec Anciens Combattants Canada. Je pense qu'il vaudrait mieux poser cette question au ministre ou au sous-ministre.

Le sénateur Mitchell : Merci de votre exposé. Monsieur Jarmyn, vous avez indiqué, au cours de votre exposé, que les anciens combattants et les parties prenantes vous ont dit que tous les membres du tribunal devraient bien comprendre le travail et de la culture de l'armée et de la GRC. Je me demande comment vous évalueriez cette compréhension. Les membres comprennent-ils ou non ce travail et cette culture?

M. Jarmyn : Je pense que de façon générale, ils les comprennent. À l'heure actuelle, 11 des 20 membres du tribunal sont issus soit de l'armée, soit de la police. Ils possèdent un large éventail d'expériences, que ce soit à titre d'agents des services généraux, à la GRC, ou à celui de chefs de police s'étant élevés au sein de la chaîne de commandement, et ce, pour les trois services.

Après leur nomination au tribunal, les membres suivent une période de formation d'environ 10 semaines. Cette formation est adaptée à l'expérience de chacun; ainsi, ceux qui viennent du milieu militaire sont plus susceptibles de recevoir davantage de formation sur l'équité procédurale et les questions d'ordre médical, alors que ceux qui viennent du milieu médical recevront davantage de formation sur les éléments culturels et juridiques. Quant à ceux qui viennent du milieu juridique, ils recevront les deux formations.

De plus, comme les membres travaillent deux par deux, il s'établit souvent des partenariats entre un membre du milieu militaire et un membre issu d'un autre domaine. La plupart des équipes comprennent des membres venant de milieux différents. En travaillant avec ses collègues, on apprend au sujet de l'environnement et de la nature des documents qu'on peut voir.

Le sénateur Mitchell : S'il est un point qui en préoccupe plus d'un — et c'est certainement mon cas depuis un certain temps —, c'est la relation, pas nécessairement omniprésente, mais certainement non négligeable, qui existe entre la culture de la GRC et le SSPT et le harcèlement. Je me demande si vous avez une idée du nombre de demandeurs qui comparaissent devant vous en raison du SSPT ou qui affirment qu'ils ont acquis ce syndrome en raison du harcèlement, sexuel ou autre, qu'ils ont subi à la GRC.

M. Jarmyn : Non. Je ne peux vraiment pas vous donner de chiffre. Des quelque 2 700 dossiers de premier niveau, à peine 8 p. 100 environ concernent des membres de la GRC. Cela équivaut à environ 210 demandes par année, dont bien peu concernent le SSPT.

Je ne peux vous fournir de pourcentage précis à ce sujet. Ici encore, je pense que cette question s'adresse davantage à Anciens Combattants Canada, qui est, en quelque sorte, la première instance qui reçoit des demandes.

Le sénateur Mitchell : Pourquoi seulement 8 p. 100 des demandeurs viennent-ils de la GRC? Est-ce simplement une question de nombre, même si la GRC n'équivaut pas seulement à 8 p. 100 de l'armée, ou est-ce parce que la GRC ne connaît pas le service?

M. Jarmyn : Je ne peux qu'émettre des hypothèses. La taille de la GRC équivaut probablement à un tiers de celle de l'armée. Elle applique son propre régime de congés de maladie, qui diffère de celui de l'armée; cela peut avoir une incidence sur les chiffres également.

Aucune rétroaction directe ne nous permet de savoir pourquoi le nombre de demandeurs est plus bas. Une fois de plus, je pense que le ministère pourrait répondre à certaines de ces questions en fournissant plus de détails que moi.

Le sénateur Mitchell : Si vous tranchez en faveur d'un demandeur dans un dossier de harcèlement ou de problème de culture organisationnelle quelconque, pourriez-vous formuler des recommandations sur ce qui pourrait être corrigé?

M. Jarmyn : Non. Tel n'est pas notre rôle. Nous prenons simplement une décision dans des dossiers précis, et il est très rare que les membres concluent qu'il y a eu harcèlement. De façon générale, ils cherchent plutôt à déterminer si les événements sont ou non à l'origine du problème médical allégué. Ils ne tentent pas vraiment d'établir si ces événements constituent du harcèlement; ils déterminent simplement si les événements qui, aux dires du demandeur, se sont produits dans le cadre de ses fonctions au sein de l'armée ou de la GRC ont causé le problème médical allégué.

Le sénateur Lang : Bienvenue à nos invités.

J'ai remarqué que, dans votre exposé, vous avez indiqué que le tribunal a rendu une décision dans le cadre de plus de 2 700 dossiers de révision et plus de 1 000 dossiers d'appel. Si je fais un calcul rapide, cela signifie qu'il a rendu environ 10 décisions par jour pour correspondre aux chiffres que vous nous avez donnés.

