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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 28 - Témoignages du 5 décembre 2012


OTTAWA, le mercredi 5 décembre 2012

Le Comité permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 16 h 14, pour amorcer l'étude du projet de loi C-44, Loi modifiant le Code canadien du travail et la Loi sur l'assurance-emploi et modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu et le Règlement de l'impôt sur le revenu en conséquence.

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : La séance est ouverte, nous avons atteint le quorum.

[Français]

Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Mon nom est Kelvin Ogilvie, sénateur originaire de la Nouvelle-Écosse et président du comité. Je demanderais à mes collègues de bien vouloir se présenter, en commençant par le sénateur à ma gauche.

Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, sénateur de Toronto et vice-président du comité. Je vous souhaite la bienvenue, madame la ministre.

Le sénateur Merchant : Pana Merchant, de la Saskatchewan.

Le sénateur Dyck : Lillian Dyck, de la Saskatchewan. Je vous souhaite la bienvenue.

Le sénateur Munson : Jim Munson, de l'Ontario.

Le sénateur Cordy : Jane Cordy, de la Nouvelle-Écosse et, comme la ministre, diplômée de l'école secondaire Holy Angels.

[Français]

Le sénateur Verner : Josée Verner de la province de Québec.

Le sénateur Boisvenu : Pierre-Hugues Boisvenu, de la province de Québec.

[Traduction]

Le sénateur Martin : Yonah Martin, de la Colombie-Britannique. Bonjour, madame la ministre.

Le sénateur Seth : Asha Seth, de Toronto, Ontario.

Le sénateur Seidman : Judith Seidman, de Montréal, Québec.

Le sénateur Eaton : Nicky Eaton, de l'Ontario.

Le président : Madame la ministre, au nom du comité, je tiens à vous remercier d'être ici.

J'aimerais informer les membres du comité que la ministre Finley est en retard. Elle se joindra à nous dans une quinzaine de minutes. Si vous le voulez bien, nous allons commencer. Lorsque la ministre arrivera, nous permettrons à la ministre Raitt de terminer sa réponse et donnerons ensuite l'occasion à la ministre Finley de faire son exposé. Nous poursuivrons ensuite la période des questions.

Chers collègues, nous devons accueillir deux groupes de témoins aujourd'hui. Êtes-vous d'accord pour que le second groupe commence son témoignage au plus tard à 17 h 15?

Des voix : D'accord.

Le président : C'est bien.

Madame la ministre Raitt, vous avez la parole.

L'hon. Lisa Raitt, C.P., députée, ministre du Travail : Merci beaucoup, mesdames et messieurs les sénateurs. Je vous remercie pour cette occasion.

Je dois admettre que c'est agréable de ne pas avoir à témoigner devant un comité plénier. C'est le seul temps où je viens témoigner, soit lors d'études de projets de loi non prévus. Ça fait changement. Je vous remercie pour cette occasion qui m'est offerte de vous parler de cette mesure législative extrêmement importante.

Il n'y a rien de plus important que de veiller à offrir le soutien et les services gouvernementaux aux Canadiens lorsqu'ils en ont réellement besoin.

Il ne fait aucun doute que le projet de loi C-44 répond à un besoin. Personne n'a plus besoin d'aide que les familles dont les enfants souffrent d'une maladie très grave ou les parents dont la fille ou le garçon a disparu ou a été victime d'un meurtre.

Permettez-moi de citer une personne qui a vécu cette expérience. Bruno Serre est le père de Brigitte, assassinée en 2006 alors qu'elle était âgée de 17 ans. Voici ce que M. Serre a déclaré en septembre lors d'une conférence de presse que nous avons tenue afin d'annoncer le dépôt de ce projet de loi :

Lorsque Brigitte est décédée, il n'y a pas que ma vie de père qui s'est effondrée, mais aussi ma vie en tant que travailleur. Après la mort de Brigitte, j'ai pris une période de repos de cinq semaines. Lorsqu'un de vos enfants est assassiné, il n'y a personne, et je dis bien personne, qui est prêt à retourner au travail après une période de repos de cinq semaines, si l'on peut appeler cela du repos...

Cependant, l'insécurité financière à laquelle je faisais face et les dettes qui s'accumulaient m'ont obligé à retourner au travail.

Mon état de santé psychologique et mon épuisement ont eu de graves conséquences. À cela s'ajoutait ma crainte de perdre mon emploi et de me retrouver à la rue.

Ce sont des mots très difficiles à entendre. M. Serre a fait une déclaration très honnête et authentique. Il a poursuivi en disant que s'il avait pu obtenir l'aide que nous offrons avec le projet de loi C-44, toute sa famille en aurait bénéficié. Il a dit :

J'aurais pu prendre plus de temps pour recouvrer la santé, tenter de reprendre goût à la vie — parce que la vie continue — et être plus présent auprès de ma femme et de mes autres enfants.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, notre gouvernement est résolu à aider les familles canadiennes qui se retrouvent malheureusement dans ces situations difficiles. En tant que mère de deux enfants, je ne peux pas m'imaginer la douleur et les problèmes qu'apporte une telle tragédie à une famille.

Notre engagement à renforcer l'économie du Canada et à créer des emplois signifie aussi que nous voulons soutenir les Canadiennes et les Canadiens dans les moments difficiles afin qu'ils puissent ensuite revenir au travail en meilleure santé.

Les familles qui doivent vivre le deuil de perdre un enfant ne devraient pas avoir à s'inquiéter également de leur emploi. C'est la raison pour laquelle le soutien aux familles, une priorité pour notre gouvernement, est une des nombreuses mesures progressives que propose le projet de loi C-44.

En plus des améliorations apportées récemment au régime d'assurance-emploi et de la nouvelle subvention pour le soutien du revenu, que ma collègue, la ministre Finley, abordera dans quelques instants, nous apportons d'importants changements au Code canadien du travail en vue d'aider le plus possible les familles en crise.

Par exemple, la Loi visant à aider les familles dans le besoin modifie la partie III du Code canadien du travail de façon à offrir aux employés des secteurs assujettis à la réglementation fédérale le droit à un congé sans solde s'ils se retrouvent dans l'une de ces situations tragiques.

L'emploi des parents d'un enfant gravement malade sera protégé pendant une période pouvant atteindre 37 semaines. Les parents d'un enfant disparu verront leur emploi protégé pendant une période de 52 semaines. Quant aux parents d'un enfant victime d'un meurtre, les modifications permettront de protéger leur emploi pendant une période pouvant atteindre 104 semaines, soit deux années complètes. Les employés ne seront pas obligés de prendre le congé maximal permis ni incités à le faire. Toutefois, ils auront l'assurance de pouvoir le prendre, s'ils en ont besoin.

Certains employés ne sont pas visés par cette mesure législative, car la protection prévue par le Code du travail varie d'une province à l'autre. Certaines d'entre elles, comme la province de Québec, offrent déjà un important soutien permettant ainsi aux parents de s'absenter du travail si leur enfant est victime de meurtre ou porté disparu.

La semaine dernière, le gouvernement du Manitoba a présenté des modifications législatives qui permettraient aux employés de la province de profiter des avantages proposés dans le projet de loi C-44. C'est très agréable de voir que d'autres paliers gouvernementaux remarquent ce que nous faisons dans ce dossier. Le projet de loi 3 propose de modifier le Code des normes d'emploi du Manitoba, ce qui viendrait complémenter notre Loi visant à aider les familles dans le besoin. Comme je l'ai dit, j'espère que d'autres gouvernements provinciaux et territoriaux suivront notre exemple et modifieront leurs lois respectives sur le travail afin de protéger les emplois des parents d'enfants victimes de meurtre ou portés disparus et ceux des parents d'enfants gravement malades. Ainsi, ces parents pourront aussi tirer profit de ces nouvelles mesures de soutien du revenu offertes par le gouvernement du Canada tout en sachant que leurs emplois seront protégés par le gouvernement de leur province ou de leur territoire.

Les employeurs avisés comprennent que des employés peuvent avoir besoin de s'absenter du travail afin de mieux gérer la pression psychologique et les exigences incessantes qu'entraînent la maladie grave, la disparition ou le meurtre de leur enfant. Ils reconnaissent que les travailleurs qui sont tout simplement exténués ou soumis à un stress extrême sont moins attentifs et moins productifs. Faire preuve de compassion n'est jamais un mauvais investissement; les employeurs aussi en bénéficient.

Les travailleurs qui peuvent disposer du temps dont ils ont besoin pour se remettre d'une crise sont plus susceptibles de retourner par la suite au travail, et ce dans un meilleur état d'esprit.

Je suis très fière de dire que le gouvernement du Canada et les industries qu'il représente font partir de ce groupe d'employeurs avisés. Comme nous l'avons promis lors de la campagne de 2011, nous serons là pour aider les parents canadiens à traverser certaines des journées les plus difficiles qu'ils auront probablement à affronter. Ils comptent sur nous pour les aider, et c'est tout ce dont il s'agit.

Merci beaucoup, monsieur le président. Je serai heureuse de répondre aux questions du comité sur le Code du travail. La ministre Finley se chargera des questions relatives au soutien du revenu.

Le président : Merci beaucoup, madame la ministre.

J'aimerais maintenant accueillir les deux responsables de RHDCC qui viennent de se joindre à nous : Mme Mireille Laroche, directrice générale, Politiques de l'assurance-emploi; et Anthony Giles, directeur général, Direction de la politique stratégique, de l'analyse et de l'information sur les milieux de travail. Merci d'avoir accepté de venir nous aider dans le cadre de cette étude.

Nous allons maintenant amorcer la première série de questions. Je tiens à rappeler aux membres du comité que, lorsque la ministre Finley arrivera, la ministre Raitt terminera sa réponse, et nous permettrons ensuite à la ministre Finley de faire son exposé.

Le sénateur Eggleton : Madame la ministre, je crois que nous sommes tous d'accord avec vous. C'est une bonne initiative. J'aimerais vous poser une question sur les congés proposés et savoir pourquoi ils sont différents. Si j'ai bien compris, le projet de loi propose un congé sans solde de 37 semaines pour les parents d'un enfant gravement malade. Mais pour les parents d'un enfant victime de meurtre ou porté disparu, le congé proposé est de 104 semaines et de 52 semaines respectivement. Pourquoi la durée des congés est-elle différente? Ce sont toutes des situations très difficiles à vivre pour les parents, alors pourquoi cette différence?

Mme Raitt : Nous avons établi la durée du congé pour les parents d'un enfant victime de meurtre ou porté disparu, qui diffère de celle proposée pour les parents d'un enfant gravement malade, de façon à ce que le congé soit aussi généreux que le meilleur offert à ce chapitre au Canada, soit celui du Québec, la seule province au pays à offrir un tel congé. Nous avons jugé que 104 semaines pour les parents d'un enfant victime de meurtre était adéquat pour leur permettre de vivre leur deuil et de composer avec le stress psychologique d'une telle tragédie, mais aussi en raison des procédures judiciaires possibles qui peuvent s'étendre sur une longue période et ajouter au stress des parents. C'est la raison pour laquelle nous proposons un congé de 104 semaines.

