Aller au contenu
VEAC

Sous-comité des anciens combattants

 

Délibérations du Sous-comité des
Anciens combattants

Fascicule no 7 - Témoignages du 12 avril 2017


OTTAWA, le mercredi 12 avril 2017

Le Sous-comité des anciens combattants du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd’hui, à 12 h 4, pour étudier les questions relatives à la création d’un système professionnel, cohérent et défini pour les anciens combattants, lorsqu’ils quittent les Forces armées canadiennes.

La sénatrice Mobina S.B. Jaffer (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bienvenue à la réunion du Sous-comité des anciens combattants. M. Kevin Pittman, greffier du comité, ainsi que Havi Echenberg, notre analyste de la Bibliothèque du Parlement, sont avec nous aujourd’hui. J’aimerais demander aux sénateurs de se présenter, en commençant à ma droite.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Sénateur Jean-Guy Dagenais, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Wallin : Sénatrice Pamela Wallin, de la Saskatchewan.

La présidente : Je m’appelle Mobina Jaffer, et je suis présidente du comité.

[Français]

Le Sous-comité des anciens combattants du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense a reçu le mandat d’examiner, pour en faire rapport, les questions relatives à la création d’un système professionnel cohérent et défini pour les anciens combattants, lorsqu’ils quittent les Forces armées canadiennes.

Nous sommes ravis d’accueillir, comme témoin, le général Jonathan Vance, chef d’état-major de la Défense.

[Traduction]

Le général Vance a des antécédents de longue date dans les Forces armées canadiennes. En effet, il est devenu membre des forces armées en 1982. Il a été commandant adjoint du Commandement allié de forces interarmées de Naples et a commandé la Force opérationnelle du Canada à Kandahar, en Afghanistan, en 2009 et en 2010. Il a ensuite été affecté au poste de commandant du Commandement des opérations interarmées du Canada, en septembre 2014, puis il a été nommé chef d’état-major de la Défense le 17 juillet 2015.

Général, je tiens à vous dire que lorsque je vous ai entendu affirmer, à la conférence de l’ACD, que votre objectif était de faciliter la vie des anciens combattants lorsqu’ils quittent les forces armées… Vous avez expliqué qu’un processus d’accueil professionnel est en place lorsque les soldats se joignent aux Forces armées canadiennes, mais qu’aucun processus professionnel semblable n’est offert à leur départ. À mon retour, j’ai discuté de vos propos avec mes collègues, et ils sont d’avis que nous pouvons vous aider à cet égard, c’est-à-dire que nous pourrions écouter les gens et formuler des recommandations, afin d’être en mesure de collaborer avec vous et de trouver des solutions. C’est la raison pour laquelle cette étude a été entreprise.

J’aimerais également vous confier autre chose, général, et c’est que la question des anciens combattants n’est pas seulement étudiée par notre comité. En effet, l’ensemble du Sénat se penche sérieusement sur cet enjeu. Les travaux du Sous-comité sur la diversité sont toujours axés sur quatre groupes, à savoir les femmes, les personnes handicapées, les personnes de couleur et les Autochtones. Nous avons ajouté une cinquième catégorie, afin de renseigner les gens qui quittent les Forces armées canadiennes sur les occasions de travailler au sein du Sénat.

Nous avons donc hâte de travailler avec vous, car nous croyons que nous devons travailler ensemble pour honorer les hommes et les femmes qui ont fait de grands sacrifices pour notre pays. Le moment de votre comparution n’aurait pas pu être mieux choisi, car nous venons de souligner les gens que nous avons perdus et ceux qui ont été blessés à Vimy. En effet, c’est le 100e anniversaire des évènements de Vimy, et nous avons vraiment hâte d’entendre votre exposé aujourd’hui. Je sais que mes collègues et moi vous poserons des questions. Vous avez la parole.

Général Jonathan Vance, chef d’état-major de la Défense, Défense nationale et les Forces armées canadiennes : Merci, madame la présidente, de cette présentation. Je vous remercie également d’avoir assisté à la conférence. Il s’agissait d’un discours important pour présenter ou faire progresser mes idées liées à la transition.

Je suis reconnaissant d’avoir l’occasion de comparaître aujourd’hui devant le sous-comité. Comme vous le dites, le moment ne pouvait être mieux choisi, puisque je reviens tout juste de participer aux célébrations du 100e anniversaire de la bataille de la crête de Vimy. Certains invités spéciaux m’ont accompagné lors de ce voyage, mais je tenais particulièrement à souligner que j’étais accompagné du caporal Arthur Currie, arrière-petit-fils du lieutenant-général sir Arthur Currie. Le caporal est actuellement technicien à la Base des Forces canadiennes Cold Lake.

C’était formidable de l’avoir avec nous. Il n’était jamais allé là-bas. Cela m’a rappelé à quel point nous sommes redevables envers ceux qui ont combattu, ont été blessés et sont morts si loin de chez eux.

Cela m’a également rappelé que nous, qui portons l’uniforme du Canada aujourd’hui, sommes aussi les fiers héritiers de ces riches traditions qui ont été remportées sur le champ de bataille.

Ainsi, la meilleure façon d’honorer la mémoire de nos prédécesseurs, c’est de soutenir les hommes et les femmes qui servent aujourd’hui et d’encourager les autres à servir le Canada par l’entremise de leur armée, tout en n’oubliant pas que nous avons un rôle à jouer pour favoriser leur transition lorsqu’ils quittent les forces armées. En effet, lorsqu’une personne termine une carrière satisfaisante, elle encouragera davantage ceux qui pourraient souhaiter se lancer dans une carrière dans les Forces armées canadiennes.

[Français]

C’est avec plaisir que je comparais devant vous aujourd’hui, d’autant plus que je suis le premier chef d’état-major de la Défense nationale en exercice appelé à comparaître devant ce sous-comité.

Les Forces armées canadiennes sont arrivées, selon moi, à un tournant crucial dans leur façon de recruter, de former et de gérer leur personnel. Dès le moment où ils entrent dans un centre de recrutement, jusqu’au moment où ils quittent notre institution, nous devons traiter nos membres avec le même souci en matière de soins, de dévouement et de professionnalisme que nous accordons à nos opérations.

[Traduction]

C’est ce qu’il convient de faire, mais nous devons également le faire parce que le traitement que nous réservons à nos membres est un élément essentiel pour demeurer une force prête au combat que le Canada continue d’admirer et de respecter. Dans cet environnement de la sécurité et des conflits modernes, nous sommes aux prises avec des défis complexes et aux multiples facettes. Ils sont dangereux, et extrêmement pénibles pour chacun de nos membres. Afin de combattre — et de gagner — dans cet environnement, nous devons recruter les meilleurs Canadiens de partout au pays. Nous devons former, éduquer et préparer nos recrues dans un pays de plus en plus diversifié, et former des gens qui ont différents talents et différentes compétences, afin de relever les défis actuels et à venir.

Nous devons offrir un environnement de travail intéressant, stimulant, respectueux et valorisant, et un environnement qui démontre notre engagement à l’égard de nos membres et leur bien-être.

Toutefois, si les gens pensent qu’ils ne seront pas bien traités et que nous ne prendrons pas soin d’eux, ils ne souhaiteront pas travailler pour nous. De plus, ils ne risqueront pas volontairement leur vie et n’adhéreront pas à la philosophie au centre des forces armées, à savoir le service avant soi, et c’est un élément essentiel d’une armée efficace. Si nous ne pouvons pas attirer et retenir les talents dont nous avons besoin, nous ne réussirons pas à mener nos opérations. C’est aussi simple que cela.

En juillet dernier, nous avons lancé une initiative que nous appelons, pour le moment, « Le cheminement ».

[Français]

« Le cheminement » est une initiative qui vise à mettre en place un système de gestion du personnel plus complet, plus fiable et plus adapté aux besoins modernes. Le terme « moderne » est important; bon nombre de nos politiques en matière de gestion du personnel ont été créées il y a plusieurs décennies, pour une force militaire qui traitait tous ses membres selon une approche universelle. Si nos politiques n’atteignent pas leur but, soit celui d’administrer et d’appuyer adéquatement ceux qui défendent leur pays, elles doivent changer.

[Traduction]

Je tiens à le répéter : si nos politiques ne remplissent pas leur objectif, c’est-à-dire appuyer et gérer de façon appropriée les personnes qui défendent notre pays, ces politiques doivent changer, et nous les modifierons.

[Français]

Cela prendra un certain temps, car cet exercice comporte beaucoup d’aspects qui touchent toute notre façon de recruter et de former nos membres.

[Traduction]

L’initiative « Le cheminement » a trois volets que j’aimerais vous présenter aujourd’hui. Tout d’abord, il faut créer un cheminement de carrière souple et adapté. Deuxièmement, il faut professionnaliser notre processus de transition. Troisièmement, dans le cadre du plan visant à fusionner les efforts déployés par les forces armées et Anciens Combattants Canada à l’égard de la gestion des anciens combattants, nous contribuerons à favoriser la réussite de nos membres lorsqu’ils quittent le service en uniforme.

