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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 27 - Témoignages du 21 novembre 2012


OTTAWA, le mercredi 21 novembre 2012

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 18 h 45 afin d'examiner, pour en faire rapport, la reconnaissance juridique et politique de l'identité des Métis au Canada.

Le sénateur Vernon White (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonsoir. J'aimerais souhaiter la bienvenue à tous les sénateurs et aux membres du public qui regardent cette réunion du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones sur CPAC ou sur le Web. Je suis le président du comité. Ce comité a pour mandat d'examiner les lois et les enjeux qui concernent les peuples autochtones du Canada, en général. Aujourd'hui, nous poursuivons notre étude des questions se rapportant à la reconnaissance juridique et politique de l'identité et des droits des Métis au Canada.

Ce soir, nous entendrons le témoignage de deux groupes : Nation Métis Québec, puis, Métis Nation of Canada.

Avant d'inviter nos témoins à prendre la parole, j'aimerais présenter les membres du comité qui sont ici ce soir : le sénateur Nick Sibbeston, des Territoires du Nord-Ouest; le sénateur Larry Campbell, de la Colombie-Britannique; le sénateur Jacques Demers, du Québec; le sénateur Dennis Patterson, du Nunavut, et le sénateur Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.

Chers collègues, je vous invite à vous joindre à moi pour accueillir, pendant la première heure, M. Aubin et M. Lachapelle, tous deux porte-parole de leur organisation, la Nation Métis Québec.

Nous avons hâte d'entendre vos exposés. Merci d'être venus aujourd'hui. Après vos exposés, les sénateurs vous poseront des questions.

Claude Aubin, porte-parole, Nation Métis Québec : M. Lachapelle ne parle pas très bien l'anglais; par conséquent, il s'adressera au...

Le président : Nous avons l'interprétation simultanée, au besoin.

M. Aubin : C'est bon.

Je vous remercie du fond du cœur de nous avoir invités à comparaître devant ce comité parce que, pour nous, c'est un peu un nouveau départ. C'est une chose que nous attendons depuis longtemps. Pour nous, c'est une sorte de reconnaissance.

J'aimerais commencer en disant ceci, pour bien établir ce que nous voulons vous communiquer au sujet de notre identité de Métis au Québec. Pour nous, les Métis sont les écrits spirituels, les parchemins vivants de toute grande paix, ou union, entre les peuples des Premières nations et de l'Europe. Les Métis représentent les traités physiques et spirituels scellés dans l'ADN. Je dis cela parce que j'aimerais vous conter une histoire; c'est ainsi que nous faisons les choses, nous contons des histoires.

J'ai apporté avec moi une chose qui n'a jamais quitté la Confédération depuis que nous nous sommes rassemblés à Wabanaki. C'est le Traité de la Grande Paix de Montréal. Cette boîte devant vous est la boîte du traité de 1701 — la boîte originale. Comme vous le voyez à l'avant : 1-7-0-1.

Pour nous, les Métis, c'est le début de notre véritable histoire. Nous savons que lorsque le peuple des Premières nations a rencontré les Français, il savait que quelque chose se produirait. Il y avait un génie politique qui pouvait prévoir toutes les choses qui se produiraient sur cette terre, et il savait qu'il devait faire quelque chose. Il savait que ces personnes parlant le français ne partiraient pas. Elles resteraient. Il savait donc qu'il devait former une alliance.

Aujourd'hui, en tant que Métis, je représente ce traité. Bien des gens se demandent pourquoi les Métis conservent de telles choses. C'est parce qu'elles reflètent qui nous sommes. Imaginez un peu : cet objet a été fait il y a 311 ans. Il représente les discours qui ont été prononcés à l'époque parmi les Premières nations. Il était dit que des membres de votre peuple épouseraient des membres de notre peuple, et que l'on verrait la naissance d'une toute nouvelle nation. Vous parlez à un descendant de ces peuples.

Souvent, les Métis de l'Est sont confondus avec les Métis de l'Ouest parce que les détails historiques ne sont pas toujours clairs. On a de la difficulté à concevoir que l'histoire a un début; elle ne commence pas au milieu. Commencer à faire le rapprochement de ces histoires favorise une plus grande compréhension de qui nous sommes en tant que peuple métis. Nous ne sommes pas seulement un peuple d'ascendance mixte; nous sommes un peuple qui a une continuité culturelle, et ceci est la preuve même de cette continuité culturelle.

J'ai aussi apporté une des médailles de la proclamation royale, la médaille du traité de 1757 conclu entre les Britanniques et les ancêtres de ma mère, les Huron Wendat. Voici une médaille qui a été remise à mes ancêtres métis lors de la guerre de 1722, juste avant que les Anglais tentent d'envahir les Français. Mes ancêtres ont joint leurs efforts aux leurs, parce qu'ils étaient nos alliés et parce qu'ils étaient aussi des membres de nos familles.

Cette histoire est une longue et ancienne histoire. Quand nous partirons d'ici, je veux que vous ayez véritablement vu qui nous sommes. Oubliez mes yeux bleus, ma peau claire ou mes cheveux blancs. Écoutez ce que nous allons vous dire pour vous amener à comprendre à quel point nos liens sont forts en tant que peuple autochtone.

Quand je parle de cela, je dois me reporter à mes propres ancêtres, comme mon grand-père. Mon arrière-grand-père a signé des traités wabanakis. Il s'appelait Ambrose St-Aubin. Il est décrit comme un grand blond aux yeux bleus. Voilà comment il était parce que son père avait épousé une Malécite de Passamaquoddy. Il est resté là et il a aidé ses parents autochtones des Premières nations dans leurs guerres et leur vie.

Quand je me rends à mon territoire, le territoire Wabanaki, qui est au Québec et au Nouveau-Brunswick, je n'ai pas besoin de présenter une carte généalogique pour dire qui je suis. J'ai la continuité culturelle de ce que je suis en tant que Métis, ce que mon père, mon grand-père et mon arrière-grand-père étaient et, quand je vais à la Confédération, ils savent qui je suis et ils s'attendent à ce que j'apporte ces choses avec moi. C'est très important.

Quand, au passage, je m'arrête à Tobique et je parle aux Nicholas, qui me sont apparentés, ils savent qui je suis. Je ne suis pas un Malécite. Je suis un Métis et ils le savent. Nous avons toujours été Métis. Quand j'arrive à la Confédération et parle de la boîte et des détails, ils savent de quoi il s'agit. Quand je parle à d'autres à mon arrivée, ils savent qui nous sommes; ils le savent depuis longtemps.

En tant que Métis, c'est là qu'est notre connexion avec les Premières nations, mais nous sommes toujours restés dans cette voie. Mon grand-père, du côté de ma mère, était Huron Wendat. On ne lui a pas demandé sa généalogie. On savait qui il était à cause de sa famille. Cependant, il a été Métis parce qu'en 1852, aux débuts de la création du système de réserve, ceux qui n'étaient pas en conformité avec la Loi sur les Indiens devaient rester dehors. Il était un Martineau, parce que sa mère avait épousé un Martineau, et ils sont restés dans les « 40 arpents » comme on dit au Québec. Cependant, ils savaient qu'il était aussi Métis et ils savaient qu'il avait des liens avec la collectivité; mais il devait toujours se considérer un Métis. Il ne le voulait pas, mais il se devait de respecter sa mère et son père. Voilà ce qu'il était.

Vous pouvez voir la connexion. Par la suite, ils l'ont aussi élu chef pour qu'il puisse siéger au conseil et parler des personnes et des parents qui vivent en dehors des collectivités. Ces collectivités qui se sont constituées en dehors des collectivités des Premières nations ont développé leurs propres identités, leur propre perspective culturelle, ce qui était merveilleux. Nous étions qui nous étions; nous étions respectés pour ce que nous étions.

Malheureusement, aujourd'hui, tout le monde veut voir ça autrement. Tout le monde pense que nous devons passer par la généalogie pour définir qui nous sommes. Ma femme est une Crie de Saskatchewan et, si elle devait passer par le processus généalogique, je ne pense pas qu'elle serait reconnue au titre de la Loi sur les Indiens. Cependant, sous le régime des clans familiaux, tout le monde sait qui elle est. C'est la même chose pour moi en tant que Métis. Nous sommes toujours interconnectés étroitement. C'est ça être Métis. Nous sommes interconnectés avec les Premières nations, et ce n'est pas un secret. Parfois, ils en sont contents, d'autres fois, ils ne le sont pas; mais c'est tout ce que je peux vous dire au sujet de ce qu'être un Métis représente.

Larry Chartrand et Mme McGregor vous ont parlé de questions juridiques très importantes. Je n'aborderai pas ce sujet. Je veux que vous vous souveniez du Métis de Québec qui est venu ici tenter de vous exposer qui il est en établissant ses liens avec son peuple, tous ses liens. C'est ce qui fait de moi ce que je suis aujourd'hui. Ne l'oubliez jamais. Je ne suis pas un Métis parce que j'ai des ancêtres autochtones; je suis un Métis parce que je suis une personne autochtone qui a, dans sa lignée, des ancêtres non autochtones. Cependant, c'est quelque chose que je dois respecter, car c'est ce qui me définit.

