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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 7 - Témoignages du 7 décembre 2011


OTTAWA, le mercredi 7 décembre 2011

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce auquel a été renvoyé le projet de loi S-5, Loi modifiant la législation régissant les institutions financières et comportant des mesures connexes et corrélatives, se réunit aujourd'hui, à 16 heures, afin d'examiner le projet de loi.

Le sénateur Michael A. Meighen (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bienvenue au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Nous commençons aujourd'hui l'examen du projet de loi S-5. Nous avons le privilège d'accueillir le ministre des Finances du Canada, l'honorable James Michael Flaherty. C'est un beau nom, Michael; je tenais à le souligner. Monsieur le ministre, puisque tous les membres du comité vous connaissent bien, je vais sauter les présentations afin de garder plus de temps pour le débat. Je sais que votre temps est précieux et que d'autres activités vous attendent, mais j'espère que la pertinence de nos questions vous incitera à rester un peu plus longtemps que prévu au départ.

Je pense que vous connaissez les sénateurs présents ici : le sénateur Moore, de la Nouvelle-Écosse; le sénateur Oliver, de la Nouvelle-Écosse; le sénateur Di Nino, de l'Ontario; le sénateur Greene, de la Nouvelle-Écosse; le sénateur Gerstein, de l'Ontario, ainsi que la vice-présidente du comité, le sénateur Hervieux-Payette, du Québec.

[Français]

Sans plus tarder, monsieur le ministre, nous vous cédons la parole. Bienvenue à notre comité.

[Traduction]

L'honorable James M. Flaherty, C.P., député, ministre des Finances : Je suis accompagné, à ma gauche, de Jeremy Rudin, sous-ministre adjoint, Direction de la politique du secteur financier, ministère des Finances Canada; et de Jane Pearse, directrice, Division des institutions financières, ministère des Finances Canada. Ils sont là pour répondre aux questions difficiles. Je me chargerai moi-même des questions faciles.

Bon après-midi, mesdames et messieurs les sénateurs. Je ne vais pas parler longtemps, parce que mon temps est limité. Je vais remercier rapidement le président, la vice-présidente et tous les membres du comité d'avoir accepté d'entreprendre l'examen parlementaire de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, au début de 2012. C'est un document important et l'étude qu'en fera votre comité sera cruciale pour que le cadre juridique canadien dans ces secteurs importants demeure à la fois efficient et efficace. J'attends avec intérêt cette étude et les recommandations que vous présenterez éventuellement.

[Français]

Auparavant, j'exhorte le comité à se saisir du projet de loi S-5, Loi modifiant la législation régissant du système financier, et à y donner suite pour que tous les Canadiens puissent continuer de compter sur le système financier solide et sécuritaire dont ils jouissent aujourd'hui.

Nous savons tous que la réglementation rigoureuse du Canada sert de modèle pour les pays du monde entier. Par exemple, pour la quatrième année consécutive, le Forum économique mondial a récemment classé le système bancaire du Canada comme étant le meilleur monde. Cette rigueur systématique a permis au Canada d'échapper au pire de la récente crise financière mondiale, aucune banque canadienne n'ayant fait faillite ou n'ayant dû être renflouée par les contribuables.

[Traduction]

Le projet de loi S-5 fera en sorte que notre système financier restera sûr pour les Canadiens et constituera une force fondamentale de notre économie. Avant de passer en revue certains éléments du projet de loi, permettez-moi de vous expliquer le processus de révision. Comme vous le savez, il s'agit d'un processus obligatoire par lequel le gouvernement révise tous les cinq ans les textes législatifs concernant les institutions financières sous réglementation fédérale. La loi existante contient une date de temporarisation obligatoire qui doit être renouvelée. Dans le cas qui nous préoccupe, cette date est fixée au 20 avril 2012. Cette disposition permet de mettre à jour la loi, de renforcer la stabilité et de tenir compte de la croissance de notre système financier. La révision la plus récente de la législation remonte à 2007. La révision quinquennale en cours a débuté en septembre 2010, lorsque j'ai invité tous les Canadiens à prendre part à un processus de consultation ouvert. Nous avons tenu compte des commentaires reçus au cours de ce processus de consultation pour formuler le projet de loi dont nous discutons aujourd'hui.

Permettez-moi de préciser tout d'abord que la plus grande partie de ce projet de loi est de nature technique, puisqu'il consiste, par exemple, à modifier les renvois, à moderniser les exigences de compte rendu, à rectifier les erreurs de rédaction, et cetera. Cependant, le projet de loi contient plusieurs dispositions de fond, notamment des mesures visant à promouvoir la stabilité financière : premièrement, rétablir l'autorisation par le ministre d'un certain nombre de très grandes acquisitions étrangères; deuxièmement, améliorer la capacité des organismes de réglementation à partager des renseignements avec leurs homologues internationaux afin de remplir nos obligations à titre de membres du G20; et, troisièmement, renforcer les pouvoirs de surveillance de l'Agence de la consommation en matière financière du Canada, l'ACFC, afin de mieux protéger les consommateurs. Le projet de loi S-5 permettra également de renforcer les efforts que déploie constamment le gouvernement afin de réduire les formalités administratives en proposant d'alléger le fardeau administratif des institutions financières et en rendant la réglementation plus souple, par exemple, en réduisant le chevauchement des exigences de divulgation.

Mesdames et messieurs les sénateurs, comme vous pourrez le constater au cours de votre examen, le projet de loi S-5 fera en sorte que les mécanismes de surveillance réglementaire du Canada continueront de servir tous les Canadiens et renforceront encore plus l'excellente réputation internationale de nos institutions financières. Là-dessus, mes collaborateurs et moi-même sommes prêts à répondre aux questions du comité.

Le président : Je vais poser la première question. Vous avez dit que le projet de loi était surtout composé d'amendements techniques ou administratifs, mais un ou deux changements ont soulevé un certain intérêt, un d'entre eux ayant même été commenté dans la presse : il s'agit du rétablissement du pouvoir conféré au ministre d'examiner les acquisitions exceptionnellement importantes des institutions financières canadiennes à l'étranger. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi il a été jugé approprié et nécessaire de rétablir le processus d'agrément ministériel? À quoi cela servira-t-il au Canada ou au ministre lui-même?

M. Flaherty : Merci d'avoir soulevé cette question. Je vais vous donner un peu le contexte historique de cet article. Avant 1992, les banques n'étaient pas autorisées à posséder une filiale à l'étranger. En 1992, le gouvernement de l'époque avait modifié la loi afin de permettre aux institutions financières sous réglementation fédérale d'être propriétaires d'une filiale à l'étranger ou de détenir un investissement substantiel dans une institution étrangère, avec l'autorisation du ministre.

En 2001, pour des raisons nébuleuses, l'obligation d'obtenir l'approbation du ministre et de soumettre la transaction au ministère des Finances a été éliminée et la surveillance des opérations de ce type a été confiée au Bureau du surintendant des institutions financières, le BSIF. Dans le cadre de ses activités normales d'application des lois et règlements se rapportant aux institutions financières du Canada, le Bureau du surintendant des institutions financières et son personnel examinent les initiatives diverses entreprises par les banques et formulent des recommandations à leur sujet. Certaines qui sont purement dictées par la prudence sont approuvées par le surintendant et cela s'arrête là.

D'autres initiatives me sont présentées, en ma qualité de ministre des Finances, accompagnées d'une recommandation du Bureau du surintendant des institutions financières basée sur l'examen effectué par le surintendant. Les obligations légales du BSIF portent sur le contrôle prudentiel des institutions financières du Canada. Nous avons constaté en 2007, 2008 et 2009 qu'il était nécessaire d'apporter certaines améliorations aux structures réglementaires, à certains pouvoirs de la Banque du Canada à certains pouvoirs du ministre des Finances, et nous l'avons fait; le changement proposé est une autre amélioration. Ce changement est destiné à faire en sorte que nous puissions exercer un contrôle systémique sur toutes les importantes transactions financières des institutions financières canadiennes réglementées par le gouvernement du Canada.

Sur le plan pratique, il n'y aurait eu, depuis 2004, que trois transactions relevant de cette disposition. On considère — et je partage ce point de vue — que c'est important sur le plan systémique. En bout de ligne, le gouvernement doit assurer la stabilité et la réputation du secteur financier du Canada. Dans le cas des grandes transactions, nous considérons que le Parlement, par l'intermédiaire du ministre des Finances qui rend compte au Parlement, doit pouvoir exercer un certain degré de contrôle.

