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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule no 7 - Témoignages du 27 mars 2014


OTTAWA, le jeudi 27 mars 2014

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 8 heures, pour étudier l'importance des abeilles et de leur santé dans la production de miel, d'aliments et de graines au Canada.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Mesdames et messieurs, soyez les bienvenus à cette séance du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Messieurs les témoins, merci d'avoir accepté notre invitation.

Je m'appelle Percy Mockler. Je suis un sénateur du Nouveau-Brunswick et le président du comité. Je demande aux sénateurs de bien vouloir se présenter.

[Français]

La sénatrice Tardif : Bonjour, sénatrice Claudette Tardif, de l'Alberta.

Le sénateur Robichaud : Fernand Robichaud, Saint-Louis-de-Kent, au Nouveau Brunswick.

[Traduction]

Le sénateur Oh : Victor Oh, Toronto.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Eaton : Nicky Eaton, de l'Ontario.

La sénatrice Buth : JoAnne Buth, du Manitoba.

Le sénateur Ogilvie : Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse

Le président : Messieurs les témoins, le comité poursuit son étude sur :

l'importance des abeilles et de leur santé dans la production de miel, d'aliments et de graines au Canada. Plus particulièrement, le comité sera autorisé à étudier les éléments suivants :

a) l'importance des abeilles dans la pollinisation pour la production d'aliments au Canada, notamment des fruits et des légumes, des graines pour l'agriculture et du miel;

b) l'état actuel des pollinisateurs, des mégachiles et des abeilles domestiques indigènes au Canada;

c) les facteurs qui influent sur la santé des abeilles domestiques, y compris les maladies, les parasites et les pesticides, au Canada et dans le monde;

[Français]

Finalement, les stratégies qui peuvent être adoptées par les gouvernements, les producteurs et l'industrie pour assurer la santé des abeilles au Canada.

[Traduction]

Mesdames et messieurs les sénateurs, nous accueillons ce matin quatre témoins. Messieurs les témoins, au nom du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, je vous remercie d'avoir accepté notre invitation, de venir nous instruire et de présenter vos recommandations et votre vision. Nous accueillons M. Scott Horner, directeur général de Hytech Production Ltd; M. Brian K. Treacy, vice-président des Affaires réglementaires de Monsanto Canada; M. Dave Harwood, directeur des Services techniques de Pioneer Hi-Bred; M. Paul Hoekstra, directeur de l'Intendance des activités scientifiques et réglementaires à Syngenta Canada.

Nous commencerons d'abord par entendre un exposé de chacun des témoins, après quoi nous passerons aux questions des sénateurs. Notre greffier, M. Pittman, m'informe que l'ordre des exposés sera le suivant : M. Horner d'abord, suivi de MM. Treacy, Harwood puis Hoekstra.

M. Horner, vous avez la parole. Nous vous écoutons.

Scott Horner, directeur général, Hytech Production Ltd : Mesdames et messieurs les membres du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, bonjour. Je suis le directeur général et copropriétaire de Hytech Production, un semencier indépendant dont le siège est à Lethbridge, en Alberta. Notre raison d'être est la production de semence de canola hybride. Je me bornerai donc à décrire le rapport qui existe entre les semenciers fournisseurs de semences de canola hybride et les apiculteurs qui leur fournissent un service de pollinisation.

M. Curtis Rempel, vice-président de Crop Production and Innovation, au Conseil canadien du canola, vous a dit que le secteur canadien du canola est constitué de 43 000 producteurs dont les cultures commerciales couvrent plus de 20 millions d'acres. Ils contribuent à l'économie canadienne à hauteur de 19,3 milliards de dollars et ils pourvoient à 249 000 emplois au pays.

Le premier maillon de cette précieuse chaîne logistique est la production de semences généalogiques, c'est-à-dire certifiées, que les producteurs achètent pour ces 20 millions d'acres. Ma compagnie est l'une de six chargées de produire cette semence certifiée de canola hybride. Chaque année, ces six compagnies cultivent environ 60 000 acres dans le sud de l'Alberta pour la production d'environ 45 000 tonnes métriques de semences que nous récoltons, nettoyons, traitons et conditionnons, pour enfin les vendre aux producteurs de tout le pays, pour qu'ils puissent ensemencer les 20 millions d'acres qui donneront la prochaine récolte.

La pollinisation est une étape essentielle de la production de la semence de canola hybride et, pour que cette production soit couronnée de réussite, il est indispensable que les abeilles et les mégachiles soient en bonne santé. Chaque année, l'opération exige 70 000 colonies d'abeilles et 70 000 gallons de mégachiles. Pour elle, des apiculteurs de régions aussi éloignées que celle de la rivière de la Paix, dans le nord de l'Alberta, livrent des abeilles dans le sud de la province. Chaque année aussi, les semenciers leur versent plus de 25 millions de dollars pour la livraison des abeilles dans les champs, au début de la floraison du canola, et leur reprise à la fin de la floraison.

Cette pollinisation est essentielle au bon rendement et à la qualité de la culture de semences certifiées. Elle présente la principale dépense des semenciers après la facture de tous les travaux de gestion des producteurs de semences. C'est pourquoi on comprend bien que les semenciers tiennent à ce que les abeilles soient en bonne santé et qu'ils tiennent à leurs excellents rapports avec les apiculteurs.

On vous a dit que le nombre de colonies d'abeilles en Alberta avait atteint des chiffres sans précédent et que la province était le premier producteur de miel au Canada. Cette réussite découle directement de la culture de semences certifiées de canola hybride et des excellents rapports qui existent entre les semenciers et les apiculteurs. Les deux clés de la réussite de cette relation sont la communication et la collaboration. La communication entre les semenciers, les producteurs de semences à qui nous confions la culture des semences à contrat et les apiculteurs est très importante pour assurer la prise en considération des besoins, des risques et des attentes. Elle conduit à une relation des plus fructueuses.

Sur le terrain, les semenciers et les producteurs utilisent les méthodes optimales de gestion pour ne pas exposer les abeilles au danger. Contre les altises, on traite les semences destinées à tous nos champs de production avec des néonicotinoïdes. La pollinisation de ces champs est confiée à des abeilles, et, à ce que je sache, au bout de toutes ces années et dans les centaines de milliers de colonies d'abeilles qui ont utilisé le canola comme principale source de nourriture, aucun problème de santé pour les abeilles n'est imputable au traitement avec les néonicotinoïdes.

La collaboration unit les apiculteurs, les semenciers et l'administration provinciale de l'Alberta dans la détermination concertée des priorités et l'investissement dans la recherche sur les abeilles pour assurer la durabilité de notre industrie.

Récemment, cette collaboration a abouti à l'embauche de Mme Shelley Hoover, chercheuse en apiculture à Agriculture Alberta, à Lethbridge, et à une recherche ambitieuse et utile sur la santé et l'habitat des abeilles, l'efficacité de la pollinisation par leurs colonies et, fait intéressant, l'effet des déplacements imposés aux colonies pour la pollinisation du canola, par rapport à celui de leur maintien en production de miel, tout l'été, sur les lieux d'hivernage.

La communication et la collaboration entre les semenciers et les apiculteurs ont été déterminantes pour la réussite de l'industrie des semences certifiées de canola hybride et celle de la pollinisation en Alberta.

Enfin, plusieurs années de collaboration avec les apiculteurs, mes conversations avec les joueurs du secteur et ma préparation pour la comparution d'aujourd'hui m'ont conduit à la conclusion que trois facteurs sont indispensables pour assurer la santé et la durée à long terme de l'industrie de la pollinisation et de la production de miel au Canada : la mise en place d'un habitat propice aux abeilles, le financement de la recherche à long terme sur les abeilles et l'investissement et la vulgarisation pour sensibiliser les apiculteurs, les agriculteurs et le grand public à la viabilité des abeilles.

Merci de l'attention que vous m'avez accordée. J'attends vos questions avec impatience.

Brian K. Treacy, PhD., vice-président, Affaires réglementaires, Monsanto Canada : Bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité. Merci de l'occasion que vous m'offrez de comparaître devant vous sur la question importante des abeilles et de leur santé. Je suis Brian Treacy, vice-président des Affaires gouvernementales à Monsanto Canada, ici, à Ottawa.

Dans tout le pays, Monsanto Canada emploie environ 300 personnes réparties dans 15 emplacements, y compris à notre siège social canadien de Winnipeg, notre bureau administratif de l'est de Guelph et notre bureau d'Ottawa spécialisé dans les affaires gouvernementales et réglementaires. En tout, Monsanto consacre mondialement 3,8 millions de dollars par jour à la recherche. Ici, au Canada, nous investissons 23 millions de dollars annuellement dans la recherche sur le maïs, le soja et le canola, qui vise, dans tous les cas, à donner aux agriculteurs les outils dont ils ont besoin pour réussir dans leur profession.

En 2008, Monsanto s'est engagé mondialement à l'égard de l'agriculture durable. C'est-à-dire qu'il a promis de doubler le rendement des principales cultures d'ici 2030 en utilisant moins d'intrants, donc moins d'eau, moins d'engrais et moins de pesticides, tout en améliorant la vie des agriculteurs.

Les principales cultures sont notamment le maïs, le coton, le soja et le canola. Vous pouvez constater que le Canada est un joueur important de cette stratégie mondiale pour trois des quatre cultures mentionnées.

Nous sommes mieux connus pour nos avancées dans les biotechnologies, et, depuis 1996, les agriculteurs canadiens ont utilisé nos semences résistantes aux insectes et tolérantes aux herbicides issus des biotechnologies pour accroître le rendement de cultures importantes telles que le maïs, le soja, le canola et la betterave à sucre. Mais les biotechnologies n'intéressent qu'une partie de nos activités. Nous sommes vraiment engagés dans une démarche systémique visant à accroître le rendement des cultures, en passant par la génétique, les caractères des cultures et les bonnes pratiques agronomiques pour que les agriculteurs aient les meilleures possibilités de produire des cultures à haut rendement en santé. Ces technologies ont aussi besoin d'être protégées, ce qui nous amène au sujet d'aujourd'hui sur les avantages du traitement des semences.

Parlant de la santé des abeilles, le tiers de la nourriture que nous ingérons dépend de la pollinisation. Les abeilles ont donc un rôle important pour la variété et la qualité nutritive des aliments offerts.

Mais pourquoi est-ce important pour Monsanto? Eh bien, Monsanto consacre un million de dollars par année à la location d'abeilles pour polliniser les champs de légumes et de canola. Autrement dit, Monsanto, comme beaucoup d'entreprises agricoles, dépend de la santé des abeilles. Les agriculteurs doivent relever le défi de produire plus d'aliments pour une population en croissance, et la population des abeilles affronte ses propres problèmes. Jusqu'à maintenant, la recherche confirme que de nombreux facteurs compromettent la santé des abeilles, notamment les pathogènes, les maladies virales et fongiques, la mauvaise alimentation, la génétique, la météo et les pesticides. Bref, parmi ces agents multifactoriels, le principal coupable, et de loin, est l'acarien pathogène varroa.

Bien que Monsanto ne commercialise pas aujourd'hui de produits semenciers, il traite, en sa qualité d'importateur fournisseur de semences et de technologies aux producteurs, les semences de sa marque par les meilleurs moyens disponibles, y compris par les néonicotinoïdes.

Les semences traitées aux insecticides sont un élément important de la production agricole et elles procurent d'importants avantages, notamment celui de concentrer la protection là où elle est la plus nécessaire, tout en limitant l'exposition des organismes non visés. Les agriculteurs prisent les traitements pour les semences comme moyen de démarrage d'une culture absolument exempte, dès le début, de maladies et de nuisibles.

En 2012, l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire de Santé Canada a annoncé que 43 apiculteurs de l'Ontario et du Québec avaient été exposés à ces produits. En 2013, le nombre d'apiculteurs touchés, y compris au Manitoba, est passé à 82, ce qui s'est répercuté sur 7 000 colonies. Pour ces apiculteurs, c'est un problème très grave, qui met en péril leur gagne-pain. Mais, par rapport à l'ensemble, le problème ne représente qu'à peine plus de un pour cent des colonies canadiennes au cours des deux dernières années.

Nous ne pouvons pas nier que les néonicotinoïdes, comme tout autre insecticide, peuvent avoir des incidences chez les abeilles s'ils sont mal utilisés. C'est pourquoi nous appuyons les nouvelles pratiques optimales de gestion mises au point par l'industrie, par le truchement de CropLife Canada, de l'Association canadienne du commerce des semences et de l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA) de Santé Canada, que les producteurs peuvent adopter dans leur exploitation agricole.

