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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 4 - Témoignages du 2 novembre 2011


OTTAWA, le mercredi 2 novembre 2011

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi S-3, Loi no 3 visant à harmoniser le droit fédéral avec le droit civil du Québec et modifiant certaines lois pour que chaque version linguistique tienne compte du droit civil et de la common law, se réunit aujourd'hui, à 16 h 18, afin d'effectuer une étude article par article du projet de loi.

Le sénateur John D. Wallace (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, bienvenue à la réunion d'aujourd'hui du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Comme vous l'avez vu dans l'ordre du jour, nous examinerons deux points, à savoir le projet de loi S-3, dont nous traiterons dans un petit moment, et la conclusion de notre étude de la proposition de la Commission des libérations conditionnelles du Canada concernant les frais d'utilisation qui a été déposée par le ministre de la Sécurité publique.

Avant de passer au projet de loi S-3, je voudrais régler une question d'ordre pratique. J'ai besoin d'une motion pour déposer auprès de la greffière du comité les documents suivants :

(1) une lettre du ministre de la Justice et procureur général du Canada, en date du 14 octobre 2011, au président du comité, relative au projet de loi S-3;

(2) une réponse de Catherine Latimer de la Société John Howard du Canada à une question prise en note lors de la réunion du mercredi 5 octobre 2011, aux fins de l'étude spéciale du comité sur l'augmentation des frais imposés aux demandeurs de pardon proposée par la Commission des libérations conditionnelles du Canada;

(3) de l'information complémentaire fournie par la Commission des libérations conditionnelles du Canada en réponse à des questions prises en note lors de la réunion du 29 septembre 2011, relative à l'étude spéciale du comité sur l'augmentation des frais imposés aux demandeurs de pardon proposée par la Commission des libérations conditionnelles du Canada.

Cette troisième pièce est disponible depuis peu. Elle a été reçue cet après-midi.

Quelqu'un veut-il proposer une motion?

Le sénateur Lang : Je propose de déposer ces documents.

Le président : Est-on d'accord?

Des voix : Oui.

Le président : La motion est adoptée. Nous portons maintenant notre attention sur le projet de loi S-3. Comme je l'ai mentionné précédemment, le projet de loi S-3 est la troisième loi visant à harmoniser le droit fédéral avec le droit civil du Québec et modifiant certaines lois pour que chaque version linguistique tienne compte du droit civil et de la common law. Elle est également connue sous le nom de Loi d'harmonisation no 3 du droit fédéral avec le droit civil.

Il s'agit du troisième projet de loi que dépose le gouvernement dans le cadre de l'initiative d'harmonisation depuis l'entrée en vigueur du Code civil du Québec en 1994. Les deux autres lois sont entrées en vigueur en 2001 et en 2004 respectivement.

Depuis 1867, le Parlement du Canada a adopté plus de 300 lois qui visent, en tout ou en partie, à réglementer des questions de droit privé, par exemple le mariage et le divorce, la faillite et l'insolvabilité, les lettres de change et les billets à ordre, l'intérêt sur l'argent, le droit maritime, les brevets d'invention et les droits d'auteur.

L'harmonisation a pour objet d'aligner les dispositions législatives fédérales existantes sur le droit civil actuel. Elle permet également de régler la question du droit préconfédéral et de réécrire la version française de lois fédérales pour tenir compte de la common law. Depuis 1993, le ministère de la Justice a examiné quelque 700 lois fédérales et en a retenu 300 devant être harmonisées.

Le projet de loi S-3 vise à modifier à des fins d'harmonisation 12 lois, dont la Loi canadienne sur les sociétés par actions et la Loi sur l'expropriation.

Le présent projet de loi est identique sur le fond au projet de loi S-12, qui a été présenté à la dernière session parlementaire, mais qui est mort au Feuilleton après le déclenchement des élections. Plusieurs d'entre vous se souviennent certainement du travail que nous avons fait lorsque le projet de loi S-12 nous a été renvoyé en décembre dernier. Pendant notre étude, nous avons tenu quatre réunions, entendu huit témoins, dont le ministre de la Justice, qui est le procureur général du Canada, et d'autres personnes.

Une fois ses audiences publiques terminées, notre comité a renvoyé le projet de loi au Sénat le 9 décembre 2010, sans modification. Le projet de loi S-12 a ensuite franchi l'étape de la troisième lecture et a été adopté par le Sénat et envoyé à la Chambre des communes pour y être examiné de nouveau, où il est mort au Feuilleton avec le déclenchement des élections au printemps.