Le président : Est-ce que le BSIF continuera à participer à cet examen?

M. Flaherty : Oui, et à présenter une recommandation au ministre.

Le président : Merci beaucoup.

Le sénateur Harb : Monsieur Flaherty, je vous remercie pour votre présentation, ainsi que pour la présence de vos collaborateurs.

J'ai quelques questions précises à vous poser. Je vais commencer par l'article 165, paragraphe 396. Cet article semble autoriser une institution financière étrangère sous contrôle d'un gouvernement étranger, à détenir des actions dans une société de fiducie et de prêt assujettie à la réglementation fédérale. Vous pourriez peut-être nous donner plus d'information à ce sujet, notamment sur la portée et le fonctionnement du mécanisme, nous indiquer qui le gère, qui prend les décisions et quel est le pourcentage d'actions que ces institutions pourront détenir dans une banque.

Le sénateur Hervieux-Payette : Nous voulons savoir non seulement comment, mais également pourquoi.

Le sénateur Harb : Ça, ce serait la deuxième question.

Jane Pearse, directrice, Direction des institutions financières, ministère des Finances Canada : Voulez-vous savoir quelle est la raison d'être de la modification qui permettrait à une institution financière étrangère de détenir dans une société canadienne des actions ne donnant pas le contrôle?

Vous faites allusion à un article qui se rapporte à la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt. Il existe un article analogue — dont je pourrais vous trouver le numéro — pour la Loi sur les banques. À titre d'information, c'est une modification qui s'applique à toutes les institutions financières et pas simplement aux sociétés de fiducie et de prêt.

Cette modification vise essentiellement à rectifier et légèrement étendre une disposition qui existe déjà et qui permet à une institution financière étrangère appartenant à un gouvernement étranger, d'acquérir des actions au Canada et de contrôler ou de devenir propriétaire d'une filiale au Canada. Cette modification permettrait à cette institution de détenir une quantité d'actions inférieure au nombre requis pour exercer le contrôle.

Si nous acceptons le fait qu'une société étrangère puisse s'installer au Canada et détenir un contrôle absolu sur une filiale, nous acceptons aussi qu'elle puisse détenir des actions qui ne lui confèrent pas le contrôle.

Le sénateur Harb : S'agit-il d'un pourcentage des actions des institutions financières émises sur le marché? Si c'est le cas, vous pourriez peut-être m'expliquer pourquoi vous avez fait passer de 8 à 12 milliards de dollars la valeur des capitaux propres détenus dans une banque, à l'article 8, paragraphe 223, ainsi que dans toute une série d'autres articles. Pouvez-vous nous indiquer quel est le lien entre les deux?

Mme Pearse : Il n'y en a pas. La première modification dont vous avez parlé se rapporte expressément aux institutions financières étrangères qui détiennent des capitaux propres dans une filiale canadienne ou une entité canadienne.

Le deuxième point dans lequel vous avez noté à juste titre que le seuil concernant une grande institution financière au Canada a été relevé de 8 à 12 milliards de dollars, se rapporte à une partie essentielle de notre cadre de propriété qui précise le degré d'ouverture d'une institution financière au Canada. Pour nous, c'est la « règle de société ouverte ». Par conséquent, les petites, moyennes et grandes institutions financières sont assujetties à des règles différentes de cette règle générale.

Une grande institution doit être complètement ouverte, de sorte qu'aucun actionnaire ne puisse détenir plus de 10 p. 100 des actions d'une grande institution financière au Canada. La modification à laquelle vous avez fait allusion augmente de 8 à 12 milliards de dollars la quantité d'actions que peut détenir une grande institution, afin de tenir compte de la croissance dans le secteur.

Le sénateur Harb : Est-ce que ce serait un maximum?

Mme Pearse : Un minimum.

Le sénateur Harb : Comment avez-vous choisi 12 milliards de dollars plutôt que 16 ou 18 milliards de dollars?

Mme Pearse : Nous avons examiné la croissance du secteur depuis la dernière modification en 2007 et au cours de la période suivante de cinq ans. Nous avons décidé que le chiffre de 12 milliards de dollars serait un seuil minimal approprié pour définir la différence dans la structure de propriété entre les grandes institutions financières et les institutions de taille moyenne.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : Monsieur le ministre, vous avez dit tantôt que le Canada avait le meilleur système bancaire au monde, qu'il avait la meilleure législation au monde. Comme j'ai participé aux consultations, j'aime bien en prendre le crédit autant que vous.

Mes collègues et moi avons voyagé à travers le Canada. Durant une année, nous avons consulté les Canadiens de chaque province au sujet des modifications apportées à la loi en 1995, qui a fait l'objet d'une importante réforme.

Je vous pose la question. Je n'ai vu aucune des études que vous avez citées. Je n'ai jamais été invitée à participer à ces rencontres. Je ne doute pas que vous les ayez tenues, mais qui a fait ces consultations? Où se sont-elles tenues et par qui?

Je crois que lorsqu'on est appelé à apporter des modifications à la loi, il faut reconnaître que le travail effectué en 1995 a été très bien fait et que peut-être, lors de la prochaine révision de la loi, nous soyons associés mais plus qu'une année avant. Il faut quand même reconnaître qu'on a une date limite, qui est avril 2012, et qu'on arrive vraiment à la fin de l'échéance.

On a reçu le projet de loi la semaine dernière. Je pense qu'on aurait besoin d'un minimum de 12 mois pour examiner l'ensemble du projet de loi. J'aimerais juste connaître le processus de consultation qui a été fait et aussi, j'aimerais savoir pourquoi vous n'avez pas demandé à vos savants collègues de participer à cette consultation?

Jeremy Rudin, sous-ministre adjoint, Direction de la politique du secteur financier, ministère des Finances Canada : La décision du gouvernement qui est reflétée dans le communiqué de presse que le ministre vient de mentionner a été de limiter la révision aux questions essentiellement techniques.

Cela s'est fait suite à la crise financière et aux décisions importantes que le gouvernement avait déjà prises à cet égard. D'importants changements fondamentaux ont été faits et cette fois-ci, il a été décidé d'exclure la considération des changements majeurs. Cela marque un contraste important de la situation de 1995.

Le processus de consultation a été d'émettre un communiqué de presse invitant les Canadiens à soumettre leurs suggestions. Nous avons reçu une trentaine de soumissions que nous avons publiées dans notre site Web lorsque les personnes qui avaient fait les soumissions nous donnaient la permission de les partager avec tout le monde. Bref, c'est le processus qui a été fait.

Le sénateur Hervieux-Payette : Est-ce qu'on pourrait avoir le cadre de référence? Parce que si vous avez consulté de façon plus concentrée, vous n'avez pas consulté sur toute la législation financière at large. Vous avez probablement circonscrit le secteur que vous vouliez examiner. Avez-vous soumis des propositions lors de la consultation ou si vous avez tout simplement examiné tout l'ensemble de la législation?

M. Rudin : Oui, nous avons révisé tout l'ensemble de la législation. Cette fois-ci, le gouvernement n'a pas émis un papier vert ou blanc au préalable. Le gouvernement était ouvert à toutes sortes de propositions.

Ceci étant dit, le ministre a été clair dans le communiqué de presse lorsqu'il a indiqué que, selon les perspectives actuelles, il ne planifiait pas d'effectuer des changements majeurs.

Le sénateur Hervieux-Payette : Le ministre peut-il nous dire pourquoi on a changé la question concernant un gouvernement étranger qui détient des actions, s'il aura dorénavant le droit de voter? Quel est l'objectif? S'agit-il d'inciter les gouvernements étrangers à détenir des actions dans nos banques? Quel est le rationnel derrière cet énoncé?

[Traduction]

Mme Pearse : Excusez-moi; j'ai manqué la dernière partie. Vous avez posé une question sur les raisons d'être de cette modification?

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : Vous avez dit que, dorénavant, à titre d'exemple, les gouvernements de pays arabes, étant donné qu'ils possèdent des banques, pourront faire des investissements. Le gouvernement de la Chine possède une banque. Vous leur donnez désormais la possibilité, comme n'importe quel actionnaire, d'acquérir un maximum d'actions. Il existe tout de même une limite d'actions que l'on peut détenir. La limite se situait auparavant à 10 p. 100, elle est maintenant de 20 p. 100. On donnerait donc la permission à un gouvernement étranger de détenir 20 p. 100 des actions d'une banque canadienne?

