Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 13 - Témoignages du 3 juin 2014
OTTAWA, le mardi 3 juin 2014
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-5, Loi modifiant la Loi de mise en œuvre de l'Accord atlantique Canada—Terre-neuve et la Loi de mise en œuvre de l'Accord Canada—Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers et d'autres lois, et comportant d'autres mesures, se réunit aujourd'hui, à 17 h 44, pour étudier ce projet de loi.
Le sénateur Richard Neufeld (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Je m'appelle Richard Neufeld, je représente la Colombie-Britannique au Sénat et je suis président de ce comité.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à mes collègues sénateurs ainsi qu'à tous les gens du public qui sont présents dans cette salle ou qui nous regardent à la télévision. Je rappelle à tous que ces séances de comité sont ouvertes au public en plus d'être accessibles en webdiffusion sur le site sen.parl.gc.ca. Vous trouverez également plus de détails sur la liste de nos témoins sur le site web des comités du Sénat.
Je vais maintenant demander aux sénateurs de se présenter à tour de rôle, et je pars le bal en vous présentant Grant Mitchell, sénateur de l'Alberta, qui est vice-président de ce comité.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Pierre-Hugues Boisvenu, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Patterson : Dennis Patterson, sénateur du Nunavut.
Le sénateur Black : Doug Black de l'Alberta.
Le sénateur Wallace : John Wallace du Nouveau-Brunswick.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Paul Massicotte, du Québec.
[Traduction]
La sénatrice Seidman : Judith Seidman de Montréal, au Québec.
Le président : Je vous présente maintenant notre personnel en commençant par notre greffière, Lynn Gordon, à ma gauche, et nos deux attachés de recherche de la Bibliothèque du Parlement, Sam Banks et Mark LeBlanc.
Nous amorçons aujourd'hui nos audiences sur le projet de loi C-5, Loi modifiant la Loi de mise en œuvre de l'Accord atlantique Canada—Terre-neuve et la Loi de mise en œuvre de l'Accord Canada—Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers et d'autres lois, et comportant d'autres mesures.
Honorables sénateurs, ce projet de loi, dont le titre abrégé est Loi sur la santé et la sécurité dans la zone extracôtière, a été présenté à la Chambre des communes par l'honorable Lisa Raitt, ministre des Ressources naturelles, et lu pour la première fois le 24 octobre 2013.
Après la seconde lecture, il a été renvoyé au Comité permanent des ressources naturelles de la Chambre des communes qui y a apporté des modifications et déposé son rapport à la Chambre le 12 février 2014.
La greffière a fait parvenir à votre bureau un exemplaire du projet de loi ainsi que du cartable d'analyse article par article produit par le ministère des Ressources naturelles. Si vous n'avez pas ces documents avec vous aujourd'hui ou si vous avez besoin de quoi que ce soit, veuillez vous adresser à la greffière.
C'est avec grand plaisir que je souhaite la bienvenue pour la première portion de notre séance d'aujourd'hui aux représentants de Ressources naturelles Canada, Jeff Labonté, directeur général, Sûreté énergétique et sécurité; Samuel Millar, directeur principal, Division de la gestion des régions pionnières; Anne-Marie Fortin, avocate-conseil, Services juridiques; Tyler Cummings, directeur adjoint, Division de la gestion des régions pionnières; et d'Emploi et Développement social Canada, Brenda Baxter, directrice générale, Direction du milieu du travail, Programme du travail.
Merci à tous de votre présence. Nous sommes désolés pour le léger retard. Comme certaines discussions se sont éternisées au Sénat, nous n'avons pu être ici à l'heure prévue. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir bien voulu nous attendre.
Je crois que M. Labonté devra nous quitter en cours de route, mais ses collègues demeureront des nôtres. Je vous remercie. Vous avez la parole.
Jeff Labonté, directeur général, Sûreté énergétique et sécurité, Ressources naturelles Canada : Merci beaucoup de me donner l'occasion de parler de ce projet de loi très important que nous attendons depuis bien des années. Nous nous réjouissons de pouvoir contribuer au processus en répondant à vos questions et commentaires, et espérons pouvoir vous fournir autant d'information que possible au sujet de ce projet de loi.
[Français]
C'est avec plaisir que je vous présente ce projet de loi de concert avec mes collègues du ministère de la Justice et du ministère des Ressources naturelles.
[Traduction]
Nous avons un bref document de présentation, et je sais que le cahier d'analyse est plutôt épais. C'est un projet de loi très technique qui compte quelque 300 pages, alors il y a bien des éléments à analyser. Les membres du comité de la Chambre avaient assurément beaucoup de questions à poser.
Je vais donc vous présenter mon exposé assez rapidement de telle sorte que nous ayons le temps d'apporter toutes les précisions voulues.
Dans une perspective générale, le gouvernement adopte des mesures pour améliorer et accroître la sécurité des travailleurs et de l'environnement dans les zones extracôtières. Les modifications proposées représentent la première étape d'un large éventail de mesures visant la mise à jour de nos régimes énergétiques partout au pays. Le projet de loi C-22 porte sur les opérations pétrolières extracôtières, la responsabilité et l'indemnisation en matière nucléaire, et les mesures prises ultérieurement par le ministère et d'autres ministères pour appuyer l'infrastructure énergétique au Canada.
Il faut reconnaître que le secteur extracôtier est une composante très dynamique du régime énergétique canadien. Nous sommes chanceux de pouvoir compter sur ce secteur qui nous a fourni au fil des 25 à 30 dernières années d'importantes ressources énergétiques dans le cadre d'un développement sécuritaire s'appuyant sur les deux décennies d'exploration et de travaux préparatoires qui ont précédé. Cela étant dit, le secteur extracôtier est l'un des environnements et des lieux de travail les plus hostiles qui soient actuellement au Canada. C'est aussi bien sûr un secteur industriel très actif où la technologie est omniprésente.
La diapositive 3 nous indique qu'il existe une zone grise. Le secteur extracôtier canadien a fait l'objet de querelles de compétences entre le fédéral et les gouvernements provinciaux et, faute de pouvoir régler ces différends, les gouvernements ont convenu au milieu des années 1980 de conjuguer leurs efforts dans le cadre d'un régime de gestion conjointe. De cette manière, chaque gouvernement préserve sa responsabilité à l'égard des zones d'exploitation extracôtière, et c'est ainsi que les gouvernements provinciaux de Terre-Neuve-et-Labrador et de la Nouvelle-Écosse en sont venus à adopter des lois parallèles.
Le projet de loi fédéral que vous étudiez a donc son pendant dans ces deux provinces de manière à ce qu'elles puissent de concert avec le gouvernement fédéral aborder l'exploitation des ressources extracôtières dans une perspective commune par le truchement d'instances mixtes de réglementation qui portent le nom d'offices des hydrocarbures extracôtiers. On retrouve un office semblable pour la Nouvelle-Écosse et un autre pour Terre-Neuve-et- Labrador.
Ailleurs au pays, le secteur extracôtier est considéré comme un territoire fédéral soumis à la gestion et à la réglementation de l'Office national de l'énergie. Depuis la signature en 2011 d'un accord entre le gouvernement du Québec et le fédéral pour le partage de la gestion du secteur extracôtier du golfe Saint-Laurent, nous collaborons avec la province en vue de l'adoption d'une loi en la matière.
Dans ce contexte, lorsque les lois de mise en œuvre des accords ont été rédigées à la fin des années 1980, elles stipulaient que les questions de santé et sécurité au travail étaient de compétence provinciale. Dans ce secteur particulier, la loi fédérale reconnaissait que les lieux de travail relevaient de la compétence des ministres provinciaux du Travail et que les lois provinciales en la matière devaient donc s'appliquer au secteur extracôtier étant donné qu'il peut être considéré comme un lieu de travail.
Parallèlement à cela, il a été convenu que la sécurité opérationnelle — la sécurité des opérations de forage, l'utilisation sécuritaire de l'équipement, le recours à des moyens sûrs pour emmagasiner, gérer et extraire les ressources — fait partie intégrante du milieu de travail et relève donc de la législation fédérale, en même temps que de la loi provinciale s'appliquant aux lieux de travail.
Il est alors devenu difficile de faire la distinction entre la santé et la sécurité au travail — le lieu de travail pour les travailleurs — et la sécurité opérationnelle — le lieu de travail considéré comme un ensemble d'activités faisant appel aux systèmes, à la machinerie, aux protocoles et à la technologie.
Il s'est produit en Nouvelle-Écosse un accident où un travailleur a perdu la vie, et on ne savait pas exactement si c'était une question de santé et sécurité au travail ou de sécurité opérationnelle. Les deux gouvernements ont tenté par la suite de déterminer comment il leur était possible d'intenter des poursuites en bonne et due forme. On a dû reconnaître qu'il y avait ambigüité quant à la loi applicable et le dossier a été fermé. Les deux gouvernements, ainsi que celui de Terre-Neuve-et-Labrador, ont convenu à ce moment-là, et c'était il y a environ 10 ans, qu'il fallait travailler ensemble pour éliminer toute ambigüité en matière de santé et sécurité au travail.