Si le sénateur Lovelace Nicholas était ici aujourd'hui, elle comprendrait ce que je dis. Le sénateur Lovelace Nicholas vient de la même collectivité autochtone que mon père. Des membres de sa famille et des membres de ma famille ont toujours été amis. Certains sont des Premières nations et s'identifient fortement comme tels, et d'autres sont Métis.

Je m'arrête ici, parce que je voulais simplement faire ressortir l'importance de cela; c'est notre continuité culturelle qui nous définit en tant qu'Autochtones.

[Français]

Claude Riel Lachapelle, porte-parole, Nation Métis Québec : Merci de nous avoir invités. Merci aux honorables sénateurs et à toute l'équipe.

Il faut comprendre que d'avoir un Riel ici, à Ottawa, fait un peu drôle du point de vue émotif. Comme le disait ma mère, il n'y en a qu'un qui a réussi dans la famille, et il a été pendu. Oui, effectivement, c'est ma famille.

Pourquoi je suis ici? Parce que j'ai été un acteur et témoin depuis les tout débuts de l'histoire contemporaine des Autochtones, des Métis au Québec. On parle du début des années 1970. Il y a eu beaucoup d'évolution dans ce dossier, si ce n'est que, depuis le jugement de la Cour suprême, dans l'arrêt Powley, plusieurs organisations se prétendent ou se disent Métis au Québec. Pour nous, c'est un affront parce que nous sommes à peine 1 500 ou 2 000 au Québec. Nos familles sont directement liées à nos familles de l'Ouest, au Manitoba et en Saskatchewan. Ce sont nos familles, ce sont nos cousins.

Il est bien important de comprendre que, même si des personnes sont métissées, elles ne sont pas nécessairement des Métis, car nous avons toujours conservé notre clan familial et notre culture. On le fait comme on peut, et on parle aussi le michif. Cela nous a été dit, on l'a appris de nos parents, de nos grands-parents et de nos arrière-grand-parents. Les Métis qui sont dans l'Ouest canadien proviennent tous de Lanaudière au Québec. On parle entre autres de Terrebonne et de Saint-Gabriel-de-Brandon. Le tout est intimement lié avec l'industrie de la fourrure avec la compagnie du Nord-Ouest. Ce fait est indéniable et on ne peut pas le changer. On a toujours conservé nos clans familiaux.

On a toujours été près des Premières nations. Nous avons toujours été distincts, mais nous avons toujours été proches. Durant les dernières années, ce fut peut-être une de nos erreurs à nous, les Métis du Québec, parce qu'on avait des familles au sein des Premières nations, et on voulait vivre notre métissité auprès des Indiens. Or nous nous sommes rendu compte, lorsque la loi C-31 est arrivée, que nous n'étions pas des halfbreeds mais des Métis. On avait vécu à l'extérieur des communautés. Et quand la loi est arrivée, on s'est fait traiter de Métis indiens. On ne voulait pas être des Indiens. Nous sommes des Métis.

Encore aujourd'hui, j'ai de la famille qui demeure sur la réserve et qui vivent cette discrimination. Quand cela fait leur affaire, les conseils de bande diront que tu es un Métis, et quand cela ne fait pas leur affaire, ils disent que tu es un blanc. Cette situation dure depuis 350 ans, et nous sommes très peu.

On pourrait s'en parler longtemps. Depuis le jugement Powley, en 1992, plein de monde au Québec se prétendent Métis, pour avoir des droits territoriaux et des droits au niveau de l'impôt. Je puis, vous dire que les Métis au Québec, on ne peut pas revendiquer des droits territoriaux parce qu'on n'a pas de territoire. Les territoires appartiennent aux Premières nations.

Si un jour il faut faire des revendications territoriales, on va les faire auprès des Premières nations, car nous avons toujours été des squatteurs. Vous n'avez qu'à regarder l'histoire. C'est un peu différent avec les Métis du Manitoba, de la Saskatchewan ou de l'Alberta. Au Québec, c'est la motherland pour les Métis. Là-bas, c'est le homeland.

Donc, il est important que Claude Aubin et moi-même ayons le privilège et la chance, et je vous en remercie beaucoup, de donner ces informations qui sont des plus pertinentes. Je ne vous cacherai pas, encore une fois, que nous sommes encore oubliés. Présentement, le gouvernement du Québec est en cour avec des organisations Métis. Nous suivons la situation. Un des traits culturels des Métis est que nous sommes observateurs. Nous ne sommes pas des combattants. Devant cette situation, nous nous demandons ce qu'on peut faire.

Or, nous sommes ici ce soir et nous avons la chance de vous expliquer qui nous sommes, avec nos clans familiaux et notre langue. Et si nous avons pu faire quelque chose pour faire avancer les choses, pour se faire connaître et se faire comprendre, nous aurons accompli quelque chose, M. Aubin et moi, ce soir.

Vous avez peut-être des questions, et je suis prêt à vous répondre.

Le président : Je vous remercie. Nous passons maintenant aux questions, en commençant avec le sénateur Campbell.

[Traduction]

Le sénateur Campbell : Bienvenue. Je trouve intéressant que vous ayez des preuves remontant à 1701, chose que je ne pense pas que nous ayons entendue dans le cadre de l'étude de cette question. Cela s'explique peut-être par ce que vous êtes, je crois, le premier Métis que nous entendons venant de l'Est du Canada.

Voici ma première question. À entendre M. Lachapelle, il ne semble pas y avoir d'écart entre Métis de la rivière Rouge et Métis du Québec, et ceux-ci sont cousins. Je me trompe peut-être, mais ce n'est pas l'impression que j'ai retirée quand nous avons entendu l'autre groupe métis. J'ai de la difficulté à comprendre cette différence.

M. Aubin : Je vais baisser la voix, parce que je me pensais dans une hutte délivrant un discours à la Confédération. Ce que vous dites est assez intéressant, mais là encore, cela revient à l'importance de l'histoire. Nous devons aussi nous éduquer. Il se trouve que nous faisons d'importantes démarches avec les Métis de l'Ouest. Par exemple, à l'heure actuelle, nous négocions un pacte d'union avec les Métis de la Saskatchewan et ceux-ci commencent à se rendre compte que leurs familles et nos familles sont les mêmes.

Ils commencent aussi à se rendre compte, en apprenant un peu plus au sujet des débuts de l'histoire métisse, que les Dumont et les Riel qui sont allés dans l'Ouest étaient déjà Métis en partant d'ici. Ils apprennent qu'ils ont quitté pour la même raison que d'autres ont quitté les Prairies pour aller à Batoche et ont fini au lac La Biche et plus loin encore; c'était pour tenter de trouver un endroit sûr.

Ce qu'il y a de bien est que bon nombre d'entre eux sont revenus. Les Gariepy sont revenus. Certains des Riel et certains membres de ma famille sont revenus. Ce ne sont pas toutes les familles métisses qui sont allées dans l'Ouest, mais il y en a toujours une.

Tout cela présente une grande beauté. Quand nous avons reçu les médailles la semaine dernière pour la guerre de 1812, nous étions tous ensemble et cela était très beau. Les gens de la Saskatchewan, de l'Alberta, du Manitoba, de l'Ontario et du Québec étaient côte à côte, et nous nous sommes tous reconnus.

Ce n'est qu'une question de temps. Je suis très confiant que les nations métisses feront partie du Ralliement national des Métis, que nous considérons être la nation métisse du Canada. Les nations métisses de ces quatre provinces tendent la main. Elles commencent à voir l'importance de réunir la grande famille.

Le sénateur Campbell : Pensez-vous que cela pourrait être encore plus puissant? Par exemple, je vois que nous avons ici M. Fequet, de la Métis Nation of Canada. Pourquoi ne serait-il pas à la même table que vous? Pourquoi est-ce que vous ne nous présenteriez pas une image plus puissante, avec vous tous unis ici? Je comprends maintenant, après avoir entendu ce que vous dites, mais ce n'est pas ce que nous avons entendu précédemment. Je me demande pourquoi nous ne voyons pas le même tableau que vous nous décrivez de la cérémonie des médailles la semaine dernière.

[Français]

M. Riel Lachapelle : J'aimerais souligner un fait. On est en contact de plus en plus avec les gens de l'Ouest; entre autres, la Saskatchewan. Effectivement, je suis un Riel; c'est ma famille. Mais il y a quand même aussi d'autres familles. Si on prend des Chartrand, des Gariépy, des Morin; c'est aussi mes familles. Ce sont des petits-cousins qui sont là-bas. Il y a une brisure. Batoche a été un choc phénoménal pour les Métis. Cela a été aussi chapeauté — faut pas se le cacher — avec l'Église catholique et la Société Saint-Jean-Baptiste qui ont mêlé justement les Franco-Manitobains avec les Métis. C'était pas bien d'être un Métis.

Sans recommencer toute l'histoire, il y a eu quand même une peur, une insécurité et il y a eu un retranchement. C'est la réalité aujourd'hui. Quand vous parlez des Chartrand; écoutez, j'aimerais bien cela voir le président de la Manitoba Metis Federation parce que c'est mon cousin, c'est mon petit-cousin. J'aimerais ça lui parler et le saluer. Vous savez, c'est un peu comme les Acadiens. Prenez les Acadiens du Nouveau-Brunswick avec les Acadiens de la Louisiane, ce sont les mêmes Landry, les mêmes Arsenault, et cetera. On a une histoire commune.

