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AEFA - Comité permanent

Affaires étrangères et commerce international

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international

Fascicule 8 - Témoignages du 26 mars 2014


OTTAWA, le mercredi 26 mars 2014

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd'hui, à 16 h 19, pour étudier les conditions de sécurité et les faits nouveaux en matière d'économie dans la région de l'Asie- Pacifique, leurs incidences sur la politique et les intérêts du Canada dans la région, et d'autres questions connexes.

La sénatrice A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Honorables sénateurs, nous poursuivons notre audience sur les conditions de sécurité et les faits nouveaux en matière d'économie dans la région de l'Asie-Pacifique, leurs incidences sur la politique et les intérêts du Canada dans la région, et d'autres questions connexes.

Nous allons entendre, par vidéoconférence, deux grands experts dans leurs domaines respectifs : M. Bruce Matthews, professeur émérite de religion comparée, Université Acadia; M. Lex Rieffel, boursier principal non résident, Institut Brookings.

Messieurs, nous sommes prêts à entendre vos exposés. Les sénateurs vont ensuite poser des questions. Je vais vous donner la parole selon l'ordre du jour et commencer par M. Matthews; allez-y.

Bruce Matthews, professeur émérite de religion comparée, Université Acadia, à titre personnel : Bonjour, je suis très heureux d'être parmi vous cet après-midi. Je n'étais pas certain de l'ordre du jour exact, madame la présidente, mais c'est avec plaisir que je vais maintenant faire des observations sur le Myanmar ou la Birmanie. Est-ce ainsi que vous voulez procéder?

La présidente : Veuillez commencer par les commentaires qui pourraient nous intéresser pour notre étude sur la région de l'Asie-Pacifique.

M. Matthews : En référence au Myanmar, je suis plus à l'aise de parler de la Birmanie, où j'ai voyagé et travaillé durant des années. Mais je reconnais bien sûr que le nom officiel du pays est le Myanmar.

Je prends quelques instants pour rappeler aux auditeurs que c'est le plus vaste pays d'Asie du Sud-Est et qu'il compte environ 55 millions d'habitants à majorité birmane, mais 25 p. 100 de minorités diverses qui entourent la majorité de la région montagneuse centrale comme une sorte de fer à cheval qui va jusque dans le Nord. Ces complexités ethniques expliquent bien des procès et, si je puis dire, les occasions offertes à ce pays qui tente de mettre fin à des années d'isolement et de s'intégrer à la communauté internationale.

Même si des progrès ont été accomplis, nombre de problèmes restent bien sûr à régler concernant le développement de la Birmanie à notre époque. Ils sont en grande partie attribuables à la mise en place ratée d'un système politique suffisamment démocratique qui ne parvient pas présentement à faire oublier complètement son passé militaire, qui continue de dominer la quasi-démocratie civile et qui entraîne bien des conflits ethniques.

C'est une époque intéressante pour le Myanmar, madame la présidente, membres du comité, sur les plans de la politique, de l'économie et du communautarisme ou du nationalisme religieux.

Je vais en rester là et permettre à Lex de donner ses observations. Nous verrons ensuite ce qu'il faut souligner.

La présidente : Merci. Nous allons maintenant entendre le prochain témoin.

Lex Rieffel, boursier principal non résident, Institut Brookings, à titre personnel : Je remercie tout d'abord le comité de me donner l'occasion de témoigner sur le Myanmar, que bien des gens appellent toujours la Birmanie. Je ne me considère pas comme un expert du Myanmar, parce que je ne parle pas la langue et que je n'y ai pas vécu plus de trois mois. Cependant, ma première visite au Myanmar remonte à 1967, et mes recherches sur les politiques à l'Institut Brookings depuis 2007 portent avant tout sur ce pays. Par contre, j'en connais beaucoup plus sur l'Indonésie, car je parle la langue et j'y ai vécu deux ans. J'ai aussi servi un an au Vietnam dans la marine américaine et deux ans en Inde dans le Corps des volontaires de la paix des États-Unis.

J'ai fait une majeure en développement économique au collège au début des années 1960, et c'est demeuré une préoccupation toute ma vie. Dans mes travaux récents sur le Myanmar, je me concentre sur son économie et je tente de tirer des leçons des expériences dans le reste du monde pour favoriser la transition du conflit à la paix et de l'autoritarisme à la démocratie.

Mon exposé ne comporte que quatre points.

Pour une transition réussie au Myanmar, il est essentiel que prennent fin les conflits internes, qui affligent sans cesse le pays depuis son indépendance en 1948. Ces conflits opposent les Birmans, qui représenteraient au moins 60 p. 100 de la population totale de 55 à 60 millions d'habitants du Myanmar, une vingtaine de grands groupes ethniques et bien plus de petits groupes ethniques.

C'est clair que la paix constitue une grande priorité du gouvernement de Thein Sein. Certains rapports récents sur l'avancement des négociations sont encourageants. Mais en tant que politiciens, vous savez que la dernière étape est souvent la plus difficile à franchir. Le monde extérieur semble croire qu'il est possible de conclure un accord de paix avant les élections nationales qui doivent se tenir à la fin de l'année prochaine, mais je ne pense pas que cela va arriver si tôt.

Il importe d'avoir des attentes réalistes. Les pressions extérieures pour conclure un accord pourraient être contreproductives. La principale contribution des étrangers au processus de paix serait de se retirer. Par exemple, la promotion du développement économique des régions où sont situées les minorités ethniques est bien intentionnée, mais ces dernières la perçoivent comme une menace.

Pour établir un système politique démocratique, le Myanmar a adopté une constitution qui comprend trois ordres de gouvernement régis par bon nombre de freins et contrepoids conventionnels. Lorsque le gouvernement de Thein Sein a pris le pouvoir il y a trois ans, presque tout le monde pensait que le législatif allait simplement adopter tous les projets de loi du gouvernement. Mais mené par le président de la Chambre basse U Shwe Mann et la chef de l'opposition Aung San Suu Kyi, le législatif est devenu de plus en plus puissant. Il conteste directement l'exécutif et rejette certains de ces grands projets.

Ce contexte me préoccupe pour la bonne gouvernance et le développement économique. L'Indonésie se trouve dans une situation semblable, depuis la transition vers un régime démocratique amorcée en 1998. Certains de mes amis indonésiens indiquent que le législatif constitue le principal obstacle au progrès économique de leur pays. Bien des forces culturelles et politiques semblables se développent au Myanmar.

La propension naturelle de pays comme les États-Unis et le Canada de promouvoir le renforcement du législatif par rapport à l'exécutif au Myanmar pourrait donc ralentir et compliquer l'évolution vers une société juste et prospère.

Comme le Canada, le Myanmar jouit de ressources naturelles abondantes, mais depuis son indépendance, elles constituent une malédiction plutôt qu'une bénédiction. Par exemple, ces ressources causent bien des conflits entre la majorité birmane et les minorités ethniques.

Depuis 65 ans, le Myanmar exploite ses ressources naturelles, mais néglige ses ressources humaines, qui figuraient parmi les plus impressionnantes en Asie depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. À mon avis, le succès de la transition au Myanmar est fortement tributaire de sa capacité dans les prochaines années de renforcer ses ressources humaines et de réduire l'extraction des ressources naturelles pour atteindre des niveaux durables avec de meilleures méthodes.

Le Canada doit faire tout ce qu'il peut pour encourager le développement des ressources humaines au Myanmar, pour décourager l'extraction non durable des ressources naturelles par des investisseurs étrangers et pour aider le gouvernement du Myanmar à prendre une part active à l'initiative pour la transparence dans les industries extractives.

Je suis coauteur de la première étude sur l'aide étrangère au gouvernement de Thein Sein, intitulée Too Much, Too Soon? et parue il y a un an et demi. En bref, notre réponse est oui. Nous avons constaté d'autres cas où des étrangers se sont précipités pour aider un pays en transition et lui témoigner tout leur amour. Ce schéma malsain sévit de nos jours au Myanmar. Il serait tragique que l'aide étrangère devienne une des causes de l'échec de la transition dans ce pays.

Le problème fondamental, c'est qu'il y a peut-être moins de 20 représentants du gouvernement du Myanmar qui peuvent appliquer des décisions politiques. Ces représentants ne savent plus où donner de la tête avec tous les visiteurs étrangers. Ils ne consacrent pas assez de temps à l'analyse des politiques et encore moins à leur mise en œuvre. Il faut tenir compte de trois facteurs qui aggravent la situation : la présidence de l'ANASE cette année, les élections l'an prochain et le fardeau de la mise en œuvre des projets d'aide qui vont commencer dans un ou deux ans. Donc, tout ce que le Canada peut faire pour réduire le fardeau de l'aide étrangère sera utile. Il pourrait favoriser la coordination et les fonds en fiducie des multiples donateurs.

Merci encore. Je répondrai à vos questions avec plaisir.

La présidente : Monsieur, j'ai besoin d'une précision. Vous avez dit que le législatif pourrait empêcher les progrès. C'est souvent le cas durant une transition vers un système démocratique. La façon de fonctionner du gouvernement et du législatif est nouvelle pour ce pays. Voulez-vous dire qu'il faut savoir que le développement et la démocratisation sont des processus lents? Devons-nous porter attention à un aspect inhérent à la situation en Birmanie?

M. Rieffel : Ce ne sera pas facile de vous donner une réponse brève, mais je vais essayer.

Il convient de savoir que les organismes n'ont pas donné d'aide au gouvernement durant des années, pour des raisons politiques tout à fait valables. La tendance se maintient depuis l'arrivée du nouveau gouvernement il y a trois ans. En général, les donateurs accordent peu d'aide au gouvernement et à l'exécutif. D'après mon expérience, il est difficile de réussir une transition sans un exécutif fort et efficace au gouvernement.

Mes commentaires ne visent pas à attaquer le législatif, qui joue un rôle très important dans ce processus, mais c'est une question d'équilibre. Je ne dis pas que les forces doivent être réparties à 99 contre 1, mais une proportion de 60 contre 40 est acceptable. Si l'exécutif n'est pas privilégié à cette étape-ci de la transition, le Myanmar pourrait finir comme l'Indonésie, où le législatif empêche le progrès au lieu de l'accélérer.