C'est ce qui nous a menés à ce projet de loi, le fruit du travail accompli au fil des 10 dernières années.
Si l'on passe rapidement à la diapositive 4 qui présente les principales caractéristiques des modifications proposées dans ce projet de loi, on constate que c'est le ministre des Ressources naturelles qui est responsable de la loi à l'échelon fédéral. Pour leur part, les ministres provinciaux chargés de la santé et sécurité au travail sont responsables en tant que ministres du Travail pour leur portion de la loi provinciale.
Les autres articles des lois de mise en œuvre de l'accord extracôtier relèvent du ministre de l'Énergie des deux provinces concernées. Ainsi donc, le ministre du Travail et le ministre de l'Énergie sont conjointement responsables des lois provinciales de mise en œuvre de l'accord, alors qu'à l'échelle fédérale, c'est le ministre des Ressources naturelles qui est responsable de l'ensemble de la loi.
Comme je l'indiquais, les offices extracôtiers sont des instances indépendantes qui assurent la réglementation et l'administration au nom des deux gouvernements. Les membres de ces offices sont nommés par la province et le gouvernement fédéral, chacun disposant du même nombre de sièges pour assurer l'indépendance de l'office. Chaque office peut compter sur un personnel possédant de l'expertise en sécurité, environnement, génie, forage et activités opérationnelles.
On traite à la diapositive 5 du concept des passagers en transit qui fait partie des principales caractéristiques des modifications apportées à la loi. Pour avoir une idée du milieu de travail, il faut savoir que l'exploitation extracôtière se fait à une distance de 200 à 300 kilomètres des côtes. Dans la plupart des cas, c'est un navire qui est ancré, avec une plateforme de forage et un puits. On extrait ainsi les ressources à partir d'un navire stationnaire qui flotte au milieu de l'océan, ou du moins à 300 kilomètres au large.
C'est donc un milieu de travail assez particulier. Les travailleurs quittent généralement Saint John's par hélicoptère ou par bateau pour arriver quelques heures plus tard sur leur lieu de travail, la plateforme ou le navire. Ils y passent un certain nombre de semaines où ils alternent quarts de travail et périodes de repos. C'est donc un lieu de travail assez spécial qui s'apparente un peu aux grands camps d'exploitation minière ou aux autres chantiers où les travailleurs sont transportés par avion. Ils travaillent sur place puis repartent, ce qui fait que le lieu de travail devient aussi leur milieu de vie pendant les périodes de repos.
Les modifications proposées dans le projet de loi s'appliquent aux passagers en transit en reconnaissant que le quart d'un travailleur commence à Saint-Jean (Terre-Neuve) lorsqu'il reçoit son équipement et s'installe dans le navire ou l'hélicoptère pour amorcer son déplacement vers le lieu de travail proprement dit. C'est une considération d'autant plus importante dans le contexte de l'accident d'hélicoptère qui a entraîné des pertes de vie à Terre-Neuve-et-Labrador. On espère bien sûr qu'une telle tragédie ne se reproduira pas, mais il est bien certain que ce projet de loi vise à assurer la meilleure protection possible aux travailleurs en pareilles circonstances.
Un règlement visant les passagers en transit doit également être élaboré avec l'accord du ministre des Transports, du fait de son autorité réglementaire à l'égard des déplacements par hélicoptère.
Le projet de loi comporte également des dispositions permettant de porter en appel les décisions prises par les agents de santé et sécurité au travail. L'appel est interjeté au départ auprès du délégué à la sécurité. Le rôle de ce délégué est expliqué en long et en large dans le projet de loi. Il est membre de l'office et dispose d'importants pouvoirs lui permettant de prendre des décisions concernant le lieu de travail, la sécurité des travailleurs et les opérations.
La loi permet en outre aux ministres de nommer un agent spécial lorsque cela est nécessaire pour assurer la protection voulue, faire enquête et examiner la situation dans des circonstances exceptionnelles exigeant une analyse plus approfondie.
À la diapositive 7, on peut voir que la loi clarifie également certains points concernant le délégué à la sécurité. Premièrement, ce poste ne peut pas être confié au premier dirigeant de l'office. On veut ainsi garantir une séparation claire entre les fonctions liées à la sécurité et les autres fonctions de l'office, et notamment ses responsabilités en matière d'environnement et de gestion des actifs, ce qui comprend la signature des baux et la gestion des redevances et des structures liées au développement économique.
Il est établi que le délégué à la sécurité doit fournir une autorisation écrite pour toute demande de permis de forage et d'exploitation. Le délégué à la sécurité a aussi le pouvoir d'accorder la prise de mesures réglementaires de remplacement lorsqu'un exploitant peut lui démontrer que la substitution proposée procure un degré de sécurité équivalent ou supérieur.
Il est aussi indiqué explicitement dans la loi que le délégué à la sécurité peut exiger la mise sur pied d'un comité spécial sur la santé et la sécurité au travail pour veiller à ce que les travailleurs aient leur mot à dire quant à la sécurité de leur lieu de travail et leur donner la possibilité de contribuer directement aux processus touchant la sécurité, et de les prendre en charge en quelque sorte.
Mentionnons également la possibilité pour les ministres provinciaux du travail de désigner des agents spéciaux dans certaines conditions bien définies. Ces agents spéciaux relèvent directement du ministre. C'est un pouvoir exceptionnel conféré par la loi pour permettre un examen plus minutieux d'un enjeu donné en l'absence d'autres moyens pour le faire. Encore là, la loi a été élaborée de manière à tenir compte des réalités du secteur extracôtier au Canada et du caractère unique des milieux de travail qu'on y retrouve.
Le projet de loi comporte aussi un certain nombre de modifications corrélatives au Code canadien du travail. Mon collègue de Travail Canada pourra vous en parler plus en détail, mais ces mesures sont prises dans un souci d'harmonisation à la suite des modifications apportées au Code du travail et à d'autres lois. Différentes modifications sont prévues en ce sens : il y a prolongation du délai pour entamer une poursuite; on précise qu'il est nécessaire pour les fonctionnaires délégués d'obtenir la permission du ministre pour témoigner devant des instances administratives; on améliore la capacité de transmettre l'information requise dans différents secteurs, tout en continuant à protéger les renseignements personnels. Il va de soi que ces modifications sont jugées corrélatives, mais nous voulions certes les mettre en lumière, car elles touchent une autre loi fédérale fort importante.
Ce projet de loi inclut également quelques autres modifications n'ayant pas trait à la santé et à la sécurité au travail. Certaines d'entre elles sont assez importantes, même si elles sont plus symboliques. On pense notamment à la mise à jour des références au nom officiel de la province de Terre-Neuve-et-Labrador. Certaines des lois auxquelles renvoie la loi de mise en œuvre de l'accord parlent uniquement de la province de Terre-Neuve. D'autres références doivent être mises à jour relativement à des lois provinciales et fédérales.
Il y a aussi la mise à jour des pouvoirs des agents de la sécurité opérationnelle et des agents du contrôle de l'exploitation afin qu'ils correspondent aux nouveaux pouvoirs accordés aux agents de santé et sécurité au travail. Il s'agit d'harmoniser le travail de tous ces agents. Chacun d'eux a un rôle réglementaire distinct à jouer lorsqu'il inspecte le lieu de travail, vérifie les opérations ou évalue les aspects environnementaux des activités de forage. Nous voulons donc harmoniser les pouvoirs conférés à ces agents dans l'exercice de leurs fonctions réglementaires.
Pour ce qui est des consultations, ces mesures sont le fruit des négociations entre le Canada, Terre-Neuve-et- Labrador et la Nouvelle-Écosse. On a largement misé sur les conseils spécialisés de Travail Canada et des deux offices des hydrocarbures extracôtiers ainsi sur les séances d'information à l'intention des principaux intervenants, à savoir l'industrie de l'exploitation extracôtière, la fédération des travailleurs et les autres syndicats. Bon nombre de ces consultations se sont poursuivies pendant la majeure partie des sept années qui ont mené à la présentation de ce projet de loi. C'est plutôt complexe. Comme je l'indiquais, c'est un projet de loi important qui a exigé une collaboration soutenue entre tous ces groupes.
Pour ce qui est des prochaines étapes, les lois parallèles correspondantes ont déjà été adoptées par les deux gouvernements provinciaux concernés. Les deux lois équivalant au projet de loi C-5 ont ainsi reçu la sanction royale à Terre-Neuve-et-Labrador et en Nouvelle-Écosse. Le règlement transitoire sera déposé à la Chambre des communes et au Sénat avant l'ajournement estival, ou tout au moins avant que le projet de loi reçoive la sanction royale.