[Traduction]

M. Flaherty : Non, pas du tout. La règle a été évoquée par Mme Pearse, un peu plus tôt. Nous avons des règles qui s'appliquent aux petites, aux moyennes et aux grandes institutions. Au Canada, la règle fondamentale est la règle de 10 p. 100 et cela n'a pas changé. Le projet de loi n'apporte aucun changement à cet effet. C'est une règle fondamentale de notre système.

Le président : On ne fait pas de distinction entre une banque commerciale étrangère et un État étranger, souverain? Les règles sont différentes.

M. Flaherty : À moins d'avoir mal compris, la question du sénateur portait sur la propriété d'une banque canadienne de l'annexe I.

Le sénateur Hervieux-Payette : Oui.

M. Flaherty : C'est la règle du 10 p. 100 qui s'applique.

Le sénateur Hervieux-Payette : Pourquoi ces actionnaires auraient-ils désormais le droit de vote? Actuellement, ils n'ont pas le droit de vote. Pourquoi le leur accorder? Est-ce parce que nous souhaitons attirer de nouveaux investissements ou parce que ces actionnaires se sont plaints de ne pas pouvoir voter alors qu'ils détiennent des actions?

Mme Pearse : Une modification technique autorise le léger changement afin de permettre le vote dans le cas où les actionnaires ne détiennent pas suffisamment d'actions pour exercer le contrôle. Puisque nous leur permettons d'acquérir des actions, nous allons également leur donner le droit de vote. Les deux choses sont liées.

Le sénateur Hervieux-Payette : Si les actionnaires sont propriétaires de trois banques, ce qui est possible pour certains grands pays, que ferez-vous? Est-ce qu'ils auront chacun la possibilité de détenir 10 p. 100?

Mme Pearse : Est-ce qu'on parle ici du cas d'une institution financière étrangère appartenant à un gouvernement qui déciderait de faire un investissement au Canada?

Le sénateur Hervieux-Payette : Oui.

Mme Pearse : Très bien.

Le sénateur Hervieux-Payette : Ces actionnaires pourraient être propriétaires de trois banques différentes.

Mme Pearse : Certaines dispositions de la Loi sur les banques empêcheraient ces institutions de traiter avec l'autre banque à des conditions différentes de celles du marché, si c'est ce que vous voulez dire.

Le sénateur Hervieux-Payette : Auparavant, ces actionnaires ne pouvaient pas voter. Ils pouvaient détenir des actions, mais ne pouvaient pas voter.

Mme Pearse : Ils ne pouvaient pas voter s'ils ne détenaient pas suffisamment d'actions pour exercer le contrôle. Les nouvelles dispositions les autorisent à voter même s'ils détiennent moins d'actions qu'il n'en faut pour exercer le contrôle.

M. Flaherty : Aucune banque étrangère ne peut contrôler une banque canadienne de l'annexe I. C'est clair et net et cela ne change pas.

Le sénateur Hervieux-Payette : Nous parlons de deux choses. Nous parlons d'une banque sous contrôle étranger. Certaines banques ne figurent pas sur la même annexe. Évidemment, elles peuvent détenir plus de 10 p. 100, parce qu'elles sont présentes ici, mais en vertu d'un statut spécial. Ensuite, quand on parle au grand public des banques de l'annexe I, des grandes banques, comme la Banque Royale, on leur dit que les actionnaires ne peuvent détenir plus de 10 p. 100 et que ces 10 p. 100 d'actions leur permettent de voter à l'assemblée générale annuelle. Est-ce que c'est exact?

M. Flaherty : Oui.

Le sénateur Hervieux-Payette : Pourquoi? Est-ce parce qu'ils n'avaient pas le droit de voter auparavant?

M. Flaherty : La situation ne se présentait pas. Comme l'a expliqué Mme Pearse il y a quelques instants, il ne s'agissait pas de banques de l'annexe I. On parlait de banques étrangères au Canada qui étaient actionnaires majoritaires et maintenant, nous parlons de situations où elles n'ont pas une participation majoritaire.

Le sénateur Moore : Je remercie le ministre et ses collaborateurs d'être venus témoigner. J'aimerais poursuivre dans le même sens que le sénateur Hervieux-Payette. Est-ce qu'un gouvernement étranger ou une institution financière étrangère peut détenir jusqu'à 10 p. 100 des actions dans plusieurs banques à charte ou banques de niveau 1 canadiennes?

M. Flaherty : C'est comme cela aujourd'hui. Cela n'a rien à voir avec le projet de loi.

Le sénateur Moore : Je pose simplement la question. Par conséquent, une institution financière étrangère pourrait disposer de 10 p. 100 des voix dans chaque assemblée générale d'actionnaires. Pourrait-elle aussi avoir des administrateurs?

M. Flaherty : Si elle peut en faire élire.

Le sénateur Moore : D'après les règles existantes, les banques doivent, dans le cas des acquisitions importantes, obtenir l'autorisation du Bureau du surintendant des institutions financières. Qu'entendez-vous par « acquisitions importante »? Un montant en dollars est-il fixé et quel était ce seuil auparavant?

M. Flaherty : À la page 40, le projet de loi le fixe à 10 p. 100 de la valeur de l'actif consolidé de la société de portefeuille bancaire, tel qu'indiqué dans le dernier état annuel de la société, préparé avant sa première acquisition.

Le sénateur Moore : C'est ce que prévoit le projet de loi?

M. Flaherty : Oui, la législation proposée.

Le sénateur Moore : Quel était ce seuil auparavant? Comment étaient définies les acquisitions importantes?

Mme Pearse : Je ne pense pas qu'il s'agissait d'acquisitions importantes. Toutes sortes de transactions nécessitaient l'approbation gouvernementale. Certaines d'entre elles, comme le ministre l'a expliqué, sont actuellement examinées par le surintendant et d'autres par le ministre. En vertu du projet de loi, les transactions qui représentent une augmentation de plus de 10 p. 100 des avoirs propres de la banque nécessitent l'approbation du ministre. Il ne s'agit que des plus importantes.

Le sénateur Moore : Hier, j'ai posé une question au Sénat. Comment cela va-t-il fonctionner? Je suppose que le BSIF, le Bureau du surintendant des institutions financières, effectuera le premier examen et avertira ensuite le ministre pour lui signaler qu'il a examiné une transaction dépassant 10 p. 100 et qu'il recommande ou non de l'autoriser. Est-ce que cela se passera de cette façon? Toutes les transactions de chacune de ces banques privées devront-elles faire l'objet d'un examen et d'une décision? Pouvez-vous les examiner toutes, vous et le BSIF?

M. Flaherty : Nous partageons les tâches. Certaines évaluations de nature purement prudentielle sont faites uniquement par le BSIF. Le surintendant les signe et je n'ai pas à les examiner. Par contre, le ministre se penchera sur les transactions plus importantes et semblables à celles-ci, qui ont des conséquences plus systémiques.

Il se passera la même chose qu'actuellement, à savoir que le surintendant examinera la transaction, le ministère des Finances l'examinera également et tous deux présenteront leurs recommandations au ministre.

Le sénateur Moore : Monsieur le ministre, pouvez-vous nous expliquer comment cela se passe? Comment savez-vous que la banque effectue une transaction? Est-ce qu'elle vous avertit qu'elle envisage de procéder à une acquisition, parfois à l'étranger ou parfois à l'acquisition complète d'une société? Comment le processus est-il enclenché?

M. Flaherty : La banque doit s'adresser à nous pour obtenir notre approbation.

Le sénateur Moore : La banque doit obtenir l'approbation, mais est-ce qu'elle décide du moment, ou bien est-ce qu'elle vous demande de vous pencher sur la transaction? Est-ce que c'est le rôle du BSIF?

M. Flaherty : Je suis ministre des Finances depuis près de six ans. En général, les banques appellent tout simplement pour nous signaler qu'elles envisagent de faire une transaction importante. Par conséquent, il n'y a pas de surprise. C'est vrai également à l'extérieur du secteur financier pour les importantes transactions commerciales au Canada ou dans le cas des sociétés canadiennes qui font des acquisitions à l'étranger. En général, on m'avise avant le jour de l'acquisition. C'est normal. Il y a un processus officiel à suivre dans le cas de ces transactions importantes. La transaction est soumise au Bureau du surintendant avant d'être présentée au ministre pour son évaluation officielle.