La présidente : Est-ce que la communauté n'aide pas l'exécutif parce qu'elle doute toujours de lui et qu'il tire son origine du pouvoir militaire? Les donateurs sont-ils toujours quelque peu hésitants à l'aider à cause de la corruption ou de l'ensemble de ces facteurs?

M. Rieffel : Tous ces facteurs ont une influence. Ne donnez pas une interprétation trop poussée à mes commentaires. Je ne dis pas qu'aucune aide n'est accordée au gouvernement. Chaque jour, un peu plus d'aide vient renforcer les capacités du gouvernement, mais il semble désavantagé par rapport au législatif.

La présidente : En parlant de l'exécutif, vous faites référence au renforcement des institutions et du pouvoir exécutif, formé des représentants du gouvernement. Le problème vient-il de l'absence d'un pouvoir judiciaire adéquat, du ministère des Finances, et cetera?

M. Rieffel : Lorsque je parle de l'exécutif, je fais référence au président et au cabinet, pas au pouvoir judiciaire ou législatif. L'aide requise concerne surtout le renforcement des capacités. Par le passé, elle était fournie dans le cadre des projets et des programmes des acteurs non gouvernementaux, comme la société civile, les ONG, et cetera. La transition vers le travail direct avec les organismes gouvernementaux est très lente jusqu'à présent.

Le sénateur Demers : Merci de votre exposé, qui était bien expliqué et bien présenté.

En 2015, il y aura des élections parlementaires en Birmanie. Quel rôle certaines minorités ethniques, comme les Karens et les Rakhines, vont-elles jouer dans ces élections?

Quel rôle pourraient jouer les groupes de travailleurs, les organisations de la société civile et les activistes aux prochaines élections?

M. Matthews : En 2015, les élections nationales vont dépendre en grande partie du vote de la majorité birmane, qui veut laisser le pouvoir absolu à un des grands partis : la Ligue nationale pour la démocratie, d'Aung San Suu Kyi, ou le Parti de la solidarité et du développement de l'union, du gouvernement actuel de Thein Sein. En marge de cette assez vaste économie se trouvent bien des partis régionaux.

Vous avez raison, sénateur, de parler des Karens, des Kachins, des Shans ou des autres petits partis ethniques régionaux, qui sont déjà représentés à l'Amyotha Hluttaw, qui est la Chambre haute, et à la Chambre basse. Ces partis sont déjà présents dans la législature actuelle. Ils constitueront bien sûr un élément important de la composition de la prochaine législature et ils auront certainement une place, mais la majorité birmane sera mieux représentée.

C'est une des questions que vous avez posées.

Le sénateur Demers : Oui, monsieur.

M. Matthews : Quelle était la deuxième?

Le sénateur Demers : Quel rôle pourraient jouer les groupes de travailleurs, les organisations civiles et les activistes aux prochaines élections?

M. Matthews : Je ne pense pas qu'ils vont jouer un rôle majeur. Des petites organisations civiles comme Génération 88 se préoccupent des funérailles bouddhistes et de l'aide que les gens peuvent s'apporter mutuellement à divers égards. Mais d'après ce que je comprends, il n'y a pas encore beaucoup d'activisme ou d'organisation dans la société civile au Myanmar. Cela pourrait changer, mais pour l'instant, c'est un aspect plutôt sous-développé de la société par rapport à la Thaïlande ou au Sri Lanka, par exemple.

Le sénateur Demers : Merci beaucoup de cette réponse bien réfléchie, monsieur.

La présidente : Monsieur Rieffel, voulez-vous faire un commentaire?

M. Rieffel : Si vous permettez, il importe de savoir qu'il existe 14 assemblées législatives régionales au Myanmar, réparties dans sept États et sept régions qui comportent davantage de minorités ethniques que de Birmans. Tous les principaux groupes ethniques ont créé des partis ethniques qui sont surtout représentés dans les assemblées régionales plutôt à l'Assemblée nationale. Dans l'État de Rakhine, le parti Rakhine détient plus de sièges que le parti au gouvernement, l'USDP.

Il y a un important débat sur la représentation proportionnelle et le scrutin uninominal majoritaire à un tour, le système employé actuellement qui favorise beaucoup la Ligue pour la démocratie d'Aung San Suu Kyi. Les partis des minorités ethniques demandent de passer à la représentation proportionnelle.

Je ne suis pas d'accord, concernant le rôle de la société civile. Vous seriez surpris de constater son dynamisme à l'heure actuelle au Myanmar. Six mois après son arrivée au pouvoir, le président Thein Sein a suspendu la construction du très grand barrage de Myitsone, situé dans les eaux d'amont du fleuve Irrawaddy. C'est une mesure remarquable qui fait suite à un mouvement très influent dans la société civile.

Le sénateur Demers : Merci beaucoup.

M. Matthews : Est-ce un mouvement de la société civile, Lex, ou un simple programme général de la population? Je ne me souviens pas qu'une organisation civile ait contesté le projet de Myitsone. Je me rappelle seulement le grand désaccord de la population.

M. Rieffel : Au moins six grandes ONG du Myanmar menaient les protestations. Il y a sans doute une vingtaine d'ONG moins importantes qui ont fait réagir la population. Sans ces organisations, les travaux n'auraient jamais été suspendus.

[Français]

La sénatrice Fortin-Duplessis : En tout premier lieu, je veux vous remercier tous les deux de vos présentations. Ma première question s'adresse à M. Rieffel.

Monsieur Rieffel, en mars 2013 vous avez coécrit un rapport concernant l'aide internationale en Birmanie. Vous y soulignez les risques inhérents à une aide trop rapide et trop massive. D'ailleurs, vous avez mentionné que certains des principes de la Déclaration de Paris et du Partenariat de Busan n'étaient pas respectés par tous les donateurs. Est-ce que votre constat un an plus tard demeure le même, ou avez-vous noté entre-temps un plus grand respect des principes de la Déclaration de Paris et du Partenariat de Busan lorsqu'il s'agit de l'aide internationale en Birmanie?

[Traduction]

M. Rieffel : Puisque je n'ai pas réexaminé la question, je ne peux pas vous répondre en toute certitude. Mais mon opinion demeure au fond la même, compte tenu de ma dernière visite en août l'an dernier, de mon travail quotidien pour rester à jour quant à la tournure des événements et de mes discussions avec les gens qui passent par Washington. Le positif, c'est que les représentants de l'aide au pays s'emploient à accomplir un meilleur travail là-bas que ce que fait la communauté d'aide partout dans le monde, mais ils subissent tous les pressions des capitales pour réaliser des projets qu'autrement, ils laisseraient de côté. De nos jours, l'aide au Myanmar est malheureusement axée sur l'offre, plutôt que sur la demande.

[Français]

La sénatrice Fortin-Duplessis : J'aurais une autre question monsieur Rieffel. Tout à l'heure vous avez mentionné huit défis auxquels fait face le gouvernement birman. Vous avez parlé du processus de paix, de la réforme politique, des politiques microéconomiques, de l'arrivée de capitaux privés, de l'extraction des ressources, de l'accaparement des terres, du développement de l'agriculture et de l'éducation.

Selon vous, est-ce que le Canada pourrait aider la Birmanie dans le cadre de ces défis?

[Traduction]

M. Rieffel : Oui, madame la sénatrice. Je mettrais l'éducation en priorité. Comme je l'ai dit dans mon exposé, l'éducation, surtout à long terme, que reçoit la population du Myanmar entraînera beaucoup de retombées à l'avenir.

Ensuite, je privilégie l'extraction des ressources. Le Canada a tiré bien des leçons concernant les avantages et les risques. Je pense qu'il est un défenseur crédible des politiques sensées en matière d'extraction des ressources.

[Français]

La sénatrice Fortin-Duplessis : Merci beaucoup. Madame la présidente, s'il y a un deuxième tour, j'inscris mon nom tout de suite.

[Traduction]

La sénatrice Ataullahjan : Ma question porte sur l'Indonésie, qui est un des marchés au meilleur rendement jusqu'ici et qui a gagné 23 p. 100 par rapport au dollar américain selon Forbes. Cela survient neuf mois après qu'on a décrit l'Indonésie comme une des cinq économies fragiles dans le monde. Bien des gens s'intéressent à ce pays, compte tenu de sa grande population et de sa démocratie florissante. L'Indonésie va-t-elle perdre de l'élan selon vous, ou le Canada devrait-il y investir davantage? Quels pourraient être les effets sur l'Indonésie d'un ralentissement économique en Chine? Les deux témoins peuvent répondre.

M. Matthews : Je vais laisser Lex répondre. Je ne suis pas expert de l'Indonésie.

M. Rieffel : Oui, l'Indonésie risque de perdre de l'élan. Une raison fondamentale d'être optimiste, c'est qu'il y aura bientôt des élections. Le gouverneur de Jakarta est candidat à la présidence et il reçoit un appui massif dans les sondages. On l'appelle Jokowi dans la région.

Un des principaux facteurs de développement, c'est la stabilité politique. Si le gouverneur est élu président comme bien des gens s'y attendent, l'économie en Indonésie profitera de cette source de stabilité. Son principe bien ancré de bonne gestion macroéconomique va aussi aider l'Indonésie à long terme. Je ne pense pas que cela va changer à court terme, peu importe le résultat des élections.

Oui, le Canada devrait envisager d'investir davantage en Indonésie, même si elle perd de l'élan. Il s'agit du quatrième pays en importance au monde pour le nombre d'habitants. C'est très intéressant d'y faire des affaires.

Un ralentissement économique en Chine pourrait beaucoup nuire à l'Indonésie qui, malheureusement, dépend trop des exportations de marchandises qui vont en bonne partie en Chine. Si le ralentissement de la croissance en Chine est plus important que prévu dans les deux prochaines années, l'Indonésie va en subir les conséquences.

La sénatrice Ataullahjan : Ma deuxième question porte sur le statut des musulmans rohingyas, qui seraient une des minorités les plus persécutées dans le monde selon l'ONU. Certains d'entre eux ont été brûlés vifs, et leurs lieux de cultes ont été détruits. Quelle est la cause de cette escalade? La situation s'est-elle détériorée au fil du temps ou de façon soudaine? Que fait et que peut faire le gouvernement?