Les dispositions réglementaires que nous proposons sont identiques à celles actuellement en vigueur, auxquelles s'ajoutent des lignes directrices sous forme d'obligations contractuelles pour les exploitants afin d'assurer un maximum de clarté en matière de santé et sécurité au travail. Ces mesures sont jugées transitoires, et nous avons prévu dans la loi une période de cinq ans pour la mise à jour de ce règlement.
Je vais terminer là, monsieur le président, en vous invitant à me poser vos questions.
Le président : Merci. Nous avons une liste de sénateurs qui ont des questions. J'en aurais moi-même une ou deux à vous poser.
Mes notes indiquent que le Comité permanent des ressources naturelles de la Chambre des communes a apporté des modifications au projet de loi et présenté son rapport à la Chambre le 12 février 2014. Vous indiquez pour votre part que les lois provinciales correspondantes ont reçu la sanction royale le 10 mai 2013, dans le cas de la Nouvelle-Écosse, et le 16 mai 2013, pour Terre-Neuve-et-Labrador. Ces deux dates m'apparaissent nettement antérieures à celle du dépôt des modifications à la Chambre des communes. Pourriez-vous m'aider à mieux comprendre le déroulement du processus et la séquence des événements?
M. Labonté : Le projet de loi a été présenté lors de la session précédente du Parlement, et cela a été fait avant tout le reste. Je pense que c'était alors le projet de loi C-61. Les deux provinces, Terre-Neuve-et-Labrador et la Nouvelle- Écosse, ont déposé leurs propres projets de loi dans les jours qui ont suivi. Ces deux projets de loi ont été étudiés et adoptés par les assemblées législatives avant de recevoir la sanction royale. C'est alors que notre session parlementaire a pris fin. Le tout a été reporté à l'automne 2013. Le projet de loi a alors été présenté de nouveau sous la désignation C- 5, et nous avons poursuivi le travail. Nous avions bon espoir que le projet de loi puisse être adopté avant aujourd'hui.
Comme c'est une situation un peu particulière, monsieur le président, j'essaie de l'expliquer du mieux que je peux. Les lois adoptées par les deux provinces sont similaires, mais pas identiques. Il y a une certaine cohérence législative qui est maintenue d'une province à l'autre.
Le président : Je ne veux pas être pointilleux, mais ces provinces ont adopté leurs lois parallèles en mai 2013. Ce n'est qu'en octobre 2013 que notre projet de loi a été lu pour la première fois à la Chambre des communes, et il a ensuite été modifié par le comité de la Chambre. C'est ce qu'on m'indique.
M. Labonté : C'est exact.
Le président : Il a été modifié longtemps après, presqu'un an après en fait, que ces lois aient reçu la sanction royale dans les deux provinces concernées. Y a-t-il des différences importantes? S'agit-il seulement de quelques mots? Comment peut-on parler de lois correspondantes si, le projet de loi a été modifié à la Chambre des communes longtemps après qu'elles aient reçu la sanction royale? C'est ce que j'arrive difficilement à comprendre.
M. Labonté : Au total, 11 modifications ont été apportées au projet de loi à la Chambre. Un certain nombre concernaient des renvois à des lois fédérales qui ne se retrouvaient pas dans les lois provinciales correspondantes. Il fallait aussi mettre à jour des renvois à des noms et des titres, et les deux provinces avaient déjà modifié leurs lois en conséquence.
Tous les amendements qui ont été apportés à la Chambre étaient importants, mais je ne les qualifierais pas d'importants changements en matière de politiques, dans la mesure où c'était des modifications législatives. Il y avait un problème de numérotation dans l'une des parties du projet de loi; on a donc plutôt apporté des corrections administratives et de rédaction que des changements aux politiques.
L'intention et le fondement du projet de loi demeurent les mêmes que les deux projets de loi qui ont été adoptés par les deux assemblées législatives provinciales.
Le président : Merci. Il y a eu la commission d'enquête Wells, qui réclamait la création d'un organisme de réglementation indépendant en matière de sécurité dans les zones extracôtières.
M. Labonté : C'est exact.
Le président : Pourriez-vous nous expliquer pourquoi on a décidé de ne pas donner suite à cette recommandation?
M. Labonté : En fait, le juge Wells a formulé 29 recommandations, dont 28 ont plus ou moins été mises en œuvre et dont une, concernant les vols de nuit des hélicoptères, est toujours à l'étude.
La recommandation 29 était la dernière et elle comportait deux volets. La partie A, selon laquelle « les gouvernements » devraient envisager la création d'un organisme de réglementation indépendant en matière de sécurité, faute de quoi ils devraient prendre diverses mesures dans le cadre juridique actuel, conformément à la partie B, de sorte qu'on obtienne un modèle similaire à celui d'un organisme de réglementation indépendant.
On a notamment recommandé de conférer au délégué à la sécurité un mandat clair et sans ambiguïté, de lui confier un budget distinct et de garantir une séparation claire entre les fonctions liées à la sécurité et les autres fonctions de l'office, et de prévoir un certain nombre d'éléments qui font partie du projet de loi actuel.
Monsieur le président, je ne suis pas certain du protocole, mais le juge Wells a comparu devant le comité de la Chambre et il s'est dit très satisfait de l'orientation prise par les gouvernements. Évidemment, il privilégiait la recommandation 29a), mais il a reconnu les progrès réalisés et il était convaincu que même si les gouvernements optaient pour la recommandation 29b), le milieu de travail serait plus sûr et l'esprit de ses recommandations serait respecté.
Le président : C'est très bien. Merci.
Le sénateur Mitchell : Merci beaucoup. Vous nous avez donné beaucoup d'information. Vous l'avez peut-être déjà dit, mais quel était le problème concernant la recommandation 29a)? Pourquoi ne l'a-t-on pas acceptée?
M. Labonté : Je crois que plusieurs facteurs étaient en cause et cela nous montre que tout n'est pas noir ou blanc. Ce n'est pas parce qu'on crée un organisme de réglementation indépendant qu'on aura un milieu de travail plus sécuritaire.
La tragédie a été causée par un bris mécanique. L'hélicoptère s'est écrasé à cause d'une perte d'huile de la boîte de transmission principale. Il n'a pas pu voler aussi longtemps qu'on le prévoyait. C'est une terrible tragédie qui a coûté la vie à plusieurs personnes. Un organisme de réglementation indépendant, malheureusement, n'aurait pas pu empêcher ce bris mécanique.
Cela dit, on a soulevé à plusieurs reprises la question à savoir s'il pourrait y avoir une prolifération des organismes de réglementation et, par le fait même, des lieux de travail moins sécuritaires, en ce sens qu'un organisme indépendant ferait appel à plusieurs experts de l'office et les éloignerait du fonctionnement de celui-ci. Ils seraient donc déconnectés des activités opérationnelles quotidiennes et cela nuirait en quelque sorte à leur objectif qui est d'assurer la sécurité avant tout.
Cela entraînerait probablement la création de plusieurs organismes de sécurité, que le gouvernement de la Nouvelle- Écosse gère conjointement avec le gouvernement fédéral, comme l'accord que nous sommes en train de négocier avec la province du Québec. La Nouvelle-Écosse a indiqué qu'elle préférait une collaboration. On parle donc ici de plusieurs facteurs.
Nous avons examiné la recommandation 29b) et, mise à part la séparation physique, les deux parties renfermaient bon nombre des mêmes éléments visant à renforcer la sécurité. L'office a appliqué cette recommandation avec vigueur.
Le sénateur Mitchell : Il a fallu beaucoup de temps pour en arriver là.
M. Labonté : En effet.
Le sénateur Mitchell : La lenteur du processus nous amène à nous demander s'il n'y a pas eu une certaine controverse.
À la lumière de toutes les rencontres que vous avez faites avec les différents intervenants, dont les syndicats, pourriez-vous nous dire si des questions demeurent controversées, ou s'il était simplement difficile, sur le plan technique, de réussir à intégrer tout ça dans les deux différentes provinces?
M. Labonté : En fait, ce sont plusieurs de ces facteurs. J'ai des collègues qui sont ici depuis plus longtemps que moi. Je vais commencer par faire deux observations générales. Tout d'abord, sachez qu'on parle ici d'une collaboration entre trois gouvernements, dont le cycle électoral diffère, ce qui entraîne plusieurs interruptions des travaux. Au fil des ans, les gouvernements au pouvoir changent à la suite des élections, et on doit réaligner les priorités et le processus en conséquence.
Ensuite, il fallait bien comprendre le rôle des ministres de l'Énergie et du Travail ainsi que le rôle des syndicats et des entreprises qui travaillent ensemble. Il fallait être sur la même longueur d'onde concernant chacun des éléments du projet de loi.