On parlait dernièrement avec les gens de la Saskatchewan qui disaient avoir un problème, parce qu'après 150 ans, on arrive au Québec et on arrive justement dans Lanaudière. Pourquoi est-ce qu'ils étaient là? Parce qu'il y avait la Compagnie du Nord-Ouest avec McTavish, et cetera. Ce n'est pas nous qui le disons; les archives sont là, l'histoire le dit comme tel. On n'est pas beaucoup au Québec — peut-être 1 500 — et on était toujours un petit peuple oublié. On est en train de se retisser des liens familiaux. Je ne vous cacherai pas que c'est quand même émouvant, parce qu'on se dit que c'est notre nation, notre peuple. On parle quand même le michif, et ici ou là-bas, que ce soit à Saint-Laurent ou ici au Québec, c'est le même. Le peu de Métis que nous sommes ici, on est liés directement avec l'Ouest, à cause justement de l'histoire de la fourrure, de la Compagnie du Nord-Ouest avec l'Ouest. Ce sont les mêmes. Sauf que c'est sûr qu'il y a des questions politiques, des questions de langue, et cetera. Mais on commence.

Aussi, et là, c'est une notion bien importante à comprendre; au début des années 1970, il y avait l'Association des Indiens du Québec et on a formé l'Alliance laurentienne des Métis et Indiens sans statut. On était très peu de Métis. Il y avait beaucoup de ceux qu'on appelle les C-31, qui ont gagné leur statut d'Indien. Quand cette loi a été adoptée, ils ont regagné leur effectif de bande, mais nous les Métis de souche, étions à peu près 10 ou 15 p. 100 de ceux-là. Ceux qui pilotaient l'Alliance laurentienne des Métis et Indiens sans statut, c'était ceux qu'on désignait les C-31. Ils ont changé l'organisation pour l'appeler l'Alliance autochtone du Québec. Mais nous, les Métis de souche, on s'est encore fait tasser et sur le plan politique, à Ottawa, ils ont formé le Native Council of Canada. C'est à ce moment qu'ils ont formé le Metis National Council. Mais nous, les Métis de souche, on était englobés par ceux qu'on désignait comme les C-31. Nous, nos gens de l'Ouest se sont dit qu'ils jouaient encore aux petits Indiens et que ce n'était pas des Métis eux autres, encore. Voyez-vous le casse-tête que nous avons? Voyez-vous l'importance d'être ici afin de démystifier cela?

Le mois dernier, nous avons eu une reconnaissance lors de la remise des médailles, pour les Métis et la guerre de 1812. C'était la première fois qu'on était avec nos familles du Manitoba et de la Saskatchewan. Le Manitoba n'existait pas en 1812, mais c'était nos mêmes familles. La Saskatchewan n'existait pas en 1812, mais c'était nos mêmes familles aussi. On recommence là, aujourd'hui, à tirer cela au clair.

Et justement, on utilise cette plate-forme. Et je le redis : nous sommes très fiers et très contents de pouvoir communiquer cette histoire. Cela date de 1701. On n'a pas trouvé ça chez Winners; c'est pas écrit made in China sous la boîte. On a nos familles, on a nos liens et maintenant les gens de la Saskatchewan, entre autres, viennent au Québec et nous disent qu'il faut faire quelque chose parce que, quand on fait notre généalogie il y a une coupure, parce qu'on arrive au Québec. C'est fabuleux, c'est passionnant ce qu'on est en train de vivre. C'est une page d'histoire incroyable. Imaginez-vous ce que les Acadiens ont vécu.

[Traduction]

Le président : D'autres sénateurs veulent poser des questions, et je ne veux pas perdre la possibilité d'avoir plus de questions. Si vous pouvez terminer, ce serait bien et, si vous avez déjà terminé, ce serait bien aussi. Merci.

Le sénateur Demers : Le son de votre voix est plaisant quand vous parlez avec passion. Je respecte cela; je ne pense donc pas que vous parliez trop fort.

[Français]

J'écoutais attentivement. Je vais vous poser quelques questions, mais essayez de rassembler le tout, s'il vous plaît. Est-ce que vous sentez que vous êtes chez vous au Québec? C'est ma première question.

Est-ce que vous êtes négligés — peut-être que ce n'est pas le bon mot — parce que vous êtes des Métis francophones? Sentez-vous cela? Parce que souvent, quand on est francophone, ce qui se passe dans l'Ouest, peut-être qu'on ne l'accepte pas. Je ne le sais pas et c'est pourquoi je pose la question.

Je vois que M. Aubin rire, mais est-ce que vous sentez qu'au Québec vous êtes vraiment chez vous et acceptés? Est-ce que vous sentez qu'au niveau des Métis anglophones, au Canada anglophone, qu'on vous accepte? Comment ressentez-vous cela?

M. Aubin : Au Québec et vis-à-vis le gouvernement du Québec, on ne se sent pas respectés à titre d'Autochtones. Parce qu'il y a une grande dynamique qu'il va falloir comprendre et qui a été soulevée par le sénateur Campbell.

Il faut dire que nous, au Québec, les Métis, on a gardé le vieux français. On parle comme les gens de Saint-Laurent et on se comprend. Mais les Métis de l'Ouest, avec tout le respect que j'ai pour eux, parce que c'est le dialogue qu'on a présentement, c'est que plusieurs d'entre eux sont assimilés à la langue anglaise. Plusieurs d'entre eux sont ce qu'on appelle des country-born c'est-à-dire qu'ils sont de souche anglophone, et non pas de souche francophone. Leur connexion Métis francophone, ils ne l'ont pas. C'est une connexion anglophone.

Pouvez-vous imaginer, demain, le Conseil national des Métis qui reconnaît la nation Métis au Québec au sein du Conseil, ce que ça pourrait vouloir dire? Ça veut dire qu'il va falloir ramener la langue michif; parce qu'il y a le michif français et il y a le michif cri. Ça peut chambarder toute une dynamique politique. C'est comme quand les Premières nations ont décidé, un jour, que leur langue c'était leur langue puis, que pour vraiment identifier ce qu'ils sont, il fallait qu'ils la maîtrisent à nouveau.

Les Métis sont dans cette transition. Présentement, les Métis de la Saskatchewan et du Manitoba, lorsqu'ils viennent nous voir, disent : « on a hâte que vous veniez, parce que quand vous allez arriver, on n'aura plus à sortir des fusils, là on va pouvoir se parler. »

Ils comprennent. Toutefois, il y a une résistance à ce fait. C'est une question de rapatrier et remettre l'heure juste à l'identité. L'identité, c'est l'histoire aussi. Et l'histoire c'est les liens, c'est les liens des familles. Si vous allez à Saint-Laurent, ils parlent le michif français. Si vous allez en Saskatchewan, il y a des endroits, des communautés, où ils parlent le michif cri. Mais c'est tout du michif. Il y a aussi les michifs assimilés à la langue anglaise.

Si vous prenez le tout, avec le temps, l'histoire, la reconnexion culturelle, tout retombera en place, j'en suis convaincu. Voilà 25 ans que je suis là, à expliquer la situation et faire parler les gens, à faire parler nos gens, à m'apercevoir qu'il faut aussi que je protège nos gens.

Il faut que vous compreniez aussi que, au Québec, une chose est importante. Tout le monde dira : « ah, mais j'ai une grand-mère dans ma généalogie, donc je suis Métis. » Qu'elle est difficile à avaler, pour moi, celle-là!

À mon avis, être Métis veut dire qu'il y a une continuité culturelle, un lien et un tissage qui se fait, il y a une histoire. Ce n'est pas pour moi une question d'argent car je n'en ai pas. Voilà 25 ans que l'on s'organise et on n'a pas un sou. Or, nous sommes toujours là. Ce n'est pas une question de bénéfices ou de taxes, comme le disait M. Riel. C'est pourquoi il est si important de reprendre possession de ce que nous sommes.

Pour répondre à la question du sénateur Campbell, on ne peut pas dire que demain on va partir une nation Métis du Canada, et n'importe qui se prétend Métis, « viens t'en, donne-moi 300 $, on va te donner une carte et tout va aller. » Je m'excuse, mais je dis non catégorique. Je ne pourrai jamais accepter une telle chose. Je ne peux pas.

J'ai vécu, je me suis fait taper dessus, j'ai subi toutes sortes de choses. J'ai subi ma métissité toute ma vie. Or, quelqu'un va arriver et dira qu'il a une grand-mère dans sa généalogie et le voilà Métis? Voyons donc! Il faudra qu'il me le démontre et qu'il me le prouve, non pas par sa généalogie.

Au Québec, sénateur Demers, plusieurs personnes reconnaissent qu'ils ont, dans leur généalogie, des antécédents autochtones. Toutefois, la question qu'ils doivent se poser est à savoir si cela fait d'eux des Métis? Voilà la différence.

[Traduction]

Le sénateur Sibbeston : Je viens des Territoires du Nord-Ouest, qui sont très loin. Je viens d'une famille métisse qui, à l'origine, venait de la vallée de la rivière Rouge au Manitoba. C'est la première fois que je rencontre des Métis de l'extrême Est.

