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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule no 22 - Témoignages du 4 décembre 2014


OTTAWA, le jeudi 4 décembre 2014

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 8 h 5, pour étudier les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Avant de présenter officiellement nos témoins, je m'appelle Percy Mockler. Je suis sénateur du Nouveau-Brunswick et président du comité. Je demanderais maintenant aux sénateurs de se présenter.

La sénatrice Tardif : Claudette Tardif, de l'Alberta.

La sénatrice Merchant : Pana Merchant, de la Saskatchewan.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.

Le sénateur Maltais : Ghislain Maltais, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Beyak : Lynn Beyak, Ontario.

La sénatrice Unger : Betty Unger, Edmonton.

Le sénateur Oh : Victor Oh, Ontario.

Le sénateur Ogilvie : Kelvin Ogilvie, Nouvelle-Écosse.

Le président : Merci.

[Français]

Le président : Aujourd'hui, le comité poursuit son étude sur les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux.

[Traduction]

Le secteur agricole et agroalimentaire canadien est un segment important de l'économie. En 2012, le secteur comptait pour un emploi sur huit au Canada, employant plus de 2,1 millions de personnes, soit presque 6,7 p. 100 du produit intérieur brut du Canada.

À l'échelle internationale, le secteur agricole et agroalimentaire canadien représentait 3,6 p. 100 des exportations mondiales de produits agroalimentaires en 2012. Cette même année, le Canada était le cinquième exportateur mondial de produits agroalimentaires.

J'aimerais remercier les témoins du premier groupe de leur comparution. Le Sénat du Canada nous a donné un mandat d'inviter des témoins à partager leurs opinions, leurs expériences et leurs visions des marchés internationaux.

Ce matin, des Éleveurs de dindons du Canada, nous souhaitons la bienvenue à Bill Mailloux, vice-président, et Phil Boyd, directeur exécutif.

Du Conseil canadien des transformateurs d'œufs et de volailles, nous souhaitons la bienvenue à Robin Horel, président-directeur général.

Merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation. Je demanderais maintenant à M. Horel de faire sa présentation. Il sera suivi de M. Mailloux. À la fin de la dernière présentation, nous passerons à la période de questions.

Robin Horel, président-directeur général, Conseil canadien des transformateurs d'œufs et de volailles : Merci. Bonjour. Je m'appelle Robin Horel et je suis le président-directeur général du Conseil canadien des transformateurs d'œufs et de volailles. Merci de cette invitation de partager notre perspective concernant les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux.

Le Conseil canadien des transformateurs d'œufs et de volailles est une organisation commerciale nationale composée de transformateurs de poulets et de dindes de couvoir — pour des poussins de chair d'un jour, des poussins de ponte et des dindonneaux — les classificateurs et les transformateurs d'œufs. Notre conseil existe depuis 65 ans. Nous avons des entreprises membres dans toutes les provinces du Canada. Parmi les entreprises membres, on compte certaines des plus grandes sociétés agroalimentaires du Canada. Nos membres transforment plus de 90 p. 100 du poulet, de la dinde, des œufs et des œufs d'incubation au Canada. Dans mon rapport écrit, vous trouverez des chiffres sur les ventes au détail, l'investissement et l'emploi. Nous sommes un segment important de l'industrie agroalimentaire canadienne.

Nos entreprises membres se conforment au système de gestion de l'offre pour le poulet, la dinde, les œufs et les œufs d'incubation de poulet à chair. Dans notre plan stratégique, nous réaffirmons notre appui au système, mais nous soulignons aussi notre engagement à bonifier la compétitivité à long terme de l'industrie de la volaille au Canada. Notre plus grande priorité est de moderniser le système de gestion de l'offre afin de nous assurer de l'appui constant des consommateurs, d'atténuer les risques chez les transformateurs et de mieux réagir aux pressions du marché et à l'environnement concurrentiel.

Les exportations et les importations sont des éléments clés du système de gestion de l'offre pour la volaille et les œufs au Canada. Pour le poulet, les consommateurs canadiens préfèrent la viande de poitrine et les ailes. L'industrie satisfait à cette exigence en important des poitrines et des ailes supplémentaires, au-delà de ce qui est produit au Canada, au moyen des contingents tarifaires. De plus, des programmes permettent l'exportation des hauts de cuisses et des pilons. Comme résultat, le marché reste équilibré. La production naturelle représente approximativement 52 p. 100 des poitrines et 48 p. 100 des ailes. Avec les importations et les exportations, nous changeons ce rapport à 57 contre 43.

Comme on l'a indiqué, le Canada était en 2013 un importateur net de poulet, des poitrines et des ailes pour la plupart. En termes de volumes, ces importations représentent approximativement 3 p. 100 de notre production. Les quelques statistiques sur les importations et les exportations que je cite aujourd'hui et qui se trouvent dans mon rapport écrit sont toutes fondées sur des données de l'ACIA qui ont été compilées par Agriculture et Agroalimentaire Canada. Voici les statistiques de cette importation nette du poulet : nous avons exporté approximativement 142 millions de kilogrammes de poulet à griller, c'est-à-dire environ 13 p. 100 de notre production, et nous en avons importé plus de 170 millions pour faire une importation nette d'environ 3 p. 100. Cette activité est importante.

Nous avons observé une préférence des consommateurs similaire pour le dindon. De plus, les produits surtransformés représentent plus de la moitié du marché du dindon. La grande majorité de ces produits sont composés de la viande de poitrine. Pour le dindon, nous importons essentiellement la viande de poitrine, tandis que nous exportons des pilons, des ailes, des queues, des carcasses, et cetera. L'année dernière, le Canada était un exportateur net en termes de volumes — c'est-à-dire, environ 8,5 p. 100 de notre production. Par contre, sur le plan de la valeur, nous sommes des importateurs nets. Tout comme pour le poulet, les exportations sont nettement plus élevées que les 8,5 p. 100 cités — et mes collègues vous en parleront davantage, j'en suis certain —, mais elles sont compensées en partie par les importations, ce qui nous donne le montant net.

Pour les œufs, on utilise les importations principalement pour équilibrer le marché pendant des périodes de demande accrue ou de production plus faible. En 2013, nous avons importé entre 5,5 p. 100 et 6 p. 100 de notre production d'œufs en coquille. Nous sommes et des importateurs et des exportateurs de produits d'œufs transformés, et en 2013, nous étions des exportateurs nets.

Pour les œufs d'incubation de poulet à chair, comme pour les œufs en coquille, nous utilisons nos importations pour équilibrer le marché pendant des périodes de demande intérieure accrue ou de production intérieure plus faible. Notre engagement international concernant les œufs d'incubation de poulet à chair nous amène à importer environ 20 p. 100 de ce qu'il nous faut.

Parmi nos membres, on compte aussi quelques entreprises génétiques qui se spécialisent en reproduction primaire. Dans les secteurs du dindon et des pondeuses d'œufs de consommation, ces entreprises approvisionnent le marché intérieur, mais elles exportent aussi des œufs ou des poussins ou des dindonneaux d'un jour vers un certain nombre de pays. Pour ces entreprises, les exportations sont une partie primordiale de leurs activités. Elles ne pourraient pas mener leurs activités au Canada sans ces exportations.

Voici ce qu'il faut retenir de ce survol des importations et des exportations dans notre secteur : pour le dindon, nous sommes un exportateur net sur le plan du volume, mais un importateur net sur le plan de la valeur; pour les œufs transformés, nous sommes un exportateur net; mais pour les œufs en général, nous sommes un importateur net. Au total, l'industrie canadienne de la volaille et des œufs est un importateur net, mais les exportations sont considérables et très importantes pour tous les secteurs et nos membres en particulier.

Les exportations et les importations sont toutes deux des éléments clés du système de gestion de l'offre pour la volaille et les œufs. Elles servent à équilibrer le marché intérieur, à satisfaire les préférences des consommateurs canadiens et à combler les écarts en période de demande accrue et de production faible. Les exportations de certains produits, tels que les œufs ou les poussins d'un jour provenant des entreprises génétiques ou les produits d'œufs transformés de certains de nos transformateurs d'œufs, ne sont pas des produits résiduels, mais plutôt des produits importants à valeur ajoutée.

D'après ce que j'ai compris, l'étude de ce comité porte sur quatre questions. Je passerai quelques minutes pour faire un survol de chaque question.

D'abord, la diversité, la sécurité alimentaire et la traçabilité. Notre industrie est fière de produire une vaste gamme de produits sains et nutritifs pour les consommateurs canadiens. Il est assez évident que la sécurité alimentaire et la traçabilité bénéficient de notre système actuel.

Deuxièmement, la compétitivité et la rentabilité du secteur agricole et agroalimentaire canadien, y compris les producteurs et les transformateurs. La gestion de l'offre a été adoptée pour permettre aux agriculteurs de recevoir une rémunération juste pour leurs produits. Le système a réussi à atteindre cet objectif-là. Nos entreprises membres appuient le système, à condition qu'il fonctionne aussi pour notre maillon de la chaîne de valeur. Les transformateurs, les classificateurs et les couvoirs bénéficient d'un approvisionnement constant de volailles et d'œufs salubres et de qualité. En général, le système a bien fonctionné pour nos membres au cours des années. Et il a certainement été bénéfique aux agriculteurs. L'un des objectifs clés énumérés dans notre plan stratégique est l'assurance d'une compétitivité soutenue.

Troisièmement, des améliorations durables à la capacité de production de la chaîne d'approvisionnement. Dans une certaine mesure, il y a eu une consolidation au niveau de la transformation au cours de la dernière décennie. Toutefois, les systèmes qui en découlent chez les producteurs commerciaux de volaille et d'œufs dans toutes les régions et la plupart des provinces ne se prêtent pas bien à des économies d'échelle dans la transformation. Les transformateurs comprennent bien les avantages du système, donc ils ne veulent pas changer de cap. Mais il faut que les agences gèrent les défis liés au rendement futur de nos industries en croissance. C'est l'un des éléments clés de la modernisation.

Finalement, les attentes et les préoccupations des acteurs dans le secteur agricole et agroalimentaire canadien. Les transformateurs de volaille, les classificateurs et les transformateurs d'œufs et les couvoirs, représentés pas notre organisation, s'attendent à ce que le gouvernement du Canada appuie des politiques qui permettent la durabilité à long terme de nos industries. Bien sûr, cela inclut bon nombre de politiques nationales. Toutefois, aux fins du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts concernant les priorités en matière d'accès aux marchés internationaux, nous nous attendons à ce que le Canada continue d'appuyer un commerce fondé sur les règles. Nous avons souligné l'importance des exportations et des importations pour nos secteurs, même si notre mandat est axé sur l'intérieur du pays.

En conclusion, d'abord, nos membres respectent les chaînes de valeur assujetties à la gestion de l'offre. Ces systèmes ont des avantages, et nos membres les appuient, tout en sachant que nous devons rechercher des économies dans la mesure du possible et la compétitivité. Deuxièmement, les importations et les exportations sont importantes pour le maintien des systèmes et primordiales pour nos membres. Troisièmement, les transformateurs de volaille, les classificateurs et les transformateurs d'œufs et les couvoirs au Canada ne seraient pas concurrentiels sur la scène internationale s'il y avait libre accès au marché canadien sans une restructuration du système. Finalement, selon notre organisation et nos membres, le gouvernement du Canada doit continuer d'être un chef de file dans le domaine des échanges commerciaux fondés sur les règles.

Merci beaucoup, et je répondrai avec plaisir à vos questions.

Le président : Merci, monsieur.