À un certain moment en 2006-2007, nous étions sur le point de réussir. Les choses se sont un peu gâtées à certains égards au niveau provincial, et le dossier a été confié au ministre du Travail. Il n'était plus géré par le ministre de l'Énergie. Il a donc fallu recommencer le processus et examiner le dossier d'un point de vue de la main-d'œuvre plutôt que de l'énergie, et maintenir cet équilibre délicat.
Cette situation est en quelque sorte attribuable aux différents cycles électoraux des trois gouvernements et au fait que nous voulions mieux comprendre le rôle de tous les participants.
La mesure que nous avons ici est exceptionnelle. Elle précise sans aucun doute le rôle du gouvernement, des syndicats, des travailleurs, des employés et des offices. Chose certaine, c'est un projet de loi très technique. Selon nous, le résultat est bien meilleur, mais visiblement, il a fallu du temps pour y parvenir.
Le sénateur Black : Dans une vie antérieure, j'ai travaillé dans le domaine du droit en matière d'énergie et j'ai eu l'occasion, ou plutôt le privilège, de travailler au large des côtes de Terre-Neuve-et-Labrador et de la Nouvelle-Écosse. Tout comme vous, j'ai eu la possibilité de me rendre sur des plateformes extracôtières. Je suis sûr que vous conviendrez que ce sont des milieux de travail terrifiants. Par conséquent, on ne peut pas se contenter de simplement rendre le milieu de travail plus sûr. Il faut s'assurer qu'il soit le plus sûr possible. Si vous me le permettez, mes questions porteront là-dessus.
D'après vos recherches, êtes-vous en mesure de nous dire si l'état actuel se compare aux normes de sécurité du Royaume-Uni, de la mer du Nord, de la Norvège et du golfe aux États-Unis?
M. Labonté : C'est une excellente question à des fins de comparaison. Évidemment, il faut comparer des pommes avec des pommes.
La meilleure comparaison que nous puissions établir, c'est avec les États-Unis. D'après ce que nous ont dit nos collègues des offices au sujet des activités qui se déroulent dans le golfe, le nombre d'entreprises qui effectuent des travaux de forage est limité et elles sont engagées à contrat. Elles viendraient au Canada et ne répondraient pas aux normes. Les navires devraient aller en cale sèche au port afin d'être remis en état pour ainsi se conformer aux normes canadiennes. Je pense que cela démontre bien à quel point les milieux de travail sont différents. Dans le golfe, les eaux sont plus calmes et chaudes, alors que les eaux de l'Atlantique Nord sont plus difficiles.
L'exemple de la Norvège et du Royaume-Uni s'apparente davantage au contexte canadien, même s'il y a des différences dans la façon de règlementer et de gérer, étant donné que le Royaume-Uni et la Norvège sont tous deux des États unitaires, alors il n'y a pas cette responsabilité partagée...
Le sénateur Black : Je comprends, mais ma question ne porte pas sur la compétence, mais plutôt sur les normes en matière de sécurité et les protocoles. Je veux m'assurer que les normes que nous allons mettre en œuvre au large des côtes de Terre-Neuve-et-Labrador et de la Nouvelle-Écosse sont de calibre mondial. C'est tout ce que je veux savoir. Si ce n'est pas le cas, vous pourriez peut-être nous dire quelles sont les lacunes.
M. Labonté : Je pense que nous pouvons considérer que les normes canadiennes en matière de sécurité sont de calibre mondial et que nous avons fait de notre mieux, en collaboration avec les groupes syndicaux, les offices et les entreprises, pour établir le milieu de travail le plus sécuritaire qui soit.
Le sénateur Black : L'industrie serait-elle d'accord?
M. Labonté : Je crois que oui.
Le sénateur Black : Très bien.
Le président : Pour poursuivre dans cette même veine, sénateur Black, sachez que le comité a mené une étude avant votre arrivée à l'office, après l'important déversement de pétrole dans le golfe du Mexique, parce qu'on parlait de la possibilité de mettre fin à ces activités au large de la côte Est. Au terme de notre étude, nous avons conclu exactement ce que nous a dit M. Labonté. Nous nous sommes adressés à l'industrie et nous avons fait comparaître de nombreuses personnes qui nous ont toutes confirmé que nos règles et nos normes étaient équivalentes, voire supérieures, à celles des autres. Nous étions très à l'aise d'affirmer dans notre rapport qu'il était impossible de mettre un terme à ces activités et que nous avions des normes de calibre mondial. Tant mieux pour vous. Je suis sûr que vous le saviez déjà.
Le sénateur Massicotte : Merci beaucoup d'être ici aujourd'hui. Je dois dire que lorsque nous avons reçu le cartable de 300 pages, je me suis dit que c'était un dossier vraiment important. Ensuite, lorsque je suis arrivé ici et que j'ai vu ce cahier agrafé à l'envers, j'ai pensé qu'on avait voulu nous intimider, mais je vais poursuivre.
Je suis toujours réticent lorsque les gens doivent prendre des décisions. Je considère qu'il est fondamental, dans toute organisation, de savoir qui est responsable de quoi. Qui est la personne à blâmer lorsque les choses tournent mal? Toutefois, lorsque deux ordres de gouvernement sont responsables et qu'il y a une collaboration tripartite, est-ce qu'on ne risque pas davantage de faire des erreurs ou de manquer de jugement? Il peut aussi y avoir de la confusion.
M. Labonté : En fait, c'est la raison pour laquelle nous espérons que ce projet de loi sera adopté et qu'il recevra la sanction royale, parce qu'à l'heure actuelle, les offices fonctionnent avec une série de lignes directrices qui sont fournies aux exploitants et aux entreprises. Au bout du compte, ce sont les entreprises qui sont responsables du lieu de travail.
Le sénateur Massicotte : C'est ce que dit le projet de loi? Les entreprises sont tenues responsables?
M. Labonté : C'est exact.
Le sénateur Massicotte : Elles rendent tout de même des comptes, même si elles ne savent pas à qui?
M. Labonté : Elles relèvent de l'office, et elles sont responsables du lieu de travail. Évidemment, les offices étaient clairement en droit de s'inquiéter à propos de la santé et la sécurité en milieu de travail, alors qu'aujourd'hui, elles devront respecter des lois provinciales, des lois canadiennes et des lignes directrices. On prend tout cela et on en fait une loi. Les lois sur l'accord sont claires. Les lois de mise en œuvre de l'accord provincial et fédéral précisent clairement que la sécurité du milieu de travail doit être assurée par les entreprises et que l'office est l'organisme de règlementation responsable.
Le sénateur Massicotte : C'est une promesse que vous nous faites?
M. Labonté : Oui.
Le sénateur Massicotte : Si j'ai bien compris, vous avez dit tout à l'heure que les employés dans ce secteur n'étaient payés que lorsqu'ils se trouvaient sur la plateforme. Ils ont beau s'y rendre en hélicoptère, ils ne sont pas payés avant d'avoir mis les pieds sur la plateforme. Par conséquent, j'imagine qu'il y a eu un problème et que vous avez voulu vous assurer qu'ils soient couverts comme employés. Par conséquent, en dépit du fait qu'ils ne sont pas payés durant le transport, ils seront considérés comme des employés à des fins juridiques. Est-ce exact?
M. Labonté : Oui, mais je ne suis pas sûr en ce qui concerne les paiements.
Le sénateur Massicotte : C'est ce que j'ai lu dans l'un de nos documents.
M. Labonté : À partir du moment où ils arrivent sur les lieux du travail et qu'ils travaillent, ils sont considérés comme des travailleurs. La raison pour laquelle cette question de transport est délicate, c'est que chacun d'entre nous qui monte à bord d'un hélicoptère partout au pays est assujetti au régime de réglementation du ministre des Transports. À la différence des zones extracôtières, vous et moi, si nous prenions un hélicoptère pour voler au-dessus des chutes Niagara, nous ne serions pas équipés d'un appareil respiratoire et d'un harnais de sécurité...
Le sénateur Massicotte : Qui pilote? Vous ou moi?
M. Labonté : Certainement pas moi. Admettons que nous louons un hélicoptère.
Tous les travailleurs doivent suivre une formation obligatoire avant de monter à bord d'un hélicoptère. Ils doivent être équipés d'un appareil respiratoire, et il y a toute une série de mesures supplémentaires qui viennent d'être établies, par règlement, par le ministre des Transports, étant donné les longues heures de vol au-dessus de l'eau. Dans le cas où un hélicoptère doit faire un amerrissage forcé, ce qui est loin d'être l'idéal, ces travailleurs sont équipés et formés pour pouvoir survivre.
Le sénateur Massicotte : En gros, cette loi modifie les lois de Terre-Neuve-et-Labrador et de la Nouvelle-Écosse.
