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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 13 - Témoignages du 5 juin 2014


OTTAWA, le jeudi 5 juin 2014

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-5, Loi modifiant la Loi de mise en œuvre de l'Accord atlantique Canada-Terre-Neuve et la Loi de mise en œuvre de l'Accord Canada-Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers et d'autres lois, et comportant d'autres mesures, se réunit à 8 h 2 pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Richard Neufeld (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Je m'appelle Richard Neufeld. Je représente la province de la Colombie-Britannique et je suis président de ce comité.

Je souhaite la bienvenue à mes collègues ainsi qu'aux membres du public, qu'ils soient ici présents ou qu'ils nous regardent à la télévision. Petit rappel à ceux qui nous regardent, les séances du comité sont ouvertes au public et peuvent être vues sur Internet sur le site sen.parl.gc.ca. Vous y trouverez d'ailleurs davantage d'information sur les témoins devant comparaître sous l'onglet « Comités du Sénat ».

Je demanderais maintenant aux sénateurs de se présenter, et je commencerai en présentant notre vice-président, à ma droite, le sénateur Grant Mitchell de l'Alberta.

Le sénateur Boisvenu : Pierre-Hugues Boisvenu, du Québec.

Le sénateur MacDonald : Michael L. MacDonald, de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Bonjour. Je m'appelle Paul Massicotte, sénateur du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Black : Bonjour. Doug Black, de l'Alberta.

La sénatrice Seidman : Bonjour. Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

Le sénateur Wallace : Bonjour. John Wallace, du Nouveau-Brunswick.

Le président : Je présente maintenant notre personnel, en commençant par la greffière, Lynn Gordon, à ma gauche, ainsi que nos deux analystes de la Bibliothèque du Parlement, Sam Banks et Marc LeBlanc.

Aujourd'hui, nous tenons notre deuxième séance sur le projet de loi C-5, Loi modifiant la Loi de mise en œuvre de l'Accord atlantique Canada-Terre-Neuve et la Loi de mise en œuvre de l'Accord Canada-Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers et d'autres lois, et comportant d'autres mesures.

Chers collègues, ce projet de loi, dont le titre abrégé est Loi sur la santé et la sécurité dans la zone extracôtière, a été déposé à la Chambre des communes et lu pour la première fois le 24 octobre 2013. Après la deuxième lecture, il a été renvoyé au Comité permanent des ressources naturelles de la Chambre des communes, qui a modifié le projet de loi et a déposé son rapport le 12 février 2014.

Pendant la première partie de la réunion, nous avons le plaisir d'accueillir, de l'Office Canada-Terre-Neuve-et- Labrador des hydrocarbures extracôtiers, M. Scott Tessier, président et premier dirigeant, ainsi que Susan Gover, avocate. Et de l'Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers, Stuart Pinks, président-directeur général.

Merci d'être venus. Je crois que vous avez des remarques liminaires, après quoi nous passerons aux questions et réponses.

Scott Tessier, président et premier dirigeant, Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers : Merci, monsieur le président. Avant de me lancer dans mon discours, au nom de Stuart et de Susan, j'offre mes condoléances à ceux qui ont été touchés par les événements tragiques d'hier soir au Nouveau-Brunswick.

Comme l'a dit le président, je m'appelle Scott Tessier. Je suis président et premier dirigeant de l'Office Canada- Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers. Merci de m'avoir invité à exprimer la position de l'office sur ce projet de loi des plus importants. Mes remarques seront semblables à celles que j'ai faites devant le Comité permanent des ressources naturelles de la Chambre des communes, le 2 décembre 2013. Je suis très heureux de voir que ce projet de loi a été renvoyé au Sénat.

L'office considère le projet de loi C-5 comme un développement très positif pour la sécurité extracôtière. Nous sommes particulièrement satisfaits qu'il reflète les principes suivants : les lois qui régissent la santé et la sécurité au travail dans la zone extracôtière de Terre-Neuve-et-Labrador devraient être au moins aussi rigoureuses que celles qui régissent la zone côtière, on reconnaît la compétence mixte des gouvernements provincial et fédéral, et on met l'accent sur l'utilisation efficace des ressources réglementaires.

Cette initiative a exigé un effort colossal sur plusieurs années. J'aimerais souligner le travail qui a été fait par notre personnel pendant ces années, tout particulièrement celui de notre conseillère juridique Susan Gover, qui se joint à nous aujourd'hui, et de notre ancien gestionnaire des opérations, Howard Pike, qui a pris sa retraite en mars. Ils ont beaucoup contribué à l'élaboration de ce projet de loi grâce à leur expertise et aux conseils qu'ils ont donnés aux fonctionnaires.

Le projet de loi C-5 est important en ce sens qu'il fait appliquer au domaine extracôtier les pouvoirs et principes fondamentaux qui régissent la santé et la sécurité au travail en les incorporant aux lois de mise en œuvre des accords. Il prévoit un cadre juridique complet permettant aux travailleurs extracôtiers de jouir de la même protection que les travailleurs côtiers.