Le sénateur Moore : Est-ce que cela se fait simultanément?

M. Flaherty : Oui. Il y a deux variables que la loi demande au ministre d'examiner : la stabilité systémique et l'intérêt supérieur du système financier canadien.

Le sénateur Moore : Vous êtes au courant des grandes opérations d'acquisition. Qu'en est-il des emprunts importants, comme cela est arrivé lors de la récente crise lorsque nos banques ont emprunté 28 milliards de dollars de la Réserve fédérale des États-Unis d'Amérique? Avez-vous été averti à l'avance?

M. Flaherty : Le surintendant surveille la qualité et la quantité des capitaux des institutions financières sous réglementation fédérale au Canada.

Le sénateur Moore : Est-ce que le Bureau du surintendant examine la provenance des fonds?

M. Flaherty : Oui. Le surintendant et moi...

Le sénateur Moore : Il met les données à votre disposition ou comment cela fonctionne-t-il?

M. Flaherty : Nous communiquons régulièrement, le surintendant et moi. Lors de la crise de 2008-2009, nous nous parlions chaque semaine.

Le président : Nous avions promis de libérer le ministre au bout d'une demi-heure environ et ce délai est désormais presque atteint. Si quelqu'un a une question pressante, il peut lever la main.

Monsieur le ministre, nous avons tenu parole. J'espère que cela vous encouragera à revenir bientôt devant notre comité.

M. Flaherty : Je serais heureux de revenir. Espérons que la prochaine fois j'aurai un peu plus de temps.

Le président : Nous vous remercions de nous avoir réservé du temps. Nous vous remercions d'être venu avec vos collaborateurs et nous espérons avoir le plaisir de vous revoir prochainement.

M. Flaherty : Merci, monsieur le sénateur.

Le sénateur Hervieux-Payette : Accepterez-vous au moins que notre comité participe à la consultation la prochaine fois que vous en faites une?

M. Flaherty : Absolument. Je pense, madame le sénateur, que c'est une excellente suggestion. Je vous en remercie. Cependant, il faudra attendre environ quatre ans avant la prochaine consultation.

Le sénateur Harb : À ce moment-là, nous serons de retour au pouvoir.

Le sénateur Hervieux-Payette : Je parle sérieusement. Tout évolue très vite, aussi bien aux États-Unis qu'en Europe. La situation économique globale est loin d'être parfaite. Nous avons peut-être besoin d'autres outils. J'espère que vous nous solliciterez plus d'un an à l'avance. Lorsque les consultations durent un certain temps, il faut un certain délai pour recevoir le rapport et élaborer le projet de loi. Ce processus a pris près de deux ans. C'est simplement pour vous rappeler qu'une consultation ne peut se faire du jour au lendemain.

Le président : Je suis certain que le ministre qui est en poste depuis de nombreuses années, sait très bien que dans ce domaine, les choses ne se font pas du jour au lendemain, tout au moins dans le domaine de la réglementation.

Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir bien voulu nous rendre visite. Je vous invite à revenir nous voir lorsque vous aurez besoin d'une analyse en profondeur; nous sommes toujours à votre disposition.

En plus de M. Rudin et de Mme Pearse, nous accueillons Eleanor Ryan, chef principale, Division des institutions financières; et Leah Anderson, directrice, Division du secteur financier. J'ai toujours été intéressé par les titres.

Monsieur Rudin, voulez-vous ajouter quelque chose à ce que vous avez dit tout à l'heure? Je vous invite à prendre la parole.

M. Rudin : Mes collègues m'ont signalé que j'avais donné une information incorrecte et je vous prie de m'en excuser. Nous n'avons pas affiché sur notre site web les mémoires reçus dans le cadre de cette consultation, comme nous le faisons habituellement. Nous procédons souvent de cette manière. Cependant, nous n'avions pas, dans ce cas, demandé la permission de publier ces mémoires. Par conséquent, n'ayant pas obtenu cette autorisation, nous n'avons pu afficher les mémoires sur notre site Web. Je tenais à donner cette précision.

Le président : Vous ne les aviez pas affichés sur votre site Web, mais vous les avez mis à la disposition des autres personnes qui ont présenté des mémoires?

M. Rudin : Non ce n'était pas possible. Nous n'avions pas l'autorisation de les communiquer, aussi, nous ne l'avons pas fait.

Le sénateur Oliver : Votre ministère a conservé les 30 mémoires?

M. Rudin : C'est exact. Certains organismes ont publié eux-mêmes leurs mémoires.

Le président : Est-ce que vous aviez une raison de ne pas demander cette permission? Vous dites que vous procédez habituellement de cette manière.

M. Rudin : C'est souvent le cas. Dans ce cas particulier, en raison du caractère technique du sujet, nous avions pris la décision de ne pas demander cette autorisation. Cela étant dit, rien n'empêche les organismes de rendre leurs mémoires publics et certains l'ont d'ailleurs fait. Savons-nous quels sont ces organismes?

Mme Pearse : Oui, toutes les grandes institutions.

M. Rudin : L'Association des banquiers canadiens a rendu son mémoire public; l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes, a affiché son mémoire sur son site web. Plusieurs l'ont fait, mais pas tous.

Le sénateur Oliver : Est-ce que les six grandes banques ont présenté un mémoire en plus de l'Association des banquiers canadiens?

M. Rudin : Nous ne sommes pas en mesure de divulguer l'identité des personnes qui ont présenté des mémoires.

Le président : Non, parce que vous n'en avez pas l'autorisation.

M. Rudin : Pas dans les circonstances dans lesquelles nous avons sollicité leur participation.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : On a eu une modification en 2007 et on a eu aussi des modifications concernant le mandat du gouverneur de la Banque du Canada que nous n'avons jamais comprise. On a compris après, quand le gouverneur a déboursé certains montants. Mais je pense, quand on a juste une vue étroite et qu'il y a un problème, ici on est prêt à légiférer rapidement dans une situation d'urgence, qu'il faut être prévoyant. J'ai dit, ce qui est déplorable, je ne dis pas que ce que vous avez recommandé n'est pas exact. Je ne pense pas que c'est une consultation même si vous avez mis ça sur le site du ministère, je ne peux pas croire que la population canadienne en général était au courant. Les citoyens que je connais ne consultent pas votre site web régulièrement.

Quand on a fait la consultation, des gens très informés de la population ou des présidents de compagnie se sont présentés et nous ont fait des recommandations. Même si je crois à la nouvelle technologie, il reste, d'une part, que nous allons vous encourager, la prochaine fois, à rendre les recommandations publiques et, d'autre part, ma préférence serait qu'un comité comme le nôtre puisse poser des questions, puisse rencontrer les gens et donner la chance aussi aux régions périphériques pour qu'elles puissent participer au processus. Je ne dis pas qu'on a besoin d'une réforme tous les dix ans. On aurait peut-être besoin de faire des changements à la pièce.

Quand il s'agit de ce secteur, on a parlé du fondement et de revoir la question des « investment bankers » associées aux banques à charte. Nous avons entendu, la semaine dernière, des représentants de l'Association des banquiers canadiens. On leur a posé des questions sur leurs investissements dans le secteur de l'innovation et ils n'avaient aucune connaissance. Nous avons, par la suite, reçu un document des représentants. Il reste que lorsqu'on s'adresse à l'Association des banquiers canadiens, ils ne nous font pas part de ce qui se passe du côté de l'assurance et ne nous parlent pas de la question des « investment bankers ». Or, nous n'avons pas été au fond de cette question.

Nous avons moins souffert qu'aux États-Unis. Toutefois, nous devons regarder l'ensemble des institutions. On discute de la démutualisation et je crois que cette question devrait également faire l'objet d'une consultation.

Je sais que vous faites des recommandations au ministre. Je ne vous donne que mon opinion. Le gouvernement du Parti libéral avait procédé à la réforme de la Loi sur les banques, ce qui fut un parachute pour le Canada. Nous prétendons que ce comité, aujourd'hui, possède aussi les qualifications pour faire la même chose.

[Traduction]

Le sénateur Di Nino : Bienvenue. Pour commencer, j'aimerais vous féliciter. Je pense que les changements autres que techniques sont excellents. Ils sont bien entendu la conséquence de la crise financière de 2007, et le fait que notre pays soit reconnu dans le monde entier pour avoir les institutions financières probablement les plus saines du monde, ou tout au moins parmi les plus saines, témoigne, à mon avis, du bien-fondé des mesures que vous avez prises. Il me semble qu'il faut le dire pour le compte rendu. Ce sont sans doute les constatations que vous avez faites lorsque vous avez réalisé l'examen quinquennal de la loi qui vous ont amenés à apporter ces changements.