M. Rieffel : J'ai justement sauté cette section de mon exposé pour ne pas manquer de temps, madame la sénatrice.

C'est compréhensible que les étrangers qui suivent les événements au Myanmar se préoccupent des mauvais traitements infligés aux Rohingyas ces dernières années et des attaques qu'ont subies les musulmans dans le centre du Myanmar. Dans mes expériences avec différentes cultures, je n'ai jamais connu des gens aussi racistes qu'un certain nombre de connaissances birmanes envers les Rohingyas. Ce serait un miracle si la majorité bouddhiste acceptait sous peu les Rohingyas comme des citoyens à part entière. Ce processus pourrait bien prendre plus d'une génération. Une forte croissance économique et la création d'emplois pour la majorité bouddhiste seraient bénéfiques. Le problème est extrêmement complexe et est profondément ancré. C'est le problème le plus insoluble que j'ai rencontré en tant qu'économiste du développement.

Le gouvernement tente d'évacuer le problème, mais je doute qu'il sache comment y parvenir ou qu'il réussisse.

La sénatrice Ataullahjan : Qu'en est-il des autres minorités religieuses, les hindous et les chrétiens?

M. Rieffel : Ces minorités sont bien sûr inquiètes, concernant le traitement réservé aux musulmans. Elles se demandent si elles vont subir le même traitement que les Rohingyas et les musulmans. Toutes les minorités religieuses non bouddhistes et ethniques non birmanes s'inquiètent du traitement que subissent les Rohingyas.

M. Matthews : Puis-je répondre?

La présidente : Allez-y.

M. Matthews : Concernant les Rohingyas, c'est un problème historique au Myanmar. Comme vous le savez tous, ce n'est que tout récemment qu'il est devenu un facteur aggravant qui menace la stabilité des réformes que le Myanmar connaît depuis quatre ou cinq ans. Pourtant, ce problème remonte aux années 1820 et à l'origine bengalaise des musulmans rohingyas, qui habitent la région frontalière d'Arakan située à l'extrême ouest. Les musulmans rohingyas ont une longue histoire distincte au pays; je ne prétends pas le contraire. Durant la Seconde Guerre mondiale, ils ont appuyé l'armée britannique de façon manifeste et vigoureuse et ont soutenu les initiatives des alliés, contrairement aux Birmans. Lorsqu'est venu le temps de régler les comptes comme on dit en politique moderne, les Birmans leur en ont tenu rigueur jusqu'à un certain point.

Les bouddhistes ont toujours craint d'être un jour engloutis par une forte présence islamique. Les familles musulmanes sont bien plus grandes, sont polygames et comportent d'autres caractéristiques qui pourraient leur donner le dessus sur la majorité bouddhiste. Il s'agit bien sûr de préoccupations en grande partie fictives, mais elles s'inscrivent dans le drame historique et sont alimentées par la paranoïa à laquelle cède parfois la majorité bouddhiste.

Rappelons-nous qu'environ 4 p. 100 de la population du Myanmar est musulmane. De nombreux Kamans, des musulmans non-rohingyas, sont d'origine indienne puisque leur famille s'est installée au pays à l'époque coloniale. Eux aussi ont aussi été attaqués dans des villes comme Meiktila et Insein. L'activisme contre les musulmans dont la population rohingya est la cible a malheureusement débordé dans les principales communautés kamans. Les familles de ces musulmans sont au pays depuis au moins un siècle, et même plus.

Je suis tout à fait d'accord avec M. Rieffel pour dire que le problème est coriace. Il ne se résoudra ni facilement ni du jour au lendemain, et influencera assurément les élections de l'an prochain.

Certains observateurs de la Birmanie ont aussi l'impression que ce conflit avec les Rohingyas est alimenté par une lutte de pouvoir interne entre des représentants de l'État, y compris des Parlementaires, mais surtout des officiers supérieurs de la Tatmadaw, les forces armées birmanes, qui peuvent avoir des différends politiques avec Aung San Suu Kyi, et probablement avec Thein Sein aussi. Le conflit est leur façon de déstabiliser le régime. C'est une possibilité.

Le sénateur Downe : J'aimerais que les témoins nous expliquent de façon plus détaillée le rôle exact de l'armée dans la Birmanie d'aujourd'hui, auquel M. Matthews a fait allusion. Dans quelle mesure influence-t-elle directement et indirectement les décisions prises au pays?

M. Matthews : Je peux commencer brièvement, même si je suis persuadé que M. Rieffel connaît encore mieux la situation que moi. J'imagine que les forces armées de la Tatmadaw ont encore beaucoup de pouvoir et agissent dans certaines régions sans le contrôle politique du Parlement ou du président, surtout dans les régions éloignées encore aux prises avec des luttes ethniques ou des difficultés quelconques. La Tatmadaw relève plus ou moins de sa propre compétence, ce qui est évidemment assez dangereux.

Il y a probablement de grandes cliques plus ou moins établies au sein du gouvernement, qui ont d'une manière ou d'une autre des visées politiques autres que le programme assez progressiste du gouvernement actuel de Thein Sein. Autrement dit, certains membres des forces armées ont leurs propres opportunistes politiques au sein du système. Ils souhaitent peut-être revenir à l'ancien régime, ou refuser de céder au plus grand nombre de changements possibles si jamais Aung San Suu Kyi accède au pouvoir, par exemple.

Enfin, les activités politiques de bon nombre des représentants de la Tatmadaw, les officiers supérieurs en particulier, procurent probablement des avantages financiers à ceux-ci, qui ne veulent pas nécessairement être limités par un gouvernement central.

M. Rieffel : Je suis d'accord avec tous les propos de M. Matthews. J'ai eu la chance d'étudier les forces armées indonésiennes pendant la transition qui a commencé en 1998, et même dans les années 1970.

Les forces armées de la Tatmadaw, au Myanmar, sont aujourd'hui comme une boîte noire. Nous ne savons vraiment pas ce qui s'y passe. Nous pouvons émettre des hypothèses, et celles de M. Matthews sont tout aussi valables que toutes autres.

Le sénateur Downe : L'armée a contrôlé le pays pendant des années. Vous êtes tous deux allés en Birmanie, une chance que j'ai eue moi aussi, et vous savez que l'armée avait ses propres installations médicales. Les membres de l'armée avaient le meilleur niveau de vie qui soit en Birmanie. Le changement n'est jamais simple; c'est ainsi partout, même au Canada. Les forces armées doivent avoir beaucoup de mal à céder le pouvoir.

Vous avez parlé de l'influence exagérée de l'armée à mesure qu'on s'éloigne de la capitale. Mais il doit y avoir à la capitale aussi une deuxième force qui s'applique à faire entrer les candidats favoris au sein du pouvoir exécutif ou du Parlement. Connaissez-vous des exemples d'anciens militaires qui sont soudainement retournés à la vie civile et qui sont aujourd'hui des membres éminents du gouvernement ou du Parlement?

M. Matthews : Comme vous le savez tous, 25 p. 100 des sièges des deux Chambres du Parlement sont réservés aux militaires. Autrement dit, 75 p. 100 d'entre eux ne sont pas nécessairement attribués à des militaires, mais bon nombre sont occupés par des militaires à la retraite ou qui ont démissionné pour assumer une fonction civile. Leur vision du monde et peut-être même leur allégeance politique correspondent à l'ancienne conception de la Birmanie qui prévalait au sein des forces armées.

Pour répondre brièvement, ce que j'appelle l'attitude militaire généralisée au sein de la politie a encore une grande influence. Il serait simple de pointer du doigt bien des anciens généraux et des brigadiers qui siègent maintenant au Parlement. Ils sont nombreux, y compris le président Thein Sein lui-même. Il est le meilleur exemple.

M. Rieffel : J'allais justement parler du président Thein Sein qui, pas plus tard qu'hier, a prononcé une sorte de discours sur l'état de l'Union pour le troisième anniversaire de son arrivée au pouvoir. Il a fait une série de déclarations en ce sens. Bien des choses portent à croire qu'il pense vraiment ce qu'il dit lorsqu'il prononce ce genre de discours.

Par ailleurs, le président de la Chambre basse du Parlement Shwe Mann est un ancien général. Les deux principaux ministres du Cabinet présidentiel, dont un est à la tête du processus de paix, sont aussi d'anciens généraux. Ce qu'il y a de particulier dans ce pays, c'est que la transition est gérée par l'armée. Nous ignorons quel en sera le résultat, mais si elle est réussie, on en attribuera le mérite à certains officiers.

M. Matthews : Gardons à l'esprit que la commission de sécurité nationale, un organisme distinct du Parlement, a en quelque sorte le pouvoir ultime des décisions politiques. Elle est présidée par Min Aung Hlaing, un soi-disant haut gradé qui assume le poste. Cet homme est très puissant. Il n'agit pas dans les coulisses, mais bien à l'avant-plan. Il n'est pas un représentant élu. En principe, toutes sortes de pouvoirs lui permettent d'intervenir s'il a l'impression que le pays est menacé. Je ne crois pas qu'il pourrait agir facilement sans la permission du président et d'un groupe de politiciens. Il n'en demeure pas moins que cet homme détient un pouvoir redoutable.

Je tenais à vous signaler le nom de ce haut gradé, soit Min Aung Hlaing. Je dirais qu'il n'est pas particulièrement favorable à Aung San Suu Kyi ou à quelque renversement que ce soit de la constitution actuelle, qui, comme vous le savez tous, assure à l'armée de toujours jouer un rôle au sein du gouvernement.

La Birmanie ne pourra faire de réels progrès que si sa constitution est modifiée. Sur le plan démocratique, le pays n'avancera pas du tout. Ce sera un jour bien triste si le Myanmar n'arrive pas à changer sa constitution pour permettre à Aung San Suu Kyi d'être candidate aux élections présidentielles l'an prochain, si tout va bien.

Le sénateur Oh : La Birmanie compte 55 millions d'habitants et est probablement un des derniers pays de l'Association des Nations de l'Asie du Sud-Est, ou ANASE à ouvrir ses portes. Je discutais la semaine dernière avec un haut représentant d'un des pays membres de l'ANASE, qui est d'avis que ces pays préfèrent que la Birmanie prenne son temps. S'il y a trop d'ingérence de l'Occident et que le chaos s'installe, la junte militaire qui a encore le pouvoir pourrait replonger la Birmanie dans la situation d'autrefois. Qu'en pensez-vous?

