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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 4 - Témoignages du 30 janvier 2014


OTTAWA, le jeudi 30 janvier 2014

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 8 h 6, pour étudier la teneur du projet de loi C-15, Loi remplaçant la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest afin de mettre en œuvre certaines dispositions de l'Entente sur le transfert des responsabilités liées aux terres et ressources des Territoires du Nord-Ouest et modifiant ou abrogeant la Loi sur les terres territoriales, la Loi sur les eaux des Territoires du Nord-Ouest, la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie, d'autres lois et certains décrets et règlements.

Le sénateur Richard Neufeld (président) occupe le fauteuil.

Le président : Bonjour à tous. Je m'appelle Richard Neufeld. Je représente la province de Colombie-Britannique au Sénat et suis président du comité. Je voudrais souhaiter la bienvenue aux honorables sénateurs ainsi qu'aux particuliers présents dans la salle ou nous écoutant par webdiffusion. Je demanderais aux sénateurs de bien vouloir se présenter et, pour donner le ton, je vous présente le vice-président du comité, mon collègue de l'Alberta, le sénateur Mitchell.

Le sénateur Patterson : Dennis Patterson, du Nunavut.

Le sénateur Massicotte : Je suis Paul Massicotte, de Montréal.

Le sénateur Black : Je m'appelle Doug Back, je viens de l'Alberta.

La sénatrice Frum : Linda Frum, de l'Ontario.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

Le sénateur Wallace : John Wallace, du Nouveau-Brunswick.

Le président : Laissez-moi également présenter le personnel qui nous appuie. De la Bibliothèque du Parlement, Sam Banks, et notre greffière, Lynn Gordon.

Nous tenons aujourd'hui les quatrièmes audiences de notre étude préliminaire du projet de loi C-15 dont le titre abrégé est Loi sur le transfert des responsabilités aux Territoires du Nord-Ouest. Le projet de loi a été déposé à la Chambre des communes le 3 décembre 2013.

Je suis ravi d'accueillir aujourd'hui, pour la première partie de la réunion, Eddie Erasmus, grand chef, et Bertha Rabesca Zoe, avocate, qui représentent tous deux le gouvernement tlicho. Pour Sahtu Secretariat Incorporated, nous avons Ethel Blondin-Andrew, présidente — qui est un visage familier — et Daryn R. Leas, avocat.

Je vous remercie d'avoir bien voulu vous déplacer. À ce que je comprends, chaque organisation a des remarques d'ouverture, après lesquelles nous passerons à une série de questions et de réponses. Je demanderais aux témoins et aux sénateurs de bien vouloir être succincts dans leurs remarques et leurs questions, vu que nous tenons une vidéoconférence d'Inuvik à 9 heures.

Madame Blondin-Andrew, nous vous demanderons de commencer.

Ethel Blondin-Andrew, présidente, Sahtu Secretariat Incorporated : Je voudrais commencer par vous saluer dans ma langue autochtone.

[Note de la rédaction : Mme Blondin-Andrew s'exprime en slave.]

Merci de nous recevoir. Nous sommes ici pour discuter du projet de loi, qui nous guidera dans les travaux que nous menons sur les terres et sur les eaux.

Je m'appelle Ethel Blondin-Andrew et suis présidente de Sahtu Secretariat Incorporated, ainsi que représentante des bénéficiaires de la revendication territoriale du Sahtu. Je suis heureuse de présenter le point de vue de mon organisation en ce qui concerne les modifications envisagées à la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie dans le projet de loi C-15.

Daryn Leas est notre avocat; il m'accompagne ce matin.

Nous applaudissons la décision du Sénat d'autoriser le comité permanent à effectuer une étude préliminaire du projet de loi C-15. Selon nous, les modifications que le projet de loi C-15 apporterait à la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie doivent être examinées de près. Elles sapent en effet l'esprit et l'intention de l'Entente sur la revendication territoriale globale des Dénés et des Métis du Sahtu. De plus, elles marginalisent le rôle et la participation des Dénés et Métis du Sahtu, ainsi que des autres personnes vivant dans la région du Sahtu, quant à la gestion et la protection des eaux et des terres au sein de cette région.

À titre d'information complémentaire, les Dénés et Métis du Sahtu ont vécu dans la région désignée du Sahtu depuis des temps immémoriaux et vivent actuellement surtout dans les collectivités de Norman Wells, Tulita, Deline, Fort Good Hope et Colville Lake. Aux termes de l'accord de revendication territoriale signé en 1993, le gouvernement du Canada et les Dénés et Métis du Sahtu se sont engagés à travailler ensemble pour gérer et préserver les terres et les eaux de la région désignée du Sahtu conformément à la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie, qui avait été conçue conformément aux modalités de l'accord de revendication territoriale.

Après six ans de négociations, le SSI a signé l'entente sur le transfert des responsabilités liées aux terres et aux ressources des Territoires du Nord-Ouest avec le Canada, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et d'autres groupes autochtones le 26 juin 2013. Nous travaillons maintenant avec eux pour promulguer l'entente sur le transfert des responsabilités et mettre en œuvre ses modalités pour le 1er avril.

Avant de formuler des observations spécifiques concernant le projet de loi C-15, le SSI souhaite confirmer qu'il appuie de façon générale l'idée de modifier la loi fédérale pour mettre en œuvre l'entente sur le transfert des responsabilités. Nous appuyons également l'adoption d'une loi territoriale pour mettre en œuvre l'entente sur le transfert des responsabilités y compris une loi territoriale qui maintient l'obligation pour les défenseurs du projet de loi de négocier des régimes d'avantages avec les Sahtu relativement aux activités pétrolières et gazières conformément à l'article 22.2 de l'accord sur les revendications territoriales. Cet enjeu est très important pour les Sahtu.

Bien que le projet de loi C-15 propose des modifications à la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest, à la Loi sur les terres territoriales et à la Loi sur les eaux des Territoires du Nord-Ouest, afin de mettre en œuvre les dispositions de l'entente sur le transfert des responsabilités, le projet de loi propose également une modification à la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie permettant ainsi de mettre en vigueur le Plan d'action visant à améliorer les régimes de réglementation dans le Nord. Le gouvernement fédéral a annoncé le plan d'action en 2010 afin d'améliorer les régimes de réglementation dans les Territoires du Nord-Ouest, au Nunavut et au Yukon. Le plan d'action visait à assurer que les régimes de réglementation du Nord soient plus efficaces et prévisibles et qu'ils puissent fournir une plus grande certitude à l'industrie, aux habitants du Nord et à tous les Canadiens.

Le SSI est contre les dispositions du projet de loi C-15 qui propose des modifications à la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie pour mettre en œuvre ce plan d'action. Les modifications proposées à la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie ne sont aucunement liées au transfert de l'administration et du contrôle des terres et des eaux dans les Territoires du Nord-Ouest et n'ont pas fait l'objet de discussions pendant les négociations de l'entente sur le transfert des responsabilités. Bien que ce ne soit pas lié à la question du transfert des responsabilités, on propose de les incorporer dans le projet de loi C-15.

Le SSI s'oppose particulièrement aux dispositions du projet de loi C-15 qui proposent l'élimination de l'Office des terres et des eaux du Sahtu et des autres groupes régionaux pour que l'Office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie gère les permis pour l'utilisation des terres et les demandes de permis de l'utilisation des eaux.

L'Office des terres et des eaux du Sahtu s'assure que les demandes de développement dans la région désignée du Sahtu soient examinées par les habitants de l'endroit, font participer les populations touchées et tiennent compte des opinions et des renseignements régionaux. Cela permet de meilleures décisions pour la gestion de nos terres et nos eaux.

Conformément aux modalités de l'accord des revendications territoriales, les dispositions actuelles de la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie déterminent un système de gestion des ressources et de la terre qui est efficace et efficient. L'élimination proposée de l'Office des terres et des eaux du Sahtu va à l'encontre du principe de partenariat et de cogestion que l'on retrouve dans les modalités actuelles de la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie qui sous-tend l'accord de revendications territoriales. Il y aura moins de participation régionale dans l'examen des demandes. Le nouvel office qu'on propose ne sera pas en mesure de favoriser la participation régionale ou d'obtenir la rétroaction de la collectivité comme le font les offices régionaux depuis 15 ans.

Pendant cette période de 15 ans, l'Office des terres et des eaux de Sahtu et d'autres offices des terres et des eaux régionaux ont été en mesure de trouver un équilibre entre les diverses valeurs et les différentes possibilités en vue de garantir que les collectivités touchées participent à l'examen des évaluations.

Les fonctionnaires fédéraux n'ont fourni ni justification ni raison logique pour l'élimination de l'Office des terres et des eaux du Sahtu. Même s'ils ont signalé qu'il y a eu des délais prolongés des examens aux termes de la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie, ces retards ont essentiellement été causés par le manque de coordination de la part du fédéral relativement à l'examen des décisions prises par les offices régionaux.

Des décisions ont été prises et envoyées au bureau du ministre où elles sont restées là pendant plus d'un an.

Certains disent que le régime d'évaluation environnementale des Territoires du Nord-Ouest devrait ressembler au processus d'évaluation du territoire du Yukon établi dans la Loi sur l'évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon, connue sous l'acronyme de LEESY. Même si le régime du Yukon est fondamentalement différent de celui de la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie, il faut signaler qu'il comprend six bureaux régionaux désignés dans l'ensemble du territoire du Yukon qui effectuent la grande partie des évaluations et des examens des projets proposés aux termes de la LEESY.

Le projet de loi C-15 prévoit que les Sahtu vont nommer un membre du conseil d'administration sur onze. Ce n'est pas acceptable que les Sahtu n'aient qu'un représentant aux nouveaux offices. Il n'y a aucune assurance que la personne nommée par les Sahtu sera en mesure de participer à l'examen des activités proposées dans les régions du règlement des Sahtu, et, par conséquent ces examens pourraient être faits sans aucune participation ni représentation régionale. C'est inacceptable et contraire à l'esprit et à la lettre des accords de revendications territoriales.