Monsieur Mailloux, la parole est à vous.

Bill Mailloux, vice-président, Éleveurs de dindon du Canada : Merci beaucoup. Je suis très heureux d'être ici aujourd'hui, monsieur le président et honorables sénateurs. Ne vous laissez pas tromper par mon nom de famille. Je ne parle pas le français, mais ma petite-fille essaie de me l'enseigner.

Nous aimerions remercier le comité de son invitation. Nous apprécions l'occasion de participer à cette étude sur les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux.

Notre organisation représente plus de 500 familles partout au pays qui sont des éleveurs de dindons. En travaillant en collaboration avec les autres membres de la chaîne d'approvisionnement, notre organisation gère le système de gestion de l'offre pour les dindons depuis 1974. Notre conseil d'administration est composé de huit représentants qui sont élus par des agriculteurs, un représentant de chaque province ayant une industrie de dindons, ainsi que deux membres nommés du secteur de la transformation primaire. L'un des collègues qui m'accompagnent représente les transformateurs et l'autre vient du secteur de la surtransformation.

Le conseil d'administration s'efforce de remplir ses obligations en vertu de la Loi sur les offices des produits agricoles, c'est-à-dire de promouvoir une industrie de production et de commercialisation de dindon concurrentielle, forte et efficace, tout en veillant aux intérêts tant des producteurs que des consommateurs de dindon du Canada. C'est un point très important que nous prenons toujours en considération de ne pas simplement voir le volet agricole puisque nous avons des acheteurs de nos produits et certains consommateurs sont également des acheteurs et nous prenons toujours en considération leurs besoins.

Pendant 40 ans, le système de gestion de l'offre nous a permis de faire les deux. Avec la garantie d'un juste revenu du marché, nos éleveurs de dindon ont pu réinvestir au profit de leurs fermes et de l'industrie dans des activités de calibre mondial en recherche, en innovation, en salubrité des aliments — et nous avons des programmes de sûreté alimentaire qu'il faut suivre à la ferme, ainsi que les soins du troupeau — et dans la promotion du dindon. Sans subventions directes, comme d'autres témoins l'ont déclaré récemment au comité, la stabilité ainsi offerte par la gestion de l'offre au Canada dépasse les avantages à la ferme même grâce aux emplois qu'elle génère et à la stabilité qu'elle apporte aux collectivités et aux économies rurales.

Un certain nombre de perceptions erronées subsistent quant à la gestion de l'offre et nous aimerions en parler aujourd'hui. La première est celle que la gestion de l'offre fait monter les prix à la consommation des volailles, des œufs et des produits laitiers. La gestion de l'offre veille à ce que les éleveurs et les transformateurs reçoivent un juste prix pour leurs produits, mais les prix payés par les consommateurs à l'épicerie ou au restaurant local ne sont pas contrôlés par les éleveurs; ce sont les détaillants et les fournisseurs de service de restauration qui en décident, selon les diverses stratégies propres aux entreprises et à ce que le marché peut soutenir. Les agriculteurs n'ont aucun contrôle sur cela. Voilà ce qui explique la grande variation de prix pour un même produit entre les régions et même entre magasins.

Quant à la comparaison entre le prix du dindon au Canada et aux États-Unis, les chiffres diffèrent bien peu : le prix de détail annuel moyen d'un dindon entier congelé au Canada au cours des 14 dernières années s'élevait à 2,97 $ le kilo, comparativement à 3,26 $ aux États-Unis. Cela signifie que les Canadiens ont payé le même produit en moyenne 9 p. 100 de moins au fil du temps que leurs voisins américains. Certes, le prix du dindon canadien n'a pas toujours été inférieur à celui des États-Unis, mais on constate une même gamme de prix dans les deux pays.

J'habite à 20 minutes environ du pont Ambassadeur à Détroit. C'est sûr qu'on peut y faire un saut et acheter des dindons pas chers. Ils font la promotion des prix, mais les annonces disent également qu'il faut dépenser un minimum. Les gens ne s'y retrouvent plus quant à la vraie aubaine qu'ils pensent qu'ils vont avoir. Lorsque nous avons étudié les chiffres, le vrai prix du dindon était clair, et non pas toutes les annonces qui vont avec.

Ensuite, nous voulons parler de l'idée que le système de la gestion de l'offre limite d'une manière ou d'une autre le potentiel d'exportations d'autres denrées. Je trouve toujours cela intéressant. Songez au fait que les exportations canadiennes de porc et de bœuf ont augmenté considérablement depuis que la gestion de l'offre a été établie dans les années 1970. La production porcine totale est passée de 4,3 p. 100 à 63,53 p. 100 en 2013. Dans la même période, les exportations de bœuf sont passées de 6,42 p. 100 à 32 p. 100 en même temps. En fait, Financement agricole Canada nous a dit récemment que le Canada occupe le premier rang mondial pour son volume d'échanges commerciaux de produits agricoles par habitant comparativement à tous les autres pays. Le fait est que notre secteur n'a pas empêché les autres secteurs de faire ce qu'ils voulaient dans les négociations commerciales. Ces secteurs de l'agriculture au Canada ont très bien réussi à pénétrer les marchés internationaux et n'ont nullement souffert de leur système de gestion de l'offre.

Malgré la priorité accordée à l'approvisionnement intérieur, le marché canadien du dindon est loin d'être fermé. Le Canada se classe au neuvième rang des producteurs de dindon au monde, il occupe le quatrième rang sur le plan de l'exportation et il est le septième importateur mondial de dindon. Les couvoirs de dindons au Canada ont eu un excédent commercial net de 21,7 millions d'œufs et de dindonneaux en 2013. Notre marché est principalement axé sur la volaille entière et la viande de poitrine, ce qui fait que nous exportons des découpes de moindre valeur, telles que les ailes, les pilons, et les carcasses par exemple. En conséquence, les exportations augmentent en fonction du nombre de dindons désossés aux fins des activités de transformation.

Les Éleveurs de dindon du Canada ont demandé au gouvernement canadien de continuer à défendre notre système de gestion de l'offre auprès du PTP et de l'OMC, ainsi que dans le cadre d'autres négociations commerciales internationales en cours, car nous avons déjà ressenti les incidences de l'ouverture accrue de nos marchés. À eux deux, l'Accord commercial Canada-États-Unis en 1987 et le Cycle d'Uruguay en 1995 représentent environ 3 000 tonnes d'accès supplémentaire du marché canadien du dindon et une perte de 4 p. 100 de la production intérieure. C'est un cadeau pur et simple.

Chaque kilo de viande de dindon importé au Canada équivaut à un retrait de 4 kilos d'animal vivant dans une ferme canadienne. Cette situation est préjudiciable aux fermes, aux usines de transformation et, par la suite de la réduction de leur capacité, à la productivité. Elle peut également nuire aux exportations, car il y a moins de dindons qui sont désossés au pays donc moins de découpes à exporter.

Le récent accord conclu entre le Canada et l'Union européenne ne donnera lieu ni à une augmentation de l'accès minimal au marché ni à une réduction des tarifs hors contingent relativement aux produits faits de viande de dindon. L'UE pourra exporter de la viande de dindon conformément à notre contingent tarifaire à un tarif dans la limite du contingent préférentiel de 0 p. 100 et exporter des produits non assujettis à un contrôle à l'importation, comme des mets cuisinés et des mélanges définis de spécialités.

Sur le plan des exportations, l'UE va éliminer son tarif sur les œufs de dindon et les dindonneaux ainsi que sur ses produits de surtransformation, c'est-à-dire les mets cuisinés. L'industrie canadienne des œufs d'incubation n'étant pas une exportatrice nette, l'AECG devrait représenter quelques débouchés supplémentaires, à condition qu'aucune nouvelle mesure non tarifaire ne soit instaurée entre-temps.

Dans le cas d'exportations de viande de dindon surtransformée à l'UE, deux facteurs principaux viennent freiner le potentiel de débouchés : d'abord, les mesures sanitaires et phytosanitaires et ensuite, la capacité de l'industrie canadienne de surtransformation à fabriquer et à commercialiser des produits surtransformés agréables aux palais européens de 27 pays.

En conclusion, le gouvernement du Canada a toujours déclaré et démontré son appui à l'égard de la gestion de l'offre ainsi que son ferme engagement de prêter son concours aux industries et aux éleveurs canadiens en prenant fait et cause pour la gestion de l'offre dans tous les forums internationaux et les négociations bilatérales. Les Éleveurs de dindon du Canada ont tous confiance que le gouvernement va respecter son engagement, et nous continuerons à appuyer la position commerciale équilibrée du gouvernement et nous nous réjouissons à l'idée de collaborer avec lui pour préserver une gestion efficace de l'offre au pays dans le cadre de toutes les négociations commerciales actuelles et à venir.

Je vous remercie tous pour le temps que vous m'avez accordé. Si vous avez des questions difficiles, mon collègue va y répondre et moi je vais prendre les plus faciles.

Le président : Si Jean Béliveau était ici, nous parlerions de passer la rondelle. Merci beaucoup.

La sénatrice Tardif : Merci pour vos présentations.

Avant de procéder à mes questions portant sur les présentations d'aujourd'hui, j'aimerais que M. Horel nous fasse ses observations sur la quarantaine imposée par les fonctionnaires canadiens par rapport à l'épidémie de grippe aviaire dans la vallée du Fraser. Quels seront les effets, au pays et à l'étranger?

M. Horel : Il est très tôt pour les connaître. L'Agence canadienne d'inspection des aliments en a fait l'annonce mardi et nous sommes jeudi. C'est le branle-bas de combat en Colombie-Britannique, et nous ne savons pas exactement comment cela va se terminer.

Nous avons vécu cela à quelques reprises depuis la crise de 2004. Chaque fois, nous avons — et par « nous » je veux dire l'industrie et l'ACIA — nous avons bien contrôlé la situation, sauf en 2004. Nous l'avons maîtrisée jusqu'à l'exploitation de référence. Nous l'avons complètement éliminée. La confiance des consommateurs se maintient. Nous avons été soumis à des restrictions commerciales internationales et c'est déjà le cas maintenant. J'ai reçu un courriel hier soir et nous en avons déjà, mais l'appui du consommateur canadien a été vraiment bon. Il a fait confiance au système et à notre manière de gérer les situations.

Dès que nous identifierons le virus, il faudra le plus rapidement possible dépeupler les exploitations infectées et mettre en place des zones de contrôle et de déplacement.

La sénatrice Tardif : Nous vous souhaitons le plus grand succès, car nous savons que les effets peuvent être dévastateurs si cela continue.

M. Horel : Il n'y aura pas d'effets dévastateurs si nous y parvenons. Le potentiel existe certainement.

La sénatrice Tardif : Concernant la présentation, vous avez dit que vous importez une quantité substantielle de dindons, dont une partie en franchise. Vous êtes un grand importateur mondial de dindons, mais vous en exportez une grande quantité chaque année. Vous avez également mentionné qu'il est important de moderniser le système de gestion de l'offre afin de supprimer les avantages que procure l'accès aux marchés internationaux. Comment pouvez-vous le faire sans nuire aux perspectives économiques des producteurs sous gestion de l'offre?

M. Horel : Voilà ce que j'essayais de démontrer. Nous sommes de grands importateurs et exportateurs des quatre produits de base qui sont les nôtres, y compris le dindon. Lorsque les gens pensent à la gestion de l'offre, ils croient que nous ne comblons que le marché domestique et que nous sommes un importateur net. Au total, nous nous concentrons sur le marché intérieur — c'est notre principal objectif — et nous sommes un importateur net au total, mais il y a beaucoup d'exportations et d'importations et beaucoup d'équilibrage.