J'aimerais vous poser quelques questions concernant les changements. Le passage du BSIF au ministre est excellent également, étant donné que c'est toujours le ministre ou le gouvernement qui assume les problèmes. Il est donc normal que ce soit eux qui dictent les conditions. Si j'ai bien compris, une banque qui est sur le point d'investir un certain montant, au- delà d'un certain seuil — au passage, vous pourrez peut-être nous fournir des explications au sujet de ce seuil — doit obtenir l'approbation du ministre avant de procéder à la transaction. Est-ce exact?

M. Rudin : C'est exact, si la transaction en question concerne une acquisition à l'étranger.

Le sénateur Di Nino : N'importe quel type d'acquisition?

Eleanor Ryan, chef principale, Division des institutions financières, ministère des Finances Canada : L'acquisition d'une institution financière étrangère.

Le sénateur Di Nino : Je voulais que ce soit bien clair.

M. Rudin : Pour fixer dans la loi un seuil d'importance relative, il faut prendre en considération la valeur totale des actifs de la banque avant l'opération et se demander si la transaction entraînera une augmentation de la valeur totale des actifs de la banque de 10 p. 100 ou plus, ce qui, dans l'affirmative, nécessite d'obtenir l'approbation du ministre.

Le sénateur Di Nino : Le seuil serait donc fixé à 10 p. 100 ou plus. Par conséquent, si l'investissement ou l'achat d'actions dans une institution financière étrangère ne représente que 5 p. 100 seulement de l'actif consolidé, l'approbation du ministre n'est pas nécessaire.

M. Rudin : Non, il ne serait pas nécessaire dans un tel cas d'obtenir l'approbation du ministre.

Le sénateur Di Nino : Cependant, est-ce que le BSIF entamerait quand même son processus? C'est l'autre question que j'avais.

J'aimerais savoir si l'on procède malgré tout à un examen pour les raisons appropriées même si le seuil de 10 p. 100 n'est pas atteint, mais que cet examen est effectué par le BSIF plutôt que par le ministre. Pouvez-vous répondre à cette question?

Mme Ryan : L'examen est déclenché si l'acquisition est, tout d'abord, importante, mais nous devons ensuite évaluer si elle est supérieure ou inférieure à 10 p. 100. Si elle est supérieure à 10 p. 100 des actions de l'entité visée, le surintendant ou le ministre a son mot à dire dans l'acquisition. Si elle est inférieure à 10 p. 100, l'approbation de l'un ni de l'autre n'est nécessaire.

C'est l'ordre de grandeur de l'acquisition qui décide de l'intervention du surintendant ou du ministre. S'il s'agit d'une acquisition très importante, elle doit être approuvée par le ministre. Si elle est plus modeste, c'est le surintendant qui accorde son autorisation.

Le président : Avez-vous bien dit que si la transaction représente 9,99 p. 100 de l'actif, ni le ministre ni le BSIF ne s'en mêle?

Mme Ryan : C'est exact.

Le président : Personne ne l'examine?

Le sénateur Di Nino : Pouvez-vous nous donner des précisions?

Mme Ryan : Je parle simplement du nombre d'actions qu'une banque canadienne achète dans une institution financière étrangère.

Le président : Là, je suis complètement perdu.

Le sénateur Di Nino : Peut-être que nous pourrions demander à Mme Pearse de nous donner des éclaircissements.

Mme Pearse : Voilà qui montre bien qu'il s'agit d'un projet de loi extrêmement technique. Quand on explique quelque chose, il faut vraiment entrer dans les détails.

Il y a deux seuils. Le premier dont a parlé Mme Ryan est celui qui s'applique à toutes les transactions qui nécessitent l'approbation du gouvernement canadien, que ce soit du BSIF ou du ministre des Finances — dans ce cas, prenons juste l'exemple d'une banque —, la banque canadienne envisage de faire l'acquisition de 10 p. 100 des actions d'une entité étrangère.

Le sénateur Di Nino : Une entité financière étrangère.

Mme Pearse : Oui.

Le sénateur Di Nino : Voilà le premier seuil.

Mme Pearse : Oui. Si la banque achète plus de 10 p. 100 de l'actif de cette entité, par exemple, aux États-Unis, le BSIF souhaitera se pencher sur l'opération.

S'il s'avère que 10 p. 100 de ce 10 p. 100, 20 p. 100 ou plus de cette entité amène l'institution financière au seuil suivant, c'est-à-dire qu'elle fait l'acquisition de plus de 10 p. 100 de son actif consolidé — elle investit plus de 10 p. 100 de son actif consolidé dans cette nouvelle entité —, à ce moment-là, l'acquéreur doit obtenir l'agrément du ministre plutôt que celui du BSIF. Il y a deux critères. Ils sont tous deux fixés à 10 p. 100.

Le sénateur Di Nino : Ils doivent tous deux être respectés.

Mme Pearse : Oui.

Le sénateur Di Nino : Si un de ces deux seuils n'est pas atteint et, par conséquent, que l'approbation du ministre n'est pas requise, est-ce que la transaction est quand même soumise au processus et évaluée par le BSIF ou les services ministériels?

Mme Pearse : Si elle atteint le premier seuil et pas le second, c'est le BSIF qui en sera saisi.

Le président : Si elle atteint le second seuil, il faudra obtenir l'agrément des deux.

Mme Pearse : Oui, le BSIF formulera une recommandation au ministre des Finances.

Le sénateur Di Nino : Je suis désolé d'avoir provoqué une telle confusion.

Le président : Vous n'avez pas créé une confusion vous avez permis au contraire d'éclaircir la question.

Le sénateur Moore : Encore une fois, je remercie les témoins d'être venus. Monsieur Rudin, le sénateur Hervieux- Payette et le président aussi, je crois, vous ont posé des questions sur les mémoires que vous avez reçus. Vous avez déclaré que vous n'avez pas demandé la permission de les afficher sur votre site Web parce qu'ils étaient de nature technique. Je ne comprends pas pourquoi cela serait la norme. Vous avez dit que l'Association des banquiers canadiens a présenté un mémoire. Leur avez-vous demandé l'autorisation de le publier?

M. Rudin : L'Association des banquiers canadiens a publié son mémoire sur son propre site, le mettant ainsi à la disposition de tous les internautes qui ont accès à son site Web. L'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes en a fait de même. Je vous fais part ici d'un détail connu publiquement, à savoir qu'elles ont présenté des mémoires et que ces documents sont accessibles pour tous.

Le sénateur Moore : Leur avez-vous demandé l'autorisation d'afficher ces documents sur votre site afin de les mettre à la disposition du public?

M. Rudin : Non.

Le sénateur Moore : Pourquoi?

M. Rudin : Nous n'avons pas l'habitude d'établir sur notre site des liens en direction de sites extérieurs au gouvernement.

Le sénateur Moore : Je pense que cette réponse n'est pas satisfaisante. Je pense que le public canadien en général est fier de ses institutions bancaires. Beaucoup de Canadiens en sont actionnaires et je pense qu'il est de votre devoir de rendre publics ces documents afin que les Canadiens puissent y avoir accès et donner leur point de vue. Je pense qu'ils aimeraient être tenus au courant. Je ne veux pas sous-estimer l'intelligence du public et je ne prétends pas que vous le faites. Quant au caractère technique du projet de loi, on peut dire que tout texte législatif est technique, d'une manière ou d'une autre.

Cet état de chose me déçoit. Il aurait été utile pour le comité de prendre connaissance du contenu de ces mémoires, afin d'y réfléchir et peut-être de vous poser des questions à ce sujet.

Le sénateur Hervieux-Payette : Ce n'est pas tant ce qui a été inclus que ce qui a été exclu qui nous aurait intéressés.

Le sénateur Moore : C'est ce que je voulais dire.

Le sénateur Hervieux-Payette : Vous avez probablement pris un échantillon représentatif des commentaires identiques. En revanche, il y avait peut-être d'autres points que cette loi n'a pas pris en considération.

Par exemple, l'Association des consommateurs du Canada a probablement demandé un peu plus que ce qu'elle a obtenu. Cette option m'intéresse. Si vous avez répondu aux demandes d'un certain nombre de ces intervenants, le projet de loi en fait état; mais qu'en est-il de tout ce qui n'a pas été retenu? J'aurais aimé le savoir.