Le projet de loi C-15 prévoit que le principal bureau du conseil soit à Yellowknife ou ailleurs dans la vallée du Mackenzie selon la volonté du gouverneur en conseil. Le ministre a signalé qu'il a demandé à ses fonctionnaires de travailler de près avec les organisations, les gouvernements et les offices autochtones, dans l'ensemble du processus de mise en œuvre, pour que soient conservées des fonctions administratives réduites dans chaque région.

Le SSI estime qu'un bureau du conseil d'administration doit être établi dans la région du règlement afin qu'elle puisse desservir la partie nord de la vallée du Mackenzie. Le conseil d'administration doit avoir une présence et un bureau fonctionnel dans la région du règlement du Sahtu où un nombre considérable de projets de développement continue d'être proposé. Ce bureau doit permettre de retenir plus que des fonctions administratives réduites dans la région du règlement du Sahtu. Ce bureau régional serait bien placé pour mener à bien certaines fonctions, y compris l'examen des demandes, la vérification de la conformité en fonction du plan d'utilisation du territoire du Sahtu en plus de mener certains volets du processus de consultation, comme la facilitation d'audiences, des visites communautaires et la tenue de séances techniques. La décentralisation des pouvoirs de prise de décisions à Yellowknife ne profite pas au public et ne permet pas la gestion efficiente et efficace des ressources aux termes de la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie.

Le SSI est aussi préoccupé par d'autres modifications à la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie proposées dans le projet de loi C-15, y compris un droit élargi pour le ministre d'établir des orientations de politiques écrites exécutoires par le conseil de planification, ainsi qu'une capacité réduite d'accorder des prolongations de temps sur les délais des examens.

Le SSI a constamment fait valoir ses préoccupations relativement au plan d'action y compris l'élimination de l'Office de gestion des terres et des eaux du Sahtu ainsi que d'autres offices régionaux de gestion des terres et des eaux au cours des cinq dernières années aux fonctionnaires fédéraux lors de diverses réunions y compris avec Neil McCrank et John Pollard et les représentants fédéraux dans l'ensemble des négociations sur le transfert des responsabilités. Plus récemment, nous avons exprimé nos préoccupations, qui sont partagées par les Gwich'in et les Tlichos, aux représentants fédéraux dans notre mémoire écrit en octobre 2013 et plus tôt cette semaine au Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Nord lors des réunions tenues à Yellowknife.

Étant donné que l'implication régionale sera diminuée, il est fort probable que les décisions prises par l'office ne tiendront pas compte des savoirs et des renseignements propres à la collectivité. Par conséquent, de mauvaises décisions seront prises en ce qui a trait à la gestion de nos terres et de nos eaux. Ces mauvaises décisions auront une incidence sur la culture et les moyens de subsistance des Dénés et Métis du Sahtu.

Pour conclure, les Sahtu sont reconnaissants d'avoir eu l'occasion de vous présenter leur mémoire. Les modifications que l'on propose d'apporter au plan d'action de la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie préoccupent fortement les Sahtu. Nous n'avons pas demandé à ce que l'on apporte ces modifications et nous ne les appuyons pas. Ces modifications ont été proposées pour répondre aux intérêts d'autres personnes, mais pas à ceux des Sahtu. Nous vous demandons de dûment prendre en compte ce mémoire lorsque vous examinez le projet de loi C-15. Nous serons prêts, au besoin, à vous fournir des renseignements supplémentaires.

Les incidences du projet de loi C-15 seront considérables dans la région de l'établissement des Sahtu. Cela minera les engagements effectués par les Dénés et Métis du Sahtu ainsi que par le gouvernement du Canada en ce qui a trait au fait de travailler ensemble pour créer une nouvelle relation fondée sur l'entente sur les revendications territoriales. Si la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie ne peut protéger les terres et l'eau de la région d'établissement des Sahtu, alors les Dénés et Métis du Sahtu seront obligés d'utiliser d'autres recours, tels que les recours judiciaires, afin de protéger leur intérêt et de préserver l'intégrité de l'entente sur la revendication territoriale. Bien que de telles mesures mèneraient sans doute à des délais et à des coûts plus élevés, les Sahtu risquent de n'avoir d'autres choix que de les mettre en œuvre.

Les enjeux soulevés dans ce mémoire ont été approuvés en octobre 2013 par le conseil d'administration du Sahtu, ou le conseil d'administration du SSI, et ont été envoyés par écrit au ministre fédéral et à ses fonctionnaires.

Je vous remercie de votre temps.

Le président : Merci de votre présentation.

Eddie Erasmus, grand chef, Tlicho Government : [Note de la rédaction : Le témoin s'exprime dans sa langue autochtone.]

Je vous remercie de me donner l'occasion de prendre la parole aujourd'hui. Je m'appelle Eddie Erasmus. Je suis le grand chef de la nation Tlicho. Je vais présenter le mémoire des Tlichos ce matin. Mme Rabesca Zoe, m'accompagne aujourd'hui. C'est notre avocate. Elle pourra répondre à vos questions techniques.

Cela fait neuf ans que l'accord tlicho est entré en vigueur et que l'on a reconnu notre gouvernement, nos terres et notre juridiction. Nous avons assumé la tâche titanesque de mettre sur pied nos institutions, de créer nos lois, de répondre aux besoins de nos gens et de promouvoir une économie prospère tout en s'appuyant sur nos fortes traditions culturelles. Nous avons accompli beaucoup de choses en peu de temps. Toutes les parties signataires de l'accord devraient se sentir extrêmement fières en voyant tout ce que nous avons accompli depuis. Il s'agit de l'assise d'une relation forte et prospère pour les décennies à venir.

En revanche, un enjeu fort sérieux menace tout ce bon travail, notre avenir et notre mode de vie.

Nous, les Tlichos, sommes très liés à nos terres. Nous utilisons de manière active nos territoires traditionnels. Nos terres sont le pilier de notre quotidien. C'est pour cette raison que nos aînés nous ont dit que nous avons tous voix au chapitre en ce qui a trait au développement que l'on permettrait sur nos terres. Pourquoi? Car c'est seulement si nous avons tous voix au chapitre que l'importance de ces terres qui régissent notre quotidien sera prise en compte dans les décisions au sujet de grands développements. Le fait que les Tlichos aient une voix égale au chapitre de la prise de décisions au sujet de l'utilisation des terres et des eaux était au cœur de la promesse inscrite dans l'accord tlicho.

L'accord tlicho a été adopté ici au Sénat. Nous avons dansé avec vous ici dans le couloir afin de célébrer cet événement. Cela a permis de créer un nouveau chapitre, un chapitre vibrant, qui régirait notre relation avec le Canada.

Cela a pris 13 années de négociations entre le Canada et le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest pour arriver à un compromis afin qu'il y ait une véritable cogestion dans la région de Wekeezhii, que nous appelons également le cœur de notre territoire. Cette région de gestion a une incidence sur notre mode de vie. La région du Wekeezhii est énorme. C'est presque aussi grand que le Nouveau-Brunswick.

Les parties à l'accord tlicho ont créé un conseil d'administration indépendant pour qu'il prenne des décisions au sujet de l'utilisation des terres et de l'eau que l'on pourrait développer dans la région de Wekeezhii. Nous avons appelé ce conseil l'Office des terres et des eaux du Wekeezhii. C'est le gouvernement des Tlichos qui nomme la moitié des membres de l'office et l'autre moitié sont nommés par le Canada et le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. Cela nous a permis d'arriver à un équilibre entre les intérêts du Canada et ceux des Tlichos en ce qui a trait à la préservation de notre mode de vie. Nous avons une voix égale au chapitre de la prise de décisions au sujet du développement qui pourrait avoir une incidence considérable sur notre mode de vie.

Comment est-ce que cela a fonctionné? L'Office des terres et des eaux du Wekeezhii a été un énorme succès. Il a approuvé des développements et a fait un excellent travail dans la prise en compte du mode de vie des Tlichos. En fait, l'Office des terres et des eaux du Wekeezhii n'a jamais refusé une proposition de développement.

De plus, puisque nous prenons part au processus à titre d'égaux, aucune des décisions effectuées par l'office n'a été soumise à une contestation judiciaire. Ce succès est attribuable au fait que l'Office des terres et des eaux du Wekeezhii jouit de la confiance de l'industrie, du gouvernement et des Tlichos. Toutes les mines les plus importantes du Wekeezhii ont exprimé leur reconnaissance et leur soutien à l'office et l'ont remercié pour l'excellent travail qu'il a effectué. De plus, le vérificateur général du Canada a examiné l'office et a conclu que celui-ci faisait un excellent travail et était considérablement plus efficace que d'autres offices de plus grande taille qui se trouvaient dans les Territoires du Nord- Ouest. L'office travaille bien et fait bien son travail.

Mais le projet de loi C-15 vise à retirer tous ces avantages et à détruire ce qui a pris tant de temps à bâtir et ce, sans aucune raison logique. Le projet de loi C-15 vise à détruire l'Office des terres et des eaux du Wekeezhii pour le remplacer par un super office qui aura juridiction sur toute la vallée du Mackenzie et où les Tlichos ne pourront nommer qu'un seul membre.

Si le projet de loi C-15 est adopté, les Tlichos n'auront plus une voix égale au chapitre au sujet de l'utilisation des terres et des eaux dans le Wekeezhii. En fait, des décisions effectuées au sujet du développement du cœur de notre territoire, du Wekeezhii, seraient effectuées sans que les Tlichos aient leur mot à dire. Cela aurait un effet dévastateur sur notre capacité à protéger notre mode de vie. Notre voix est en train d'être muselée. Cela est contraire à notre accord et à la promesse constitutionnelle selon laquelle nous prendrions part aux prises de décisions au sujet de l'utilisation des terres et des eaux au Wekeezhii.

Nous ne pouvons permettre que cela arrive. Nous ne pouvons pas décevoir nos aînés, qui nous ont enseigné que la chose la plus importante était de protéger notre mode de vie.