Comment cela se compare-t-il avec les cinq derniers exercices? Constatons-nous une augmentation des audiences?

M. Jarmyn : Non. En fait, nous constatons une diminution du nombre d'audiences d'un exercice à l'autre. Notre charge de travail a généralement diminué pour diverses raisons. Je crois que le nombre de décisions favorables au premier palier du processus décisionnel au sein du ministère des Anciens Combattants semble avoir augmenté, ce qui explique notamment la diminution de notre charge de travail.

Le sénateur Lang : J'aimerais poursuivre dans la même veine. Le nombre d'audiences au premier palier a-t-il augmenté au cours des derniers exercices?

M. Jarmyn : Je crois que le nombre de premières demandes au ministère semble avoir légèrement augmenté, selon ce que j'en sais.

Le sénateur Lang : J'aimerais traiter d'un autre sujet; cela concerne l'indemnisation rétroactive pour les traitements médicaux. L'ombudsman des vétérans a recommandé que les vétérans qui obtiennent une décision favorable du tribunal puissent se faire indemniser rétroactivement pour les traitements médicaux dont ils ont eu besoin depuis la date de la présentation de leur demande à Anciens Combattants Canada.

Des progrès ont-ils été réalisés au sujet de cette recommandation?

M. Jarmyn : Je crois que l'ombudsman a fait un suivi à ce sujet et a apporté des précisions. Cette recommandation n'est pas vraiment du ressort du tribunal. Nous pouvons rendre une décision et fixer la date de prise d'effet, et ce que fait le ministère de cette décision est prévu dans la loi. Nous ne pouvons qu'interpréter et appliquer la loi en place. Si le ministère y donne suite, il faudra peut-être modifier la loi, mais la prestation des traitements médicaux et le moment de cette prestation ne relèvent pas du tribunal.

Le sénateur Lang : À titre de précision aux fins du compte rendu, j'aimerais avoir un exemple concret du fonctionnement. Si un ancien combattant est insatisfait de la décision rendue par le comité de révision et qu'il demande une audience d'appel, votre mandat commence-t-il à partir de cette journée-là, si vous lui donnez raison? La décision ne s'applique pas rétroactivement depuis la date à laquelle la personne a présenté sa demande en premier lieu, n'est-ce pas?

M. Jarmyn : Nous avons possiblement deux situations devant nous en vertu de la Loi sur les pensions et de la Nouvelle Charte des anciens combattants. En vertu de l'article 39 de la Loi sur les pensions, notre décision prend effet à partir de celle des dates suivantes qui est postérieure à l'autre entre la date à laquelle la demande a été présentée et une date précédant de trois ans la date de la décision. C'est ce que prévoit la loi.

Nous pouvons accorder une compensation rétroactive supplémentaire pouvant aller jusqu'à deux ans de plus, s'il y a eu des retards administratifs indépendants de la volonté du demandeur.

En vertu de la Nouvelle Charte des anciens combattants, comme nous accordons une indemnité, la date de prise d'effet est tout simplement la date de la décision, qu'il y ait ou non des avantages médicaux, ce dont nous ne tenons pas compte. Nous ne devons pas déterminer si tels traitements devraient être couverts. Nous n'avons qu'à penser à la physiothérapie ou aux médicaments, par exemple. Le tribunal n'est pas saisi de cette question. Nous devons seulement déterminer si le problème de santé est lié à son service et si l'ancien combattant est admissible à une indemnité en vertu de la Nouvelle Charte des anciens combattants.

Le sénateur Lang : C'est plus clair. J'ai une autre question, et j'aimerais faire référence à ce qu'a recommandé en 2012 le Comité permanent des anciens combattants de la Chambre des communes, à savoir qu'Anciens Combattants Canada et le tribunal devraient être plus proactifs et expliquer aux anciens combattants les exigences en matière de preuve auxquelles ils doivent satisfaire en vue d'interjeter appel de la décision du ministère concernant des prestations d'invalidité. Je peux m'imaginer une situation où un ancien combattant est insatisfait de la décision initiale, mais il ne comprend pas encore très bien les éléments de preuve qu'il doit présenter pour appuyer son appel.

Offrez-vous du soutien à une personne qui le demande pour au moins l'aider à savoir exactement les renseignements dont vous avez besoin pour examiner son dossier?

M. Jarmyn : Non. Nous ne le faisons pas, mais il y a certains aspects en ce qui concerne le processus. Je n'étais pas au tribunal en 2012, mais je constate depuis deux ans et demi que le ministère des Anciens Combattants rédige des décisions relativement détaillées en vue d'expliquer les documents qui ont été examinés pour en arriver à la décision, ce qui a été décidé et les raisons. Cela sert de guide pour la suite des choses pour les anciens combattants.