Franchement, je ne crois pas qu'il soit nécessaire de changer quoi que ce soit dans la façon dont le gouvernement aborde les ententes commerciales internationales. Tant que les règles sont équitables et cohérentes et que les mêmes règles s'appliquent aux importations et aux exportations, nous pouvons fonctionner.

Ce système fait depuis longtemps l'objet de discussions. Le système de gestion de l'offre n'a pas été mis sur pied pour nous; il a été établi pour Bill et pour les agriculteurs. Cela dit, après 40 ans, nous l'appuyons. Nous l'avons vécu depuis longtemps. J'ai des membres qui ont bâti des entreprises dans le cadre de ce système. Nous appuyons cette orientation nationale. Nous avons besoin de cette soupape de sécurité, de cet équilibrage, de la capacité d'exporter des produits surtransformés ou des produits à valeur ajoutée comme le matériel génétique des compagnies de dindons au Canada ou des ovoproduits ultérieurement transformés et des produits de volaille. Peut-être que je ne devrais pas parler de statu quo, mais nous avons besoin de l'équilibre. Nous avons besoin de commerces équitables pour les importateurs et les exportateurs.

Phil Boyd, directeur exécutif, Éleveurs de dindon du Canada : J'ai quelques points à faire valoir. Comme Robin a dit, il est question d'équilibrage pour ce qui est du marché intérieur. Dans le secteur du dindon, comme Bill a souligné dans ses observations liminaires, notre marché, comme celui des États-Unis, est principalement axé sur la viande blanche. Au bout du compte, nous exportons des découpes comme les dos, les cous et peut-être quelques ailes de dindon. Il n'y a pas de forte demande pour cela au Canada. Ils sont exportés. Il s'agit de l'équilibre dans le marché intérieur, dont Bill et Robin ont tous les deux parlé.

Pour vous donner du contexte, dans notre secteur, quand Robin parle d'exportations et d'importations importantes, les derniers chiffres que j'ai vus pour ce qui est de nos exportations à l'extérieur du pays représentent à peu près 1 p. 100 ou moins du commerce mondial en viande de dindon. Ce n'est pas un chiffre important au sens mondial, mais cela n'enlève rien à l'importance du commerce dans le marché intérieur.

Pour ce qui est de la valeur, la valeur de nos importations dépasse celle de nos exportations par environ 15 à 20 p. 100, si je ne me trompe pas. Nous sommes un importateur net pour ce qui est de la valeur puisque nous consommons des coupes de qualité supérieure telle que la viande blanche, qui a une valeur plus élevée sur le marché que les dos, les cous et ce type de découpes.

J'aimerais souligner le point soulevé par Robin, à savoir que le gouvernement a négocié environ 40 ententes de libre-échange ou de libéralisation des échanges tout en gardant les principes fondamentaux de la gestion de l'offre. Ceci permet au système de continuer de fonctionner comme il est censé le faire en gardant cet équilibre important. Par ailleurs, ce système n'empêche pas l'accès d'autres produits agricoles et agroalimentaires canadiens partout dans le monde. Les chiffres le démontrent. On revient encore une fois aux tactiques de négociation commerciale utilisées par le gouvernement au cours des dernières années, qui semblent bien fonctionner, comme l'a dit M. Horel.

Je voudrais en terminant parler de l'investissement dans nos secteurs, puisque ceux qui sont contre la gestion de l'offre disent parfois que le système nuit aux investissements. Comme vous l'avez entendu, de nouvelles usines de transformation de poulet et de dindon ont été construites sur la côte Est au cours des cinq dernières années. Il y a eu des investissements importants dans le secteur du dindon pour mettre sur pied des couvoirs, et nous savons que des sommes additionnelles sont investies dans d'autres régions du pays. On investit donc dans les fermes. Un sondage récent a démontré qu'à peu près la moitié de nos producteurs prévoient faire d'autres investissements dans leurs opérations dans le court terme et les intentions restent les mêmes en aval.

M. Mailloux : Phil a raison concernant les investissements. Les programmes de salubrité des aliments à la ferme et notre programme de soins des troupeaux font en sorte que les agriculteurs, dont moi, continuent à faire des investissements pour mettre à niveau les installations dans lesquelles nous gardons nos troupeaux, tant à l'intérieur des poulaillers qu'à l'extérieur. Ces investissements sont continus pour nous assurer d'être conformes avec ces programmes.

[Français]

Le sénateur Maltais : Je vous souhaite la bienvenue, messieurs. Le poulet recyclé sert uniquement à la transformation. Pourquoi le Canada est-il un si grand importateur de poulet recyclé en provenance des États-Unis? Est-ce parce que notre production ne suffit pas?

[Traduction]

M. Horel : Merci pour cette question. Il y a plusieurs raisons à cela.

La première, c'est que nous avons une entente commerciale négociée, l'ALENA, qui stipule que nous devons importer un certain volume de produits. Quel que soit le produit, il sera importé par cette voie.

Cependant, il existe des programmes au Canada. J'ai parlé des 140 millions de kilogrammes — 140 ou 170, je ne m'en souviens plus — de produits importés. Une grande partie de ce produit est importée et transformée à nouveau au Canada, pour ensuite être exportée à nouveau — on passe donc de l'importation à la réexportation. Donc, je ne crois pas qu'on devrait parler de l'importation de produits recyclés. Nous effectuons une grande partie de ce recyclage et de cette surtransformation. Il existe un secteur de produits surtransformés petit, comme l'est notre pays, mais dynamique et nous effectuons une grande partie de cette surtransformation ici au Canada. En effet, la grande majorité des importations de poulet sont des produits crus de première transformation que nous utilisons pour créer des produits surtransformés — je dirais qu'on parle ici de 90 p. 100. Une très faible proportion du poulet que nous importons est vendue tel quel; ces produits sont transformés à nouveau au Canada.

[Français]

Le sénateur Maltais : Monsieur Mailloux, il existe une tradition aux États-Unis qui veut que le président gracie une dinde le jour de l'Action de grâces. Ne pourrait-on pas faire de même au Canada la veille de Noël pour démontrer que nous adorons la viande de la dinde, mais que, par un geste symbolique, nous la protégeons et nous en sauvons une pour l'année suivante? Avez-vous songé à instaurer cette tradition?

[Traduction]

M. Mailloux : Peut-être qu'on devrait l'instaurer. Je passe une partie de mon temps à essayer de convaincre les gens de manger de la dinde à longueur d'année, mais peut-être que le premier ministre pourrait nous aider.

M. Boyd : Pour célébrer notre secteur et rendre hommage aux Canadiens et aux Canadiennes, notre agence alloue depuis cinq ans 50 000 $, avec nos partenaires provinciaux et certains partenaires en aval, qui font des dons additionnels. Nous envoyons un montant de 55 000 à 60 000 $ par année à Banques alimentaires Canada avant l'Action de grâces. Banques alimentaires Canada effectue ensuite son bilan faim. Nous nous assurons que ces dons soient envoyés aux banques alimentaires dans les régions rurales partout au pays, dans toutes les provinces et les territoires, pour que les familles qui n'auraient pas pu obtenir de dinde pour leur célébration de l'Action de grâces puissent en avoir une grâce à leur banque alimentaire.

Nous faisons cela depuis cinq ans et nous prévoyons continuer. On estime qu'environ 6 000 Canadiens qui autrement n'auraient pas accès à une dinde peuvent en obtenir une pour l'Action de grâces. C'est de cette façon que nous célébrons notre produit de protéine. Selon ce que nous écrivent nos clients, c'est un programme très important et très bien reçu.

[Français]

Le sénateur Maltais : Je regrette. Ce que vous faites est très bien, et je vous en félicite, mais c'est le geste. Je ne crois pas que cela empêcherait les Canadiens de manger de la dinde à Noël. Loin de là. Il s'agit d'une tradition. On apprécie cette volaille à Noël. Ce geste symbolique ferait connaître les éleveurs de dindon à travers tout le Canada, et cela démontrerait aussi qu'on ne fait pas que transformer la bête, et que, par le geste posé, on veut la protéger et l'utiliser à bon escient pendant les fêtes et le reste de l'année. C'est un geste symbolique qui a deux volets, et je crois qu'il vaudrait la peine que vous l'examiniez de près.

Le président : Je vous remercie de votre commentaire, sénateur Maltais.

M. Boyd : Bonne idée, monsieur!

[Traduction]

La sénatrice Merchant : C'est ce que le sénateur Maltais voulait entendre, bonne idée.

J'ai deux questions différentes. L'une porte sur la traçabilité. Croyez-vous qu'on aurait besoin d'un système de traçabilité pour renforcer notre concurrence sur les marchés internationaux?

M. Horel : Premièrement, il existe déjà des systèmes de traçabilité. Comme vous l'avez sûrement entendu durant ma présentation et en lisant mon mémoire, l'organisme que je représente œuvre dans le domaine de quatre produits de base : le poulet, le dindon, les œufs et les couvoirs, c'est-à-dire l'éclosion des œufs. La traçabilité varie de système en système, mais elle existe pour ce qui est de ces quatre régimes.

Dans le cas d'un rappel de poulet, on peut retracer les installations desquelles nous proviennent certains troupeaux et cela ne prend qu'une demi-journée. Dans le cas de dindon, la situation est semblable; cela nous prendrait peut-être un jour. Nous savons donc combien de troupeaux nous avons obtenus dans la journée. La situation est semblable pour ce qui est des œufs, mais nous travaillons avec les producteurs d'œufs pour voir si on peut faire étamper et retracer chaque œuf individuellement. Cependant, il y a le problème de rentabilité. Mais la traçabilité est là.

Durant ma présentation, j'ai fait valoir que notre système de gestion de l'offre facilite beaucoup la traçabilité. Nous savons où se trouvent tous les agriculteurs ainsi que les lieux de production. Tous les systèmes de salubrité des aliments sont là, de la ferme jusqu'aux usines de transformation et même plus loin. Nous avons un système de traçabilité.

M. Mailloux : Cela a toujours été ma bête noire. Je vais vous parler de ce que je dois faire sur ma ferme. J'ai un gros cartable où je garde des registres quotidiens sur certaines questions. Je dois indiquer que j'ai un générateur qui marche et je dois effectuer des tests mensuels. Je dois aussi effectuer des analyses d'eau et toutes sortes d'autres choses. Nous gardons un registre de tout cela, et il est à la disposition des vérificateurs qui viennent à la ferme. En fait, je viens juste de les recevoir il y a quelques jours. Toutes ces démarches sont obligatoires.

Votre question me ramène à ma bête noire, nous effectuons toutes ces démarches, mais personne ne le sait. Nous gardons des registres et les vérificateurs nous surveillent. Ils font leurs vérifications de nos papiers et de nos installations, tout cela. C'est clair, si vous me posez la question, que nous n'en parlons pas assez. Peut-être que c'est de notre faute, mais je ne sais comment mieux faire.

M. Horel : Ce que Bill vient de dire me fait penser à autre chose. Je ne veux pas trop m'éloigner de votre question sur la traçabilité, mais collectivement, notre secteur a déclaré que la salubrité des aliments et le bien-être animal, dont je vous parlerai plus tard, sont des éléments non concurrentiels. Nous l'avons fait délibérément et je crois que c'est la bonne chose à faire. Nous ne faisons pas de publicité sur la salubrité de nos aliments ou sur la plus grande salubrité d'un produit par rapport à l'autre.