Vous vous souviendrez, honorables sénateurs, que le comité a été très impressionné par l'équipe du bijuridisme législatif du ministère de la Justice et par les consultations et les recherches que cette équipe a entreprises afin de rédiger un projet de loi aussi compliqué et technique. Le comité a choisi de communiquer avec le ministre au moyen d'une lettre envoyée par le président et la vice-présidente, dans laquelle il a également inclus quelques observations complémentaires laissant entendre que toutes les actions du ministère visant à clarifier l'intention législative de ce type de projet de loi seraient appuyées par le comité.

Avec cela à l'esprit, et sachant que nous serions bientôt saisis du projet de loi S-3, nous avons demandé au ministre de nous confirmer, dans une certaine mesure, la similarité entre le projet de loi S-12 et le projet de loi S-3. Le ministre de la Justice m'a envoyé une lettre, qui a été distribuée à tous les membres du comité, dans laquelle il confirme que ces projets de loi sont identiques en substance, à l'exception d'une modification mineure.

Étant donné les témoignages obtenus lors de la dernière session dans le cadre de l'étude du projet de loi S-12, qui sont du domaine public, le rapport précédent du comité sans propositions d'amendements sur un projet de loi similaire et l'assurance donnée par le ministre que le projet de loi S-12 est identique en substance au projet de loi S-3, le comité de direction a déterminé que nous écouterions aujourd'hui M. John Mark Keyes, premier conseiller législatif au ministère de la Justice.

Monsieur Keyes, nous sommes très heureux de vous avoir de nouveau avec nous pour discuter de la question de l'harmonisation du droit fédéral avec le droit civil. Je sais que vous avez une déclaration préliminaire à faire. Vous avez la parole.

[Français]

John Mark Keyes, premier conseiller législatif, ministère de la Justice Canada : Honorables sénateurs, il me fait plaisir d'être ici aujourd'hui encore une fois dans le cadre de l'étude du projet de loi S-3, Loi no 3 visant à harmoniser le droit fédéral avec le droit civil du Québec et modifiant certaines lois pour que chaque version linguistique tienne compte du droit civil et de la Common Law.

[Traduction]

Comme l'indique le titre du projet de loi S-3, c'est le troisième ensemble de propositions présenté au Parlement afin d'harmoniser le droit fédéral avec le droit civil du Québec. Vous vous souvenez peut-être que le projet de loi S-4 a été présenté en 2001 et qu'il est devenu la première loi d'harmonisation. Le projet de loi S-10 a été présenté en 2004 et est devenu la deuxième loi d'harmonisation.

Vous remarquerez que ces deux mesures législatives émanaient du Sénat, comme c'est le cas pour le projet de loi présenté aujourd'hui. Ce n'est pas une coïncidence; ces projets de loi ont toujours été chaleureusement acceptés au Sénat, en particulier par votre comité.

[Français]

Le projet de loi S-3 vise à modifier 12 lois, dont la Loi canadienne sur les sociétés par actions, la Loi canadienne sur les coopératives et la Loi sur l'expropriation.

[Traduction]

Comme l'a dit le ministre de la Justice dans une lettre que le président vient juste de mentionner, le projet de loi S-3 est identique sur le fond au projet de loi S-12, que le comité a examiné au cours de la dernière session de la législature précédente.

Je profite de l'occasion pour attirer votre attention sur deux modifications mineures qui ont été apportées à la version française du projet de loi. Ces modifications n'affectent en rien la portée du projet de loi. L'une d'entre elles, à la page 40, est un changement à la note marginale de l'article 121 qui reflète simplement quelque chose qui est dans le texte de la disposition. Il s'agit simplement de l'ajout de l'article « un » en français.

La seconde modification se trouve à la page 72, à l'article 160; elle consiste à ajouter le démonstratif...

[Français]

... « ce » devant le mot « mandataire » au lieu de laisser l'ellipse qui était là auparavant. Vous vous rappellerez peut- être que le projet de loi S-12 a été présenté une première fois au Sénat le 20 octobre 2010, lu pour la deuxième fois et renvoyé à ce comité le 18 novembre.

J'ai comparu devant ce comité avec notre ministre, M. Nicholson, le 1er septembre 2010. Ce comité a entendu d'autres témoins les 2, 8, et 9 décembre 2010.

[Traduction]

Les déclarations faites par les témoins pendant les audiences ont indiqué clairement que les milieux juridiques ont soutenu fermement le projet de loi S-12. Le comité, comme l'a souligné le président, a adopté à l'unanimité le projet de loi sans modification et, ce faisant, a reconnu le soutien sans équivoque des témoins pour les initiatives d'harmonisation et pour ce projet de loi en particulier.