Pourquoi est-ce que le Canada agit de la sorte? Pourquoi, lorsque le vérificateur général indique que l'office fonctionne d'une manière extrêmement efficace, le Canada essaie-t-il de se débarrasser de l'Office des terres et des eaux du Wekeezhii?

Il faut se demander pourquoi, alors que l'Office des terres et des eaux du Wekeezhii réussit très efficacement à rendre le processus de proposition de développement pacifique, le Canada voudrait créer un système qui mènera à des retards dans l'approbation des développements et à des contestations judiciaires qui vont étouffer le développement et nuire à l'économie du Nord?

Les Tlichos se sont toujours intéressés au développement. La plus grande mine diamantaire au Canada se trouve dans le territoire du Wekeezhii, l'objet d'un succès économique et réglementaire retentissant. Il s'agit d'un projet clé et d'un moteur économique pour les Territoires du Nord-Ouest. Il ne peut pas y avoir de développement économique sans l'Office des terres et des eaux du Wekeezhii.

Est-ce une conséquence du transfert de responsabilités? Nous appuyons le transfert de responsabilités. Rien dans l'entente n'exige la fermeture de l'Office des terres et des eaux du Wekeezhii. Le transfert de responsabilités connaîtra davantage de succès avec l'office et le système actuellement en place.

Le superoffice sera-t-il plus efficient? Non, il s'avère que l'Office des terres et des eaux du Wekeezhii est le plus efficient.

Dit simplement, il n'y a aucune bonne raison qui justifie l'élimination de l'Office des terres et des eaux du Wekeezhii.

Le superoffice a des problèmes de taille. Les peuples autochtones font confiance à un processus réglementaire du nord avéré fiable et efficient composé d'offices régionaux. Le Canada veut changer ce processus pour imposer un autre office auquel nous ne faisons pas confiance et qui n'a aucune expérience dans les territoires ou concernant le type de causes qu'il entendra.

Le Canada devrait préparer l'industrie à l'opposition de certains groupes visés par les revendications territoriales réglées et aux potentiels retards systémiques qui en découleront. Tous les organismes et administrations autochtones des Territoires du Nord-Ouest se sont opposés à l'initiative du gouvernement du Canada visant la modification de la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie et l'élimination de l'Office des terres et des eaux du Wekeezhii et l'élimination d'autres offices régionaux.

Le Canada a renoué avec son ancienne mentalité coloniale. Ils savent ce qu'il y a de mieux pour nous. Ils nous font taire. On ne peut pas envisager l'avenir de la sorte. Cette mentalité ne respecte pas la promesse constitutionnelle incluse dans l'accord tlicho. Nous exigeons mieux. Nous allons nous opposer à ce projet de loi et le contester s'il le faut.

Nous sommes ici aujourd'hui pour demander au Sénat de faire son travail, de défendre l'accord tlicho et de s'opposer à des mesures législatives insensées qui causeront énormément de tort. Nous avons besoin d'un second examen objectif.

Le Sénat a le pouvoir de retirer les dispositions relatives à la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie du projet de loi C-15. Pour que le transfert des responsabilités ait lieu, il n'est pas nécessaire de changer la loi et d'éliminer les offices régionaux.

Nous devons traiter d'égal à égal, avec équité dans les décisions concernant l'utilisation du territoire et des eaux du Wekeezhii. Aucune autre façon de faire n'assurera la protection de notre style de vie. Pour les Tlichos, c'est primordial. Masi.

Le sénateur Mitchell : Merci à tous les deux pour vos présentations convaincantes. Nous avons peu de temps alors j'essaierai d'être précis.

Il est étonnant que l'idée de la fermeture de vos offices régionaux n'ait pas fait irruption plus tôt dans les discussions sur les transferts de responsabilités. Je ne comprends pas tous les tenants et aboutissants des revendications territoriales, mais il me semble que celles-ci vous donnent préséance sur l'établissement d'offices sur vos propres territoires. Les avocats présents peuvent peut-être expliquer sur quelle base l'idée même d'éliminer vos offices en vertu de ce projet de loi est fondée étant donné les pouvoirs qui vous sont conférés en vertu de vos revendications territoriales?

Daryn R. Leas, conseiller juridique, Sahtu Secretariat Incorporated : Je peux répondre. L'accord sur la revendication territoriale Sahtu prévoit qu'il peut y avoir un office des terres et des eaux régional établi et en activité, comme en fait foi le mémoire que nous avons déposé. On y propose également qu'il pourrait y avoir un superoffice en place. Nos dispositions et celles de l'accord tlicho sont différentes. Ici, nous voulons souligner qu'un office existe déjà et qu'il fonctionne très bien depuis 15 ans. Il est efficace et efficient.

Pour vous donner quelques renseignements sur les négociations sur le transfert des responsabilités, les négociateurs fédéraux n'avaient pas pour mandat de discuter de l'office de la vallée du Mackenzie, y compris de la reconstitution de cet office en vertu du plan d'action. C'est ce dont se sont chargés d'autres représentants fédéraux. Ce n'est qu'à l'automne que ces consultations ont finalement abouti pour donner autre chose qu'un processus et c'est là qu'ils ont dit : « Nous voulons mettre un terme à ces offices régionaux prévus à l'entente avec les Gwich'in, à l'entente avec les Tlichos et à l'entente du Sahtu et imposer un superoffice », en dépit du fait que ces offices existaient depuis plus de 15 ans, comme c'était le cas avec le Sahtu et celui des Gwich'in.

Il est également intéressant de noter que le représentant fédéral qui a entrepris ces consultations il y a plusieurs années, M. McCrank, a publié un rapport qui contenait un certain nombre de recommandations. Parmi ces recommandations ou options, il avait parlé de l'élimination des offices régionaux, mais il proposait également d'autres options; par exemple, la création d'un mécanisme d'appel des décisions des offices régionaux auprès de l'office de la vallée du Mackenzie, mais nous n'en avons jamais discuté au Canada pour parler des différentes options. Le Canada est revenu à cette position et c'est tout, et c'est ce que l'on retrouve maintenant ainsi regroupé dans le projet de loi C-15 et c'est comme ça que les choses se sont passées.

Bertha Rabesca Zoe, avocate, Tlicho Government : Ensuite, M. McCrank a rendu ces options publiques et, comme mon collègue vous l'a dit, on ne nous a jamais donné l'occasion d'en discuter. Il s'agit là d'un des principaux enjeux que nous soulevons, à savoir qu'ensemble, nous pourrions en arriver à une entente sur la façon de réaliser nos objectifs, des objectifs sur lesquels nous nous entendrions tous.

John Pollard a été nommé par le ministre comme négociateur en chef et nous n'avons jamais négocié avec John Pollard. C'est quelque chose qu'on devrait souligner.

Le sénateur Mitchell : J'aurai une autre question au deuxième tour.

Le sénateur Patterson : J'aimerais souhaiter la bienvenue aux témoins et les remercier d'être venus.

La question des offices régionaux est bien entendu centrale dans ces exposés et je suis heureux de voir le soutien qui a été exprimé sur le transfert des responsabilités, en principe.

J'ai tout d'abord quelques remarques préliminaires. Nous avons des offices au Yukon et au Nunavut. Je sais qu'on ne peut pas exactement les comparer, mais ils fonctionnent bien et ce, dans une région beaucoup plus grande que celle des Territoires du Nord-Ouest, dans le cas du Nunavut.

J'aimerais également dire, avec tout le respect que je vous dois, que l'avocate du Sahtu laisse envisager un office plus large. Je crois que c'est également le cas de l'entente du Sahtu.

Je comprends le témoignage des deux témoins. Les offices régionaux fonctionnent bien; de bonnes relations ont été tissées avec l'industrie; et si on restructurait tout cela, cela empêcherait les régions de participer au processus décisionnel — et je cite Mme Blondin-Andrew, lors de son témoignage au comité de la Chambre. Selon les Sahtu, « l'entente avec les Sahtu peut desservir toute la partie nord de la vallée du Mackenzie... cela conviendrait tout à fait pour s'acquitter de certaines fonctions, notamment l'examen des demandes, les vérifications de conformité des plans d'utilisation de territoires des Sahtu et la réalisation de certains aspects du processus de consultation... »

J'ai posé justement la question au premier ministre McLeod, sachant qu'elle serait soulevée, lorsqu'il a comparu devant notre comité. J'aimerais également citer ce que le premier ministre a dit. En bout de ligne, a-t-il dit — et bien entendu ils vont mettre en œuvre l'entente sur le transfert des responsabilités — que « nous avions réussi à montrer que les ressources et les postes iraient également dans les régions et les collectivités. » Cela a été possible en travaillant avec les gouvernements autochtones.

Il a aussi dit :

Nous avons entrepris ce que nous appelons une approche de décentralisation en trois étapes. La première étape consistait à cerner les programmes et les services existants que nous avons décentralisés vers les régions et les communautés.

La deuxième étape... Au moins 300 emplois du gouvernement du Canada seraient transférés au gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. Nous avons évalué que 90 emplois seraient créés à l'extérieur de Yellowknife.

... De concert avec le ministre des Finances, nous avons trouvé une source de financement qui nous permettra de construire jusqu'à 100 maisons au cours des trois prochaines années dans diverses communautés. Nous déterminerons les programmes et les services qui seront décentralisés et nous fournirons des locaux à ces communautés.

Là où je veux en venir, pour les deux témoins, c'est que sur le plan administratif, il y a une solution à vos préoccupations. Ce serait la mise sur pied de bureaux régionaux, comme Mme Blondin-Andrew l'a suggéré pour Yellowknife. Le premier ministre semble déterminé à le faire.

Je comprends l'inquiétude que suscite l'élimination de groupes régionaux, bien que chaque région aurait un représentant au sein de l'Office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie.

Ma question est la suivante : n'existe-t-il pas une solution à ce problème, afin de maintenir cette présence régionale et tous les bons rapports qui ont été établis avec les régions, l'industrie dans les régions et les administrations régionales? N'y a-t-il pas à cela une solution à laquelle le premier ministre McLeod pourrait s'engager?