Du côté du bien-être animal, on ne dit pas qu'un produit tient plus compte du bien-être animal qu'un autre. Nous croyons que ce sont des enjeux de base. Dans l'industrie canadienne, les consommateurs s'attendent à ce que les aliments soient salubres. Ils s'attendent également à ce que le bien-être animal soit respecté. Nous n'allons pas commencer à mettre sur nos produits toutes sortes d'étiquettes qui ne feraient que confondre les gens et mener les autres fournisseurs à faire de même. On ne se vante peut-être pas assez de nos bons coups; je ne suis pas certain. Nous croyons que ces éléments sont non concurrentiels et qu'il s'agit d'enjeux de base.

La sénatrice Merchant : Aujourd'hui, on entend tellement parler des cas qui posent problème dans les fermes. Récemment, on a vu à la télévision toutes sortes d'images répugnantes d'animaux qui n'allaient pas bien. Vous pensez peut-être que les consommateurs ont certaines attentes, mais vous allez peut-être devoir chanter vos propres louanges pour compenser. Bien sûr, c'est à vous de décider. Vous connaissez votre métier.

Certains des intervenants qui ont comparu devant le comité ont parlé de pénurie de main-d'œuvre qualifiée. Êtes-vous dans cette situation? Je pense à la Saskatchewan en particulier, où le secteur pétrolier demande beaucoup de main-d'œuvre qualifiée. Les travailleurs se dirigent parfois vers ces emplois mieux rémunérés.

M. Horel : Nous connaissons ce problème. Il semble être régional, ou du moins il présente une composante régionale. Deux secteurs de nos entreprises en souffrent. Dans une certaine mesure, la situation est moins pire que celle du secteur bovin et porcin. Nous connaissons une pénurie dans certaines de nos usines de l'Ouest, mais pas au même point que nos collègues au Conseil des viandes du Canada.

On connaît aussi ce problème dans le lien entre nous et les agriculteurs — ce qu'on appelle les équipes de capture de volaille. Ces équipes font un travail difficile tout au long de l'année. Elles vont de ferme en ferme pour ramasser les poulets et les mettre dans des camions. Ces camions sont ensuite envoyés aux usines de transformation. Il y a une grave pénurie de main-d'œuvre dans ce domaine. Dépendamment de la région, il se peut que plus de la moitié de ces équipes soient composées de travailleurs étrangers temporaires. Nous avons reçu, non pas une exemption, mais plutôt une décision de la part d'Emploi et Développement social Canada qui nous permet de continuer à employer ces équipes composées en grande partie de travailleurs étrangers temporaires. Il nous faut bien sûr verser un juste salaire et fournir le logement et ainsi de suite, ce qui est logique. Cependant, nous ne sommes pas assujettis au plafond de 10 p. 100, qui aurait mené à la faillite de cette partie du secteur.

La sénatrice Unger : Ma question supplémentaire sur la traçabilité est pour M. Mailloux. À quelle fréquence les vérifications sont-elles effectuées? Que se passe-t-il dans le cas d'épidémies, comme on voit présentement en Colombie-Britannique? Que se passe-t-il à votre ferme, le cas échéant?

M. Mailloux : Les vérifications sont effectuées une fois par année, si je ne me trompe pas. Il y a des vérifications partielles et ensuite supplémentaires, suivies de vérifications complètes de toutes nos installations l'année d'après. Je me corrigerai si je me trompe, mais nous avons chaque année des comptes à rendre, que ce soit au niveau de la paperasse ou des vérifications complètes.

Si nous échouons à une vérification et n'apportons pas de correction à la ferme — et ceci est en Ontario, et je pense que ça devient un peu plus courant partout au pays — notre quota sera réduit. Il y a une sanction si on ne respecte pas les règles.

M. Horel : Vous avez donné la grippe aviaire comme exemple, pour la raison évidente qu'elle est d'actualité. Pour assurer l'efficacité des tests pour la grippe aviaire, le Canada a une approche à plusieurs volets. Nous avons la surveillance passive, qui veut dire que si Bill ou tout autre éleveur remarque quelque chose comme une augmentation de la mortalité dans leurs granges, ils parlent à leur vétérinaire et ces oiseaux se font maintenant tester systématiquement. Mais c'est passif, en réaction à quelque chose.

Nous avons la surveillance active continue. Nous avons la surveillance des oiseaux sauvages. Nous avons la surveillance continue pour tous les troupeaux des principales entreprises d'élevage au Canada. Nous avons la surveillance par l'entremise de ce que nous appelons le préabattage. Mes membres informent l'ACIA de l'arrivée des volailles sur le marché. Avant cette date, l'ACIA les teste sur une base aléatoire. Les tests pour la grippe aviaire sont effectués en permanence, en plus du programme de salubrité des aliments dont parle Bill.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci à nos invités. Je vais avoir deux questions à vous poser.

Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais la semaine dernière, à Radio-Canada, il y a eu un reportage sur les chaînes d'alimentation. Supposons que vous avez un produit de volaille qui est emballé, il y a une date de péremption sur l'emballage. Or, pour éviter de subir des pertes, les franchisés et, parfois, les grosses chaînes d'alimentation — je pense que vous êtes au courant — refont l'emballage et changent la date de péremption afin de la prolonger d'environ quatre à cinq jours. Évidemment, cela peut nuire à votre marché, parce que cela peut créer un climat d'insécurité chez la clientèle. Est-ce que vos organisations ont pensé à intervenir auprès de ces chaînes d'alimentation afin de bien les avertir, parce que cela peut créer un sérieux problème de consommation? On sait que, parfois, ce sont les franchisés qui prennent l'initiative.

[Traduction]

M. Horel : Merci pour la question. Oui, j'ai certainement remarqué le rapport.

Le conseil, l'organisation et les membres ont absolument parlé à leurs clients. Moi je ne l'ai pas fait. Je ne l'ai pas fait en leur nom. Mes membres ont parlé individuellement aux clients, y compris ceux qui étaient concernés, et cetera. Donc oui, il y a eu des efforts de sensibilisation.

Je pense que vous avez tout à fait raison. Nous devons prendre au sérieux tout ce qui porte atteinte à la confiance des consommateurs, et c'est comme ça que nous fonctionnons. Je pense que vous avez aussi raison de dire qu'il incombe au détaillant d'assurer que les pratiques sont bonnes.

Le président : Monsieur Boyd, voulez-vous faire un commentaire?

M. Boyd : J'aimerais faire des commentaires sur la question précédente, au sujet de l'épidémie et de la traçabilité.

Le président : Faites vos commentaires, s'il vous plaît.

M. Boyd : Je voulais juste noter que ce sont deux questions distinctes.

Chez les Éleveurs de dindon du Canada, nous avons deux programmes. L'un s'appelle le Programme de salubrité des aliments à la ferme, qui assure que lorsque les volailles partent, elles ne vont pas contribuer à une maladie d'origine alimentaire. Nous réduisons les risques de cela grâce à un programme. Comme Bill l'a indiqué, il fait l'objet d'une vérification.

Deuxièmement, nous avons le Programme de soins des troupeaux, qui fait aussi l'objet d'une vérification. Il traite du bien-être des animaux et du poids qu'accordent notre organisation et nos producteurs à tout cet ensemble de questions.

Aujourd'hui, environ 99 p. 100 de nos éleveurs ont la certification du Programme de salubrité des aliments à la ferme et 75 p. 100 ont la certification du Programme de soins des troupeaux. Dans toutes les provinces, les deux programmes seront obligatoires à un certain point en 2015.

En ce qui a trait à la traçabilité, par exemple dans l'éruption qu'a mentionnée la sénatrice Unger et à laquelle Robin a fait allusion, si un problème est identifié, les offices de commercialisation locaux de la province — donc dans le cas de Bill, l'Ontario — auraient en quelques heures une carte des exploitations avicoles de la région. Ils sauraient combien de volailles a cette exploitation et dans chaque grange et l'âge de ces volailles, qui est très important à savoir pour l'endiguement. Une fois tout cela établi, on peut prendre des décisions de dépopulation très rapidement et endiguer l'éruption.

Dans le cas qui nous occupe, la carte a été créée en quelques heures après l'avis d'infection de grippe aviaire, et on se concentre sur ce qui se trouve dans cette région et sur les moyens d'augmenter immédiatement la biosécurité pour limiter les déplacements et assurer que la propagation est réduite. C'est la preuve de l'efficacité du système de traçabilité pour ce genre de situation.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Je suis certain que vous êtes au courant que l'Australie et la Nouvelle-Zélande ont déréglementé leur secteur de production lié à la gestion de l'offre. Cela a permis aux consommateurs de bénéficier de prix plus abordables.

Comment percevez-vous ces modèles australien et néo-zélandais?

[Traduction]

M. Boyd : C'est une question qu'on pose souvent et nous sommes heureux que vous l'ayez posée. Je ne parle pas du point de vue de l'industrie du dindon spécifiquement pour ces cas.

Premièrement, dans le cas de l'Australie, il est intéressant de noter que suite à la déréglementation, le prix à la ferme du lait a baissé et son prix au détail a augmenté. C'est paradoxal, mais l'argument selon lequel la gestion de l'offre contribue à des prix plus élevés pour les consommateurs ne tient pas. Nous n'y croyons pas, car la prémisse est fausse, selon nous.

Comme nous l'avons déjà expliqué, les prix à la consommation sont déterminés par la stratégie des vendeurs. C'est pourquoi on voit, comme l'a dit Bill, que le prix de la dinde diffère, non seulement d'une région à l'autre, mais aussi d'un magasin à l'autre dans la même région, en fonction de la stratégie du marchand.

Pour ce qui est de l'accès au marché de la Nouvelle-Zélande, ce pays n'offre pas beaucoup aux exportateurs canadiens. C'est un petit marché, loin d'ici, et il y a une faible population. Chasser l'accès au marché de la Nouvelle-Zélande est vraiment sans conséquence. Il n'y a aucun bénéfice que nous avons pu identifier.

Ce sont des exportateurs de produits laitiers, comme vous le savez bien. Vous avez eu comme témoins Les producteurs laitiers du Canada et des transformateurs laitiers et vous comprenez cette dynamique. Si je me souviens bien, corrigez-moi si je me trompe, 90 p. 100 du lait produit en Nouvelle-Zélande est essentiellement contrôlé par Fonterra, la grande entité d'exportation de la Nouvelle-Zélande.

Le deuxième aspect très intéressant, c'est qu'en vertu des règles de l'OMC, la Nouvelle-Zélande a aussi un accès garanti au marché européen pour certains produits laitiers puisqu'ils ont un CT spécifique à un pays. Selon nous, c'est une chose de dire vouloir plus d'accès et une concurrence plus ouverte, mais si une nation a un CT spécifique à un pays pour un marché riche comme l'Union européenne, il n'y a pas vraiment de concurrence pour ce niveau d'accès. Je ne veux pas manquer de respect envers nos amis de l'Australie ou de la Nouvelle-Zélande, mais à un certain niveau les paroles sont vides. Mais pour les adversaires, pour les gens qui sont idéologiquement opposés à la gestion de l'offre, c'est une preuve anecdotique excellente. Nous croyons que c'est plutôt creux.

Le sénateur Enverga : Merci pour vos présentations.

J'examinais les détails concernant notre capacité d'importation et d'exportation et la gestion de l'offre. Serait-il possible d'augmenter le quota de votre production pour que nous n'ayons pas besoin d'importer autant? Avons-nous la capacité, ou est-ce que ce serait rentable?