Lorsqu'on regarde la façon dont notre histoire s'est développée, au fur et à mesure que les Français et les Anglais sont arrivés dans diverses parties du pays, invariablement, ils ont rencontré les Premières nations et, après un moment, se sont appréciés mutuellement et se sont mélangés. C'est en quelque sorte la naissance du peuple métis. C'est un phénomène qui, je crois, est unique au Canada.

Lorsqu'on lit l'histoire du Nord, nous avons différents explorateurs de l'Angleterre qui sont venus au Canada, généralement dans la région du Saint-Laurent. Ils ont avancé vers l'ouest et sont remontés jusqu'aux Territoires du Nord-Ouest. Ce sont les gens comme Mackenzie — et le fleuve au nord porte son nom — et Franklin et Simpson. Dans les livres d'histoire, il est dit que les groupes de gens que ces explorateurs avaient avec eux comprenaient des personnes appelées les Canadiens, et je suppose que ce serait les Métis que ces explorateurs auraient amenés avec eux. Ils étaient bons et résistants, des personnes du genre « coureurs des bois » qui savaient ce qu'est l'exploration et étaient disposées à partir loin de chez elle et rester loin de leur pays pendant des années et des années. Chez nous, on aurait vu les Métis qui étaient appelés Canadiens, ou entendu parler d'eux. Ai-je raison de penser que certains membres de ces groupes des explorateurs qui étaient appelés Canadiens étaient réellement des Métis de l'Est, du Haut-Canada et du Bas-Canada?

[Français]

M. Riel Lachapelle : Vous parlez d'histoire. Disons qu'il y a deux histoires. Quand il s'agissait des Français et des Anglais, c'étaient des victoires. Quand il s'agissait de nous, c'étaient des massacres.

Il y a deux histoires. Il faut faire attention aux livres d'histoire officiels. Si on regarde l'histoire de Batoche, à titre d'exemple, on dirait que c'était le premier ministre MacDonald qui a envoyé des troupes anglophones pour mater la rébellion du Nord-Ouest. Si vous consultez les archives, les premiers bataillons qui ont quitté pour combattre le fait français et les Métis au Manitoba n'étaient pas anglophones. C'étaient deux régiments, soit celui des Voltigeurs de Québec et le régiment des Fusiliers du Mont-Royal, à Montréal, avec les coups d'éclats, les drapeaux donnés à grosses pompes par la Société Saint-Jean-Baptiste. Ce n'est pas Riel qui vous le dit. Consultez les livres d'histoire et les archives. Les fameux drapeaux de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal sont présentement exposés dans le salon de l'état-major du régiment des Voltigeurs de Québec.

Pourrait-on, à un moment donné, refaire le casse-tête, se parler encore et s'expliquer?

Pour répondre à la question du sénateur Demers à savoir comment on se sent, nous, au Québec? En bon français, on se sent un peu cheap. On ne sait plus. On n'est pas Indiens, on n'est pas Québécois. On est Métis. Oui, je parle le français, mais je peux vous parler en michif parce que ma langue est le michif. Où se placer dans ce pays qui s'appelle le Canada?

Vous avez bien beau sortir l'article 35 de la Constitution canadienne qui dit que les peuples autochtones sont les Indiens, les Inuits, les Métis. Toutefois, où est-ce qu'on se place là-dedans?

M. Aubin : On n'est pas Québécois parce qu'on parle le français. Les Métis des Prairies parlent l'anglais parce que c'est la langue des provinces. Au Québec, les Innus parlent le français et pas l'anglais; les Montagnais parlent le français et pas anglais. C'est parce qu'on vit dans le contexte d'une réalité de cohabitation avec les gens du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Sibbeston : Je ne cherche certainement pas à être critique. C'est simplement ce que je pensais, une idée intuitive en quelque sorte. Je retire l'impression générale que les Français étaient plus ouverts, ou que les Français sont plus proches des Autochtones, vous savez. C'est seulement ma propre impression.

Historiquement, quand les Britanniques sont arrivés avec la Compagnie de la Baie d'Hudson, entre autres, et des gens comme le gouverneur Simpson et son neveu, Thomas Simpson — pour qui une petite ville dans le Nord a été nommée parce qu'il est allé dans cette région —, il semble que l'interaction entre les Britanniques et les Autochtones n'était pas aussi poussée. Ils ne se sont pas mélangés, et ils ne se sont pas mariés les uns les autres. Ils ont peut-être eu des maîtresses. On a entendu des histoires de Britanniques qui avaient des maîtresses, mais, invariablement, ils retournaient en Angleterre et laissaient leurs femmes. J'ai l'impression que les Français sont restés plus proches et étaient plus ouverts à l'établissement de liens. Il en va de même avec les Écossais. Dans le cas de bon nombre de ceux qui sont venus dans l'Ouest et dans le Nord, la Compagnie de Baie d'Hudson est allée les chercher aux îles Orcades, et plusieurs d'entre eux étaient écossais. Comme l'environnement était fort semblable, ils étaient très résistants. Ils ont tous fait des mariages mixtes et étaient disposés à épouser des Autochtones.

J'ai l'impression que les Français avaient de très bonnes relations avec les Autochtones. En déduisez-vous autant de votre histoire et de votre expérience?

[Français]

M. Riel Lachapelle : Malheureusement non. Aujourd'hui, au Québec, nous sommes beaucoup plus acceptés, mais les anglophones ont toujours été beaucoup plus ouverts vis-à-vis nous que les francophones, même dans le passé. Il ne faut pas se le cacher. Il y avait l'aspect chauvin des Français.

L'église catholique, qui est la Société Saint-Jean-Baptiste, était contre les Métis au Manitoba. Aujourd'hui, il y a beaucoup plus d'ouverture de la part des anglophones que des francophones au Québec, surtout dans un contexte de souveraineté. On ne s'entend pas du tout. Nous sommes ici. Sans entrer dans un débat politique, nous ne voyons pas cela d'un bon œil.

Aujourd'hui, le Québec sait qu'il y a le fait Métis au Québec et il nous tasse et ne veut pas nous reconnaître. Nous sommes rendus là. Mais pour répondre clairement à votre question, les ouvertures — et je ne dis pas qu'elles ont toujours été parfaites — du côté anglophone ont toujours été meilleures et de loin que celles du côté francophone.

M. Aubin : Pour des raisons politiques.

[Traduction]

Le sénateur Raine : Merci de nous avoir présenté votre vécu et votre histoire, que je trouve fascinante. Cela ne me surprend pas, parce que j'ai toujours su que les voyageurs et les explorateurs qui sont venus s'installer dans l'Ouest venaient du Québec et venaient d'un peuple très fort. Cela me semblait tout à fait logique que ces personnes soient spéciales, parce qu'elles avaient le meilleur de deux cultures. Je vous félicite de continuer à maintenir votre culture et à la chérir avec passion.

À la fin de cette étude, nous produirons un rapport avec des recommandations. Je commence à être de plus en plus convaincue que nos recommandations ne porteront pas sur les droits, les registres et autres choses du genre, mais porteront plutôt sur la culture et l'importance de la culture et de l'histoire. Il faut que cette histoire soit célébrée dans tout le Canada, ce qui n'est pas le cas ou n'a pas été le cas jusqu'à présent. Quand j'étais à l'école, par exemple, mon livre de la huitième année avait peut-être une demi-page sur le sujet des Métis — vraiment rien —, et je reconnais maintenant que les fondateurs de la plupart des colonies de Colombie-Britannique étaient des Métis.

J'aimerais poser certaines questions que nous avons posées aux témoins jusqu'à présent. J'aimerais un survol de votre organisation. Combien de membres avez-vous? Avez-vous des critères d'appartenance et avez-vous un registre des membres?

M. Aubin : Oui.

Le sénateur Raine : Combien de membres avez-vous?

M. Aubin : Environ 2 000. Cela inclut les adultes et les enfants.

Le sénateur Raine : Quels sont les critères d'appartenance de la Nation Métis Québec?

M. Aubin : Nous avons un code de citoyenneté; ce serait assez laborieux d'entrer dans tous les détails, mais ce code est fondé sur les clans familiaux. Nous connaissons nos familles; nous savons qui nous sommes et nous partons de là. Comme vous le savez, les règlements exigent quelquefois plus de détails sur le passé. Nous tentons de nous éloigner de cela, car nous commençons à comprendre que la généalogie ne réglera rien en ce qui concerne notre identité. Notre propre identité repose sur qui nous savons que nous sommes et qui sont nos clans familiaux. C'est vers cela, je crois, que nous nous dirigeons maintenant.

Le sénateur Raine : Avez-vous des cartes de membre, ou vous savez simplement qui vous êtes?

M. Aubin : Nous avons des cartes de citoyenneté, oui, et elles sont valides pour la vie; ce n'est pas quelque chose que vous devez renouveler. Nous ne sommes pas des membres, mais des citoyens.

Le sénateur Raine : Et aux jeunes, leur enseignez-vous ce que cela signifie d'être un citoyen métis?

M. Aubin : Absolument.

Le sénateur Raine : C'est très bien. Votre organisation participe à des activités visant à promouvoir et à protéger la culture métisse, n'est-ce pas?

M. Aubin : C'est exact.

Le sénateur Raine : Donnez-nous un exemple de certaines activités culturelles que vous menez.