Mme Blondin-Andrew : De toute évidence, vous avez été très privilégié puisque vous avez reçu cette information du premier ministre McLeod, parce que de notre côté, nous n'avons que des entretiens très généraux au sujet de l'approche de décentralisation et nous n'avons pas pu obtenir le genre de détails que vous obtenez du premier ministre. Nous avons rencontré ses collaborateurs hier, et c'est un travail en cours. Il n'y a encore pour l'instant rien de concret, à part le fait que le gouvernement fédéral a transféré ces postes et des offres définitives d'emploi ont dû être faites afin de trouver les employés devant combler ces 215 postes je pense, qui allaient être transférés. Tout cela est encore très abstrait, il n'y a rien de concret. Il y a de grands projets et de belles intentions, et nous savons tous ce que valent les intentions.

Ce que je disais hier à Martin Goldney, le sous-ministre des Affaires autochtones, c'est qu'il fallait concrétiser le tout. Je veux voir quelque chose. Il n'y a encore rien de fait.

Je reviens aux commentaires de mon collègue, M. Erasmus, qui disait qu'il n'y avait pas de négociations. C'est vrai. J'ai assisté à quasiment toutes les réunions au sujet de la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie avec John Pollard, McCrank, Allison Lobsinger et un autre haut fonctionnaire. J'ai assisté à toutes les réunions, et le modèle de négociation laisse encore beaucoup à désirer. M. Pollard faisait une apparition, lâchait une tonne d'informations sur nous et disparaissait pour une dizaine de mois. Nous en sommes à quêter l'information, les détails. Nous n'en recevons absolument pas. Il semble que l'information qui est fournie est échangée entre deux niveaux de gouvernement, pas nécessairement avec les groupes autochtones. Nous ne l'avons appris qu'en septembre.

Si nous avions su que ces deux éléments allaient être inextricablement entrelacés dans un projet de loi, peut-être aurions-nous pris des décisions un peu différentes; je n'en sais rien. Tout ce que je dis, c'est qu'il est intéressant de voir le nouveau mode de fonctionnement dans la création des lois, c'est-à-dire ces lois fourre-tout, où tout est mis dans le même panier.

Nous avons abordé le problème séparément. Pour ce qui est du gouvernement territorial, je pense que les Sahtu se sont fait coincer entre les ententes et les échanges conclus entre le gouvernement fédéral et le gouvernement territorial. Ce dernier tient mordicus au transfert des responsabilités. Nous étions d'accord; nous en avons convenu. Nous avons joué le jeu avec eux, mais nous ne savions pas que la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie allait être greffée à la Loi sur le transfert des responsabilités. Nous n'en avions pas la moindre idée, et cela embrouille les choses.

Dans un premier temps, on nous a dit que l'un n'avait rien à voir avec l'autre alors que maintenant c'est tout le contraire. Permettez-moi de vous dire que ce n'est pas le cas. Tout est là. En outre, la façon de mener les choses à bien et de les négocier a été très complexe et différente.

Le président : Puisque le temps est limité, je vais demander à M. Erasmus s'il souhaite, lui aussi, répondre à cette question.

Mme Zoe : Je vais y répondre. Nous, les Tlichos, sommes mis au courant pour la première fois. J'ai participé aux négociations sur le transfert des responsabilités et sur les discussions concernant la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie, dès le départ, en 2003. Ensuite, je me suis occupée, à partir de 2010, du régime de réglementation. Les enjeux soulevés par le premier ministre au comité du Sénat concernent tous le transfert des responsabilités.

En l'occurrence, nous parlons de la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie. Mes collègues et moi-même ici présents, nous avons participé à la mise en œuvre et à la planification des transferts des responsabilités et ce, avec les parties en cause. Encore aujourd'hui, nous participons au processus de planification. On nous a donné un suivi de la réorganisation du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest en raison du transfert des responsabilités avec le détail des nouvelles fonctions qui devront être assumées et les conséquences que cela implique.

Il faut savoir qu'il n'y aura peut-être même pas cinq emplois qui vont être transférés à la région tlicho. Nous n'avons pas entendu parler de ces éventuels 100 logements qui seraient créés dans nos collectivités. Nous ne sommes pas au courant. Tout cela est nouveau pour nous.

À propos de la loi, en octobre 2013, j'ai demandé à Pollard quand auraient lieu les consultations à Yellowknife, si les dispositions législatives allaient être dans un projet de loi omnibus et je n'ai pas reçu de réponse à ce moment-là. À la même occasion, en octobre, quand M. Pollard expliquait pourquoi on supprimait l'Office des terres et des eaux de la région du Wekeezhii, il m'a répondu en citant l'article 22.4.1 de l'accord tlicho et qu'on envisageait de créer un office plus englobant. Je me suis reporté à l'article 22.4.3 de l'accord qui stipule que l'on pourrait prévoir un groupe d'experts régional mais il a rétorqué : « J'ai consulté l'article 22.4.3. Cela nous ramène à la case départ si bien que j'ai écarté totalement cet article ».

À entendre ce genre de propos, nous nous posons des questions sur l'esprit de collaboration qui doit sous-tendre l'intention de ces accords. La collaboration n'a jamais été réalisée et on ne nous a jamais donné l'occasion de participer aux négociations.

Le sénateur Patterson : Une brève complémentaire?

Le président : Vous avez eu beaucoup de temps. Il me faut garder du temps pour les sénateurs Black et Massicotte. Excusez-moi.

Le sénateur Black : Je suis tout à fait prêt à céder mon temps de parole au sénateur Patterson.

Le sénateur Patterson : Merci. J'ai des questions à poser à Mme Zoe à propos des groupes d'experts régionaux.

Je vais citer encore une fois le témoignage du ministre Valcourt devant notre comité. Il a dit que pour apaiser vos inquiétudes concernant la suppression des offices régionaux, des amendements pourraient permettre au président de l'office de constituer des comités réduits qui s'occuperaient des demandes dont l'office serait saisi et ce, après consultation. On propose que le président nomme un représentant nommé par une région à des comités réduits qui se pencheraient sur les demandes concernant une région donnée. Je suis sûr que vous êtes au courant de cet amendement qui est le fruit de consultations, n'est-ce pas?

Est-ce que cela apaiserait vos inquiétudes concernant le mot à dire des régions, particulièrement s'agissant de projets touchant votre région? Cet amendement est-il utile à cette fin?

Mme Zoe : Non. Nous avons vu l'amendement seulement après que le projet de loi était déposé au Parlement. Cela faisait partie des mesures d'accommodement qu'ils ont essayé d'ajouter, mais de notre point de vue cela n'est pas suffisant. Nous avons envoyé des lettres au ministre sur ce point le 20 janvier, que nous allons fournir au Sénat. Nous allons également fournir les deux autres lettres que nous avons envoyées qui étalent toutes nos préoccupations concernant l'ensemble du processus d'amendement.

De notre point de vue, le ministre nomme le président. Le président, ensuite, a le pouvoir de nommer quelqu'un de la région. Cela n'a rien de réconfortant. De notre point de vue, il s'agit d'un pouvoir discrétionnaire.

Le sénateur Massicotte : Merci à tous nos quatre témoins aujourd'hui. Nous vous avons bien entendus. Vous n'appréciez pas l'imposition d'un office pour remplacer vos offices régionaux. Qu'est-ce qu'on vous a répondu? Vous avez exprimé vos frustrations, même il y a quelques jours à Yellowknife. Quelle a été la réponse du gouvernement. Comment explique-t-il la décision?

Mme Zoe : Ils nous disent que ce sera rapide et prévisible. Ce sont les mots qu'ils répètent. Ce que nous essayons d'expliquer, c'est que nos offices, à l'heure actuelle, sont rapides et prévisibles. Nous avons les preuves nécessaires pour démontrer que l'Office des terres et des eaux du Wekeezhii est capable de répondre aux demandes de permis d'une façon beaucoup plus rapide que l'Office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie. Pour vous en donner un exemple, pour une demande d'aménagement du territoire de type A, l'Office des terres et des eaux du Wekeezhii est capable d'octroyer un permis dans un délai qui est, en moyenne, 38 p. 100 plus court que celui de l'office plus grand. Pour un permis d'utilisation des eaux de type A, nous avons un temps d'attente qui est 78 p. 100 plus court que celui de l'Office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie.

À la séance d'octobre de l'an dernier, on nous a dit que, lorsqu'il s'agit de demandes civiles, le temps d'attente pour une demande de permis d'utilisation des terres et des eaux de notre office est, en moyenne, d'à peu près 57 jours. Pour l'Office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie, dans des zones non habitées, le temps d'attente est de 300 jours. On exige beaucoup de consultations pour ces zones non habitées. On nous dit que ces demandes-là prennent plus de temps. Dans les zones habitées réglées par les offices des terres et des eaux déjà établis, le temps d'attente est, en moyenne, d'à peu près 57 jours.

Mme Blondin-Andrew : J'ai participé à toutes les réunions tenues dans le Nord sur la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie. Il se peut que j'aie manqué une ou deux réunions, mais c'est possible qu'il s'agissait de réunions techniques. J'ai assisté à toutes les réunions.

J'étais là dans la même salle que Mining Canada et l'Association canadienne des producteurs pétroliers à Yellowknife, au baraquement de ski. Nous étions là toute la journée. Toutes les parties se sont exprimées pour dire au gouvernement exactement comment elles se sentent par rapport aux revendications, aux dispositions, et par rapport à l'intention et à l'esprit des revendications. Nous avons donné des exemples de délais qui n'avaient pas été causés par le régime réglementaire, mais qui ont été causés parce que les documents se trouvaient dans le bureau du ministre et que les offices n'étaient pas à l'origine des délais, que les offices avaient fait leur devoir. Ils avaient pris leur décision. À ma connaissance, il n'y avait pas de permis en retard. S'il y avait du forage à faire, le forage a été fait. De l'exploration a eu lieu. Ça fonctionnait bien.