Que fait Monsanto? En plus des pratiques optimales de gestion, il participe activement aux quatre initiatives suivantes :

La première est Beeologics. En 2011, Monsanto a acquis la compagnie israélienne Beeologics, dont la recherche vise la mise au point de produits biologiques pour combattre les parasites et les maladies de l'abeille. Par exemple, le principal ennemi de l'abeille est l'acarien parasite varroa. Actuellement, BioDirect, notre première plate-forme de biotechnologies, est à l'étape de la découverte, mais elle a montré des résultats prometteurs au cours des essais, qui pourraient être efficaces contre certaines espèces comme le varroa, tout en épargnant les insectes utiles.

La deuxième est le projet Apis m., pour Apis mellifera. Des témoignages vous ont appris que c'est le nom scientifique de l'abeille domestique d'origine européenne. Le projet finance des recherches, l'achat d'équipement pour les laboratoires universitaires d'apidologie, les étudiants de troisième cycle et il accorde des bourses à de jeunes apidologues, pour les encourager à trouver des solutions aux maux des abeilles. C'est une organisation sans but lucratif dirigée par un conseil d'administration de huit membres, des apiculteurs qui représentent d'importants organismes nationaux et étatiques d'apiculture. Quatre conseillers scientifiques spécialistes, y compris M. Jerry Hayes, de Monsanto, examinent les propositions de recherche et formulent leurs recommandations au conseil d'administration.

La troisième est le Honey Bee Advisory Council, ou HBAC. Monsanto s'est alliée aux spécialistes de l'apiculture pour former ce conseil. En juin 2013, les responsables du projet Apis m. et ceux du conseil ont accueilli un sommet sur la santé des abeilles au centre de recherche de Monsanto à Chesterfield. Cette manifestation d'une durée de trois jours a réuni près d'une centaine de spécialistes de l'apidologie (universitaires, apiculteurs, représentants d'associations industrielles et de secteurs de l'État).

La quatrième est l'initiative Clinton concernant la santé des abeilles. En septembre 2013, à l'assemblée annuelle de cette initiative, Monsanto s'est engagé à établir une coalition sur la santé des abeilles pour donner une priorité plus grande au problème de la santé des abeilles et changer la donne.

Pour conclure, je dis que la capacité de limiter et de maîtriser les dégâts causés aux cultures par les nuisibles, d'un bout à l'autre du pays, est d'une importance capitale pour les agriculteurs. Notre objectif, à nous qui sommes uniquement au service des agriculteurs, est de poursuivre dans cette voie en leur offrant des solutions durables et viables, qu'ils peuvent appliquer dans leur exploitation. Le Canada doit rester le chef de file du secteur agricole en défendant son système réglementaire fondé sur la science et en combattant les solutions non scientifiques qui sont susceptibles de priver les agriculteurs des outils dont ils ont besoin pour bien fonctionner.

Je tiens à remercier le comité d'avoir pris le temps d'examiner cet enjeu important et de poser les questions qui aideront dans le choix de solutions scientifiques responsables.

Dave Harwood, directeur, Services techniques, Pioneer Hi-Bred : Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, messieurs les autres témoins. Je vous remercie de l'occasion qui nous est offerte. J'ai communiqué au greffier du comité plusieurs copies de documents pour distribution aux intéressés — j'en ai d'autres aussi — des documents que nous utilisons pour sensibiliser nos producteurs au problème de la santé des abeilles, de la santé des pollinisateurs et de l'emploi des néonicotinoïdes insecticides.

DuPont Pioneer, mon employeur, est le premier semencier du Canada, par la superficie cultivée en maïs et en soja de marque Pioneer, qui dépasse celle de toutes les autres marques. Au Canada, nous vendons des semences de maïs, de soja, de canola, des inoculums pour fourrage, des semences de tournesol et des semences de blé d'hiver. Pour les semences de maïs, de soja, de canola, de tournesol et de blé d'hiver, nous appliquons des traitements insecticides.

Il importe de noter que Pioneer, avec ce portefeuille diversifié, comprend vraiment l'importance des néonicotinoïdes pour l'agriculture moderne et, ce qui est tout aussi important, le rôle des pollinisateurs en agriculture de production.

Les pollinisateurs sont essentiels à un écosystème agricole prospère. Pioneer utilise beaucoup d'abeilles dans la production de semences de canola et de tournesol hybrides, conformément à ce que Scott disait plus tôt. Sans ces insectes, l'efficacité de la pollinisation de ces cultures serait compromise. Encore une fois, nous comprenons bien l'importance des pollinisateurs et de leur santé.

Sur une note personnelle, le verger à pommes de mon père ne serait pas rentable sans les abeilles.

Aujourd'hui, je suis venu parler plus précisément de ce que notre organisation et notre industrie font pour favoriser la santé des pollinisateurs et je dirai aussi un mot sur l'importance des néonicotinoïdes.

Commençons par situer Pioneer et les autres compagnies semencières dans le tableau général. L'industrie travaille en équipe. Bien que concurrents, nous faisons partie de l'Association canadienne du commerce des semences et beaucoup d'entre nous font partie de CropLife Canada. Par le truchement de ces organisations, nous sommes en mesure de relever tous les défis et de continuer à faire avancer l'agriculture pour demain. À ce titre, la santé des abeilles devient nettement un sujet intéressant pour ces comités.

Pour réagir à la situation actuelle, des groupes de travail sur les pollinisateurs se sont activés dans ces deux organisations, dont je suis un membre actif. Ils ont travaillé avec diligence pour réduire le risque posé aux pollinisateurs, que je vous décrirai. Bien que je représente ici Pioneer, que je parle de ses actions et de ma participation aux comités mentionnés de l'industrie, je crois que tous les semenciers agissent pas mal de la même façon.

Plusieurs auditoires ont besoin d'être informés notamment de la façon dont nous pouvons réduire l'exposition des pollinisateurs aux agents de traitement des semences. J'ai déjà réglé le cas de l'un d'eux, l'industrie. Il y a ensuite les employés et, surtout, nos clients sur le terrain. Graduellement, Pioneer a pris très au sérieux toutes les options et toutes les missions. Je vais esquisser les efforts que nous avons faits et que nous continuerons de faire auprès de nos représentants commerciaux et de nos producteurs.

Pioneer collabore avec Bayer CropScience à la distribution du nouvel agent de fluidité pour la semence par l'entremise de notre force de vente. Nous communiquons avec nos représentants commerciaux pour veiller à ce qu'ils comprennent les nouvelles exigences concernant l'utilisation d'agents de fluidité pour faciliter l'écoulement des semences et pour les informer des meilleures pratiques. Pioneer a tenu des webinaires instructifs avec ces représentants, qui vendent directement aux agriculteurs, pour les informer des meilleures pratiques de gestion et de la distribution de l'agent de fluidité pour la semence.

L'objectif de ces deux webinaires était de nous assurer que les représentants commerciaux comprenaient parfaitement bien l'importance et l'urgence des directives établies par l'ARLA. Pendant les réunions d'équipes des représentants commerciaux, nous en discutons longuement et nous les incitons fortement à passer à l'action dès ce printemps et de façon continue.

Parmi les meilleures pratiques de gestion, l'élimination des sacs de semences intéresse aussi Pioneer. Un de nos représentants siège au comité du projet pilote Cleanfarms et, avec d'autres représentants commerciaux, ils participeront activement à l'établissement d'un site d'élimination, prévu pour 2014.

Il importe de souligner ce que Pioneer a mis en œuvre ou changé à l'interne, notamment la mise en place de nouvelles exigences en matière d'étiquetage pour le maïs et le soja sur les paquets de semences et les palettes. De plus, Pioneer a proposé aux agriculteurs une option de semences de maïs et de soja traitées seulement au fongicide.

Il est important pour Pioneer et d'autres vendeurs de semences ainsi que pour la production d'aliments qu'il y ait coexistence entre les pollinisateurs et l'utilisation des semences traitées à l'aide de néonicotinoïdes. Ces traitements de semences jouent un rôle clé dans l'agriculture de nos jours. Ils ont permis de réduire les applications des insecticides foliaires au cours des dix dernières années. Les traitements de semences ont permis de cibler la lutte antiparasitaire, une application précise d'insecticide qui a créé une agriculture plus durable qui présente moins de risques.

Bien que les gens utilisent souvent le terme application prophylactique avec une connotation négative, en fait, c'est tout à fait le contraire. Un prophylactique, qui signifie préventif ou protecteur, ne sert pas seulement à protéger les semences dont les insectes se nourrissent au début du printemps, mais il aide aussi à protéger les pollinisateurs. Grâce à l'introduction des traitements de semences, les applications d'insecticides foliaires — c'est-à-dire une pulvérisation d'ensemble — ont diminué de façon radicale, ce qui, à mon avis, est bon pour la population des pollinisateurs. Le fait d'utiliser la dose optimale des antiparasitaires ciblés et de la placer là où le produit peut être le plus efficace concorde avec les techniques de lutte antiparasitaire intégrée. Sur bon nombre d'arpents de fèves soja et de canola, on a éliminé les applications d'insecticides foliaires par pulvérisation visant à lutter contre les puces terrestres et les pucerons du soja. Par ailleurs l'application de semences traitées à l'aide d'insecticides prend 10 p. 100 du temps qu'il faut pour les applications dans le sillon ou aussi peu que 1 p. 100 du temps qu'il faut pour les applications d'insecticides. Honnêtement, il m'est difficile d'envisager la production de canola sans utiliser des insecticides appliqués sur les semences. Des millions d'arpents nécessiteraient des applications d'insecticides par pulvérisation d'ensemble et d'innombrables arpents auraient besoin d'être replantés chaque année.

Quand les insecticides néonicotinoïdes ont été introduits il y a 10 ans, des essais poussés ont été effectués pour faire ressortir les avantages du point de vue du rendement des cultures protégées. Les agriculteurs ont déployé ces produits dans une grande variété de cultures, ce qui montre bien qu'ils en reconnaissent les avantages. Toutefois, celles-ci ne se limitent pas à l'amélioration du rendement par arpent. Les avantages que procurent ces produits sur le plan de la gestion des risques sont tout aussi importants pour les agriculteurs. Les semences traitées à l'aide de néonicotinoïdes ont presque éliminé la nécessité d'ensemencer les cultures de nouveau en raison des dommages causés par les insectes en début de saison. Cela permet d'ensemencer plus tôt et de déployer un nombre limité de systèmes de travaux de sol plus efficaces et de traverser les champs moins souvent soit pour ensemencer de nouveau ou pour appliquer des traitements de secours.

Tous ces avantages améliorent l'efficacité de la production et réduit l'empreinte environnementale du secteur des cultures agricoles.

Il est indéniable que les traitements de semences et les pollinisateurs jouent un rôle important dans la production agricole, et nous devons trouver une façon pour les deux de coexister. Voilà pourquoi Pioneer joue un rôle actif en collaborant avec l'ARLA, le secteur, les employés et les clients pour veiller à ce que toutes les mesures nécessaires soient prises pour réduire l'exposition des abeilles aux néonicotinoïdes et à pourvoir nos pollinisateurs d'un habitat viable.

Merci de m'avoir donné l'occasion de vous parler aujourd'hui. Je me réjouis à la perspective de répondre à vos questions.

Paul Hoekstra, Ph.D, directeur, Intendance des activités scientifiques et réglementaires, Syngenta Canada : Bonjour, honorables sénateurs. Merci de m'avoir invité à comparaître ce matin pour vous parler d'un sujet important, soit les abeilles et la santé des abeilles.

Je m'appelle Paul Hoekstra. J'occupe le poste de directeur de l'Intendance des activités réglementaires et scientifiques à Syngenta Canada.

Syngenta une entreprise agricole de premier plan sur la scène internationale qui a comme objectif de favoriser l'agriculture durable. Nous avons comme ambition d'assurer une plus grande sécurité alimentaire de façon durable sur le plan environnemental en améliorant le rendement des exploitations agricoles à l'échelle internationale. Syngenta Canada offre des solutions intégrées pour les cultures, notamment des produits qui assurent la protection des cultures, le soin des semences, la protection des semences, des fleurs et des pelouses.

L'équipe canadienne compte plus de 275 personnes et offre des produits et des services visant les principales cultures du pays, notamment le blé, l'orge, le canola, le maïs, les pommes de terre, les légumineuses et le soja.

Syngenta est le concepteur et fabricant de thiaméthoxame, l'un des ingrédients actifs de produits chimiques dans la catégorie des néonicotinoïdes.

Aujourd'hui, je me présente devant vous en tant que représentant du secteur canadien de semences, accompagné de mes collègues, qui sont tous membres de l'Association canadienne du commerce des semences. Par conséquent, je vais surtout m'attarder sur les avantages que présente cette technologie quand elle sert d'insecticide appliqué sur les semences, plus communément appelé un insecticide pour le traitement des semences.