La Loi sur le ministère des Anciens Combattants permet également aux anciens combattants de recevoir des conseils juridiques de la part du Bureau de services juridiques des pensions quant à leur décision. Cet organisme a accès à l'ensemble du dossier de l'ancien combattant et peut déterminer la meilleure stratégie pour présenter le dossier au prochain palier et les éléments de preuve qu'il faut renforcer et communiquer au tribunal pour obtenir une décision qui leur est favorable.

La sénatrice Wallin : J'aimerais avoir une petite précision avant de poursuivre. Merci, si vous me le permettez.

Je n'ai vu aucune mention à ce sujet, mais je me demandais si un ancien combattant peut utiliser des outils technologiques, comme FaceTime ou Skype, pour témoigner ou s'il doit être physiquement présent devant les deux membres du tribunal.

M. Jarmyn : Les anciens combattants ont trois options en matière d'audience. Ils peuvent être physiquement présents, et c'est le cas dans la vaste majorité des dossiers, soit environ 97 p. 100 des cas. Certains témoignent par téléconférence; nous avons également des audiences où des représentants d'un ancien combattant à mobilité réduite se trouvent dans la pièce avec les membres du tribunal et nous appelons l'ancien combattant. Nos audiences se font aussi parfois par vidéoconférence. Nous n'utilisons pas Skype, mais les anciens combattants peuvent se rendre dans un bureau local d'Anciens Combattants Canada et utiliser le système habituel de vidéoconférence du gouvernement pour témoigner devant notre comité de révision.

La sénatrice Wallin : Votre exposé était très clair, et je vous en remercie. J'aimerais vous demander de prendre un peu de recul, parce que nous entendons sans cesse expliquer pourquoi, selon vous, c'est le cas et comment les gens en viennent à vous saisir de leur dossier, et le sénateur Lang a abordé certains aspects.

Nous avons entendu un très grand nombre de personnes nous dire que le système de règles, de règlements et de politiques a besoin d'une cure d'amincissement. Nous créons sans cesse de nouveaux éléments; nous continuons d'ajouter des aspects. Cela devient très complexe pour l'ancien combattant et même le système. Je crois que c'est l'ombudsman qui a dit que c'est un système d'une complexité byzantine.

Avez-vous une idée de la manière de rationaliser le système en amont de vous? Qui devrait prendre les décisions en ce qui concerne ce qui est « attribuable au service »? Est-ce le médecin général ou une autre personne? Qui s'occupe de réaliser une évaluation éclairée? Avons-nous suffisamment de gens au pays pour ce faire? Lorsque les anciens combattants sont de retour à la vie civile, comment ont-ils accès au système? Peuvent-ils encore recevoir gratuitement des conseils juridiques et tout le reste? Où se trouve le problème, même si votre charge de travail diminue? Pourquoi autant de personnes doivent-elles vous saisir de leur dossier?

M. Jarmyn : Actuellement, je dirais qu'environ 10 p. 100 des personnes demandent une révision de la première demande.

Ces questions sont complexes. Pour tous ceux qui ont donné des années de service — et le sénateur White en sait quelque chose —, les dossiers médicaux d'un ancien combattant sont volumineux. Les bilans de santé annuels sont spectaculaires en soi. Nous pouvons donc nous imaginer ce à quoi ressemblent les dossiers des personnes blessées pendant leur service. Cela ajoute à la complexité du dossier.

En ce qui a trait aux décisions initiales, il importe d'obtenir les dossiers et de les numériser de manière adéquate, et le système semble créer de mieux en mieux ces dossiers électroniques en vue de transférer très rapidement des documents d'un endroit à l'autre. Au cours plus ou moins de la dernière année, les décisions que j'ai vues indiquent certainement que les arbitres examinent relativement rapidement les dossiers. Je siège assez régulièrement à des comités de révision, et je vois des décisions rendues par le ministère au milieu de 2015 concernant des demandes qui ont été présentées en début 2015. Le demandeur a pris connaissance de la décision du ministère, a communiqué avec le Bureau de services juridiques des pensions, a obtenu des conseils juridiques concernant son dossier et a indiqué que son dossier était prêt à être inscrit au calendrier, et nous avons rendu une décision. La décision n'a pas encore été communiquée, mais nous avons entendu le cas la semaine dernière, et la décision sera communiquée probablement d'ici cinq ou six semaines.

La sénatrice Wallin : Toutefois, serait-il possible que plus de 10 p. 100 des anciens combattants dans le système vous saisissent de leur dossier s'ils n'étaient pas frustrés ou qu'ils n'avaient pas baissé les bras? Je sais que ces renseignements sont largement anecdotiques, mais je sais également que c'est difficile pour eux.