Au baraquement de ski à Yellowknife, nous avons discuté avec le gouvernement, avec le négociateur en chef Pollard, et avec Alison Lopsinger. À la fin de la journée, il me semblait que les seuls groupes qui étaient sur une même longueur d'onde étaient l'ACPP, Mining Canada et le gouvernement du Canada, qui disaient tous la même chose.

Il me semble tout à fait évident que le gouvernement ne nous écoute pas. Nous avons quelque chose à dire. Nous sommes les principaux intéressés. Nous avons des revendications territoriales. Nous avons des droits. Il s'agit de nos terres traditionnelles, des terres sur lesquelles nous avons habité. Ils ne nous écoutent pas. Qui écoutent-ils? Je crois deviner qui.

Le sénateur Massicotte : Allez-y.

Mme Blondin-Andrew : Eh bien, après avoir entendu de nombreux amis qui travaillent à Mining Canada et à l'Association canadienne des producteurs pétroliers, j'avais l'impression que le gouvernement ne fait qu'écouter l'industrie et fait fi de nous.

Le sénateur Massicotte : Est-ce que vous pensez que l'industrie appuie cette consolidation du pouvoir?

Mme Blondin-Andrew : Oui, absolument. C'est ce qu'ils souhaitent. Ce n'est pas seulement que c'est ce que souhaite l'industrie, en fait, ils voudraient avoir un chèque en blanc. Ils ne le reçoivent pas. Ils ne peuvent pas l'avoir. On est au Canada. Il faut qu'il y ait un équilibre. Mais ce n'est pas en train de se produire. J'ai l'impression que l'on fait fi de nous. Nous avons fourni les renseignements. Nous ne les avons pas attaqués. On a fourni de bonnes suggestions, mais on nous ignore.

Le sénateur Massicotte : J'apprécie cet argument fondé sur la logique du gros bon sens, de ce qui est pratique et efficace.

Dans les revendications territoriales des Sahtu, vous avez indiqué que la consolidation des autorités est contraire à vos ententes sur les revendications territoriales. Certaines personnes prétendent que l'article 25.4.6 fait en sorte que l'on peut redéléguer ou centraliser cette autorité. Qu'en pensez-vous?

Mme Blondin-Andrew : Nous avions anticipé cette question. Je vais céder la parole à M. Leas. Je ferai des observations ensuite.

M. Leas : Vous avez raison. C'est la disposition à laquelle je faisais allusion lorsque je répondais à une question préalable. Cette disposition envisage également le fait de constituer des panels régionaux au sein de ce superoffice. Cette discussion n'a jamais eu lieu. On avait suggéré que l'on pourrait avoir des comités internes créés par l'office pour répondre à cette préoccupation. Tel que d'autres l'ont souligné, cela n'est pas acceptable.

Il ne s'agit pas d'avoir un représentant qui siège à un comité pour entendre les préoccupations des Sahtu. Il s'agit de pouvoir avoir un rayonnement dans la collectivité, d'obtenir des renseignements, de communiquer avec les collectivités de manière efficace et d'avoir des consultations fructueuses. C'est précisément ce que nous faisions au cours des cinq dernières années. Le fait de vouloir changer cela pose problème.

Ces ententes sont censées être l'assise de la relation qui existe entre les peuples autochtones et le Canada. Elles ne sont pas censées être la définition. Ces ententes sont censées grandir et évoluer, et c'est précisément ce qui s'est passé.

Le sénateur Massicotte : Je pense que le côté pratique est plus important que les ententes légales, mais je veux m'assurer de bien comprendre la loi. J'ai lu l'article 25.4.6 de votre revendication territoriale, mais votre réponse semble suggérer que le paragraphe fait en sorte que l'on pourrait remplacer les offices régionaux par un superoffice. Vous avez indiqué que ce paragraphe permet de créer des offices sous régionaux. Le fait de permettre de faire quelque chose veut dire que l'on peut envisager de le faire mais qu'on n'est pas obligé de l'envisager non plus. Qu'indique ce paragraphe? Est-ce qu'il dit que vous pouvez permettre au superoffice d'exister et que vous n'êtes pas forcément obligé d'avoir des offices régionaux ou êtes-vous obligé d'en avoir?

M. Leas : Cela n'indique pas qu'il faille avoir des groupes régionaux qui feraient partie du plus grand office, mais il est indiqué que les parties doivent avoir une discussion à ce sujet. C'est comme cela que nous envisageons la chose. Il faudrait qu'il y ait une discussion exhaustive au sujet des options dont nous pouvons nous prévaloir pour veiller à ce que les objectifs des ententes sur les revendications territoriales soient atteints lorsque l'on examine la gestion des ressources et des terres. Cela ne s'est pas produit jusqu'à présent.

Le sénateur Massicotte : Avez-vous eu des discussions avec le gouvernement relativement à ce paragraphe et à son interprétation?

M. Leas : Comme l'a indiqué Mme Blondin-Andrew, cela a été une discussion à sens unique. Nous avons fait des propositions et incité le gouvernement à discuter avec nous. À ce jour, cela ne s'est pas produit.

Le sénateur Massicotte : Vous avez eu de la correspondance relativement à ce paragraphe avec le gouvernement.

M. Leas : Oui.

Le sénateur Massicotte : Pourrions-nous en avoir une copie?

M. Leas : Tout à fait. Nous avons présenté un mémoire exhaustif en novembre 2013 en plus de faire des représentations verbales, lors d'une réunion subséquente, aux représentants fédéraux. Ils connaissent bien notre position et celle que nous avons présentée sur cette question bien précise.

La contribution régionale est très importante, comme l'a signalé le sénateur Patterson. Le Yukon ne dispose que d'un office, mais comme nous l'avons mentionné dans notre mémoire, le Yukon dispose de six bureaux désignés dans l'ensemble de son territoire pour garantir que la majorité des évaluations, des examens et des présélections soit effectuée dans les régions et non pas par un office centralisé. Très peu des évaluations au Yukon se font à partir d'un bureau central. Elles sont toutes menées dans les régions et c'est également ce qui s'est produit dans les Territoires du Nord-Ouest.

Mme Rabesca Zoe : Votre question tombe à point, parce que nous avons essayé de travailler avec le Canada pour nous entendre sur un processus dans le cadre duquel nous pourrions apporter des changements à la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie ainsi qu'à son règlement. Ce n'est pas que nous n'avons pas essayé. Nous avons rédigé un cadre de processus en vue d'arriver à une solution et votre question sur l'article 25 de l'entente du Sahtu est très semblable à notre article 22, soit l'article 22.4.1 de l'accord tlicho.

C'est exactement ce que je disais plus tôt. Monsieur Pollard nous a parlé de l'article 22.4.3, qui porte sur les conseils régionaux et il nous a dit, « J'ai examiné cette clause, et je l'ai complètement ignorée parce que ça nous ramène à la case départ. » Nous estimons qu'il ne s'agit pas ici de négociations. La partie adverse a préétabli ses objectifs et présente une attitude de « C'est à prendre ou à laisser ».

Le sénateur Black : J'apprécie cette information que vous nous présentez aujourd'hui, parce que c'est un point de vue qui diffère de celui auquel j'étais arrivé ce matin. Toutefois, je veux bien comprendre. Dites-moi si j'ai tort, mais j'ai cru comprendre que le système actuel permet la prise de décision. Le demandeur présente une proposition et l'office doit veiller à son application, c'est-à-dire que les offices des terres dans les diverses régions des Territoires du Nord- Ouest devront en examiner l'application. Ils transmettront le matériel soit au groupe d'évaluation environnementale ou à l'Office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie.

Le cas échéant, n'existe-t-il pas un moyen par lequel on peut tenir compte de la contribution des régions?

Mme Rabesca Zoe : Eh bien, à l'heure actuelle, le processus fait en sorte que ce sont les offices régionaux qui reçoivent les demandes de permis concernant les terres et les eaux, et qui suivent l'ensemble du processus. Le temps de traitement est assez rapide, et comme nous l'avons dit, que la question soit renvoyée ou non à un groupe d'évaluation environnementale, ça c'est une autre question. Le cas échéant, le dossier est renvoyé à l'Office d'examen des répercussions environnementales de la vallée du Mackenzie pour qu'il procède à l'examen et il est par la suite renvoyé aux offices régionaux pour les audiences et la délivrance de permis.

Le sénateur Black : Ça, c'est ce qui se passe aujourd'hui.

Mme Rabesca Zoe : Oui, c'est le processus actuel.

Le sénateur Black : Donc, selon le nouveau système proposé — supposons qu'il prenne force de loi —, n'avez-vous donc pas la possibilité, par le biais de vos offices des terres locaux, de faire valoir vos préoccupations locales? Par locaux, je ne veux pas minimiser leur importance d'aucune façon que ce soit, mais n'avez-vous donc pas la possibilité de faire valoir quelque préoccupation que ce soit pour que l'on en tienne compte dans le processus?

Mme Rabesca Zoe : Eh bien, c'est ce que nous permet le système actuel. Dans le nouveau système, si cela a lieu, chacune des régions serait représentée par une personne à l'office. À l'heure actuelle, par exemple, pour l'Office des terres et des eaux du Wekeezhii, les Tlichos nomment deux personnes pour siéger à cet office. Ce nombre serait réduit à un. Nous nommons conjointement le président. Cela n'aurait plus lieu. Parce que les offices sont des organismes quasi judiciaires, il faudrait comparaître devant l'office avec des mémoires et des éléments de preuve, et c'est ainsi que l'on ferait valoir nos préoccupations, c'est ce que nous faisons.