Nous proposons un congé de 52 semaines pour les parents d'un enfant porté disparu, car cela permettrait aux parents de participer aux recherches et leur laisserait du temps pour surmonter le choc psychologique qu'ils vivent.

Pour les parents d'un enfant gravement malade, nous proposons un congé de 37 semaines, à l'intérieur d'une période de 52 semaines, car cela correspond aux dispositions du régime d'assurance-emploi, soit 35 semaines de prestations plus deux semaines d'attente. Cela est conforme à notre politique de longue date, soit de permettre aux employés de profiter des prestations fédérales sans risquer de perdre leur emploi. Nous avons établi la durée de congé pour qu'elle corresponde aux 35 semaines de prestations offertes dans le cadre du régime d'assurance-emploi.

Nous avons établi la durée des congés pour les parents d'un enfant victime de meurtre ou porté disparu en fonction de ce qu'offraient déjà les provinces à ce chapitre et en tenant compte du soutien du revenu disponible. Les difficultés et les circonstances sont différentes dans ces deux cas.

Le sénateur Eggleton : D'accord.

Ce projet de loi ne comprend aucune définition de ce qu'est un enfant gravement malade. Quelle définition allez- vous utiliser?

Mme Raitt : La ministre Finley pourra vous en parler plus en détail. Pendant que M. Giles cherche la définition, je peux vous dire que la ministre Finley a été conseillée par divers groupes et intervenants sur la définition appropriée à adopter. Je vais lui laisser le soin de vous en parler, car elle a plus de détails sur le processus ayant mené à l'adoption de la définition.

Le sénateur Eggleton : La définition en question s'appliquera-t-elle à la fois au Code du travail et au régime d'assurance-emploi? D'accord, ça va.

Mme Raitt : Absolument. La définition est incluse dans le règlement d'application de la Loi sur l'assurance-emploi et s'applique à un enfant malade de moins de 18 ans dont la vie est en danger à cause d'une maladie ou d'une blessure qui nécessite les soins ou le soutien continuel des parents. C'est la définition que nous proposerons et qui sera ajoutée au Code du travail.

Le sénateur Eggleton : On dit qu'il y aurait exception lorsque l'employé — le père ou la mère — est accusé du meurtre ou de l'enlèvement de son enfant.

Mme Raitt : C'est exact.

Le sénateur Eggleton : Ou si l'enfant a participé au crime. J'imagine que ce serait possible dans le cas d'un enfant plus âgé. Qui prendra cette décision et sur quels critères va-t-on s'appuyer? Si l'on accorde des fonds et qu'il est prouvé plus tard que l'enfant a participé au crime, que va-t-on faire? Le ministère récupérera-t-il l'argent versé?

Mme Raitt : En fait, j'ignore qu'elle serait la procédure.

Le sénateur Eggleton : Vous l'ignorez en ce qui concerne l'assurance-emploi, mais en ce qui concerne le Code du travail?

Mme Raitt : La politique est de ne pas récompenser les comportements criminels. Je crois que c'est important afin de s'assurer que personne ne profite de la mort ou de l'enlèvement d'un enfant pour s'enrichir. C'est la raison pour laquelle nous voulions nous assurer qu'un parent accusé d'un crime ayant entraîné la mort de son enfant ne soit pas admissible à un congé sans solde. Mais il faut toutefois que des accusations soient portées. J'ignore quelle serait la procédure si l'on a déjà versé des fonds. Il faudrait poser la question au ministre de la Justice.

Le sénateur Eggleton : J'imagine qu'il faudrait que le parent soit reconnu coupable avant...

Mme Raitt : Ou s'il est probable que l'enfant ait participé au crime. Encore une fois, étant donné l'origine des fonds, ce serait au ministère de la Justice de déterminer la suite des choses. J'espère seulement que l'on n'aura pas à appliquer cette partie du code ou de la loi.

Le président : La ministre Finley vient d'arriver. Comme convenu, la dernière question ayant été répondue, je lui souhaite la bienvenue au comité et l'invite à faire son exposé. Nous poursuivrons ensuite avec les questions des sénateurs.

[Français]

L'honorable Diane Finley, C.P., députée, ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences : Merci, monsieur le président. Je vous remercie de m'avoir invitée à discuter du projet de loi C-44, la plus récente initiative de notre gouvernement pour aider des travailleurs canadiens et les membres de leur famille.

[Traduction]

Je suis très fière de parrainer ce projet de loi et très heureuse qu'il ait été adopté à l'unanimité à la Chambre des communes le 20 novembre dernier.

Notre gouvernement est à l'écoute des familles canadiennes. Nous savons qu'élever un enfant est l'une des responsabilités les plus importantes qu'on puisse avoir à assumer. C'est en partie ce qui explique notre détermination à faire adopter la Loi visant à aider les familles dans le besoin. Elle respecte notre engagement électoral de 2011 visant à offrir un soutien du revenu aux familles canadiennes au moment où elles en ont le plus besoin.

Comme vous le savez, la première composante du projet de loi vise à offrir un appui aux familles confrontées à des situations dramatiques auxquelles aucun parent ne devrait jamais avoir à faire face, c'est-à-dire lorsqu'un enfant tombe gravement malade ou est gravement blessé.

Pour de nombreuses familles canadiennes, il s'agit d'une terrible réalité. Toutefois, notre gouvernement prend des mesures pour leur faciliter un peu la vie dans une période extrêmement difficile.

Nous proposons d'instaurer une nouvelle prestation d'assurance-emploi, qui sera offerte pendant une période pouvant aller jusqu'à 35 semaines et qui peut être partagée entre les parents. Ces prestations s'ajoutent aux six semaines de prestations de compassion auxquelles un parent peut aussi être admissible si son enfant fait face à un risque important de décès dans un délai de 26 semaines.

[Français]

Pour guérir, les enfants gravement malade n'ont pas seulement besoin de soins médicaux jour et nuit, ils ont également besoin du réconfort que peuvent leur offrir leurs parents.

Cette nouvelle prestation viendra atténuer les difficultés financières auxquelles se heurtent les parents qui s'absentent de leur travail pour consacrer du temps à leur famille.

[Traduction]

La deuxième composante du projet de loi concerne le soutien aux parents des enfants qui sont portés disparus ou ont été assassinés — certainement la plus terrifiante des épreuves que pourrait subir un parent.

[Français]

Comme l'a annoncé le premier ministre en avril de cette année, nous fournirons un soutien financier aux parents qui ont de la difficulté à accepter la disparition ou le décès de leur enfant à la suite d'une infraction au Code criminel. Cette mesure entrera en vigueur en janvier 2013.

À ce moment, j'aimerais souligner ici les efforts inlassables déployés par le sénateur Boisvenu, qui a su faire avancer ce dossier. Merci, sénateur.

[Traduction]

Pour ces parents et pour les parents d'enfants gravement malades ou blessés, on apporte aussi des modifications au Code canadien du travail, comme ma collègue l'a expliqué, afin de fournir une protection d'emploi pour ceux qui relèvent de la compétence fédérale. Mais on comprend encore davantage l'importance de cette initiative quand quelqu'un d'autre nous en parle avec des mots qui nous vont droit au cœur.

[Français]

Bruno Serre est le vice-président de l'Association des familles de personnes assassinées et aussi le père de Brigitte, qui a été assassinée en janvier 2006 à l'âge de 17 ans lors de son quart de travail dans une station Shell à Montréal.

Il a dit et je le cite :

Je tiens à remercier [...] le gouvernement conservateur pour avoir tenu cette promesse, une promesse qui redonne confiance aux familles comme la mienne en la volonté de notre gouvernement de les aider.

[Traduction]

La troisième composante du projet de loi propose de modifier la Loi sur l'assurance-emploi de manière à faciliter l'accès aux prestations de maladie pour les parents qui tombent malades pendant qu'ils reçoivent des prestations parentales de l'assurance-emploi. À l'heure actuelle, pour recevoir des prestations de maladie de l'assurance-emploi, un prestataire doit être disponible pour travailler, si ce n'est de sa maladie ou de sa blessure. Par conséquent, un prestataire n'est pas en mesure de recevoir des prestations de maladie au cours d'une période de prestations parentales, puisque techniquement, il n'est pas disponible pour travailler en vertu de la loi. Avec le projet de loi C-44, notre gouvernement propose de renoncer à cette exigence dans le cas des prestataires qui reçoivent des prestations parentales.

Cette nouvelle mesure, qui entrerait en vigueur au début de 2013, profiterait à environ 6 000 Canadiens chaque année et serait offerte aux travailleurs et aux travailleurs indépendants qui ont adhéré au régime d'assurance-emploi.

Monsieur le président, toutes ces mesures fourniront une assistance, malheureusement pendant l'une des périodes les plus difficiles ou tragiques qu'une famille puisse vivre. Pourtant, elles représentent aussi l'engagement inébranlable qu'a pris notre gouvernement en vue de réaliser ses promesses, d'écouter les Canadiens et d'améliorer la vie des familles travaillantes de ce pays.

Cela dit, monsieur le président, je serai heureuse de répondre aux questions.

Le président : Merci beaucoup.

Le sénateur Eggleton : Bienvenue, madame la ministre. Je pense que nous nous entendons tous pour dire que vous avez invoqué des raisons convaincantes pour l'adoption du projet de loi. Mes questions seront similaires à celles que j'ai posées à madame Raitt, et qui concernaient le Code du travail, et je vous poserai aussi des questions sur la Loi de l'assurance-emploi.

Pourquoi certains chiffres sont-ils différents? Par exemple, dans le cas du décès d'un enfant, le congé sans solde et les prestations d'assurance-emploi se terminent à la fin de la semaine pendant laquelle l'enfant est décédé. Toutefois, dans le cas d'un enfant disparu, s'il est retrouvé vivant, le congé sans solde et les prestations se poursuivent jusqu'à 14 jours après son retour. Pourquoi y a-t-il une différence? La mort d'un enfant est une épreuve très difficile. Pourquoi y aurait- il une différence?

Mme Finley : Il existe d'autres formes d'appui aux parents qui ont perdu un enfant, mais lorsque l'enfant est retrouvé vivant et qu'il retourne chez ses parents, il faut du temps pour renouer avec l'enfant, selon ses besoins. Il y a d'autres appuis, surtout pour les parents qui ont un emploi — par exemple, le congé pour raisons familiales et le congé de deuil — et la plupart des employeurs offrent une certaine forme d'appui.

Le sénateur Eggleton : Dans d'autres cas, ils ne le font pas. Pensez-vous qu'ils le devraient?

Mme Finley : Non, ils ne le font pas.

Le sénateur Eggleton : Vous exigez un revenu annuel minimal de 6 500 $. Vous envisagez de payer 350 $ par semaine jusqu'à 35 semaines, d'après ce que je comprends. Dans certains cas, par exemple, pour une personne qui gagne un salaire peu élevé, cela pourrait représenter 100 p. 100 — ou près de 100 p. 100 — de son revenu hebdomadaire. Toutefois, le salaire hebdomadaire moyen des Canadiens est d'environ 912 $, ce qui signifie qu'une personne dans cette catégorie ne recevrait que 38 p. 100 de son salaire, ce qui engendre des problèmes pendant une période déjà difficile. Pourquoi les prestations ne sont-elles pas liées au revenu?