Toutefois, avant cela, j'aimerais répéter certaines choses que vous avez déjà entendues à plusieurs reprises au cours de cette étude, notamment le fait que la santé des abeilles est importante pour tout le monde et que la pollinisation est un élément essentiel de la production agricole.

Au moins un tiers des cultures et des plantes destinées à l'alimentation humaine dépendent de la pollinisation des insectes, qui est surtout effectuée par les abeilles. Sans celles-ci, nous n'aurions pas les cultures que nos produits sont conçus pour protéger. En fait, on estime que leur contribution à la production agricole seulement s'élève à jusqu'à 2 milliards de dollars. Il vous intéressera peut-être de savoir que le secteur des semences, que nous représentons aujourd'hui, constitue le plus grand fournisseur de services de pollinisation au pays; nous nous intéressons donc vraiment tous à la santé des abeilles.

Les insecticides appliqués aux semences représentent l'une des technologies les plus avancées en matière de protection des cultures, offrant aux agriculteurs une façon ciblée et viable sur le plan environnemental de gérer la lutte antiparasitaire. La technologie des insecticides appliqués aux semences protège les semences et les jeunes plantes qui émergent du sol contre les dommages causés par les insectes pendant les premières semaines de vie.

Les insecticides appliqués aux semences améliorent à la fois la qualité et le rendement des cultures. Ils protègent les semences et les semis des parasites, veillant à ce qu'ils soient vigoureux et en santé dès le départ, ce qui se traduit par des améliorations sur le plan de la qualité et du rendement. Cette protection est un élément clé de la production agricole au Canada du fait que des insectes nuisibles ont été décelés dans toutes les régions du pays pour chaque importante culture agricole.

La protection offerte par les insecticides appliqués aux semences est particulièrement importante dans les cas où il n'existe aucune façon de restaurer la santé des plantes après que des dommages ont été causés par des insectes.

Les insecticides appliqués aux semences offrent de nombreux avantages sur le plan environnemental. Au nombre de ceux-ci, on compte un montant considérablement réduit d'ingrédient actif par arpent comparativement aux pesticides foliaires ou ceux qui sont appliqués au sol; une application directe aux semences, ce qui diminue le risque d'être emportées par le vent; moins d'impact sur les organismes non ciblés; et une protection contre la présence accrue d'organismes nuisibles associée à un vaste éventail de pratiques agronomiques, notamment une détérioration des conditions naturelles du sol ou le fait de semer sans travailler le sol.

Les insecticides appliqués aux semences offrent également des avantages sur le plan agronomique et celui du rendement. En deux mots, es insecticides appliqués aux semences servent à bien d'autres choses que de lutter contre les parasites. Ils permettent aux cultivateurs d'optimiser les taux d'ensemencement afin d'améliorer la densité du peuplement, ils minimisent le besoin d'ensemencer de nouveau et ils réduisent la nécessité d'appliquer des insecticides foliaires. Ils assurent aussi les ensemencements précoces, ce qui contribue à maximiser l'efficacité de la main-d'œuvre et de la production. De plus, les insecticides appliqués aux semences complémentent bien la technologie axée sur les traits biologiques soit quand il n'existe aucun trait qui soit en mesure de lutter contre les insectes, soit pour offrir une autre façon de gérer cette lutte.

Pour résumer, les insectes nuisibles réduisent la croissance, la qualité et le rendement des cultures. Toutefois, les populations d'insectes nuisibles ont des conséquences néfastes comme, par exemple, le fait de complètement empêcher les semis de lever ou bien de compromettre la santé de la plante. Dans bien des cas, il n'existe aucune manière de protéger la semence rétroactivement, par conséquent, le champ pourrait devoir être ensemencé de nouveau — ce qui entraîne une grande perte de temps de même que des pertes financières importantes sur le plan de la main-d'œuvre et des possibilités de rendement du champ. Les insecticides appliqués aux semences produisent une population plus dense de même que des plantes plus saines et plus vigoureuses en protégeant et en renforçant la plante à des étapes cruciales de son développement, notamment à celles de la germination et de la croissance des racines. Cela permet également aux plantes de soutenir la concurrence des mauvaises herbes, de résister aux maladies et de lutter contre les stress abiotiques lors des semis comme les températures froides des sols ou des conditions sèches.

Je tiens à vous remercier beaucoup de m'avoir donné l'occasion de vous parler aujourd'hui. Je suis prêt à répondre à vos questions.

La sénatrice Tardif : Merci pour vos exposés très intéressants et très instructifs.

Certains témoins à avoir déjà comparu devant le comité ont fait remarquer que les effets présumés des néonicotinoïdes ne sont pas uniformes partout au pays. Par exemple, en Alberta, nous savons que l'utilisation des néonicotinoïdes sur le canola cause peu d'effets, tandis qu'en Ontario, d'après ce que j'ai compris, leur utilisation sur le maïs et le soja cause plus d'effets indésirables.

Jusqu'à quel point les semences traitées sont-elles évaluées avant d'être mises sur le marché pour comparer les différences régionales et les effets qu'elles produiront?

M. Hoekstra : Avant d'être homologués, les pesticides comme les néonicotinoïdes sont soumis à des essais poussés dans un vaste éventail de conditions. Une partie des services que nous offrons pour assurer la sécurité des pollinisateurs, c'est de regarder les résidus de ces produits de même que les effets de leur utilisation dans les sillons. Qu'il s'agisse de leur utilisation sur le canola ou le maïs, ces produits sont soumis à des essais poussés.

M. Treacy : J'aimerais ajouter quelque chose. Comme Paul l'a dit, ces produits sont soumis à beaucoup d'essais avant d'être homologués. Il faut recueillir des données dans des écozones bien précises, qui sont dispersées partout au Canada. Cela doit répondre à la question que vous posez.

La sénatrice Tardif : Est-ce que les semences sont traitées différemment, par exemple, en fonction de la région où elles seront utilisées? Est-ce que le traitement des semences varie en fonction des régions?

M. Treacy : Si vous cherchez à faire homologuer un produit, il faut axer ses efforts sur ce produit en particulier, et ce, dans plusieurs régions géographiques.

M. Horner : Tout ce que je voudrais ajouter — et corrigez-moi si j'ai tort —, c'est que l'ingrédient actif pourrait être le même, mais le montant d'ingrédient actif utilisé serait différent d'une espèce de culture à l'autre, selon que vous appliquez ce produit à du blé, à du canola ou à du maïs. Le produit serait conçu pour une espèce de culture précise, mais pas nécessairement pour une région précise.

La sénatrice Tardif : Je comprends. Par exemple, dans le cas du canola, est-ce que vous utiliseriez moins ou davantage du traitement des semences?

M. Harwood : Tout dépend, c'est-à-dire que le taux utilisé sur le canola est en fait tout à fait le même dans toute l'industrie. Un taux plus élevé est appliqué à certaines espèces de maïs, mais pour la plupart d'entre elles, le taux est moins élevé, en effectuant le calcul à l'arpent. Pour les principales cultures qui ont recours à ces produits — soit le maïs, le soja et le canola —, les taux sont comparables, à mon avis. Il existe des différences subtiles.

Essayez-vous de comprendre pourquoi il existe des différences régionales? Selon moi, il serait juste de dire qu'elles s'expliquent moins par les différences dans la manière dont le sol est traité et davantage par les différentes conditions environnementales qui existent au pays. Au printemps 2012, quand le problème a d'abord été mis en lumière en Ontario, nous étions aux prises avec des conditions d'ensemencement inhabituelles. Également en Ontario, où le maïs et le soja constituent les principales cultures, nous utilisons du matériel d'ensemencement bien particulier, qui sert surtout pour le canola dans l'Ouest du Canada. Par conséquent, en plus de semer dans des conditions typiquement plus froides dans l'Ouest et plus chaudes en Ontario et de recourir à du matériel d'ensemencement différent, ce sont les conditions environnementales très différentes qui expliquent le mieux les circonstances que nous avons connues en 2012.

M. Treacy : Pour revenir aux différences entre l'est et l'ouest du pays, j'indiquais tout à l'heure dans mon exposé que plusieurs facteurs pouvaient influer sur la santé des abeilles. Pour tout vous dire, je ne suis pas moi-même apiculteur, mais j'ai pu comprendre en discutant avec eux que les abeilles sont soumises à l'effet combiné de différents facteurs de stress. Si je puis me permettre une hypothèse, tous ces facteurs se sont manifestés à un haut niveau d'intensité pour causer de lourdes pertes dans la population d'abeilles de l'Est du Canada en 2012. C'est une situation qui s'était déjà produite ailleurs dans le monde. Ce phénomène se manifeste peut-être à tous les quatre ou cinq ans et c'est ce que nous avons pu constater au Canada.

La sénatrice Tardif : Vous avez parlé des avantages des insecticides appliqués directement aux semences. Je peux comprendre, mais qu'est-ce qui nous dit que les néonicotinoïdes utilisés ne s'écoulent pas dans le sol et dans l'eau? Je crois que les effets peuvent se faire ressentir dix ans plus tard. Comment pouvons-nous nous assurer que notre eau et notre sol sont protégés?

M. Hoekstra : Il est important de noter que notre processus de réglementation et de collecte de données s'appuie sur un examen minutieux du profil environnemental de ces molécules avant leur utilisation. Il faut surtout s'intéresser à leur risque de persistance et à leur comportement dans l'environnement. Si nous pouvons détecter les néonicotinoïdes dans l'environnement, c'est grâce à nos méthodes analytiques très sophistiquées qui nous permettent d'isoler des parties par milliard ou par billion. Cela ne signifie pas nécessairement que ces produits sont nocifs pour les êtres humains ou pour l'environnement. C'est simplement que la technologie nous permet de les détecter à faible concentration.

La persistance à long terme est un autre aspect à considérer. Pendant dix années consécutives, nous avons mené des études sur l'utilisation des produits renfermant cette molécule pour déterminer dans quelle mesure ils s'accumulaient dans l'environnement. Nous avons constaté qu'il n'y a pas d'accumulation. C'est ce que confirment des recherches menées par l'Université de Guelph, l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire et le ministère ontarien de l'Environnement qui ont révélé des traces infimes de néonicotinoïdes dans l'environnement, des concentrations qui sont loin d'être préoccupantes dans le contexte de notre gestion des pesticides basée sur le risque et les données probantes.

La sénatrice Tardif : L'ARLA n'a-t-elle pas annoncé en septembre dernier que l'utilisation de semences de maïs et de soya traitées aux néonicotinoïdes n'était pas écologiquement viable?

M. Hoekstra : Je vous remercie pour cette excellente question. Nous ne sommes toujours pas certains de bien comprendre ce que l'ARLA veut dire en indiquant que cette pratique n'est pas écologiquement viable. Nous avons constaté pour notre part plus de dix années d'utilisation sécuritaire au Canada pour le traitement des semences de maïs et encore plus pour le canola, alors que très peu d'incidents ont été signalés. Il me semble qu'on peut en conclure que c'est une pratique écologiquement viable.

Si l'on ajoute à cela les avantages pour les producteurs qui ont pu réduire l'utilisation de pesticides et leur application foliaire, laisser de côté des technologies désuètes pour utiliser un outil moins nocif pour les êtres humains et la faune, et mieux gérer leur récolte en saison, j'y vois une pratique tout à fait écologiquement viable. Cela s'inscrit dans une véritable approche globale de la gestion de la production agricole, des récoltes et des risques.

M. Treacy : J'ai eu la chance de discuter cette semaine des avantages des néonicotinoïdes avec un expert en apiculture. Il m'a notamment parlé de la différence par rapport à la situation antérieure où les insecticides étaient directement appliqués sur les feuilles. Lorsqu'on procédait à l'application foliaire d'insecticides sur une superficie d'un acre, tous les organismes présents y étaient exposés. C'était le cas non seulement des insectes nuisibles, mais aussi de ceux qui sont bénéfiques. Il m'a dit qu'avec le traitement direct des semences, et notamment des grains de maïs, le niveau d'exposition est grandement réduit. Il a d'ailleurs collaboré avec un de nos mathématiciens pour quantifier ce niveau d'exposition.

Je parlais avec mon collègue des États-Unis où le système métrique n'est pas en usage. Un acre peut correspondre à 40 000 pieds carrés ou 10 000 mètres carrés selon le cas. Si l'on s'en tient à une superficie de 40 000 pieds carrés à titre d'exemple, lorsqu'on applique un traitement aux semences de maïs, la superficie d'exposition équivalente serait de 24 pieds carrés. Des témoins vous ont dit précédemment que le recours aux semences traitées au moyen de néonicotinoïdes peut réduire le niveau d'exposition à 10 p. cent ou moins. Les chiffres que je viens de vous citer semblent indiquer qu'on peut aller encore plus bas.