M. Matthews : Je pense que M. Rieffel est le mieux placé pour répondre.

M. Rieffel : Sénateur Oh, je suis plutôt de cet avis, comme en témoigne l'étude que j'ai réalisée il y a un an. Je trouve qu'il est bel et bien risqué de précipiter les choses.

L'ANASE est réputée pour sa lenteur, et les Américains sont portés à y voir là une lacune qu'ils reprochent à l'association. Je ne partage pas cet avis. Je suis un grand admirateur de l'ANASE et de sa façon de faire. La stabilité est importante à mes yeux, et précipiter la transition pourrait rendre la région instable, ce qui serait tragique.

[Français]

La sénatrice Fortin-Duplessis : Cette fois-ci ma question s'adresse au professeur Matthews. Comme vous le savez, le gouvernement birman s'apprête à conduire un premier recensement de sa population et ce, depuis 1983. Plusieurs associations de la diaspora birmane et des spécialistes des questions identitaires ont demandé un report du recensement pour une multitude de raisons dont, entre autres, l'inclusion de questions portant sur l'appartenance ethnique et le fait que certains groupes ethniques et minorités religieuses ne sont pas inclus dans le recensement.

Selon vous, bien que le recensement de la population birmane soit nécessaire, voyez-vous là un exercice périlleux qui risque d'exacerber les tensions ethno-religieuses?

[Traduction]

M. Matthews : Je suis tout à fait d'accord avec vous. Je crois qu'au moins deux organisations des Nations unies participeront au recensement, mais les résultats seront erronés. Par exemple, l'analyse des groupes ethniques se basera en partie sur la situation géographique plutôt que sur la langue. Ce n'est là qu'un exemple des lacunes possibles.

Le Myanmar dit compter 135 communautés linguistiques différentes. Du point de vue du recensement, on pourrait donc dire qu'il y a 135 groupes. Or, il y en a probablement plus encore. La communauté des Rohingyas n'est malheureusement même pas incluse, et elle compte pourtant environ 1,5 million de musulmans dans l'État d'Arakan, que le gouvernement birman appelle des Bengalis. Il refuse même d'employer le nom « Rohingya ». Si un groupe de cette taille est exclu d'un recensement, je doute fort que le recensement en question puisse être bien utile.

Vous avez donc parfaitement raison; ou encore, l'analyse que vous avez lue est juste. À mon avis, un recensement mal réalisé ou qui pourrait biaiser l'interprétation des résultats est possiblement fort dangereux. S'il s'attarde exagérément à la présence de minorités, par exemple, il pourrait exacerber les tensions au sein de la majorité birmane. La surreprésentation de l'une ou l'autre des communautés dépendra de la façon de recueillir les données sur le plan géographique.

La présidente : Je tiens à remercier nos deux témoins. Vous nous avez donné de nouveaux renseignements sur la Birmanie. Vos expériences et points de vue seront des plus utiles à la suite de notre étude. Vous avez fait de l'excellent travail à distance, et vos interactions ont été bien utiles. Nous allons continuer de nous pencher sur la Birmanie, l'Indonésie, et possiblement Singapour et les Philippines dans le cadre de notre étude de la région de l'Asie-Pacifique.

Nous accueillons maintenant M. Michael Murphy, vice-président des Affaires gouvernementales du Chemin de fer Canadien Pacifique. M. Michael Bourque devait comparaître, mais il n'a pas pu être avec nous en raison du dépôt d'un projet de loi qui touche les chemins de fer.

Monsieur Murphy, nous vous sommes reconnaissants de nous avoir accordé la priorité aujourd'hui. Vous avez déjà comparu devant de nombreux comités, et nous vous souhaitons la bienvenue. Je vous invite à nous présenter votre exposé, après quoi nous passerons aux questions.

Michael Murphy, vice-président, Affaires gouvernementales, Chemin de fer Canadian Pacifique : Bonjour, mesdames et messieurs les sénateurs. Merci de me donner l'occasion de comparaître.

Comme la présidente vient de le dire, mon confrère M. Bourque de l'Association des chemins de fer du Canada ne pouvait pas être ici. Il y a quelques heures, le gouvernement a déposé un projet de loi qui présente un intérêt considérable pour le secteur ferroviaire. Nous sommes plutôt inquiets aujourd'hui, comme depuis quelque temps déjà. Voyons voir comment je me débrouillerai aujourd'hui.

En guise d'introduction, je vais simplement vous dire que le Canadien Pacifique, ou CP, offre des services ferroviaires et de transport multimodal à plus de 10 000 clients sur un réseau de 23 000 kilomètres reliant les principaux centres d'affaires canadiens de Montréal à Vancouver, en passant par le nord-est et le Midwest des États-Unis. Nous nous occupons du transport de marchandises en vrac, du transport de produits et du trafic intermodal. Tout comme l'économie, la réussite de notre société est très étroitement liée au commerce. En fait, les deux tiers de notre trafic dépend du commerce, soit entre le Canada et les États-Unis, soit à destination ou en provenance d'un port, en l'occurrence ceux du Grand Vancouver et de Montréal.

Puisque nous cherchons constamment à améliorer notre service et notre rendement en matière de sécurité, nous investissons environ 1,2 milliard de dollars en infrastructure cette année. Ensemble, les intervenants de notre secteur veillent à ce que les entreprises canadiennes demeurent concurrentielles au sein des chaînes d'approvisionnement mondiales. Nous offrons les plus bas taux de fret au monde en transportant une tonne de marchandise pour seulement 4,1 le mille.

Le CP appuie fermement l'Initiative de la Porte et du Corridor de l'Asie-Pacifique du Canada. Le gouvernement a fait figure de chef de file en favorisant les partenariats entre les gouvernements et les acteurs de la chaîne d'approvisionnement afin de stimuler le trafic de tous les produits, sans compter son financement direct des infrastructures publiques, comme les routes, les ponts et les sauts-de-mouton. Dans l'ensemble, la contribution de partenaires multiples aux projets de porte, de corridor ou de zone, comme le projet du corridor ferroviaire Roberts Bank, a créé un modèle de prestation plus efficace. Cela a été rendu possible grâce à une approche globale visant à répondre aux besoins de tous les participants dans l'objectif d'améliorer la capacité et la fluidité de la porte tout en répondant aux besoins des collectivités locales.

Le corridor ferroviaire Roberts Bank est un des projets faisant partie de la porte de l'Asie-Pacifique auxquels participe le Canadien Pacifique dans la vallée du bas Fraser, en Colombie-Britannique. Le corridor compte jusqu'à neuf projets de saut-de-mouton visant à améliorer l'accès aux terminaux Roberts Bank.

Plus particulièrement, le passage supérieur de la rue 41B permet la construction de voies ferrées supplémentaires afin d'améliorer la circulation de charbon et de conteneurs multimodaux jusqu'à Roberts Bank. Le réaménagement du chemin Clearbook a permis de rallonger la voie d'évitement de Mud Bay jusqu'à près de 12 000 pieds. Le passage supérieur de la 232e rue prévoit le tracé d'une voie ferrée additionnelle du CP qui relierait la voie d'évitement de Rawlison appartenant au Canadien National, ou CN, de façon à la prolonger jusqu'à 12 000 pieds. Les sauts-de- mouton supplémentaires près de Roberts Bank permettront aussi la construction d'une voie ferrée supplémentaire.

Dans la zone commerciale de la rive sud de l'inlet Burrard, la structure surélevée de la rue Stewart s'étend sur 10 voies réservées aux clients industriels, et le réaménagement de la rue Commissioner permettra un jour de construire deux voies ferrées de plus. Grâce à la passerelle pour piétons de la rue Victoria, le CP n'aura plus à freiner les trains au passage à niveau, et le passage supérieur de la rue Powell prévoit le tracé d'une voie ferrée.

La zone commerciale de la rive nord compte une série de projets visant à améliorer l'accès aux terminaux situés sur cette rive. Plus précisément, l'élargissement du passage inférieur de l'avenue Brooksbank permet le prolongement de la voie ferrée au terminal Neptune, et de la voie ferrée à la porte ouest du terminal Lynnterm, et prévoit l'espace nécessaire pour d'autres voies ferrées du CN dans le secteur. Le passage supérieur Neptune Cargill de la route Low Level permet au CN de construire des voies ferrées supplémentaires dans le secteur et de réduire la rencontre entre la route et les voies ferrées sur la route à proximité du pont ferroviaire Second Narrows.

Parmi les autres projets de la vallée du bas Fraser qui comportent des avantages concrets, on compte le pont Port Mann et l'élargissement de l'autoroute 1. Ces travaux amélioreront l'accès des trains et des camions aux terminaux portuaires. Le passage supérieur de la rue King Edward a aussi été construit dans le cadre du projet d'amélioration du pont Port Mann et de l'autoroute 1, et a permis au CP de prolonger des voies à Sapperton, dans le secteur Westminster, ce qui nous permet d'envoyer des trains plus longs aux terminaux de la rive nord et d'augmenter la capacité ferroviaire grâce à des échangeurs du CN plus longs.

Il ne faut pas oublier que la porte d'entrée du Pacifique va au-delà de la côte ouest de la Colombie-Britannique et touche l'ensemble du corridor. À ce chapitre, il y a eu un certain nombre d'investissements, notamment dans la plaque tournante du transport mondial. Par exemple, nous avons déménagé notre terminal de Régina dans de nouvelles installations hors de la ville, ce qui nous a permis de bonifier nos installations intermodales, de laisser Loblaws créer un nouveau centre de distribution de l'Ouest canadien, et d'améliorer l'accès au terminal par camion. Parmi les investissements importants, on compte aussi le saut-de-mouton de la 52e rue, à Calgary, qui a amélioré l'accès à notre gare intermodale à proximité. Ces projets ont augmenté la capacité et la fluidité de la porte d'entrée dans l'intérêt de l'économie canadienne dans son ensemble.