En ce qui concerne une gamme d'éléments, nous entendons que les membres des FC — et je suis persuadée que c'est également vrai pour ceux de la GRC — ont de la difficulté à avoir accès à des soins médicaux lorsqu'ils sont des membres actifs. Il va sans dire que lorsqu'ils sont blessés cela devient encore plus complexe, selon l'endroit où ils se trouvent. Nous n'avons tout simplement pas suffisamment de gens qui peuvent réaliser des évaluations adéquates, étant donné tout ce que nous savons au sujet de la complexité des problèmes de santé comme le SSPT, des problèmes à apparition tardive et de tout le reste.

J'essaie de trouver un aspect que nous pourrions corriger pour faire avancer les choses.

M. Jarmyn : Je crois qu'il est question ici de deux problèmes distincts. Premièrement, il y a la question de l'évaluation, et j'ai l'impression qu'il y a une certaine frustration à ce chapitre, particulièrement en ce qui a trait aux troubles psychiatriques.

Il arrive maintenant souvent que le ministère décide qu'une personne y a droit pour lui permettre d'entrer dans le système, ce qui signifie qu'elle reçoit une évaluation provisoire, mais le problème de santé ne s'est pas encore tout à fait stabilisé. Autrement dit, le ministère est convaincu que l'ancien combattant a un problème de santé et souhaite lui offrir des traitements, mais il n'est pas convaincu de l'ampleur du problème de santé ou il sait que le problème de santé ne s'est pas encore tout à fait stabilisé.

Le ministère permet à l'ancien combattant d'entrer dans le système et de recevoir des traitements, et il laisse ensuite le traitement suivre son cours. Nous voyons régulièrement des gens qui veulent interjeter appel des évaluations provisoires, qui ont été réalisées dans le seul but de permettre à ces personnes d'entrer dans le système et de recevoir des traitements.

Il y a une certaine frustration à ce chapitre. Je crois qu'il y a aussi des renseignements anecdotiques qui ne sont plus actuels. Comme je l'ai dit, j'ai maintenant l'impression que les dossiers avancent assez rapidement, particulièrement les dossiers relatifs aux troubles musculosquelettiques.

Le président : Jusqu'à maintenant, vous vous en sortez bien, monsieur Jarmyn. Mme Sharkey ne ressent pas du tout le besoin d'intervenir.

M. Jarmyn : C'est parce qu'elle m'a bien préparé.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Lorsqu'on est malade et qu'on a besoin de soins, les délais sont toujours longs pour la personne malade.

De plus, le comité permanent de la Chambre des communes avait recommandé, en 2012, que le tribunal tente de réduire les délais liés à la prise de décisions. Je ne sais pas si vous avez atteint l'objectif fixé par le comité de la Chambre des communes. Si, pour quelque raison que ce soit, l'objectif n'a pas été atteint, qu'est-ce qui a empêché l'atteinte de cet objectif?

[Traduction]

M. Jarmyn : Au cours du présent exercice, 87 p. 100 de nos décisions ont été rendues dans un délai de 42 jours, soit notre norme de service. C'est une amélioration par rapport à l'exercice précédent, même si nous satisfaisions déjà à notre norme de service.

Je crois que nous continuerons en ce sens. Certains dossiers sont plus complexes que d'autres, et nous avons besoin de renseignements complémentaires et d'une analyse de suivi. Nous avons des processus opérationnels en place pour nous assurer qu'aucun dossier n'est laissé pour compte, parce que nous voulons examiner le plus rapidement possible les dossiers, même s'il s'agit d'un cas complexe.

Nous mettons notamment l'accent sur l'amélioration de nos outils technologiques en vue de passer à un processus sans papier, parce que nous avons des membres qui siègent à des audiences partout au pays et des membres qui se trouvent à huit endroits différents. Si je dois envoyer par courrier des documents, je risque de perdre 4 des 42 jours, parce que c'est dans le courrier. Si je réussis la transition vers un processus sans papier d'ici le prochain exercice, comme je l'espère, je crois que nous serons en mesure d'améliorer ce 87 p. 100, mais nous satisfaisons pour l'instant à notre norme de service, et nous continuerons de le faire.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Vous vous en sortez très bien, monsieur Jarmyn. Je vous remercie de vos réponses.

[Traduction]

Le sénateur Lang : J'aurais une question complémentaire à celle de la sénatrice Wallin au sujet de votre mandat actuel en vertu de votre loi. Y a-t-il quelque chose que nous pourrions faire sur le plan législatif pour vous permettre d'accomplir plus efficacement votre travail? Dans l'affirmative, de quoi s'agit-il?

M. Jarmyn : Je crois que nous avons les outils sur le plan législatif. Notre mandat est très clairement établi dans les trois mesures législatives : la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), la Nouvelle Charte des anciens combattants et la Loi sur les pensions. Nous sommes saisis de deux questions très restreintes. Nous devons trouver le rapport qui existe avec le service et évaluer l'ampleur de l'invalidité.