La sénatrice Buth : La sénatrice Tardif a déjà abordé la question, mais j'aimerais parler davantage des informations contradictoires que l'on peut entendre. Vous nous dites une chose en vous appuyant sur certaines données scientifiques pendant que d'autres groupes vont nous indiquer que le produit demeure dans le sol pendant dix ans et qu'une infime molécule suffit à tuer une abeille. Tout le monde nous dit que nous devons prendre nos décisions en nous appuyant sur les sources scientifiques, mais auxquelles de ces sources sommes-nous censés nous fier?

M. Treacy : Je vais débuter et mes collègues pourront compléter.

Vous avez raison. En science, on peut rarement être absolument certain de quoi que ce soit. On essaie d'évaluer les éléments d'information à notre disposition. Je vais vous donner un exemple. En 2012, l'USDA et l'EPA ont produit conjointement un rapport qui résumait l'ensemble des données recueillies sur la santé des abeilles et l'utilisation des néonicotinoïdes, tout en faisant un survol des recherches en cours. Le rapport concluait que, parmi les différents facteurs pouvant influer sur la santé des abeilles, le varroa demeure le parasite le plus nuisible. Ce n'est pas une conclusion découlant d'une seule étude. C'est un rapport résumant de nombreux travaux scientifiques.

Je vous rappelle que je ne suis pas expert en apiculture. Cependant, plus je lis à ce sujet, surtout des rapports sommaires, plus il m'apparaît évident que le varroa est sans doute le parasite le plus préoccupant pour la santé des abeilles. Stephen Pernal d'Agriculture Canada en est arrivé aux mêmes conclusions en 2010.

Sénatrice Buth, vous avez parlé des détails qui peuvent varier d'une étude à l'autre. Il y a effectivement une certaine variation, mais ce qu'il y a de fantastique avec la science, c'est qu'un résultat devient plus probant lorsqu'on arrive à le reproduire à plusieurs reprises.

M. Hoekstra : Il est important que nous sachions que nous pouvons compter au Canada sur un régime réglementaire solide grâce à l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire qui puise à des sources scientifiques et accomplit un travail digne de respect. Son mandat comporte notamment l'examen des données produites par notre industrie à l'appui de nos produits en gardant à l'esprit que nous ne voulons pas concevoir un produit qui ne satisfera pas aux exigences du régime réglementaire. L'ARLA analyse en outre toute l'information générée par des sources externes, qu'il s'agisse de chercheurs au Canada ou ailleurs dans le monde, concernant les néonicotinoïdes et les abeilles. Pour déterminer l'innocuité de ces produits, l'agence tient compte de toutes les données probantes, qu'elles proviennent de l'industrie ou d'autres sources.

La sénatrice Buth : J'ai récemment reçu un courriel d'une personne préoccupée par cette question qui indiquait que les Pays-Bas avaient pour ainsi dire interdit l'utilisation de néonicotinoïdes. Il va de soi qu'il ne faut pas se fier aveuglément aux informations qui nous sont transmises. Nous savons également que l'Union européenne examine de près la question et a décrété un moratoire sur le recours aux néonicotinoïdes. Parallèlement à cette décision, nous avons le rapport de l'USDA qui affirme essentiellement que le problème n'est pas uniquement relié aux néonicotinoïdes.

Compte tenu de ce qu'on sait au sujet des Pays-Bas, je me demandais si le mode d'utilisation en Europe pouvait différer. A-t-on recours à l'application foliaire? Est-ce bien ce qu'on doit comprendre du rapport des Pays-Bas? J'y vois une distinction importante. Si un produit est utilisé en application foliaire, on se retrouve avec un problème de diffusion qui n'existe pas avec le traitement des semences. Savez-vous comment ces produits sont utilisés en Europe? Comment notre comité peut-il arriver à tirer les choses au clair avec toutes ces informations provenant de l'USDA, de l'Europe et tout récemment des Australiens qui n'y voient aucun problème?

M. Hoekstra : Il y a suffisamment de similarités entre les modes d'utilisation en Europe et au Canada, malgré les différences au chapitre des structures de récolte notamment. Il est important de noter que la décision européenne n'était pas fondée sur des données scientifiques, mais bien sur des considérations politiques. Elle était basée sur une évaluation effectuée rapidement au moyen d'une méthodologie qui n'a pas encore été approuvée par les pays membres. On s'est appuyé sur une analyse des cas extrêmes sans tenir compte des nombreuses recherches approfondies menées par les entreprises sur le terrain et des programmes de surveillance administrés par les États membres eux-mêmes.

L'exemple de la France où les populations d'abeilles ont été décimées lors de l'ensemencement du maïs illustre très bien cette situation. On a mis en œuvre de meilleures pratiques de gestion avant d'en répertorier les effets sur une superficie de plusieurs millions d'hectares pendant une période de trois ans. On a constaté que ces pratiques améliorées produisaient de meilleurs résultats à long terme lorsqu'elles étaient mises en œuvre de façon appropriée.

Malheureusement, l'Union européenne n'a pas tenu compte de ces résultats lorsqu'elle a pris sa décision. Malgré deux scrutins sur la question où l'on n'a pas obtenu suffisamment de votes pour imposer un moratoire, la Commission de l'Union européenne a décidé d'agir unilatéralement. Il est donc avantageux que ces décisions soient prises en fonction des données probantes et qu'on laisse les instances réglementaires faire leur travail d'évaluation — étant donné qu'elles ont toutes les informations en main — pour déterminer ce qui est viable en cherchant un juste équilibre entre protection de l'environnement et production.

M. Treacy : On peut certes se demander, sénatrice Buth, comment le comité peut arriver à faire son travail en considérant notamment les recherches déjà évaluées par le gouvernement américain. Je vous dirais que l'USDA n'est pas la seule instance semblable à l'échelle planétaire. Je pense entre autres à l'agence australienne responsable des pesticides et de la médecine vétérinaire qui a produit un rapport en 2014. On ne retrouve pas de varroa en Australie. J'ai lu ce rapport assez volumineux et je voudrais vous en citer un extrait :

L'utilisation d'insecticides néonicotinoïdes comporte différents avantages, y compris le fait qu'ils sont nettement moins nocifs pour les êtres humains (et les autres mammifères)...

... l'apparition des néonicotinoïdes a permis une réduction globale des risques reliés à l'application d'insecticides pour l'environnement agricole.

C'est avec étonnement que j'ai pris connaissance d'un rapport sur la santé des abeilles qui parlait des avantages des néonicotinoïdes.

Les résultats d'une autre étude ont été rendus publics en janvier dernier à l'occasion du congrès général de la Cotton Belt aux États-Unis. Les entomologues de différents pays ont alors communiqué les détails d'une étude sur le terrain dont les conclusions, qui seront rendues publiques sous peu, révèlent que les néonicotinoïdes ne sont peut-être pas aussi nocifs pour les abeilles que les médias le laissent entendre, car ils ne sont pas présents dans le pollen et les organes reproducteurs des plantes à un niveau de concentration suffisant pour nuire aux abeilles. Les gens peuvent tout de même s'interroger quant aux effets graves, mais non mortels. Nous avons pu entendre différentes choses au sujet notamment du comportement des abeilles. Les conclusions d'une étude menée au Royaume-Uni à ce sujet ont d'ailleurs été rendues publiques en 2012. Le gouvernement a alors indiqué que, malgré l'intérêt suscité par les travaux réalisés, rien ne permettait d'affirmer sans équivoque que de tels effets graves pouvaient découler de l'utilisation des néonicotinoïdes au cours des dernières années.

Toujours à la lumière des rapports sommaires en provenance de différentes parties du globe, je vous dirais qu'il y a de plus en plus d'éléments qui établissent l'innocuité de ces produits.

La sénatrice Buth : Vous dites qu'il faut tenir compte de l'ensemble des données probantes — pas seulement des études ponctuelles, car il faut être capable de reproduire les résultats — et pouvoir se reporter à plusieurs études aboutissant à des résultats semblables ou identiques.

Je connais bien le régime de réglementation des pesticides. Monsieur Harwood, vous nous avez dit avoir mené des tests très approfondis pour obtenir l'homologation d'un produit, mais tout cela remonte à dix ans. Certains témoins nous ont fait valoir que dix ans c'était trop loin en arrière et que ces données étaient désuètes. Les données sur les avantages ou l'efficacité de ces traitements que les agriculteurs utilisent pour leurs semences ne sont plus à jour. Ils continuent pourtant d'utiliser ces produits qui ne présentent plus nécessairement les mêmes avantages. Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez?

M. Harwood : Certainement. Dans l'industrie de production végétale en général, la mise en place de nouvelles technologies est assujettie à une analyse des risques et avantages qui permet de déterminer si elles sont vraiment bénéfiques pour les producteurs. On continue simplement de les utiliser par la suite. Pour une substance destinée à la production agricole, il n'est pas rare de se retrouver dans la situation qui est aujourd'hui celle des néonicotinoïdes. Les données dont on s'est servi pour valider l'utilité deviennent désuètes avec le passage du temps.

En l'espèce, l'industrie déploie certains efforts pour recueillir de nouvelles informations permettant de confirmer la valeur du produit. À titre d'exemple, notons le partenariat avec le Comité ontarien du maïs aux fins d'une série d'essais qui permettront d'évaluer le maïs planté avec ou sans insecticides néonicotinoïdes. L'industrie est consciente de cette volonté d'actualisation des données et prend des mesures en conséquence.

M. Treacy : Nous sommes très heureux de vivre dans un pays dont la réglementation est fondée sur des données scientifiques. L'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire s'est engagée auprès de tous les Canadiens à réévaluer régulièrement tous les produits homologués. Qu'est-ce que cela signifie exactement? Si un produit A a été conçu en 2000, son homologation a exigé un examen de toutes les données fondées sur les connaissances scientifiques et la réglementation de l'époque. L'ARLA procède actuellement à une réévaluation des néonicotinoïdes en fonction des données scientifiques et des règlements d'aujourd'hui.

En ma qualité d'ancien responsable des affaires réglementaires pour Monsanto, j'ajouterais que les règlements évoluent sans cesse, ce qui est une bonne chose. La science évolue rapidement et les règlements doivent suivre de près. Vous pouvez être assurés que l'ARLA procédera à un examen minutieux dans le cadre de son engagement à réévaluer l'utilisation des néonicotinoïdes.

La sénatrice Buth : Monsieur Harwood, vous avez parlé de la mise à jour de certains renseignements concernant le maïs. Assiste-t-on au même phénomène dans toute l'industrie? Êtes-vous tous en train de procéder à des tests pour mesurer les impacts et les avantages des néonicotinoïdes pour la production agricole?

M. Treacy : Oui. Je vous ai donné l'exemple d'un produit homologué en 2000 qui doit être soumis à une nouvelle évaluation pouvant exiger des informations additionnelles. Chaque année, les entreprises génèrent de nouvelles données sur l'ensemble de leurs produits en apportant sans cesse des ajustements pour que ces produits soient mieux à même d'aider les agriculteurs à augmenter leurs récoltes.

La sénatrice Buth : Pourquoi devrions-nous nous fier à vos données? Vous êtes directement intéressé du fait qu'il s'agit de vos entreprises. Il y a eu dans le passé des cas où des données faussées ont été transmises. Voilà un bon nombre d'années que je n'ai pas eu vent d'une situation semblable, mais certains laissent entendre que l'on peut difficilement se fier à toutes ces données que vous générez vous-mêmes.

M. Harwood : Ce n'est pas nous qui fabriquons ces produits. Mais comme nous en utilisons beaucoup, nous avons un intérêt direct. Ils font partie intégrante des semences que nous livrons aux agriculteurs. C'est la viabilité de nos clients au sein du secteur agricole canadien qui nous tient surtout à cœur. Il n'est pas dans notre intérêt de faire quoi que ce soit qui pourrait mettre cette viabilité en péril. C'est ce que nous ferions en générant de fausses données. Le système offre les garanties nécessaires du fait que nous avons vraiment à cœur la réussite collective de l'industrie agricole au Canada.

M. Treacy : Il s'agit donc de nos données. Notre entreprise génère effectivement des données. Dans bien des cas, cela se fait en collaboration avec des tiers, des agents du gouvernement et des universitaires. Si on prend l'exemple de l'ARLA, les données produites découlent de l'orientation imprimée par l'Organisation mondiale de la santé au niveau international. L'organisation a son propre cadre réglementaire et a dressé une liste des études devant obligatoirement être menées pour qu'un produit soit homologué.