[Français]

Dans une lettre datée du 15 décembre 2010, qui était adressée au ministre de la Justice, le comité a félicité l'Équipe du bijuridisme législatif (initiatives et révision) du ministère de la Justice pour son professionnalisme et sa rigueur exemplaire dans l'élaboration du projet de loi S-12.

Ce comité s'est dit aussi satisfait du processus de consultation et de recherche approfondies qui a été mené par le ministère de la Justice dans le cadre de cette initiative.

[Traduction]

Le projet de loi S-12 a été lu une troisième fois au Sénat le 14 décembre 2010 et lu pour la première fois à la Chambre des communes le jour suivant. Le projet de loi est mort au Feuilleton lorsque la 40e législature a été dissoute en mars dernier.

[Français]

Le projet de loi S-3, qui est devant vous aujourd'hui, s'inscrit dans la cadre de l'initiative d'harmonisation continue du ministère de la Justice Canada. L'harmonisation consiste à réviser le droit fédéral pour s'assurer que les lois et les règlements fédéraux qui utilisent des concepts de droit privé provincial ou territorial sont compatibles avec la common law et avec le droit civil lorsque cela est nécessaire.

[Traduction]

Les modifications d'harmonisation contenues dans le projet de loi S-3 sont de nature terminologique et ne prêtent pas à controverse. Elles ne changent pas l'intention du Parlement, au contraire, elles assurent sa mise en application complète dans le cadre du droit civil et de la common law à la fois.

[Français]

J'aimerais souligner le fait que l'harmonisation et le bijuridisme législatif contribuent non seulement à la mise en application des textes législatifs fédéraux en contexte de droit civil et de common law, mais également au respect de nos deux systèmes de droit et de nos deux langues officielles.

[Traduction]

Honorables sénateurs, je vous remercie de m'avoir écouté. Je serai heureux de répondre à toutes vos questions sur l'harmonisation proposée dans ce projet de loi. Je vous invite également à consulter le cahier d'analyse article par article, qui explique les modifications d'harmonisation contenues dans le projet de loi. Merci.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Keyes. Avant que nous passions aux questions des sénateurs, je tiens à dire, comme nous l'avons tous les deux souligné, qu'il s'agit d'une situation vraiment unique dans la mesure où le comité a eu la chance d'examiner le projet de loi S-12 dans le détail, et, comme vous le dites, à l'exception de deux modifications de nature technique, la mesure législative dont nous sommes saisis est identique à ce projet de loi. Nous nous souvenons tous que nous avions fait un examen rigoureux du projet de loi S-12, ce qui nous donne certainement un avantage maintenant que nous étudions le projet de loi S-3.

Pour la première question, je vais donner la parole à notre vice-présidente, le sénateur Fraser.

Le sénateur Fraser : Ma question ne concerne pas à proprement parler le présent projet de loi, mais plutôt les mesures législatives précédentes, qui étaient tout aussi complexes et techniques. Est-ce que des difficultés sont apparues lors de la mise en oeuvre de ces projets de loi? Est-ce que des lacunes ont été constatées depuis leur mise en application?

M. Keyes : Pas à ma connaissance. Il y a eu un examen judiciaire des dispositions qui avaient été ajoutées aux articles 8.1 et 8.2 de la Loi d'interprétation, qui avaient pour objet d'éclaircir le but de l'harmonisation et de faciliter l'interprétation des dispositions qui contiennent maintenant de la terminologie des deux systèmes. Ces dispositions de la Loi d'interprétation ont été bien comprises. Elles n'ont pas entraîné de difficultés pour autant que je sache.

Dans l'ensemble, je pense que l'initiative d'harmonisation a été comprise. Je ne suis pas au courant de quelques difficultés ou changements particuliers causés par les modifications.

Le sénateur Fraser : Vous n'avez pas eu de leçons à tirer, et c'est ce à quoi je voulais en venir, lors de l'élaboration du projet de loi précédant le projet de loi S-3. Vous avez utilisé un processus vous paraissant suffisamment au point pour continuer de l'employer et pour être convaincu que tout se passerait bien.

M. Keyes : C'est exact, mais je ne veux pas dire que de nouveaux problèmes ne sont pas survenus, qu'il n'y a pas eu de difficultés que nous n'avions pas rencontrées précédemment.

Le projet de loi que vous avez devant vous s'inspire, dans une grande mesure, des deux projets de lois précédents, mais au fur et à mesure que nous avançons, nous sommes également confrontés à de nouveaux problèmes, et nous continuons de travailler pour les résoudre.