Je crois que nous avons le mandat dont nous avons besoin pour répondre à ces questions. Si le Parlement choisit de nous saisir d'autres questions, ce sera sa décision, et nous examinerons la façon d'y arriver. Pour l'instant, je suis d'avis que nous avons les outils législatifs nécessaires pour répondre aux questions dont nous sommes saisis en vertu des lois.

Le sénateur White : J'ai une question qui m'est venue en fait à l'esprit en vous écoutant. Vous avez parlé de la capacité de recueillir tous les renseignements pour un ancien combattant pour que vos comités puissent faire leur travail. C'était relativement facile jusqu'à maintenant pour les militaires et les membres de la GRC, parce que leur dossier était en fait conservé par les organismes ou les ministères qui s'occupent des employés.

La GRC passe maintenant par le Régime d'assurance-santé de l'Ontario dans cette province. Bref, ce sont maintenant les autorités médicales locales qui s'occupent des membres de la GRC. Le suivi ne sera plus nécessairement le même. Je crois aussi comprendre qu'il y aura un changement qui touchera tous les membres de la GRC. Ce seront maintenant les commissions locales des accidents du travail qui s'en occuperont au lieu que ce soit la GRC elle-même.

Croyez-vous que vous aurez plus de difficulté dans l'avenir à avoir accès à tous les renseignements? J'ai servi 19 ans dans l'Arctique et je ne savais même pas que j'avais accès à Anciens Combattants Canada. Je devais me rendre dans des centres de santé pour trouver l'information dont j'avais besoin. Si je rencontrais un problème à cette étape, c'était difficile. Avec 22 000 policiers assermentés, ne croyez-vous pas que cela vous causera aussi des problèmes dans l'avenir?

M. Jarmyn : Même avant la transition vers le nouveau régime de congés de maladie pour la GRC, j'avais constaté une différence marquée dans la nature et la qualité des dossiers entre les membres de la GRC et les militaires. La GRC avait un certain système de classement centralisé, mais ce système n'était vraiment pas aussi bien que semblait l'être celui pour les militaires.

J'ai parlé l'an dernier de ces changements aux gens du Programme des relations fonctionnelles. Je leur ai expliqué qu'il était important de faire savoir aux membres de la GRC qu'ils doivent être les gardiens de leurs propres dossiers médicaux, les apporter d'un endroit à l'autre et s'assurer que leurs dossiers sont transférés d'un docteur à l'autre lorsqu'ils passent d'un endroit à l'autre.

Je crois que cela va être difficile — et je dirais, même pour les militaires —, puisqu'ils ont besoin de savoir ce qui est dans leur dossier. Je crois que les membres de la GRC vont devoir prendre résolument le contrôle de cela, et je crois que c'est un message que le Programme des RRF pourrait relayer.

Le sénateur White : En passant, le Programme des RRF n'existe plus. Ils n'ont aucun représentant pour l'instant.

M. Jarmyn : Peu importe qui prendra la relève, je crois que c'est un message que la direction doit relayer : les membres doivent assurer le suivi de leur dossier d'un endroit à l'autre.

Le président : Peut-on savoir ce que signifie cet acronyme?

M. Jarmyn : Il s'agit du Programme des représentants des relations fonctionnelles.

Le sénateur White : Permettez-moi de souligner que la GRC a retiré ce programme à la suite d'une décision de la Cour suprême. Il n'y a rien pour représenter les 22 000 agents de la GRC, et je crois qu'on ne verra pas beaucoup d'amélioration pour répondre à ce besoin relativement aux programmes d'indemnisation des travailleurs, besoin que la GRC avait l'habitude de combler. Merci de cette précision, monsieur Jarmyn.

Le président : De quel mécanisme équivalent les forces armées disposent-elles pour obtenir de l'information du personnel et connaître les points de vue de ses membres?

M. Jarmyn : Chez les militaires, le système de santé est beaucoup plus centralisé et beaucoup mieux contrôlé. Lorsque je devais changer de base, je réglais les formalités de départ. Quand j'avais terminé, la salle des rapports de la base recevait mon dossier médical et mon dossier personnel; elle les réunissait et les envoyait à ma prochaine unité. Dans cette autre unité, les dossiers étaient scindés, et les diverses parties étaient acheminées aux services appropriés, aux responsables des soins de santé, ou à la salle des rapports pour une mise à jour. Le processus se répétait à l'affectation suivante.

C'est un système qui jouit d'un contrôle beaucoup plus centralisé que ce que la GRC semble avoir.

Le président : Le sénateur White faisait remarquer que ce n'est pas le cas, que le système devient en fait moins centralisé dans la GRC.

M. Jarmyn : C'est bien ce que je crois.

Le président : Est-ce que cela peut poser problème aux membres qui vous demandent de l'aide?