Il y a notamment la liste CODO, pour code de données, qui énumère toutes les exigences en la matière. J'en ai imprimé un exemplaire hier pour me remémorer son contenu et il y en a pour 15 à 20 pages d'études dont les résultats doivent être soumis aux agences de réglementation.

Vous dites qu'il s'agit de nos données, mais je dois souligner que l'agence réglementaire canadienne s'en remet aux lignes directrices émises par les instances internationales qui ont leur propre réglementation à fondement scientifique. Il faut se rappeler que les produits ne sont pas seulement homologués par le Canada, mais aussi par différents gouvernements étrangers. Cela nous ramène à toutes ces études qui doivent être menées par un grand nombre de scientifiques de toute la planète avant l'homologation d'un produit, ce qui augure bien pour l'innocuité de ce produit.

M. Hoekstra : Il faut noter que les entreprises comme Syngenta conçoivent une molécule, un composé ou un produit de traitement qui est ensuite acheté par les entreprises produisant les semences. On ne s'en porterait pas acquéreur si l'on estimait que ces produits n'offrent pas les garanties voulues.

La valeur des insecticides appliqués aux semences a en outre été démontrée par le taux d'adoption de cette pratique par les agriculteurs. Nous avons entendu ici même les témoignages de Grain Farmers of Ontario et de la Canadian Canola Growers Association. Les représentants de ces groupes ont indiqué qu'ils jugeaient ces insecticides utiles et qu'ils continuaient donc à les utiliser et les appuyer. Ils génèrent eux aussi des données. Grain Farmers of Ontario est l'un des groupes qui collaborent avec l'Association pour l'amélioration des sols et des récoltes de l'Ontario et d'autres instances au Québec pour que les agriculteurs soient bien au fait des avantages de cette technologie.

Au-delà de nos propres données — ou de celles de Monsanto, de Pioneer ou des autres entreprises de semences — il y a celles produites par des chercheurs externes. Bob Elliott d'Agriculture Canada à Saskatoon en est un vibrant exemple. Son travail sur le canola et sur les avantages des insecticides appliqués aux semences, qu'il s'agisse des néonicotinoïdes ou des produits des générations précédentes, a clairement témoigné de la valeur de cette technologie pour les producteurs. D'une manière générale, il faut examiner la question en considérant à la fois nos propres données, celles des entreprises de semences, l'expérience des agriculteurs et l'information provenant de sources externes.

Le président : Tous les sénateurs ont fait part de leur intention de poser des questions et vous êtes tous sur la liste. Je vous demanderais donc votre collaboration. Veuillez limiter le plus possible vos préambules et poser directement vos questions. Je pourrais peut-être aussi demander à nos témoins d'abréger leurs réponses. Nous allons faire un second tour avec la coopération de tous les sénateurs.

Le sénateur Robichaud : Le président vient de m'envoyer un message.

Monsieur Treacy, vous avez cité un rapport concluant que ces produits ne sont peut-être pas aussi nocifs qu'on le dit pour l'environnement.

Cette affirmation n'a pas plus de poids que celle d'un autre groupe qui dirait qu'ils peuvent être nocifs pour l'environnement et, par le fait même, pour les abeilles. Dans quelle mesure devrions-nous accorder de la crédibilité à une affirmation semblable?

M. Treacy : Je vais reformuler ma citation. Je dirais que les néonicotinoïdes sont beaucoup plus sûrs, comparativement aux produits qui les ont précédés, les organophosphates. De nombreux travaux de recherche l'ont confirmé, sans doute en des termes beaucoup plus forts que ceux utilisés tout à l'heure.

Le sénateur Robichaud : Cela venait d'un article que vous lisiez.

M. Treacy : D'accord, il faudrait que je le retrouve.

Le sénateur Robichaud : En pareil cas, nous devons nous demander à qui nous pouvons nous fier.

M. Treacy : Si c'était tiré de l'étude menée au Royaume-Uni, on pouvait lire que le gouvernement avait indiqué qu'aucune des études menées, malgré tout l'intérêt qu'elles pouvaient susciter, ne prouvait hors de tout doute que l'utilisation actuelle de pesticides néonicotinoïdes pouvait avoir des effets graves, mais non mortels. C'était donc une étude britannique sur ces effets, alors que le rapport de l'USDA et de l'EPA recensait tout un contingent d'études.

J'en reviens à ce que disait la sénatrice Buth tout à l'heure. Il peut y avoir des variantes d'une étude à l'autre, mais si on considère l'ensemble des travaux, on estime en général que ces produits ne sont pas nocifs.

Le sénateur Robichaud : En effet, nous avons pu constater le grand appui suscité par l'utilisation de ces produits. Cette utilisation dépend largement, dans le cas de l'environnement, des pratiques exemplaires. Quels sont les efforts déployés par les sociétés américaines qui vendent ces produits pour surveiller la mise en œuvre appropriée de ces pratiques exemplaires?

M. Treacy : Je vous remercie de me rappeler les pratiques exemplaires de gestion. Dans mes notes, j'ai environ quatre ou cinq points qui décrivent ce que nous faisons pour veiller à ce que les agriculteurs les mettent en œuvre.

Premièrement, nous publions des renseignements sur les pratiques exemplaires de gestion de l'ARLA, ainsi que sur l'agent de fluidité, sur nos fiches d'information d'Acceleron. Comme je le disais plus tôt, nous ne possédons aucun produit à base de néonicotinoïdes, mais nous avons obtenu une licence auprès de plusieurs entreprises et notre marque s'appelle Acceleron. Nos fiches d'information contiennent une indication sur l'agent de fluidité, ainsi que les pratiques exemplaires de gestion de l'ARLA. La marque de nos graines est DEKALB, et nous publions ces renseignements sur la première page du site web de DEKALB. Nous avons offert une formation à l'interne à notre personnel technique dans l'Est et l'Ouest du Canada, et à nos fournisseurs et à nos détaillants dans l'est et dans l'ouest du pays. D'après ce que je comprends, nous enverrons directement une lettre aux agriculteurs qui ont commandé nos graines pour l'année prochaine. Ce sont quelques exemples de ce que nous avons fait.

Le sénateur Robichaud : Je comprends que vous diffusez tous les renseignements nécessaires, mais il faut que quelqu'un les lise et suive les directives. Quel type de surveillance exerce-t-on pour veiller à ce que cela soit fait?

M. Treacy : C'est une excellente question. Il y a quelques semaines, nous avons eu une conférence téléphonique avec l'ACCS, et nous avons discuté du fait qu'il y avait probablement lieu de mener un sondage auprès de certains de nos groupes d'agriculteurs, en collaboration avec diverses entreprises, pour vérifier si ces agriculteurs avaient lu les renseignements, s'ils savaient que le site web existait, et s'ils avaient eu accès aux renseignements qu'ils contiennent. Cela nous donnerait une idée de la façon dont notre industrie réussit à diffuser ces renseignements. C'est l'un des points qui font actuellement l'objet d'une discussion, et l'idée est de faire cela au printemps et à l'automne, c'est-à-dire avant et après l'ensemencement.

Le sénateur Robichaud : D'autres commentaires?

M. Hoekstra : Je crois qu'il est important de reconnaître que le problème auquel nous faisons face, presque exclusivement en Ontario, est relativement nouveau, c'est-à-dire qu'il date de 2012-2013. De nombreuses pratiques exemplaires de gestion exigées, y compris la mise au point d'un nouvel agent de fluidité en tant qu'outil d'atténuation des risques, ont seulement été mises en œuvre au début de 2013. Il s'agit de changer la mentalité des producteurs et de les convaincre de modifier la façon dont ils mènent leurs activités. Cela requiert du temps, une communication constante et une communication par l'entremise de plusieurs sources. En ce sens, Pioneer suit les traces de Monsanto. Syngenta diffuse des annonces à la radio. Ces choses existent et nous tentons de diffuser ces renseignements autant que possible.

Le point que Brian essayait de faire valoir, c'est que nous devons déterminer dans quelle mesure ces techniques sont efficaces et apporter les changements nécessaires.

Le sénateur Robichaud : C'est ce que nous tentons de faire valoir.

M. Hoekstra : Il s'agit d'un processus en constante évolution. Les pratiques exemplaires de gestion que nous avons créées en 2012 donnent des résultats différents chaque année. Il s'agit de déterminer les choses qui doivent être modifiées et la façon dont nous pouvons progresser.

Le sénateur Robichaud : J'ai beaucoup d'autres questions, mais je vais laisser la parole à quelqu'un d'autre.

La sénatrice Eaton : Pour revenir sur le point des pratiques exemplaires de gestion, vous rendez-vous dans les écoles d'agriculture? Des associations et des conseils d'apiculteurs nous ont parlé de ménager des étendues de terres pour permettre aux fleurs sauvages et aux mauvaises herbes de pousser le long des champs. Êtes-vous proactifs lorsqu'il s'agit de communiquer les pratiques exemplaires de gestion à la prochaine génération d'agriculteurs?

M. Hoekstra : L'une des recommandations qui ont été formulées par le groupe de travail de l'Ontario formé par la première ministre de la province visait justement à trouver la meilleure façon de sensibiliser les producteurs à la certification, au traitement des semences, et au fait que la santé des abeilles fait partie de leurs activités agricoles. Cela s'inscrit dans les mesures prises par la province pour examiner le traitement des semences et la situation des abeilles.

La sénatrice Eaton : Monsieur Treacy, vous avez parlé du sommet de Clinton, de votre sommet sur la santé des abeilles au Missouri, et des étapes concrètes, mais vous n'avez expliqué aucune de ces étapes. Que s'est-il vraiment passé sur le terrain à la suite de ces deux sommets?

M. Treacy : D'accord. Permettez-moi de consulter mes notes.

La sénatrice Eaton : Si vous souhaitez gagner du temps, vous pouvez envoyer à notre greffier les étapes concrètes qui pourraient nous aider à formuler nos recommandations.

M. Treacy : Je peux vous donner un aperçu, et ensuite je ferai parvenir ces renseignements au greffier.

Parmi les résultats principaux qui découlent du sommet sur la santé des abeilles qui s'est tenu au Missouri, il y a le développement de domaines particuliers de recherche, ainsi que la mise en place de collaborations axées sur des travaux futurs visant l'amélioration de la santé des abeilles.

En ce qui concerne l'Initiative mondiale Clinton, on a déjà établi quatre priorités. Hier, j'ai parlé avec M. Gerry Hayes; ces gens se rencontrent en personne aujourd'hui pour travailler sur les quatre priorités. Elles sont, tout d'abord, améliorer l'alimentation des abeilles domestiques; deuxièmement, investir dans la recherche sur les nouvelles technologies contre les varroas; troisièmement, comprendre les approches fondées sur la science pour étudier les répercussions engendrées par les pesticides et sensibiliser les gens aux pratiques exemplaires de gestion et, quatrièmement, favoriser l'autonomie économique des apiculteurs.

La sénatrice Eaton : C'est fantastique. Vous pouvez enseigner ces choses dans les écoles, n'est-ce pas?

En parlant de l'un des domaines dans lesquels vous concentrez vos recherches, vous avez dit — et nous avons entendu cela d'autres gens — que les varroas étaient l'une des mauvaises choses, ainsi que deux ou trois autres. Est-ce que l'une de vos entreprises effectue des recherches sur les varroas et — étant donné que notre climat est très différent de celui de la Californie, des États du Sud et de l'Australie — notre climat a-t-il un effet sur les varroas?

M. Treacy : Je vais commencer par parler de la partie sur le climat et les varroas. À ma connaissance, le varroa n'est pas présent ou ne représente pas un problème dans l'hémisphère sud. Le varroa est un problème de l'hémisphère nord. Vous avez donc absolument raison à cet égard.

En ce qui concerne la question de savoir si notre entreprise effectue des recherches directes pour trouver une solution au problème posé par les varroas, oui, nous le faisons. J'ai mentionné que nous avions acquis l'entreprise Beeologics en 2011. Nous développons notre première plateforme de technologie biologique appelée BioDirect, et elle sert à mettre au point une technologie axée sur l'interférence par l'ARN.

Pour vous donner un petit cours de biologie, toutes les cellules de tous les organismes ont des molécules d'ADN et des codes d'ADN pour transmettre un message, c'est-à-dire l'ARN. L'ARN est un message qui forme les blocs de construction des protéines, c'est-à-dire les acides aminés. Nous avons séquencé le génome de l'abeille et du varroa, et nous avons cerné les séquences qui s'appliquent seulement au varroa; nous les appelons les cibles ARNi.

Lorsque j'ai parlé à M. Hayes, il y a quelques jours, il m'a expliqué qu'il fallait nourrir les abeilles avec un produit sucré qui contient la cible ARNi. L'abeille ingère ce produit, et lorsque le varroa arrive et perce l'abeille, il acquiert l'ARNi et cela désactive l'un de ses gènes essentiels et le tue.