Le sénateur Fraser : Quand pouvons-nous espérer voir le projet de loi no 4 de la même série?

M. Keyes : Je serais heureux de le présenter aussitôt que possible. Cela dépend du gouvernement, bien sûr, et de ses priorités en matière de législation. Nous sommes très avancés pour ce qui est de l'élaboration du contenu du projet de loi. Il s'agit vraiment d'une question de priorités du gouvernement sur le plan législatif.

Le sénateur Fraser : Pouvez-vous nous dire quels domaines du droit couvrira le projet de loi no 4?

M. Keyes : Nous avons l'intention de continuer à examiner les lois commerciales, les lois relatives aux arrangements avec les créanciers des compagnies, la Loi sur la concurrence, éventuellement les lois relatives aux institutions financières, telles que la Loi sur les banques, bien que nous adoptions une approche différente pour ce type de mesure législative. Comme vous le savez, il y a tous les cinq ans un examen de la Loi sur les banques; nous avons donc régulièrement l'occasion d'harmoniser cette loi dans le cadre d'autres initiatives législatives. Il ne sera peut-être pas nécessaire de toucher à la Loi sur les banques dans un projet de loi d'harmonisation, parce que nous nous en occupons dans un autre projet de loi modificatif.

Un autre texte de loi important est la Loi sur la gestion des finances publiques, qui est la pierre angulaire des activités du gouvernement et dont une bonne partie comporte également de la terminologie et des notions propres au droit privé.

Le sénateur Fraser : Vous vous attaquez là à des lois très complexes. Elles sont toutes compliquées et techniques, mais les prochaines dans votre liste me semblent, peut-être, les plus difficiles.

M. Keyes : Oui, en effet. Il s'agit là de domaines de droit certainement complexes, mais nous savons que nous avons une base solide pour faire les modifications. Il s'agit vraiment d'essayer d'établir le lien avec le droit privé sous-jacent et de faire correspondre la terminologie utilisée dans le droit fédéral à celle utilisée dans les textes de loi des provinces.

Sénateur Fraser : Merci beaucoup.

Le président : Monsieur Keyes, pour ceux d'entre nous qui n'étaient pas membres du comité lors de l'examen du projet de loi S-12, pourriez-vous décrire le processus utilisé par votre équipe du bijuridisme législatif pour harmoniser le droit fédéral avec le droit civil? Bien sûr, le Code civil règle des questions qui relèvent de la province de Québec. Quel processus suivez-vous pour vous assurer, par exemple, que l'intention de la législation provinciale est compatible avec les modifications que vous souhaitez apporter au droit fédéral? Pouvez-vous nous expliquer un peu le processus suivi par votre équipe.

M. Keyes : Ce sera avec grand plaisir. Je devrais peut-être d'abord dire que la raison pour laquelle nous nous sommes intéressés au droit civil du Québec et à la common law des provinces est que le droit fédéral est rempli de notions appartenant aux systèmes de droit des différentes provinces. Même des lois comme le Code criminel contiennent des notions de droit privé. Si vous prenez une infraction de vol, par exemple, la notion de propriété est une composante essentielle pour définir l'infraction de vol.

Ces notions de droit privé se retrouvent partout dans le droit fédéral. Nous commençons par examiner une loi particulière ou un règlement particulier pour voir d'abord s'il existe des liens entre le droit fédéral et le droit provincial. Nous avons examiné l'ensemble des lois fédérales (environ 600) et nous avons constaté qu'un peu moins de la moitié d'entre elles ne contiennent aucune notion de droit privé; il s'agit de droit réellement fédéral, sans lien avec le droit provincial.

Les autres lois, bien sûr, contiennent des notions de droit privé.

Nous avons commencé notre travail en recherchant les équivalents pour les notions existantes dans le droit fédéral. Quelles sont les équivalences dans les deux systèmes? Dans certains cas, il est relativement facile de les trouver. Si vous prenez, par exemple, la notion de « mortgage » dans la common law, la notion d'hypothèque est relativement proche de cette notion dans le droit civil. Nous n'avons pas réellement eu à faire beaucoup de recherches pour raffiner cette approche; c'est quelque chose de relativement simple dès le départ. Lorsque nous trouvons des références à « mortgages » et à « hypothèques » dans les lois, nous nous assurons simplement que les deux notions sont reflétées dans les dispositions concernées.