Mme Blondin-Andrew : Il y a un élément précis bien différent chez les Sahtu, dont je suis très fière. Si l'Office des terres et des eaux du Sahtu estime qu'il devrait y avoir une étude sur les connaissances traditionnelles, eh bien cette étude se fera. On va mener cette étude parce qu'on est représenté au sein de l'office qui sait très bien, au moment d'examiner les demandes, quelles rivières seront touchées. Les personnes qui siègent à cet office, comme Violette Doolittle, Walter Beya et d'autres, connaissent le territoire, connaissent les populations, savent où se trouvent les corridors migratoires des animaux de sorte qu'ils peuvent déterminer si une étude des connaissances traditionnelles est nécessaire ou pas. Voilà donc un type bien particulier de contribution qui, je le crois, sera plus difficile à obtenir dans le cadre d'un superoffice. Je me trompe peut-être, mais voilà la composante que j'estime être tout à fait unique.

Le sénateur Black : Merci à nos témoins. Vos exposés ont été très enrichissants.

Le président : Merci à tous et à toutes pour vos questions et merci également pour les réponses et les exposés. Nous l'apprécions beaucoup. Nous avons des personnes qui sont à Inuvik et qui attendent de faire comme vous et de nous présenter leurs points de vue.

Bienvenue à la deuxième partie de notre réunion du Comité permanent sur l'énergie, l'environnement et les ressources naturelles.

Nous continuons notre examen du projet de loi C-15, la Loi sur le transfert des responsabilités aux Territoires du Nord-Ouest. Je suis très heureux de souhaiter la bienvenue par vidéoconférence, en provenance d'Inuvik, où il est en fait deux heures plus tôt qu'ici, à Robert Alexie, président et à Patrick Tomlinson, directeur des relations intergouvernementales qui représente le conseil tribal des Gwich'in. Merci de vous joindre à nous. Je suis désolé que nous ayons pris un peu de retard. Nos groupes de témoins ont débattu un peu plus longtemps que prévu, mais je pense que M. Alexie va faire un exposé avant que nous passions à notre période de questions et réponses. Vous avez la parole.

Robert Alexie, président, Gwich'in Tribal Council : Bonjour. Comme le président l'a mentionné, je m'appelle Robert Alexie, président du conseil tribal des Gwich'in. J'ai été élu en juin 2012.

Voici un bref historique de ma participation au débat sur le projet de loi C-15 ainsi qu'un peu d'histoire, j'ai été le chef des Tetlit Gwich'in à Fort McPherson en 1989. J'ai aussi été le chef négociateur du conseil tribal des Gwich'in de 1990 à 1992, période pendant laquelle j'ai négocié l'entente sur la revendication territoriale globale des Gwich'in aux termes de laquelle a été adoptée la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie.

J'ai également été vice-président du conseil tribal des Gwich'in de 1992 à 1996, et l'une de mes tâches consistait à mettre en œuvre les dispositions de l'entente des Gwich'in, qui comprenait également la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie. J'ai quitté les Gwich'in en 1998, je suis ensuite revenu pour commencer à travailler avec l'Office gwich'in des terres et des eaux, c'est-à-dire l'un des offices établis en vertu de la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie et l'entente des Gwich'in. J'ai occupé ce poste pendant 12 ans à titre de directeur exécutif. Par conséquent je connais très bien la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie.

J'aimerais signaler avant de commencer que la région désignée des Gwich'in est constituée de quatre collectivités : Inuvik, Aklavik, Tsiigehtchic et Fort McPherson. Nous comptons 3 400 participants inscrits. Plus de 50 p. 100 d'entre eux vivent à l'extérieur de la région désignée. C'est tout à fait unique dans les Territoires du Nord-Ouest lorsqu'il s'agit de revendications territoriales et de participants que la majorité de notre population a choisis de quitter la région, la plupart du temps à cause de raisons économiques ou du manque d'emplois. Il y a beaucoup d'activités dans les régions voisines, mais très peu dans la nôtre.

D'abord, j'aimerais signaler que le conseil tribal des Gwich'in appuie totalement le processus de transfert des responsabilités aux Territoires du Nord-Ouest. L'administration antérieure, c'est-à-dire avant la nôtre, avait intenté des poursuites à l'intention du gouvernement du Canada et du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest au sujet du transfert des responsabilités en raison de ce qu'il avait estimé être un manque de consultation. Lorsque nous avons été élus, notre conseil d'administration, soit le vice-président Norman Snowshoe et moi-même avons décidé de réévaluer le litige et en étions arrivés à la conclusion qu'il était dans notre intérêt d'en faire partie et d'aller de l'avant, et c'est ce que nous avons fait.

Nous n'avons rien contre les transferts de responsabilités. Les problèmes que nous soulevons relativement au projet de loi C-15, la Loi sur le transfert des responsabilités aux Territoires du Nord-Ouest, porte sur des modifications à la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie et plus particulièrement sur la suppression de l'Office gwich'in des terres et des eaux. C'est une question très litigieuse pour l'exécutif du conseil tribal des Gwich'in et pour notre population.

Nous estimons, et c'est ce qu'on m'a dit à de nombreuses reprises, que les modifications vont à l'encontre de l'esprit et de la lettre de l'entente des Gwich'in parce que l'un des objectifs vise à assurer au conseil tribal une participation valable dans la gestion des terres et des ressources. Nous estimons que l'Office gwich'in des terres et des eaux nous a permis d'atteindre cet objectif. L'Office des terres et des eaux a été créé en 1996, mais ses activités n'ont débuté qu'en décembre 1998. L'office avait pour objet de délivrer des permis d'utilisation des terres et des eaux dans les régions désignées des Gwich'in, et c'est ce qu'il a fait au cours des 15 dernières années sans qu'il n'y ait aucun problème.

En tant que directeur exécutif de l'Office gwich'in des terres et des eaux, je puis vous dire que toutes les demandes et tous les permis d'utilisation des terres étaient généralement traités dans les 15 à 21 jours après leur réception. Le temps maximum alloué pour le traitement d'une demande qui n'est pas renvoyée en évaluation ou en audience est de 42 jours. L'office fonctionnait très bien et travaillait avec la population et les intervenants pour traiter les demandes qui lui étaient présentées.

Je devrais aussi vous dire que nous avions quatre employés, qui travaillaient très bien et que nous avions pour ainsi dire un budget adéquat, et nous assurions aussi une présence régionale. Les gens connaissaient notre existence. S'ils avaient des questions, ils pouvaient se tourner vers nous, nous envoyer des courriels ou nous téléphoner de sorte que nous avions une très forte présence régionale. Mais, encore une fois, je dois rappeler que même si nous appuyons la Loi sur le transfert des responsabilités des Territoires du Nord-Ouest, nous ne pouvons appuyer les modifications à la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie.

Nous allons présenter un mémoire que nous acheminerons au comité soit par courriel ou par la poste plus tard aujourd'hui.

L'une des choses dont on a parlé avec John Pollard lorsqu'il est venu dans nos bureaux il y a quelques mois — et je dois signaler qu'il est venu rencontrer le conseil tribal qu'à une occasion. L'administration antérieure, en raison de la poursuite, ne pouvait pas le rencontrer, mais nous avons parlé avec M. Pollard. Nous lui avons présenté un certain nombre de recommandations. L'une des premières recommandations sur la liste était que le conseil tribal des Gwich'in cherchait à obtenir une présence régionale, si l'on veut, un office régional, un groupe régional qui pourrait être maintenu.

L'une des préoccupations que nous avions par rapport à la loi, c'est la façon dont le président du superoffice serait sélectionné. Je pense que dans la loi, dans les modifications, le président serait nommé de façon arbitraire par le ministre. Au cours des dernières décennies, depuis que l'Office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie a été établi, je pense que le conseil d'administration a proposé le nom d'une personne et que cette dernière a été nommée par le ministre, et c'est quelque chose que nous voudrions conserver.

Ce que nous n'aimons pas, c'est l'orientation politique que le ministre peut donner à l'office de planification du territoire. Cela nous met très mal à l'aise. J'estime que l'Office gwich'in d'aménagement territorial est le seul dans les Territoires du Nord-Ouest qui dispose d'un plan d'aménagement du territoire en vigueur. Il se peut que les Sahtu en aient également un. Nos offices d'aménagement territorial ont travaillé de façon diligente à l'élaboration de notre plan d'aménagement du territoire. Ce plan est mis en application. L'Office des terres et des eaux en tient compte au moment de délivrer des permis d'utilisation des terres et de l'eau, de sorte que cela fonctionne très bien.

On vous l'a probablement déjà dit auparavant, je pense que les Gwich'in, comme l'ensemble des peuples d'ailleurs, ont un lien privilégié avec le territoire. Lorsque nous avons négocié et mis en œuvre les conditions de notre entente et plus particulièrement de la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie qui mettait sur pied non seulement l'Office gwich'in des terres et des eaux mais également l'Office gwich'in d'aménagement territorial ainsi que l'Office d'examen des répercussions environnementales de la vallée du Mackenzie, la population estimait que cela faisait partie de notre participation à l'aménagement de notre territoire. Par conséquent, la population interprète les amendements présentés de façon presque arbitraire par le gouvernement comme un retrait de ses pouvoirs. Bon nombre de personnes ont travaillé au fil des ans à l'établissement de l'entente des Gwich'in, et les gens de notre région sont très préoccupés par ces changements.

Je ne sais pas si vous connaissez bien les enjeux ici, mais l'un des principaux problèmes auxquels nous faisons face actuellement, c'est le plan d'aménagement territorial du Yukon. Son élaboration a pris six ans et a coûté plus d'un million de dollars. Le gouvernement du Yukon et quatre Premières Nations y compris le conseil tribal des Gwich'in y ont participé. Récemment, le gouvernement du Yukon a arbitrairement supprimé ce plan pour en imposer un de son propre cru.

Vous pouvez donc voir que nous luttons contre des gouvernements sur deux fronts, un dans les Territoires du Nord- Ouest et l'autre au Yukon, en ce qui a trait aux conditions ayant été négociées dans l'entente au nom de notre peuple. C'est presque futile d'essayer de faire respecter une entente protégée par la Constitution, alors que le gouvernement semble privilégier l'industrie. Nous ne nous en cachons pas.