M. Aubin : Tout d'abord, nous ne recevons aucun financement; par conséquent, nous sommes autonomes. Nous faisons ce que nous avons toujours fait. Si nous devons organiser quelque chose, nous mobilisons les gens. Les cuisiniers font certaines choses, et d'autres bâtissent les abris. Nous n'avons pas d'hôtels, donc nous bâtissons des huttes dans la nature. C'est ce que nous faisons. Quand nous avons nos rassemblements, nous les faisons autour d'un feu dans la nature. Les gens apportent de la nourriture et nous tenons nos réunions ainsi. Nous essayons d'utiliser le papier et les crayons dont nous disposons. Nous fonctionnons toujours selon le principe du consensus.

Nous faisons cela, et d'autres choses aussi. Nous participons aux festivités quand nous le pouvons, car il nous est très difficile de voyager, par exemple à cause du prix exorbitant de l'essence, entre autres. Nous sommes très sélectifs et nous cherchons à préserver cela. Quand nous sommes invités, nous y allons et nous participons.

Le sénateur Raine : Y a-t-il un endroit particulier réservé pour les rassemblements réguliers?

M. Aubin : À l'heure actuelle, nous avons un endroit près de Québec, à St-Raymond de Portneuf. Vous pouvez le voir sur notre site Web.

Le président : Je dois vous interrompre, madame la sénatrice. J'ai deux autres personnes qui veulent poser des questions et nous arrêtons dans cinq minutes pour le témoin suivant.

Le sénateur Campbell : Je ne parlerai pas de nouveau.

Le sénateur Raine : À qui appartient cet endroit?

M. Aubin : C'est une terre privée. C'est un terrain qui m'appartient et appartient à quelqu'un d'autre — un ami et voisin. Nous avons environ 50 acres.

Le sénateur Raine : Sans financement, vous arrivez à vous rassembler et à célébrer?

M. Aubin : Oui.

Le sénateur Raine : Je vous en félicite et je suis très heureuse de l'entendre. Merci beaucoup.

Le président : Je m'excuse, le sénateur Meredith de l'Ontario est arrivé en retard et j'ai oublié de le mentionner. Il est la prochaine personne à poser des questions.

Le sénateur Meredith : Merci beaucoup, messieurs, de venir nous parler ce soir. J'ai été intrigué et impressionné, monsieur Lachapelle, par le rassemblement « Retour à Batoche » cet été en Saskatchewan. J'y ai été exposé parce que j'y suis allé en tant que membre du comité pour en apprendre davantage au sujet de Louis Riel et ainsi de suite. Il y a un certain esprit de réunion.

La Loi constitutionnelle de 1982 reconnaît que les Métis font partie des Autochtones reconnus. Quelles ont été, d'après vous, les répercussions de cette reconnaissance pour les Métis?

[Français]

M. Riel Lachapelle : À ma connaissance, lorsque cela est arrivé, en 1982, selon la Loi Constitutionnelle, j'étais justement dans le milieu politique, dans une organisation qui s'appelle l'Alliance laurentienne des Métis et Indiens sans statut. Lorsque nous avons appris que c'était le premier ministre Pierre Elliott Trudeau qui avait inclus l'article 35, nous avons été estomaqués. On ne le croyait pas. Cela a été une bénédiction du ciel, un choc. Enfin!

Il s'est passé une évolution sur le plan politique. Il y a eu des ruptures avec le Native Council of Canada, il y a eu la Loi C-31 qui a bousillé cette vision, et on a repris notre identité, et 20 ans plus tard, on commence à parler avec nos jeunes de l'Ouest.

Je vous donne un exemple très court, et cela répondra peut-être à la question du sénateur Raine quant à notre nationalité ou notre affiliation. Nous voulions définir notre appartenance. On parlait d'un Gariépy. Quand nous avons rencontré les gens de la Saskatchewan, le Gariépy, qui était de la nation métis du Québec, avait la photo de Batoche où on montre les prisonniers et qui est présentement exposée à la Bibliothèque nationale.

On voit les indiens, on voit Big Bear, Poundmaker, on voit les Métis avec les chaînes aux pieds, et il dit : « Ça, c'est un Gariépy, ce sont mes trois oncles! Ce sont les frères de mon grand-père qui étaient là ». Comprenez-vous?

Quand on a présenté ces documents aux gens de la Saskatchewan, ils ont dit « hey, c'est vrai, là ». Il y a une émergence de la nation métisse comme telle. On revient à la notion de l'article 35, nous commençons à apparaître comme tels. C'est la raison pour laquelle nous sommes ici, M. Aubin et moi, pour vous faire part de cela; vous voyez, à la façon dont nous en parlons, que nous somme émus, et que nous sommes fiers. Et, à cause de l'article 35, cela a été un miracle pour nous. Cela a été le début. Et nous vous en remercions.

M. Aubin : C'est une très bonne question.

[Traduction]

Les répercussions ont été comme un rêve qui se réalise. Je pourrais vous le dire d'une certaine façon, et je n'aime pas le dire ainsi, mais il faut que je le dise, car cela fait partie de ma démarche.

Le sénateur Meredith : Dans la mesure où c'est propre.

M. Aubin : Je ne le dirai peut-être pas ici aujourd'hui, mais je dirai ceci. J'ai essayé de devenir un Indien. Pour pouvoir être reconnu comme un Autochtone, j'ai dû, à un moment donné, renoncer à mon identité. Cependant, quand la loi a accordé cette reconnaissance, j'ai eu un renouveau d'espoir. J'ai espéré, jusqu'au moment où, quand nous avons commencé à travailler avec des organismes comme le CNAC, nous avons perdu de vue, une fois de plus, le point de vue métis. J'ai dit non, nous ne recommencerons pas. Nous devons nous organiser en tant que Métis, nous devons créer une confédération de Métis, avec le Ralliement national des Métis. C'est ce que nous avons fait. Nous l'avons fait parce que nous voulons voir la réalisation des objectifs métis. Ensuite, nous nous sommes rendu compte que c'était quelque chose de très difficile à faire avec les Premières nations, parce que celles-ci ont leurs propres outils. Elles étaient toutes avec le projet de loi C-31.

Au Québec, nous avons fait la même chose; il nous a paru nécessaire d'organiser la nation Métis. Arrêtons de jouer avec les noms. Nous sommes la nation d'un peuple, nous sommes un peuple métis, une nation métisse. C'est ce que nous avons fait.

Cela nous a donné l'espoir de ne pas avoir à devenir Indien. Je suis devenu chef d'une collectivité de Première nation au Québec. J'ai aidé à restructurer la nation Malécite du Québec, la nation de mon père. Cela n'a pas fait de moi un Malécite. Je me suis senti si mal quand ma grand-mère m'a demandé : « Qu'est-ce que tu fais? Tu n'es pas un membre d'une Première nation; tu es un Métis. Ne l'oublie pas. Si ton grand-père était là, il serait très fâché. »

C'est alors que j'ai compris. Je suis très bouleversé maintenant, parce que vous me faites revenir sur ce que j'ai dû souffrir pour passer à travers tout cela. Je peux maintenant sourire et dire qu'il y a espoir. Je sais que quand le Ralliement national des Métis comprendra l'importance d'amener la Nation Métis Québec à se joindre à lui, il devra le faire. Il ne pourra pas ne pas le faire. Qu'est-ce que cette Constitution nous a fait? Elle nous a divisés pendant un certain temps mais, maintenant, elle nous rassemble à nouveau.

Le président : Une autre personne a une question à poser. Il va falloir qu'elle soit courte et que sa réponse soit courte, car nous avons un autre témoin à entendre.

Le sénateur Patterson : Monsieur Aubin, vous avez mentionné la demande d'affiliation au Ralliement national des Métis. Si j'ai bien compris, Nation Métis Québec a demandé l'affiliation dans une lettre au président Clem Chartier en 2008.

M. Aubin : C'est exact.

Le sénateur Patterson : Vous avez espoir que cela se produira. Y a-t-il eu des discussions? Où en êtes-vous avec cette demande?

M. Aubin : Nous avons envoyé cette lettre par principe. Quand on est en politique, on ne recule pas, on avance. Nous avons rédigé cette lettre non seulement en français et en anglais, mais aussi en michif. D'après la réponse que nous avons reçue, nous nous sommes rendu compte qu'il n'était pas prêt à envisager cela tout de suite.

Je ne blâme pas le Ralliement national des Métis de s'être souvenu de notre présentation à la commission royale en 1993. Ils n'ont pas oublié que nous ne les avons pas suivis quand ils se sont séparés du Conseil national des Autochtones du Canada.

Nous étions entre le marteau et l'enclume, entre l'arbre et l'écorce quand nous étions au CNAC. La majorité de l'organisation était contrôlée par les Premières nations et le projet de loi C-31, ou les Indiens non inscrits qui voulaient obtenir leur statut.

Rappelez-vous ce que je viens de vous dire; nous avons commis des erreurs par le passé. C'est un chemin de parcours; ce sont des erreurs de parcours. Nous savons maintenant que nous pouvons envoyer une lettre au président du Ralliement national des Métis, mais il y en a d'autres aussi. Il y a la Métis Nation of Saskatchewan et la Métis Nation of Alberta, ainsi que d'autres collectivités. Le meilleur moyen est de commencer par le bas et de remonter; nous avons donc changé notre démarche et remontons du bas.