Dans d'autres cas, il est un peu plus difficile d'établir ces équivalences, comme pour les questions de sûreté, par exemple. Les notions de sûreté , comme l'a remarqué le sénateur Fraser, sont des notions de droit très complexes et elles se sont développées de façon différente dans chaque système de droit. Il s'agit aussi souvent d'essayer de comprendre ce que la notion recouvre dans chaque système et de trouver la terminologie qui fonctionnera le mieux pour chacun d'eux. Parfois, il faut utiliser la terminologie de chaque système, mais, parfois, il faut également essayer d'utiliser des termes plus généraux qui engloberont ces notions et s'assurer qu'ils peuvent fonctionner pleinement dans le droit fédéral.

Notre travail commence réellement par une période d'étude pour essayer de comprendre ce que recouvrent les notions, ce que sont les équivalences dans chaque système. Nous préparons ensuite une analyse que nous envoyons aux ministères responsables de l'administration des lois en question.

La première étape est de nous assurer que les ministères participent, qu'ils comprennent ce que nous proposons de faire et de voir s'ils ont des inquiétudes ou de l'information supplémentaire à communiquer. Cela nous permet de savoir si nos interventions permettent bel et bien d'harmoniser les lois ou si elles nous amènent, par exemple, à modifier involontairement le contenu de ces lois.

La seconde phase est de faire participer tous les ministères à une discussion sur notre projet pour leur faire comprendre ce que nous faisons et pour comprendre mieux nous-mêmes les lois que nous essayons d'harmoniser. Cela est particulièrement important dans les domaines de droit très complexes.

La phase suivante est de préparer les propositions pour des consultations publiques. Pour ce faire, nous avons organisé des consultations de différentes façons. Nous avons affiché les propositions dans le site Internet du ministère de la Justice afin que toute personne disposant d'un accès à Internet puisse en prendre connaissance. Nous avons expliqué aux gens ce que nous nous proposions de faire et nous les avons invités à formuler des commentaires sur ces propositions.

Nous avons également envoyé des lettres à environ 350 personnes que nous pensions particulièrement intéressées par notre travail, aux autres procureurs généraux des provinces, aux juges en chef des tribunaux, à certains universitaires qui portaient un intérêt particulier à ces questions juridiques, pour les informer que nous avions placé nos propositions dans Internet et, une fois de plus, pour les inviter à nous aider en nous fournissant leur rétroaction. Les commentaires obtenus ont été très positifs et ils nous ont indiqué que nous allions dans la bonne direction.

Pour ces propositions, nous avons également organisé une table ronde à l'Université de Montréal en 2008 afin d'examiner en particulier les propositions relatives à la Loi canadienne sur les sociétés par actions. Il s'agit là, bien sûr, d'un texte législatif important pour le monde des affaires. Nous voulions nous assurer que les gens du milieu des affaires étaient satisfaits de ce que nous faisions.

Cette consultation nous a également aidés pour la Loi canadienne sur les coopératives, car la plupart des modifications que nous apportions à cette loi étaient identiques à celles que nous apportions à la Loi canadienne sur les sociétés par actions également. Nous avons donc fait d'une pierre deux coups.

Une fois les consultations terminées, nous nous sommes mis au travail pour préparer le projet de loi que nous vous présentons une fois de plus.

Le président : Monsieur Keyes, le Canada est-il le seul pays au monde à devoir effectuer un tel processus d'harmonisation? Comme nous le savons, le Code civil régit les questions provinciales dans la province de Québec et la common law s'applique aux autres provinces et aux autres territoires du pays. Connaissez-vous d'autres pays dans le reste du monde qui ont mis en place un processus similaire à celui élaboré par votre équipe?

M. Keyes : Je dirais que notre exercice et notre approche sont uniques dans le monde. Il y a certainement d'autres pays qui ont des systèmes juridiques quelque peu mixtes. Peut-être que l'un des plus connus est le système écossais au Royaume-Uni. Le droit écossais est un mélange de droit romano-germanique et de droit civil, aussi le droit privé en Écosse est-il quelque peu différent. Le droit criminel est en partie différent également. Les lois écossaises s'inscrivent dans le contexte du Royaume-Uni. Il n'existe pas là-bas d'approche d'harmonisation comme la nôtre. Au Royaume-Uni, le Parlement britannique a simplement établi que certains domaines relèvent du droit écossais. Ce n'est pas un système qui combine les deux systèmes de droit; certaines questions sont couvertes par un système en particulier et d'autres, par un autre système. Ici au Canada, le droit fédéral s'applique réellement aux deux systèmes de droit et il est, je pense, unique au monde.