Tout d’abord, le cheminement de carrière dans les forces armées, comme vous le savez, est divisé entre la Force régulière et la Force de réserve, et nos membres font souvent le transfert entre les deux. Cependant, c’est difficile à réaliser, cela prend trop de temps et ce n’est pas bien géré. Cette approche a été conçue à une époque où les gens occupaient le même emploi au sein des forces armées pendant toute leur carrière, sans prendre de pause. C’est rarement le cas de nos jours. Nous reconnaissons que les aspirations et les priorités d’une personne changent au fil du temps. Par exemple, un jeune parent souhaite peut-être prendre un congé pour élever ses enfants ou une personne doit peut-être prendre quelques mois de congé pour s’occuper d’un proche malade. D’autres souhaitent peut-être partir pendant quelques années pour obtenir un diplôme et ensuite revenir pour appliquer les connaissances acquises. Ce ne sont pas de mauvaises choses. Nous voulons que nos membres consacrent du temps à leurs priorités, et ces priorités peuvent changer avec le temps. Par exemple, un jeune de 18 ans ne sera pas la même personne à 40 ans, et sa vie personnelle évolue pendant le service en uniforme. Toutefois, sénateurs, j’aimerais vous rappeler que la notion de service avant soi représente l’essence des Forces armées canadiennes. C’est notre philosophie. Toutefois, nous avons également la loyauté, et la loyauté fonctionne dans les deux sens. En tant que leaders, nous devons démontrer à nos membres que nous valorisons leurs priorités. En retour, nous sommes en mesure d’exiger leur loyauté dans les circonstances les plus difficiles. Sans cette philosophie de la loyauté et du service avant soi, les Forces armées canadiennes ne seraient pas la force militaire qu’elles doivent être pour le Canada en cas de crise ou de conflit. En effet, nous sommes une force de haute performance à responsabilité illimitée pour le Canada.

Je tiens à ce que nos membres aient davantage le choix de servir avec ou sans restriction, à temps plein ou à temps partiel, dans la Force régulière ou dans la Force de réserve. Je crois que cela leur inspirera confiance et les motivera à mener une carrière plus longue et à manifester davantage de loyauté, ce qui rendra une carrière dans les forces armées plus attirante aux yeux des générations futures et favorisera la rétention de nos formidables talents.

[Français]

Voilà qui m’amène à mon deuxième point. La vie dans les Forces armées canadiennes est un processus de transition constante. Ce processus commence dès le moment où vous entrez dans un centre de recrutement. C’est là que nous amorçons la transition physique et mentale de la vie civile à une vie de service militaire. Par la suite, ces militaires occuperont différents emplois dans différentes bases au Canada, participeront à des exercices, suivront de la formation et partiront en mission. Nous exigeons constamment de la part de nos membres d’être en transition. Chacune de ces transitions impose un stress à nos membres et à leur famille et, plus la transition est importante, plus le stress est important.

[Traduction]

Donc, lorsque vient le temps de l’ultime transition, c’est-à-dire lorsqu’un membre se prépare à quitter le service en uniforme pour retourner à la vie civile, nous devons l’aider et l’appuyer le plus possible. Nous pouvons faire beaucoup plus.

Comme vous l’avez souligné, madame la présidente, et comme je l’ai dit dans mon discours, lorsque les recrues se joignent aux forces, on leur donne beaucoup d’attention personnalisée et professionnelle, afin qu’ils deviennent des membres efficaces des forces armées. Toutefois, nous n’utilisons pas la même approche lorsque ces membres quittent les forces armées. Ce n’est pas un système professionnel et personnalisé, mais il doit l’être. C’est pourquoi nous mettons sur pied une unité de transition spécialisée. À partir du moment où l’un de mes membres est prêt à prendre sa retraite ou doit le faire pour des raisons médicales, cette unité le prendra en charge. Si la situation personnelle d’un membre n’est pas visée par la politique, nous collaborerons avec ce membre, et nous adapterons la solution à cette personne.

Ce soutien améliorera grandement le soutien déjà offert par notre Unité interarmées de soutien du personnel aux militaires malades ou blessés, et on fera maintenant la même chose pour tous les membres qui prennent leur retraite.

Le troisième volet de cet effort permettra de combler les lacunes entre notre système et celui d’Anciens Combattants Canada. Je tiens à ce que mes membres prennent leur retraite en sachant qu’ils recevront leur chèque de pension, que leurs soins seront en place et que nous nous occuperons de tous leurs besoins. Qu’ils soient en santé ou non au moment de prendre leur retraite ou qu’ils aient subi des blessures liées au service après le départ à la retraite, cela importe peu. C’est la façon dont le système devrait fonctionner, mais trop souvent, ce n’est pas la façon dont il a fonctionné.

Lorsque mes employés me disent qu’ils peuvent attendre des semaines, voire des mois, la pension qu’ils ont gagnée tout au long de leur service, sénateurs, le mot « déçu » est trop faible pour décrire comment je me sens. Le MDN, les Forces armées canadiennes et Anciens Combattants Canada collaborent maintenant pour fusionner ces deux systèmes. Les deux ministères nous ont fait part de leur objectif de combler les lacunes, et c’est ce que nous ferons. Nous souhaitons adopter une approche simplifiée et axée sur les anciens combattants. Nous voulons guider nos membres par l’entremise d’un processus moins complexe et axé sur leurs besoins. En attendant la mise en œuvre de ces initiatives, je peux faire quelques petites choses — et je les ai déjà faites — pour alléger le fardeau de nos nouveaux anciens combattants. Tout d’abord, depuis que la gestion de notre régime de pension a été confiée à Services publics et Approvisionnement Canada, 96 p. 100 de nos membres obtiennent leur premier paiement dans les 30 jours, si tous les formulaires ont été bien remplis. C’est une amélioration comparativement aux anciens résultats. Toutefois, nous nous efforçons constamment d’améliorer la situation de ceux qui se retrouvent dans les 4 p. 100, et nous tentons de rendre le processus moins complexe. C’est une bonne chose, mais c’est seulement un début.

Deuxièmement, nous faisons de notre mieux — et je le fais depuis que je suis devenu chef d’état-major de la Défense — pour veiller à ce que les militaires ne soient pas libérés avant qu’ils soient prêts.

Madame la présidente et sénateurs, mon devoir en tant que chef d’état-major de la Défense est clair: je dois m’assurer que nous produisions la force dont le Canada a besoin dès maintenant et pour l’avenir. Je dois aussi m’assurer que ceux qui portent l’uniforme canadien et que les familles qui les aiment et les soutiennent reçoivent les soins et l’attention qu’ils méritent, du moment où une personne entre dans un centre de recrutement jusqu’au moment de sa retraite, et longtemps après. Ce ne sont pas des enjeux distincts, car ils font partie d’un continuum de soutien professionnel fourni à nos membres et à leur famille.

Si nous traitons bien nos employés, nous parviendrons à recruter et à former les talents dont nous avons besoin pour réussir à mener des opérations difficiles au nom du Canada à l’avenir.

Merci. Je serai heureux de répondre à vos questions.

La présidente : Merci beaucoup, général, de votre exposé. J’étais ravie de vous entendre dire que vous veillerez à ce que les gens ne quittent pas l’armée avant que tous les services soient en place, et je suis sûre que mes collègues étaient également ravis, car c’est l’une des choses dont nous avons beaucoup entendu parler.

Général, avant de donner la parole à mes collègues, j’aimerais que vous nous parliez du mandat, des ressources et de l’organisme duquel relève l’Unité interarmées de soutien du personnel.

Gén Vance : Merci, madame la présidente. Je crois que nous travaillons toujours sur tous ces éléments, et cela fera partie de l’Examen de la politique de défense. En ce moment, je ne peux pas vous fournir tous les détails, mais je crois que je peux vous dire que nous modifierons notre approche de celle actuellement offerte par l’UISP actuel et que nous affecterons du personnel à un organisme qui mènera ses activités à l’échelle du pays et qui fournira des conseils d’experts et un soutien direct aux membres qui prennent leur retraite, peu importe la raison.

Je crois que je peux vous parler de l’objectif. L’objectif sera d’assurer que nous ayons un système professionnel, et je vais rétablir la Direction générale de l’administration du personnel qui a été éliminée il y a quelques années. Je rétablirai cette direction générale des forces armées, car ses membres sont des experts en matière de gestion du personnel et de soutien aux RH. Il s’agit de veiller à ce qu’aucun membre ne quitte cette base, ne termine son déménagement, ne quitte les forces armées et ne remette son uniforme sans que tout soit fait pour veiller à ce que la documentation liée à la transition, qu’il s’agisse d’un chèque de pension ou d’autres prestations auxquelles il ou elle a droit, soit prête et gérée de façon collaborative — idéalement en collaboration tout au long du processus pour ceux qui recevront, au bout du compte, des prestations d’Anciens Combattants Canada.