En résumé, nous mettons au point une technologie qui vaccine l'abeille, en quelque sorte. Nous n'en sommes qu'aux premières étapes, mais nous espérons pouvoir arriver à un résultat tangible au cours des trois à cinq prochaines années.

[Français]

Le sénateur Rivard : Des témoins nous ont fait part du manque de disponibilité de semences non traitées pendant l'année, au point où ils doivent les commander en octobre pour le printemps suivant.

Pouvez-vous nous dire pourquoi une telle situation se produit? Et comment peut-on améliorer cette situation?

[Traduction]

M. Treacy : Je vais commencer à répondre, et les autres peuvent ensuite se joindre à moi. Cette année, en raison de la situation qui s'est produite en 2012, nous avons offert aux agriculteurs l'option contenant seulement les fongicides, et je peux vous dire que les résultats sont très bas. Les agriculteurs ne veulent pas planter leurs graines sans qu'elles aient reçu un traitement. Il s'ensuit que même si nous avons mis de côté des graines de maïs non traitées, nous ne réussissons qu'à vendre 1 p. 100 de ces graines. Nous avons vendu environ 5 p. 100 de nos graines de soja non traitées. Les agriculteurs n'ont pas voulu participer à ce programme.

M. Harwood : Ma réponse est similaire. Nous avons créé des réserves de maïs et de soja non traitées à l'insecticide, et nous avons toujours ces réserves, car elles étaient plus grandes que la demande.

M. Hoekstra : Je le confirme.

Le sénateur Ogilvie : Il sera fascinant de voir la technologie axée sur l'ARNi émerger et de vérifier si elle parvient à franchir les différentes étapes dans les systèmes biologiques, mais c'est une technologie fascinante.

Lorsque les producteurs de semences plantent les graines qu'ils utilisent pour faire pousser les cultures qui génèrent les semences qu'ils vendront, utilisent-ils exactement la même technologie liée aux semences qu'ils vendent au bout du compte, après avoir récolté les graines traitées et les avoir vendues aux agriculteurs?

M. Horner : En ce qui a trait au canola, oui, c'est exactement le même produit et le même taux.

Le sénateur Ogilvie : Je m'en doutais, mais je voulais que cela soit au compte rendu.

Enfin, plusieurs témoins, c'est-à-dire des producteurs d'abeilles et d'aliments, et cetera, nous ont dit que de multiples dangers menaçaient tous les systèmes vivants — et dans ce cas-ci, nous nous concentrons certainement sur les abeilles — et que dans un vaste pays comme le Canada, ces dangers allaient du climat et des microclimats aux parasites et aux pesticides, en passant par toutes les variations de ces éléments.

Il est très clair, comme nous avons pu l'observer, que l'impact sur les abeilles est très différent dans de grandes régions du pays et dans des sous-secteurs. Je vais m'attarder sur l'un des nombreux éléments, et j'aimerais revenir au commentaire de M. Hoekstra au sujet de l'étude sur l'accumulation dans l'environnement pendant une période de 10 ans. J'aimerais savoir si, pendant ces 10 ans, il y a eu une augmentation de néonicotinoïdes dans le sol ou si le niveau est demeuré relativement constant.

M. Hoekstra : C'est une bonne question. Il faudrait que je revoie l'étude. D'après ce dont je me souviens, le niveau est demeuré constant, et c'est également ce que nous avons pu constater dans une recherche récente menée par l'Université de Guelph en Ontario. Cette substance ne s'accumule pas. Elle est présente, et nous pouvons la détecter, car nous avons la capacité de détecter d'infimes quantités de n'importe quelle substance.

Le sénateur Ogilvie : C'est la quantité qui importe dans l'impact médical ou chimique, c'est-à-dire la dose. La dose est essentielle, et c'est pourquoi la mesure à laquelle vous avez fait référence est importante dans l'observation.

M. Hoekstra : Je suis tout à fait d'accord. C'est la dose qui fait le poison, c'est absolument vrai.

Le président : Si vous souhaitez nous faire parvenir des renseignements supplémentaires, veuillez le faire par l'entremise du président et directement au greffier.

[Français]

Le sénateur Maltais : Est-ce que vous comprenez bien le français?

M. Treacy : Oui, je suis né à Montréal.

Le sénateur Maltais : Vous devez connaître Jean Lafontaine, qui disait, en parlant de la peste et des animaux : « Ils n'en mourraient pas tous mais tous en étaient atteints. »

Votre compagnie fabrique du poison. C'est l'objectif de votre compagnie et c'est tout à fait légitime et légal au Canada. Au Canada, je dis bien, parce que dans certains États américains on vous a foutus à la porte, n'est-ce-pas? Vous êtes d'accord avec moi.

M. Treacy : Non, je ne suis pas certain si vous parlez des produits chimiques ou des produits OGM.

Le sénateur Maltais : Je parle de vos produits.

M. Treacy : De nos produits en général?

Le sénateur Maltais : À cause de certains produits, on vous a foutus à la porte aux États-Unis. On ne peut pas nier cela.

M. Treacy : Est-ce que vous avez des exemples?

Le sénateur Maltais : Oui, au Nebraska en particulier. Pourquoi, dans les régions où il n'y a pas de pesticides, le taux de décès des abeilles est de 15 p. 100, et là où il y a des pesticides, cela varie entre 30 et 50 p. 100?

[Traduction]

M. Treacy : Les insectes meurent à un taux de 15 p. 100 même s'il n'y a aucun insecticide ou pesticide, mais ce taux est beaucoup plus élevé lorsqu'il y a des produits chimiques dans le champ. Je n'ai pas entendu parler de cette étude, et je ne suis donc pas en mesure de commenter.

[Français]

Le sénateur Maltais : Vous n'êtes pas au courant de cette étude?

M. Treacy : Non.

Le sénateur Maltais : Pourtant, les apiculteurs de l'Ouest nous ont dit qu'à cause de ces produits il y avait un taux de décès de 50 p. 100; ce ne sont pas des scientifiques mais simplement des apiculteurs. J'en reviens à un endroit où les abeilles sauvages sont attirées par les plantes sauvages, il y a un taux de mortalité d'environ 15 p. 100.

On va parler de la section des bleuets en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick, à Terre-Neuve et dans le nord du Québec, où il n'y a pas de pesticides. Ce n'est pas parce qu'il fait chaud; il fait -40ºC durant l'hiver. Alors, le taux de mortalité est de 15 p. 100. Aussitôt qu'on arrive dans des régions où vos pesticides sont présents, on tombe à un taux de décès de 50 p. 100.

Vous avez dit quelque chose tout à l'heure qui m'a impressionné : vous êtes en train de trouver un microbe qui va combattre l'ARLA à l'intérieur de l'abeille. Est-ce que vous être en train de me dire que vos pesticides sont comparables à l'huile de foie de morue pour les abeilles?

[Traduction]

M. Treacy : En général, nous constatons que le taux de mortalité des abeilles est plus élevé lorsqu'il y a des pesticides. Encore une fois, je ne suis pas un apiculteur, mais d'après les données que j'ai consultées et mes conversations avec les apiculteurs, on me dit à chaque fois qu'il y a plusieurs facteurs en jeu. On ne peut pas toujours dire que les pesticides sont responsables à 100 p. 100. Y a-t-il un impact? Je crois que c'est le sujet dont nous avons discuté aujourd'hui. Il y a probablement un certain impact, mais les travaux effectués à ce jour laissent croire que la santé des abeilles repose sur plusieurs facteurs et diffère d'un endroit géographique à l'autre. Des champs de bleuets du Québec jusqu'aux champs de canola de l'Ouest du Canada, tous les facteurs fonctionnent en synergie. Je crois que dans le cas des évènements de 2012, tous les facteurs étaient réunis. Quels que soient les facteurs géographiques ou le pays, je ne peux pas affirmer que les pesticides étaient responsables à 100 p. 100 de la mort des abeilles.

Vous avez fait un commentaire sur le produit biologique sur lequel nous travaillons. L'un des points dont on n'a pas discuté, et dont je n'ai pas entendu parler au comité, c'est que les apiculteurs utilisent les pesticides pour contrôler les varroas dans leurs propres ruches. Ils utilisent des fongicides et des insecticides. Ils ont recours à de multiples produits qui entraînent également des répercussions sur la santé de leurs propres abeilles, et c'est pourquoi nous nous efforçons de contrôler ce qui, à notre avis, est le fléau qui entraîne les répercussions les plus importantes sur la santé des abeilles et nous avons donc adopté une approche biologique. Lorsque je parle d'« approche biologique », la définition de « biotechnologie » est d'exploiter des processus naturels et de les appliquer au profit de l'humanité et, dans ce cas-ci, c'est l'agriculture.

Le président : Merci de ces précisions.

Sénateur Maltais, M. Hoekstra aimerait faire un commentaire au sujet de votre question.

M. Hoekstra : Merci. Je crois qu'il est important que nous adoptions une approche holistique pour examiner la santé des abeilles et que nous fassions la différence entre les incidents graves qui se sont produits en Ontario et la santé générale des abeilles au Canada. Nous savons, par l'entremise de Statistique Canada et des preuves présentées plus tôt, qu'il y a actuellement 40 p. 100 plus de colonies d'abeilles au Canada qu'il y en a eu depuis la Deuxième Guerre mondiale. Cela comprend une augmentation de 20 p. 100 du nombre de colonies d'abeilles en Ontario depuis l'introduction des insecticides appliqués sur la semence.

Même si la santé des abeilles est touchée par plusieurs facteurs, notamment les varroas, et cetera, il existe de graves problèmes auxquels nous devons nous attaquer. De plus, il y a, au Canada, quelques exemples pragmatiques qui prouvent que les pesticides et les abeilles peuvent parvenir à coexister. Je ne peux pas vous donner un meilleur exemple que celui de la province de l'Alberta, où nous avons la majorité de nos abeilles, et où on utilise une grande proportion de néonicotinoïdes sur le canola qui attire ces abeilles, qui à leur tour assurent la pollinisation des champs. Les apiculteurs l'utilisent pour faire du miel, et le nombre d'abeilles a augmenté là-bas. D'un autre côté, nous avons des problèmes en Colombie-Britannique, où une infime quantité de ce produit est utilisée, si on l'utilise, et où les abeilles ont traditionnellement eu des problèmes de santé. Par exemple, il y a deux ans, nous avons perdu 90 p. 100 des colonies d'abeilles sur l'île de Vancouver.

Il y a des exemples où les problèmes en jeu sont liés à des causes naturelles et aux pesticides, par exemple, les incidents graves qui se sont produits en Ontario, et nous nous efforçons de les régler.

[Français]

Le sénateur Maltais : Ma dernière question, monsieur le président. Plusieurs scientifiques sont venus nous dire que les graines enveloppées de pesticides sont excellentes pour le soya, le blé d'Inde et ainsi de suite, mais qu'elles se dissolvent difficilement dans le sol, et qu'avec l'érosion, elles peuvent se retrouver dans l'eau. Cela prend en moyenne 10 à 15 ans avant que ce soit complètement résorbé. Est-ce que vous êtes d'accord avec ces techniques?

[Traduction]

M. Treacy : D'après ce que je comprends, les néonicotinoïdes se dégradent dans le sol en six mois. J'aimerais également insister sur l'élément de l'exposition. Avec les produits précédents, notamment les traitements foliaires, on a une exposition de l'ordre de 100 p. 100 sur une acre, mais avec le traitement des semences, l'exposition baisse à 24 pieds carrés sur une acre, ce qui représente environ la surface de cette table.

[Français]

Le sénateur Maltais : Si je comprends bien votre réponse, cela n'affecte en rien le sol ni l'eau. Certifiez-vous cela?

[Traduction]

M. Treacy : Paul peut m'aider en parlant des études qui ont été menées sur les organismes non ciblés dans le sol.

M. Hoekstra : Le devenir des néonicotinoïdes dans l'environnement est étudié de façon approfondie avant leur enregistrement. Même si on peut trouver des traces infimes du produit dans le sol ou dans l'eau, en utilisant une approche fondée sur le risque, ces niveaux sont bien en dessous des niveaux préoccupants. On peut détecter des traces infimes de n'importe quel produit si on utilise une méthode sensible. Il s'agit de savoir si la quantité du produit entraîne des conséquences toxiques.