C'est pourquoi notre comité se penche sur de telles questions et nous cherchons, en rédigeant notre rapport, la meilleure façon de servir l'intérêt du public. Vous le faites peut-être aussi, mais notre perspective est différente. Excusez-moi pour cette interruption. Je voulais juste que l'on comprenne où nous allons.

Le sénateur Moore : En vertu de ce projet de loi, un fonds étranger garanti par l'État ou une institution financière étrangère peut acheter jusqu'à 10 p. 100 des actions d'une banque canadienne, une de nos banques à charte. Est-ce que cette acquisition se limite aux actions vendues sur le marché ou l'acquéreur peut-il s'adresser aux banques et leur demander de faire une émission spéciale en promettant d'acheter les actions, ce qui contribuerait à diluer les actions existantes? Est-ce interdit ou l'acquéreur doit-il acheter les actions sur le marché libre?

M. Rudin : Cette restriction s'appliquerait aux achats primaires d'actions directement auprès d'une institution canadienne.

Le sénateur Moore : À la bourse des valeurs mobilières?

M. Rudin : Oui, mais aussi directement.

Le sénateur Moore : L'acquéreur pourrait obtenir une émission spéciale?

M. Rudin : Tout à fait; et la limite est fixée au montant prévu, et ce, avec l'approbation ministérielle, je vous le rappelle.

Le sénateur Harb : Et au-delà.

Le sénateur Moore : Je ne pensais pas que l'acquéreur pouvait acheter plus de 10 p. 100. Est-ce que je me trompe?

M. Rudin : Il peut le faire, si le ministre lui donne le feu vert.

Le sénateur Moore : Si le ministre est d'accord, l'acquéreur peut acheter plus de 10 p. 100?

Mme Ryan : Je peux peut-être apporter des éclaircissements; selon les restrictions générales à la propriété qui s'appliquent aux grandes banques, il est possible de faire l'acquisition sans solliciter d'autorisation, d'un maximum de 10 p. 100 des actions avec droit de vote. Par contre, l'achat de plus de 10 p. 100 et de moins de 20 p. 100 des actions avec droit de vote, ou de 30 p. 100 d'actions sans droit de vote, nécessite l'autorisation du ministre. C'est la définition d'une société ouverte à participation multiple.

Le sénateur Moore : Selon moi, ce n'est pas ce qu'il a dit lorsqu'il était assis à cette table. Vous avez posé la question, monsieur le sous-ministre adjoint et il a répondu que le maximum était fixé à 10 p. 100 pour les banques à charte canadiennes. De votre côté, vous dites que le pourcentage est plus élevé. Vous parlez de 10 p. 100, mais vous ajoutez que le pourcentage peut être plus élevé s'il est approuvé. Quel est le maximum?

Mme Ryan : Je peux peut-être vous éclairer; le maximum qui puisse être acquis sans approbation est de 10 p. 100. Au-delà de 10 p. 100, il faut obtenir l'autorisation, mais il est possible d'acquérir jusqu'à 20 p. 100 des actions avec droit de vote ou 30 p. 100 des actions sans droit de vote. Ces dispositions ont été approuvées par le Parlement en 2001.

Le président : C'est le cas des sociétés ouvertes à participation multiple.

Mme Ryan : C'est exact. La définition de « société ouverte » a été revue pour permettre d'aller au-delà de 10 p. 100; mais personne ne peut acheter plus de 10 p. 100 sans autorisation. Il est possible d'obtenir l'autorisation d'acheter plus de 10 p. 100, mais il y a un plafond général à 20-30, comme on a l'habitude de le dire.

Le sénateur Moore : Il peut s'agir d'actions vendues sur le marché des valeurs mobilières ou d'actions vendues dans le cadre d'une émission spéciale en vertu d'une entente entre l'entité et la nation étrangère et une de nos banques. Est-ce bien exact?

M. Rudin : Une nation étrangère...

Le sénateur Moore : C'est un fonds garanti par l'État...

M. Rudin : Une nation étrangère ne peut pas posséder des actions dans une institution financière sous réglementation fédérale. Une banque appartenant à un État étranger ou une institution financière étrangère ou placée sous son contrôle...

Le sénateur Moore : Est-ce possible pour une banque appartenant à un État étranger?

M. Rudin : Oui, mais pas pour l'État lui-même.

Le sénateur Moore : Quelle est la différence? Je ne comprends pas.

M. Rudin : Certains pays ont des institutions financières d'État et certaines d'entre elles ont des filiales au Canada. Le gouvernement a décidé d'autoriser de telles transactions. Il s'agit d'une exception aux principaux généraux qui découragent les gouvernements à détenir des actions dans des institutions financières canadiennes.

Les institutions financières étrangères possédées en propriété exclusive sont autorisées à avoir une filiale au Canada. Elles peuvent posséder 100 p. 100 des actions de cette filiale. Cette disposition permet à une institution financière étrangère appartenant au gouvernement ou placée sous son contrôle de détenir également des actions minoritaires dans une institution financière canadienne.

Le sénateur Hervieux-Payette : En guise de complément, je vais prendre un exemple concret, si je peux m'en rappeler; nous avions une banque acheteuse, mais qui était limitée dans le type d'opérations qu'elle pouvait exécuter au Canada. Elle ne pouvait pas inviter des consommateurs ordinaires à ouvrir des comptes en banque chez elle. Elle était limitée à un certain nombre d'opérations — le plus souvent des opérations commerciales, l'octroi de prêts à des entreprises, et cetera —, elle était vraiment limitée dans le type de services bancaires qu'elle pouvait offrir au Canada.

Il y en avait d'autres, mais celles qui ne relevaient pas du niveau 1 ne pouvaient pas offrir la même gamme d'activités que les grandes banques. Est-ce que c'est exact?

Mme Ryan : Techniquement, toutes les filiales bancaires canadiennes ont les mêmes pouvoirs, quels que soient leurs propriétaires. Il se trouve tout simplement que la plupart des banques étrangères qui ouvrent une filiale au Canada choisissent de concentrer leurs activités dans le secteur commercial; mais c'est le cas si elles agissent par l'intermédiaire d'une filiale.

Pour être plus précis, je pourrais simplement ajouter qu'une banque étrangère peut également choisir d'ouvrir une succursale. Dans un tel cas, elle est soumise aux restrictions que vous avez évoquées et elle ne peut pas accepter les dépôts de détail.

Le sénateur Hervieux-Payette : Je pense qu'il est bon pour nous tous de savoir qu'il s'agit d'un type de service différent, selon les investisseurs. Les institutions qui peuvent offrir tous les services prévus par la Loi sur les banques sont les banques canadiennes.

Quant au pourcentage de 10 à 20 p. 100, lorsque le ministre a dit que la limite était fixée à 10 p. 100, je savais que nous avions apporté des changements en 2001, mais je ne me souvenais plus s'il fallait obtenir la permission du ministre pour aller de 10 à 20 p. 100.

Le président : Je vais donner la parole au sénateur Harb dans un moment, mais auparavant, j'aimerais savoir s'il serait possible d'obtenir entre aujourd'hui et mercredi prochain, un tableau indiquant sous forme de blocs la situation actuelle sur une page et — en supposant que le projet de loi soit adopté — la situation qui prévaudra par la suite?

Mme Pearse : Sur quel sujet?

Le président : Sur le sujet dont nous parlons, le projet de loi S-5 et son importance sur le plan des acquisitions étrangères.

M. Rudin : Certainement, nous pourrons vous fournir un tel document avec plaisir.

Le président : Cela nous serait très utile. Nous pourrons le distribuer aux membres du comité. Je pense que ce serait très utile d'avoir ces renseignements sous forme de tableau — d'un côté, les exigences actuelles et de l'autre côté ce qui arrivera après l'adoption du projet de loi.

M. Rudin : Parfait; ce qui est autorisé actuellement et ce qui le sera par la suite si et quand le projet de loi sera adopté. Nous vous fournirons ces renseignements avec plaisir.

Le sénateur Harb : J'ai une question concernant ce que vous appelez le potentiel de contestation, puisque nous vivons désormais dans une économie mondiale. Certaines dispositions de ce projet de loi pourraient-elles, s'il est adopté, faire l'objet de contestations auprès de l'Organisation mondiale du commerce?

Mme Pearse : Non.