Il y a un autre élément important dans ce cas-ci, et je crois que j’ai les données exactes lorsque j’affirme que 75 p. 100 ou presque des cas traités par Anciens Combattants Canada concernent des gens dont les blessures ou les besoins se manifestent après leur départ des forces armées. Nous voulons donc veiller à ce que la transition, ainsi que le processus lié à la transition, appuie également les membres qui doivent communiquer à nouveau avec ACC ou avec nous pour veiller à ce qu’ils obtiennent du soutien supplémentaire après leur départ des forces armées lorsqu’ils en ont besoin.

Cela concerne directement la troisième partie de mon exposé, c’est-à-dire la façon de rendre cette transition uniforme. Il existe des politiques et une approche axée sur les anciens combattants visant à éliminer les difficultés de compréhension liées aux documents et aux défis décrits par nos anciens combattants, et il faut compléter cela avant que les membres rendent leur uniforme.

Je crois qu’il me reste suffisamment de temps pour répondre à cette question plus en détail, et je terminerai donc en disant que selon moi, ce processus prolonge probablement le départ d’un membre des forces armées. C’est une dynamique intéressante. Certains membres ont accès à une nouvelle occasion ou à une offre d’emploi ou ils jugent que c’est le temps de prendre leur retraite, et ils veulent quitter les forces très rapidement. Nous recevons souvent des préoccupations, des observations ou des plaintes selon lesquelles des personnes souhaitent quitter les forces plus rapidement que nous le leur permettons. D’un autre côté, d’autres ont besoin de plus de temps, que ce soit pour soigner une blessure ou pour mettre tous les éléments nécessaires à leur départ en place.

Je reviens au point suivant : il doit s’agir d’un système personnalisé et adapté aux besoins. J’admets volontiers, et je l’ai dit dans ma déclaration préliminaire, que bon nombre de nos politiques en matière de gestion du personnel ont été créées il y a des décennies ou se fondent sur des idées au sujet des ressources humaines et de la gestion du personnel des Forces armées canadiennes qui remontent à des décennies. Elles sont dépassées. Elles se fondent sur l’idée qu’il faut traiter tout le monde selon le même modèle et que si une personne ne correspond pas au modèle et ne correspond pas tout à fait au profil, il devient alors extrêmement difficile pour elle d’obtenir l’aide personnalisée dont elle a besoin. Il faut que cette situation change. Nous devons adopter une approche personnalisée pour la transition, et les besoins peuvent être très différents d’une personne à l’autre, mais c’est correct. Nous devons en tenir compte.

La présidente : Merci beaucoup. Puis-je vous demander de faire parvenir l’information au greffier du comité lorsque vous aurez tout mis en place et que vous serez en mesure de le faire? Nous serions ravis d’obtenir l’information lorsque vous pourrez la communiquer. Merci beaucoup.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Je vous remercie, général Vance, de votre présence parmi nous aujourd’hui.

Je sais un peu à quoi ressemble une vie militaire, car l’une de mes nièces fait partie de l’armée depuis plusieurs années, ainsi que son conjoint. Ils sont présentement à Gagetown, mais ils seront transférés en Allemagne au mois de juin, avec leurs trois enfants. Évidemment, le facteur stress s’installe un peu. C’est une question d’habitude, j’imagine, et je suis certain que cela va bien se passer.

Cela étant dit, voici ma question : lorsqu’une personne décide par elle-même de prendre ce qu’on appelle une retraite, généralement, ça se passe assez bien, mais quand elle doit le faire parce qu’elle est obligée de mettre fin à une carrière dans les forces armées et que la réserve n’est pas une option, cela devient parfois plus compliqué, car, pour certains, vous le savez comme moi, le port de l’uniforme, c’est toute leur vie. Pouvez-vous nous donner une idée du genre d’accompagnement dont peuvent bénéficier ces futurs retraités et, également, de ce que vous souhaiteriez mettre en place pour limiter le stress du départ?

Gén Vance : Je vous remercie de votre question, sénateur. Je vais répondre en anglais pour être exact et précis.

[Traduction]

Vous avez raison, sénateur; il y a en effet les libérations volontaires qui surviennent à la fin de la période de service et qui donnent tout le temps voulu à la personne de se préparer à partir, peu importe si elle est là depuis une courte ou longue période. Il se peut qu’elle veuille profiter d’une occasion qui s’offre à l’extérieur des forces armées et qu’elle souhaite partir, et qu’elle soit par ailleurs en santé et prête mentalement à partir. C’est le cas de la vaste majorité des gens qui quittent les Forces armées canadiennes.

Toutefois, pour les gens qui quittent les forces armées, mais que ce n’est pas leur choix, que ce soit en raison de restrictions médicales qui les empêchent de continuer leur service, d’une situation où continuer leur service risquerait d’empirer leur état de santé ou d’une situation où leur état de santé les empêcherait de participer à des opérations, ou pour toute raison administrative ou disciplinaire pour laquelle ils doivent quitter les forces, alors, bien entendu, c’est une situation difficile. C’est difficile pour eux sur deux plans, et les deux sont extrêmement importants.

Il y a d’abord l’aspect psychologique ou psychosocial lié au fait que les militaires sont habitués de servir. Les forces sont leur famille, leur maison. Ils font bel et bien partie d’une organisation importante. Ils ont un devoir à accomplir, ils ont été endoctrinés et se sentent à l’aise dans le milieu. Pour bon nombre d’entre eux, cela les définit ou fait partie de leur identité, ce que nous respectons. Lorsqu’on retire cela à un militaire avant qu’il soit prêt et que ce n’est pas son choix, c’est difficile, et je le comprends.

Il y a ensuite l’aspect pratique. La personne a-t-elle eu amplement le temps de se préparer à un autre emploi? Si la personne est blessée, est-elle en mesure d’assurer sa subsistance? Si elle est handicapée et ne peut pas travailler, reçoit-elle le revenu qui lui permet de prendre soin d’elle et de sa famille? Il y a des aspects pratiques. Où s’établir? Que faire? Ce sont des exemples, et tous les éléments de ces deux aspects entrent en jeu, et je le respecte.

L’idée de professionnaliser le processus de transition, c’est de tenir compte de ces trois catégories — comme les gens qui sont bien établis et prêts à partir — et de veiller à ce que tout est en place pour une transition réussie ou un retour, qu’il s’agisse d’Anciens Combattants ou des Forces armées canadiennes. S’il arrivait quelque chose à la personne, même si la transition a été faite avec son accord et qu’elle était heureuse, en santé et prête à partir, nous constatons que certaines choses se manifestent plus tard.

Pour ce qui est des deux autres catégories, nous avons un certain nombre de politiques qui sont utiles concrètement. Au bout du compte, toutefois, elles ne conviennent pas nécessairement le mieux possible à tout le monde. Par exemple, dans le cas de restrictions pour raisons médicales, il existe un processus que nous utilisons très généreusement qui permet à une personne de s’adapter, c’est-à-dire que la personne peut continuer à servir pendant trois ans de sorte qu’elle continue de recevoir sa paie et de travailler. Elle est encore en mesure d’ajouter de la valeur à l’organisation dont elle fait partie, mais en même temps, elle doit cheminer vers la transition.

Je crois que cela ne se faisait pas dans le passé. C’est-à-dire qu’on n’amenait pas les gens à se rendre compte que leur nouvelle mission est de réussir leur transition au cours de cette période de trois ans. Qu’il s’agisse de suivre une formation d’appoint, de tirer parti des différents avantages qui leur sont accessibles, par exemple, je sais qu’Anciens Combattant fait beaucoup d’efforts à cet égard. Pendant leur service, ils doivent profiter de toute l’aide offerte pour s’assurer qu’ils peuvent faire la transition, qu’ils ont l’esprit de compétition pour un nouveau gagne-pain et qu’ils sont heureux dans leur milieu de travail, même s’ils ne veulent peut-être pas quitter leurs fonctions, mais qu’ils sont capables concrètement de quitter les forces.

Sénateur, je crois que les effets psychologiques liés à l’interruption du service dans les Forces armées canadiennes peuvent être atténués en quelque sorte si la personne reçoit le soutien voulu et qu’elle se trouve de nouveaux objectifs. L’une des préoccupations que soulèvent le plus souvent les gens qui souffrent potentiellement de maladie mentale ou physique, par exemple, c’est que la vie militaire est remplie d’objectifs. Chaque jour, ils participent totalement à la défense du Canada. Ils ont forcément plein d’objectifs. Un départ soudain, même si l’on parle d’un processus de trois ans, sans préparation suffisante fait en sorte que l’objectif qui a constitué le principal moteur de leur vie pendant tellement longtemps disparaît.

Trouver un emploi, faire une transition vers un nouvel emploi, trouver une voie qui convient à la personne, une formation ou la réadaptation professionnelle ou toute aide dont elle a besoin de sorte qu’elle puisse trouver de nouveaux objectifs, voilà ce dont il est question lorsqu’on parle de professionnaliser nos services de transition et de colmater les brèches entre les Forces canadiennes et ACC.