Nous avons entamé une conversation avec les Desjarlais de St-Laurent et avec le président de la Métis Nation of Saskatchewan, ainsi que d'autres personnes qui nous ont toujours reconnus. C'est ainsi que nous avons procédé. Nous savons que cela va se réaliser. D'une façon ou d'une autre, cela va se réaliser, parce qu'ils ont besoin de nous. Ils ne peuvent se distancer de nous.

Le président : Merci beaucoup de votre présentation, monsieur Aubin et monsieur Lachapelle. Nous apprécions beaucoup que vous ayez pris le temps de venir ici ce soir. Je remercie aussi le comité pour les questions. Nous allons faire une pause de cinq minutes pour permettre à ces témoins de quitter et aux nouveaux témoins de s'avancer à la table.

Le sénateur Sibbeston : J'aimerais souligner la contribution de Bob Stevenson qui a été, à un moment donné, le président du groupe des Métis des Territoires du Nord-Ouest et qui vit maintenant à Akwesasne.

Le président : Notre prochain témoin nous vient de la Métis Nation of Canada. Souhaitons la bienvenue à Bryce Douglas Fequet, fondateur de la Métis Nation of Canada.

Si vous avez une déclaration, allez-y, monsieur, puis, nous passerons aux questions.

Bryce Douglas Fequet, fondateur, Métis Nation of Canada : C'est un honneur que d'être parmi vous, mesdames et messieurs qui avez tant fait pour notre pays.

J'aimerais commencer par remercier nos grands-mères. Sans elles, nous ne serions pas ici. C'est ma grand-mère qui m'a accueilli dans ce monde. Je ne suis pas né dans un hôpital. Je suis né à la maison.

J'aimerais aussi remercier les Premières nations et les Inuits. Ils étaient les Autochtones dans ce pays avant l'occupation européenne. Après cela, les Métis sont devenus qui nous sommes, et j'estime que nous avons fait beaucoup de chemin. Nous avons eu beaucoup de luttes, par le passé, mais à compter de maintenant, l'essentiel est de coopérer et de collaborer pour trouver les bonnes solutions qui seront à l'avantage de tous les peuples du Canada, y compris les Métis, les Premières nations et les Inuits.

Ma maman est une fière Canadienne, et elle s'identifie ainsi. Pour ma part, je m'identifie en tant que Canadien Métis avec une lignée inuit.

Dans une semaine exactement, j'aurai 54 ans. J'ai appelé mon père et je lui ai demandé : « Te souviens-tu de ce qui est arrivé le jour où je suis né? » Il a répondu : « Oui. J'ai ramené à la maison un porc-épic, deux lapins et sept perdrix. »

Je vis dans une région éloignée du Québec, la Basse-Côte-Nord, juste à la frontière du Labrador. Nous n'avons toujours pas de routes. Nous ne pouvons plus aller ramasser des œufs de mouette. Nous n'avions pas de poule, et nous mangions des œufs de mouette au printemps. Nous mangions des porcs-épics, des castors, des rats musqués, des écureuils et des oiseaux; cependant, aujourd'hui, il nous est interdit de procéder à quelque récolte que ce soit en raison des règles et règlements imposés par le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec.

Voilà qui je suis. Je choisis de m'identifier en tant que Canadien Métis et je suis très fier d'être Canadien Métis. Je vous ai remis un livret rouge. Je voulais partager cela avec vous parce qu'il est important pour moi que vous sachiez quelle est l'origine de la Métis Nation of Canada.

Je suis maçon en pierres de métier. J'ai travaillé en Alberta, en Colombie-Britannique et dans les Maritimes. Il est plus difficile de travailler au Québec, parce qu'on a besoin d'une carte de la CCQ, mais j'ai trouvé un emploi au Québec. Je suis le maire de ma municipalité.

[Français]

Je suis le préfet de la MRC du golfe Saint-Laurent.

[Traduction]

J'ai décidé que, pour rester chez nous, proche de mon père et de ma mère, j'avais besoin d'un emploi et le seul emploi que j'ai pu trouver a été en politique, à tenter d'améliorer le sort de mon peuple, et c'est ce que j'ai choisi de faire. Ça n'a pas été facile, mais comme tout défi dans la vie, on fait ce qu'il faut pour payer les factures et prendre soin de nos familles.

Je suis très fier de représenter ma municipalité, la municipalité de Bonne-Espérance, qui a une population de 842, incluant Middle Bay, Rivière-St-Paul et Vieux-Fort. Vieux-Fort a un certain cachet historique. C'est là où Jacques Cartier a atterri en 1534. C'est un secteur relativement inconnu de notre pays, mais il a l'histoire la plus ancienne.

Pas loin de mon village, il y a une île appelée Île Eskimo. Je ne sais pas quelle était la date exactement, mais il y a eu là une bataille entre les Indiens Montagnais, les Français et les Inuits, et 1 000 Inuits ont péri au cours de cette bataille. La bataille importante suivante s'est déroulée à Battle Harbour, au Labrador, et a marqué le point de non-retour pour les Inuits, car ils ont été vaincus. Ils n'avaient pas d'armes à feu, ils n'avaient que des lances et des flèches.

Mon ami M. Aubin était ici avant moi. Je le connais très bien. J'ai travaillé avec lui. J'ai travaillé avec Bob Stevenson. Bob m'a guidé à de nombreuses occasions. J'ai demandé conseil à d'autres personnes pour me guider dans mon parcours. Je ne sais pas où ce parcours va me mener, mais aujourd'hui, il m'a amené ici.

La naissance de la Métis Nation of Canada a été motivée par une certaine frustration de ma part. Je suis citoyen de Nation Métis Québec, mais nous ne sommes pas reconnus au Québec. J'ai reçu ma première carte... Je vais faire un léger retour en arrière. J'ai reçu ma première carte d'Autochtone de l'Association des Métis autochtones de l'Ontario. Je suis sûr que vous connaissez cette association. J'étais fier d'obtenir ce certificat attestant de mon statut d'Autochtone et j'ai pleuré quand je l'ai reçue. Je la garde sur moi. Cependant, quand j'ai décidé de quitter l'Ontario et de retourner au Québec, on m'a dit : « Tu dois abandonner cette carte. Tu dois adhérer à l'Alliance autochtone du Québec. » On m'a dit qu'il fallait que je renonce à ma carte d'Autochtone de l'Association des Métis autochtones de l'Ontario. J'ai répondu : « Non, je ne le ferai pas. Je suis très fier de cette carte. »

Les choses ne se sont pas bien passées avec l'AAQ; puis, j'ai découvert Claude Aubin, la Nation Métis Québec, et j'y ai adhéré pour voir si je pouvais aider les miens à l'aide de cette organisation. C'est ce qui est arrivé. J'ai aidé plus de 1 000 personnes à adhérer à Nation Métis Québec de la Basse-Côte-Nord pour obtenir leur statut d'Autochtone au moyen de la généalogie.

Cependant, les choses n'allaient pas comme je le voulais. En 2008-2009, je suis allé travailler dans l'Ouest. Je suis maçon en pierres de profession. Dans l'Ouest, j'ai vu toutes les choses que les Métis faisaient. J'ai été enthousiasmé par l'énergie différente et la publicité à la radio encourageant les gens à se former à un métier et à s'instruire. C'était merveilleux à entendre, mais au Québec, c'était le silence.

Je suis revenu chez nous en novembre 2008. Je me suis mis à l'ordinateur et j'ai recherché Métis Nation of Canada dans Google. Il n'y avait pas de Métis Nation of Canada. J'ai trouvé le Ralliement national des Métis, que je connais bien, et le Congrès des Peuples Autochtones. Je connais toutes les organisations qui existent. J'ai pensé, s'il peut y avoir une Nation Métis Québec, il peut y avoir une Métis Nation of Ontario; la Labrador Métis Nation a changé son nom; il y a la B.C. Métis Nation, et maintenant il y a la B.C. Métis Federation. Pourquoi n'avons-nous pas une Métis Nation of Canada, de sorte que tous les peuples, de partout au Canada, soient unis dans leurs efforts et collaborent pour atteindre le même but?

Dans mon ordinateur, j'ai fait une recherche auprès de Corporations Canada. J'ai payé 21 ou 22 $ pour obtenir le titre Métis Nation of Canada. J'avais 90 jours pour remplir ma demande, soumettre mes règlements administratifs et envoyer le tout avec un chèque de 200 $ à l'ordre du Receveur général du Canada, ce que j'ai fait. Quarante-cinq jours plus tard, j'ai appelé Corporations Canada, car ils avaient encaissé mon chèque, mais ne m'avaient pas répondu. J'ai pu parler à l'examinateur qui m'a dit que mes règlements administratifs avaient certaines lacunes. Nous avons travaillé ensemble, modifié les lacunes de mes règlements administratifs. Je les ai postés de nouveau à Corporations Canada. Le 16 mars 2009, j'ai reçu le document que vous voyez, nos lettres patentes pour la Métis Nation of Canada, avec la date rétroactive du 21 janvier 2009. Voilà comment la Métis Nation of Canada a vu le jour dans l'univers juridique.