M. Boyd : Pour ce qui est de l'accès à l'importation, selon les règles de l'Organisation mondiale du commerce, nous devons offrir un minimum d'accès au marché canadien de la dinde. C'est établi. C'est le résultat de négociations. Dans notre cas, c'est environ 5 millions de kilogrammes. C'est proportionnel. Alors que notre production augmente, ce chiffre va commencer à augmenter aussi. C'est une proportion donnée de notre offre. Ce nombre de millions de kilogrammes est une proportion donnée de notre offre, donc augmenter le quota pour régler cela serait sans conséquence. Il ne serait pas utile de faire cela.

Pour ce qui est de l'augmentation des contingents, il y a eu des augmentations dans le secteur de la surtransformation, car les goûts et les préférences des Canadiens changent avec le temps. Conséquemment, nos contingents représentent la partie principale de l'approvisionnement global. L'accès garanti au marché ne fait qu'ajouter au tout. Nous établissons nos niveaux de contingents en fonction de la demande intérieure pour une année donnée.

Le sénateur Enverga : Mais avec l'accès à de nouveaux marchés, sera-t-il nécessaire d'augmenter les contingents ou est-ce que le niveau d'approvisionnement comblera la demande, ou seulement la capacité dont vous disposez?

M. Boyd : Nous allons nous concentrer sur la demande accrue du marché intérieur; ainsi, nous aurons la capacité d'augmenter notre approvisionnement pour respecter ces exigences.

Comme je l'ai dit auparavant dans d'autres présentations, nous visons surtout le marché intérieur. Pour nous, le commerce international nous permet d'équilibrer notre approvisionnement afin de combler la demande des consommateurs canadiens auprès des agriculteurs canadiens et des usines de transformation.

M. Horel : De plus, la même situation prévaut pour les quatre produits de la volaille. Phil parle au nom du secteur de la dinde, mais pour les quatre produits de la volaille, nous devons respecter les exigences en vertu de l'OMC et de l'ALENA, dépendamment de la situation. Nous avons pris des engagements et nous devons les respecter, ce que nous faisons.

Je suis membre d'une organisation qui s'appelle le Conseil international des volailles, et qui est composée de gens comme moi provenant de 25 grands pays producteurs de volaille. Parfois, ils me regardent comme si j'étais une côtelette d'agneau ou une dinde prête à être mangée. Ils aimeraient avoir un plus grand accès. Cela dit, par contre, tous, y compris les Brésiliens et les Américains, disent que leur relation d'affaires avec le Canada — ils exportent et nous importons — est la plus facile de toutes. Il n'y a pas beaucoup de paperasse. Certes, on parle d'un volume limité, mais au bout du compte, ce n'est qu'une transaction d'affaires. Je trouve un client au Canada qui a le droit d'importer. Il importe. Il paie la note. Je me fais payer. Ce n'est pas compliqué.

La gestion de l'offre, et je sais que vous le savez déjà, est basée sur trois piliers. Les agriculteurs établissent le prix à la ferme pour les produits de la volaille, y compris la dinde. Évidemment, il y a des seuils de tarif et la limitation de l'accès. Mais le troisième pilier, c'est la responsabilité, et nous essayons d'aider à établir le bon seuil de production pour le marché canadien. Voilà comment fonctionne le système et voilà ce que nous faisons.

Le sénateur Enverga : Monsieur Horel, vous avez mentionné que les transformateurs des produits de la volaille, les classificateurs d'œufs et les incubateurs ne seraient pas compétitifs si on ouvrait le marché canadien sans pour autant changer de fond en comble la structure du système. Pouvez-vous nous en dire davantage, qu'est-ce qu'on devrait faire?

M. Horel : Mis à part l'argument de Phil que j'appuie entièrement, le prix à la consommation n'est pas établi en fonction du prix à la ferme, ou des prix à la ferme au Canada — je vous expliquerai ce que cela veut dire — ces prix sont plus élevés que les prix à la ferme pour les produits destinés à l'exportation. La différence s'explique par le fait que notre système est structuré différemment. Si nous comparons le poulet du Canada avec celui des États-Unis, par exemple, celui du Canada est produit par environ 2 000 agriculteurs à l'échelle du pays. Ils contribuent à l'économie locale de leur région. Ce sont des entrepreneurs indépendants. Mes membres achètent le poulet de ces agriculteurs au prix établi par ces mêmes agriculteurs, et ce, en fonction des trois piliers.

Aux États-Unis, les exploitations agricoles sont exploitées par des personnes individuelles, mais la volaille, elle, appartient à la compagnie, l'alimentation pour les animaux appartient à la compagnie, et l'entreprise est gérée par la compagnie. L'agriculteur fournit une installation et sa main-d'œuvre. Donc, il n'y a pas de soi-disant prix de gros ou à la ferme pour le poulet aux États-Unis, car la volaille appartient à la compagnie qui prend cette volaille de l'exploitation avec laquelle elle a un contrat.

La nature intégrée de leur système par rapport à la nature non intégrée du système canadien fait en sorte que nous devrions harmoniser les deux systèmes. Si la frontière devait être ouverte dès demain, mes membres ne pourraient pas livrer concurrence. J'espère que cela répond à votre question, car nous pourrions en parler pendant des heures.

Le sénateur Oh : Ma question s'adresse à M. Boyd. Au Canada, établit-on des normes minimums de distance entre les fermes afin de contenir les épidémies?

M. Boyd : Il n'y a aucun contrôle sur la distance entre les fermes. Il y a peut-être un règlement provincial ou municipal qui contrôle où l'on peut construire des granges l'une par rapport à l'autre, mais il n'existe rien de tel au niveau national.

Dans certaines parties du pays, il est tout à fait sensé de situer des installations avicoles proches des installations de traitement. Dans la vallée de l'Annapolis en Nouvelle-Écosse, je pense que la plus grande distance entre une installation avicole et l'installation de traitement la plus proche serait de deux heures. Notre président vient de la Nouvelle-Écosse, et il vit d'ailleurs dans la vallée de l'Annapolis. Je crois qu'il envoie ses volatiles à 20 minutes de chez lui depuis qu'une nouvelle installation de transformation a été construite il y a 12 ou 18 mois. Je pense que maintenant, il y a de nouveaux règlements locaux encadrant la construction.

M. Horel : Je ne dis pas que le système est meilleur au Canada du simple fait de l'existence de la gestion de l'offre. Toutefois, il est vrai qu'aux États-Unis et au Brésil, ils ont des complexes abritant des millions de volatiles de toutes les espèces, des poulets, des dindons, des volailles pondeuses. Toutes ces installations se trouvent très proche les unes des autres, ce qui est très économique. On normalise la production, les installations sont très proches l'une de l'autre, les coûts sont réduits, mais il y a des désavantages par ailleurs.

Au Canada, on trouve de la production de poulet dans toutes les provinces. Nous avons nous-mêmes des membres dans chaque province canadienne. On n'a pas fait exprès pour éparpiller les installations afin de réduire le risque, car ce ne serait pas vrai. C'est tout simplement une fonction de l'évolution naturelle du secteur. Le hasard veut que nos systèmes de production soient bien moins concentrés et intégrés que dans d'autres pays.

Le sénateur Oh : Vous avez dit que vous vendez beaucoup de viande blanche de dindon au Canada. Que faites-vous de la viande brune?

M. Horel : Plusieurs choses. Nous menons actuellement des activités de commercialisation et de recherche sur de nouveaux produits pouvant être faits à base de viande brune. Par ailleurs, on trouve une plus grande proportion de viande brune dans les restaurants et dans les magasins que par le passé. Par ailleurs, le dindon haché est souvent fait à base de viande brune. Nous travaillons actuellement à la création d'autres produits transformés à base de viande brune. Mais en fin de compte, l'Amérique du Nord préfère toujours la viande blanche, et il faut s'y résigner. Bien entendu, nous essayons de faire mousser les ventes de produits à base de viande brune, mais, en attendant, afin de rééquilibrer les marchés, nous exportons une grande quantité de chutes, c'est-à-dire de viandes brunes comme les cuisses et les ailes.

Le sénateur Oh : Et où les exportez-vous?

M. Horel : À divers pays, mais les États-Unis sont notre principale destination.

M. Boyd : Nous avons constaté, au fur et à mesure de l'évolution de la population canadienne à cause de l'immigration, que la demande pour la viande brune est à la hausse. Les immigrants viennent de parties du monde où l'on préfère la viande brune, et on commence à constater ce virage dans le marché. Les cuisses désossées sont une excellente source de protéines et sont succulentes en plus. Nous n'exportons donc plus les cuisses. Nous avons cessé de les exporter il y a environ cinq ou sept ans, au moment où la demande au Canada est devenue suffisante.

En 2008, alors que nous étions en récession, les Canadiens ont continué à acheter de la dinde, mais ils trouvaient que la viande brune était meilleur marché que la viande blanche, ce qui s'est traduit par une augmentation marquée de la consommation de viande brune. C'est ce que l'on voit avec les dos, les cous et d'autres coupes; pour la viande musculaire pure, ce n'est plus comme avant.

La sénatrice Beyak : Messieurs, ce furent d'excellents exposés. Vous avez répondu à la plupart de mes questions sur la salubrité alimentaire.

Pour le bénéfice des téléspectateurs, pourriez-vous nous dire si les dernières recherches scientifiques nous ont permis d'en savoir plus sur l'apparition de ces virus et les moyens de les éliminer?

M. Mailloux : Je vais céder la parole à Phil. Nous dépensons bel et bien beaucoup d'argent sur la recherche.

M. Boyd : Le Conseil de recherches avicoles du Canada a comparu devant ce comité il n'y a pas très longtemps. Je crois que c'était au cours des 12 derniers mois. Le conseil avait fait un survol de la recherche sur la volaille au Canada.

En ce qui nous concerne, nous avons, comme vous pouvez l'imaginer, un large éventail de priorités pour la recherche. La priorité absolue, c'est la recherche sur le bien-être des animaux, qui est très importante. La biosécurité revêt également une grande importance.

C'est difficile d'éviter les microbes, c'est pourquoi nous nous employons à atténuer les risques qu'un virus ou une bactérie ne se propage dans les populations avicoles. Nous cernons les mesures que nous pouvons prendre dans les fermes pour atténuer les risques d'une éclosion. Des problèmes peuvent toutefois survenir, comme nous en connaissons en ce moment. Cela s'est produit à quelques reprises depuis 2004.

C'est surtout une question de biosécurité, ce qui est en fait une question d'environnement d'élevage. La recherche se poursuit dans ces domaines pour atténuer les risques d'une éclosion d'envergure.

Le président : J'aurais une brève question à vous poser. Vous pouvez y répondre de vive voix ou par écrit. Le marquage du pays d'origine touche-t-il ou touchera-t-il votre secteur?

M. Horel : Je vous répondrai volontiers par écrit, mais spontanément je pourrais en recenser quelques effets. Le Canada a envoyé aux États-Unis une liste de produits qui pourraient être mobilisés en guise de rétorsion. La volaille figure sur cette liste. On peut certainement s'attendre à ce qu'il y ait des conséquences.

Sur l'étiquetage du pays d'origine, mon organisation appuie assurément la position du gouvernement. C'est une question qui touche davantage le secteur de la viande rouge, mais nous appuyons certainement nos collègues de ce secteur également. La réaction des Américains n'a pas du tout sa raison d'être.

Le président : Si vous avez d'autres éléments d'information, nous vous saurions gré de les transmettre par écrit au greffier.

Je remercie sincèrement tous les témoins.

M. Mailloux : J'aimerais vous remercier de nous avoir invités. Nous en sommes reconnaissants.

Le président : Si vous souhaitez nous envoyer un complément d'information, je vous prie de ne pas hésiter à nous écrire. Merci.