Le CP fait sa part pour faciliter le commerce et pour améliorer les services offerts à la porte d'entrée. Nous avons mis en œuvre des pratiques exemplaires en collaboration avec nos partenaires de la chaîne d'approvisionnement. Les accords conclus avec eux traitent, entre autres, de l'élaboration d'indicateurs de rendement, de protocoles de communication, du développement commercial et du règlement des différends.

Nos efforts sont en train de porter fruit. Selon la base de données sur la fluidité de Transports Canada, le transport des conteneurs universels depuis les ports de l'Asie jusqu'à Chicago, en passant par les ports de la Colombie- Britannique et les lignes de chemin de fer, est concurrentiel sur le plan de la durée d'acheminement par rapport aux conteneurs qui transitent par des ports américains. La durée moyenne d'acheminement de toutes les marchandises par service intermodal, du moment de leur déchargement dans les ports de la Colombie-Britannique jusqu'à leur arrivée à Chicago, s'élève à approximativement huit jours.

En faisant transiter 1,1 million de wagons par Vancouver en 2013, le CP a battu son record de 2007. Nous avons aussi considérablement réduit notre temps de séjour dans les triages, c'est-à-dire la durée moyenne de la période que les wagons passent à être chargés et déchargés dans nos parcs à matériel remorqué de Vancouver et Coquitlam. Notre temps moyen de séjour à Vancouver se chiffrait à 4,4 heures en 2013 comparativement à 12,5 heures en 2007, ce qui représente une réduction de 65 p. 100. Notre temps moyen de séjour à Coquitlam est passé de 23,1 heures en 2007 à 14,9 heures en 2013, ce qui correspond à une réduction de 35 p. 100.

De plus, en juillet 2013, nous avons lancé un service amélioré à l'intention des clients qui utilisent nos services intermodaux, en reliant la porte d'entrée du Pacifique aux terminaux de Chicago ou Toronto en quatre jours, ce qui réduit d'une journée complète le service que nous offrions auparavant. Dans l'ensemble, nous avons fait des progrès importants en améliorant l'efficacité et la capacité de la porte d'entrée, en collaboration avec nos partenaires de la chaîne d'approvisionnement.

Toutefois, compte tenu de la croissance continue des échanges commerciaux avec la Chine, de la mise en œuvre de l'accord de libre-échange entre le Canada et la Corée du Sud et de la négociation possible d'un accord commercial dans le cadre du Partenariat transpacifique, on s'attend à ce que le volume de marchandises exportées et importées par la porte d'entrée augmente. L'un des importants problèmes auxquels nous faisons face à la porte d'entrée du Pacifique, en particulier dans la vallée du bas Fraser de la Colombie-Britannique, est lié à ce que nous qualifions de « problèmes de proximité » entre nos opérations et les gens qui vivent près de notre propriété.

À mesure que les collectivités s'élargissent, leurs préoccupations concernant la sécurité et des problèmes de bruit, de vibrations et d'émissions s'accroissent. Nous prenons souvent les devants afin de remédier aux problèmes de proximité. Certains de nos employés ont été affectés à la tâche de collaborer avec les collectivités locales afin d'apaiser les préoccupations qu'elles expriment relativement à nos opérations. De plus, par l'intermédiaire de l'Association des chemins de fer du Canada et la Fédération canadienne des municipalités, nous avons élaboré des lignes directrices en matière de planification, afin d'aider les administrations municipales et les sociétés ferroviaires à définir les politiques générales de conversion des terrains situés à proximité des activités ferroviaires. Ces lignes directrices relatives à la proximité cernent des questions comme celles du bruit, des vibrations, des émissions, de la sécurité et de la conception du développement.

Les mesures préventives et volontaires prises à ce jour pour résoudre les problèmes de proximité ont eu un succès mitigé. Une façon plus efficace de prévenir les futurs problèmes de proximité consisterait à demander aux municipalités d'aviser et de consulter les sociétés ferroviaires avant d'autoriser l'aménagement de terrains situés à proximité des activités ferroviaires. Cela permettrait aux sociétés ferroviaires et aux municipalités de prendre des mesures pour atténuer les problèmes éventuels, avant que des développements résidentiels soient entrepris.

Une autre façon d'accroître la capacité, les services et la sécurité de la porte d'entrée du Pacifique consiste à faire progresser les programmes liés à l'initiative canado-américaine Par-delà la frontière. Nous appuyons en particulier le projet pilote entrepris au port de Prince Rupert dans le cadre de la Stratégie intégrée de sécurité du fret, projet qui consiste à inspecter à Prince Rupert des marchandises étrangères à destination des États-Unis avant de leur faire traverser la frontière par train. Le CP appuie le principe « inspectées une fois, dédouanées deux fois ». Une fois que le projet pilote de Prince Rupert sera terminé, nous aimerions voir le programme déployé dans d'autres ports, dont le port Metro Vancouver.

Cela met fin à mes observations, madame la présidente. C'est avec plaisir que je répondrai à toutes les questions que les sénateurs pourraient avoir.

La présidente : Vous avez mentionné que l'accord de libre-échange avec la Corée du Sud accroîtra la demande pour vos services et pour les installations portuaires. Avez-vous examiné de manière stratégique l'incidence qu'auront l'arrivée de la Birmanie sur la scène internationale, le nouveau rôle de l'Indonésie et les pays de la région méridionale de l'Asie du Sud? Faites-vous des prévisions? Nous examinons ces facteurs sur le plan politique, et nous savons que ces pays sont maintenant en train de se manifester et que cela entraînera un surcroit d'activités commerciales et d'expéditions de marchandises. Avez-vous tenu compte de cela? Planifiez-vous de le faire? Cela signifie-t-il que certaines limites seront atteintes? En ce moment, vous faites face à un problème de proximité, mais vous atteindrez des limites en matière de capacités.

Dans ma province, les capacités étaient insuffisantes. Par conséquent, certaines industries ont déménagé dans des villes portuaires américaines, ce qui a préoccupé un peu les ports canadiens, et il a fallu que nous trouvions une solution à ce problème. Nous examinons maintenant la possibilité de recourir à Prince Rupert. Participez-vous à cet examen stratégique des capacités disponibles pour desservir la région de l'Asie-Pacifique?

M. Murphy : En bref, la réponse est oui. L'un des aspects positifs de l'initiative de la porte d'entrée du Pacifique est le genre d'initiative que nous avons vu les gouvernements prendre en l'occurrence. Il s'agit vraiment d'un partenariat avec un grand « P » qui englobe non seulement divers ordres de gouvernement, dont le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux de l'Ouest canadien et les administrations locales directement concernées, mais aussi tous les autres intervenants, comme les terminaux portuaires, l'industrie ferroviaire et d'autres parties qui se sont réunis initialement pour faire face aux circonstances que nous voyions venir, à savoir une importante hausse de la demande de services sur la côte Ouest de la part de l'Asie. Une partie de cette demande est imputable à une fabrication accrue de produits par un éventail de pays asiatiques qui les exportent en Amérique du Nord.

De notre point de vue, l'initiative nous a permis, entre autres, de non seulement comprendre initialement les exigences en matière de modernisation de l'infrastructure requise pour faire face à cette demande accrue, mais aussi de mettre en place la gouvernance, si je peux m'exprimer ainsi. Par exemple, nous et toutes les autres parties faisons partie du Greater Vancouver Gateway Council qui se réunit régulièrement et qui contribue non seulement à coordonner le travail que nous accomplissons aujourd'hui, mais aussi à nous faire réfléchir à nos besoins futurs. Toutes les parties sont maintenant regroupées sous l'égide de ce conseil, ce qui représente un pas dans la bonne direction.

Je ne veux pas m'éterniser sur le sujet, mais il est important que vous compreniez que nous avons une très bonne idée de la façon dont nous devons procéder pour demeurer au courant de l'état de la demande. Je me réjouis de la façon dont les choses ont évolué, et nous espérons poursuivre ce travail.

[Français]

La sénatrice Fortin-Duplessis : Monsieur Murphy, est-ce que vous pourriez nous renseigner sur la collaboration qui existe entre le gouvernement du Canada et votre compagnie, le Canadien Pacifique?

[Traduction]

M. Murphy : Il y a un haut degré de coordination entre le gouvernement fédéral, notre entreprise, d'autres compagnies de chemin de fer et d'autres intervenants liés à la porte d'entrée du Pacifique. J'ai fréquemment l'occasion de prendre la parole et de parler de cet enjeu. Pour être franc avec vous, nous utilisons l'initiative de la porte d'entrée du Pacifique comme un parfait exemple de la façon de procéder correctement à cet égard.

Nous ne le faisons pas uniquement en raison des fonds qui ont été investis dans cette initiative par divers ordres de gouvernement, dont le gouvernement fédéral, bien que ces fonds aient été substantiels. Nous reconnaissons aussi le leadership qui a amené les parties à faire équipe. Ce leadership existe toujours aujourd'hui, et nous continuons de travailler étroitement avec le gouvernement fédéral et d'autres ordres de gouvernement à la réussite de la part très importante de nos activités consacrées à la région de l'Asie-Pacifique.

Il s'agit aussi d'une entreprise, et je pense que la présidente était gentiment en train d'en venir au fait que cette entreprise est concurrentielle. Nous livrons concurrence à d'autres ports de la côte Ouest avec beaucoup de vigueur. Les compagnies de navigation ont le choix; elles peuvent décider d'envoyer leurs navires dans d'autres ports de la côte Ouest, dont certains sont beaucoup plus importants que ceux que nous exploitons ici, au Canada. Par conséquent, le genre de collaboration que nous entreprenons pour maximiser notre efficacité et la fluidité de la porte d'entrée revêt une grande importance.

[Français]

La sénatrice Fortin-Duplessis : J'aurais une autre question, monsieur Murphy. J'ai remplacé un collègue à un moment donné au Comité des transports. C'était les producteurs de blé qui comparaissaient. Ces gens étaient désespérés parce qu'ils n'étaient pas capables d'obtenir les services dont ils avaient besoin de la part du CN ou du CP pour pouvoir transporter le blé et l'exporter.

Est-ce que vous en êtes bien conscients? Quelles sont vos relations avec les producteurs? Je vous ai posé des questions face au gouvernement canadien, mais concernant les producteurs qui ont besoin de vous, comment réagissez- vous?