Dans d'autres pays, il y a eu des endroits où le droit civil a été en vigueur à un moment donné, comme cela a été le cas en Californie et en Louisiane, mais ces systèmes ont été graduellement absorbés dans le système de la common law. Le droit privé de ces deux États conserve encore jusqu'à un certain degré des bribes de droit civil mais, pour l'essentiel, ces États en sont venus à adopter la common law par assimilation.

Le sénateur Fraser : On m'a dit il y a des années, probablement lorsque le projet de loi no 1 de la série nous est parvenu, que l'Afrique du Sud aurait eu un système vaguement comparable au nôtre, avec deux systèmes de droit ancestraux et deux langues.

M. Keyes : C'est exact. Si vous regardez l'histoire de l'Afrique du Sud, il y avait le droit néerlandais, mais certaines parties du pays étaient sous l'autorité britannique. Je ne sais pas vraiment comment les choses fonctionnent en Afrique du Sud; mon impression est qu'il s'agit en grande partie d'un système de droit civil, avec une certaine présence de la common law.

Le sénateur Fraser : Merci.

Le président : Vous avez mentionné l'expérience écossaise et c'est un point intéressant. Des lois distinctes ont été maintenues pour l'Écosse en Grande-Bretagne et cela a peut-être influencé notre pays à ses débuts, car le premier ministre Macdonald était né en Écosse et les deux systèmes de droit ont été adoptés à partir de 1867. Je suis certain que cela est dû en grande partie à l'expérience écossaise, qui ressort très bien dans le Canada d'aujourd'hui.

Le sénateur Fraser : Et vos origines, monsieur le président, sont...

M. Keyes : C'est un point fascinant, sénateur Wallace. J'ai l'intention de lire la biographie de sir John A. Macdonald écrite par Richard Gwyn, qui a été publiée dernièrement, et je regarderai certainement s'il en parle.

Le président : C'est certainement quelque chose dont il faut se souvenir à l'occasion du Jour du Tartan chaque année.

[Français]

Le sénateur Joyal : Est-ce que vous faites un suivi de la façon dont les tribunaux, par la suite, peuvent interpréter des éléments de modifications que vous aviez apportés aux statuts ou si, une fois la loi adoptée, vous laissez tout simplement aller sans vérifier la façon dont les tribunaux en particulier ont pu recevoir les modifications apportées?

M. Keyes : Nous suivons de très près la jurisprudence en matière de questions bijuridiques, notamment celle de la Cour suprême du Canada. En général, nous n'avons pas trouvé de problème avec cette jurisprudence. Les tribunaux ont bien saisi l'intention des propositions et modifications d'harmonisation. Je ne connais pas une instance où il a fallu modifier encore une fois une disposition à cause d'un problème.

Le sénateur Joyal : Ou que la disposition n'a pas été claire selon l'interprétation que les tribunaux en avaient?

M. Keyes : Non. Je crois que les tribunaux ont bien compris l'intention derrière les modifications.

Le sénateur Joyal : Une fois le projet de loi adopté, de quelle façon diffusez-vous le résultat auquel vous ou le Parlement en êtes arrivés? Estimez-vous le fait que vous ayez consulté, comme vous l'avez indiqué, par table ronde les universités, le Conseil de la magistrature, les barreaux, comme suffisant pour alerter les gens, ou prenez-vous d'autres initiatives de diffusion auprès de la clientèle concernée, en l'occurrence les facultés de droits et les spécialistes des lois que vous modifiez?

M. Keyes : Nous allons avoir une bonne stratégie de communication pour ce projet de loi comme pour tous les autres. Cela inclura la publication d'annonces dans les journaux, sur notre site web et probablement la diffusion de messages à l'intention des gens avec qui nous tenons des liens étroits dans nos recherches.

Le sénateur Joyal : Est-ce qu'une fois que le projet de loi est adopté, si quelqu'un avait une question à poser suite à la lecture de la loi, il y a un service au ministère de la Justice que l'on peut consulter, un expert ou un spécialiste, par exemple, pour avoir des explications additionnelles? Prenons la Loi sur l'expropriation, c'est une loi relativement connue des gens, est-ce qu'il y a un service au ministère de la Justice Canada?

M. Keyes : Nous sommes très ouverts sur les questions qu'on pose sur les modifications et sur notre programme. Ce serait en principe la responsabilité des ministères parrain, qui sont responsables pour la mise en œuvre de l'administration de ces projets de loi, mais si on pose des questions, nous sommes prêts à fournir les réponses, les clarifications pour expliquer la portée des modifications.