[Français]

Le sénateur Dagenais : J’aimerais revenir sur ceux qui quittent le service à la suite d’une blessure ou d’un handicap permanent. On a entendu dire que ces personnes doivent, dans certains cas, refaire régulièrement le processus de prouver leur handicap. Donc, ils doivent prouver qu’ils sont toujours handicapés ou qu’ils ont toujours une déficience. Pouvez-vous nous expliquer cela plus en détail? Il semble y avoir de la confusion, car lorsque les gens sont blessés, ils doivent faire réévaluer leur situation. Est-ce que vous êtes au courant de cela? Pourriez-vous nous expliquer la façon de faire dans ces cas précis?

[Traduction]

Gén Vance : Je crois qu’il vaudrait mieux poser la question à des représentants d’Anciens Combattants.

Je n’administre pas un tel système. Cependant, si une personne reçoit des prestations d’invalidité de longue durée dans le cadre du RARM, alors il ne s’agit pas ici de la nature de sa blessure. Il s’agit de déterminer si elle est encore en mesure de travailler dans les Forces armées canadiennes. C’est un programme d’assurance. Je crois que la question, dans sa nuance, et elle est importante, s’adresse davantage à Anciens Combattants.

Je vous dirais cependant que c’est compréhensible. J’ai parlé à des collègues et à des soldats que je respecte qui sont dans cette situation où il semble plutôt étrange qu’on doive prouver qu’on a une blessure. Je comprends à quel point c’est pénible et que cela peut sembler ridicule.

En même temps, ce ne sont pas toutes les personnes ayant une incapacité qui ont une blessure physique. Certaines personnes ont des blessures psychologiques et leur situation peut changer avec le temps. Parfois, leur état se détériore, parfois il s’améliore, et le niveau d’incapacité peut changer.

Je crois que, dans tout système, on ne devrait pas demander à quelqu’un de prouver qu’il est encore invalide, mais plutôt s’assurer qu’on communique avec la personne régulièrement, de sorte que si son état change de façon importante, de façon positive ou négative, le système puisse s’adapter. Ce n’est peut-être pas évident pour les gens qui ont des blessures physiques évidentes qui ne changeront pas, mais cela peut être très pertinent pour les gens qui ont une blessure dont ils peuvent se remettre ou qui peut se détériorer. Je n’essaie pas de défendre le système. Je dis seulement que de façon générale, les politiques ne sont pas établies pour causer intentionnellement du tort aux gens ou pour les dérouter. Elles existent pour une raison.

Cela dit, je pense que tous les gens qui travaillent à cette question liée à l’efficacité de la transition et à la correction des lacunes — et je sais que, du côté d’Anciens Combattants, des efforts remarquables sont déployés pour faire en sorte que personne ne soit oublié dans le processus et qu’on s’occupe bien de tout le monde dans un système de soutien — veulent simplifier le processus, réduire les difficultés liées aux formalités administratives et changer les mesures inefficaces consistant à demander à une personne qui a perdu un membre si elle est encore dans la même situation. Je pense qu’une approche fondée sur le bon sens prévaudra et, parallèlement, nous veillerons à rester en contact avec les gens, de sorte que nous sachions s’il y a un changement important dans leur vie, qu’il soit positif ou négatif.

La sénatrice Wallin : Je vous remercie et je vous souhaite la bienvenue. Je suis ravie de votre présence. Je sais que vous étiez sur le terrain en Afghanistan, où vous avez été commandant à deux reprises. Je sais que vous vous souciez des hommes et des femmes. Maintenant que vous êtes aux commandes, avez-vous une idée du temps qu’il faudra pour accomplir le travail? Je veux vous poser deux ou trois questions sur des choses plus précises, mais quand la structure sera-t-elle, je ne dirais peut-être pas corrigée, mais, du moins, modifiée?

Gén Vance : J’aurais aimé que cela se fasse la semaine dernière. Blague à part, je suis très enthousiaste au sujet de tout ce que nous croyons pouvoir accomplir.

J’ai des moyens d’action pour une partie de ces choses, mais pas pour l’ensemble, sénatrice. Je crois qu’il y a toute une série de questions sur la façon d’attirer une main-d’œuvre variée et d’éviter le départ de ces gens qui auront des répercussions sur les politiques de gestion des ressources humaines dans l’ensemble du gouvernement, sans parler des Forces armées canadiennes. Cependant, je peux mettre en place un système efficace, et c’est mon travail de diriger le personnel de façon efficace dans les forces armées. En fait, c’est un élément fondamental de mon rôle. Je le sais, et ce, depuis un certain temps, mais j’en ai été saisi presque immédiatement au moment où j’ai pris les commandes.

Depuis, je travaille à m’assurer que, dans le système actuel — parce que je m’occupe de gens maintenant; il ne s’agit pas seulement de l’avenir —, nous renforçons l’UISP. J’ai confié la responsabilité de cette organisation à un officier général.

J’ai changé le plus grand nombre de politiques possible à ce stade-ci, dont celle qui concerne la capacité d’accorder une promotion à quelqu’un malgré des restrictions sur le plan médical. Je crois qu’il est extrêmement important non seulement d’abattre un obstacle aux soins, mais également de reconnaître la valeur d’une personne et de la récompenser pour ce qu’elle a accompli. En veillant à ce que le chef du personnel militaire ne libère pas un individu avant qu’il soit prêt, je suis pleinement conscient que la définition de « prêt » peut parfois différer. Il peut y avoir une différence entre ce que nous pensons en tant qu’institution et ce que pense la personne concernée. Nous essayons de faire de notre mieux. Une série de mesures ont été prises pour améliorer notre système actuel.

Je ne peux pas établir de calendrier précis, même si je le souhaite bien. Je peux vous dire que dans le cadre de l’examen de la politique de défense, nous avons examiné tout cela, et la mise en œuvre de la politique de défense et la mise en œuvre des choses que j’ai déjà mises en place en tant que politique existante auront lieu le plus vite possible.

Ce que je veux, c’est qu’une organisation de transition intervienne le plus vite possible. Cela dit, je veux m’assurer que cela se résume à une opération de relations publiques superficielle. Il faut que ce soit concret, et je dois rétablir un service des Forces armées canadiennes, celui de l’administration du personnel. Je dois investir les ressources aux bons endroits.

Il y aura d’autres modifications aux politiques internes. Je ne me défile pas. Vous pouvez me croire lorsque je dis que je ferai avancer ce dossier aussi rapidement que je le peux, et nous y travaillons.

La sénatrice Wallin : J’aimerais avoir des précisions concernant deux aspects. En faisant renaître de ses cendres la Direction générale de l’administration du personnel, pour le dire ainsi, cela signifie-t-il que l’Unité interarmées de soutien du personnel fusionnera avec cette direction ou utilisez-vous plutôt le modèle de l’Unité interarmées de soutien du personnel pour vous occuper de tout le monde et non seulement des militaires qui ont des problèmes médicaux?

Gén Vance : J’ai l’intention de recommander le démantèlement de l’Unité interarmées de soutien du personnel et le rétablissement de l’ancien service ou l’établissement d’un nouveau service qui possède les ressources, les politiques de base et la flexibilité en la matière pour s’occuper adéquatement et individuellement de tous les membres des FC. Je dois donc embaucher du personnel.

La sénatrice Wallin : C’est parfait. Lors de son passage au comité, l’ombudsman des vétérans a cité un jeune homme qui était sur le point d’être libéré des FC:

Je me suis enrôlé dans l’armée à 19 ans. Avant cela, j’étais à l’école secondaire. Je n’ai jamais vraiment vécu ma vie d’adulte en étant un civil. Je n’ai pas l’impression de retourner à la vie civile. Je sens plutôt que je vais devenir un civil pour la première fois.

Je crois que c’est de cela que vous parlez. Un changement de culture doit s’opérer à l’interne pour que les libérations et les départs à la retraite s’orchestrent de manière aussi professionnelle que le recrutement.

Pouvez-vous le faire seulement à l’interne ou devez-vous vraiment vous tourner vers l’extérieur et demander à la population civile, au secteur privé, au monde des affaires et au milieu médical de participer très concrètement à ce processus?

Gén Vance : Merci, sénatrice. C’est une excellente question. J’aimerais jouer un rôle actif dans cette période de transition pour aider les militaires à donner un nouveau sens à leur vie. Certains y arriveront par leurs propres moyens. D’autres auront peut-être besoin d’un coup de main supplémentaire. De nombreux militaires se sont trouvés dans la situation unique de n’avoir jamais vraiment vécu leur vie d’adulte en étant un civil. Je vous rappelle que les statistiques sont très élevées, mais la grande majorité des militaires connaissent beaucoup de succès après leur carrière militaire et sont bien outillés pour faire une panoplie de choses.

Bref, la majorité des gens s’adaptent assez bien, mais ce n’est pas le cas de certains. Ce n’est pas tout le monde. Comme je ne veux pas prendre de risques, je tiens à ce que tous les militaires participent à un processus où leur mission sera de réussir leur transition. En ce sens, j’aimerais les soutenir dans leur transition et les aider à donner un nouveau sens à leur vie. Ils peuvent occuper un emploi, pratiquer le bénévolat ou faire quelque chose de complètement différent. Ils font ce qui leur chante et ce qui leur convient le mieux, mais c’est majoritairement un emploi.