Le système réglementaire aux Territoires du Nord-Ouest a été jugé trop lent. Je ne suis pas en désaccord, mais dans la région désignée des Gwich'in, ce n'est pas le cas. Comme je l'ai dit, tout comme au Yukon, nous devons faire face aux autorités, nos soi-disant partenaires dans le processus politique, qui font en réalité du sur place.

Ce qui nous inquiète depuis des années, c'est la mise en œuvre de l'entente des Gwich'in, tout comme d'ailleurs la question de la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie et de la rivière Peel. Nous devons lutter constamment pour faire valoir nos droits et pour les mettre en œuvre selon les modalités de l'entente. C'est une préoccupation continue. C'est un problème qui est survenu dès le début et qui se poursuit.

Cela dit, nous sommes favorables au transfert des responsabilités. Les modifications à la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie ne sont pas très bien acceptées par notre population et ni par notre conseil tribal.

Si M. Tomlinson a quelque chose à ajouter, il peut le faire maintenant.

Patrick Tomlinson, directeur, Relations intergouvernementales, Gwich'in Tribal Council : Je pense que je vais m'abstenir et intervenir plutôt sur certaines questions en fonction de leur nature.

Le président : C'est parfait. Merci beaucoup.

J'ai deux personnes qui veulent intervenir et je vais commencer par céder la parole au vice-président.

Le sénateur Mitchell : Merci de votre exposé, qui est vraiment convaincant. Nos témoins précédents représentaient les Tlichos et les gens du Sahtu. Ils nous ont dit essentiellement la même chose que vous.

Peut-être que vous pouvez développer vos arguments davantage. En fait, si vous faites des revendications territoriales, c'est pour obtenir le contrôle de vos terres et on a l'impression que, sans votre propre office d'aménagement du territoire, vous ne perdiez l'avantage crucial que procure le règlement d'une revendication territoriale. C'est bien cela, n'est-ce pas?

M. Alexie : Permettez-moi de vous interrompre. Nous avons du mal à vous entendre. Vos propos nous parviennent hachurés.

Le sénateur Mitchell : Je comprends. Je vais recommencer. Merci.

M. Alexie : C'est peut-être une question de transmission. Peut-être faudra-t-il vous approcher du microphone, mais nous ne vous entendions pas très bien.

Le sénateur Mitchell : C'est sans doute ma faute.

M. Alexie : Peut-être.

Le sénateur Mitchell : D'une façon fort convaincante, vous présentez le même argument que les représentants du Sahtu et des Tlichos nous ont exposé pendant la première heure de nos délibérations.

Manifestement, une revendication territoriale est uniquement conçue pour donner à des groupes et à des peuples comme le vôtre le contrôle de leur territoire. Si vous ne pouvez pas compter sur votre propre office d'aménagement des territoires, on peut se poser des questions. À quel point le fait de ne pas avoir votre propre office vous empêche de contrôler vos terres?

Deuxièmement, serait-il possible pour vous de négocier la création d'un sous-office qui aurait pour responsabilité directe votre région?

M. Alexie : Pour ce qui est d'un éventuel sous-office, je sais que M. Pollard y fait allusion dans sa recommandation. Les modifications à la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie n'en font pas mention, mais c'est une possibilité.

Pendant des années, j'ai été le directeur exécutif de l'Office des terres et des eaux et j'ai la ferme impression que le superoffice ne pourra pas s'acquitter de son mandat dans les régions éloignées de Yellowknife et qu'il faudra sans doute prévoir un office régional pour toutes les petites entreprises de la région d'Inuvik qui n'ont pas les moyens de préparer une demande. Les demandes comportent désormais de nouveaux éléments, notamment des plans de gestion des déchets. Qu'est-ce que cela implique? Une petite entreprise familiale qui existe depuis des dizaines d'années sait ce que représente un permis d'aménagement du territoire. À cette fin, elle peut s'adresser actuellement à l'Office gwich'in des terres et des eaux. Quand j'y travaillais, nous aidions à préparer les demandes et notamment les plans de gestion des déchets.

M. Pollard, dans son rapport, évoque la possibilité d'une présence régionale mais il est très important que le conseil tribal des Gwich'in puisse compter là-dessus. En effet, quand nos revendications territoriales ont été réglées en 1992, et au moment où nous avons mis en œuvre le règlement, les offices se sont avérés très importants car ils signifiaient que le gouvernement respectait les dispositions de l'accord conclu avec les Gwich'in. On reconnaissait ainsi notre rôle de gestionnaire, non seulement des terres domaniales, mais également des terres des Gwich'in. L'Office gwich'in des terres et des eaux a compétence en matière de planification de l'aménagement du territoire et cela inclut les terres des Gwich'in. Il est très important pour notre peuple de garder ce pouvoir.

M. Tomlinson : Permettez-moi d'ajouter quelque chose à propos de la suppression de l'Office des terres et des eaux. M. Alexie a bien expliqué ce que cela représentait. Il est certes important que le gouvernement procède à ces modifications de processus et de structure. Toutefois, je pense que cela crée beaucoup d'inquiétude et M. Alexie a expliqué pourquoi. On se préoccupe toutefois notamment de ce que l'on a appelé l'optimisation du système de réglementation prévue dans la loi. On se demande sérieusement si ce processus sera optimisé ou si au contraire, il sera alourdi et créera des problèmes.

Par rapport à la démocratie participative, on est en droit de se poser des questions comme l'a dit M. Alexie. Quel sera le nombre de représentants des gouvernements autochtones ou encore le nombre de représentants des Gwich'in au sein de cette importante instance décisionnelle? Il y en aura très peu désormais.

On s'inquiète également de l'intendance des écosystèmes et on se demande si les modifications prévues dans le projet de loi permettront de mieux protéger les écosystèmes des régions désignées.

Enfin — et c'est là un argument que peut facilement comprendre un gouvernement conservateur — on s'inquiète des retombées économiques une fois le projet de loi adopté, par exemple la croissance du PIB, la création d'emplois, les investissements dans les terres désignées. On n'est pas du tout certain que ces modifications aient des retombées économiques. Il n'est pas du tout évident qu'il y ait un lien direct entre ces modifications réglementaires et l'évolution positive de ces aspects fondamentaux de l'économie.

M. Alexie : Permettez-moi d'ajouter quelque chose. Quand j'étais à l'Office des terres et des eaux, la présence de l'office était très ancrée dans la région. Les gens savaient où nous trouver. Ils savaient qu'ils pouvaient compter sur nous. Ils savaient ce que nous faisions. Beaucoup de leurs interrogations étaient présentées non seulement au personnel de notre bureau mais également aux membres de l'office. Nous avions une grande visibilité dans la région.

M. Tomlinson vous a dit que l'office est composé de quatre membres et d'un président. Selon les amendements proposés à la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie, il n'y aura désormais plus que deux représentants — celui du conseil tribal des Gwich'in et un représentant du gouvernement. Ce dernier pourrait ne pas être un résidant de la région. Nous n'avons pas pour le moment de certitude à cet égard. La visibilité de l'office sera moindre et son objectif moins bien compris. C'est ce que je voulais ajouter.

Le sénateur Patterson : Merci de témoigner à partir d'Inuvik.

Monsieur Alexie, je souhaite vous poser deux questions. Avec votre vaste expérience, vous nous permettez de nourrir la discussion, et nous vous en sommes reconnaissants.

Vous vous dites inquiet de la disparition d'une présence régionale — et je vous cite de mémoire — dans la zone occupée par les Gwich'in une fois que l'on appliquera les dispositions de ce projet de loi. J'ai interrogé le premier ministre McLeod sur ce point précisément quand il est venu témoigner devant notre comité et je voudrais rapidement rappeler ce qu'il a dit, car le compte rendu en fait état. Il a dit :

[...] en engageant les gouvernements autochtones très tôt dans le processus de transfert, nous avons appris que pour obtenir leur appui, il fallait leur démontrer que les régions et les communautés pourraient également bénéficier de ces postes et de ces ressources. Nous avons entrepris ce que nous appelons une approche de décentralisation en trois étapes. La première étape consistait à cerner les programmes et les services existants que nous avons décentralisés vers les régions et les communautés.

La deuxième étape faisait partie du processus de transfert des responsabilités dans lequel nous avons reconnu qu'au moins 300 emplois du gouvernement du Canada seraient transférés au gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. Chose certaine, les gouvernements autochtones s'attendaient à ce qu'une grande part de ces emplois revienne aux communautés en dehors de Yellowknife. Ainsi, nous avons évalué que 90 emplois seraient créés à l'extérieur de Yellowknife.

Troisièmement :

En travaillant avec le ministre des Finances, nous avons trouvé une source de financement qui nous permettra de construire jusqu'à 100 maisons au cours des trois prochaines années dans diverses communautés. Nous déterminerons les programmes et les services qui seront décentralisés et nous fournirons des locaux à ces communautés.

Vous avez parlé des quatre membres de votre personnel dans la région. Est-ce que les garanties annoncées par le premier ministre McLeod vous rassurent par rapport à la solide présence régionale que vous avez décrite si éloquemment?

M. Alexie : Un des aspects du transfert des responsabilités est le transfert d'emplois du gouvernement du Canada au gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. Certains de ces emplois se trouvent dans la région mais je pense que la majorité se trouve à Yellowknife. Nous savons que nous allons perdre au moins quatre emplois aux termes de la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie et que l'Office des terres et des eaux sera démantelé, mais nous allons en gagner d'autres. Patrick sait mieux que moi où ces emplois se situeront dans la région. Cet aspect-là, si je ne m'abuse, est en grande partie négocié en ce moment dans le cadre de la stratégie en matière de ressources humaines qui figure dans l'Entente sur le transfert des responsabilités.

Je ne suis pas en désaccord avec le premier ministre McLeod là-dessus. Il y aura beaucoup plus d'emplois qui seront transférés en vertu de la Loi sur le transfert des responsabilités. Je vais laisser Patrick vous répondre à ce sujet.