[Traduction]

M. Murphy : Il est probable qu'aucun de vous ne sera pas étonné d'apprendre que, dernièrement, nous avons passé beaucoup de temps à nous occuper des problèmes liés aux céréales. Permettez-moi de commencer par parler d'un cadre évident pour le CP.

Nous transportons plus de céréales que quoi que ce soit d'autre. Les céréales sont les marchandises les plus importantes que nous transportons. Elles interviennent pour plus de 20 p. 100 dans nos activités, et elles sont d'une importance primordiale à nos yeux. En ce qui concerne nos relations avec les sociétés céréalières de l'Ouest canadien qui font partie de notre clientèle, je pense qu'elles sont excellentes. Les employés de mon entreprise qui gèrent ces relations sont extrêmement professionnels et comprennent très bien ce marché. Je vais commencer simplement par ce cadre.

En ce qui a trait à l'année d'exploitation courante, il faut que nous parlions de deux importants facteurs. Premièrement, la récolte de l'année dernière qui est expédiée pendant l'année d'exploitation courante — laquelle a commencé le 1er août 2013 et prendra fin le 31 juillet — est sans précédent, puisqu'elle a atteint près de 80 millions de tonnes métriques. Nous n'avons jamais géré une récolte de cette importance auparavant. À cela s'ajoutent l'hiver le plus froid que nous n'ayons jamais connu et diverses difficultés. L'année d'exploitation a débuté en août, mais personne ne nous a demandé de transporter des céréales pendant ce mois-là, ce qui est dommage, parce que c'est un mois très propice au transport des céréales. Au cours des mois de septembre, d'octobre et de novembre, nous avons transporté plus de céréales que pendant toute autre période de notre histoire.

Vous avez peut-être lu des rapports qui indiquent que nous n'avons transporté aucune céréale cette année. La vérité, c'est que nous avons acheminé plus de céréales que nous ne l'avons jamais fait. Je peux continuer à vous donner des détails, mais j'ignore si mes propos suffisent à répondre à votre question.

La présidente : Merci.

Le sénateur D. Smith : Je connais plutôt bien le pays, bien que je vienne de Toronto. Je n'ai jamais géré une exploitation agricole, mais je suis les rapports des médias. J'ai entendu dire à quel point la récolte avait été exceptionnelle, mais un grand nombre d'agriculteurs et d'intervenants sont extrêmement mécontents. Pensez-vous qu'il s'agissait vraiment d'une aberration? Si une utilisation accrue des méthodes, quelles qu'elles soient, qu'ils ont utilisées pour engendrer cette récolte exceptionnelle devient la norme, faudra-t-il remédier à la situation, ou cette année est-elle simplement le fruit du hasard? Comprenez-vous ce que je veux dire?

M. Murphy : Oui. En ce qui a trait aux aberrations, il y en a eu deux. Je les ai abordées toutes les deux, mais je vais simplement parler de nouveau de chacune d'entre elles. Premièrement, il y avait la taille de la récolte. Nous n'en avions jamais vu une aussi importante, c'est-à-dire une récolte de 80 millions de tonnes métriques. Les récoltes ne se sont jamais rapprochées de cette taille.

Le sénateur D. Smith : À quoi attribuez-vous cela?

M. Murphy : La dernière saison de croissance présentait des conditions absolument parfaites pour la croissance des céréales. D'après toutes les paroles des personnes qui s'y connaissent beaucoup plus que moi dans ce domaine, les choses n'auraient pu se passer mieux. On se pose souvent la question suivante : faisait-il trop froid, trop chaud, trop humide, trop sec? Tout s'est déroulé parfaitement. La récolte a eu lieu un peu tard, mais les conditions étaient parfaites pour la croissance. Par conséquent, nous avons fini par avoir cette récolte exceptionnelle.

Je ne tiens pas à vous fournir un grand nombre de statistiques, mais je vais vous en communiquer une. Au cours d'une année normale, nous transportons 33 ou 34 millions de tonnes métriques de céréales à des fins d'exportation. Cette année, nous serons forcés de transporter 22 millions de tonnes métriques supplémentaires, soit deux tiers de plus ou une hausse de 67 p. 100. Je vous cite ces chiffres pour vous donner une idée de la taille de la récolte.

Aucune chaîne d'approvisionnement ne sera jamais en mesure de gérer une telle hausse sans préavis. On ne nous a jamais révélé la taille de la récolte, même après que l'année d'exploitation a été avancée. Il est impossible de se préparer pour une telle récolte. Je vais vous donner un excellent exemple de la situation. En août, nos wagons attendaient les chargements. De juin à août, les wagons-trémies qui transportent les céréales étaient au repos. En août, on commence à transporter les céréales. Habituellement, pendant ce mois, un nombre important d'agriculteurs nous demandent de commencer à transporter leurs céréales. Cela ne s'est pas produit cette année. Les gens ont le droit de décider du moment où ils souhaitent faire transporter leurs céréales. Ils désirent attendre parce qu'ils pensent peut-être que les prix seront plus élevés plus tard, ou pour une quelconque autre raison. Par la suite, tous les agriculteurs souhaitaient faire transporter leurs céréales. De septembre à novembre, nous avons transporté plus de céréales que nous ne l'avons jamais fait pendant ces périodes passées.

Puis l'hiver a frappé, et c'est la deuxième aberration que nous avons observée. Notre hiver est le plus froid que nous avons jamais vécu. Je ne cesse de dire « est » parce qu'il me semble que nous sommes toujours au cœur de l'hiver. Quoi qu'il en soit, l'Ouest canadien vit l'hiver le plus froid des 60 dernières années. Un hiver de ce genre est problématique pour nous. Lorsque la température est de moins 25 degrés Celsius, cela nuit considérablement aux activités ferroviaires. De telles températures ont été enregistrées pendant des semaines dans les Prairies. Les répercussions de la température sont d'ordre sécuritaire. Nous sommes forcés de réduire la longueur des trains parce que les freins ne reçoivent pas suffisamment d'air. Il y a donc un problème de sécurité, et la vitesse des trains doit être réduite. Nous sortons en grande partie de cette période maintenant. Même en février, nous avons transporté 15 p. 100 de céréales de plus que l'année dernière, et nous commençons vraiment à rouler maintenant.

Comme vous le savez, le gouvernement nous a demandé de déclarer hebdomadairement la quantité de céréales que nous transportons. Lundi dernier, nous avons déclaré ces statistiques pour la première fois, et je suis heureux de dire que nous commençons à remonter la pente. Nous avons prédit qu'aussitôt que la température s'améliorerait, nous retrouverions notre rendement passé.

Oui, des aberrations surviennent.

Pour finir de répondre à votre question, le problème à l'avenir consistera à déterminer si les 80 millions de tonnes métriques, que nous n'avions jamais observées auparavant, sont une aberration ou une nouvelle norme. Même Agriculture Canada prévoit que la récolte de l'année prochaine sera 15 p. 100 moins importante. Il devient très important d'évaluer la demande. Dans quelle mesure la taille de la récolte peut-elle nous être communiquée? Nous nous débrouillons plutôt bien en dépit de cela, mais mieux nous sommes informés, plus nous pouvons faire un bon travail.

Je ne sais pas si cette récolte est la nouvelle norme, mais nous n'avons jamais eu à transporter une récolte aussi importante. Nous allons devoir observer ce qui se passe dans les années à venir.

Le sénateur Downe : J'aimerais donner suite à la question posée par le sénateur Smith. La circulation déficiente des céréales a engendré toutes sortes de plaintes. Vous avez exposé les problèmes que votre entreprise avait rencontrés. Quel est le rôle du gouvernement à cet égard? Il a prêté l'oreille à ces plaintes. Il vous a chargé d'absorber les coûts associés au développement de vos capacités. Comme vous l'avez indiqué dans votre réponse, le volume pourrait diminuer de moitié cette année. Le gouvernement vous remboursera-t-il vos coûts à l'avenir? Le CP est une entreprise privée.

J'ai lu les commentaires de votre président à propos de l'annonce du gouvernement. Je pense qu'il les a faits à New York ou à Montréal. Je me demande quelle est la position de votre entreprise au sujet de ce qu'a fait le gouvernement.

Vous n'êtes pas Postes Canada; vous n'êtes pas une société d'État. Il me semble que si c'était une priorité pour le gouvernement, il achèterait une compagnie ferroviaire et il la dirigerait. Comment intervient-il dans le secteur privé?

M. Murphy : J'ai l'impression d'être revenu au Comité des transports.

Vous avez tout à fait raison. Non seulement nous sommes une société privée, mais nous construisons et payons entièrement nos propres infrastructures. Pour vous donner un exemple, sur le plan des revenus, nous étions un peu au- dessus des 6 milliards de dollars en 2013 et nous avons dépensé environ 1,2 milliard de dollars en immobilisations. Nous dépensons près de 20 p. 100 des revenus. Il y a très peu d'entreprises, s'il y en a, qui dépensent 20 p. 100 de leurs revenus en immobilisations. Nous le faisons chaque année. Cette année, nous avons dit que nous dépenserons entre 1,2 et 1,4 milliard de dollars; le montant va donc augmenter.

L'une des raisons pour lesquelles nous le faisons, c'est évidemment pour l'entretien. Nous devons investir pour l'entretien de notre réseau, sinon il va se détériorer. Donc, la plus grande partie va à l'entretien, mais le reste va au développement. Nous consacrons une partie des dépenses à l'ajout et au prolongement de voies d'évitement. J'ai parlé de ces voies d'évitement de 12 000 pieds. Elles sont très importantes pour que nous n'ayons pas à réduire le nombre de wagons des trains que nous voulons déplacer, qu'ils contiennent du grain, du charbon ou de la potasse. J'utilise des exemples de transport en vrac des Prairies à la côte Ouest. Nous dépensons donc cet argent.

Nous travaillons avec diligence avec divers clients afin de transporter ces produits; nous n'étions donc pas très contents lorsqu'on nous a dit qu'il nous faudrait désormais atteindre certains quotas ou objectifs. C'était en quelque sorte la première étape, que nous avons vue il y a trois semaines; cela fera trois semaines ce vendredi. Aujourd'hui, il y a d'autres lois qui nous permettent d'intervenir plus directement sur le marché du grain. C'est là-dessus que l'on met l'accent, sur le grain.