M. Labonté : C'est exact.
Le sénateur Massicotte : Quelle est la différence? Y a-t-il des écarts importants d'une province à l'autre?
M. Labonté : Les principes sont les mêmes, mais il y a quelques nuances, notamment en ce qui concerne les aspects syndicaux, la façon dont fonctionnent les processus d'appel dans chaque province et la répartition des responsabilités. La loi fédérale tient compte des lois de Terre-Neuve-et-Labrador et de la Nouvelle-Écosse, mais ces deux lois ne sont pas identiques. Elles vont de pair avec la loi fédérale.
Le sénateur Massicotte : Qu'est-ce qui a précipité les choses? Qu'est-ce qui vous a poussé à aller de l'avant, six ans après cet accident d'hélicoptère?
M. Labonté : En fait, nous avions entrepris les démarches bien avant, à la suite du décès d'un travailleur en Nouvelle-Écosse. Une porte avait été installée à l'envers et, en raison d'une défectuosité, un employé a été tué. C'est donc à la suite de cet accident que nous avons entamé le travail.
Le sénateur Massicotte : Est-ce que c'était en haute mer?
M. Labonté : Oui, c'était au large des côtes, sur la plateforme.
Le sénateur Massicotte : Quel était le problème et en quoi ce projet de loi vient-il y remédier?
M. Labonté : Il faut se poser les questions suivantes. Le milieu de travail était-il dangereux? Y a-t-il eu un non- respect des normes en matière de santé et de sécurité au travail? Est-ce que l'employeur a créé et maintenu un lieu de travail non sécuritaire à cause d'une porte mal installée? Était-ce un problème lié à la sécurité des opérations, étant donné que la porte n'avait pas été installée comme il faut et que cela s'inscrivait dans les tâches opérationnelles de la plateforme extracôtière? On ne savait pas trop quelle loi s'appliquait.
Le sénateur Massicotte : Par conséquent, l'employeur s'en est tiré à bon compte en raison d'un flou juridique?
M. Labonté : Je ne sais pas s'il s'en est tiré indemne, mais cela a soulevé des questions quant à l'approche à adopter d'un point de vue juridique et d'un point de vue d'intervention. Ma collègue avocate serait probablement mieux en mesure que moi de vous donner des précisions.
Anne-Marie Fortin, avocate-conseil, Services juridiques, Ressources naturelles Canada : Je crois qu'il y a eu un problème au niveau de la poursuite, parce qu'on ne savait pas quelle loi s'appliquait — la législation provinciale en matière de santé et de sécurité au travail où les lois de mise en œuvre de l'accord.
Le sénateur Massicotte : En raison de ce manque de clarté, le tribunal a jugé qu'il ne fallait pas tenir l'employeur responsable de cet accident?
Mme Fortin : C'était en 1999. Vous mettez ma mémoire à l'épreuve. Je crois que l'affaire ne s'est pas rendue devant les tribunaux, et corrigez-moi si je me trompe, mais c'est plutôt le procureur de la Couronne qui a rendu cette décision.
Le sénateur Massicotte : La solution a 300 pages?
Mme Fortin : Étant donné que je participe à ce processus depuis le début, je sais que la solution visait initialement à modifier la loi pour clarifier les différents pouvoirs de réglementation prévus dans les lois de mise en œuvre, et seules quelques dispositions de la loi auraient été touchées.
Toutefois, lorsque nous avons entamé les discussions avec les provinces, nous nous sommes rendu compte que tout d'abord, le domaine de la santé et sécurité au travail avait beaucoup changé depuis 1985, lorsque la Loi de mise en œuvre a été adoptée, et de nouveaux régimes en matière de santé et sécurité au travail ont été mis sur pied au début des années 2000, et c'est pourquoi chaque province et territoire souhaitait moderniser tout cela, ce qui nécessitait des lois beaucoup plus étoffées. Puisque nous voulions éviter que les normes soient différentes dans chaque province et territoire, on a tenté d'intégrer au processus de négociation et au produit négocié les meilleurs éléments de chaque province et territoire, ce qui a provoqué de nombreuses discussions.
La sénatrice Ringuette : Madame Baxter, les travailleurs extracôtiers de Terre-Neuve-et-Labrador et de la Nouvelle- Écosse sont-ils visés par le Code canadien du travail?
Brenda Baxter, directrice générale, Direction du milieu du travail, Programme du travail, Emploi et Développement social Canada : Ils sont visés par les lois de mise en œuvre.
La sénatrice Ringuette : Non, je veux savoir s'ils sont visés par les lois provinciales pour l'obtention d'une accréditation syndicale, et cetera. Sont-ils visés par le Code canadien du travail ou par d'autres codes du travail provinciaux?
Mme Baxter : Les travailleurs extracôtiers sont visés par les lois provinciales; je crois qu'il s'agit des lois provinciales.
La sénatrice Ringuette : Ils seraient donc assujettis aux lois provinciales?
Mme Baxter : Cela concerne le travail extracôtier — les lois de mise en œuvre.
La sénatrice Ringuette : Et si on ne tient pas compte du projet de loi?
Mme Baxter : Si on ne tient pas compte du projet de loi, ils seraient assujettis aux lois provinciales.
La sénatrice Ringuette : Ils auraient donc été visés par les lois provinciales sur le plan de la sécurité au travail?
Mme Baxter : Oui.
La sénatrice Ringuette : D'un autre côté, le transport par hélicoptère aurait été visé par une loi fédérale sur le plan de la sécurité en matière de transport?
[Français]
M. Labonté : Oui, c'est exact.
[Traduction]
La sénatrice Ringuette : D'après ce que je comprends, l'accident d'hélicoptère qui s'est produit à Terre-Neuve-et- Labrador a été causé par un problème mécanique. Ainsi, il relève de la compétence fédérale, c'est-à-dire du ministère des Transports.
M. Labonté : Cet incident a fait l'objet d'une enquête menée par le Conseil national de la sécurité des transports, qui a publié un rapport contenant des recommandations, et le gouvernement a déterminé qu'une enquête dirigée par le juge Wells serait menée.
La sénatrice Ringuette : Quel a été le résultat de l'enquête menée par Transports Canada?
M. Labonté : Je pense qu'on a reconnu qu'il y avait des défis liés aux hélicoptères et au système réglementaire qui approuve la capacité de vol de ces hélicoptères sans huile dans la boîte d'engrenage, car on croyait que l'hélicoptère pourrait voler ainsi pendant 30 minutes. C'était également ce qu'on croyait dans d'autres pays. Dans ce cas-ci, l'hélicoptère a fonctionné pendant 11 minutes et s'est ensuite écrasé. Il était donc conçu pour fonctionner pendant 30 minutes, mais il a fonctionné pendant environ le tiers de ce temps.
La sénatrice Ringuette : Essentiellement, c'était un problème de surveillance, dans le cadre de l'inspection obligatoire par Transports Canada et de la responsabilité du propriétaire.
Après avoir examiné la question et avoir déterminé que les employés sont assujettis aux codes du travail provinciaux, cela crée énormément de paperasse pour une situation qu'on aurait dû résoudre il y a longtemps en ce qui concerne le ministre des Transports et la surveillance dans le cadre de la réglementation.
Je trouve qu'on pousse la question ailleurs, car les provinces ont déjà un code du travail qui vise toutes les questions liées à la sécurité au travail, comme toutes les autres provinces.
Je trouve que cela crée beaucoup de paperasse, ce qui, on l'espère, et pas nécessairement en cas d'incident, clarifiera les responsabilités fédérales et provinciales liées à la sécurité au travail. En ce moment, nous avons officiellement une compétence partagée. En ma qualité de législatrice de longue date, je crois que ce n'est vraiment pas la bonne façon de résoudre le problème. Je crois que cela brouille davantage la responsabilité de chaque partie et de chaque palier de gouvernement. C'est mon opinion.
M. Labonté : J'entends certainement l'avis et le point de vue exprimés. Je crois qu'il est important de souligner que le projet de loi a été créé longtemps avant l'accident d'hélicoptère, et on ne l'a donc pas proposé pour réagir à cet accident. Il a été conçu pour remédier au potentiel d'ambiguïté lié à la sécurité opérationnelle et à la sécurité au travail.
Je crois qu'on peut faire valoir qu'il y a de nombreux principes de droit dans ce cas, et ils sont très détaillés et techniques, mais on tente d'éliminer toute ambiguïté entre la nature de la sécurité opérationnelle et de la santé et sécurité au travail dans les milieux de travail extracôtiers. Ce sont des notions indissociables, et on devrait les traiter ensemble.