Il est très important de professionnaliser en quelque sorte les diverses manières de soutenir les vétérans. Il peut notamment s’agir de la préférence accordée aux vétérans dans la fonction publique au moment de l’embauche ou des importantes organisations bénévoles et philanthropiques qui facilitent la transition des vétérans et qui les aident à se trouver un emploi. Anciens Combattants Canada a l’intention de se pencher, tout comme nous, sur ce dossier. Par ailleurs, pendant que nous cherchons à rendre harmonieuse la transition, nous devrions penser moins à cela et plus à ceci et à un plus grand chevauchement. Durant cette période de transition, vous êtes un client de ce processus de soutien encadré et profitez d’un soutien énorme de la part d’Anciens Combattants Canada pendant que vous êtes encore membre des Forces canadiennes, parce que nous voulons veiller à ce que vous ayez tout ce dont vous avez besoin.

Peu importe qui le fait entre moi, le ministre, le ministre des Anciens Combattants ou le sous-ministre des Anciens Combattants, nous souhaitons tous que la population canadienne, l’industrie, le milieu universitaire et tous les employeurs qui embaucheront un vétéran reconnaissent la valeur et l’incroyable éventail de compétences non apparentes d’une personne qui a seulement eu une carrière militaire. Il y a énormément de compétences transférables, mais il y a aussi beaucoup de qualités intangibles, comme le leadership, le dévouement et la loyauté, qui peuvent facilement s’avérer utiles ailleurs. Bref, il faut trouver un nouveau but, et certains auront besoin de temps pour ce faire.

Par exemple, nous avons une politique qui prévoit que les militaires ont un an après leur retraite pour choisir leur lieu de résidence. C’est un problème, parce que très peu de gens, en particulier les militaires malades et blessés, ont eu l’occasion de faire un tour d’horizon efficace de la situation, de faire leur transition et de trouver ce qu’ils feront et l’emploi qu’ils occuperont. Certaines personnes qui prennent leur retraite sont sujettes à une période de réflexion et elles ne peuvent donc pas trouver d’emploi. Leur recherche d’emploi les amènera peut-être à déménager, et cette période d’un an sera peut-être déjà terminée.

Voilà le genre de politiques que je pense possible de changer. Nous devons être des spécialistes, offrir des conseils et veiller à avoir les ressources et tout le reste, mais nous passons tout de même en revue tous les éléments et nous réalisons un examen complet de la rémunération et des avantages sociaux pour nous assurer de tenir compte de la transition.

Le sénateur White : Merci de votre présence, général. J’aimerais faire valoir certains aspects au sujet des membres des FC en fin de carrière qui se préparent à devenir des vétérans. La réalité financière en rattrape plus d’un. Je sais que certaines organisations proposent notamment un régime avec une option de retraite différée. La semaine de travail est réduite à 60 p. 100, et l’employé peut recevoir plus tôt des prestations de retraite.

En Californie, à une certaine époque, les autorités perdaient des policiers de haut niveau, par exemple, et le recrutement était difficile, ce qui correspond probablement à bien des égards à la situation dans laquelle vous vous trouvez actuellement. Les autorités ont réussi à maintenir en poste des employés quatre ou cinq ans de plus, et ce programme a aussi permis à ces employés d’avoir une transition plus en douceur vers la réalité.

Mon deuxième point est plus ou moins lié, mais j’aimerais savoir si vous avez examiné certains programmes australiens comme le programme pour accorder aux retraités un prêt sur valeur domiciliaire qui leur permet au moment de la retraite d’éviter de se retrouver dans la même situation que bon nombre d’autres et de ne même pas avoir l’acompte de 10 p. 100 pour acheter une maison. Avez-vous examiné l’une ou l’autre de ces options?

Gén Vance : Merci de votre question, sénateur. À mon avis, la meilleure façon de vous répondre est de dire que nous n’écartons aucune option. Je ne sais pas si ma réponse vous satisfait, mais la meilleure approche à adopter est, à mon avis, de nous assurer d’avoir les politiques de base et les ressources pour répondre aux besoins précis de chaque militaire.

Certaines des politiques qui sous-tendent la retraite différée, les prêts sur valeur domiciliaire et tout le reste nécessiteraient que je mette en place une vaste approche pangouvernementale en vue de déterminer la manière de soutenir les militaires qui quittent les FC et qui deviennent des vétérans.

Je ne rejette aucune bonne idée. J’ai déjà entendu ces idées. J’ai discuté avec des chefs d’état-major et nos alliés. Nous voulons connaître toutes les bonnes idées. Nous aurons une multitude d’options utiles et conformes à la politique que nous pourrons ensuite utiliser en fonction de ce qui convient aux besoins du militaire. Si rien ne correspond à ses besoins, il faut avoir la flexibilité de déterminer que la situation est unique et que c’est un problème propre à ce militaire. La flexibilité des politiques nous permet d’apporter les modifications nécessaires pour nous assurer que l’approche est personnalisée.

Nous devrons examiner une vaste gamme d’éléments, y compris l’âge de la retraite et les droits à pension qu’un militaire peut accumuler. Si nous maintenons plus longtemps en poste les gens, la pension reste-t-elle seulement à 70 p. 100? L’augmentons-nous? Ce n’est pas entièrement de mon ressort, mais je crois que nous voulons avoir une vaste gamme d’excellentes solutions qui peuvent ou non être applicables dans le cas d’un militaire et être en mesure de les mettre en œuvre.

Le sénateur White : Merci beaucoup de votre réponse, général. Je vous suis reconnaissant de votre présence au comité.

En ce qui concerne les départs massifs à la retraite à venir, quel est le pourcentage actuel de gens qui atteindront l’âge de la retraite, par exemple, au cours des cinq prochaines années? Quel pourcentage de votre personnel cela représente-t-il?

Gén Vance : Je ne sais pas. Je vais devoir vous revenir là-dessus. Il y a une certaine inexactitude autour de cette question. Il faudra réaliser un petit sondage, parce qu’au cours des cinq prochaines années il y aura des personnes de 54 ans qui seront admissibles à l’âge de retraite obligatoire à 60 ans, et je ne sais pas si elles se prévaudront de cette option. Je peux probablement examiner la situation et vous dire rapidement le nombre de personnes qui ont 55 ans ou un peu moins, mais c’est devenu un peu plus difficile à prévoir, parce que nous permettons à des militaires de plus de 55 ans de rester en poste et que nous les y encourageons dans certains cas.

Cependant, si vous avez 35 années de service, vous n’accumulez plus de droits à la pension. C’est donc un élément dont nous devons tenir compte.

Le sénateur White : Merci beaucoup, général. Je vous remercie encore une fois de votre présence. Vous faites un excellent travail.

Le président : Général, j’ai quelques questions. Votre Rapport ministériel sur le rendement 2015-2016 présente plusieurs programmes qui m’intéressent particulièrement. Le premier est les services de transition améliorés. Comme vous n’êtes pas sans le savoir, cela concerne la coordination entre les gestionnaires de cas des Forces canadiennes et d’Anciens Combattants Canada pour s’assurer que tout est en place avant la libération des militaires ou que les questions administratives sont réglées.

Comme nous l’avons entendu au comité et comme nous l’avons également entendu en discutant avec des vétérans, lorsque les militaires étaient libérés — et vous en avez aussi parlé dans votre exposé —, les services auxquels ils étaient admissibles, comme les prestations de retraite, n’étaient pas prêts. Vous avez dit avoir pris des mesures; nous devons donc donner le temps à ces mesures de faire sentir leurs effets.

Deuxièmement, il y a les services améliorés de transition de carrière des Forces armées canadiennes. Comme vous le savez, ce programme établit des partenariats avec des organismes externes pour donner plus de possibilités aux militaires libérés. Je ne sais pas si vous êtes la bonne personne, mais j’aimerais voir à quel point les services fédéraux agissent de manière proactive pour encourager les vétérans à participer au programme. Par exemple, nous avons entendu que des militaires doivent parfois quitter les Forces canadiennes parce qu’ils ne peuvent pas être déployés en raison de ce qu’ils ont vécu, mais nous pouvons leur trouver une place dans la fonction publique fédérale. J’aimerais donc entendre vos commentaires au sujet de ces programmes que vous avez mis sur pied. Où en sommes-nous maintenant?

Gén Vance : Merci de votre question. En ce qui concerne les services de transition améliorés, cela fait partie intégrante de ce que le chef du personnel militaire a mis en place pour nous assurer de ne pas libérer un militaire avant qu’il soit prêt. Il arrive parfois que cela ne fonctionne pas aussi bien que je le souhaiterais. Ces cas sont rares. Nous en entendons très souvent parler, mais ce sont maintenant pratiquement des cas particuliers.