Mme Finley : Il y a deux cas différents. Dans le cas d'une maladie grave, les prestations sont liées au revenu, car elles sont versées dans le cadre du régime d'assurance-emploi, qui fournit 55 p. 100 du maximum de la rémunération assurable. Toutefois, dans les cas d'un enfant assassiné ou disparu, ce n'est pas lié à l'assurance-emploi, et il s'agit d'un montant fixe, alors que le maximum de la rémunération assurable intègre un facteur d'inflation, c'est-à-dire qu'il est indexé.

Le premier cas ressemble aux demandes typiques. Les deux prestations sont à peu près égales si l'on tient compte des demandes d'assurance-emploi moyennes. En fait, dans le cas d'un enfant assassiné ou disparu, les prestations sont un peu plus élevées pour compenser le fait qu'elles ne sont pas indexées.

Le sénateur Eggleton : C'est très difficile de vivre avec seulement 38 p. 100 de son salaire.

Mme Finley : Comme vous l'avez souligné, c'est une portion considérable pour une personne qui a un salaire peu élevé. Malheureusement, nous devons parfois fonctionner selon la loi de la moyenne.

Le sénateur Eggleton : Permettez-moi de vous poser la même question que j'ai posée à la ministre Raitt. Elle a dit que vous pourriez y répondre. Quelle définition d'« enfant gravement malade » utilisez-vous dans le projet de loi? Je ne vois aucune définition.

Mme Finley : C'est une excellente question. C'est l'une des choses qui a nécessité beaucoup de temps et d'énergie, car nous avons mené des consultations à ce sujet. En français, on utilise les mots « gravement malade ». Par contre, on n'utilise pas gravely ill en anglais, car cette expression est interprétée de façon très différente dans le milieu médical. Ma secrétaire parlementaire, qui est aussi médecin, c'est-à-dire pédiatre orthopédique, a mené des consultations auprès d'une grande partie des intervenants du milieu médical, afin de déterminer les mots appropriés. Nous ne voulions pas laisser entendre que l'enfant était sur le point de décéder. Cela concerne les soins prodigués avec compassion. Un grand nombre d'enfants qui reçoivent des traitements prometteurs contre le cancer peuvent potentiellement être gravement malades. Nous voulions veiller à ce que les médecins comprennent que cela est extrêmement important. L'état de l'enfant pourrait s'aggraver, mais il ne s'agit pas d'une grippe ou quelque chose de ce genre.

En fait, dans la définition et les règlements, on précise qu'un omnipraticien ne peut pas signer le certificat médical attestant que l'enfant est gravement malade; c'est le médecin spécialiste qui devra s'en charger. On m'a dit qu'il était beaucoup plus difficile de trouver un médecin spécialiste pour signer un formulaire qu'un omnipraticien. Nous voulions resserrer les exigences pour veiller à ce qu'il s'agisse bien d'une maladie grave — si grave qu'il faut faire appel à un spécialiste.

Le sénateur Eggleton : Comment les gens connaîtront-ils ces exigences? Prendra-t-on les règlements appropriés?

Mme Mireille Laroche, directrice générale, Politiques de l'assurance-emploi, Ressources humaines et Développement des compétences Canada : Oui. La réglementation fournira une définition d'« enfants gravement malades ».

Pour vous donner un peu plus de renseignements au sujet des consultations, on a tenu six tables rondes un peu partout au pays pour parler à environ 60 parties intéressées, c'est-à-dire à des spécialistes — des médecins qui travaillent dans les services de soins intensifs ou qui s'occupent d'enfants tous les jours — et à des organismes nationaux, par exemple, la Société canadienne du cancer et la Société canadienne de pédiatrie. On tenait à ce que la définition réponde à l'orientation donnée à la politique, à ce qu'elle soit compréhensible et à ce qu'elle puisse être appliquée rapidement par les médecins.

Le sénateur Munson : J'ai seulement une question. Je crains que le prestataire qui tombe malade pendant un congé parental et qui souhaite obtenir des prestations de maladie doive attendre pendant longtemps. En fait, la situation semble assez déprimante de ce côté. En effet, on dit que le nombre de personnes qui attendent plus d'un mois pour le traitement de leur demande n'a jamais été aussi élevé. Selon les données, on parle d'environ trois quarts de million de personnes — c'est une augmentation de 50 p. 100 depuis 2006. L'année dernière, le nombre d'appels non traités par les centres d'appels de l'assurance-emploi a atteint un record; d'après les données qu'on nous a transmises, il s'agirait de 14 millions d'appels, comparativement à 2006, où ce nombre s'élevait à 3,5 millions. Le service par téléphone de l'assurance-emploi affiche le pire rendement des six dernières années. On dit aussi que l'année dernière, environ 250 000 personnes ont attendu pendant plus de 28 jours pour le traitement de leurs demandes. Comment les gens peuvent-ils espérer que les fonctionnaires et les représentants de votre ministère concrétiseront les promesses du projet de loi?

Mme Finley : Nous voulons faire en sorte que les Canadiens obtiennent rapidement les services auxquels ils ont droit. Nous nous efforçons d'améliorer les normes de prestation des services et le respect de ces normes. Au pire de la récession, nous avions atteint nos objectifs — en fait, nous les avions dépassés.

Toutefois, pendant cette période, nous avons aussi fait face à une augmentation importante du nombre de demandes. C'est pourquoi nous avons commencé à apporter des modifications substantielles au programme. Nous essayons d'encourager les employés et les employeurs à remplir leur relevé d'emploi et tous les documents pertinents en ligne. Cela accélère considérablement le processus, car lorsque vous remplissez le formulaire en ligne, vous devez le compléter; on élimine ainsi les demandes incomplètes. En effet, cela retarde toujours le processus, car il faut communiquer avec les gens, ce qui prend encore plus de temps. Nous sommes donc en train d'automatiser le processus davantage.

Nous encourageons aussi les employeurs, y compris le gouvernement du Canada, à remplir les formulaires en ligne, ce qui permettra d'accélérer le processus. Nous modernisons aussi notre système informatique, car bien honnêtement, il est très ancien et certains de nos ordinateurs n'ont pas été mis à jour pour répondre aux normes des 20 dernières années.

Nous prenons ces mesures, car nous voulons que les demandes des Canadiens soient traitées beaucoup plus rapidement.

Je suis heureuse de souligner que depuis la publication du rapport, nous avons réussi à améliorer nos temps de traitement, et nous continuons dans cette voie. Je vérifie chaque semaine, et les améliorations sont importantes. Je m'attends à ce que les choses continuent de progresser.

Le sénateur Munson : Que les améliorations soient importantes ou non, êtes-vous satisfaite? Autrement dit, les fonctionnaires sont-ils dépassés? Vous faut-il plus de gens pour travailler sur les modifications dont vous avez parlé?

Mme Finley : Le printemps dernier, lorsque nous avons fait face à une augmentation saisonnière particulière dans le nombre des demandes de prestations d'assurance-emploi, nous avons augmenté nos effectifs. Nous avons fait venir des gens d'autres secteurs d'activité et nous les avons réaffectés temporairement; nous avons même recruté des employés temporaires et temporaires à temps partiel pour nous aider à traiter les demandes supplémentaires. Cela nous a permis de commencer à diminuer l'arriéré, afin que les Canadiens obtiennent de meilleurs services.

C'est une activité très saisonnière, et cela complique les choses. Nous ne pouvons pas garder le nombre maximal d'employés, car nous risquerions de gaspiller l'argent des contribuables et le temps de ces employés. Toutefois, nous ne pouvons pas non plus fonctionner avec le nombre minimal d'employés. Nous devons donc faire preuve de souplesse et tenter d'obtenir des ressources supplémentaires lorsque le besoin s'en fait sentir.

Le sénateur Munson : J'ai une autre brève question. Les gens qui ont été embauchés l'année dernière ont-ils toujours un emploi?

Mme Finley : Parlez-vous de certains employés que nous avons embauchés pendant le printemps? Non, car ils ont été embauchés à titre temporaire, et ils le savaient à l'époque. Dans certains cas, il s'agit de réaffectations en provenance d'autres secteurs d'activité. Par exemple, ils travaillent peut-être à la fonction d'intégrité, et nous les réaffectons au traitement des demandes et ils retournent à leur emploi régulier lorsque le nombre de demandes revient à la normale.

Le sénateur Merchant : J'aimerais obtenir un éclaircissement. Quel âge doit avoir l'enfant qui entre dans la catégorie des enfants gravement malades?

Mme Finley : Il s'agit d'un enfant de 18 ans et moins. Même si dans le milieu médical, un enfant est habituellement âgé de 16 ans et moins, nous présumons que dans la plupart des provinces, on devient un adulte après l'âge de 18 ans. Il fallait établir une limite. Un grand nombre de jeunes âgés de 18 ans vivent toujours chez leurs parents ou fréquentent l'école secondaire, ce qui fait d'eux des personnes à charge.

C'est le point le plus important : les enfants sont à la charge de leurs parents, contrairement aux adultes. Nous voulions donc veiller à ce qu'ils soient visés par ces prestations.

Le sénateur Merchant : Lorsqu'un enfant gravement malade reçoit un traitement, qu'il est en rémission et qu'il fait une rechute, comment les choses fonctionnent-elles? Pouvez-vous nous éclairer sur ce point?

Mme Finley : Cela dépend du moment où cela arrive. L'assurance-emploi a certaines exigences en matière d'admissibilité, par exemple, la personne doit démontrer qu'elle a occupé un emploi et qu'elle a accumulé le nombre d'heures exigées ou le salaire exigé pour être admissible. Les parents ne sont pas obligés de demander toutes les prestations en même temps; ils peuvent les étaler dans le temps. Par exemple, si la rémission se termine deux ou trois ans plus tard et que le parent est toujours au travail, il pourrait être admissible à nouveau. De plus, n'oubliez pas que la prestation peut être partagée entre les parents, c'est-à-dire que chaque parent peut en utiliser une partie.

Le sénateur Dyck : Cela semble être une mesure qui peut aider grandement les familles.

Ma question concerne les enfants disparus, et j'aimerais savoir si l'on procède de la même façon que dans le cas des enfants gravement malades. Comment un parent peut-il prouver qu'un enfant est disparu? Qui vérifie que l'enfant est disparu, la police ou la GRC? Faut-il remplir un formulaire? Quel est le processus en jeu?

Mme Finley : Encore une fois, nous avons mené des consultations à ce sujet. Il faudrait avoir des raisons de croire que l'enfant a disparu à la suite d'un acte criminel et qu'il ne s'agit pas d'une fugue. Lorsqu'un enfant disparaît, on informe la police. Si elle a des raisons de croire à un acte criminel, elle fournit les documents nécessaires.

Le sénateur Dyck : À votre avis, combien de temps faut-il attendre? Vous parliez de fugue. L'enfant devrait-il avoir disparu depuis deux semaines, trois semaines, un mois ou plus longtemps?