M. Rudin : Nous pensons que le projet de loi est conforme à toutes nos obligations internationales.

Le sénateur Harb : Avec ma deuxième question, j'aimerais demander des éclaircissements au sujet de différents articles fixant pour une grande banque des seuils de propriété de 8 milliards à 12 milliards de dollars. Ma question est la suivante : le but est-il d'harmoniser avec la notion d'un maximum de 10 p. 100 de la propriété? Comment cette exigence s'applique-t-elle? Par exemple, si je peux posséder jusqu'à 12 milliards de dollars dans une banque dotée de capitaux de 100 milliards de dollars, mon actif maximum ne doit pas dépasser 10 milliards de dollars. Or, selon l'article en question, il semble que je puisse détenir jusqu'à 12 p. 100 des actions. Peut-être pouvez-vous m'éclairer à ce sujet. Les différentes dispositions concernées sont l'article 138, les paragraphes 156.09(2), 168(3.1) et cetera.

M. Rudin : Je vais vous donner la réponse générale et si nous avons besoin d'entrer dans les détails, je ferai appel à mes collègues.

Il y a trois catégories d'institutions, les petites, les moyennes et les grandes, et le régime de propriété est différent pour chacune d'entre elles. Les grandes institutions doivent être des sociétés ouvertes et nous pouvons revenir sur la définition de « société ouverte ». Les institutions de taille moyenne doivent disposer d'un important flottant public. Les actions qui sont accessibles au public, soit moins de la majorité des actions, sont réparties entre peu d'actionnaires afin que l'institution demeure sous contrôle, en disposant néanmoins d'un flottant. Le minimum est fixé à 35 p. 100 et, par ailleurs, les petites institutions peuvent avoir peu d'actionnaires.

Nous devons maintenant créer une ligne de séparation afin de distinguer à quelle catégorie appartiennent les diverses institutions. Ce relèvement du seuil de 8 à 12 milliards de dollars, qui se rapporte au montant des capitaux propres, si je ne fais pas erreur, représente la ligne de partage des grandes institutions qui doivent être des sociétés ouvertes.

Le sénateur Harb : Ce que je veux dire, c'est que je peux détenir des actions d'un maximum de 12 milliards de dollars dans une banque dont la valeur totale atteint 100 milliards de dollars. Dans une telle situation, devrais-je m'adresser au ministre parce que j'aurais dépassé le seuil de 10 p. 100?

M. Rudin : S'il y a deux seuils; je vais me tourner vers mes collègues.

Le sénateur Harb : Je pense personnellement que c'est la réponse à toute cette question. Lorsque vous achetez des actions sur le marché des valeurs mobilières ou directement à la banque, à quel moment devez-vous demander la permission au ministre? Je soupçonne que vous avez fixé le seuil à 12 milliards de dollars et que vous appliquez ensuite la règle du 10 p. 100, afin que les deux critères soient respectés. Voilà comment je comprends la chose.

Mme Ryan : Si vous faites l'acquisition de plus de 10 p. 100 des actions d'une banque, quelle que soit la taille de cette institution, vous devez obtenir l'approbation du ministre. Quelle que soit la taille de la banque, vous devez obtenir l'approbation du ministre si vous êtes acquéreur de plus de 10 p. 100 des actions.

Le sénateur Harb : Par conséquent, le seuil de 12 milliards de dollars ne s'applique pas dans le cas d'une banque qui est...

Mme Ryan : Cela n'a rien à voir avec l'obligation d'obtenir l'approbation. La taille de la banque intervient au niveau de la quantité d'actions que vous pouvez acquérir.

Le sénateur Harb : Le maximum.

Mme Ryan : Très bien. Dans le cas d'une petite banque, vous pouvez acheter n'importe quelle quantité, jusqu'à 100 p. 100, mais seulement si le ministre l'autorise.

Le sénateur Harb : Nous parlons ici de grandes banques. Ma question porte sur les grandes banques. J'essaie de savoir si l'on doit respecter les deux seuils ou simplement l'un d'entre eux. Un des articles du projet de loi stipule que l'on peut détenir des actions d'une valeur maximale de 12 milliards de dollars. Alors, si je suis autorisé à détenir jusqu'à 12 milliards de dollars et que je veux acquérir des actions d'une valeur de 12 milliards de dollars dans une banque qui en vaut 100 milliards de dollars, je ne peux pas le faire, parce que je dépasse la limite de 10 p. 100.

Mme Ryan : Si vous souhaitez acquérir plus de 10 p. 100 d'une des grandes banques, « grande banque » dans ce cas signifie une institution de plus de 12 milliards de dollars, selon le projet de loi, vous devez obtenir l'approbation du ministre. Cependant, vous ne pouvez acquérir que de 10 à 20 p. 100 des actions avec droit de vote. Il y a ensuite un maximum d'actions que vous pouvez détenir.

Le sénateur Harb : Je vais en rester là.

Mme Pearse : Le montant de 12 milliards de dollars est un seuil pour la banque. C'est un seuil qui permet de définir le régime de propriété qui s'applique à cette banque, et non pas aux investisseurs.

Le sénateur Harb : C'est très bien. Voilà qui est clair.

Ma deuxième et dernière question concerne la SADC, la capacité d'emprunt sans approbation parlementaire jusqu'à 15 milliards de dollars, par rapport à la date de référence du 30 avril 2008. Pourquoi 2008? Pourquoi le 30 avril? Pourquoi 15 milliards de dollars? Quelle était la règle auparavant? Pourquoi avez-vous choisi le chiffre de 15 milliards de dollars?

M. Rudin : Cette fois encore, je vais donner la réponse générale et si nous avons besoin de plus de détails, je me tournerai vers mes collègues.

Après la crise financière, le gouvernement s'est adressé au Parlement pour demander une augmentation de l'autorisation d'emprunter de la Société d'assurance-dépôts du Canada. Par ailleurs, il a demandé au Parlement et obtenu le pouvoir de permettre l'augmentation de l'autorisation d'emprunter au fil des années, afin de tenir compte de la croissance des dépôts. Le seuil particulier établi à l'époque n'était pas destiné à être fixe et devait par conséquent être modifié périodiquement, augmentant plutôt de façon automatique en fonction de la hausse des dépôts. Le projet de loi propose d'améliorer la formule utilisée pour appliquer ce facteur de croissance.

Le sénateur Di Nino : Dans vos réponses, vous parlez de « la banque ». Or, le projet de loi se rapporte à la Loi sur les banques, à la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt, à la Loi sur les sociétés d'assurances. Est-ce que vos réponses valent aussi, par exemple, dans le cas de l'achat d'une société de fiducie ou d'une partie de cette société, ou d'une société d'assurances ou d'une partie de cette société? Je pense que la structure de propriété des coopératives est légèrement différente. Les règles qui s'appliquent aux autres entités sont-elles les mêmes ou sont-elles différentes en ce qui a trait à la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt et la Loi sur les sociétés d'assurances?

Mme Ryan : Dans le cas des autres lois, il existe des règles de propriété basées sur la taille. À quelques petites différences près, ce sont les mêmes que celles qui sont exposées dans la Loi sur les banques. La plus importante est peut-être celle prévue dans la Loi sur les sociétés d'assurances qui fixe également un seuil important de propriété, mais il est fixé historiquement en fonction de la taille qu'avaient les sociétés d'assurances lorsque les quatre grandes mutuelles d'assurance se sont démutualisées.

Le seuil précisé dans la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt n'est pas très élevé; il concerne les petites sociétés et toutes les autres.

Le sénateur Di Nino : Les mêmes règles s'appliquent de manière générale et en particulier aux intérêts étrangers?

Mme Ryan : Absolument.

Le sénateur Oliver : Ma question, comme celles du sénateur Harb, concerne la Société d'assurance-dépôts du Canada. Je voulais poser une question à ce sujet, parce que cela concerne tous les Canadiens, quelle que soit leur fortune, et pas seulement les grandes institutions financières et les investisseurs.

En vertu de l'article 203, le projet de loi accorde de nouveaux pouvoirs permettant de recueillir des renseignements sur les personnes qui font un dépôt dans une institution financière. Je crains que cela aille à l'encontre des droits à la vie privée. Est-ce qu'il y a un risque que les renseignements obtenus par la SADC violent les droits à la vie privée des personnes concernées?