À notre avis, nous devrions cibler un système à caractère beaucoup plus commercial. Comme la plupart d'entre vous le savent sans doute, en plus du transport réglementé du grain, dont nous avons surtout parlé, nous sommes aussi visés par une réglementation en ce qui concerne le revenu admissible maximal pour le transport du grain. C'est la dernière version d'une série complète d'interventions du gouvernement dans le système de transport du grain depuis des décennies. Elle existe depuis un certain temps. C'est la seule partie de nos activités qui est régie de cette façon.

Aux États-Unis, par exemple, dans les périodes de pointe ou de forte demande, ceux qui veulent des wagons ont la possibilité d'en obtenir sur le marché. Cela ne fonctionnerait pas ici, compte tenu des plafonds qu'on nous impose.

Le gouvernement a pris une décision en ce qui concerne l'augmentation des efforts commerciaux pour le secteur du grain. Nous pensons qu'il est possible de faire davantage avec le revenu admissible maximal et d'envisager de l'éliminer, afin que nous puissions avoir un environnement entièrement commercialisé. Nous pensons que cela fonctionnerait bien.

C'est là où nous en sommes.

Le sénateur Downe : D'une part, on vous impose des restrictions, et d'autre part, on fixe des objectifs que vous devez atteindre. Le gouvernement offre-t-il à votre société un remboursement des coûts que vous devez assumer relativement au nouveau mécanisme de rapports?

M. Murphy : Pas à ma connaissance. Nous avons présenté le premier rapport et nous continuerons de respecter les exigences du décret au cours des prochains mois, soit la période pendant laquelle il s'applique.

Le sénateur Downe : Cela me rappelle une vieille blague que les Républicains et les Démocrates des États-Unis racontaient toujours. Ils disaient : « Bonjour, nous sommes du gouvernement; nous sommes ici pour vous aider. » Je suis sûr que c'est ce que vous ressentez dans votre entreprise.

M. Murphy : Merci.

La présidente : C'est ce que disent bien des gens au Canada.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Vous avez dit que le transport du grain est réglementé. Il y a un taux maximal que vous pouvez facturer pour transporter le grain, n'est-ce-pas?

[Traduction]

M. Murphy : C'est exact. C'est seulement pour le grain. Une partie de notre franchise est liée au transport réglementé du grain. Il s'agit essentiellement du grain des Prairies qui sera transporté et distribué à un point d'exportation. Il pourrait être transporté partout au Canada. Il pourrait être transporté aux États-Unis. Nous utilisons un certain nombre de corridors pour transporter le grain, mais c'est un système dans lequel nous avons droit à un certain niveau de revenus chaque année pour le transport du grain. Il y a un revenu admissible maximal; c'est le nom exact. On utilise aussi d'autres termes. C'est un nombre prévu qui est établi en fonction de divers facteurs, mais nous n'avons pas besoin d'entrer dans les détails. C'est un nombre que nous sommes tenus de respecter chaque année, et si nous le dépassons, nous devons verser ce montant à un organisme de recherche de l'Ouest du Canada, en plus de payer une pénalité. Évidemment, si nous sommes sous le revenu admissible, alors cela ne s'applique pas. C'est une contrainte à laquelle nous sommes assujettis dans le cadre de ce régime.

La présidente : Pourriez-vous préciser quand il a été mis en place? Était-ce après le tarif du Nid-de-Corbeau?

M. Murphy : Oui, longtemps après. Il y a eu un certain nombre de mesures d'interaction avec le gouvernement sur le plan du transport du grain, mais c'est là où nous en sommes actuellement en ce qui concerne ce système.

[Français]

Le sénateur Robichaud : On a entendu que cet automne vous aviez consacré davantage de vos efforts au transport de matières qui sont non réglementées plutôt qu'au transport du grain; y a-t-il un fondement à cette rumeur?

[Traduction]

M. Murphy : En bref, la réponse est non, et je vais tenter de vous expliquer pourquoi. On nous a souvent accusés d'être favorables à d'autres produits d'une certaine façon, mais pas tellement à l'automne, pour être un peu plus précis, car comme je l'ai mentionné tout à l'heure, nous n'avions jamais transporté autant de grain qu'en septembre, en octobre et en novembre, et nous n'avons jamais rien entendu de quiconque; le rendement a été formidable.

L'hiver nous a durement touchés en décembre; le problème concernait donc les mois de décembre et de janvier en particulier, mais aussi de février, car nous avions encore quelques problèmes. Certaines personnes ont tenté de faire croire que nous favorisions le transport du pétrole brut.

Permettez-moi de vous expliquer. Comme je l'ai mentionné, le grain est le principal produit de base que transporte le Canadien Pacifique; il représente environ 20 p. 100 de nos affaires, environ 500 000 wagonnées. Nous transportons 2,7 millions de wagonnées par année. En 2013, nous avons transporté 2,7 millions wagons. Pour ce qui est du pétrole brut, il représentait environ de 3 à 3,5 p. 100 de nos wagonnées. Nous avons transporté 90 000 wagons en 2013. On parle ici d'un produit qui représente 20 p. 100 de nos activités, par rapport à un produit beaucoup moins important.

Je pourrais continuer encore un bon moment. Il s'agit aussi d'un ensemble de wagons complètement différent. On parle de wagons-citernes par rapport à des wagons-trémies; on parle de lignes différentes pour le transport de ces produits. La question ne se pose même pas. Les gens qui laissent entendre cela ont tout simplement tort.

Le sénateur Robichaud : Avez-vous convaincu ces gens qu'ils ont tort?

M. Murphy : Je ne sais pas si je réussirais à convaincre certains d'entre eux. Tout ce que nous pouvons faire, c'est exposer les faits, et les faits, ce sont les chiffres que je viens de vous donner.

La sénatrice Johnson : Quelles sont les tendances en ce qui concerne les exportations destinées au marché asiatique qui sont expédiées par train dans les ports canadiens?

M. Murphy : Excusez-moi, les tendances?

La sénatrice Johnson : Quelles sont les tendances qui se dessinent en ce qui concerne les exportations?

M. Murphy : Je peux vous fournir des chiffres précis, si vous voulez.

Commençons par le grain, qui est important; je vais vous parler des trois principaux secteurs liés aux produits que nous transportons. Premièrement, il y a le vrac; le grain est principalement transporté en vrac. Étant donné les chiffres dont nous avons parlé, ce sera une année très importante pour le transport et l'exportation du grain à partir de la côte Ouest et d'ailleurs.

La potasse est un autre secteur important pour nous. Il y a un certain ralentissement dans ce secteur.

Le charbon est une autre partie très importante de nos activités. En ce qui concerne le CP et les différents types de charbon, on parle principalement d'exportations de charbon métallurgique utilisé dans la production d'acier en Asie. Ce secteur continue d'être très dynamique en Chine et au Japon, et dans d'autres pays producteurs d'acier. Nous sommes capables de prendre le charbon produit dans les mines du sud-est de la Colombie-Britannique, le transporter à Vancouver et le vendre sur le marché asiatique. C'est assez remarquable. J'en suis toujours impressionné. C'est un secteur où nous voulons continuer de croître.

Le secteur de l'automobile est aussi raisonnablement vigoureux.

Je vous ai déjà parlé du pétrole brut. Dans ce secteur, nous transportons du brut — une partie vient du Canada, une autre partie du nord des États-Unis — vers les divers marchés de l'est, du sud et de l'ouest des États-Unis. La croissance est considérable, mais on part d'une plus petite base, comme je l'ai expliqué tout à l'heure.

Il y a d'autres produits, mais c'est davantage pour le marché intérieur.

Le seul autre élément important dont je n'ai pas parlé, c'est le transport par conteneurs; c'est la partie intermodale de nos activités. Nous avons deux types de transport : national et international. Nous avons un peu négligé le marché international ces derniers temps; nous nous concentrons davantage sur le transport intermodal à l'intérieur du Canada. Nous ne voyons pas de croissance importante dans ce secteur pour le moment.

La sénatrice Johnson : C'est intéressant. Vous dites qu'il y a un ralentissement dans le secteur de la potasse. Où voyez-vous cette tendance?

M. Murphy : Cela dépend vraiment de ce qui va arriver. Le prix du produit dépend toujours de ce que les grands importateurs d'Asie sont prêts à payer. Le prix des produits fluctue, et je n'ai pas de données récentes pour savoir où nous en sommes à ce chapitre, mais elles sont facilement disponibles. C'est ce qui détermine la demande.

Or, il y a désormais beaucoup d'activité en Saskatchewan. Je pense surtout aux nouvelles exploitations minières, et tout cela est fondé sur la croissance continue de la demande. En fin de compte, ce dont il est question, lorsqu'on transporte de la potasse, c'est de nourrir les gens. Le Canada sait très bien rendre cela possible. Nous avons le produit. C'est un produit que nous avons ici, en plein milieu de notre pays, et que nous pouvons exporter en étant compétitifs par rapport à d'autres pays, et nous réussissons très bien sur ce plan. La fluctuation des prix est liée à la nature cyclique de ces produits.

La sénatrice Johnson : Vous avez confiance en l'avenir sur le plan de ce que vous avez à offrir?

M. Murphy : Tout à fait. Dans la mesure où nous avons des ressources naturelles auxquelles d'autres pays s'intéressent et nous avons une chaîne d'approvisionnement qui fonctionne aussi bien dans ce pays, nous sommes très bien positionnés pour continuer de jouer un rôle dynamique dans ce qui est, bien franchement, un marché mondial extrêmement concurrentiel.

La sénatrice Johnson : Il est très concurrentiel.

Enfin, du point de vue des compagnies ferroviaires canadiennes, quels sont les possibilités et les défis sur le plan de l'accroissement des échanges commerciaux du Canada dans la région de l'Asie-Pacifique?

M. Murphy : Quand je vois ce secteur et à quel point il exige des investissements, je réponds toujours à une question comme celle-ci en parlant d'abord de la nécessité de continuer de maintenir les dépenses au niveau requis pour répondre à la demande. Il ne s'agit pas seulement d'assurer l'entretien dont j'ai parlé, mais aussi d'assurer le développement.