Mme Finley : Cela dépend des circonstances. Une fois la police informée, elle décide s'il y a des raisons de croire à un acte criminel. Cela pourrait prendre 24 heures ou plus longtemps, selon la situation.

Le sénateur Dyck : Il est intéressant que vous ayez parlé de fugue, car je sais que dans les collectivités autochtones, l'un des problèmes principaux, c'est que souvent, on n'accorde pas l'importance voulue aux cas d'enfants disparus, car on présume qu'il s'agit d'une fugue plutôt que d'une vraie disparition. Trop souvent, on ne fait rien. Est-ce qu'on a tenu compte de cela pendant les discussions?

Mme Finley : C'est une situation très malheureuse, mais nous devons nous en remettre à la discrétion de la police locale. Nous devons présumer qu'elle est compétente et fait preuve de compassion.

Le sénateur Dyck : Merci.

Dans l'un des documents, vous utilisez les mots « enfants qui sont portés disparus ou ont été assassinés ». Je sais que dans les collectivités autochtones, les enfants portés disparus ou assassinés sont souvent des enfants adultes et probablement en plus grand nombre que dans les autres collectivités. Avez-vous envisagé d'ajouter la catégorie des enfants adultes dans le projet de loi, afin de tenir compte du problème particulier des femmes autochtones adultes qui sont disparues ou assassinées?

Mme Finley : Nous avons examiné la question sans viser une région du pays ou des collectivités en particulier. Nous avions comme objectif d'offrir des prestations pour aider les gens pendant une période très difficile, et nous avons tenu compte de plusieurs choses. Comme l'a expliqué Mme Laroche, nous avons mené un grand nombre de consultations, et nous avons conclu que nous devions limiter ces prestations aux enfants qui répondaient aux critères de la définition prévue par la loi.

Le sénateur Cordy : J'aimerais revenir à la discussion sur l'âge de 18 ans. Pourquoi ne pas utiliser l'âge d'un enfant à charge comme on le fait pour l'impôt sur le revenu? Si vous avez un enfant à charge qui fréquente l'université et qui a disparu, vous seriez admissible à la prestation ou à l'assurance-emploi. Comment a-t-on décidé que l'enfant devait avoir 18 ans ou moins? Il s'agirait d'un événement traumatisant même dans le cas d'un enfant adulte, alors pourquoi ne pas utiliser la définition d'un enfant à charge qui s'applique lorsqu'on remplit une déclaration de revenus?

Mme Finley : Il y a deux ou trois raisons. Tout d'abord, la société a beaucoup changé au cours des dernières années, et de plus en plus d'adultes âgés de 26 et 27 ans habitent chez leurs parents. Ils n'ont pas été en mesure de trouver du travail, car leurs compétences ne sont peut-être pas en demande; malgré leur éducation, ils ne possèdent pas les compétences recherchées par les employeurs. Ils pourraient donc être qualifiés de personnes à charge, et pourtant, ce sont des adultes qui n'ont pas les mêmes besoins affectifs, lorsqu'ils sont gravement malades, qu'un enfant de 6 ou 12 ans, par exemple.

Dans nos consultations, nous avions commencé par utiliser la définition médicale d'enfant, c'est-à-dire une personne âgée de 16 ans et moins, et cela s'applique partout au pays. On limite, dans ce domaine, la définition d'enfant à une personne de 16 ans et moins. Nous voulions aller un peu plus loin, car un grand nombre d'enfants vivent toujours chez leurs parents à 18 ans, et ils n'ont jamais quitté le foyer familial. Toutefois, lorsque nous avons examiné la question de ceux qui l'ont quitté et qui sont revenus, nous avons conclu qu'il fallait, à un certain point, cesser d'évaluer la dépendance financière pour considérer plutôt la dépendance affective, c'est-à-dire les besoins de l'enfant que seul un parent peut combler. C'est pourquoi nous avons utilisé la définition du milieu médical, c'est-à-dire une personne de 16 ans et moins, et nous l'avons adaptée pour qu'elle corresponde à l'âge légal traditionnellement reconnu partout au pays.

Le sénateur Cordy : Si on tenait seulement compte des besoins affectifs, cela s'appliquerait à tout le monde, à mon avis.

Mme Finley : Exactement. Toutefois, l'objectif était de reconnaître les besoins affectifs des enfants, qui sont très différents de ceux des adultes, et les différences entre les deux.

Le sénateur Cordy : D'accord, mais je pense que dans le cas des déclarations de revenus, l'âge d'un enfant à charge peut aller jusqu'à 25 ans, mais je n'en suis pas sûre.

Mme Finley : Je dirais même jusqu'à 27 ans, si je me souviens bien. Mais il faut dire qu'un jeune de 24 ans qui dépend financièrement de ses parents n'a pas la même dépendance affective envers eux.

Le sénateur Cordy : Comme je le disais, ces jeunes fréquentent toujours l'université ou un établissement d'éducation postsecondaire.

En 2002, le gouvernement Chrétien a présenté le projet de loi C-49. Il visait à permettre à une personne qui tombe malade pendant un congé parental de prolonger ce congé et d'être admissible aux prestations de maladie, mais le ministère n'a pas interprété le projet de loi de cette façon, et certaines personnes n'ont pas pu prolonger leurs prestations. Toutefois, en 2011, un juge-arbitre a tranché que c'était effectivement le cas. Cette décision concernait le cas d'une mère, alors je dirai qu'« elle » a eu droit à ses prestations de maladie au milieu de son congé. Le projet de loi C-44 vise-t-il seulement à clarifier ce que prévoit déjà la loi?

Mme Finley : En fait, nous avons ajouté cela, c'est-à-dire la troisième partie du projet de loi, en réponse à cette décision du tribunal, pour veiller à ce que ce point soit codifié et clarifié.

Le sénateur Cordy : Pour être admissible à des prestations, le prestataire doit avoir travaillé 600 heures pendant la période de six mois d'attachement au travail. Un Canadien sur sept travaille à temps partiel. Si nous réduisons le nombre d'heures à 420 heures dans une période de six mois, cela augmenterait la portion admissible et pourrait inclure de nombreux travailleurs à temps partiel. Si nous parlons de familles dans le besoin, je pense que ces travailleurs à temps partiel seraient en tête de liste dans cette catégorie. Avez-vous tenu compte des travailleurs à temps partiel lors de la rédaction du projet de loi?

Mme Finley : Oui. Les deux appuis financiers devaient être des mesures pour remplacer, dans une certaine mesure, la perte de revenu qui accompagne la nécessité de s'occuper des besoins familiaux. Pour cela, nous avions besoin d'une indication d'attachement au milieu de travail, alors nous avons considéré ce qu'était la norme.

Comme vous le savez peut-être déjà, l'admissibilité à l'assurance-emploi dépend du taux d'emploi dans la région où travaille le parent. Nous avons été jusqu'au bout de la question et nous avons déterminé qu'il devait exister un attachement important au travail dans les cas de perte de revenus. S'il n'y a aucune perte de revenus, alors cela ne s'applique pas. Si, par exemple, une personne reçoit de l'aide sociale, elle ne souffrirait pas d'une perte de revenu et ne serait donc pas admissible à cette mesure, car elle est conçue pour être un appui financier lorsqu'il y a perte de revenus.

Le sénateur Cordy : Je comprends cela, mais dans le cas d'un travailleur à temps partiel, l'attachement au travail pourrait représenter de nombreuses années. Une personne peut choisir de travailler à temps partiel pendant que ses enfants ne sont pas encore à l'école ou lorsqu'ils fréquentent l'école, et elle a forcément un attachement au travail. Par contre, elle ne travaillerait pas les 600 heures exigées pendant une période de six mois.

Mme Finley : Elle ne serait pas admissible à d'autres prestations d'assurance-emploi non plus.

Le sénateur Cordy : Je comprends cela, et je pense qu'il y a beaucoup trop de gens qui ne sont pas admissibles aux prestations.

Le sénateur Eggleton a fait valoir que si vous prenez soin d'un enfant malade, vos prestations cesseront d'être versées si, malheureusement, l'enfant décède. Vous ne recevriez plus de prestations à la fin de la semaine pendant laquelle l'enfant est décédé, tandis que dans le cas d'un enfant assassiné, cela prendrait deux semaines ou dix jours — je ne suis pas certaine. Je ne comprends pas vraiment la différence. Dans les deux cas, les parents seraient tout à fait traumatisés.

Vous avez parlé de prestations de congé de deuil. Cela s'appliquerait-il aux gens qui ont la chance d'avoir accès à des dispositions liées au deuil dans leur milieu de travail?

Mme Finley : La plupart des employeurs font preuve de compassion dans ce type de circonstances, du moins d'après mon expérience. Il y a aussi les prestations de maladie de l'assurance-emploi; les parents survivants pourraient en faire la demande s'ils souffrent de détresse émotionnelle et sont dans l'incapacité de travailler. Un grand nombre de personnes ont été admissibles à ces prestations, et elles peuvent être versées pendant 15 semaines.

Le sénateur Cordy : Je suis surprise d'apprendre qu'il y aurait une différence dans la période de temps.

Mme Finley : Non, les prestations seraient complémentaires et séquentielles.

Le sénateur Cordy : Un type de prestations cesse à la fin de la semaine pendant laquelle l'enfant est décédé.

Mme Finley : Dans les deux cas, les parents pourraient faire une demande de prestations de maladie en raison de souffrance psychologique.

Le sénateur Cordy : Je sais, mais à mon avis, il serait nécessaire que les prestations soient versées un peu plus longtemps.

Mme Finley : Monsieur le président, j'aimerais seulement clarifier quelque chose — et je remercie le sénateur Eaton. Je crois que le sénateur Cordy a dit que le travailleur à temps partiel devait avoir travaillé 600 heures pendant une période de six mois. Ce n'est pas exact, car ils ont 12 mois pour travailler les 600 heures exigées.

Le sénateur Cordy : D'accord.

Mme Finley : C'est une différence considérable. Ils travaillent environ le quart du temps pour être admissibles, mais c'est le seuil minimal d'admissibilité. Regardons les choses en face : en ce moment, nous devons favoriser l'attachement au travail, car tous les jours, des employeurs me demandent de trouver plus de travailleurs. Nous essayons de faire tout en notre pouvoir pour aider les gens à reprendre le travail, qu'il s'agisse de les aider sur le plan émotionnel ou dans leur recherche d'emploi.

Le sénateur Eaton : Mes questions s'adressent à Mme Raitt, car j'aimerais obtenir quelques éclaircissements.

Comment vos mesures de protection, en ce qui concerne le congé parental, le congé pour raisons familiales et le congé de maladie dans le cas d'un enfant gravement malade, assassiné ou disparu, se comparent-elles avec les congés accordés par la plupart des provinces et des territoires? Sont-elles de qualité supérieure ou correspondent-elles à la moyenne? Comment avez-vous fait les choses?

Mme Raitt : Nous sommes des chefs de file dans ce domaine.

Le sénateur Eaton : Vous êtes des chefs de file.

Mme Raitt : Il ne fait aucun doute que la réglementation fédérale fait du gouvernement un chef de file dans ce domaine.