Le sénateur Black : Je crois qu'il est important d'attirer l'attention des membres du comité sur le témoignage de M. Labonté. Même si je comprends, madame la sénatrice Ringuette, votre grande frustration causée par la complexité juridique, si elle existe, comme vous l'avez souligné, c'est parce qu'on n'a pas désigné une compétence. On ne s'est jamais mis d'accord sur la question de savoir qui est propriétaire de la région extracôtière de Terre-Neuve-et-Labrador, et le compromis auquel on est parvenu, c'est qu'il y aurait compétence partagée, et donc des lois miroirs. Vous l'avez souligné dans votre témoignage, mais c'est la raison pour laquelle nous avons ce processus extrêmement compliqué.
M. Labonté : C'est bien le cas et, si l'on fouille la question, on constate que la Cour suprême a déterminé, à deux reprises, que la région extracôtière était de compétence fédérale. Au milieu des années 1980, le gouvernement a décidé qu'au lieu de continuer à se quereller sur la question de savoir si cela s'applique partout ou non, il mettrait ces questions de côté et collaborerait avec les provinces pour veiller à ce que le développement extracôtier s'effectue de façon ordonnée, sécuritaire et responsable. Ce développement a très bien réussi à Terre-Neuve, même si cela a été compliqué pour l'office, certainement plus que dans les États unitaires comme le Royaume-Uni ou la Norvège, mais il a contribué à 30 p. cent du PIB à Terre-Neuve-et-Labrador, a créé 6 000 emplois et a généré des milliards de dollars en redevances et en revenus.
Je reconnais toutefois que la question est complexe, et c'est parce que nous conservons, à chaque palier du gouvernement, une compétence territoriale à cet égard, et on y parvient en mettant la question de côté et en adoptant des lois miroirs et en instaurant une compétence partagée. Pour changer les choses, il faudrait qu'une partie affirme son autorité, et cette décision a été prise par le gouvernement bien avant mon arrivée.
La sénatrice Seidman : J'ai deux questions. La première est très technique.
Le paragraphe 3 de la partie III.1 est ainsi libellé :
Sous réserve de l'article 7 et sur recommandation du ministre fédéral et du ministre du Travail, le gouverneur en conseil peut, par règlement :
a) définir « danger », « événement », « lieu de plongée » et « opération de plongée »...
J'aimerais vous poser une question au sujet de la définition de « danger », car l'an dernier, j'étais membre d'un comité — et je le suis toujours — auquel on a présenté un changement apporté au Code canadien du travail qui modifie la définition de « danger ». J'aimerais savoir quels règlements s'appliqueront dans ce projet de loi en ce qui concerne la définition de « danger ».
M. Labonté : C'est dans le projet de loi C-4.
La sénatrice Seidman : Oui.
Mme Baxter : Dans le cas de ce projet de loi, une fois qu'il a été adopté, les partis ont collaboré pour prendre des règlements, et pendant ces travaux, ils ont pu, entre autres, définir le mot « danger ». Les partis peuvent donc avoir élaboré cette définition en collaboration.
La sénatrice Seidman : Vous n'utiliseriez pas automatiquement le changement apporté au Code canadien du travail à la fin de l'année dernière?
Mme Baxter : Non, il s'agit d'une mesure législative distincte.
La sénatrice Seidman : C'est très intéressant. Je vous remercie d'avoir éclairci ce point.
Mon autre question est davantage liée à la question que vous a posée le sénateur Black au sujet de la sécurité.
Notre comité a récemment mené une étude sur le transport des hydrocarbures en vrac, et nous avons entendu parler de l'importance d'établir et de réglementer une culture de sécurité au sein d'un organisme. Je remarque que le projet de loi fait participer les travailleurs au processus de sécurité. Évidemment, il serait intéressant de connaître votre avis sur la façon dont le projet de loi favorise une culture de sécurité, mais aussi sur la façon dont la participation des travailleurs dans le processus de sécurité, par exemple par le signalement des problèmes, contribue à améliorer la sécurité.
M. Labonté : Je ferai quelques commentaires généraux et je donnerai ensuite la parole à mes collègues. C'est une caractéristique importante du projet de loi, c'est-à-dire que les travailleurs participent au processus et que des comités sont créés pour faire le lien entre les travailleurs et la structure de gestion, afin qu'ils puissent offrir leur contribution. Le projet de loi donne également aux travailleurs le droit de refuser un travail dangereux, et ce sont des droits importants pour eux, surtout dans le cas d'un emploi extracôtier, où le travail peut être très difficile et un peu différent de celui qui s'effectue dans un milieu plus urbain.
M. Cummings pourrait peut-être vous parler d'autres façons de favoriser une culture de sécurité.
Les offices, en collaboration avec l'Office national de l'énergie, ont propagé l'idée selon laquelle il faut favoriser une culture de sécurité au sein des systèmes de gestion, des systèmes de planification, des systèmes de signalement et dans les données qu'on conserve pour déterminer ce qu'est un incident et à quoi il ressemble.
Nous avons vu des présentations intéressantes dans lesquelles on démontre comment certaines données peuvent donner l'impression que la sécurité s'améliore grandement, et cela dépend seulement de ce qui est signalé. Il y a la question de savoir comment on interprète ce qui est sécuritaire et comment on définit l'amélioration de la sécurité et ce que cela signifie, mais je vais demander à M. Cummings de vous en parler plus en détail.
Tyler Cummings, directeur adjoint, Division de la gestion des régions pionnières, Ressources naturelles Canada : Avec nos collègues provinciaux, nous avons, entre autres, discuté de la façon de créer une culture de sécurité ou de créer un milieu qui favorise une culture de sécurité positive.
Nous pensons que la sécurité vient d'abord de l'exploitant. Il doit créer le milieu approprié, en partenariat avec la main-d'œuvre, et ensuite l'organisme de réglementation vérifiera s'il a concrétisé ses intentions. S'il affirme offrir un milieu de travail sécuritaire, un milieu de travail dans lequel les travailleurs participent, ce sera le critère utilisé pour la vérification, et l'organisme de réglementation vérifiera si c'est bien le cas.
Nous avons tenté de leur donner ces précisions. Nous avons dit qu'il fallait avoir un mécanisme de sécurité, qu'il serait vérifié et qu'il fallait démontrer comment ce mécanisme créera le milieu de travail le plus sécuritaire possible.
La sénatrice Seidman : D'accord.
Mme Baxter : J'aimerais également ajouter que le régime de SST en vigueur dans ce cas-ci se fonde sur les meilleures pratiques en matière de SST utilisées à Terre-Neuve, en Nouvelle-Écosse et au niveau fédéral. Les employés ont trois droits fondamentaux : le droit de savoir ce qui se passe dans le milieu de travail, le droit d'y participer et le droit de refuser un travail dangereux.
Ils sont fondés sur ce qu'on appelle le « système de responsabilité interne », selon lequel les travailleurs et les employeurs doivent comprendre. Ils connaissent leur milieu de travail, ils savent ce qui représente un danger dans ce milieu et ils travaillent en collaboration, par l'entremise du comité de santé et sécurité au travail, pour repérer et réduire ces dangers, afin d'éviter les accidents et les blessures. C'est un élément fondateur de toutes les mesures législatives en matière de SST en vigueur au pays. Cela contribue à façonner la culture de sécurité.
La sénatrice Seidman : Merci beaucoup. Vous avez clarifié ce point, madame Baxter, et je vous en suis reconnaissante.
Le sénateur Wallace : Lorsque j'ai écouté votre exposé, monsieur Labonté, j'ai entendu qu'une restructuration était manifestement nécessaire sur les plans administratif et organisationnel. Comme l'a souligné le sénateur Massicotte, personne ne s'oppose à ce qu'on clarifie les responsabilités de chacun. Comme vous l'avez dit, il y a quelques zones grises.
Les exploitants sont responsables du milieu de travail et j'aimerais savoir comment cela sera touché par le projet de loi C-5, en ce qui concerne les éléments qui pourraient engendrer des répercussions sur la sécurité de ces plateformes.
D'un point de vue structurel et organisationnel, je peux imaginer que cela fera progresser la bureaucratie dans la bonne direction et que cela contribuera à résoudre des conflits et des malentendus qui pourraient surgir entre les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral. C'est logique. Les mesures de sécurité et les exigences qui seront mises en œuvre sur ces unités par les exploitants seront-elles modifiées, sur le plan pratique, par le projet de loi C-5?
M. Labonté : C'est une bonne question. Je suppose que cela commencerait par renforcer les éléments nécessaires pour créer une culture de sécurité et un milieu de travail sécuritaire, c'est-à-dire un milieu dans lequel on s'engage continuellement à l'égard des mesures de sécurité et auquel on contribue par l'entremise de processus tels les comités décrits plus tôt.
Deuxièmement, le projet de loi prévoit de nouveaux pouvoirs en matière de vérification et de nouveaux pouvoirs pour les agents de la sécurité pour leur permettre de mieux étudier ces enjeux et de leur consacrer plus de temps. Ils respectent également les lois actuelles et permettent à ces agents de la sécurité de mener des enquêtes, et de faire le nécessaire pour veiller à ce que la sécurité soit prise en compte et à ce qu'elle soit au centre des activités.