M. Jarmyn : Nous n'avons pas besoin de documents. Ce n'est pas la seule façon de faire une réclamation. Néanmoins, c'est une réalité qui nous concerne tous. Je veux dire, j'arrive à peine à me rappeler ce que je faisais l'année dernière à pareille date, alors je me souviens encore moins de ce qui s'est passé il y a 25 ans. Si j'ai les documents qui rendent compte de mon parcours en matière d'affectations ou mon dossier médical, cela peut faire remonter des souvenirs. Les documents sont utiles à cet égard. Ils peuvent même permettre au demandeur de se rappeler exactement ce qui s'est passé et de livrer le témoignage que les membres de comité trouvent si important pour décider s'ils vont reconnaître ou refuser l'admissibilité.

Le président : Pouvez-vous nous rafraîchir la mémoire? Vous avez dit 20. À combien d'agents d'audience avez-vous droit?

M. Jarmyn : Le tribunal a droit à 25 membres et il y en a présentement 20.

Le président : Vous en avez 20. Combien d'entre eux sont vraiment en mesure de travailler et combien sont en congé de maladie?

M. Jarmyn : Présentement, tout le monde travaille. Nous avons des épisodes — chirurgie de la hanche et d'autres choses de ce type — qui forcent certains membres à prendre une pause d'un ou deux mois, mais nous avons 20 personnes qui sont prêtes à siéger et qui siègent.

Le président : Est-ce que vous avez quelqu'un qui s'occupe de la gestion des dossiers, qui choisit qui siègera aux différents comités?

M. Jarmyn : Non. Par exemple, nous avons un comité qui siège à Montréal, aujourd'hui. Nous affectons le comité à cet endroit. C'est le Bureau de services juridiques des pensions qui inscrit tel ou tel cas au registre des causes. Le dossier est ensuite acheminé à notre unité chargée de l'horaire des audiences, deux semaines avant que le comité se réunisse. Nous veillons à ce que tout soit prêt pour l'audience, puis les cas sont entendus. Habituellement, lorsqu'un comité siège pendant une semaine, il entend 19 cas, soit cinq le mardi, cinq le mercredi, cinq le jeudi et quatre le vendredi.

Le président : Est-ce que ce sont les différents cas que gère le Bureau de services juridiques des pensions?

M. Jarmyn : Eh bien, gérer n'est pas le terme exact. Les cas sont inscrits au registre du tribunal. En fin de compte et comme le ferait n'importe quel avocat, c'est le Bureau de services juridiques des pensions qui doit inscrire le dossier au registre et dire : « Oui, nous sommes prêts pour l'audience ». Le bureau signalera que le cas peut d'ores et déjà être inscrit au calendrier des audiences. Nous organiserons ensuite un comité dans la région visée, mais c'est le bureau qui doit inscrire les différents cas au registre des comités particuliers, environ deux ans avant que le comité ne siège.

Le président : Qui fixe l'ordre de comparution des vétérans?

M. Jarmyn : Le Bureau de services juridiques des pensions. Le bureau se sera assuré que le vétéran concerné est prêt à aller de l'avant avant d'inscrire son cas au registre.

Le président : Le bureau vérifie qu'il a tous les éléments de preuve dont il aura besoin.

M. Jarmyn : Oui. Il veille aussi à ce que le vétéran soit en mesure de témoigner ou d'assister à l'audience par voie de conférence téléphonique.

Le président : Qui prend les arrangements pour la salle d'audience?

M. Jarmyn : Nous avons des salles d'audience standardisées à peu près partout. Nous utilisons les bureaux d'Anciens Combattants dans la plupart des endroits. Là où nous allons moins souvent, nous utilisons des chambres d'hôtel et, par souci de sécurité, nous veillons à ce qu'il y ait des commissionnaires sur place.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Lorsque j'étais président de l'Association des policières et policiers provinciaux du Québec, je représentais les policiers de la Sûreté du Québec. Certains des corps policiers membres avaient travaillé en mission avec des policiers de la GRC à Haïti, entre autres, et je crois qu'il y a encore des policiers à Haïti qui travaillent au sein de la MINUSTAH. Or, l'un de nos policiers avait éprouvé des problèmes liés au stress post-traumatique.

De notre côté, nous avions un programme d'aide au personnel. Donc, à titre de président de l'association, je devais m'assurer que le policier puisse recevoir tous les traitements prévus par le programme d'aide au personnel. Le policier m'avait mentionné qu'il voulait être admis à l'hôpital des anciens combattants. Cependant, je lui avais répondu qu'il ne pouvait pas bénéficier de deux systèmes, puisqu'il avait déjà accès au programme d'aide au personnel. Ce programme offrait des services de soins psychologiques et il y avait aussi le programme d'assurance-maladie, qui était géré par l'association. Je lui avais dit qu'il pouvait faire la demande à l'hôpital des anciens combattants, mais qu'on ne pourrait pas lui fournir les deux programmes d'assurance.