Le projet de loi est très spécial, car non seulement nos dispositions en matière de congé parental correspondent à celles offertes au Québec, mais nous sommes allés plus loin en offrant le soutien du revenu, qui n'existe toujours pas au Québec, car la province n'offre qu'une disposition qui protège votre emploi en cas de congé. Maintenant, grâce à la partie de Mme Finley et à celle du ministère de la Justice, toutes ces dispositions en matière de congé comprendront aussi le soutien du revenu. C'est une prestation qui va réellement aider les gens.

J'espère qu'à l'exemple du Manitoba et d'autres provinces, surtout l'Ontario, où je vis, on modifiera la loi du travail pour protéger l'emploi des travailleurs, afin qu'ils puissent profiter de ces appuis lorsqu'ils traversent une période extrêmement difficile.

Le sénateur Eaton : Quand les deux parents d'un enfant souhaitent prendre congé et aimeraient partager ce congé, doivent-ils le prendre l'un après l'autre? Doivent-ils tous les deux prendre d'abord les deux semaines du délai de carence? Comment est-ce que cela fonctionne?

Mme Raitt : Ils peuvent le prendre à leur convenance. Il y a beaucoup de souplesse dans le régime. Ils peuvent prendre le congé en même temps ou l'un après l'autre, mais ils doivent respecter le nombre limite de semaines accordées. Je suppose ici, bien sûr, que le régime législatif fédéral s'applique à eux.

Le sénateur Eaton : Doivent-ils tous deux respecter d'abord le délai de carence de deux semaines avant de pouvoir prendre congé?

Mme Raitt : C'est une question pour l'AE.

Mme Finley : Une parmi d'autres.

Le sénateur Eaton : Madame Finley, concernant les 35 semaines accordées aux parents d'enfants gravement malades, votre table ronde doit avoir étudié la question en long et en large pour déterminer combien d'heures les gens devraient avoir. Selon vos observations, les parents prenaient-ils les 35 semaines offertes au complet? En prenaient-ils moins? Comment est-ce que cela fonctionne?

Mme Finley : En règle générale, ils prennent entre 32 et 33 semaines, à peu près, c'est la norme.

Le sénateur Eaton : Vous n'avez pas pris un nombre au hasard.

Mme Finley : Non. Évidemment, il y a des situations où le congé sera plus court et d'autres, où il sera plus long, mais la norme se situe entre 32 et 33 semaines.

Le sénateur Eaton : Si je prends 35 semaines pour m'occuper d'un enfant gravement malade et que l'enfant va mourir, est-ce que je peux en plus prendre le congé de compassion?

Mme Finley : Oui.

Le sénateur Eggleton : Madame Finley, vous avez mentionné les prestations de maladie il y a quelques instants en réponse à une question du sénateur Cordy : un travailleur peut également recevoir des prestations de maladie de l'assurance-emploi pour un maximum de 15 semaines, si je ne me trompe pas, est-ce exact?

Mme Finley : C'est juste.

Le sénateur Eggleton : Je pense que ces dispositions sont en vigueur depuis des dizaines d'années. Ne serait-il pas temps de revoir ces règles, compte tenu de toutes les maladies chroniques qui invalident les gens de plus en plus longtemps?

Mme Finley : Cela a fait l'objet de discussions. Le contre-argument que beaucoup font valoir, c'est que les avancées de la médecine écourtent la durée de beaucoup de maladies. La limite est de 15 semaines, mais reconnaissez aussi qu'il y a d'autres mesures de soutien. Ces prestations se veulent vraiment un complément à d'autres programmes. Les employeurs peuvent avoir des programmes d'invalidité à court ou à long terme. De même, les personnes peuvent souscrire des assurances privées contre ce genre d'éventualités, donc ces prestations se veulent un complément. En moyenne, les gens utilisent moins de 10 semaines sur les 15 semaines disponibles. Ils en utilisent environ 9,4.

Le sénateur Eggleton : Avez-vous des études à ce sujet?

Mme Finley : Oui, nous faisons des analyses. Nous faisons un suivi pour voir si les prestations que nous offrons sont adéquates.

Le sénateur Eggleton : Vous avez dit qu'elles se voulaient un complément à d'autres types de prestations, comme les prestations d'invalidité à long terme. Il y a également de nos jours de plus en plus de travailleurs autonomes et d'employés à temps partiel qui n'ont pas accès à toutes les autres prestations dont vous parlez. Que faisons-nous pour eux?

Mme Finley : Nous avons pris des mesures pour les aider. J'ai eu le privilège de déposer un projet de loi il y a quelque temps, qui a été adopté. Il a été adopté en cette Chambre aussi. Cette loi donne accès à des prestations spéciales d'AE aux travailleurs autonomes qui choisissent d'adhérer au programme. Ainsi, si un travailleur autonome le souhaite, il peut cotiser à l'assurance-emploi par déductions régulières, et après une certaine période d'admissibilité, il a droit à des prestations de maladie, de soignant, de maternité et à des prestations parentales de l'assurance-emploi. Les travailleurs autonomes n'avaient pas accès à ces prestations auparavant, mais ils doivent choisir d'y adhérer. Ils ont maintenant accès à ces prestations pour la toute première fois de l'histoire.

Le sénateur Cordy : Quel pourcentage des travailleurs perçoit actuellement des prestations? Compte tenu du fait qu'il y a des travailleurs à temps partiel et des travailleurs autonomes qui ne touchent pas de prestations, savons-nous quel pourcentage des travailleurs a accès à des prestations et quel pourcentage n'y a pas accès? Je parle de prestations de leur employeur. La ministre a parlé de prestations de décès offertes par l'employeur.

Mme Raitt : Le Code canadien du travail prescrit que l'employeur doit accorder un congé de décès payé de trois jours au travailleur après le décès d'un membre de sa famille immédiate. Ce n'est pas un congé sans solde. C'est un congé payé par l'employeur, je tiens à le clarifier.

Nous parlons de la juridiction fédérale, donc je crois qu'il faut mentionner que c'est la loi. Ce congé de décès est obligatoire et doit être payé par l'employeur.

Le sénateur Cordy : S'applique-t-il aux employés à temps partiel comme aux employés à temps plein?

Mme Raitt : Cela ne change rien. Le seuil, pour le soutien du revenu et les congés, c'est que la personne doit simplement avoir travaillé pendant six mois continus pour être admissible au congé. Qu'elle ait travaillé à temps partiel ou à temps plein, elle peut présenter une demande à son employeur, pourvu qu'elle lui fournisse les renseignements requis, et elle aura droit au congé. C'est un congé non rémunéré, le soutien du revenu est un enjeu séparé.

Mme Finley : J'aimerais ajouter une chose à ma réponse au sénateur Eggleton. Je précise que les nouvelles prestations accordées aux parents d'enfants gravement malades feraient partie de l'ensemble des prestations spéciales auxquelles ont accès les travailleurs autonomes qui choisissent d'adhérer au programme.

Le président : Mesdames les ministres, du point de vue du président, vous avez répondu à toutes les questions qui vous ont été posées, donc je n'ai pas de précisions à vous demander.

Au nom du comité, j'aimerais vous remercier, vous et votre personnel, de vous être joints à nous aujourd'hui. Cette discussion a été extrêmement utile.

J'aimerais également remercier le sénateur Eaton, qui est le parrain du projet de loi pour le gouvernement au Sénat, et qui nous a apporté quelques précisions. Je remercie également mes collègues qui ont posé des questions.

Au nom de tous mes collègues, je vous remercie encore une fois.

Mesdames et messieurs les sénateurs, j'ai maintenant le plaisir d'accueillir Sue O'Sullivan, ombudsman fédérale du Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels; ainsi que Michel Surprenant, président du conseil d'administration de l'Association des familles de personnes assassinées ou disparues.

Je vous souhaite la bienvenue à tous les deux. Madame O'Sullivan, je vais vous demander de briser la glace.

[Français]

Sue O'Sullivan, ombudsman fédéral, Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels : Bonjour monsieur le président et membres du comité.

[Traduction]

Merci de m'avoir invitée ici aujourd'hui, pour discuter des propositions de modifications au Code canadien du travail, qui prévoiraient un congé non payé pour les parents d'enfants assassinés ou portés disparus.

Comme vous le savez, le Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels a été créé pour donner une voix aux victimes au niveau fédéral. Nous accomplissons notre mandat en recevant et en examinant les plaintes de victimes; en fournissant des renseignements et des références aux victimes d'actes criminels afin de faciliter l'accès aux programmes et aux services fédéraux et d'en faire la promotion; en défendant les principes fondamentaux de la justice pour les victimes d'actes criminels; en sensibilisant le personnel de la justice et les décideurs politiques aux besoins et aux préoccupations des victimes; en cernant les problèmes systémiques et nouveaux qui affectent les victimes d'actes criminels.

Le bureau aide les victimes individuellement et collectivement. Nous aidons les victimes individuellement en leur parlant au quotidien, en répondant à leurs questions et en traitant leurs plaintes.

Nous aidons les victimes collectivement en étudiant les enjeux importants et en présentant au gouvernement du Canada des recommandations sur la façon d'améliorer ses lois, ses orientations et ses programmes, de façon à mieux soutenir les victimes d'actes criminels.

Je vous remercie de m'avoir invitée aujourd'hui, pour parler de la modification au Code canadien du travail qui prévoit un congé non payé. Je soulèverai également quelques points à considérer vis-à-vis d'un programme fédéral de soutien du revenu pour les parents d'enfants assassinés ou portés disparus.

J'aimerais commencer par souligner la satisfaction de notre bureau envers le dépôt du projet de loi C-44, lequel inclut une modification au Code canadien du travail de façon à prévoir un congé non payé pour les parents confrontés au décès ou à la disparition de leur enfant. L'annonce d'un nouveau programme fédéral de soutien du revenu visant à atténuer les difficultés financières des parents d'enfants portés disparus ou assassinés nous réjouit également.

Ces deux mesures reçoivent certes notre soutien de principe, mais manifestement, les nouvelles dispositions relatives au congé non payé et au programme de soutien du revenu ne prennent pas en considération la situation de nombreuses victimes d'actes criminels. Leur portée pourrait donc être plus vaste pour englober des groupes moins visibles. C'est pourquoi notre bureau vous suggèrera d'envisager de modifier et d'élargir la portée du congé non payé et du soutien du revenu, de même que les critères d'admissibilité, de façon à ce qu'ils répondent davantage aux besoins des victimes d'actes criminels.

Pour vous mettre en contexte, le traumatisme lié à la victimisation peut avoir des incidences psychologiques et socio- économiques dévastatrices sur la famille. Dans une étude récente du ministre de la Justice, on estime qu'environ 83 p. 100 des dépenses liées à la criminalité sont absorbées par les victimes. Les pertes de productivité et de salaires, le coût des soins médicaux et psychologiques, la prise de congés pour prendre part aux procédures criminelles font partie de ces dépenses.