L'adoption de cette loi renforcerait les opérations de surveillance de la sécurité extracôtière que nous menons en Nouvelle-Écosse. Ces amendements permettent la création d'un régime réglementaire et statutaire officiel pour la santé et la sécurité au travail dans les zones extracôtières, sans compter des outils plus efficaces pour l'application des règlements.

Ce projet de loi permettrait des réformes importantes. Sur les questions relatives à la santé et la sécurité au travail, l'office relèverait du ministre provincial responsable de ce dossier, soit le ministre des Services de Terre-Neuve-et- Labrador. Nous serons heureux d'officialiser notre relation de travail avec ce ministère.

Le projet de loi établit également une hiérarchie des responsabilités, en précisant les attributions des gouvernements, des autorités réglementaires, des employeurs et des salariés. Il reconnaît que l'exploitant est responsable en dernier ressort de la sécurité des travailleurs dans le milieu extracôtier.

Le projet de loi C-5 confère également aux commissions pétrolières extracôtières le pouvoir de divulguer à la population de l'information liée à la santé et la sécurité au travail. L'office tient au principe d'ouverture, de responsabilité et de transparence, et il s'engage à continuer à s'améliorer dans ces domaines. Les amendements contenus dans le projet de loi orienteront les décisions prises par l'office relativement à la communication d'informations sur la sécurité extracôtière qui sont dans l'intérêt public.

L'office serait également favorable à l'établissement d'un comité consultatif constitué de représentants du secteur privé, du secteur public et des syndicats pour étudier des questions liées à la santé et la sécurité au travail.

De plus, cette nouvelle loi lèvera toute incertitude administrative relativement à la santé et la sécurité au travail, notamment le droit de refuser des décisions et l'exigence d'avoir des comités de santé et sécurité au travail. À l'heure actuelle, l'office applique au nom de la province les dispositions de la loi provinciale sur la santé et la sécurité au travail. Si ces principes sont garantis par la loi découlant de l'accord, la commission aura sans équivoque le pouvoir de faire appliquer toutes les exigences liées à la santé et la sécurité au travail.

Selon ces amendements, le nouveau régime de santé et sécurité au travail devra clairement s'appliquer aux travailleurs qui se rendent à une plateforme, en reviennent ou qui circulent entre deux d'entre elles. Le ministre fédéral des Transports serait tenu de recommander des règlements liés à la santé et la sécurité des travailleurs extracôtiers en transit.

C'est Transports Canada qui est responsable de la réglementation régissant les navires et les hélicoptères, mais l'office a un rôle important à jouer dans la sécurité des déplacements des travailleurs extracôtiers. Il est donc important que les deux organismes poursuivent leur travail concerté pour assurer la sécurité des travailleurs extracôtiers qui se rendent aux plateformes et en reviennent.

Depuis l'écrasement du vol 491 de Cougar en mars 2009 et la mise sur pied de la commission d'enquête Wells par l'office, des améliorations considérables ont été apportées à la sécurité des passagers à bord d'hélicoptères extracôtiers. Il n'est pas exagéré de dire que, depuis ces événements tragiques, l'office compte parmi les leaders mondiaux dans ce domaine.

Les mesures que nous avons prises depuis la tragédie ont suscité l'intérêt d'autorités réglementaires extracôtières partout dans le monde et nous avons fait connaître notre expérience et nos expertises auprès d'elles. Le projet de loi C-5 confirmera le leadership du Canada dans ce domaine.

Pour conclure, je dirai que la sécurité des travailleurs extracôtiers est toujours notre priorité absolue. L'office se réjouit de ces amendements qu'il appliquera dès leur entrée en vigueur. J'aimerais vous remercier de nous avoir donné la possibilité d'intervenir au sujet de cette proposition de loi importante et je souhaite de bonnes délibérations aux membres de ce comité.

Stuart Pinks, président directeur-général, Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers : Bonjour. L'Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers vous remercie de l'invitation à comparaître devant ce comité sénatorial au sujet du projet de loi C-5, Loi sur la santé et la sécurité dans la zone extracôtière.

L'Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers est un organisme conjoint indépendant établi par les gouvernements du Canada et de la Nouvelle-Écosse pour réglementer les activités pétrolières dans la zone extracôtière de la Nouvelle-Écosse. La santé et la sécurité des travailleurs en mer occupent une place primordiale dans la réalisation du mandat législatif de l'office. Nous sommes donc heureux d'avoir l'occasion de communiquer au comité l'appui de l'office à l'égard du projet de loi C-5, comme nous l'avons fait le 2 décembre, alors que Scott Tessier et moi avons comparu devant le Comité permanent des ressources naturelles de la Chambre des communes.

Alors que les gouvernements fédéral et provincial reconnaissaient que des modifications législatives étaient requises, l'office prenait, il y a un certain nombre d'années, des mesures provisoires et élaborait ses propres exigences de santé et sécurité d'après un amalgame de pratiques exemplaires tirées des lois et règlements fédéraux et provinciaux. Au centre de ces exigences se trouve un système de responsabilité interne qui, entre autres, fait la promotion d'une culture positive de la sécurité et de l'utilisation de pratiques exemplaires, et en vertu duquel les employeurs et les employés sont responsables de la sécurité.