Honorables sénateurs, nous accueillons maintenant le second panel de témoins. Nous vous remercions d'avoir accepté notre invitation. Le greffier me dit que M. Kuhl souhaite faire un exposé, puis nous passerons aux questions.

Monsieur Kuhl, vous avez la parole.

Keith Kuhl, président, Conseil canadien de l'horticulture : Merci beaucoup. Comme vous l'avez indiqué, je m'appelle Keith Kuhl. Je suis un cultivateur de pommes de terre du Manitoba et le président du Conseil canadien de l'horticulture, que nous désignerons dans notre exposé par son acronyme, le CCH.

Monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de m'avoir invité à comparaître dans le cadre de cet ordre de renvoi sur les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux.

Le Conseil canadien de l'horticulture représente des producteurs des quatre coins du pays. Ses membres, qui comptent tant des organisations provinciales et nationales de produits horticoles, des organisations associées, des organismes de services et des gouvernements provinciaux que de simples producteurs, s'adonnent pour la plupart à la production et à l'emballage de plus de 100 cultures de fruits et légumes. Le CCH défend les intérêts de ses membres dans divers domaines clés — production des cultures, accès à une main-d'œuvre agricole suffisante en tout temps, salubrité et traçabilité des aliments, accès équitable aux marchés, recherche et innovation et programmes gouvernementaux —, tout cela dans le but de garantir aux générations futures une industrie de l'horticulture plus novatrice, rentable et viable. Nous nous engageons à veiller à ce que des exploitations agricoles canadiennes vigoureuses continuent d'offrir aux familles du Canada et du monde entier des aliments sains et salubres.

Le secteur horticole a été un moteur de croissance économique, et on peut s'en servir comme tremplin pour la création d'emplois. C'est un secteur en croissance. Au cours des 25 dernières années, la contribution économique totale de la production horticole au Canada a doublé. L'horticulture est l'un des premiers secteurs de production agricole au Canada. Les ventes à la ferme, la transformation, la chaîne d'approvisionnement et les retombées financières afférentes contribuent plus de 11,4 milliards de dollars au PIB, selon un rapport récent du Conference Board du Canada intitulé More than a healthy habit : Accessing the economic contribution of Canada's produce industry.

L'horticulture joue un rôle essentiel dans la santé et le bien-être des Canadiens. La consommation quotidienne de fruits et légumes est reconnue comme un aspect essentiel de la santé publique. Les fruits et légumes revêtent des caractéristiques naturelles qui nous aident à nous protéger des maladies. Ce secteur contribue à la sécurité alimentaire du Canada et à la santé de la population. Il est également bien placé pour permettre aux consommateurs au-delà de nos frontières de profiter de ces qualités. Nous encourageons vivement le Canada à adopter une politique nutritionnelle nationale sur les fruits et légumes. Le Canada est le seul membre du G7 à ne pas avoir une telle politique.

Concernant l'étude que vous avez entreprise, je suis heureux de vous présenter les éléments d'information suivants.

Les priorités de notre secteur sont les mêmes depuis nombre d'années : la protection financière des vendeurs de produits afin qu'ils jouissent d'une parité concurrentielle avec leurs collègues et concurrents des États-Unis par l'intermédiaire de la U.S. Perishable Agricultural Commodities Act, appelée souvent la PACA; l'accès au marché; la normalisation du niveau maximal des résidus et de questions sanitaires et phytosanitaires qui pourraient entraver le commerce; les espèces exotiques envahissantes; la salubrité alimentaire et la traçabilité. Ce sont des questions importantes pour le secteur horticole. Nous avons fait des efforts considérables dans ces domaines, mais comme c'est souvent le cas, il peut être difficile de mesure les progrès réalisés.

L'accord relatif au Conseil de coopération Canada-États-Unis en matière de réglementation — également appelé le CCR — a été l'occasion idéale de faire avancer les enjeux commerciaux horticoles canadiens à la fois auprès du gouvernement canadien et du gouvernement américain. Pour le secteur horticole, c'est une priorité absolue — cela se fait sentir depuis longtemps — qu'on établisse un mécanisme comme la PACA au Canada pour traiter l'atténuation des risques financiers dans la vente de fruits et légumes frais. Les États-Unis ont récemment retiré au Canada son statut préférentiel, ce qui nuira considérablement au secteur horticole et montre que le Canada ne tient pas les engagements qui ont été envisagés dans le cadre du CCR.

Des progrès ont été faits dans le domaine des systèmes d'octroi de licences unifiées pour les fruits et légumes frais, ce qui cadrait avec la vision à long terme du secteur horticole quand le mécanisme de résolution des différends a été mis sur pied. Le passage par l'ACIA à l'agrément unique pour les vendeurs de produits, accompagné d'une adhésion obligatoire au mécanisme de résolution des différends, profitera grandement au secteur des fruits et légumes. Grâce à cette réforme, nous aurons les outils dont nous avons besoin pour traiter avec ceux qui tardent à payer ou qui ne paient pas.

Le dernier élément, et le plus important, c'est qu'on soit payé malgré l'insolvabilité des acheteurs. Il faut trouver une façon d'y arriver. C'est simplement inadmissible que les producteurs et expéditeurs de fruits et légumes canadiens n'aient pas les mêmes recours que leurs homologues américains. De plus, toute tentative d'instaurer des exigences de sécurité sous la forme d'assurance, de cautionnement, et cetera; n'est pas acceptable non plus.

Pour nous et certainement pour nos concurrents et homologues américains, malgré la frustration et les profondes inquiétudes du secteur vis-à-vis de ce problème non résolu, nous aimerions reconnaître les efforts qui ont été faits par un grand nombre d'intervenants. Ils se sont mobilisés comme jamais auparavant et ils méritent nos remerciements collectifs pour leur persévérance et leur dévouement.

Récemment, le Canada a obtenu un accès à de nouveaux marchés, comme le marché chinois, pour ses cerises et ses bleuets. Il existe également des perspectives d'exportation de nos légumes de serre vers les pays d'Asie du Sud-Est. Les volumes sont relativement petits à présent, mais on a bon espoir de pouvoir les augmenter dans l'avenir. Ce sont des développements positifs, et nous avons hâte de trouver de nouveaux débouchés pour nos cultures. Pour trouver ces nouveaux débouchés, il faut une équipe dévouée à la cause et il est impératif de veiller à ce que toutes les ressources nécessaires soient en place.

Le Canada vient de conclure un accord commercial avec l'Europe et nous continuons de cheminer vers un Partenariat transpacifique. Il est souvent difficile pour le secteur horticole de trouver sa place dans de tels accords, qui sont surtout centrés sur d'autres secteurs, y compris d'autres secteurs agricoles. Nous allons continuer à participer aux discussions et à essayer de trouver des perspectives commerciales dans ces marchés.

Nous continuons à connaître certaines difficultés. Avant que nous puissions nous pencher sur de nouveaux marchés, dans bien des cas l'Agence canadienne d'inspection des aliments et l'Organisation de protection végétale du pays importateur doivent signer un accord phytosanitaire. Ces accords prévoient les exigences de santé végétale qui doivent être satisfaites pour que nous puissions y exporter nos fruits et légumes. Ces exigences phytosanitaires peuvent représenter des obstacles au commerce. Alors que l'ACIA subit des compressions budgétaires, ces exigences deviennent de plus en plus onéreuses. À titre d'exemple, les exportations de semences de pommes de terre vers le Mexique sont passées de plus de six millions en 2005-2006 à zéro en 2013-2014. Les exportateurs canadiens ne pouvaient plus supporter l'imprévisibilité des exigences d'importation de ce pays et les dépenses afférentes. J'en ai personnellement subi des pertes.

L'augmentation du nombre d'accords commerciaux et l'élargissement général des marchés d'exportation demandent une plus grande participation de l'ACIA auprès des producteurs horticoles. Pour que le Canada puisse profiter de ces accords, nos exigences sanitaires et phytosanitaires et celles des pays partenaires doivent s'aligner les unes sur les autres. De plus, et c'est peut-être encore plus important, une fois ces accords conclus, les producteurs canadiens ont besoin de l'assurance que les administrations étrangères se conforment aux exigences établies. Malheureusement, c'est rarement le cas.

On accorde souvent peu d'attention aux marchés existants, comme le marché américain, qui doit être maintenu et développé. Il ne faut jamais oublier que les États-Unis sont et seront probablement toujours notre plus grand partenaire commercial.

L'accès aux technologies : nos homologues américains peuvent se servir de certains produits pour protéger leurs cultures, produits qui sont interdits au Canada. Certains de ces produits sont aisément approuvés aux États-Unis, mais interdits au Canada. Si ces produits sont homologués au Canada, très souvent ils coûtent moins cher aux États-Unis, ce qui donne aux Américains une longueur d'avance sur nous.

Les horticulteurs canadiens sont extrêmement inquiets des réévaluations récentes publiées par l'ARLA proposant d'interdire dorénavant plusieurs pesticides employés depuis longtemps et qui sont essentiels à la gestion de la résistance aux parasites en horticulture. Il est à noter que cette décision va à l'encontre de celle prise récemment par l'EPA, aux États-Unis, de permettre l'usage continu de ces pesticides par les horticulteurs américains. Ce qui, du coup, creuse davantage le fossé de compétitivité entre nos deux pays.

Nos producteurs sont aussi désavantagés par le fait que les cultures horticoles produites au sud de la frontière ou ailleurs à l'aide de produits antiparasitaires non disponibles ou homologués au Canada peuvent être importées au Canada.

L'accès à une main-d'œuvre fiable et permanente : la main-d'œuvre est l'une des principales dépenses des producteurs, surtout en horticulture. Elle représente en moyenne plus de 33 p. 100 des coûts de production de la culture fruitière, 31 p. 100 de la production de légumes et près de 20 p. 100 de la production de pommes de terre. En comparaison, pour toutes les activités agricoles en moyenne au Canada, la main-d'œuvre représente 10 p. 100 des coûts. La main-d'œuvre est donc un important facteur de succès en horticulture.

Ce qui compte, pour les horticulteurs, c'est l'accès à une main-d'œuvre fiable. Comme nous avons pu le voir par le passé, les travailleurs étrangers sont indispensables parce que les Canadiens ne veulent pas ou ne peuvent pas répondre à la demande nationale, et on ne peut les y obliger. Le Programme actuel des travailleurs agricoles saisonniers est une réussite de longue date et mérite d'être maintenu.

On peut aussi compter sur le volet agricole du Programme des travailleurs étrangers temporaires en l'absence d'accord bilatéral avec un pays étranger. Dans le passé, comme vous le savez, le Programme des travailleurs étrangers temporaires a connu des difficultés et a subi des changements qui étaient bien intentionnés, mais qui ont influé sur le nombre de travailleurs étrangers agricoles. Ainsi, lors de la dernière saison de production au Québec, le manque de main-d'œuvre a entraîné des pertes de millions de dollars en fruits et légumes qui n'ont pas été récoltés.

Le Programme des travailleurs étrangers temporaires devrait tenir compte des besoins particuliers du secteur horticole. Citoyenneté et Immigration Canada devrait pouvoir compter sur les ressources nécessaires pour faciliter la délivrance des documents requis y compris des permis de travail aux règles plus souples aux termes desquelles un travailleur pourrait travailler dans plus d'une ferme pendant la courte saison de récolte au Canada.

Il est essentiel autant pour l'industrie que le gouvernement que les producteurs aient un accès facile, rapide et efficient à la main-d'œuvre étrangère et que le Canada reste une destination attrayante pour les travailleurs étrangers.