Selon une étude sur les familles endeuillées par un homicide, menée en 2011 au Royaume-Uni, « la santé physique et la capacité de travailler, de maintenir des relations, de s'occuper des enfants et de gérer de nouveaux fardeaux financiers sont autant de problèmes graves pour les familles ayant perdu un être cher par homicide ». Selon la même étude, « 70 p. 100 des répondants ont arrêté de travailler pendant un certain temps à cause de leur deuil, la durée de cette période variant de moins d'un mois à un an. Plusieurs personnes ont signalé avoir perdu leur travail en conséquence de la perte de l'être aimé ». Cela montre que le congé non payé est nécessaire, de même que le soutien de revenu qui l'accompagne. Il faut toutefois préciser que dans cette étude, les réponses ne sont pas toutes venues de parents. L'étude souligne de plus les conséquences pour les conjoints, les frères et sœurs et la famille élargie qui partagent le domicile de la famille.

Les conséquences financières de l'homicide du conjoint peuvent être aussi graves que celles associées à la perte d'un enfant. C'est pourquoi je tiens à souligner que les propositions de modifications au Code canadien du travail ne sont pas exhaustives et ne reconnaissent pas les conséquences de la criminalité sur d'autres membres de la famille, par exemple les conjoints et les frères et sœurs. Il faudrait également tenir compte de l'incidence de la victimisation quand la personne a plus de 18 ans. De plus, les modifications devraient tenir compte des situations autres que l'homicide ou la disparition. De cette façon, les dispositions relatives au congé non payé corrigeraient l'incidence de la victimisation dans la cellule familiale et constitueraient une reconnaissance des conséquences terribles d'autres formes de criminalité, comme l'agression physique grave ou l'agression sexuelle.

Considérant ces éléments, je vous demande respectueusement de bien vouloir examiner les recommandations qui suivent. D'abord, élargir la portée des modifications au Code canadien du travail de sorte qu'elles s'appliquent à davantage de victimes d'actes criminels, notamment en prévoyant un congé pour les conjoints, les frères et les sœurs. Nous recommandons également de supprimer la limite d'âge de 18 ans et de créer une nouvelle catégorie d'assurance- emploi pour les victimes d'actes criminels afin de garantir que les Canadiens affectés par la criminalité puissent avoir accès à la structure existante de versement de prestations.

De plus, dans les cas où les membres de la famille ne satisfont pas aux exigences d'admissibilité de l'assurance- emploi pour cette catégorie, ou si les prestations sont de moins de 350 $ par semaine, nous recommandons que les victimes soient admissibles à un programme semblable au programme fédéral de soutien du revenu, sur la base des mêmes critères d'admissibilité inclusifs. Ce programme permettrait de répondre aux besoins de soutien du revenu d'un plus grand nombre de victimes d'actes criminels.

Nous aimerions également recommander d'assouplir les dispositions liées au congé non payé proposé afin que les parents d'enfants portés disparus ou assassinés puissent se prévaloir de cette disposition en plusieurs périodes plutôt que d'un coup. Cette souplesse permettrait aux parents d'utiliser le congé non payé durant le procès ou pour assister à d'autres procédures de justice pénale, qui malheureusement, s'étendent souvent sur une période plus longue que les 52 ou 104 semaines suivant la date du crime.

Notre bureau soutient sans réserve les propositions de modifications au Code canadien du travail et les mécanismes de soutien du revenu pour les parents d'enfants assassinés ou portés disparus. Nous recommandons toutefois que les dispositions relatives au congé non payé s'appliquent à un plus grand éventail de victimes et à leurs familles, parce qu'elles portent elles aussi un lourd fardeau après l'acte criminel.

Tous les jours, des victimes nous disent que partout au pays, il manque de mesures de soutien concrètes pour les aider. Nous entendons l'histoire de victimes qui contractent des dettes faramineuses, dont la santé et les relations personnelles périclitent et qui ont de la difficulté à obtenir l'aide dont elles auraient besoin. Les victimes nous parlent de leur lutte pour avoir accès aux mécanismes de soutien dont elles auraient besoin pour composer avec les aspects pratiques de la vie après la perpétration d'un crime.

Les propositions de modifications au Code canadien du travail que prévoit le projet de loi C-44 sont certes un progrès, mais la rédaction de dispositions sur le congé plus exhaustives pour les victimes d'actes criminels et des prestations d'assurance-emploi en conséquence permettraient non seulement de reconnaître l'incidence à long terme de la victimisation, mais aussi de renforcer considérablement les mesures de soutien mises à la disposition des victimes d'actes criminels au Canada

Merci. Je serai heureuse de répondre à vos questions.

Le président : Monsieur Surprenant, la parole est à vous.

[Français]

Michel Surprenant, président du conseil d'administration, Association des familles de personnes assassinées ou disparues : Bonjour à tous. Mon nom est Michel Surprenant, je comparais aujourd'hui, au nom de l'AFFAD, à titre de président de l'Association des familles des personnes assassinées ou disparues.

Ma fille Julie a été enlevée en 1999 à Terrebonne. Elle avait 16 ans. Sa disparition a bouleversé ma vie tout comme celle de ma famille. Comme vous pouvez imaginer, retourner au travail après qu'un tel drame se produise, comment il est difficile de se concentrer dans son travail lorsqu'on pense qu'il faut la chercher et qu'elle a peut-être besoin d'aide?

Les mêmes préoccupations touchent l'ensemble des parents qui ont perdu un enfant suite à un assassinat ou une disparition. Comme son nom l'indique, notre association, l'Association des familles de personnes assassinées ou disparues, regroupe plus de 500 familles de personnes disparues ou assassinées au Québec.

À chaque année, partout au Canada, des centaines de parents vivent de terribles épreuves financières reliées au meurtre ou à la disparition d'un parent. C'est pourquoi l'AFPAD appuie à 100 p. 100 le projet de loi C-44 de la ministre des Ressources humaines et du développement des compétences, Mme Diane Finley et de la ministre du Travail, Mme Lisa Raitt.

La mesure d'aide financière aux parents d'enfants assassinés ou disparus, qui va entrer en vigueur à compter de janvier 2013, va aider la vie de 1 000 familles par année. C'est une grande victoire pour l'Association des familles de personnes assassinées ou disparues qui demandait cette mesure depuis plusieurs années.

Permettez-moi de vous donner un exemple qui illustre ce que vivent de nombreuses familles que j'ai connues et qui ont vécu des drames épouvantables, des parents forcés de retourner travailler peu après la mort ou la disparition de leur enfant à cause de la nécessité de survivre, de se loger et de subvenir aux besoins du reste de la famille.

Notre vice-président, Bruno Serre, a perdu sa fille Brigitte qui a été assassinée en janvier 2006, à l'âge de 17 ans, lors de son quart de travail dans une station Shell à Montréal. Il est retourné au travail cinq semaines après le décès de sa fille. Il avait des factures à payer, des enfants à nourrir. Il n'avait pas le choix. S'il n'était pas retourné au travail, il aurait pu mettre en danger la sécurité financière de sa famille et de ses enfants. Se retrouver à la rue est une réalité que les membres de notre association ont tristement vécu.

La nouvelle prestation de soutien de revenus de 350 dollars par semaine qui sera offerte pendant 35 semaines est une demande que l'Association des familles de personnes assassinées ou disparues a faite depuis plusieurs années. Cette demande s'appuie sur les expériences de vie de nos membres.

L'Association des familles de personnes assassinées ou disparues félicite la ministre du Travail pour l'inclusion dans le Code du travail du Canada des 104 semaines de congé pour les travailleurs régis par le Code canadien du travail. Cela permettra aux parents de bénéficier d'une aide pendant le procès. L'Association des familles de personnes assassinées ou disparues demande au gouvernement des provinces canadiennes de suivre l'exemple du fédéral et de bonifier leur Code du travail et de les bonifier de mesures semblables. Certains de nos membres ont perdu leur emploi car ils ne trouvaient pas la force de retourner après le meurtre ou la disparition. Certaines familles se sont retrouvées sur l'aide sociale ou comme je vous l'ai dit, dans la rue. En aidant les parents à prendre des semaines de répit, nous permettrons à des travailleurs de reprendre des forces et de revenir mieux outillé sur le marché du travail.

J'encourage tous les sénateurs à voter pour ce projet de loi et envoyer un message clair aux victimes. Il faut aider les victimes à passer au travers des très difficiles mois suivant la mort ou la disparition de leur enfant. Cette période est cruciale pour un père ou une mère. Il faut défrayer les coûts de la scène de crime, des funérailles, rencontrer les enquêteurs pour répondre à leurs questions.

Je veux féliciter les ministres Finley et Rait ainsi que le sénateur Boisvenu qui ont permis de faire de cette demande historique une réalité. Mettez-vous à la place de parents d'enfants disparus ou assassinés, vous comprendrez que ce projet de loi est juste et qu'il est grand temps qu'il soit adopté. Merci à vous de voter pour ce projet de loi important pour les victimes du Canada.

[Traduction]

Le président : Je remercie nos deux témoins. Je vais maintenant accueillir les questions des membres du comité, à commencer par le sénateur Eggleton.

Le sénateur Eggleton : Rafraîchissez-moi la mémoire, madame O'Sullivan, sur le Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels. Relevez-vous directement du Parlement ou d'un ministre?

Mme O'Sullivan : Nous relevons du ministre Nicholson.

Le sénateur Eggleton : Depuis combien de temps votre bureau existe-t-il?

Mme O'Sullivan : Depuis 2007.

Le sénateur Eggleton : Vous avez mentionné quelques-unes de vos réalisations. Avez-vous déjà participé à l'étude d'un projet de loi auparavant ou est-ce la première fois?

Mme O'Sullivan : Nous avons présenté des témoignages sur un certain nombre de projets de loi devant les comités.

Le sénateur Eggleton : J'aimerais vous interroger sur l'essence de votre exposé d'aujourd'hui. Vous nous avez donné des statistiques très intéressantes. Vous avez souligné qu'il n'y a pas que les parents qui souffrent, il y a aussi les conjoints et les frères et sœurs. Vous avez ajouté qu'il y a d'autres membres de la famille et avez avancé que l'incidence de la victimisation peut être tout aussi grande quand une personne a plus de 18 ans.

La ministre Finley a dit qu'il fallait fixer une limite quelque part. Elle a fixé la limite à 18 ans dans ce projet de loi. Quelle devrait être la limite d'âge, d'après vous? Même chose pour ce qui est des conjoints, des frères et sœurs et des autres membres de la famille : où traceriez-vous la limite?

Mme O'Sullivan : Je ne mettrais pas de limite.

Le sénateur Eggleton : Comment les intégreriez-vous au Code du travail et à la Loi sur l'assurance-emploi?

Mme O'Sullivan : Un petit instant, quand nous avons préparé nos recommandations, nous sommes partis de la présomption qu'il s'agissait d'une modification au Code canadien du travail. Il y a deux éléments : le Code canadien du travail et le plan fédéral de soutien du revenu. Nous recommandions que ce soit précisé dans les règles de l'AE pour que les personnes touchées aient accès à l'assurance-emploi. La plupart des Canadiens cotisent à l'AE et s'attendent à avoir accès à des prestations si, pour une raison ou une autre, ils ne peuvent pas travailler. Je soutiens que si une personne est victime d'un acte criminel et qu'elle ne peut pas travailler, elle devrait avoir droit à l'assurance-emploi.