M. Tomlinson : Je ne sais pas si j'ai bien entendu le chiffre que vous avez cité. Assurément, le premier ministre McLeod a fait un effort louable pour s'entretenir avec le conseil tribal et nous assurer que, en vertu du processus de transfert des responsabilités, les emplois et les débouchés seraient décentralisés, du moins à long terme et pour reprendre le terme que vous avez utilisé, monsieur.

Vous avez parlé de 300 emplois mais je pense que c'est un petit peu exagéré. Il s'agirait plutôt de 200 emplois, dont la majorité en recherche et développement à Yellowknife. Il faut se rappeler que beaucoup de ces postes sont déjà pourvus. Aujourd'hui, leur employeur est le gouvernement du Canada mais demain, ce sera le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest.

Vous avez tout à fait raison de dire qu'il est fort possible, à long terme, qu'il y ait des débouchés. Si les Territoires du Nord-Ouest ont la bonne fortune de pouvoir compter sur des successeurs au premier ministre McLeod aussi acquis que lui à la décentralisation, certains de ces avantages se manifesteront tôt ou tard.

Le sénateur Patterson : Ma question maintenant porte sur les groupes d'experts régionaux dont la disparition vous inquiète.

Quand il a comparu devant le comité, j'ai posé la question au ministre Valcourt. Étant donné les préoccupations exprimées par les gouvernements autochtones, on prévoit un amendement au projet de loi C-15 dont nous sommes saisis et qui, selon M. Valcourt, devrait apaiser les inquiétudes. Je le cite :

[...] des modifications ont toutefois été apportées pour permettre au président d'établir des comités restreints chargés d'étudier les demandes soumises à l'Office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie.

Après consultation,

[...] le projet de loi exige que le président nomme un représentant désigné par la région au sein du comité restreint lorsqu'il se penche sur une demande ne concernant que la région.

Je sais que ce n'est pas encore réalité mais je pense que le gouvernement a cherché à vous rassurer en donnant au président le pouvoir de nommer des représentants régionaux à des comités restreints. Il serait donc possible en fait qu'une demande touchant la région des Gwich'in donne lieu à la constitution d'un comité local. Le président, qui se chargera de mettre en œuvre le projet de loi, est lié par l'accord final Gwich'in, comme vous le savez. Je suppose que le président s'acquittera de cette responsabilité au besoin.

Dites-moi, est-ce que cela vous rassure? Je pense que c'est pour tenir compte de votre inquiétude que l'on a apporté cette modification au projet de loi.

M. Alexie : Merci, sénateur Patterson. Oui, en effet, c'est une des suggestions que le conseil tribal des Gwich'in a faite. C'est exactement ce que vous avez dit. Un représentant Gwich'in siégerait à tout comité ou groupe d'experts qui se pencherait sur une demande concernant entièrement la région Gwich'in.

Cela dit, cette disposition figurait au départ dans la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie. Toute demande de mise en valeur dans une région donnée doit être étudiée par l'office ou le groupe d'experts où siège un représentant de la région Gwich'in. Cette disposition figurait dans la loi à l'origine. Il est entendu que nous sommes satisfaits de la modification apportée à la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie, car le ministre nous donne ainsi l'assurance que notre représentant siégerait au comité ou au groupe d'experts qui étudiera une demande portant entièrement sur la région Gwich'in ou qui pourrait avoir une incidence sur cette dernière, car c'est ce que nous avons recommandé et il semble que le ministre ait retenu cette recommandation mais cela ne nous rassure pas vraiment en ce qui concerne une présence régionale.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, j'ai travaillé longtemps dans la région et je sais qu'à brève échéance, le président et l'office constateront qu'une présence régionale est impérative. Il existe beaucoup de petites entreprises non seulement dans la région Gwich'in mais dans le reste des Territoires du Nord-Ouest qui n'ont ni les moyens ni les compétences pour préparer une demande qui sera présentée au superoffice. La distance — l'office se trouvant à Yellowknife et les promoteurs dans des petites localités éloignées — causera probablement beaucoup de frustration.

Il y avait un lien personnel lorsque l'on traitait avec l'Office des terres et des eaux à Inuvik, ce qui facilitait les formalités. Pour beaucoup de petits entrepreneurs, la création du superoffice n'aboutira pas à grand-chose si ce n'est qu'à ajouter beaucoup de lourdeur administrative.

Le sénateur Wallace : Monsieur Alexie, la question du sénateur Patterson concerne le processus de consultation qui a abouti à la signature de l'Entente sur le transfert des responsabilités.

Pouvez-vous nous dire dans quelle mesure les suggestions faites par le conseil tribal des Gwich'in pendant ce processus se reflètent dans l'entente finale? Vous avez déjà parlé de la disposition concernant un représentant régional mais y a-t-il d'autres choses que vous auriez suggéré? Pensez-vous que le processus était ouvert aux préoccupations exprimées par le conseil?

M. Tomlinson : C'est essentiellement le processus de consultation.

M. Alexie : Je ne comprends pas très bien votre question, mais je tiens à signaler que quand j'étais directeur exécutif de l'Office gwich'in des terres et des eaux, nous avons eu un court entretien avec M. Pollard et en novembre 2013, le conseil tribal des Gwich'in a tenu une première réunion avec M. Pollard. Les consultations se bornent à cela, pour ainsi dire. Nous avons présenté quantité de recommandations que vous pourrez lire dans le mémoire que nous présenterons sous peu au comité.

Le sénateur Wallace : Y a-t-il d'autres suggestions que vous auriez faites pendant le processus et qui figurent désormais dans les dispositions que nous avons entre les mains?

M. Alexie : Je vais demander à Patrick de vous répondre.

M. Tomlinson : Comme M. Alexie l'a dit, pendant un certain temps quand M. Pollard s'est occupé de la préparation du projet de loi, le processus de modification de la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie était partagé en blocs distincts. M. Pollard s'occupait d'un bloc et d'autres fonctionnaires fédéraux d'un autre, et c'est ainsi que le processus a varié.

Plusieurs organisations et gouvernements autochtones ont commencé à collaborer en 2010-2011, et ont déposé une réponse au gouvernement, une réponse que je trouve raisonnable et bien pensée, sur le processus d'amendement de la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie. La réponse proposait un engagement de collaboration selon lequel les parties devraient se réunir pour discuter des problèmes que la loi suscitait pour elles et de solutions possibles.

Malheureusement, l'approche proposée n'a pas été acceptée par le gouvernement. Cela s'est passé en novembre 2011. Depuis lors, le conseil tribal opère essentiellement de façon indépendante sur ces questions. Depuis ce temps, nous avons soumis plusieurs questions, commentaires, et suggestions au gouvernement fédéral. Vous pouvez les trouver dans le mémoire que j'ai envoyé à votre greffière ce matin. Dans la trousse, vous trouverez la lettre de M. Alexie, ainsi que les questions soumises. Vos membres pourront donc prendre connaissance des amendements proposés par le conseil tribal. En réponse, nous avons reçu une lettre-type, où l'on n'abordait pas, au moins directement, les questions et préoccupations spécifiques citées par le conseil.

Pour revenir au point du sénateur Patterson, il est vrai que certaines concessions ont été faites, et nous apprécions la capacité du ministre et des hauts fonctionnaires d'en faire. Cependant, je les trouve largement insuffisantes, en partie parce qu'elles ont été édulcorées par rapport aux recommandations. Il faut noter également que la recommandation que vous avez citée, bien qu'elle soit bonne, doit être vue comme faisant partie d'un groupe de recommandations. Étant donné les changements qu'ils apportent à la présidence, ainsi que les autres changements, je ne crois pas que cet amendement ira aussi loin que ce qu'on aurait voulu.

Pour vous en donner un exemple, il est vrai que le libellé semble suggérer qu'un représentant ou une personne nommée des Gwich'in participera au groupe d'experts qui prend des décisions qui touchent la région visée par le règlement de la revendication des Gwich'in. Mais lorsque quatre ou cinq processus sont en cours au même moment, il n'est peut-être pas logique qu'une personne siège à tous les mini-groupes d'experts ou tous les comités. Pour ces raisons, ainsi que pour d'autres raisons, on se demande vraiment si le libellé du projet de loi respecte l'esprit de l'amendement proposé.

M. Alexie : Pour ajouter à cela, lorsqu'on parle d'une personne nommée par les Gwich'in et d'un membre du superoffice, nous avons un problème avec l'échéancier pour nommer et installer un membre au conseil, et ceci depuis que nous avons commencé à mettre en œuvre la revendication des Gwich'in. Nous essayons de nommer un membre depuis déjà quatre ou cinq ans. Le conseil tribal des Gwich'in n'a pas de représentants à l'office, et cette situation existe depuis cinq ans déjà.

Chaque fois que nous soumettons des noms au ministre, pour une raison ou une autre les personnes n'ont pas eu l'approbation selon le processus du bureau du ministre. Pour ce qui est du superoffice, il est possible que le poste alloué au conseil tribal des Gwich'in ne soit pas comblé pendant une période de temps pour une raison ou une autre. Si l'office devait se pencher sur une demande qui nécessite la présence du représentant des Gwich'in, on ne sait pas si ce représentant va pouvoir être présent. On aurait dû parler de ce problème dès le début, étant donné la difficulté que nous avons à proposer des noms qui devraient être acceptés par le ministre mais qui, pour une raison ou une autre, et d'ailleurs, pour des raisons qui ne sont jamais claires, ont été rejetés.

La plupart du temps nous recevons une lettre du bureau du ministre qui indique que la demande de telle ou telle personne a été reçue et que le bureau a rejeté la nomination, et on nous demande d'en soumettre une autre. Cela se passe depuis plusieurs années déjà, et cela risque d'engendrer des problèmes avec le nouveau superoffice, lorsqu'il s'agit de nommer le représentant des Gwich'in.

Le président : Nous sommes à la fin de la période des questions alors je vous remercie, monsieur Alexie et monsieur Tomlinson. Nous apprécions vos commentaires, et j'apprécie les questions et les réponses de tout le monde.

Je demande une motion pour lever la séance, s'il vous plaît.

Le sénateur Patterson : Je propose la motion.

(La séance est levée.)


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