Cela apporte certainement des éclaircissements au cadre législatif, et je crois que vous l'avez appelé la partie administrative. Quelle loi s'applique? C'est une partie importante.
Les attentes envers le délégué à la sécurité sont également clarifiées. Le projet de loi explique en détail le rôle des employés, le rôle des employeurs, le rôle de l'agent de la sécurité, le rôle de l'office et le rôle des gouvernements, qui peut maintenant être implicite. Il peut être explicite dans certains cas, mais étant donné qu'il y a différents exploitants et différents projets, la compréhension du rôle implicite et du rôle explicite peut varier légèrement selon les projets. Le projet de loi clarifie cette notion. C'est maintenant inscrit dans la loi.
Nous ferons la transition avec les règlements, et nous avons lancé le processus qui consiste à former un comité tripartite pour mettre à jour les règlements, afin qu'ils tiennent compte des changements et des nouvelles immersions.
Nous avons prévu la capacité de substitution pour les délégués à la sécurité. En effet, si une innovation se présente et qu'elle satisfait aux conditions de sécurité énoncées dans les règlements en vigueur, le délégué à la sécurité a le pouvoir d'effectuer la substitution.
Cela fait partie de notre cadre réglementaire général qui se fonde sur les objectifs — ou le rendement — au lieu d'être normatif. Certains éléments — par exemple, les nouveaux pouvoirs — seront mis en œuvre dès que le projet de loi recevra la sanction royale et qu'il sera adopté.
Le sénateur Wallace : C'est tout à fait logique. Il semble qu'une restructuration de l'organisme est nécessaire. Je parle des éléments pratiques, c'est-à-dire les activités quotidiennes menées sur ces plateformes et ces appareils de forage, les normes en matière d'équipement, les normes en matière d'heures d'exploitation — toutes les questions pratiques qui peuvent poser un risque réel pour les travailleurs dans ce milieu de travail en cas de mauvais fonctionnement.
Il est manifestement logique d'éliminer la confusion, mais il se pourrait que ces questions soient maintenant visées par la loi provinciale et peut-être partiellement par la loi fédérale. Mais elles seront combinées et clarifiées. C'est bien, mais a-t-on proposé autre chose que des changements organisationnels? Modifiera-t-on les normes de sécurité?
Pour présenter les choses sous un autre angle, croyez-vous qu'il existe en ce moment des risques en contexte extracôtier, des risques pratiques, opérationnels, qui seraient amoindris par le projet de loi C-5?
M. Labonté : C'est une très bonne question, et je remarque que vous avez utilisé le terme « sécurité opérationnelle », un concept qui se trouve déjà dans l'accord et qui est de la responsabilité de l'office. La difficulté est de déterminer à quel moment on ne peut plus parler de sécurité opérationnelle, mais de sécurité en milieu de travail. C'est le grand défi en ce moment.
La première étape est de laisser entendre que ces deux choses n'en seraient qu'une seule, que nous devrions les traiter comme telles et importer tout le droit du travail, la crème de la crème, si l'on veut, dans les lois de l'accord pour énoncer clairement que la sécurité opérationnelle correspond en fait à la santé et la sécurité au travail. C'est un milieu de travail. L'opérateur de machinerie est en train de travailler. C'est le premier aspect, et je vous remercie de votre observation.
Je pense qu'on peut dire que nous avons actuellement un milieu de travail sécuritaire. Les activités extracôtières offrent en grande majorité de bons milieux de travail, qui sont mis en place, dirigés et administrés en toute sécurité. Je pense qu'on pourrait défendre le point de vue qu'il n'y a pas de risques, mais il faut admettre qu'il reste tout de même une part de risque et qu'il en restera toujours une. Il ne faut jamais oublier le degré de vigilance qu'il faut exercer en tant qu'employeur, employé et organisme de réglementation. L'un de nos objectifs dans cette démarche est de renforcer encore une fois le caractère primordial de la sécurité.
En comparaison, c'est assez différent de travailler d'ici ou d'ailleurs, en milieu urbain. Je ne dirai pas que c'est plus ou moins risqué que de travailler dans une mine, en foresterie, en camionnage ou dans un autre secteur, parce que je pense que tous les milieux de travail comportent des risques, mais je ne voudrais pas non plus nier que c'est un milieu de travail unique. Nous essayons donc de nous doter d'une loi qui le protège.
Le sénateur Patterson : Il y a des articles du projet de loi, le 45 et le 84, qui proposent de nouveaux articles pour définir les responsabilités des fournisseurs de biens et de services dans les milieux de travail extracôtiers ou dans les véhicules de transport. Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous décrire le régime déjà en place, s'il existe déjà des règles, et ce que ces nouveaux articles vont changer.
M. Labonté : Pouvez-vous me répéter les numéros d'articles?
Le sénateur Patterson : Les articles 45 et 84.
M. Cummings : Ces articles vont préciser les devoirs des contracteurs en approvisionnement, du personnel des sous- marins, des gens qui n'ont pas d'obligations imposées par la loi dans le cadre d'un régime de santé et de sécurité au travail.
Le sénateur Patterson : Ils comblent donc une grande lacune. Très bien.
Le sénateur Massicotte a posé une question sur l'accident survenu en Nouvelle-Écosse, auquel vous avez fait allusion, dans un contexte où des ambiguïtés avaient déjà été relevées auparavant. Je ne peux m'empêcher de penser au désastre maritime de l'Ocean Ranger. Y a-t-il des recommandations qui en sont ressorties? Je sais que cette catastrophe remonte déjà à longtemps, mais a-t-elle donné lieu à des modifications du régime de santé et de sécurité au travail à l'époque? Ce contexte a-t-il été pris en compte dans le projet de loi?
M. Labonté : Il a été pris en compte dans une certaine mesure, à tout le moins, mais je peux peut-être demander à mes collègues qui participent probablement à ce projet depuis plus longtemps que moi de vous répondre.
Chose certaine, l'une des recommandations qui a suivi le désastre de l'Ocean Ranger allait totalement à l'encontre de la recommandation du juge Wells, qui était de nous assurer d'avoir un organisme de réglementation vraiment fort, indépendant et intégré qui tiendrait compte de la sécurité dans la mise en œuvre et la planification des projets. Cela dit, vous rappelez-vous de ce qu'il en était du point de vue de la santé et de la sécurité au travail, madame Fortin?
Mme Fortin : Dans le contexte de l'Ocean Ranger, comme M. Labonté l'a dit, la recommandation était de tout concentrer à une même enseigne pour la réglementation. Cependant, quand les accords ont été adoptés, l'aspect social de la législation a été confié aux provinces, dans la négociation des accords, ce qui fait que ce sont les lois provinciales en matière de santé et de sécurité au travail qui s'appliquent. En rétrospective, bien des années plus tard, il est apparent que la dissociation entre la santé et la sécurité au travail et la sécurité opérationnelle est plutôt une factice, parce qu'il est très difficile de dissocier les deux, comme M. Labonté l'expliquait. C'est donc le problème que ce projet de loi vise à corriger.
Du coup, on retire aux provinces — et ce avec leur accord — une partie de leurs pouvoirs législatifs en matière sociale pour ce qui est de la sécurité, pour inscrire ces pouvoirs dans l'accord, ce qui était l'un des objectifs des recommandations après le désastre de l'Ocean Ranger.
Le sénateur Patterson : Merci. C'est très intéressant.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Je veux souhaiter tout d'abord la bienvenue aux témoins.
Madame Baxter, je vous remercie pour votre présentation et vos réponses qui étaient très claires. Vu la complexité du sujet impliquant deux ordres de gouvernement, des opérations en haute mer, ce n'est pas évident.
J'ai œuvré plusieurs années dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail, et j'essayais de faire un parallèle avec ce qui se fait au Québec. Ici, on dit vraiment que sur les chantiers, il y aurait des comités de santé et de sécurité formés de façon paritaire employeur-employés, où on pourrait préciser les niveaux de risque.
Au Québec, les entreprises qui ont mis sur pied ces comités ont vu une décroissance marquée des cotisations à la CSST parce qu'on avait piqué beaucoup les travailleurs.
Est-il vrai que ce projet de loi met au cœur des préoccupations la santé et la sécurité des travailleurs ainsi qu'un allégement des coûts? On sait que, lorsque quelqu'un se blesse et reçoit des prestations de la CSST pendant longtemps, c'est l'employeur qui doit payer, et c'est souvent paritaire.
Le projet de loi tient-il compte du fait d'obtenir un rendement quant à la diminution des cotisations pour les accidents, ou est-ce un résultat que vous espérez?