Je crois que vous en avez discuté avec les témoins précédents : en ce moment, le maximum qu'on peut toucher est de 485 $, selon le revenu. Nous croyons qu'il devrait y avoir des prestations d'assurance-emploi pour les personnes qui entrent dans la catégorie des victimes d'actes criminels. Les critères d'admissibilité au soutien du revenu sont différents, donc même si on ne répond pas aux critères très stricts de l'AE, on peut avoir accès au soutien du revenu. Il faut offrir le plus de soutien possible aux victimes d'actes criminels.

Pour répondre à votre question, nous devons nous demander comment aider les victimes d'actes criminels au Canada à avoir accès au programme de l'assurance-emploi. Comme nous l'avons dit, nous appuyons ce projet de loi. Il est manifeste qu'il ouvre des portes, mais nous croyons qu'il devrait être encore plus inclusif.

Le sénateur Eggleton : Vous dites qu'il faudrait élargir les critères édictés dans la Loi sur l'assurance-emploi pour inclure les personnes touchées par l'acte criminel. Cependant, les dispositions spéciales qu'on trouve dans le projet de loi C-44 prescrivent des critères très limités en matière d'âge et d'admissibilité. Vous ne recommandez pas de les modifier, n'est-ce pas?

Mme O'Sullivan : Nous croyons qu'il faudrait en élargir la portée, pour inclure toutes les victimes qui subissent les conséquences psychologiques et socio-économiques d'actes criminels, dont les parents d'enfants assassinés ou disparus. Cependant, si l'on regarde l'ensemble des victimes d'actes criminels au pays, je vois tous les jours des cas de victimes de différents types de crimes très graves, qui subissent des conséquences économiques, qui ont besoin d'aide psychologique et qui parfois, ne peuvent plus travailler, justement parce qu'elles ont été victime d'un acte criminel.

Le sénateur Eggleton : Concernant la disposition spéciale des 350 $ pour une période pouvant aller jusqu'à 35 semaines, comme je l'ai souligné dans ma conversation avec la ministre, pour une personne à faible revenu, cela peut représenter une somme très substantielle, et c'est une bonne chose à mon avis. Cependant, cela ne représenterait qu'environ 38 p. 100 du salaire hebdomadaire du Canadien moyen. La situation économique ne semble donc pas prise en compte. Vous expliquez dans votre exposé que ces personnes doivent porter un lourd fardeau financier : 38 p. 100 du revenu qu'elles touchaient auparavant semble bien peu pour gérer la situation. Êtes-vous d'accord avec moi?

Mme O'Sullivan : Nous aimerions tous que toutes les victimes d'actes criminels aient accès à de l'aide financière pour s'en sortir. Pour ce qui est de l'AE, et je précise qu'il y a bien des gens qui s'y connaissent bien mieux que moi en la matière, je crois que le maximum qu'on peut recevoir, selon son revenu de base, est de 485 $. Selon les règles du soutien du revenu, il serait de 350 $, et il faut préciser que les critères d'admissibilité des deux régimes sont différents.

Le sénateur Eggleton : Monsieur Surprenant, auriez-vous des recommandations à nous faire sur les modifications que vous voudriez voir apportées ou sur des éléments que vous aimeriez que nous prenions en considération quand nous allons réviser cette loi dans quelques années? Autrement dit, y a-t-il des choses qui ne sont pas là et qui devraient l'être à votre avis?

[Français]

M. Surprenant : Je pense que le projet de loi a été très bien expliqué et on pourrait l'adopter tel qu'il a été présenté.

[Traduction]

Le sénateur Dyck : Je vous remercie de vos exposés. Ils étaient très clairs.

Monsieur Surprenant, le fait que vous ayez une association vous a-t-il aidé à faire avancer cette cause pour que ce projet de loi soit rédigé? Ensuite, y a-t-il d'autres associations semblables à la vôtre dans d'autres provinces? Par exemple, y a-t-il un groupe semblable en Saskatchewan, la province d'où je viens?

[Français]

M. Surprenant : L'association a été créée en 2004 suite à des drames qui sont survenus. Le sénateur Boisvenu a créé cette association avec moi. On a été pas mal les premiers à travailler à ce niveau. Je sais que dans d'autres provinces, il y a d'autres associations qui ont une connotation à peu près similaire.

[Traduction]

Le sénateur Dyck : Mes prochaines questions s'adressent à Mme O'Sullivan. Les services et les programmes offerts par votre bureau sont-ils bien connus à l'échelle du Canada? Y a-t-il un site Web que les gens peuvent consulter pour savoir ce que fait votre bureau?

Mme O'Sullivan : Oui, il y en a un. L'adresse de notre site Web est www.victimesdabord.gc.ca.

Le sénateur Dyck : Est-il très différent de son pendant provincial?

Mme O'Sullivan : Oui. Je vais vous expliquer la distinction. En tant qu'ombudsman fédérale, j'ai pour mandat de m'acquitter des responsabilités fédérales en matière d'information. Comme vous le savez probablement très bien, les provinces et les territoires ont la responsabilité directe des services aux victimes d'actes criminels, particulièrement au moment du crime. C'est du ressort des provinces et des territoires. Cependant, les victimes ne font pas de distinction entre les ordres de gouvernement. Elles ont des besoins, et tout ce qu'elles veulent, c'est qu'on y réponde.

Le sénateur Dyck : Votre exposé a piqué ma curiosité. Vous avez dit que ce serait une excellente idée de donner à d'autres victimes accès à ces prestations, aux conjoints, aux frères et sœurs, et cetera. En Saskatchewan, l'un des groupes avec qui je travaille a très à cœur la question des femmes autochtones portées disparues ou assassinées. Votre bureau interagit-il avec des groupes qui représentent les intérêts des femmes autochtones portées disparues ou assassinées? Avez-vous des liens avec des organisations autochtones nationales ou provinciales?

Mme O'Sullivan : Oui.

Le sénateur Dyck : Croyez-vous qu'elles pourraient être incluses si vous pouviez modifier ce projet de loi? Est-ce que ce serait un bon groupe à inclure?

Mme O'Sullivan : Quand nous examinons les besoins des victimes d'actes criminels et les mécanismes d'aide qui s'offrent à elles, les services dont elles ont besoin, nous disons que nous appuyons ce projet de loi. Nous croyons qu'il pourrait être plus inclusif, pour englober les femmes autochtones portées disparues ou assassinées, mais bien d'autres groupes aussi. Par notre rôle d'ombudsman fédéral, nous faisons le lien entre les organismes qui offrent des services aux victimes, les défenseurs des victimes, les victimes elles-mêmes et d'autres intervenants du pays; nous les consultons pour savoir quelles seraient d'après eux les priorités et les difficultés des victimes d'actes criminels.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Merci beaucoup de votre grand engagement à faire avancer les droits des victimes au Canada et améliorer la qualité de services qu'on peut leur offrir. Au sénateur Dyck, j'aimerais dire qu'il y a une dizaine d'organismes au Canada comme celui que M. Surprenant préside au niveau régional ou provincial. Mais aucun organisme ne travaille sur le plan pancanadien.

Madame O'Sullivan, dans votre mémoire, vous avancez une recommandation qui demande au gouvernement ou à ce projet de loi d'élargir son application à l'ensemble des victimes. Vous savez, quand le gouvernement fédéral intervient dans le domaine des victimes d'actes criminels, il le fait avec une très grande prudence parce que c'est une compétence constitutionnelle qui relève des provinces, le service direct aux victimes. On pourrait être taxé de se mêler de nos affaires.

Est-ce que votre organisation, qui est pancanadienne, fait des représentations auprès des provinces responsables de donner des services directs aux victimes? Est-ce que vous faites des représentations afin qu'elles améliorent les services d'aide aux victimes?

[Traduction]

Mme O'Sullivan : Évidemment, je ne peux pas faire de recommandations. Mon mandat est très strict pour ce qui est des provinces, mais j'ai eu l'occasion de rencontrer les chefs de différents services fédéraux, provinciaux et territoriaux qui viennent en aide aux victimes. Je saisis toutes les occasions possibles, quand je voyage au Canada, pour rencontrer les fournisseurs de services directs et provinciaux, et je leur fais part de ce que nous disent les victimes d'actes criminels d'un bout à l'autre du pays.

Nous essayons d'avoir une vision stratégique. Je dis qu'il y a trois ordres de gouvernement, parce que je tiens compte des administrations locales. Nous essayons donc de respecter les mandats de chaque ordre de gouvernement et de les rassembler dans un effort de réflexion stratégique, parce qu'encore une fois, chaque ordre de gouvernement a son propre mandat direct. Je suis dans la même position que mes interlocuteurs, en ce sens que je respecte profondément les mandats de chacun, mais j'essaie de réunir les différents groupes dans le but de les amener à collaborer à une réflexion stratégique, à discuter des enjeux auxquels sont confrontées les victimes d'actes criminels et à coopérer le plus harmonieusement possible.

Je constate qu'il y a énormément de points communs, mais les services offerts aux victimes d'actes criminels varient d'une région à l'autre, et il y a des difficultés associées à cette réalité. Je prends l'exemple du Nord et de tous ceux qui font constamment la navette entre le Nord et le Sud.

Vous m'avez souvent entendu dire de laisser le patient vous parler de son problème. Il faut donc l'écouter et essayer de comprendre quels sont ses besoins. Je dis toujours que je ne raconte pas l'histoire d'une victime : je me fais son porte-voix sur les différentes tribunes auxquelles notre bureau a accès, et cette séance de comité me permet de soulever certaines questions.

J'ai eu le privilège d'écouter M. Serre témoigner devant l'autre comité sur le projet de loi C-44, et il a justement recommandé des dispositions plus souples, parce que le fait est que les gens ont besoin de temps lorsqu'un acte criminel est perpétré et que le temps nécessaire, de même que les besoins, varient d'une victime à l'autre. Si le procès dure deux ans ou même plus, dans certains cas, moins dans d'autres, il faut du temps pour cela aussi. Les victimes doivent pouvoir s'absenter du travail, avoir un emploi garanti et avoir accès aux soutiens financiers dont vous disposez.

Nous parlons de souplesse. M. Serre a une famille lui aussi, et l'une des membres de sa famille travaillait à l'époque. Elle allait avoir besoin d'aide elle aussi, donc quand nous parlons d'élargir l'accès à ces dispositions, nous vous demandons de reconnaître que les conséquences que subissent les victimes sont bien réelles, particulièrement les proches de personnes portées disparues ou assassinées.

M. Surprenant est venu vous parler de l'impact de cette tragédie sur sa famille, et ces besoins sont très apparents.

Ce qui ressort de nos recommandations, c'est que nous reconnaissons qu'il s'agit d'un progrès, mais que si nous voulons vraiment répondre aux besoins des victimes d'actes criminels au Canada, nous devons nous pencher sur les options qui s'offrent à nous pour appuyer les victimes d'actes criminels d'une manière plus inclusive. Allez-vous dire aux parents d'un jeune de 19 ans qu'il ne répond pas aux critères d'âge pour se prévaloir des mécanismes d'aide dont il a besoin?