Y a-t-il des cas semblables de policiers municipaux ou provinciaux qui auraient voulu bénéficier du service offert aux anciens combattants, mais qui n'ont pu y avoir accès pour des raisons de double emploi quant aux services offerts par leur corps policier? Avez-vous eu connaissance de ces dossiers?

[Traduction]

M. Jarmyn : Non. Habituellement, les vétérans que nous entendons sont des vétérans de la GRC ou des anciens combattants de tel ou tel type. Ce sont parfois de très petits sous-groupes — marine marchande, et cetera — ou des membres des familles. Je ne sais pas quels programmes Anciens Combattants offre aux personnes qui ne trouvent pas leur place dans ces groupes. Le sous-ministre serait mieux à même de vous dire ce qu'il en est.

Le président : Monsieur Jarmyn, j'aimerais revenir à la question du nombre de membres. Vous disposez présentement de 20 agents d'audience. Sont-ils tous basés à Charlottetown?

M. Jarmyn : Non. Je crois qu'il y en a six à Charlottetown, incluant moi. Nous en avons un à Halifax, deux à Québec, deux à Montréal et deux à Ottawa, deux en périphérie de Toronto, un à Edmonton, un à Vancouver et un autre à Victoria.

Le président : Le rapport de la Chambre des communes proposait qu'il y ait de la formation, notamment en ce qui a trait à la culture de la GRC et des militaires. Qu'avez-vous fait qui ne se faisait pas avant pour mettre en place cette formation à laquelle le rapport faisait allusion?

M. Jarmyn : Deux choses. Premièrement, nous avons donné plus de place aux officiers de la GRC et des forces armées au sein du tribunal, ce qui a fait beaucoup pour remédier à ce problème. Deuxièmement, nous avons scindé notre formation annuelle en deux volets. D'une part, nous parlons des problèmes médicaux et d'ordre culturel — qui vont les uns avec les autres — et, d'autre part, nous abordons les aspects strictement juridiques.

Par exemple, nous avions une formation de quatre jours la semaine dernière. Je dirais qu'une journée et demie a été consacrée aux questions qui concernent les militaires, notamment l'état de stress post-traumatique et les problèmes de harcèlement. Voilà comment nous employons notre temps lors de nos séances de formation annuelles. Les questions culturelles sont aussi abordées lors de la formation de base que tous les nouveaux membres doivent suivre.

Le président : Dans votre exposé, vous avez mentionné la durée de cette formation de base. Combien de jours comporte-t-elle?

M. Jarmyn : Elle dure environ 10 semaines et elle se donne à Charlottetown.

Le président : Avec une personne à Halifax, deux à Ottawa et ainsi de suite, avez-vous déjà eu de la difficulté à constituer un esprit d'équipe? Au contraire, vous rassemblez-vous assez souvent pour permettre l'édification d'un esprit particulier au tribunal?

M. Jarmyn : Tout d'abord, nous avons des processus mensuels qui prennent la forme de téléconférences et qui portent sur les questions qui concernent le tribunal. C'est l'occasion de mettre tout le monde au courant de ce qui se passe. Nous avons aussi une séance de formation annuelle qui permet entre autres aux membres de se réunir pour travailler sur ces questions.

Il y a aussi le fait que nous siégeons tous régulièrement les uns avec les autres. Il y aurait peut-être des problèmes si les membres siégeaient seuls, mais nous essayons de faire en sorte qu'il y ait une bonne rotation parmi nos membres. Nous veillons à ce que chacun ait l'occasion de siéger avec ses collègues, ce qui lui permet de se faire une idée de ce qui se passe. Je crois que la formation de base fait aussi quelque chose en ce sens.

Le président : Merci. J'aimerais terminer en revenant sur une question que je vous ai posée tout à l'heure au sujet des prises de décision.

Un vétéran demande des prestations parce qu'il souffre d'un mal qu'il croit attribuable à une exposition à l'agent Orange. Il est aux prises avec une sorte de leucémie. Or, au Canada, ce mal n'est pas reconnu comme conséquence possible d'une exposition à l'agent Orange, mais ce l'est aux États-Unis. Il voit sa demande refusée parce que le Canada ne reconnaît pas de lien entre son affection et l'agent; mais dans une autre administration, ce lien est envisagé comme possible.

Qui prend la décision? Que faut-il pour faire tomber ce mur?

M. Jarmyn : Le vétéran se ferait poser deux questions. On chercherait d'abord à savoir s'il a bel et bien été exposé à l'agent Orange.

Le président : Veuillez présumer que c'est le cas.