Depuis lors, nous avons produit un petit site Web. Je suis arrivé à faire cela sans trop de frais. Je ne gagne pas beaucoup d'argent, mais je peux prendre un petit peu d'argent de ma tirelire à l'occasion. Voilà ce que j'ai fait. J'ai mis notre site Web dans le Portail des Autochtones au Canada et les gens d'un peu partout au Canada ont commencé à entrer en communication avec moi. Aujourd'hui, des personnes se joignent à la Métis Nation of Canada non seulement d'un peu partout au Canada, mais aussi des États-Unis d'Amérique, des personnes qui sont nées et ont vécu au Canada, mais qui travaillent maintenant aux États-Unis. Toutes ces personnes ont un dénominateur commun : elles sont fières d'être qui elles sont. La plupart de celles qui ont adhéré à la Métis Nation of Canada travaillent. Une ou deux ont demandé : « Si j'obtiens ma carte je n'aurai pas à payer de taxes, n'est-ce pas? » Non, désolé. Et quelques-unes ont demandé : « Si j'obtiens ma carte, je pourrai chasser et pêcher? » Désolé, non.

Nous vivons dans une démocratie, et il doit y avoir des règles et des règlements. Je crois en l'équité pour tous. Si vous ne prenez pas soin de vos ressources, vous vous retrouverez sans ressource. Je viens de la Basse-Côte-Nord du Québec où j'ai vu la pêche de la morue être quasiment anéantie. Maintenant, ils pêchent des espèces pélagiques avec de grands filets. S'ils n'arrêtent pas cela, nous allons perdre d'autres espèces. Je ne suis pas pour l'usage d'une carte autorisant la chasse et la pêche. Il faut avoir des règlements.

J'espère que, par le truchement de la Métis Nation of Canada, nous pourrons réunir tous les Métis et toutes les organisations métisses, indépendamment de leurs objectifs politiques, et les amener à travailler ensemble dans une alliance pour le plus grand bien de tous, et le plus grand bien du Canada. C'est tout ce que j'ai à dire.

Le président : Je vais poser la première question. J'essaie de déterminer combien de membres la Métis Nation of Canada a maintenant, et de quelles parties du Canada ils viennent, ou s'ils proviennent essentiellement de votre propre collectivité.

M. Fequet : En fait, je n'ai pas beaucoup travaillé dans ma propre collectivité. Je n'ai pas essayé de voler des membres à la Nation Métis Québec; je n'ai donc pas sollicité du tout mes gens. Je suis le maire de ma municipalité, et celle-ci ne voudrait pas me voir déployer des efforts sous un autre chapeau. Je dois ma fidélité d'abord aux gens qui m'ont élu maire.

Ceci étant dit, les soirs et les fins de semaine, je travaille pas mal pour la Métis Nation of Canada. Nous avons plus de 1 000 membres inscrits individuellement, mais nous avons aussi l'organisation Batoche Local 51, qui a adhéré en tant que collectivité, et nous avions la Nation Métis Québec jusqu'à il y a deux jours. Celle-ci faisait partie de la Métis Nation of Canada, mais j'ai reçu un appel il y a deux jours me disant que j'ai été renvoyé de leur comité exécutif. Je ne suis pas déçu, mais c'est bizarre.

Enfin, si je fais le total des collectivités et des membres individuels, je dirais que nous avons entre 3 500 et 4 000 membres. J'ai eu une réunion récemment avec Lynne et Art Haines de l'Ontario Métis Family Records Centre à Bancroft. Ils ont plus de 10 000 membres. Ils veulent collaborer avec nous, parce qu'ils ont fait une énorme quantité de travail pour les Métis.

Le président : Mais je reviens à la même question. Combien de membres avez-vous maintenant?

M. Fequet : Pour ce qui est des membres individuels qui ont présenté une demande d'adhésion, je dirais environ 1 000.

Le président : Et ceux-ci viennent de combien de collectivités?

M. Fequet : C'est de partout au Canada, et non pas par collectivité; ce sont simplement des personnes individuelles qui souhaitent faire partie d'un registre national.

Le président : Combien d'entre elles appartiendraient à une autre organisation?

M. Fequet : Un bon nombre d'entre elles sont membres de la Métis Nation of Alberta, de la Métis Nation of British Columbia, de la Métis Nation of Saskatchewan, de la Nation Métis Québec, et de la Métis Nation of Labrador, Nunavik, Yukon and Newfoundland. Elles adhèrent d'un peu partout au Canada et il y a de nouveaux membres toutes les semaines.

Le président : Votre objectif, si je ne m'abuse, est de réunir tous les Métis en une seule organisation nationale, celle à laquelle vous travaillez maintenant, n'est-ce pas?

M. Fequet : J'aimerais réunir tous les Métis en un seul registre national auprès du gouvernement du Canada. La Métis Nation of Canada n'est pas là pour dire que la Métis Nation of Ontario ne devrait pas exister ou que la Nation Métis Québec ne devrait pas exister. Je crois que toutes ces organisations ont droit à la liberté d'association au titre de la Charte. Je crois simplement que nous devons travailler ensemble, nous unir pour le plus grand bien de la population.

Il y a, par ailleurs, certaines personnes qui ne souhaitent pas appartenir à une association ou à une organisation. Elles souhaitent simplement revendiquer leur droit individuel de s'identifier en tant que Métis.

Le sénateur Patterson : Merci beaucoup, et bienvenue au comité. J'aimerais en apprendre davantage sur la question de l'affiliation à la Métis Nation of Canada, et savoir si vous avez des critères auxquels une personne doit répondre pour devenir membre.

M. Fequet : Les personnes doivent présenter leur arbre généalogique et une preuve qu'ils ont un ancêtre autochtone, de Première nation ou Inuit.

Le sénateur Patterson : D'après vous, où se situe le Ralliement national des Métis par rapport à votre organisation? Vos objectifs sont de réunir tout le monde. Avez-vous une relation avec cet organisme?

M. Fequet : Oui. En mars 2009, j'ai reçu les lettres patentes. En avril 2009, je suis allé en Alberta pour travailler. J'ai vécu et travaillé à Ottawa pendant 18 ans, c'est donc mon deuxième chez moi. Je suis allé au Ralliement national des Métis à la rue Sparks et je leur ai offert mes lettres patentes. J'ai dit : « Vous êtes une organisation qui est reconnue par le gouvernement canadien et recevez des fonds du gouvernement canadien. Pourquoi ne pas prendre les lettres patentes de la Métis Nation of Canada, rassembler les gens et inclure tout le monde? »

Je sais qu'il y a une définition historique; le Ralliement national des Métis est la patrie, et je ne conteste pas du tout cela. C'est là que se trouve l'idée de la nation métisse sous Louis Riel et Gabriel Dumont, et c'est pour cela qu'ils se sont battus. C'est la métropole de l'identité nationale métisse. Ceci étant dit, les Métis n'ont pas commencé à exister dans les provinces de l'Ouest; ils ont commencé sur la Côte Est, avec le premier contact avec les Européens quand ceux-ci sont arrivés.

Je crois que le Ralliement national des Métis a accompli beaucoup de choses. Je ne suis tout simplement pas d'accord avec leur définition de qui devrait être inclus dans la nation métisse.

Le sénateur Patterson : La région où vous vivez semble être très particulière. Puis-je vous demander de nous en dire un peu plus au sujet de votre généalogie?

M. Fequet : Vous pouvez, certainement. Je m'appelle Bryce Douglas Fequet et voici mon certificat de naissance. Sur mon certificat de naissance, mon père et ma mère sont identifiés. Sur le certificat de mariage de mon père et de ma mère, mes grands-parents sont identifiés. Sur le certificat de mes grands-parents, leurs grands-parents sont identifiés, et ainsi de suite remontant à 1856, quand Pierre Léon a épousé Katherine Louise, qui était la fille de Louis l'Esquimau. Ceci est une étude que j'aimerais remettre à la greffière. Elle représente la première génération des Inuits métis sur la Basse-Côte-Nord du Québec. Cette étude a été faite par Paul Charest de l'Université Laval. J'ai d'autres documents, si vous avez besoin que je vous fournisse les autres renseignements dont je dispose.

J'ai établi ma généalogie au moyen de certificats de mariage, et je n'ai découvert ceci qu'il y a 12 ans. Nous n'avions aucune idée. Nous vivions dans un passé où on nous disait que les gens parlaient en mal des Inuits et des Indiens. C'était la même chose quand je vivais dans une communauté anglaise; les gens parlaient en mal des Français.

[Français]

Maintenant je parle le français. C'est très important pour moi et pour travailler avec le gouvernement du Québec.

[Traduction]

Mes ancêtres viennent de la France. Je suis un descendant des Huguenots et, à cette époque, nous subissions une persécution religieuse. Mon parcours a commencé il y a bien longtemps. Ma famille a dû lutter tout au long de sa vie. Et nous sommes encore ici, souriants et fiers d'être Canadiens.

Le sénateur Patterson : Je suis fasciné par ce que vous dites au sujet de vos origines inuites. D'après votre déclaration, j'ai compris que les Inuits vivaient dans cette région et ont été repoussés ou ont dû se replier en raison de conflits, comme vous l'avez décrit.