[Français]

Le sénateur Boisvenu : C'est évident qu'il faut encore plus pour les victimes. Pour chaque dollar investi pour une victime, on dépense 50 $ pour un criminel. C'est le rapport, de 1 à 50.

Lors de la dernière réunion des ministres de la Justice, un argument a été introduit auprès des homologues provinciaux pour avoir un panier de services qui serait équilibré entre les provinces. Par exemple, l'amende additionnelle va faire en sorte que les provinces vont avoir plus de revenus pour donner des services aux victimes d'actes criminels. Une première mesure nationale va traiter les victimes de façon égale d'une province à l'autre? Est-ce que vous ne pensez pas que c'est un bon pas en avant pour améliorer le service aux victimes d'actes criminels?

[Traduction]

Mme O'Sullivan : Dès que j'entends parler de gens qui font l'effort de se réunir pour uniformiser leurs façons de faire, je crois que c'est une bonne chose. Par l'adoption de ce projet de loi, nous aurons un nouveau Code canadien du travail, et j'ai entendu les témoins précédents, les ministres, parler de la nécessité de cibler au moins une autre province. C'est là où le ministère de la Justice entre en jeu, car ses fonctionnaires peuvent échanger avec les gestionnaires des provinces et des territoires afin d'essayer d'uniformiser les services, bien sûr.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Monsieur Surprenant, nous avons travaillé sur ce dossier depuis sept ans. Je me souviens de la première demande déposée ensemble à l'association en 2005. On a dû travailler fort pour le faire avancer. Je pense que le premier janvier 2013 sera une date mémorable pour l'association, en plus d'avoir un soutien financier pour les familles québécoises.

Cela va s'étendre à tout le Canada et cela va s'étendre aussi à d'autres familles dont celles avec un enfant gravement malade. Par rapport à ce que vous voyez dans notre projet de loi, et par rapport à ce que vous avez fait comme démarches depuis quatre ou cinq ans, ce projet de loi correspond-il entièrement aux attentes de l'association au Québec?

M. Surprenant : Il faut comprendre que lorsqu'il arrive un drame, les premières semaines, les premiers mois, vous êtes imprégnés du drame. Vous avez à prendre part à toutes sortes de procédures, que ce soit au niveau policier ou ces choses-là. Cela fait que cette mesure va permettre à bien des gens de pouvoir avoir au moins la paix d'esprit; il y aura un minimum de sécurité pour les revenus. À ce niveau, c'est un grand aboutissement pour les victimes d'actes criminels.

[Traduction]

Le sénateur Cordy : Je vous remercie infiniment de témoigner devant nous. Votre histoire et vos explications nous aident beaucoup.

Merci, sénateur Boisvenu, pour votre travail dans ce dossier. Je ne savais pas que pour chaque dollar que l'on dépensait pour une victime, on en dépensait cinq pour un criminel. Quand on pense à ce que vivent les victimes, il faut être très généreux.

Madame O'Sullivan, je trouve très intéressante la notion d'inclusivité dont vous avez parlé au sujet de l'admissibilité et de la portée. Un peu plus tôt, j'ai demandé à la ministre pourquoi ne pas utiliser la définition d'enfant à charge plutôt que d'enfant de moins de 18 ans? Cependant, j'aime bien ce que vous dites, car c'est toute la famille qui est touchée. Que l'enfant soit un adulte ou qu'il ait 17 ou 19 ans, ou encore que ce soit le conjoint ou un frère ou une sœur, cela n'a pas d'importance. La famille subit le même traumatisme. Le projet de loi ouvre la porte et nous fait faire un pas en avant, mais je crois que vous avez là une excellente suggestion. Dans notre rapport au Sénat, nous pourrions recommander d'examiner les questions de ce genre.

Je trouve aussi très intéressante l'idée de donner la possibilité aux gens d'étaler leur congé. Il n'en coûtera rien de plus au gouvernement puisque le projet de loi prévoit un nombre maximal de semaines. Comment devrait-on procéder? Devrait-on prévoir cela dans le projet de loi ou l'ajouter simplement comme observation? C'est un très bon point.

Mme O'Sullivan : J'ai le privilège d'entendre le témoignage de victimes partout au pays, et le fait est que le système de justice pénale a ses incontournables. La plupart du temps, la personne est arrêtée et inculpée. Entre ce moment et le procès, il s'écoule... C'est un point qui a été soulevé à la dernière réunion également.

Si le congé est déjà prévu, je laisserais le soin aux experts de régler la question. Il faut simplement tenir compte du fait que les victimes ont différentes étapes à traverser et qu'elles ont toutes des besoins différents. Chaque victime est unique. Certaines vont retourner au travail après un bref congé, alors que d'autres ne seront jamais capables de le faire. Je comprends que l'assurance-emploi est liée au « retour au travail », mais la réalité est parfois tout autre.

En prévoyant cela dans le libellé — et il y a des gens mieux à même que moi de trouver les bons mots —, on rend compte du fait que cette souplesse est nécessaire. J'ai utilisé l'expression « procédures de justice pénale », mais on peut utiliser aussi une autre expression. Les gens pourront prendre le temps prévu et l'échelonner sur une plus longue période, en fonction de leurs besoins.

Très souvent, la phase précédant l'instruction du procès peut durer 18 mois, et le procès peut ne pas avoir lieu. Les victimes peuvent avoir besoin de temps. Chaque victime est unique. Tout peut bien aller pendant un certain temps, puis tout à coup...

Encore une fois, les victimes nous disent que tout peut bien aller pendant un certain temps, puis tout à coup, pour diverses raisons, elles peuvent avoir besoin de temps et de soutien.

Le sénateur Cordy : C'est le syndrome de stress post-traumatique qui peut se manifester alors. Les victimes commencent à reprendre pied quand tout à coup arrive le procès. Tous les souvenirs doivent alors remonter à la surface, je présume.

Mme O'Sullivan : C'est exact.

Le sénateur Cordy : Avez-vous des statistiques sur le nombre de personnes assassinées ou disparues par année? Avez- vous ces données par groupe d'âge, pour les moins de 18 ans, par exemple?

Mme O'Sullivan : J'ai quelques statistiques.

En 2008, dans le groupe d'âge de 0 à 17 ans, il y a eu 59 enfants victimes d'homicide; en 2009, il y en a eu 76; et en 2010, il y en a eu 61. Ces données proviennent des tableaux par sujet, Victimes et victimisation, produits par Statistique Canada.

En ce qui a trait aux enfants disparus dans le groupe d'âge de 0 à 17 ans, en 2009, leur nombre était de 50 492 : fugues, 35 768; enlèvements par le père ou la mère, 237; enlèvements par un étranger, 50; cause inconnue, 11 757; accidents, 25; enfants égarés, 432; autre, 2 223. Ces données proviennent de la GRC, publications et rapports des divisions, Nos enfants disparus, et du rapport annuel 2008-2009.

Le sénateur Cordy : Avez-vous des données pour les 18 ans et plus?

Mme O'Sullivan : Je n'en ai pas avec moi, mais je peux vous en fournir.

Le sénateur Cordy : Pourriez-vous nous les faire parvenir? Il serait intéressant de les comparer.

Mme O'Sullivan : Vous parlez des adultes disparus?

Le sénateur Cordy : Oui.

Mme O'Sullivan : De mémoire, je dirais que le nombre est considérable. Il faut toutefois définir ce qu'est une disparition dans ce cas. Je crois qu'on a beaucoup discuté de cette question au fil des ans. Ce n'est pas simple. Je ne pense pas que vous aurez une réponse simple, car je sais qu'un grand nombre de personnes se sont penchées sur la question de la définition et du signalement.

Je sais que Sœurs par l'esprit a fait beaucoup de recherches sur les femmes assassinées et disparues. Statistique Canada doit avoir des données sur les adultes portés disparus.

Le sénateur Cordy : Comme le projet de loi porte sur les activités criminelles, ce sont les données sur ce sujet qui m'intéressent.

Mme O'Sullivan : Ce sera le même dilemme. S'agit-il d'une disparition liée à un acte criminel ou une autre raison? Cela fait partie du problème.

J'ai écouté les questions que vous avez posées à la ministre, à savoir que ce sera la police apparemment qui prendra la décision, qu'on collaborera avec les services de police à cet égard. Dans le cas des adultes, les problèmes seront sans doute les mêmes. Certains adultes peuvent décider de disparaître pour différentes raisons. Il y a les cas de violence familiale également. Il sera souvent difficile de déterminer de quoi il s'agit.

Le sénateur Cordy : Merci.

Le sénateur Eggleton : Je voudrais simplement avoir une précision au sujet des chiffres. Cela semble énorme. Vous avez parlé, je crois, de 50 000 enfants de 0 à 17 ans qui sont disparus, puis, vous avez parlé de 35 000 fugues. Les 35 000 sont-ils inclus dans les 50 000?

Mme O'Sullivan : Oui.

Le sénateur Eggleton : C'est plus sensé.

Mme O'Sullivan : J'aurais dû être plus claire. Le nombre total est de 50 000, et les autres données sont incluses dans ce nombre. Je m'en excuse.

Le sénateur Eggleton : Les chiffres sont encore impressionnants, mais c'est un peu moins dramatique.

Mme O'Sullivan : Les enfants font une fugue, mais ils reviennent habituellement à la maison peu de temps après.

Le président : Merci beaucoup.

Chers collègues, nous avons prévu pouvoir procéder à l'étude article par article demain. Je tiens à vous rappeler que suivant la politique du comité, tout amendement à un projet de loi doit être présenté dans les deux langues officielles. Lorsqu'il s'agit d'un rapport au Sénat ou autre, les discussions ont lieu en temps réel dans la langue de choix de la personne qui parle.

Je tiens à remercier mes collègues de leurs questions très perspicaces et de leurs interventions, et je remercie aussi les témoins de nous avoir aidés à comprendre les enjeux dans ce dossier.

Le sénateur Eggleton : J'aimerais préciser un point. Nous avons l'option de procéder à l'étude article par article lundi.

Le président : Si le comité en décide ainsi.

Le sénateur Eggleton : Avez-vous réservé du temps à cette fin?

Le président : Je l'ai fait, oui, et vos collègues m'ont demandé si vous étiez d'accord.

Le sénateur Eggleton : Nous le saurons demain.

Le président : Non, je parlais de la demande pour...

Le sénateur Eggleton : La demande. D'accord. Bien sûr.

Le sénateur Cordy : Peut-on présenter des observations dans une seule langue?

Le président : Oui, car cela découle de la discussion pendant le débat, sénateur.

Le sénateur Cordy : Le délai est très court. J'ai une réunion le matin.

Le président : Pour ce qui est de la discussion sur le fait d'apporter des amendements ou de joindre un rapport, cela se fera en temps réel et dans la langue de choix du sénateur qui prend la parole. Vous n'avez pas à préparer une proposition écrite.

Le sénateur Cordy : Nous pourrons donc discuter des propositions.

Le président : Oui, bien sûr.

Le sénateur Eggleton : Nous devons présenter une proposition écrite seulement si nous avons un amendement, n'est- ce pas?

Le président : La proposition écrite est nécessaire uniquement pour les amendements, oui.

Le sénateur Eggleton : Très bien.

(La séance est levée.)


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