Le sénateur Joyal : Depuis 1995, au ministère de la Justice Canada, il y a un service qui évidemment rédige les lois selon les principes, le vocabulaire ou les éléments de chacun des deux systèmes. Ceci fait qu'il n'y aurait plus de projet de loi depuis 1995, qui aurait à faire l'objet d'une révision ou d'une réadaptation, compte tenu des recherches que vous avez faites et des résultats auxquels vous êtes arrivés dans les trois premiers projets de loi?

M. Keyes : Oui, à un moment donné, nous allons terminer la révision des lois sanctionnées avant 2001-2002, qui était notre programme d'harmonisation systématique avec tous les nouveaux projets de loi, tous les nouveaux projets de règlement. Nous estimons qu'il nous reste à peu près 200 lois à harmoniser et nous avons fait de beaux progrès sur l'analyse de la plupart de ces 200 lois. Avec les autres projets de loi d'harmonisation, nous envisageons terminer cet exercice de rattrapage pour la modification de toutes les lois édictées avant le début de notre programme d'harmonisation.

Le sénateur Joyal : Est-ce que vous diriez que c'est plus facile maintenant que vous avez développé une méthodologie, des concepts, une approche, que vous êtes maintenant plus familier, puisque c'est la troisième initiative, que cela irait plus rapidement pour ce qui vous reste à ajuster, selon les objectifs du programme?

M. Keyes : C'est sûr que le règlement de certaines questions est accéléré. Donc nous avons les solutions, c'est la même problématique que nous avons vue dans les autres projets de loi. Par contre, on rencontre toujours de nouveaux problèmes, donc il faut s'efforcer de faire une bonne analyse de la question pour s'assurer que nous trouvons la meilleure solution à ces problèmes.

C'est difficile de prédire quand nous allons terminer tout cet exercice, mais c'est sûr que c'est accéléré avec l'expertise et l'expérience que nous avons acquises avec les autres projets de loi.

Le sénateur Joyal : Avez-vous eu des commentaires de rétroaction de la part des juges, par exemple, de la Cour fédérale pour lesquels la majorité de ces lois seraient normalement portées, compte tenu évidemment qu'il s'agit de litiges qui pourraient impliquer le gouvernement du Canada?

Je reviens sur la Loi sur l'expropriation, qui est l'exemple le plus facile. Avez-vous eu des rétroactions de la part des juges sur le fait que dorénavant, c'est beaucoup plus simple d'interpréter la loi puisque le texte est rendu plus clair dans un système ou l'autre, quelque soit les parties devant eux?

M. Keyes : Nous n'avons pas vraiment reçu de rétroaction des juges en ce sens sur la Loi sur l'expropriation. Je ne connais pas un commentaire précis de la part des juges en ce qui concerne les propositions. Donc, nous présumons que c'est correct ce que nous avons proposé.

Le sénateur Joyal : Est-ce que vous avez informé les facultés de droit que c'est dorénavant le système à l'intérieur duquel le gouvernement canadien opère, c'est-à-dire de concilier les deux systèmes dans les mêmes statuts?

M. Keyes : Oui, nous ne manquons pas les occasions de publiciser les différents programmes dans le cadre de communication. En effet, cet après-midi même, je vais donner un discours à l'Université d'Ottawa, à la faculté de droit. J'aurai l'occasion de mentionner que je suis le premier conseiller législatif, que nous avons un programme de rédaction bilingue et d'harmonisation. Nous essayons de faire ce genre de promotion à tous les égards.

Le sénateur Joyal : Est-ce que le public, de façon générale, réagit positivement à l'initiative que vous avez entreprise de faciliter en définitive la compréhension de la loi?

M. Keyes : La rétroaction que nous avons reçue est surtout de la communauté juridique. Il y avait très peu de commentaires des non-juristes. C'est le genre de question qui est pas mal difficile à comprendre pour la plupart du monde. C'est également le sens de nos consultations. C'est surtout de l'intérêt de la communauté juridique. Nous invitons les commentaires du grand public, mais à ce jour, nous n'avons pas reçu beaucoup de commentaires.

Le sénateur Joyal : Très bien. Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Le président : Monsieur Keyes, cela conclut les commentaires et les questions des membres de notre comité. Vos réponses étaient complètes et les membres sont satisfaits.

Je voudrais vous remercier d'être venu ici aujourd'hui. Cela a été très instructif pour nous et j'ai l'impression que ce ne sera pas le dernier projet de loi d'harmonisation que nous verrons.

Chers collègues, nous continuons notre étude du projet de loi S-3. Êtes-vous d'accord pour procéder à l'étude article par article du projet de loi S-3, la loi no 3 visant à harmoniser le droit fédéral avec le droit civil du Québec et modifiant certaines lois pour que chaque version linguistique tienne compte du droit civil et de la common law?