[Traduction]
Mme Baxter : En général, le but est d'essayer de protéger la sécurité des travailleurs, ce qui pourrait faire diminuer les coûts globaux associés aux blessures, mais l'objectif ultime est d'améliorer la santé et la sécurité des travailleurs dans ces milieux de travail.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : En Abitibi, le coût de la santé et de la sécurité pour un travailleur minier était de 64 $ par tranche de 100 $ travaillés lorsque la CSST a été mise en place. C'était énorme si on compare à un milieu de bureautique où le coût était de 3 $ ou 4 $ par tranche de 100 $ payés. Il est évident que, sur une plateforme comme en haute mer, les coûts liés à la santé doivent être énormes à cause des niveaux de risque, de l'isolement, de la température et du voyagement. Il est évident que les entreprises qui y travaillent ont un intérêt à protéger l'aspect de la santé et de la sécurité.
Maintenant, mon deuxième sujet, l'agent spécial. Quel est son rôle au quotidien? Je n'ai pas trop compris. Est-ce que c'est un poste qui sera un poste permanent sur une plateforme ou dans une entreprise? De quelle façon il va jouer son rôle en matière de la prévention, entre autres?
M. Labonté : Il y a deux aspects à la réponse. Premièrement, c'est vrai qu'il y a des coûts liés aux actions de la CSST. En même temps, avec l'activité de développement du pétrole dans les zones extracôtières, il y a beaucoup de ressources.
Le sénateur Boisvenu : Elles font contrepoids.
M. Labonté : Oui. Et en même temps, il est vrai qu'il y a des coûts, des dépenses importantes, et qu'il n'y a aucune augmentation du niveau de santé et de sécurité. Il n'y a pas exactement une corrélation entre les deux. C'est important de comprendre cet élément, c'est vrai.
En ce qui concerne le rôle de l'agent spécial, Mme Fortin pourrait vous répondre.
Mme Fortin : Le devoir d'inspection va demeurer chez le délégué à la sécurité et chez les agents.
Le rôle de l'agent spécial interviendra uniquement si les deux ordres de gouvernement décident qu'il y a une situation absolument extraordinaire qui mérite qu'on passe au-dessus de la tête des délégués, qui sont des employés des offices et de leur personnel, pour traiter une situation vraiment exceptionnelle qui mérite l'intervention de quelqu'un d'autre.
Le sénateur Boisvenu : Est-ce qu'il intervient après que se soit produit l'accident ou est-ce qu'il intervient en amont avant que cela se produise?
Mme Fortin : Les deux situations sont possible, le déclencheur, c'est un test, à savoir s'il y a des motifs raisonnables de croire qu'il est nécessaire qu'une agence spéciale intervienne afin d'éviter, dans un avenir prochain, un risque grave.
Le sénateur Boisvenu : Donc, il y a un rôle préventif.
Mme Fortin : Préventif et proactif, et s'il y avait déjà eu des choses qui s'étaient passées cela n'empêcherait pas la nomination.
[Traduction]
Le président : Merci. J'ai une brève question à vous poser sur la zone extracôtière en eaux profondes de Beaufort, qui serait régie par l'ONE, je présume. La sécurité de ces travailleurs, sous le régime de l'ONE, serait-elle semblable à celle prévue ici, exception faite des nuances propres à Terre-Neuve-et-Labrador et à la Nouvelle-Écosse?
Mme Baxter : Ces travailleurs seraient assujettis au régime du Code canadien du travail et du règlement connexe sur le pétrole et le gaz.
Le président : D'accord. Serait-il aussi rigoureux que ce qui se trouve dans les 300 pages que nous venons d'éplucher? C'est la question.
Mme Baxter : Ce projet de loi se fonde sur les circonstances uniques de l'Atlantique extracôtier en matière de sécurité et apporte des modifications adaptées à ces circonstances uniques.
La mer de Beaufort est assujettie au régime du Code canadien du travail. Comme nous l'avons dit, cette loi sur le travail dans l'Atlantique extracôtier s'inspire de ce qu'il y a de mieux dans le Code canadien du travail et la Loi sur la santé et la sécurité en milieu de travail de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve.
Le président : J'en comprends que la sécurité n'y sera pas aussi élevée. J'aimerais vous entendre dire que nous nous soucions autant des travailleurs extracôtiers qui relèvent de l'Office national de l'énergie et qui travaillent dans la mer de Beaufort que des travailleurs au large de la côte est. Ce n'est pas très subtil, mais c'est ce que je souhaite.
Mme Baxter : Nous allons suivre de près le régime de travail extracôtier dans les circonstances uniques des développements dans la mer de Beaufort.
Le président : Ces développements sont déjà dans le collimateur. D'après ce que je comprends, il a fallu 15 ans pour rassembler ce document, et les promoteurs s'intéressent déjà au potentiel extracôtier. Ces développements vont probablement voir le jour relativement bientôt, d'après ce que je comprends. Pourrez-vous vous adapter rapidement? Je n'ai toujours pas de réponse.
Peut-être êtes-vous en train de me dire que les travailleurs qui iront dans la mer de Beaufort sous le régime de l'Office national de l'énergie ne seront pas aussi bien couverts que ces travailleurs. Je n'obtiens pas de réponse.
M. Labonté : Du point de vue de la politique énergétique, tous les travailleurs extracôtiers du Canada doivent avoir un milieu de travail sûr. Le contexte de l'ONE dans la mer de Beaufort relève exclusivement de la compétence du gouvernement fédéral. Cette ambiguïté entre la sécurité opérationnelle et la sécurité au travail n'existe pas, parce que tout est de compétence fédérale. Le contexte réglementaire de l'accord sur le travail extracôtier dans l'Atlantique va également servir de fondement à la réglementation du travail extracôtier dans la mer de Beaufort.
Il faut toutefois mentionner qu'il pourrait y avoir des circonstances uniques dans la mer de Beaufort qui mériteraient des modifications réglementaires le temps venu, lorsque le développement s'entendra sur de longues périodes de temps. Chose certaine, le cadre réglementaire qui entoure les forages d'exploration et les activités du genre dans la mer de Beaufort est tout aussi solide que celui qui prévaut actuellement au large de l'Atlantique, et s'il devait un jour y avoir des plateformes permanentes dans un environnement froid...
Le président : Cet environnement est froid.
M. Labonté : Il pourrait falloir adapter la réglementation en conséquence. Pour l'instant, il n'y a pas d'activités de développement en cours dans le Nord.
Le président : Je comprends donc que le règlement et les règles sur la santé en milieu de travail qui s'appliqueraient dans la mer de Beaufort seraient semblables à ce qu'on trouve ici, exception faite des nuances négociées entre le Canada et Terre-Neuve-et-Labrador, puis entre le Canada et la Nouvelle-Écosse.
M. Labonté : En effet.
Le président : Très bien. Correspondrait-il au règlement actuel?
M. Labonté : Pour ce qui est des activités de l'office, qui va régir les activités dans le Nord et dans l'Arctique quand les demandes vont commencer à arriver, le règlement actuel sur le forage, la plongée, le travail sur les plateformes et le reste est le même que celui qui s'applique au Canada atlantique. Il y a des modifications adaptées à l'Atlantique qui sont appropriées dans ce contexte. Le Code du travail est le principal instrument législatif régissant les activités pétrolières et gazières continentales, mais il comprend des éléments et des pouvoirs applicables aux activités extracôtières. Je vous dirais qu'ils ne sont pas très utilisés, puisque le travail se concentre surtout sur le continent. Nous devrons nous pencher sur le contexte extracôtier au cours des prochaines années.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : J'ai un point très important, monsieur le président. Est-ce que le dépôt Old Henry entre Terre- Neuve et Québec ferait l'objet d'une entente similaire?
M. Labonté : C'est un aspect intéressant. Aujourd'hui, on a un accord avec la province du Québec concernant la gestion partagée du golfe du Saint-Laurent. Le projet de loi n'est pas terminé en ce moment. Nous avons des discussions avec la province actuellement. Nous prévoyons déposer un projet de loi concernant la zone du golfe du Saint-Laurent prochainement.
Le sénateur Boisvenu : Je comprends que, chaque fois qu'une province fait du travail « offshore », que ce soit la Colombie-Britannique, le Québec ou autre, ça nécessite un projet de loi spécifique.
M. Labonté : Oui.
Le sénateur Boisvenu : On n'aurait pas pu avoir un projet de loi parapluie pour le Canada dans lequel les provinces pourraient s'intégrer, pour simplifier les choses?
M. Labonté : On peut dire que nous avons un projet de loi pour le Canada qui existe, mais lorsqu'on établit un accord avec une province, c'est spécifiquement pour une zone partagée avec une province.
[Traduction]
Le président : Merci. C'était très intéressant et éclairant; nous vous sommes très reconnaissants de nous avoir consacré du temps.
Sur ce, la séance est levée.
(La séance se poursuit à huis clos.)