La grande majorité des militaires réussissent leur transition, mais je n’en suis pas suffisamment certain. Voilà pourquoi je tiens à professionnaliser le processus. Je ne veux pas que cela puisse varier d’un endroit à l’autre au pays. Il est possible de recevoir un excellent service à la base A et un service qui laisse à désirer à la base B. Je dois m’assurer que tous les militaires profitent du même service partout au pays.

J’ai parlé de la question des pensions. Certains dossiers sont extrêmement complexes, et le militaire doit participer au processus en soumettant les bons documents qui décrivent ses états de service et en s’assurant que les renseignements qui confirment la pension à laquelle il a droit corroborent ces documents.

Nous avons des systèmes de paye qui rendent le tout extrêmement difficile. Si vos états de service sont scindés, que vous avez alterné entre la Force de réserve et la Force régulière ou que vous avez divers types de classes de service de réserve, il est extrêmement difficile de calculer rapidement avec tous les documents en main la pension à laquelle vous avez droit.

Bref, nous avons eu des cas où des gens n’ont pas reçu leurs pensions durant une longue période. À mon avis, l’une des manières de remédier à la situation est de reconnaître que la personne a au moins droit à une certaine pension et de la lui verser. Si nous nous occupons maintenant, en marge, de tout le reste auquel le militaire aura droit, le reste suivra peut-être.

Je ne suis pas actuaire, mais je crois que nous avons beaucoup de pain sur la planche à ce sujet. Je préférerais que les militaires restent dans les Forces canadiennes et reçoivent leur plein salaire jusqu’à ce que tout le travail soit terminé et que nous soyons certains du montant de leurs pensions.

En ce qui a trait aux services de transition de carrière, je crois que nous avons un dialogue très actif et important au pays au sujet de l’embauche de vétérans, et j’en suis heureux. Je crois que des entreprises et des administrations municipales et provinciales emboîtent le pas. Pour faire le point sur la situation, je dirais que nous avons encore besoin d’énergie et de leadership en la matière. J’aimerais que des vétérans se voient accorder une préférence, parce que, comme la sénatrice Wallin l’a mentionné, bon nombre de vétérans entrent dans la main-d’œuvre civile pour la première fois et ne sont donc peut-être pas aussi habiles que d’autres pour décrocher un emploi, mais une organisation a vraiment beaucoup à gagner en les embauchant.

Selon moi, lorsque les employeurs de partout au Canada entendent les questions « Embaucheriez-vous un vétéran? », ou « Avez-vous un processus pour l’embauche de vétérans? », je crois que bon nombre prennent conscience de la situation, mais je suis d’avis qu’il faut mettre encore plus l’accent sur cet aspect pour que les employeurs et les gouvernements y prêtent attention.

Je dirais qu’il en va de même pour les familles. Les familles des militaires subissent souvent les mêmes facteurs de stress, mis à part les déploiements, mais elles ne subissent pas les mêmes facteurs de stress durant les déploiements que les militaires. Il est donc également possible que les membres de la famille réalisent qu’ils ne se trouvent plus dans la ville où ils ont vécu toute leur vie, qu’ils doivent maintenant déménager pour trouver un emploi ou qu’ils doivent faire la transition avec le militaire vers la vie après les Forces canadiennes avec tous les facteurs de stress qui l’accompagnent, en plus de devoir trouver un emploi.

Bref, j’aimerais que le Canada — et je vous suis reconnaissant de l’intérêt que vous portez à cet enjeu — s’engage activement à embaucher des vétérans et à s’occuper des familles et des conjoints.

Le président : Je suis d’avis que c’est notre responsabilité à tous. L’une des choses que nous entendons et qui me tracassent vraiment, c’est la question des personnes qui doivent être libérées parce qu’elles se sont blessées au travail. Corrigez-moi si j’ai tort, mais le médecin-chef — ou peu importe le nom qu’il porte dans l’armée — a un volumineux dossier sur ce militaire. Vous avez à votre disposition tous ces renseignements à son sujet. Cependant, lorsque les militaires sont libérés et deviennent des vétérans, leur cas doit être réévalué.

J’ai posé cette question lors des dernières réunions. À ce qu’il paraît, ce serait lié à la gouvernance. D’un point de vue externe, pourquoi ce dossier ne peut-il pas tout simplement être transféré? Pourquoi la personne doit-elle de nouveau se soumettre à une batterie d’examens? Voici ma théorie, et j’espère vous entendre dire que j’ai tort. Lorsque les militaires sont dans les Forces canadiennes et qu’ils sont blessés, ils reçoivent des soins. Toutefois, lorsqu’ils sont libérés et qu’ils deviennent des vétérans, ils sont évalués. Qu’est-ce que nous leur accordons? Le point de vue change, et les types de services changent. C’est ma théorie, et j’espère qu’une personne me fera mentir.

Pourquoi cela ne peut-il pas se faire sans interruption? Pourquoi n’est-ce pas la même personne qui les traite? À part le fait qu’ils ont peut-être quitté la ville, pourquoi doivent-ils être réévalués et se soumettre de nouveau à des examens?

Gén Vance : Je vous remercie pour votre question, madame la présidente. Je suis d’accord avec vous. Je vais essayer de vous donner quelques explications. Je sais que l’ombudsman en a également parlé.

La présidente : En effet. Je suis désolée de vous interrompre mais, si je ne me trompe pas, il a dit que c’était une question de gouvernance. Vous pourriez peut-être nous en dire davantage à ce sujet.

Gén Vance : C’est en partie un problème de gouvernance. Toutefois, je ne crois pas que quiconque qui occupe un poste supérieur au sein d’ACC ou des forces armées cherche délibérément à leur faire la vie dure. Si c’était un problème facile à résoudre, il aurait été résolu depuis longtemps. De nombreuses critiques ont été formulées, et souvent à juste titre, mais il n’en demeure pas moins qu’il y a des complexités tout à fait légitimes. Je vais vous donner un exemple.

La plupart des gens quittent les forces armées en bonne santé, en fait la grande majorité, et ce n’est qu’après coup que les symptômes se manifestent et qu’ils ont besoin des prestations et des services d’ACC. Je pense que 75 p. 100 des clients d’ACC se manifestent après avoir quitté les forces armées.

Par conséquent, l’avis du médecin-chef dans le dossier médical militaire importe peu. Ce qui se passe dans la vie de ces gens, en tant que civils, est peut-être lié à leur service militaire, mais ils ne sont plus en contact avec leur médecin militaire. Cela dit, il faut ménager la chèvre et le chou; autrement, on se trouve à faire fi de la grande majorité des gens.

Je suis d’accord avec vous; nous avons besoin d’une approche centrée sur les anciens combattants qui soit uniforme. Nous avons pris quelques mesures à cet égard. Il y a des commissions médicales qui regroupent des membres d’ACC, alors ce n’est pas une surprise pour le ministère lorsqu’une personne quitte les forces armées, pour des raisons médicales, et qu’elle a besoin de prestations d’invalidité ou d’une allocation pour perte de revenus, par exemple. Nous avons essayé, autant que possible, de combler l’écart jusqu’à maintenant, mais nous n’y sommes pas encore parvenus complètement.

Le médecin-chef est comme un système de santé provincial. Même entre les systèmes de santé au Canada, il n’y a pas toujours une transition en douceur ni une communication de renseignements médicaux. Ce n’est donc pas seulement une question de gouvernance. Il y a les lois et les règlements, et le médecin-chef joue un rôle clé à ce chapitre.

Cela dit, dans le contexte d’une transition efficace, si on adopte une démarche centrée sur les anciens combattants, où les forces armées et Anciens Combattants Canada collaborent du début à la fin, c’est-à-dire jusqu’à ce que la personne retire son uniforme, si cette personne a besoin de prestations d’ACC, tout cela devrait être réglé avant qu’elle ne quitte les forces armées. Pour ce qui est des personnes qui prennent leur retraite en bonne santé, mais qui doivent revenir dans le système, le ministère des Anciens Combattants pourra facilement consulter leur dossier de transition et prendre connaissance de leur situation.

Nous devons également nous assurer que les personnes qui ont pris leur retraite alors qu’elles étaient en bonne santé et qui doivent revenir dans le système en raison d’une maladie latente, inconnue ou nouvelle soient reconnues. Leur dossier médical indiquera tous les soins qu’elles ont reçus par le passé. Ce n’est donc pas une entité inconnue.

Je pense que j’ai répondu à votre question. C’est donc en partie une question de gouvernance. Nous voulons combler cet écart pour assurer une transition harmonieuse et veiller à ce que le dossier médical de la personne soit utilisé pour la suite des choses. Il y a quelquefois des différences d’un système à l’autre. Il est essentiel de savoir comment nous allons procéder, et ce ne sont pas toutes les décisions qui ont été prises encore à cet égard. En fait, nous sommes en train de déterminer la meilleure façon de mettre en place cette approche centrée sur les anciens combattants. Qu’est-ce qui amène l’ancien combattant à recevoir une allocation pour perte de revenus ou des prestations d’assurance? Est-ce parce qu’il ne peut plus travailler au sein des forces armées? Car vous avez raison, le système que nous avons au sein de l’armée est déclenché lorsqu’une personne n’est plus apte à travailler, peu importe la raison. Si on ne peut plus travailler, le régime d’assurance entre en jeu, car il s’agit d’une assurance et qu’on paie des cotisations.