[Français]

Le sénateur Maltais : Est-ce que vous contactez régulièrement les centres de recherche universitaire au Canada, qui, eux, nous ont dit cela? Vous semblez les contredire; peut-être avez-vous raison. Mais est-ce qu'il y aurait moyen de savoir si c'est vrai ou non que cela contamine les sols et l'eau? Les scientifiques de l'Université Laval, de l'Université de Montréal et de Guelph nous ont dit cela. Si vous me dites le contraire, et vous êtes docteur en recherche, je ne vous contredirai pas, je ne suis pas spécialiste dans ce domaine. Toutefois, j'aimerais que quelqu'un nous dise la vérité.

[Traduction]

M. Hoekstra : Comme nous l'avons entendu plus tôt, la science est complexe. On diffuse ces renseignements. Les recherches menées par l'Université de Guelph, par l'ARLA, et plus récemment par le ministère de l'Environnement ont démontré que nous pouvons détecter des traces infimes, mais elles sont bien en dessous des niveaux préoccupants. Certains chercheurs ont également mené des travaux dans des flaques des champs du Québec. Encore une fois, la diffusion de ces renseignements laisse croire qu'on peut détecter des niveaux élevés, mais ils peuvent être justifiés. Ils sont très rares. La grande majorité des données démontrent clairement que les niveaux de néonicotinoïdes dans l'environnement sont bien en dessous des niveaux préoccupants déterminés par l'ARLA.

[Français]

Le sénateur Maltais : Comment se comportent vos produits dans le cadre du libre-échange Canada-Europe?

[Traduction]

M. Hoekstra : Je suis désolé, mais je ne peux rien dire à ce sujet.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Quand on est le dernier à poser des questions, on risque d'être redondant; ma question a été posée et j'ai eu ma réponse. Je vous remercie.

[Traduction]

Le sénateur Oh : J'ai une question à poser à tous les témoins. En mars 2014, des chercheurs allemands ont publié une étude portant sur les doses non mortelles de trois types de néonicotinoïdes. Comme c'est difficile pour moi de prononcer leurs noms, je les ai écrits. L'étude révèle que les trois substances peuvent nuire à la capacité d'orientation des abeilles domestiques.

Dans quelle mesure les effets non mortels de ces produits sont-ils vérifiés avant leur mise en marché? Fait-on des recherches similaires sur la capacité d'orientation des abeilles domestiques au Canada?

M. Hoekstra : Il faut souligner que les essais sur les pollinisateurs constituent une partie essentielle de l'homologation des insecticides. Nous l'avons constaté par la portée et la profondeur des études qui ont été faites. En ce qui concerne la capacité d'orientation des abeilles, il est important de dire que parmi toutes les études menées par l'industrie ou des parties externes, aucune n'a démontré que lorsque les abeilles sont exposées à des concentrations équivalentes à celles retrouvées dans l'environnement — qui ne correspondent peut-être pas à celles qui sont utilisées en laboratoire, mais à celles auxquelles elles peuvent être exposées dans l'environnement —, cela a des répercussions sur leur santé, dont leur capacité d'orientation. Certaines études révèlent divers effets sur leur capacité de butiner, mais on a utilisé des concentrations ou des doses bien supérieures à ce que l'on retrouve normalement dans l'environnement.

M. Treacy : Tout à l'heure, j'ai parlé d'une étude du Royaume-Uni. Il y a de multiples exemples. Vous parlez d'une étude allemande qui révèle qu'il y a eu des répercussions sur le comportement des abeilles domestiques. J'ai une étude qui indique qu'il n'y en a pas eu. La reproductibilité est aussi importante que le taux de pesticide examiné.

Je veux souligner quelque chose. En 2012, l'ARLA est intervenue en prenant des mesures à court et à long terme, en adoptant des pratiques exemplaires de gestion et en rendant obligatoire l'utilisation d'agent de fluidité. La dernière mesure qu'elle a prise, c'est de publier un avis de projet de marchés. On recommande que des chercheurs présentent une proposition pour la réalisation d'une étude de trois ans consistant à faire une analyse des résidus de pesticides dans différentes matrices. Des échantillons d'abeilles domestiques, de sol, d'eau, de végétation, de rayons de miel et de pollen seront prélevés pour appuyer l'étude de l'ARLA.

À l'aide de ces différentes études, dont celle de 2012, nous essayons de décortiquer la définition de trace. Parmi toutes les abeilles qui ont fait l'objet d'études en 2012 — et Paul en a parlé en répondant à la question du sénateur Maltais —, les quantités étaient inférieures à ce qu'on appelle la DSENO, un terme scientifique voulant dire « dose sans effet nocif observé ». Les traces trouvées sur les abeilles révèlent que d'un point de vue scientifique, le pesticide n'était pas l'unique cause de la mort des abeilles.

M. Horner : Je n'ai aucune donnée scientifique à vous donner, mais je peux vous dire que pour la production de canola, nous plaçons des ruches dans les champs et toutes nos semences sont traitées avec un néonicotinoïde. À aucun moment durant tout l'été nous n'avons observé de problème quant à la capacité d'orientation des abeilles qui se nourrissent du pollen. Elles retrouvent très bien leur ruche, et elles viennent me piquer lorsqu'elles le veulent également. Toutefois, au cours des prochaines années, la nouvelle apicultrice de Lethbridge, Mme Shelley, réalisera un certain nombre d'études sur les répercussions qu'ont les abeilles domestiques sur la production de semences.

M. Treacy : J'aimerais attirer l'attention du comité sur quelque chose. Hier, je parlais à notre sélectionneur à Winnipeg, M. Chris Anderson — et la sénatrice Buth le connaît probablement. Je lui ai dit que nous recourions à des services de pollinisation pour notre production de semences hybrides à Lethbridge, en Alberta, et à Cranbrook, en Colombie-Britannique, ainsi que pour la production de semence en Amérique du Sud, principalement au Chili. Je lui ai dit également que j'allais comparaître devant le comité sénatorial aujourd'hui et que j'en apprendrais beaucoup sur la santé des abeilles.

Je lui ai posé la question suivante : est-ce que les producteurs canadiens ont recours à des services de pollinisation? Nous avons eu une bonne discussion. Il m'a répondu que non, pas en soi. Ils n'embauchent pas des gens qui offrent des services de pollinisation. Il a dit que fait intéressant, il y a une relation étroite entre les apiculteurs et les producteurs de canola. L'apiculteur veut utiliser le canola pour que ses abeilles puissent produire du miel, et le producteur veut qu'un apiculteur l'aide en lui fournissant des services de pollinisation.

D'après son expérience personnelle, bien qu'il travaille pour Monsanto, il a également une exploitation familiale, et tous les ans, un apiculteur de la région lui demande s'il peut installer ses ruches près de ses champs de canola traité aux néonicotinoïdes. Je crois comprendre que l'apiculteur et le producteur de canola y gagnent tous les deux. Je crois comprendre également qu'à la fin de l'année, Chris obtient deux livres de miel, ce qui n'est pas non plus une mauvaise chose.

La sénatrice Eaton : En parlant des ruches et des champs de canola, faites-vous des recherches — car un certain nombre de personnes nous en ont parlé — sur la santé et l'alimentation des abeilles? Je ne veux pas gaspiller le temps de qui que ce soit, mais si vous avez de l'information à cet égard, pourriez-vous la faire parvenir à notre greffier? Nous ne nous sommes pas vraiment penchés sur la question.

M. Horner : Je vais faire part de votre demande à Mme Shelley Hoover, et je suis sûr qu'elle pourra vous fournir l'information. Elle m'a parlé d'un certain nombre d'initiatives de recherches lorsque je l'ai rencontrée la semaine dernière. Un certain nombre de recherches intéressantes ont été réalisées, et d'autres sont encore prévues également.

La sénatrice Eaton : Je crois que la situation n'est pas la même partout au pays, n'est-ce pas? Je parle de la quantité qu'il reste dans la ruche durant l'hiver, de la monoculture et du fait d'avoir d'autres sources que le canola.

M. Treacy : Pour ce qui est des projets sur l'alimentation, j'ai parlé du PAm ou projet Apis m., le « m » signifie « mellifera », soit « mellifère » en français. Cette organisation a mené beaucoup de recherches sur l'alimentation et les maladies. Je peux faire parvenir au greffier le lien pour accéder au site web qui contient bien au-delà de 20 études à ce sujet.

Grâce à notre collaboration avec M. Jerry Hayes, qui est un conseiller scientifique de PAm, nous avons appris beaucoup de choses. PAm a été créé pour l'industrie des amandes. Le Canada compte 700 000 colonies pour les services de pollinisation. Pour le secteur des amandes de la Californie, il faut 1,6 million de colonies pour la pollinisation. Comme vous pouvez le deviner, c'est toute une entreprise. On me dit que les abeilles domestiques doivent être de qualité olympique.

L'étude montre que si l'on a une variété dont la floraison précède celle des amandiers, ainsi qu'une variété dont la floraison a lieu après celle des amandiers, la performance des pollinisateurs et la santé des abeilles domestiques sont meilleures.

Un peu comme ce qui se passe dans l'Ouest canadien pour le secteur du bœuf dans les parcs d'engraissement, on envisage d'établir des lots pour bon nombre de ces pollinisateurs. Madame la sénatrice, je dirais que cela nous a permis d'apprendre des choses, et nous commençons à appliquer ce que nous avons appris pour notre production de semences hybrides, de même que notre production de semences en Amérique du Sud.

La sénatrice Eaton : Je suppose qu'il y a l'hivernage — hivers longs; plus de nourriture?

M. Treacy : C'est exact.

Le sénateur Ogilvie : Concernant l'observation selon laquelle la Colombie-Britannique, où les néonicotinoïdes ne sont pas utilisés abondamment, fait face à des problèmes importants, cela n'est-il pas lié à la quantité de marihuana qui y est cultivée? Cela affecte-t-il la capacité des abeilles de retourner à leur ruche?

M. Hoekstra : Les situations majeures que nous avons vécues en Colombie-Britannique, ou du moins dans cette partie de la province, étaient surtout liées au temps qu'il faisait.

Concernant la remarque que Brian a faite tout à l'heure au sujet de la santé des abeilles, la sénatrice Eaton a soulevé un bon point sur la biodiversité, la santé des abeilles et la compréhension de la complexité des facteurs qui agissent sur les abeilles. Je peux fournir au greffier une partie des travaux que nous avons faits en Europe, où nous avons examiné la modélisation informatique et les différentes perturbations qui affectent les abeilles, des connaissances que les apiculteurs peuvent utiliser pour savoir ce qui entre en jeu.

Dans le cadre de l'Opération Pollinisateur, nous avons aussi participé à des programmes en Europe visant à enrichir la biodiversité du paysage. Nous avons réussi à créer 10 000 hectares d'habitat adapté aux besoins des pollinisateurs en périphérie de la production agricole.

Nous avons lentement pu commencer à importer ce concept au Canada. Il y a une différence entre les pratiques agricoles d'ici et celles d'Europe, notamment pour ce qui est de compenser les coûts que les agriculteurs doivent assumer pour prendre ce genre de mesure. Par exemple, nous menons à bien un programme en collaboration avec M. Chris Cutler, qui a comparu dernièrement, afin de trouver une façon d'encourager les pollinisateurs indigènes à contribuer à la production de bleuets.

Il y a, c'est certain, une multitude d'occasions d'aider les abeilles et de façons intéressantes de renforcer la biodiversité et leur régime alimentaire.

La sénatrice Tardif : Quelqu'un a dit, je crois, que c'est en Ontario qu'on constate un taux élevé de mortalité d'abeilles, et qu'il n'y aurait pas de problème majeur en Alberta. M. Mike Paradis, un apiculteur albertain de septième génération du nord de la région de Peace River, a exprimé ses préoccupations à cet égard devant le comité. Le Globe and Mail, je crois, a aussi publié une lettre en février 2014 selon laquelle M. Paradis aurait déclaré avoir perdu jusqu'à 70 p. 100 de ses colonies et 200 000 $ de recettes annuellement. Les pertes de colonies d'abeilles sont donc visiblement une source d'inquiétudes en Alberta. M. Paradis n'a mentionné aucun facteur spécifique, sachant que bien des variables entrent en ligne de compte ici.

Je tenais simplement à souligner que certains de nos apiculteurs sont aux prises avec des pertes de colonies, car je sais que l'Alberta est la plus grande productrice de miel au Canada. Je pense qu'il a dit avoir perdu 70 p. 100 de ses colonies il y a quatre ans environ. Puisque l'apiculture est un art et un savoir-faire dans sa famille, il sait de quoi il parle.

Par ailleurs, certaines associations d'apiculteurs en Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba ont dit au comité avoir constaté ces dernières années une utilisation accrue de pesticides sur les cultures, plus particulièrement ce qu'ils appellent la vaporisation au hasard. Êtes-vous d'accord avec cette observation, et avez-vous des données en ce sens? Vos produits sont-ils pulvérisés au hasard?