Nous passons maintenant à la diversité, à la salubrité et à la traçabilité des aliments. Le régime de salubrité des aliments du Canada est reconnu comme étant, sinon le meilleur, l'un des meilleurs au monde. Le Programme CanadaGAP, reconnu à l'échelle mondiale pour la salubrité des fruits et légumes frais produits au Canada est un exemple de collaboration canadienne couronné de succès. Nous devons nous assurer que les produits importés sont conformes aux normes qui s'appliquent aux commerçants au Canada.

En ce qui concerne la biosécurité, les producteurs de la FCA qui collaborent à l'élaboration de normes et de guides en matière de biosécurité à la ferme visant l'adoption de pratiques de gestion pour la prévention, le contrôle et le confinement des ravageurs et des maladies. Les normes de biosécurité pour les pommes de terre sont prêtes et celles pour les fruits, les noix, les serres, les pépinières et les fleurs sont en voie d'élaboration. Le Conseil canadien de l'horticulture travaille en partenariat avec la FCA et nos membres contribuent à ces initiatives.

Le Canada a une excellente réputation dans le monde grâce à la grande qualité de ses produits, qui sont en demande. Il y a des possibilités de croissance pour l'horticulture au Canada et à l'étranger.

La production au Canada est efficace, mais coûteuse. Quelques changements d'orientation pourraient accroître la rentabilité. L'accès rapide aux nouvelles technologies phytosanitaires et les coûts ont fait l'objet de beaucoup d'études et de discussions.

En juin 2014, le projet d'observation des intrants dans l'agriculture de l'Ontario, mené par l'Université de Guelph, a révélé que les prix de 30 pesticides comparables étaient plus élevés en Ontario que dans les États voisins des États-Unis. Pour 27 produits, la différence de prix allait de 0,4 à 280 p. 100. Par exemple, le fongicide Bravo, couramment utilisé en horticulture, coûtait 33,5 p. 100 de plus en Ontario. En comparaison, on payait 13 p. 100 de plus en Ontario pour le diesel.

En terminant, monsieur le président, le secteur horticole comprend de nombreuses fermes familiales dont les propriétaires continuent d'investir les profits dans l'entreprise. Ces efforts ont permis au Canada d'accroître ses ventes sur les marchés étrangers. Quand les coûts de production augmentent, toutefois, c'est la marge de profit du producteur qui en souffre, car il est difficile d'augmenter les prix. Nous devons aider nos producteurs à rester concurrentiels sur le marché mondial.

Merci beaucoup.

Le président : Très bien, monsieur Kuhl. Merci beaucoup.

La sénatrice Merchant : Je remercie nos deux invités. Vous avez évoqué la pénurie de main-d'œuvre agricole. Est-ce que le nouveau programme Entrée Express vous sera utile?

M. Kuhl : Vous parlez du programme qui a fait la manchette du Globe and Mail hier?

La sénatrice Merchant : Oui.

M. Kuhl : J'ai lu l'article avec grand intérêt, mais, si je ne m'abuse, ce programme s'adresse plutôt aux travailleurs hautement qualifiés. Nous estimons que ceux que nous recrutons sont très compétents, mais je doute qu'ils répondent aux critères du gouvernement pour les travailleurs hautement qualifiés.

Bon nombre de ces emplois sont ce que nous appelons du « travail accroupi ». Quand on cultive des choux-fleurs, des brocolis, des laitues, des choux, des melons ou des fraises, les travailleurs finissent par passer leurs journées accroupis. On a souvent suggéré que nous recrutions des Canadiens pour ces tâches, mais le gouvernement n'en a jamais fait une exigence. Notre seule autre solution est d'employer des travailleurs étrangers.

C'est une bonne situation pour ces travailleurs étrangers. Bon nombre d'entre eux reviennent chaque année. Ils ont un meilleur niveau de vie dans leur pays, leurs enfants vont à l'école et ont de bons soins de santé. Souvent, ces enfants vont jusqu'à l'université et deviennent des enseignants, des médecins et des leaders dans leur pays.

La sénatrice Merchant : La plupart de ces travailleurs viennent-ils des Amériques?

M. Kuhl : Ça dépend. Dans le cadre du programme de travailleurs agricoles saisonniers, il y a un accord bilatéral avec les pays des Antilles et le Mexique. Le programme des travailleurs étrangers temporaires ne comprend pas d'accord semblable et bon nombre des travailleurs viennent du Guatemala, du Honduras, des Philippines et d'ailleurs.

La sénatrice Merchant : Vous avez dit que le Canada devrait avoir une politique sur les bienfaits pour la santé — je crois que vous avez parlé d'un programme en matière de nutrition. Nous savons que les fruits et les légumes sont bons pour la santé, sont nutritifs et bons pour la ligne, mais ils coûtent cher. Tous n'ont pas les moyens d'acheter des fruits et des légumes. Moi, je vis dans l'Ouest du pays, en Saskatchewan, et la plupart des légumes vendus au supermarché ne proviennent pas du Canada, mais d'ailleurs. Et tous ces fruits et légumes sont uniformes, de même taille, presque parfaits. Ne pourrait-on pas vendre les fruits et légumes qui ne sont pas à la hauteur de ces normes de beauté, mais qui sont tout aussi nutritifs? Ils pourraient peut-être coûter moins cher. Je ne sais pas si c'est possible. Que faites-vous des tomates et concombres difformes?

M. Kuhl : Voilà une très bonne question. Je vais vous donner un exemple personnel. Comme je vous l'ai dit tantôt, je cultive les pommes de terre au Manitoba, et je suis donc votre voisin. Je vous assure que les pommes de terre que nous consommons au Canada proviennent d'ici même pendant presque toute l'année.

Au Manitoba, les entreprises agricoles ont conclu un accord de commercialisation coopérative. La commercialisation se fait par l'entremise d'une entreprise nommée Peak of the Market. Les cultivateurs fournissent un produit à Peak of the Market, qui sépare les produits que n'accepteraient pas nos clients tels que Loblaws, Safeway, Sobeys, et les fournit aux organisations telles que Winnipeg Harvest, d'autres programmes de banques alimentaires, et les soupes populaires à Winnipeg. C'est ainsi que nous fournissons la plupart des fruits et légumes frais dont ont besoin les banques alimentaires du Manitoba. Récemment, nous avons ouvert un centre de distribution à Calgary, où nous prendrons des mesures semblables. Cela n'est qu'un exemple parmi tant d'autres.

Si vous examiniez notre industrie, vous y trouveriez de nombreux exemples de mesures prises pour essayer d'assurer la distribution des produits alimentaires. D'ailleurs, je crois que les cultivateurs qui sont membres de l'Association des fruiticulteurs et des maraîchers de l'Ontario ont une initiative qui date de plusieurs années, visant à fournir des fruits et légumes frais dans le nord du Québec. Ils cherchent à s'établir en partenariat avec des gouvernements. Comme nous l'avons entendu aux nouvelles récemment, l'accès aux fruits et légumes frais pose un problème grave dans nos communautés nordiques. Nous savons que si ces communautés arrivaient à mieux se nourrir, nos coûts de soins de santé baisseraient dans ces mêmes communautés.

Voilà donc un incitatif énorme pour une collaboration entre le gouvernement et notre secteur afin d'assurer une consommation accrue de fruits et légumes frais au Canada. Nous sommes très enthousiasmés par cette idée. Nous poursuivons nos efforts auprès de Santé Canada et Agriculture et Agroalimentaire Canada là-dessus, pour les encourager à se lier en partenariat avec nous.

La sénatrice Merchant : Merci et bonne chance.

Le sénateur Ogilvie : J'ai deux questions au sujet des documents que nous avons reçus, qui ont été produits par le Conseil canadien de l'horticulture.

Monsieur Kuhl, la première question porte sur un point que vous avez soulevé, que je trouve extrêmement important : soit, la valeur des recettes monétaires agricoles qui déterminera la réussite des entreprises à long terme. Selon ce document, publié à l'automne 2013, la valeur des exportations de légumes en 2012 — et toutes mes questions porteront sur le légume tel que défini dans votre document — s'élevait à 3,16 milliards de dollars pour les 12 premiers pays exportateurs. Ce serait principalement cela. Je présume que cela serait considéré comme le prix de gros des légumes.

Pouvez-vous me dire ce qu'était la valeur de gros des légumes cette année-là dans le marché canadien, même la valeur approximative? Une façon rapide de la calculer serait de nous donner le pourcentage des extrants que vous avez exportés.

M. Kuhl : Avez-vous de l'information là-dessus?

David Jones, gestionnaire, Coordination des affaires liées à l'industrie de la pomme de terre, Conseil canadien de l'horticulture : À titre d'exemple, la valeur des pommes de terre à la ferme s'élève à environ 1,1 milliard de dollars par année pour les produits frais.

Le sénateur Ogilvie : S'agit-il du prix de gros?

M. Jones : Non, c'est à la ferme même. Les exportations que nous échangeons contre des pommes de terre se situent principalement aux États-Unis.

Le sénateur Ogilvie : Je passe directement à la question suivante, parce que je trouve ces chiffres difficiles à comprendre. Selon vous, les pommes de terre valaient à elles seules environ 1,1 milliard de dollars en 2012. Pourtant, selon votre document, la valeur totale des recettes monétaires agricoles pour toutes les provinces s'élevait à 1,1 milliard de dollars.

M. Kuhl : Sénateur, je n'ai pas consulté le document, j'en suis désolé. Les chiffres sont certainement erronés. Comme M. Jones l'a indiqué, pour les pommes de terre, c'est 1,1 milliard de dollars. Je sais que le secteur de la culture en serre est le deuxième et la valeur à la ferme frôle le milliard de dollars.

Le sénateur Ogilvie : Les chiffres m'étonnent, surtout à la lumière d'un autre document que vous avez produit en 2014 portant sur la même période. Par exemple, selon vos chiffres de l'automne 2013 pour la Nouvelle-Écosse, les recettes monétaires agricoles dans la catégorie des légumes s'élèvent à 21,3 millions de dollars. Toutefois, dans l'autre document portant sur la même période, on indique que les recettes monétaires agricoles pour le secteur des légumes s'élevaient à 31,6 millions de dollars. L'écart n'est pas énorme, mais 10 millions de dollars, c'est beaucoup d'argent. J'imagine que je ne trouverai pas réponse à mes questions; les chiffres sont assez différents.

Monsieur Kuhl, je vais m'arrêter là. J'essayais simplement de comprendre la majoration de la valeur du côté du producteur en comparaison à la valeur au sortir de la ferme et aux recettes monétaires agricoles par rapport aux ventes de gros. Je ne peux pas obtenir d'estimation exacte, mais il semblerait que les revenus de la vente de gros sont au moins trois fois supérieurs à la valeur au sortir de la ferme. Étant donné qu'il s'agit d'une partie de la valeur totale, le montant est probablement beaucoup plus élevé pour la vente de gros. Les produits agricoles présentent une grande valeur ajoutée à partir du moment où ils sortent de la ferme jusqu'à la vente de gros. Nous en avons souvent discuté : comment faire en sorte que les cultivateurs obtiennent un pourcentage plus élevé de ces revenus?

M. Kuhl : Très bonne question. Nous tentons toujours de résoudre ce problème.

Bien sûr, très souvent la production passe par au moins deux étapes entre la ferme et le consommateur : on peut supposer qu'à chacune des étapes, la personne qui manutentionne le produit retranche une marge de 35 p. 100.

Le sénateur Ogilvie : Je sais que les chiffres augmentent assez rapidement.