Des voix : Oui.

Le président : Adopté. Le titre est-il réservé?

Des voix : Oui.

Le président : Adopté. L'article 1, qui contient le titre abrégé, est-il réservé?

Des voix : Oui.

Le président : Adopté. Le comité consent-il à ce que les articles soient regroupés selon les parties du projet de loi indiquées dans la table analytique du projet de loi S-3?

Des voix : Oui.

Le président : Adopté. La table analytique est à la page 2 du projet de loi si vous suivez. La partie 1, qui contient les articles 2 à 160, est-elle adoptée?

Des voix : Oui.

Le président : Adopté. La partie 2, qui contient les articles 161 à 164, est-elle adoptée?

Des voix : Oui.

Le président : Adopté. La partie 3, qui contient la clause 165, est-elle adoptée?

Des voix : Oui.

Le président : Adopté. L'annexe 1 est-elle adoptée?

Des voix : Oui.

Le président : Adopté. L'annexe 2 est-elle adoptée?

Des voix : Oui.

Le président : Adopté. L'annexe 1, qui contient le titre abrégé, est-elle adoptée?

Des voix : Oui.

Le président : Adopté. Le titre est-il adopté?

Des voix : Oui.

Le président : Adopté. Le projet de loi est-il adopté?

Des voix : Oui.

Le président : Adopté. Le comité veut-il discuter des observations ajoutées au rapport?

Des voix : Non.

Le président : Êtes-vous d'accord pour ne pas en discuter?

Des voix : Oui.

Le président : Adopté. Êtes-vous d'accord pour renvoyer ce projet de loi au Sénat?

Des voix : Oui.

Le président : Adopté. Sénateur Joyal.

Le sénateur Joyal : Puisque nous avons la chance d'avoir une lettre du ministre de la Justice confirmant que ce projet de loi est similaire au précédent, ne serait-il pas approprié de joindre une copie imprimée de cette lettre au procès-verbal de la réunion d'aujourd'hui?

Shaila Anwar, greffière du comité : Nous l'avons adoptée comme document à déposer auprès de la greffière. Nous ne fournissons pas de copies de tels documents avec le procès-verbal normalement, mais si vous voulez la faire imprimer...

Le sénateur Joyal : Je suggère que vous nous fournissiez une copie avec le procès-verbal, car il est tout à fait inhabituel de procéder à une étude article par article d'un projet de loi si long pendant une même journée.

Pour préserver la réputation du Sénat, je pense qu'il serait préférable d'avoir cela dans le dossier.

Le président : Pour que le dossier soit clair. Cela me paraît certainement raisonnable. Êtes-vous d'accord pour que l'on annexe la lettre du ministre au procès-verbal de l'audience d'aujourd'hui?

Des voix : Oui.

Le président : Adopté. Merci, chers collègues. Cela met fin à notre examen du projet de loi S-3.

Nous poursuivons avec l'examen de la Proposition relative aux frais d'utilisation de la Commission des libérations conditionnelles du Canada présentée par le ministre de la Sécurité publique. Cette proposition a été faite conformément à l'article 5 de la Loi sur les frais d'utilisation et elle a été proposée par le leader adjoint du gouvernement au Sénat le 27 septembre 2011.

Comme vous vous en souviendrez, nous nous sommes rencontrés pour étudier cette question jeudi dernier. Nous avons examiné les observations que nous envisageons d'ajouter au rapport final.

Avant de passer à notre discussion et d'examiner ces observations préliminaires, j'aimerais traiter deux motions de forme.

Êtes-vous d'accord pour que le comité poursuive ses travaux à huis clos conformément à l'article 92(2)f) pour examiner un rapport préliminaire et que le personnel des sénateurs soit autorisé à demeurer dans la salle pendant la partie à huis clos de la réunion d'aujourd'hui?

Des voix : Oui.

Le président : Adopté. Pareillement, permettez-vous que les délibérations de la partie à huis clos de la réunion d'aujourd'hui soient transcrites, qu'une copie de ces délibérations soit conservée dans le bureau de la greffière pour consultation par les membres du comité qui sont présents aujourd'hui et les analystes du comité, et que cette copie soit détruite par la greffière lorsque celle-ci recevra une autorisation à cet effet du Sous-comité du programme et de la procédure, ou au plus tard à la fin de la présente session parlementaire?

Des voix : Oui.

Le président : Adopté.

(La séance se poursuit à huis clos.)


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