M. Horner : Je peux commencer. Je travaille directement avec des agriculteurs du sud de l'Alberta, et je ne suis pas du tout d'avis que les produits sont vaporisés au hasard, car ils coûtent cher; ils représentent un coût pour l'exploitation agricole. De nos jours, les marges agricoles sont relativement faibles, et les agriculteurs évitent de dépenser sur une chose qui n'a aucun bénéfice financier.

Les représentants de l'Ouest canadien ont fait un excellent travail en communiquant les seuils de population d'insectes qui justifient une vaporisation, et je crois que les producteurs les respectent la plupart du temps.

D'après mes observations, il n'y a donc aucune vaporisation au hasard.

M. Harwood : Je n'ai aucune donnée me permettant de confirmer ou d'infirmer cette observation. Ce que j'observe du côté des cultures de canola de l'Ouest canadien, notre principal produit dans ce secteur, c'est que la pression du parasite varie d'une année à l'autre. Les puces de jardin, le principal ennemi des cultures de canola en début de saison, causent plus de problèmes certaines années que d'autres. C'est lorsqu'elles posent plus de problèmes que le besoin de vaporiser un traitement de contrôle est le plus grand. Je soupçonne donc que cette observation est attribuable aux variations annuelles de la pression des organismes nuisibles.

La sénatrice Tardif : Voilà qui revient au point soulevé tout à l'heure : dans quelle mesure faites-vous connaître aux agriculteurs les pratiques de gestion optimales pouvant avoir une incidence sur la santé des abeilles et des pollinisateurs? N'employons pas le produit à moins que ce ne soit nécessaire. C'est une question de communiquer et d'entretenir une relation étroite avec les apiculteurs et les autres.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Quels efforts de recherche sommes-nous en train de faire pour trouver un remplacement aux néonics? Ou sommes-nous tout simplement satisfaits que le produit accompli ce pour quoi il a été conçu, et que rien n'indique qu'on devrait changer de produit?

[Traduction]

M. Hoekstra : Je ne peux pas parler au nom de toutes les entreprises et de leurs travaux. Ce que je peux dire d'après nos recherches et notre connaissance de celles des autres, c'est que l'éventail de protection offert par les produits chimiques de la catégorie des néonicotinoïdes est sans pareil. Peu de solutions de remplacement en cours d'examen offrent le même contrôle pour toutes les variétés avec lesquelles les néonicotinoïdes peuvent être employés.

Les entreprises sont toujours à l'affût de la prochaine découverte, mais celle-ci tarde encore.

Le sénateur Robichaud : Vous dites que vous regardez, mais à quel point? Vous êtes parfaitement à l'aise puisque rien n'égale ce produit.

M. Hoekstra : C'est une très bonne question. C'est le cycle de vie de tout composé. On part de l'innovation, de la découverte, pour passer à la mise en marché, aux brevets et à la protection des données. À un moment donné, tout le monde peut fabriquer le composé, comme pour l'aspirine.

Une entreprise a tout intérêt à toujours multiplier les investissements et les efforts en R-D. Chez Syngenta, par exemple, nous dépensons environ 10 p. 100 de nos recettes totales en R-D pour découvrir de nouvelles technologies qui nous permettront de conserver une longueur d'avance — sur la concurrence peut-être, mais surtout sur les organismes nuisibles, car ils peuvent devenir résistants après un moment, ou de nouveaux parasites peuvent arriver au Canada en raison du réchauffement climatique ou de la modification des pratiques agricoles.

Nous sommes toujours à la recherche de l'innovation suivante; nous n'arrêtons jamais.

M. Treacy : Pour répondre à votre question, notre entreprise s'attarde plutôt aux biotechnologies. Nous avons peut- être un produit de composé chimique. Ce n'est pas notre domaine de prédilection. Je tenais simplement à le préciser.

Le sénateur Robichaud : Avez-vous suivi ce qui s'est passé en Europe à la suite du moratoire, sur le plan de la production et de la façon dont les agriculteurs sont touchés en général?

M. Hoekstra : Puisque c'est la première année, il est difficile de constater les changements. Cela dit, nous avons entendu dire que des agriculteurs du Royaume-Uni, par exemple, délaissaient la production de colza au profit de celle des céréales, puisqu'ils n'ont plus la technologie nécessaire pour protéger leurs cultures.

Nous constatons donc un changement fondamental de paysage qui a une incidence sur les apiculteurs. Pour vous donner un bon exemple à ce chapitre, la British Beekeepers Association n'est pas en faveur de l'interdiction des néonicotinoïdes, car elle comprend que les agriculteurs délaisseront le colza au profit des céréales. Où les abeilles iront- elles butiner?

Il sera intéressant cette année d'observer le changement du paysage de la production, et l'effet qu'il aura sur la santé des abeilles en général.

Le sénateur Robichaud : Vous surveillez donc la situation de près.

La sénatrice Buth : J'ai trois petites questions. Pourquoi l'agent de lubrification n'est-il pas déjà dans la semence?

M. Harwood : Les producteurs agricoles nous posent souvent cette question. Lorsque nous avons introduit la technologie, ils nous disaient à quel point ils aimeraient pouvoir acheter une graine qu'ils peuvent planter directement dans la jardinière. Je comprends tout à fait ce point de vue. Nous faisons ce que nous pouvons pour créer une semence qui, à sa sortie des installations de conditionnement, peut être plantée directement sans nécessiter de lubrification additionnelle. C'est un défi; il est techniquement difficile d'appliquer le produit dans une installation industrielle. Je me limiterai donc à dire que cette voie est explorée, mais que nous ne sommes pas encore rendus là.

La sénatrice Buth : En deuxième lieu, avez-vous mesuré la dose de néonicotinoïdes qu'une abeille reçoit en se posant sur une fleur de canola?

M. Hoekstra : Comprendre les résidus se trouvant dans le nectar et le pollen est un élément essentiel de notre dossier réglementaire, et nous continuons à fournir de nouvelles données pour répondre à cette exigence.

La sénatrice Buth : Vous y travaillez donc?

M. Hoekstra : Oui, et nous avons déjà des données.

La sénatrice Buth : Pourriez-vous nous les faire parvenir?

M. Hoekstra : Oui.

La sénatrice Buth : Ma dernière question : que nous recommandez-vous de faire pour protéger les pollinisateurs au Canada?

M. Hoekstra : Je suis persuadé que nous souhaitons tous répondre, mais comme vous l'avez entendu à maintes reprises au cours de la séance, la santé des abeilles est une question complexe comportant un grand nombre de facteurs. Il n'existe aucune recette magique pour la préserver, et il faut plutôt adopter une démarche multifactorielle.

Comme nous l'avons vu la semaine passée avec la table ronde d'Agriculture et Agroalimentaire Canada sur la santé des abeilles au Canada, nous pouvons prendre quelques mesures. Mais puisque le varroa est le principal facteur nuisant à la santé des abeilles, quelles recherches sur le contrôle du varroa pouvons-nous réaliser afin de comprendre, de promouvoir et de commercialiser de nouvelles solutions permettant d'améliorer la santé des abeilles?

On sait exactement comment se portent les abeilles au Canada. Mais aucune étude nationale n'est réalisée actuellement sur les divers agents stressants qui leur nuisent, et sur leur état d'un bout à l'autre du pays. C'était mon deuxième point.

Mon troisième point se rapporte à ce que la sénatrice Eaton a dit tout à l'heure, et elle a frappé en plein dans le mille : nous devons toujours adopter des pratiques agricoles en fonction des générations futures. Que pouvons-nous faire pour favoriser la santé des abeilles du côté du paysage et des exploitations agricoles? Quels plans agricoles provinciaux ou mesures incitatives fédérales pourraient favoriser du côté des exploitations agricoles la biodiversité et l'habitat des abeilles, que ce soient des pollinisateurs indigènes ou des abeilles domestiques? Voilà des éléments que nous pouvons examiner et qui pourraient avoir un effet bénéfique sur la santé des abeilles en général.

M. Horner : J'ai donné trois recommandations en exposé, et je vais simplement les répéter. Elles découlent de nos échanges avec des apiculteurs albertains et des chercheurs. D'une part, les apiculteurs nous disent qu'il faut préserver un habitat qui réponde aux besoins des abeilles. Les répercussions d'un hiver long et froid peuvent être atténuées si, lorsque les abeilles quittent la ruche au printemps, elles trouvent des espèces fleurissantes à proximité — comme des saules, des fleurs sauvages indigènes ou des pissenlits. Toute source de pollen, de nectar et d'énergie pour ces abeilles contribuera à minimiser les pertes hivernales. Pour l'instant, les apiculteurs constatent des pertes de 10 à 15 p. 100, ce qui ne les préoccupe pas. Mais ils peuvent perdre 10 à 30 p. 100 supplémentaires, et même plus si nous connaissons encore quelques semaines de froid hivernal rigoureux. Voilà pourquoi il est important de créer un habitat répondant aux besoins des abeilles où se trouvent des espèces en fleurs au printemps et à l'automne.

De plus, un financement à long terme est essentiel; le Canada doit s'engager à financer à long terme les questions entourant la santé des abeilles. Pour l'instant, on porte beaucoup d'attention à la question, et les activités à court terme se multiplient, mais les chercheurs croient vraiment à la nécessité d'un financement à long terme pour comprendre les répercussions de nos activités.

Mon dernier point porte sur les représentants et sur la sensibilisation des apiculteurs, des producteurs agricoles, des consommateurs et du grand public quant au rôle qu'ils peuvent jouer en créant un habitat durable pour les abeilles.

M. Treacy : J'ai trois recommandations, qui chevauchent quelque peu celles d'autres témoins. Tout d'abord, il faut poursuivre le dialogue et éviter de réagir comme l'a fait l'Union européenne. Paul a parlé du premier atelier national sur la santé des abeilles organisé en début de semaine par Agriculture et Agroalimentaire Canada. Nous avons tous travaillé ensemble : l'Association canadienne du commerce des semences, CropLife Canada, Grain Farmers of Ontario, le Conseil canadien du canola et les apiculteurs; tout le monde met la main à la pâte. Cette initiative sous la direction d'Agriculture et Agroalimentaire Canada serait utile. Nous devons jeter des fondations pour mieux comprendre les centres d'intérêt, après quoi la recherche pourra cibler ces priorités.

Le président : Une question vient à l'esprit de la présidence.

On sait que le gouvernement du Canada, ou le Canada a toujours encouragé une réglementation fondée sur des principes scientifiques. Puisque votre présence a une incidence sur le monde entier, diriez-vous que l'approche scientifique à laquelle le Canada tient tant favorise la signature d'accords internationaux, à cette époque où nous cherchons à accroître la production agricole et l'ampleur de notre industrie, compte tenu des 9 milliards d'habitants qu'il faudra nourrir?

Sans vouloir influencer les témoins, une réponse courte serait appréciée. Commençons par M. Hoekstra.

M. Hoekstra : Oui. Je pense que le système réglementaire canadien est respecté à l'échelle internationale pour sa qualité supérieure et la certitude qu'il apporte aux innovateurs — les témoins à la table et les entreprises comme les nôtres — en ce qui concerne la technologie que nous pouvons commercialiser. Sans cadre réglementaire solide ni décisions politiques, cette certitude s'effondre, et nous n'arrivons plus à commercialiser l'innovation.

M. Harwood : Je suis d'accord. Nous avons pu constater que le processus réglementaire canadien fondé sur des données scientifiques permet aux producteurs agricoles canadiens d'adopter l'innovation d'une façon plus prévisible et cohérente que certains producteurs au sud de la frontière. Ce processus réglementaire fondé sur la science est donc respecté.

M. Treacy : Je suis d'accord avec tout ce qui précède. Le processus est fort respecté non seulement ici même au Canada, mais à l'étranger aussi. Le Canada contribue grandement au renforcement des capacités dans les pays en développement, et de nombreux pays nous demandent conseil pour définir leurs propres cadres réglementaires.

M. Horner : D'ailleurs, je siège justement au conseil de la Seed Association of the Americas, où l'Amérique du Sud, le Canada, les États-Unis et le Mexique se réunissent pour discuter des questions liées aux semences. De nombreux pays de l'Amérique du Sud envient le système canadien. Lorsque les enjeux sont abordés, ils nous prennent en exemple et nous considèrent comme un chef de file. Ils s'efforcent de se doter d'un système à l'image du nôtre. On nous donne énormément de mérite, et nous devons protéger cet atout.

Le président : Au nom du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, je remercie infiniment les témoins. Vos témoignages ont été instructifs, enrichissants et éclairants.

Mesdames et messieurs les sénateurs, la séance est levée.

(La séance est levée.)


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