M. Kuhl : Oui. N'oublions pas que pour le producteur, entre l'investissement et la réception du paiement, il peut s'écouler une période de deux ans. Pour les grossistes ou les détaillants, cette période se compte en jours ou en semaines.

Nous vous enverrons davantage de renseignements à propos de ces questions.

Le sénateur Ogilvie : Oui, j'aimerais en prendre connaissance.

Le président : Monsieur Kuhl, pourriez-vous nous fournir des réponses aux questions posées ce matin? Vous pouvez fournir les renseignements supplémentaires au greffier du comité.

M. Kuhl : Absolument.

Le président : Merci.

La sénatrice Tardif : J'aime beaucoup votre publication. Elle est très intéressante et l'apparence est très accrocheuse.

Monsieur Kuhl, j'ai lu le message auquel vous avez fait allusion dans votre exposé. Il semblerait qu'en avril 2013, le Canada et les États-Unis se sont entendus pour travailler ensemble afin d'harmoniser leurs démarches en matière de protection financière pour les maraîchers. On dirait que les choses n'ont pas évolué dans le sens que vous souhaitiez. Vous avez indiqué souhaiter pour le Canada un système comparable à celui en vertu de la Loi américaine sur les denrées agricoles périssables. Quel est le problème? Avons-nous fait des progrès? Quelles sont vos recommandations?

M. Kuhl : La loi américaine sur les denrées agricoles périssables a été mise en œuvre aux États-Unis dans les années 1930. Elle visait à garantir que les producteurs de denrées périssables, comme les laitues, les tomates ou d'autres produits à courte durée de conservation, recevraient leur paiement. La loi portait initialement sur le problème des paiements tardifs ou des non-paiements. En 1984, on a modifié la loi pour accorder une plus grande priorité aux producteurs et vendeurs de denrées périssables. La modification allait constituer une fiducie en cas de faillite ou d'insolvabilité.

Si une entreprise fait faillite ou devient insolvable, les fournisseurs de cette entreprise ont le droit de reprendre les stocks qu'ils lui ont vendus. Dans le cas des cultures horticoles, les laitues ou autres denrées périssables ne seront pas conservées étant donné le roulement rapide des stocks; on procède donc à la liquidation des produits.

Le changement de 1984 indique que l'inventaire serait détenu en fiducie dans la catégorie des comptes clients de l'entreprise qui fait faillite ou devient insolvable. Le producteur a ainsi le droit de s'adresser aux tribunaux et les tribunaux peuvent ordonner au client que le producteur touche en priorité les produits découlant de la vente des denrées.

L'intérêt de ce système est qu'il ne nécessite aucune bureaucratie, aucune gestion et aucun financement parce qu'il relève entièrement des tribunaux. Les paiements proviennent des comptes clients de l'entreprise qui fait faillite ou devient insolvable.

Nous avons travaillé d'arrache-pied à ce sujet au cours des dernières années avec Agriculture et Agroalimentaire Canada, Industrie Canada et d'autres ministères. Nous avons envisagé les assurances, les cautionnements et d'autres solutions. Toutes les autres solutions exigent d'énormes investissements de départ ou entraîneraient inévitablement la mise sur pied d'une énorme bureaucratie et des coûts d'administration faramineux. Nous cherchons encore une solution qui nous procurerait un système semblable à celui mis sur pied en vertu de la loi américaine sur les denrées agricoles périssables.

La sénatrice Tardif : Donc, le Canada ne dispose pas d'un système semblable?

M. Kuhl : Non.

La sénatrice Tardif : Alors quelle protection financière est accordée aux producteurs au Canada?

M. Kuhl : En juin 2015, lorsque la Loi sur la salubrité des aliments au Canada entrera en vigueur, les lois au Canada changeront et tous les acheteurs de produits maraîchers devront obtenir un permis de l'ACIA. Pour obtenir le permis, les acheteurs devront également devenir membres de la corporation de règlement des différends.

La corporation de règlement des différends est un organe à gouvernance conjointe qui entérine des ententes entre le Canada, les États-Unis et le Mexique. La corporation a la capacité de régler les problèmes de paiements tardifs ou de non-paiements, donc la modification faite aux États-Unis en 1930 peut être intégrée dans la corporation. Celle-ci ne peut pas nous permettre d'être payés en cas de faillite ou d'insolvabilité.

À l'heure actuelle, nous disposons d'une meilleure protection en matière de paiement sur le marché américain que sur notre marché.

La sénatrice Tardif : Les États-Unis ont désormais révoqué l'accès du Canada au système de protection de paiements pour les fruits et légumes frais en vertu de leur loi sur les denrées agricoles périssables. Quelle incidence la perte de cet accès aura-t-elle sur les producteurs maraîchers?

M. Kuhl : Quand les changements ont été apportés en 1984, les possibilités de recouvrement, en cas de faillite ou d'insolvabilité, étaient offertes à tous les partenaires commerciaux, mais les partenaires commerciaux exportateurs vers les États-Unis étaient traités différemment que les producteurs américains. Les États-Unis ont à ce moment-là décidé de traiter les producteurs canadiens exactement comme les producteurs américains.

Donc par le passé, si un acheteur ne payait pas, nous pouvions l'appeler et lui dire : « Si vous ne payez pas, nous déposerons une réclamation en vertu de la loi sur les denrées agricoles périssables. » Aussitôt la réclamation déposée en vertu de la loi, les tribunaux en étaient saisis et si l'acheteur était en situation financière précaire, il était probablement forcé de faire faillite. Souvent, cet appel était suffisant pour recevoir le paiement de la compagnie.

Si je ne me trompe pas, en date du 1er octobre de cette année, les États-Unis ont dit : « Nous traiterons désormais le Canada de la même manière que les autres pays. » Alors maintenant, si je souhaite déposer une réclamation en vertu de la loi américaine, en cas de faillite ou d'insolvabilité, et je prends ici l'exemple d'une réclamation de 50 000 $, je dois désormais déposer une caution équivalente au double du montant de la réclamation. Si la réclamation s'élève à 50 000 $, je dois déposer une caution de 100 000 $. En d'autres mots, je dois engager 50 000 $ plus les 100 000 $ de caution. Bon nombre de nos producteurs ont encore des ventes en deçà de 100 000 $ et bon nombre préféraient laisser tomber. Ce serait plus facile de jeter l'éponge. On fait subir un énorme fardeau aux petites entreprises familiales.

La sénatrice Tardif : Je pourrais continuer, monsieur le président, mais je vais m'arrêter ici.

M. Kuhl : Je serais disposé à en discuter davantage à un autre moment.

Le président : Il nous reste environ cinq minutes. Je demanderais aux sénateurs d'être brefs et aux témoins de répondre rapidement. Si les témoins souhaitent ajouter quelque chose, ils peuvent bien sûr nous faire parvenir d'autres renseignements par écrit.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Je vous ai entendu parler, plus tôt, des travailleurs étrangers. Je sympathise avec vous, parce que j'ai des amis qui ont une ferme de culture maraîchère et qui ont de la difficulté à trouver des travailleurs au Québec. Ceux qui bénéficient de l'aide sociale vont parfois travailler deux ou trois semaines pour montrer qu'ils cherchent du travail. Mais, après deux ou trois semaines, ils quittent les lieux en plein mois de juillet au moment des récoltes, ce qui rend la tâche difficile aux producteurs. Vous devez faire appel à de la main-d'œuvre étrangère. Au Québec, le taux de chômage est de 8 p. 100, et au Canada, il est de 6,5 p. 100. Malgré cela, on doit faire appel aux travailleurs étrangers. Il y aurait peut-être moyen de mettre en œuvre des programmes pour les inciter à aller travailler chez vous l'été. Ce n'est pas une situation facile, et il me fait du bien d'en parler.

On sait que l'image de marque du Canada est une stratégie commerciale qui vise à faire connaître vos produits, autant sur le plan alimentaire que sur le plan agricole, entre autres, pour l'exportation. Selon vous, est-ce que la marque Canada a amélioré la vente de vos produits? Croyez-vous qu'un programme de suivi dans votre secteur renforcerait votre compétitivité sur les marchés internationaux?

[Traduction]

M. Kuhl : Je pense que le programme en matière de salubrité alimentaire que nous avons mis sur pied, qu'on appelle souvent le CanadaGAP, est reconnu dans le monde et nous a permis de devenir un chef de file en matière de salubrité des aliments. Nous sommes ravis de la démarche coopérative adoptée par le secteur et le gouvernement lors de l'élaboration du document.

Je pense que le Canada est toujours perçu comme un fournisseur de produits de qualité dans les marchés mondiaux, et c'est certainement ce que nous souhaitons cultiver pour l'image de marque du Canada. Encore une fois, il s'agit d'un partenariat entre l'industrie et le gouvernement.

Vous avez parlé de main-d'œuvre. En tant que secteur, si nous pouvons trouver des manières d'encourager les Canadiens à assumer ces postes, nous serons heureux de collaborer avec le gouvernement à cet égard. Nous devons toutefois reconnaître que quand les produits sont prêts pour la récolte, ils doivent être récoltés le jour où ils sont prêts et on ne peut pas permettre aux travailleurs de choisir le jour où ils préfèrent travailler. Nous serions heureux de discuter davantage de ces questions.

Le sénateur Unger : Monsieur Kuhl, j'aimerais revenir sur ce que vous avez répondu à la sénatrice Tardif. Vous avez expliqué à quoi se heurtent les entreprises canadiennes sans accès en vertu de la loi américaine. Ma première question est donc : pourquoi les États-Unis ont-ils retiré cet accès? Que doit faire le Canada exactement pour arriver à un régime équitable?

M. Kuhl : Je pense qu'aux États-Unis, l'agriculture est une question plus prioritaire qu'au Canada et le secteur profite d'une plus grande influence sur le programme législatif du gouvernement américain. Cela étant dit, nous entretenons une excellente relation avec le gouvernement et nous travaillons d'arrache-pied en collaboration avec Agriculture et Agroalimentaire Canada.

Les États-Unis ont mis sur pied ce système parce qu'ils ont compris que l'accès aux fruits et légumes frais est essentiel à la sécurité alimentaire nationale. Ils souhaitaient reconnaître qu'en ce qui concerne les fruits et légumes frais, il est plus difficile de garantir les paiements que dans le cas de la vente de grains ou de maïs ou, dans le cas des produits de la viande qui peuvent être congelés, justement parce que les fruits et légumes sont périssables. Ils ont donc reconnu que les fruits et légumes frais sont des produits uniques et par conséquent ils doivent être régis en vertu d'une loi unique.

Je n'entrerai pas dans les détails, mais nous avons entamé le processus et fourni une solution au gouvernement canadien. Nous comptons continuer à œuvrer en collaboration avec le gouvernement canadien pour élaborer cette solution. Cela nous permettrait d'avoir le même succès au Canada que nous avons connu aux États-Unis. Dès que j'aurai terminé ici, je me rendrai directement au bureau du premier ministre pour en discuter plus longuement.

La sénatrice Unger : Allez-vous pouvoir renseigner le comité davantage à ce sujet?

M. Kuhl : Absolument. Au fur et à mesure que nous poursuivons nos travaux avec Agriculture et Agroalimentaire Canada, Industrie Canada et le cabinet du premier ministre, nous allons continuer à vous fournir d'autres informations.

Le président : Monsieur Kuhl et monsieur Jones, je vous remercie. Vous nous avez bien renseignés. Si vous avez d'autres choses à rajouter à l'avenir, n'hésitez surtout pas à le faire par le biais du greffier.

(La séance est levée.)


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