Autrement dit, si l'on prend le cas d'un Canadien qui place une somme de 20 000 $ dans une banque et que ce montant est assuré, est-ce que les renseignements prélevés par la SADC sur cette personne qui a fait un dépôt de 20 000 $, violent les droits de celle-ci? Pouvez-vous nous dire s'il existe des protections, afin que les Canadiens qui nous écoutent et qui lisent le présent compte rendu sachent que leurs droits ne sont pas menacés par ces modifications, en particulier celles qui s'appliquent à l'article 203?

M. Rudin : Encore une fois, je vais commencer, mais je ne suis pas certain de terminer.

Aux termes de la loi existante, la Société d'assurance-dépôts du Canada peut recevoir l'information obtenue par le surintendant des institutions financières sur une base confidentielle. Cette information porte sur la situation financière de l'institution plutôt que sur les déposants eux-mêmes. Quel est le degré de capitalisation de l'institution; dispose-t-elle de suffisamment de liquidités; quel est le rendement de son actif?

Dans l'éventualité où la SADC serait amenée, par exemple, à collaborer avec un organisme étranger d'assurance- dépôts, le projet de loi propose d'accorder à la SADC le pouvoir de partager ce type d'information, qui concerne la santé financière et le statut de ses institutions membres, avec une entité pertinente. Par exemple, ce pourrait être une société d'assurance-dépôts étrangère comme la FDIC, à condition que la SADC soit suffisamment assurée que la confidentialité de l'information soit respectée.

Le sénateur Oliver : Si je vous ai bien compris, aucune information concernant le déposant, le citoyen canadien qui fait un dépôt dans une institution, ne courra le risque d'être compromise, mais l'information échangée concernera l'institution financière uniquement. Est-ce que c'est exact?

M. Rudin : Oui.

Le sénateur Oliver : J'aimerais poser une autre question générale qui couvre un certain nombre de réponses que vous avez déjà tous données aujourd'hui. Il me semble que la tâche du ministre des Finances ne consiste pas uniquement à gérer le ministère; le ministre des Finances siège au Cabinet et participe avec beaucoup d'autres ministères, tels que ceux de l'Agriculture, de l'Industrie, et cetera, à l'établissement de politiques publiques qui s'appliqueront à l'échelle de tout le pays.

Dans le cas d'une institution financière qui atteindrait un niveau de participation de 9,95 p. 100, soit moins de 10 p. 100, seuil où l'approbation ministérielle est nécessaire, le ministre pourrait-il néanmoins invoquer des raisons de politique publique, de sécurité nationale ou d'autres raisons pour intervenir et bloquer la transaction?

M. Rudin : Tout dépend de l'entité...

Le sénateur Oliver : Quand bien même le seuil ne serait pas atteint, aurait-il le droit d'intervenir et de bloquer cette transaction pour des raisons graves de politique publique, de sécurité nationale ou pour d'autres raisons qui relèvent du gouverneur en conseil?

M. Rudin : C'est une bonne question. Les personnes qui dirigent les institutions financières doivent prouver qu'elles sont qualifiées. La question est de savoir de qui relève la part des actionnaires minoritaires. La réponse est non.

Mme Pearse : Comme le ministre l'a dit lorsqu'il était là, je pense que dans beaucoup de cas, c'est l'institution financière qui envisage de procéder à une importante transaction qui la vise elle-même. Dans le cas où la transaction atteindrait 9,99...

Le sénateur Oliver : Le président a utilisé le chiffre de 9,5 p. 100, mais j'ai décidé de monter un peu plus haut.

Mme Pearse : Bien. À un certain point, on pourrait se demander dans quelle mesure l'acquéreur ne ferait pas exprès de ne pas acheter les deux dernières actions de manière à rester en deçà du seuil. Cela serait sujet à débat et à controverse.

Cependant, si l'acquisition est nettement inférieure à 10 p. 100, selon les règles actuelles, n'importe qui peut devenir actionnaire d'une institution financière.

Le sénateur Oliver : Quels sont les pouvoirs et les droits du ministre et du gouverneur en conseil? C'est ma question.

Mme Pearse : L'approbation n'est pas nécessaire sous le seuil de 10 p. 100.

Le sénateur Oliver : Le ministre et le Cabinet auraient-ils le pouvoir de bloquer cette transaction?

Mme Ryan : La Loi sur les banques ne prévoit aucun pouvoir officiel dans le cas des transactions inférieures au seuil.

Le sénateur Oliver : Même pas si la transaction soulève des questions en matière de politique publique pour le Canada?

Mme Pearse : Le problème, c'est que la politique publique juge que les transactions inférieures à 10 p. 100 ne relèvent pas de la politique publique.

Le sénateur Di Nino : Cela va peut-être modifier les lois.

Le sénateur Oliver : Merci.

Le sénateur Harb : Pourriez-vous clarifier le paragraphe 374(1) de la loi, à la page 5, qui se lit à peu près comme suit : « Il est interdit à toute personne d'être un actionnaire important d'une banque dont les capitaux propres sont égaux ou supérieurs à douze milliards de dollars. » Supposons que je décide d'acheter demain une banque à 11,8 milliards de dollars; tout va bien. Elle est sous mon contrôle.

Si je suis un citoyen américain et que, sous ma direction, la banque grandit pour atteindre 11,5 milliards de dollars, je suis en infraction par rapport à la loi. Je peux me retourner en exposant l'argument suivant : « Vous m'empêchez de faire prospérer mon entreprise. Et je vais contester votre action devant l'OMC, étant donné que vous freinez la prospérité de mon entreprise. » Pourquoi accepter que vous mettiez un frein à la prospérité de mon entreprise?

Mme Pearse : Je ne pense pas que ce projet de loi entraîne une modification de la politique. Le régime de propriété est inscrit depuis des années dans le cadre réglementaire. Selon nous, ce cadre de propriété constitue une règle de prudence pour le gouvernement du Canada et ces règles bénéficient d'une protection particulière au sein de l'OMC et dans nos accords commerciaux.

Le sénateur Harb : Personne ne l'a encore contesté?

Mme Pearse : Il y a aussi différents seuils et des approbations nécessaires. La situation que vous exposez est celle d'un investisseur étranger qui s'installe au Canada, crée une banque, exploite cette banque et contribue à faire passer l'actif de cette institution de 1 milliard à 5 milliards de dollars. À mesure que la banque continue à se développer, il arrivera un moment où le propriétaire devra solliciter l'approbation du gouvernement par l'intermédiaire du BSIF et éventuellement du ministre des Finances pour pouvoir poursuivre la croissance de son institution financière sans disposer d'un flottant de 35 p. 100 des actions. Il peut la demander, tout dépend des circonstances.

Encore une fois, à mesure que cette institution passe du statut de banque de taille moyenne à celui de grande banque, elle sera tenue par la loi, à un certain point, de demander une autorisation.

Le sénateur Harb : Cependant, vous n'envisagez aucun problème potentiel à l'ère de la mondialisation des économies de marché et de la capacité des personnes à se déplacer d'un pays à l'autre. Vous n'envisagez aucun problème potentiel en raison de ce type de restriction?

Mme Ryan : Tous nos accords commerciaux reconnaissent les règles de prudence que nous avons et les autorisent.

Le président : Permettez-moi pendant une seconde de me faire l'avocat du diable.

Revenons au paragraphe 374(1) qui se lit comme suit en anglais : « No person may be a major shareholder of a bank with equity of twelve billion dollars or more », alors qu'en français, nous avons le texte suivant :

[Français]

« Il est interdit à toute personne d'être un actionnaire. »

[Traduction]

Je suppose que « person » ou « personne » désigne, dans les deux cas, un être humain ou une « personne morale ». Il n'y a aucun doute là-dessus.

Le sénateur Hervieux-Payette : Ce pourrait être Warren Buffett.

Le président : Est-ce qu'il y a d'autres questions? Ce projet de loi est de nature technique et nous apprécions la patience et la compréhension dont vous avez tous fait preuve pour nous aider à bien le comprendre.

Au cours de notre prochaine rencontre, nous accueillerons pendant la première heure la Centrale des caisses de crédit du Canada et l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes. Pendant la deuxième heure, nous entendrons des représentants du BSIF et de l'Agence de la consommation en matière financière du Canada.

En attendant, je vais terminer en remerciant nos témoins d'être venus aujourd'hui, accompagnés du ministre que nous avons déjà remercié. Votre aide a été très utile et nous vous remercions de la collaboration dont vous avez fait preuve en acceptant de comparaître devant le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce.

(Le séance est levée.)


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