Je n’irais pas jusqu’à dire qu’il s’agit d’une fonction de vérification ou de remise en question, parce que je considère qu’Anciens Combattants aborde la situation avec une grande compassion. N’empêche qu’il faut tout de même déterminer si la blessure ou la maladie du membre à la retraite est liée au service ou non. Ses problèmes de santé sont-ils attribuables à son service? Le niveau et le type des prestations peuvent varier en conséquence. Est-ce que d’autres motifs sont en cause?

La décision que vous devrez prendre sera différente de la mienne ou de celle de mon organisation, qui est très binaire: pouvez-vous servir ou non?

Madame la présidente, sachez que nous nous penchons là-dessus en ce moment et que nous envisageons différentes options pour en arriver au meilleur système possible, un système centré sur les anciens combattants qui soit logique et efficace.

[Français]

Le sénateur Dagenais : J’ai une dernière question pour vous, général Vance. Corrigez-moi si je me trompe, mais j’avais l’impression que, lorsqu’on quitte les Forces armées canadiennes, la réserve peut être un refuge, c’est-à-dire qu’une personne peut quitter l’armée régulière pour aller servir dans la réserve. Cela pourrait être une solution. Pouvez-vous m’expliquer pourquoi la réserve aurait perdu la place qu’elle occupait? Je sais qu’on a de la difficulté à trouver des réservistes. La réserve peut-elle toujours offrir une solution lorsqu’un soldat veut quitter l’armée régulière?

Gén Vance : Merci, sénateur.

[Traduction]

Premièrement, je ne veux surtout pas m’opposer à ce que vous dites, mais je tiens à dire que la Force de réserve n’est pas un refuge. C’est un endroit où le personnel est hautement performant et aide grandement le Canada à s’acquitter de ses obligations en matière de défense. Toutefois, je ne pense pas que c’est ce que vous avez voulu dire. Est-ce que les gens peuvent se trouver un emploi au sein de la Force de réserve? Absolument, à condition qu’il y ait des postes vacants, que les personnes aient les compétences voulues, qu’elles soient aptes et prêtes à servir, qu’elles procèdent à un transfert de catégorie de service, c’est-à-dire qu’elles passent de la Force régulière à la Force de réserve, mais sachez que c’est un processus difficile et complexe.

Comme je l’ai dit dans ma déclaration, j’aimerais que la transition soit plus fluide.

Si une personne se retire des forces armées, si elle quitte la Force régulière et se met à la disposition de la Force de réserve, soit parce qu’elle veut conserver un statut militaire ou travailler à temps partiel, par exemple s’il y a quelque chose qui se passe dans sa vie et qu’elle aimerait s’y consacrer à temps partiel, c’est possible, mais c’est beaucoup trop complexe. Le processus est d’une complexité déconcertante. J’aimerais pouvoir le simplifier.

Je ne voudrais pas que la Force de réserve devienne une solution de dernier recours vers laquelle se tournent les membres qui ne sont plus aptes à servir dans la Force régulière. Ce n’est pas là le but de la Force de réserve. Elle doit générer la capacité voulue, et nous voulons la financer et l’équiper en conséquence.

Il devrait être possible pour une personne de passer de la Force régulière à la Force de réserve, puis de nouveau à la Force régulière, si elle souhaite avoir une période de stabilité ou se spécialiser dans un domaine quelconque. Il faut absolument simplifier cette transition.

Lorsqu’une personne s’est blessée dans les forces armées ou ne s’est pas qualifiée pour servir dans la Force régulière, certains voient la Force de réserve comme une solution de rechange. Il faut faire très attention. La Force de réserve ne doit pas être considérée comme une voie de garage. Les réservistes sont des soldats citoyens à temps partiel dont la contribution est extrêmement précieuse.

Ce que j’essaie de faire ici, lorsqu’une personne est blessée, c’est de regarder au-delà de la politique de transition de trois ans. Y a-t-il des emplois au sein des forces armées que cette personne pourrait occuper pour le reste de sa carrière sans être déployée? Est-ce envisageable? Je vais être très franc avec vous. C’est très difficile à faire, parce que les Canadiens veulent avoir — et en ont besoin — des membres qui pourront être déployés et qui seront prêts à intervenir dans des situations de crise et de conflit. Si, au sein des forces armées, nous avons des gens qui peuvent être déployés et d’autres non, cela rend les choses plus difficiles. Certaines personnes sont déployées tout le temps, d’autres jamais, alors ce sont toujours les mêmes qui subissent tout le stress des déploiements, des transitions et de ce mode de vie. Il ne faut pas être injuste envers ceux qui sont capables d’alterner les tâches qui sont en quelque sorte plus statiques. Nous devons donc faire preuve de prudence ici.

Cela dit, j’examine la situation. Je me réjouis à la perspective de donner, dans les mois ou les années à venir, des conseils au ministre et au gouvernement sur la meilleure façon de gérer cette situation.

Je vais vous expliquer pourquoi. Une personne blessée peut être encore capable de jouer un rôle ou même d’assumer ce que les gens appellent un emploi de bureau. Toutefois, il n’y a pas d’emplois de bureau dans les forces armées. Il se peut que, quotidiennement, vous vous rendiez à un bureau pour travailler, mais tous les membres peuvent être appelés à servir sur le terrain.

Le fait est que nous avons beaucoup investi dans cette personne. Nous lui avons fourni cette identité, nous lui avons appris le leadership et nous lui avons permis d’acquérir des compétences techniques. En poursuivant son service au sein des forces armées, si elle le souhaite et si cela nous convient, elle pourrait être en mesure d’offrir un travail d’une incroyable valeur.

Au bout du compte, le service l’emporte sur la personne. Nous devons être en mesure de faire le travail que notre pays exige de nous, avant de prendre soin de nous-mêmes. C’est l’essence même de ce que nous sommes. Parfois, les gens perdent cela de vue. Néanmoins, je pense que des possibilités existent.

Je sais que ma réponse est longue, mais j’aimerais simplement ajouter un autre commentaire. À un moment donné, ces personnes devront quitter l’uniforme. Nous passons tous par là. Tôt ou tard, nous devons tous effectuer la transition vers la vie civile. Je veux m’assurer que, si le cheminement de carrière de quelqu’un consiste à passer du temps dans la Force régulière, puis dans la réserve, pour finir par prendre sa retraite et faire quelque chose d’autre, je ne considérerai pas cela comme un revers. Je pense que cela peut être une façon valable pour certaines personnes de réduire la durée de leur service dans la Force régulière et de passer davantage de temps dans la réserve. Ainsi, ils peuvent consacrer plus de temps à d’autres activités.

Nous allons devoir examiner les conditions de service et les aspects financiers liés à ce cheminement de carrière. Vous ne pouvez pas prendre votre retraite des forces armées et recevoir une pleine pension, tout en étant pleinement rémunéré pour un emploi dans la Force de réserve. On appelle cela un cumul de traitement et de pension. Cela se faisait dans le passé, mais ce n’est plus vraiment le cas maintenant.

La sénatrice Wallin : En ce qui concerne cette même question, j’ai rencontré une jeune femme qui était pilote et qui a partiellement perdu son ouïe. Elle peut être déployée sans problème, sauf comme pilote. Cependant, il y a de nombreux autres postes qu’elle pourrait occuper dans ce domaine. Il y a donc un grand nombre de gens dans cette situation.

Quel rôle le programme Services de bien-être et moral des Forces canadiennes joue-t-il dans votre système?

Gén Vance : Le directeur général du programme Services de bien-être et moral des Forces canadiennes me rend des comptes directement, compte tenu de mes responsabilités non liées à des fonds publics, et rend des comptes au Chef du personnel militaire en tant que directeur général des Services aux familles des militaires.

Le programme Services de bien-être et moral des Forces canadiennes est essentiel. Ce système est très ancien. Il existe depuis la Première Guerre mondiale, à l’époque où les soldats démobilisés et leur famille avaient besoin de soutien. Le programme repose sur une aide publique et non publique.

Cela représente une part active et dynamique des activités que nous exerçons dans les forces armées. Il s’agit d’activités de toutes sortes qui vont des services de loisirs et d’aide fournis aux familles aux perspectives offertes aux jeunes. C’est une partie très importante de ce que nous faisons.

Au cours de la Conférence des Associations de la Défense, j’ai communiqué l’idée selon laquelle il est nécessaire que nous renforcions considérablement ces activités. Lorsque nous examinons l’aide aux familles, nous devons tenir compte du fait que, dans le passé, nous étions logés sur les bases militaires et très isolés de la population canadienne. Nous avions nos propres services de police, nos propres centres commerciaux, et cetera. Notre mode de vie était un peu subventionné. Ces avantages ont disparu. Dans la plupart des cas, nous participons maintenant à l’économie.