M. Fequet : Oui.

Le sénateur Patterson : Est-ce avant ce conflit que vos origines maternelles ont débuté?

M. Fequet : Elles ont débuté après ces batailles, oui. Ma grand-mère vivait avec les Inuits Pakuashipi. Elle a appris le métier de guérisseuse et elle était une grand-mère très intelligente.

Le sénateur Patterson : Merci.

Le président : J'ai une question aussi. Quelle relation avez-vous pu établir avec le gouvernement du Canada du point de vue acceptation?

M. Fequet : Je dirais assez bonne. J'envoie des lettres à chaque premier ministre que nous avons, et j'ai reçu dans chaque cas un accusé de réception me disant que je recevrai une réponse; cependant, je n'ai pas reçu une deuxième réponse.

J'ai présenté une demande de financement dans le cadre du Programme d'aide aux organisations autochtones représentatives, qui relevait d'Héritage Canada, mais qui relève maintenant d'Affaires autochtones et Développement du Nord.

On m'a offert de l'argent et on m'a refusé de l'argent; donc, j'ai une relation continue avec le gouvernement du Canada. Ça a été difficile, mais je ne suis pas prêt à abandonner. J'ai rencontré un grand nombre de personnes merveilleuses au gouvernement dans le bureau de M. Duncan. J'ai rencontré Sherry Whitehead l'an dernier, et elle m'a donné beaucoup de renseignements. Il faut répondre à certains critères pour pouvoir obtenir un financement du gouvernement fédéral.

Par le passé, la plupart des lettres que je recevais du gouvernement fédéral disaient que je devrais m'adresser au Ralliement national des Métis et obtenir son appui. Bonne chance, si vous venez du Québec. Ce n'était pas près d'arriver.

Il en va de même avec le Congrès des Peuples Autochtones. J'ai essayé de m'adresser à eux. Eux non plus ne veulent pas me rencontrer.

J'ai essayé de rencontrer l'Assemblée des Premières Nations. J'ai rencontré M. Richard Jock et Peter Tinsdale et je suis fier de dire que j'ai reçu la médaille du Jubilé de la Reine le jour du Souvenir. J'ai rencontré Shawn Atleo, et je me suis présenté. J'ai rencontré Terry Audla et M. Clement Chartier, et je me suis présenté. Ils savent maintenant qui je suis. Je les ai rencontrés en personne. J'espère que ma présence ici ce soir m'aidera peut-être à réaliser à l'avenir quelques progrès dans les efforts que je fais pour obtenir la collaboration de ces organisations. Elles ont besoin de mieux collaborer. Elles ne travaillent pas bien ensemble.

Le président : J'aimerais vous remercier d'être venu ce soir nous parler.

Le sénateur Raine : Merci beaucoup de votre présentation. Je trouve intéressant que vous vouliez vous hasarder à lancer seul une organisation alors qu'il y en a tant d'autres déjà. Cependant, je peux certainement comprendre, d'après ce que vous avez dit, pourquoi vous avez jugé nécessaire d'avoir une organisation ouverte à l'adhésion par toute personne qui s'identifie elle-même ou qui a une généalogie à l'appui.

Dans le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, il est dit :

C'est surtout la culture qui distingue les Métis des autres peuples autochtones. De nombreux Canadiens sont de descendance à la fois autochtone et non autochtone, mais cela ne fait pas d'eux des Métis ou même des Autochtones. [...]. Ce qui distingue les Métis des autres, c'est qu'ils s'associent à une culture résolument métisse.

Êtes-vous d'accord avec cet énoncé? Si oui, pourquoi?

M. Fequet : Je ne le conteste pas. Nous vivons en 2012, et les gens qui vivaient dans les années 1850 avaient une certaine culture. Aujourd'hui, nous vivons au Canada avec une culture moderne. Nous ne partons pas à dos de cheval chasser les buffles; nous allons magasiner chez Walmart. Il est important de pratiquer sa culture. Je ne dis pas qu'il faut l'oublier. Je crois qu'il est important, du point de vue historique, de conserver autant de langues que possible. Un grand nombre des Premières nations perdent leurs langues. Il est important de ne pas oublier qui on est et de pratiquer sa culture.

Le sénateur Raine : D'être fier de son patrimoine.

M. Fequet : D'être fier de son patrimoine. D'être fiers d'être Canadiens. Nous sommes fiers de vous, de vos réalisations lors des Olympiques.

Le sénateur Raine : Le paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle reconnaît et confirme les droits ancestraux et les droits issus de traités des peuples autochtones du Canada. Certains des droits qui ont été revendiqués par des Autochtones du Canada comprennent les droits de récolte et les droits fonciers. Êtes-vous d'avis que les membres de la Métis Nation of Canada devraient revendiquer les droits de récolte et les droits fonciers autochtones ou métis?

M. Fequet : Je ne peux pas répondre pour tout le monde. Je ne peux donner que ma propre opinion. Là encore, je dirais que nous vivons en 2012 et que nous vivons dans des temps modernes. Je n'aime pas quand les gens désobéissent. J'ai vu des gens désobéir et mettre des filets dans les rivières à saumon et détruire le saumon. J'ai vu des gens désobéir et tuer des caribous par douzaine. Je n'approuve pas cela. C'est quelque chose qui doit être réglementé. Ce qu'ils font pour chasser, pêcher et récolter doit être réglementé, de sorte que nous ne détruisions pas nos ressources. À mon avis, c'est la conservation qui prime.

Le sénateur Raine : Seriez-vous en faveur d'une série de règlements sur la récolte pour tous les Canadiens?

M. Fequet : Oui, mais ils varieraient selon la région où vous vivez. Je vis sur la Côte Est; donc, je voudrais probablement pouvoir pêcher quelques homards, ce qui est quelque chose que les gens des Prairies ne pourraient pas faire. Toutefois, je suis sûr qu'ils voudraient récolter ce qu'ils récoltaient traditionnellement.

Le sénateur Raine : Quand les gens vous présentent une demande, est-ce pour être membre de l'association Métis Nation of Canada?

M. Fequet : La Métis Nation of Canada, oui.

Le sénateur Raine : S'agit-il d'une adhésion de membre ou de citoyenneté? Comment définissez-vous cela?

M. Fequet : Nous avons rédigé les règlements administratifs suivant la terminologie de Corporations Canada; ils emploient l'expression « adhésion des membres ». Cela pourrait peut-être changer.

En tant que membre de la Nation Métis Québec, j'ai la citoyenneté. Je suis un citoyen canadien. Peut-être que ce terme devrait être défini plus clairement à partir de maintenant, pour bien préciser ce que l'on entend. Le choix du bon terme est discutable. Je ne peux pas décider pour tous les Métis. « Citoyenneté » me paraît plus approprié qu'« adhésion de membre », parce que nous ne sommes pas un club, nous sommes un peuple.

Le sénateur Raine : Si je comprends bien, si vous faites une demande de citoyenneté et si la citoyenneté vous est accordée, vous pourriez devoir verser un droit unique pour cette citoyenneté. Normalement, une organisation s'appuie sur des droits réguliers pour sa survie. Comment la Métis Nation of Canada est-elle financée?

M. Fequet : Elle l'est par nos membres. Dès le départ, notre objectif n'était pas de faire de l'argent. La période d'adhésion est de cinq ans, ce qui est le maximum que nous pouvons avoir pour une pièce d'identité avec photo. Le droit pour cinq ans est de 30 $ pour un demandeur adulte, 20 $ pour un aîné, 15 $ pour un étudiant et 5 $ pour un enfant. Nous aimerions mettre quelque chose dans les objectifs de notre société. Bien que cela ne paraisse pas dans les documents, à l'endos de l'annexe 2, un des objectifs de la Métis Nation of Canada est de tenir un registre des membres de la Métis Nation of Canada auprès du gouvernement du Canada. Nous pourrions aussi dire « citoyen » s'il le faut.

Il est important que le statut de citoyen ou de membre soit établi en partenariat avec le gouvernement du Canada, de la même façon que cela se fait pour les Premières nations, avec une carte de statut émise par le gouvernement du Canada. J'utiliserai le terme « membre » parce que c'est ce que nous utilisons à l'heure actuelle; et c'est aussi ce qu'ils veulent.

Un grand nombre de personnes me disent qu'elles veulent que le gouvernement du Canada fasse partie du processus d'inscription. Un grand nombre d'objections ont été soulevées quand nous avons pensé, à un moment donné, que l'Association canadienne de normalisation allait peut-être déterminer qui est Métis et qui ne l'est pas. Les Métis veulent déterminer eux-mêmes qui est Métis. C'est quelque chose que nous voulons faire conjointement avec le gouvernement du Canada. La Métis Nation of Canada aimerait faire partie de cette équipe.

Le président : C'est une chose que nous avons entendue à maintes reprises. Un grand nombre de groupes de Métis, certainement d'organisations, veulent participer à la discussion pour la détermination de qui est Métis et qui ne l'est pas. Nous tenterons de trouver, je l'espère, une certaine résolution, ou nous aurons, tout du moins, une discussion sur ce que nous avons entendu de partout au Canada. Une fois de plus, je vous remercie d'être venus témoigner.

Chers collègues, je vous demanderais de rester, car nous poursuivons à huis clos. Merci.

(La séance se poursuit à huis clos.)


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