Cela nous ramène rapidement au type d'environnement réglementaire qui est en place. Les entreprises aiment la stabilité. Elles aiment savoir dans quel genre d'environnement elles investissent.

C'est un défi non seulement pour les compagnies ferroviaires, mais aussi pour le reste de la chaîne d'approvisionnement. Le Port de Vancouver, qui est sans contredit le plus grand port au pays, a lui aussi des défis à relever. L'inlet Burrard est une zone très congestionnée, et la possibilité d'agrandir le terminal de Deltaport à Roberts Bank est extrêmement importante. Il devra y avoir des investissements supplémentaires pour répondre à la demande accrue dans l'avenir.

La sénatrice Johnson : De combien de temps disposons-nous avant de devoir le faire?

M. Murphy : C'est une excellente question. Je n'ai pas de bonne réponse à vous donner. Il est clair qu'au cours des prochaines années, il devra y avoir une augmentation des investissements. C'est une réalité, d'après notre compréhension des possibilités de croissance. Il est un peu difficile de donner une année précise, mais il est clair qu'au cours des prochaines années, nous devrons le faire.

La sénatrice Johnson : Souhaiteriez-vous que ce soit dans deux ans, dans trois ans?

M. Murphy : Ce ne sera probablement pas aussi rapide. En ce qui concerne l'ajout d'un nouveau terminal, par exemple, au Deltaport de Roberts Bank, on parle d'une entreprise majeure, et il faudra plusieurs années pour le faire. Il y a quelques années, on a ajouté un troisième poste à quai au terminal existant; cela a permis d'accroître énormément la capacité, mais les navires transportent de plus en plus de conteneurs. Vancouver a la capacité d'y faire face, mais que nous réserve encore l'avenir? Je dirais que ce sera dans plusieurs années.

La présidente : Il y a un secteur que nous n'avons pas encore abordé. Vous transportez nos ressources naturelles et nos produits agricoles. Quels sont les nouveaux produits qui proviennent de l'Asie-Pacifique?

M. Murphy : Tout ce à quoi vous pouvez penser. Je vais utiliser l'exemple du transport intermodal.

La présidente : Cela passe-t-il par vous?

M. Murphy : Absolument. En ce qui concerne tous les produits manufacturés, si nous parlons surtout de la région de l'Asie-Pacifique, choisissez n'importe quel pays ou ensemble de pays dont vous voudriez parler. Comme vous le savez, dans ces pays, beaucoup de produits manufacturés sont destinés aux marchés nord-américains. Des conteneurs sont placés sur des navires et sont transportés sur la côte ouest de l'Amérique du Nord. Ils peuvent être transportés un peu partout : à Long Beach ou Los Angeles, sur la côte nord-ouest des États-Unis, ou à Vancouver ou Prince Rupert. En ce qui concerne les ports, le choix ne manque pas.

Dans le marché canadien, on peut trouver tous les produits manufacturés que l'on peut imaginer, que ce soit des produits électroniques du Japon ou de la Corée, des automobiles, et cetera. Entrez simplement dans un magasin Canadian Tire et regardez où ces produits sont fabriqués. La société Canadian Tire fait partie de nos clients, et il est fort probable que ces produits aient été transportés par l'un de nos trains à partir de l'endroit où ils sont arrivés au pays, probablement au port de Vancouver, s'il s'agit de produits fabriqués en Asie. Nous les transportons dans nos installations intermodales de Montréal et de Toronto afin qu'ils soient distribués dans les marchés locaux, et nous faisons la même chose dans l'Ouest du Canada.

La présidente : Avez-vous commencé à utiliser les ports canadiens pour acheminer des biens vers les États-Unis? Je crois comprendre qu'il y a eu une augmentation en la matière, n'est-ce pas?

M. Murphy : La majorité des biens qui entrent au Canada par le port de Vancouver — le plus grand port — dans des conteneurs en provenance d'Asie restent au Canada, pour reprendre cet exemple. Certains sont expédiés aux États- Unis en empruntant le corridor ferroviaire de Chicago dont je parlais plus tôt. De 5 à 10 p. 100 des conteneurs qui entrent au Port de Vancouver poursuivront leur route jusqu'aux États-Unis. Les autres demeureront au Canada. Il y a un certain mouvement. Cela ne fait aucun doute.

La présidente : Nous avons déjà abordé la question de la salubrité alimentaire, à savoir les produits qui entrent au Canada, la vérification en vue de nous assurer que les conteneurs n'ont pas été altérés et les nouveaux services de sécurité. Êtes-vous actifs dans ce domaine?

M. Murphy : Oui. Nous avons des gens qui collaborent directement avec l'ASFC, nos services frontaliers, et l'agence américaine des douanes et de la protection des frontières par l'entremise du département de la Sécurité intérieure. Nous avons une équipe qui collabore très étroitement avec ces organismes. J'ai brièvement fait référence dans mon exposé à l'initiative Par-delà la frontière, que nous avons accueillie très favorablement lorsque le premier ministre en a fait l'annonce en compagnie du président américain il y a quelques années.

Je ne veux induire personne en erreur. Nous avons bien entendu chaque jour des trains qui traversent la frontière canado-américaine dans les deux sens. Ce n'est pas à l'heure actuelle un problème qui empêche nos trains de circuler, mais nous pouvons certainement améliorer les choses. Nous pouvons accroître la fluidité de la chaîne d'approvisionnement en atténuant certains problèmes. Il faudrait notamment intensifier la sécurité et le dédouanement au port en vue de nous permettre de poursuivre notre chemin, au lieu de devoir nous arrêter à la frontière. Ce serait, selon nous, une grande amélioration. Depuis un an, il y a un projet pilote en ce sens, mais nous en attendons toujours les résultats. J'ai mentionné que c'est le port de Prince Rupert qui y participe.

D'autres ports ont participé à des projets pilotes concernant les camions. Nous n'avons pas encore entendu parler de la manière dont nous consoliderons le tout en vue de le mettre en œuvre dans les autres ports. Je sais que l'ASFC veut pouvoir le faire. Cependant, comme pour bien d'autres choses, ce n'est jamais aussi simple qu'on aimerait le croire lorsque cela concerne deux pays, même si nous aimerions aller de l'avant rapidement à cet égard.

Le sénateur Mockler : Monsieur Murphy, il ne fait aucun doute que vous êtes une grande source d'informations.

M. Murphy : Merci.

Le sénateur Mockler : J'aimerais revenir sur la récolte exceptionnelle de 80 millions de tonnes métriques. En ma qualité de président du Comité sénatorial de l'agriculture, je me dois de parler des agriculteurs. J'avance que cette récolte a été rendue possible grâce à nos excellents agriculteurs, à nos bonnes politiques, à une météo clémente et à une infrastructure efficace.

M. Murphy : Je suis d'accord.

Le sénateur Mockler : Cela étant dit, voici ma question. Sentez-vous libre d'y répondre ou de vous abstenir de le faire. Ma question porte sur le nouveau projet de loi du gouvernement de la Colombie-Britannique.

M. Murphy : Faites-vous allusion à ce qui se passe actuellement sur la côte Ouest en ce qui concerne le conflit de travail?

Le sénateur Mockler : Oui.

M. Murphy : C'est le projet de loi de retour au travail du gouvernement de la Colombie-Britannique. C'est exact.

Le sénateur Mockler : Cela étant dit, vous avez mentionné que 20 p. 100 de vos revenus étaient réinvestis dans l'infrastructure. C'est très bien. Est-ce que ce nouveau projet de loi aidera à acheminer les grains de nos agriculteurs?

M. Murphy : Pour être bien certain de comprendre votre question, parlez-vous du projet de loi du gouvernement de la Colombie-Britannique ou de ce que le gouvernement fédéral a présenté aujourd'hui à la Chambre?

Le sénateur Mockler : Les deux.

M. Murphy : Les deux. Parfait.

Pour ce qui est du premier élément au sujet du conflit de travail, le Canada avait une mauvaise réputation, en particulier en Asie. Ceux d'entre vous qui ont eu l'occasion de discuter avec les entreprises qui font affaire avec nous savent que nous avons connu des difficultés pendant des années, parce que les gens avaient l'impression que notre chaîne d'approvisionnement n'était pas fiable, étant donné que tout pouvait arriver sur la côte Ouest, en particulier sur le plan des conflits de travail. Nous avons mis beaucoup d'énergie à conclure des ententes, et nous en étions satisfaits.

Toutefois, le présent conflit de travail avec les camionneurs influe grandement sur notre entreprise et d'autres partenaires de la chaîne d'approvisionnement. D'après moi, il est crucial de remettre le tout sur les rails le plus rapidement possible, parce que c'est le plus important point d'accès au Canada pour le commerce et les exportations en Asie. Bref, c'est fondamental.

En ce qui concerne le projet de loi présenté cet après-midi — j'ai à peine eu le temps d'en prendre connaissance avant de venir témoigner —, il s'agit d'une autre mesure dans la même veine que celle qui avait été présentée il y a près de trois semaines. Le gouvernement intervient beaucoup plus directement dans le marché des grains. Vous ne serez pas surpris d'entendre quelqu'un du milieu — moi ou un autre — vous dire que ce n'est jamais l'approche que nous préconisons. Nous faisons confiance au libre marché et nous sommes d'avis que la meilleure approche est de commercialiser le marché des grains et de permettre aux membres de la chaîne d'approvisionnement de continuer de coopérer les uns avec les autres.

Je m'arrêterai là. Je serai ravi d'en discuter plus en détail, mais c'est là que nous en sommes actuellement. Nous pourrons en parler davantage lorsque nous aurons pris connaissance des répercussions précises de ce qui s'est passé aujourd'hui.

La présidente : Monsieur Murphy, vous êtes à même de constater que vous avez suscité beaucoup de discussions sur bien des sujets. Certains sont très intéressants et nous aideront dans le monde parlementaire. Certains nous aideront aussi directement dans notre rapport. Je vous remercie d'être venu témoigner devant le comité et d'en avoir fait votre priorité aujourd'hui. Nous vous en sommes reconnaissants, monsieur Murphy.

(La séance est levée.)


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