M. Jarmyn : Comme cela a été établi, il s'agirait de savoir s'il a des preuves médicales pour étayer sa réclamation. Dans le cas qui nous intéresse, on présume que le vétéran voit probablement un médecin traitant qui pourrait nous expliquer le lien qu'il fait entre la leucémie de son patient et le fait que ce dernier ait été exposé à l'agent Orange en 1966 ou 1967 et nous parler des questions connexes. Par exemple, il pourrait parler du laps de temps qui s'est écoulé entre le moment de l'exposition et l'apparition de la leucémie, et de la virulence des symptômes. Dans le meilleur des cas, le médecin traitant serait en mesure de fournir des preuves médicales du lien allégué.

Si un vétéran peut fournir une preuve médicale crédible pour tout ce qu'on lui demande et que ces preuves ne sont pas contredites, le tribunal reconnaît l'admissibilité.

Le président : Qui se charge de soutenir la contradiction? Qui fait les démarches en ce sens?

M. Jarmyn : Nous ne demandons pas des preuves pour étayer le pour et le contre. Lorsque je dis « contredire », il faut savoir que, bien souvent et notamment dans les cas complexes, nous disposons déjà dans nos dossiers d'un certain nombre d'opinions en matière de santé. Nous devons donc examiner ces opinions afin de vérifier si elles contredisent ou confirment ce qui est soutenu. Lorsqu'il y a des contradictions, nous essayons de les mettre en équilibre avec la preuve.

Le président : En tenant compte de l'exigence législative qui vous demande d'accorder le bénéfice du doute au vétéran, si l'opinion médicale affirme qu'on ne saurait affirmer sans l'ombre d'un doute que la leucémie a été causée par cela — toujours en présumant qu'il y a bel et bien eu exposition à l'agent Orange, ce que vous allez d'ailleurs établir —, le tribunal pourrait statuer qu'il en est ainsi?

M. Jarmyn : Si l'opinion médicale dit qu'il est possible ou vraisemblable de croire que la leucémie a été causée par l'agent Orange, l'adjectif « possible » peut devenir matière à débat. On parle ici de probabilités. Dans ce cas, il nous faudra évaluer la qualité même de l'opinion pour résoudre l'impasse.

Le président : Vous savez à quel point il peut être difficile pour un vétéran de 80 ans de courir après un professionnel de la santé qui est déjà débordé afin de lui demander qu'il rédige une opinion qui saura vous satisfaire.

M. Jarmyn : Voilà pourquoi le Bureau de services juridiques des pensions est si utile. C'est son travail d'aider les vétérans. Il fournit ces services comme je l'ai fait auprès des clients de la commission des accidents de travail quand j'étais en pratique privée. Le bureau s'occupe de ce genre de représentations. Il élabore les questions qui seront posées au médecin de manière à obtenir la réponse la plus favorable qui soit.

Le président : Chers collègues, y a-t-il des questions à cet égard?

Le sénateur White : Quel test appliquez-vous? La prépondérance des probabilités, au-delà de tout doute raisonnable? Où se situe la ligne de démarcation qui fait que vous reconnaissez le bien-fondé de la preuve?

M. Jarmyn : La Cour d'appel fédérale a dit que le vétéran doit établir les faits qui soutiennent sa cause selon la prépondérance des probabilités. Dans une affaire subséquente, l'affaire Cole, tout ce qu'on demandait, c'était de trouver un lien de cause à effet important.

Le sénateur White : C'était donc une exigence moindre que la prépondérance des probabilités.

M. Jarmyn : C'est plus que 1 p. 100 et moins que 49 p. 100, si l'on reprend les chiffres de la Cour d'appel fédérale.

Le président : Seriez-vous mieux en mesure de respecter les délais si les cinq postes vacants étaient pourvus et opérationnels?

M. Jarmyn : Non. Nous respectons nos délais dans la grande majorité des cas. Lorsque nous n'y arrivons pas, il s'agit de cas qui prennent plus de temps à régler que les autres. Une analyse plus approfondie doit être faite; il se peut qu'après délibération, le comité réclame des renseignements additionnels et donne la chance au vétéran de fournir cette information avant de trancher.

Finalement, je suis satisfait. Nous examinons les cas toutes les deux semaines — c'est-à-dire tous les cas qui ne respectent pas nos normes de service à n'importe quelle étape du processus — et nous essayons de comprendre pourquoi. Je suis content de pouvoir dire que, la plupart du temps, c'est cette raison qui revient. Nous voulons réduire ces temps de traitement le plus possible et nous allons continuer à y travailler. Mais il arrive que nous ayons besoin d'information additionnelle et que, par conséquent, nous dépassions les 42 jours cibles.

Le président : Chers collègues, y a-t-il autre chose?

Au nom du Sous-comité des anciens combattants du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, je vous remercie, monsieur Jarmyn et madame Sharkey, d'avoir été là, et je vous remercie de votre exposé et du travail que vous faites pour les vétérans et leur famille. Nous vous en sommes reconnaissants. Continuez votre beau travail.

M. Jarmyn : Merci beaucoup.

Le président : Chers collègues, la séance est levée.

(La séance est levée.)


Haut de page