Ce faisant, nous avons perdu un peu de l’attention que nous recevions en étant confinés sur une base et en bénéficiant d’une norme de service plus ou moins égale partout au pays et à l’étranger. Ce genre de certitude en matière de qualité de vie, cette existence régulière que vous pouviez mener peu importe où vous vous trouviez, s’est envolé. Dans certaines régions, vous pouvez toujours vivre sur des bases, mais vous devez acheter une maison, et vous êtes soumis à la volatilité des marchés. En outre, la base peut vous offrir ou non des services, des établissements d’enseignement, un médecin et tout le reste.

Le programme Services de bien-être et moral des Forces canadiennes et les Service familiaux vont devenir de plus en plus importants alors que nous tentons d’offrir un genre de base militaire virtuelle à laquelle les gens peuvent se rattacher, qu’il s’agisse du Centre de ressources à la famille ou des services offerts par la Direction générale des services aux familles des militaires qui vous aident à vous adapter, à effectuer la transition d’un déménagement à l’autre, et qui veillent à ce que vous vous établissiez dans votre collectivité. Ces programmes ont un rôle à jouer dans toutes ces étapes. Pendant que vous êtes posté quelque part, ces services garantissent que votre qualité de vie est aussi élevée qu’elle peut l’être compte tenu du fait que vous êtes de passage.

La sénatrice Wallin : Je pose la question parce que non seulement les membres des Forces canadiennes doivent effectuer la transition, mais aussi leurs familles.

Gén Vance : Je suis tout à fait d’accord avec vous. En fait, il est vrai que toutes les transitions qu’un militaire entreprend au cours de son service s’étendent à sa famille, qu’il s’agisse d’un changement d’écoles ou d’un changement de voisinage, d’amis ou d’emplois. La famille doit vivre tous ces changements. Malgré cela, le militaire se rend compte que tout a plus ou moins été réglé pour lui. Si vous passez à un nouvel emploi, tout est prêt pour vous. Je dirais donc que le processus de transition est plus difficile pour les familles.

Puis il y a la transition finale au cours de laquelle la famille peut se trouver à un endroit où elle ne s’était jamais attendue à être. La famille n’a pas choisi de déménager à un autre endroit à ce moment donné ou au moment mis à sa disposition et, malgré cela, elle se retrouve là-bas; elle est coincée quelque part. À ce stade, les membres de la famille ont besoin de beaucoup d’attention — de toutes sortes de services qui vont d’une assistance pour permettre au membre et à son conjoint de trouver des emplois valorisants à une aide pour leur permettre de trouver un soutien médical ou un médecin de famille, et cetera.

J’aspire à ce que, dans le cadre de l’aide à la transition, la famille ait été bien conseillée et appuyée avant de vivre cet important changement dans leur vie. Je suis tout à fait d’accord pour dire que la famille doit être également soutenue.

La sénatrice Wallin : Confiez-vous ces services à la Direction générale de l’administration du personnel, ou demeurent-ils distincts?

Gén Vance : Les services de transition professionnels seront offerts par le service de transition.

J’aimerais qu’un éventail d’avantages soit offert. À l’heure actuelle, un projet pilote est en cours qui permet aux anciens combattants d’avoir accès aux Centres de ressources pour les familles des militaires, les CRFM. J’estime que les anciens combattants devraient avoir automatiquement accès à nos CRFM, nos programmes de loisirs et tout le reste. J’aimerais que ce soit le cas. Je ne vois aucune raison de leur en interdire l’accès, si ce n’est que pour nous assurer que nous disposons des ressources nécessaires pour gérer les demandes supplémentaires.

Au Canada, notre communauté compte un million de personnes, si vous prenez en compte tous les gens qui sont reliés aux forces d’une manière ou d’une autre. Nos CRFM ou nos autres programmes ne disposent pas d’une structure d’aide aux familles des militaires qui permet de soutenir un million de personnes. Nous devons donc étudier cet enjeu du point de vue des ressources, des programmes requis et de la manière de créer un sentiment de communauté, ce qui importe énormément.

La sénatrice Wallin : Je souhaite faire un suivi. Il s’agit en quelque sorte d’un sujet différent, mais, comme vous le savez, j’en suis sûre, l’ombudsman des Forces armées canadiennes a demandé d’avoir un bureau permanent indépendant qui rendrait des comptes directement au Parlement plutôt que par l’entremise du ministre ou, très souvent, du sous-ministre, c’est-à-dire les personnes dont il évalue le travail et qu’il peut critiquer. Je peux certainement comprendre pourquoi les ministres ne souscrivent pas à cette idée avec beaucoup d’enthousiasme, étant donné que cela aurait pour effet de donner ces questions en pâture au public. Les histoires négatives ont tendance à faire couler beaucoup plus d’encre que les histoires positives.

Cependant, voyez-vous des avantages à ce que les ombudsmans soient des mandataires indépendants du Parlement, qui rendent des comptes au Parlement plutôt qu’au ministre?

Gén Vance : Cette question dépasse de loin la portée de mon mandat, et je n’ai pas vraiment les qualifications requises pour y répondre.

Je peux vous dire que j’entretiens une relation de travail très positive avec l’ombudsman. Bon nombre des enjeux auxquels je m’attaque avec succès ont été abordés par la suite dans ses rapports. Donc, par définition, je suis bien disposé à l’égard de son rôle. Je travaillais à tout ce que je viens de vous décrire au sujet du processus de transition, avant que les rapports soient rendus publics. Par conséquent, je suis bien sûr ravi de constater l’attention qui est prêtée à ces enjeux.

Parfois, je ne partage pas l’opinion de l’ombudsman sur la façon d’exécuter un plan, comme c’est mon droit ou notre droit, en tant que membres de la Défense et des forces armées, d’examiner toutes les facettes de la façon dont nous mettrons quelque chose en pratique. Cependant, j’accueille favorablement les commentaires et les recommandations de l’ombudsman. Je ne me souviens d’aucun cas où mon point de vue a grandement différé du sien à propos de la nature du problème. Il arrive parfois mais rarement que l’apparence de nos solutions comporte quelques différences. Par exemple, dans l’un des rapports de l’ombudsman, il indique que le médecin-chef devrait déterminer si une blessure est liée ou non au service. Dans ce cas-là, l’ombudsman formule des observations sur la façon de résoudre un problème, au lieu de formuler des observations sur la nature du problème et de présenter ensuite le problème à ceux qui ont les qualifications requises pour procéder à une analyse complète de la façon dont le problème pourrait être résolu. Toutefois, je n’ai absolument aucune réticence à reconnaître le fait qu’un problème existe.

Dans le cas en question, le problème est tel que je vous l’ai décrit. Ce que fait le médecin-chef importe peu si 75 p. 100 des gens qui consultent ACC le font après avoir servi. Cela réglerait une partie du problème dans une partie des cas, mais pas le problème en entier.

Si nous voulons remédier à un problème et être équitables envers tous, nous devons ratisser plus large.

Nous approuvons en général — du moins, dans mon cas — ce que l’ombudsman a recommandé dans ses rapports en ce qui concerne la détection d’un problème. Je vois très peu de différences entre nos observations à cet égard.

À ce stade-ci, je ne ferai pas de commentaires à propos de son statut. Je pense que les choses fonctionnent bien telles qu’elles sont.

La sénatrice Wallin : J’ai compris. Merci.

La présidente : L’une des questions qui ont été soulevées, c’est que, lorsqu’une personne s’enrôle dans les forces, elle peut consulter un portail en ligne et tout obtenir — elle peut entamer en ligne une communication face à face afin de régler tous les problèmes qu’elle rencontre. Tout se trouve sur un seul portail.

Toutefois, ce n’est pas le cas pour les anciens combattants. L’ombudsman des vétérans nous a dit que plusieurs paliers de service existent et qu’ils sont offerts par des organisations distinctes. À l’heure actuelle, 15 différentes organisations jouent un rôle dans le processus de transition des membres, et chacune d’elles a un cadre de responsabilisation, un mandat et des processus qui lui sont propres. Je ne m’attends pas à ce que vous formuliez des observations à ce sujet, mais, lorsque vous envisagerez de professionnaliser le processus d’arrivée et de départ des membres, vous pourriez peut-être examiner le portail en ligne.

Général, je tiens à vous dire que, dimanche dernier, le sénateur White et moi avons assisté au service commémoratif qui s’est déroulé à Vimy. Nous étions tous deux là-bas, et c’était un moment très touchant. Je n’ai pu m’empêcher de songer à la période difficile que nous traversons en ce moment et au lourd fardeau qui pèse sur vos épaules, compte tenu de ce qui pourrait survenir.

Au nom de notre comité et du Sénat, veuillez dire à vos hommes et vos femmes que nous respectons ce qu’ils font, que nous avons confiance en leurs actions et qu’en outre, nous sommes assurément inquiets pour leur sécurité.

Je vous remercie infiniment de tout le travail que vous, vos hommes et vos femmes accomplissez au nom du Canada.

(La séance est levée.)

Haut de page