Notre structure de santé et de sécurité fait en sorte que les activités pétrolières sont exécutées par des entités réglementées, en veillant à ce que les dangers soient correctement identifiés et que les risques connexes soient évalués, puis atténués et gérés en conséquence.

Notre équipe de santé et sécurité est dirigée par le délégué à la sécurité, M. Keith Landra, qui travaille à mes côtés et qui est nommé par le conseil, duquel il relève directement. Sous la direction de M. Landra travaillent plusieurs conseillers en santé, sécurité et environnement, dont certains portent aussi le titre d'agents de la sécurité aux termes de la loi actuelle. L'un de ces agents de la sécurité a été désigné comme substitut de M. Landra dans ses fonctions de délégué à la sécurité, au cas où celui-ci ne serait pas en mesure de s'acquitter de son rôle.

En tant qu'ancien délégué à la sécurité de l'office, je sais par expérience combien il est important d'avoir une structure organisationnelle convenable garantissant que le processus décisionnel fasse de la sécurité une priorité absolue, suivi de près par la protection de l'environnement. Je suis heureux de dire que notre office dispose d'une telle structure de gouvernance et que, à cet égard, l'office a créé un comité distinct chargé de superviser l'exécution de notre mandat en matière de santé, sécurité et protection de l'environnement. Le comité est formé de membres du conseil ayant une vaste expérience en matière de pétrole et de gaz extracôtiers, qui rencontrent notre délégué à la sécurité avant toutes les réunions de l'office, et au besoin s'il y a lieu. Ces réunions ont pour but de donner au délégué à la sécurité un accès direct et régulier aux membres de l'office pour discuter des questions liées au rôle du délégué, indépendamment des autres aspects du mandat de l'office.

Le comité de SSE a un certain nombre de fonctions, dont l'examen des décisions prises pour vérifier que le processus décisionnel tient compte du caractère primordial de la santé et de la sécurité. Le comité appuie aussi le délégué à la sécurité dans son rôle et lui offre des conseils au besoin.

Autre fonction très utile, le comité agit comme un mécanisme régulateur veillant à ce que tous les systèmes, politiques, lignes directrices et protocoles d'entente soient en place pour assurer la diligence raisonnable en matière de réglementation et à ce que les ressources nécessaires soient affectées aux initiatives de santé et de sécurité.

Bien que notre système de santé et sécurité soit efficace, nous accueillons favorablement les modifications à la partie 3.1. Le personnel de l'office a participé intégralement au processus de rédaction législative, en offrant des conseils sur une base régulière. Nous sommes heureux de constater que le projet de loi comporte le cadre juridique et le pouvoir nécessaire pour l'établissement d'un régime de santé et sécurité moderne en mer.

Nous sommes aussi heureux de constater que les pouvoirs en matière d'observation et d'enquête de nos agents de santé et de sécurité, de sécurité opérationnelle et de conservation sont modernisés et uniformisés dans ce projet de loi.

Un autre avantage du projet de loi concerne la transparence. En tant que régulateur d'une industrie de premier plan, nous devons fréquemment nous acquitter de la délicate tâche de la diffusion de l'information. Les modifications législatives nous donneront le pouvoir de divulguer des renseignements liés à la santé et la sécurité, lorsque l'intérêt du public est en jeu.

Enfin, l'office croit fermement que chaque personne a une part de responsabilité dans la sécurité globale du milieu de travail. Les propriétaires, les détenteurs de parts, les exploitants, les employeurs, les employés, les superviseurs, les fournisseurs de service et les employés de première ligne ont tous des responsabilités individuelles et communes. Cette hiérarchie étant définie dans le projet de loi, l'office pourra réaliser de plus grands progrès pour ce qui est d'orienter et de faire appliquer cette responsabilité.

Nous sommes aussi heureux de constater que le projet de loi consacre juridiquement les droits des employés en matière d'information, de participation, de refus et de protection contre les représailles. Nous croyons que ces changements favoriseront l'établissement d'une plus grande culture de la sécurité au large de la Nouvelle-Écosse.

Pour la suite des choses, l'office achèvera les protocoles d'entente négociés avec les gouvernements fédéral et provincial pour l'administration et l'application des parties 3 et 3.1 de la loi. Nos agents délégués recevront la formation voulue et nous apporterons les modifications requises à nos politiques et procédures avant la date d'entrée en vigueur des modifications législatives.

Le comité de SSE, qui a démontré son importance au sein de l'office, continuera d'assurer la supervision de la gouvernance pendant que nous travaillerons à la mise en œuvre de ces modifications. Notre personnel veillera aussi à informer les exploitants et le personnel de ces changements.

Dans l'ensemble, l'office accueille favorablement cette mesure législative et est impatient de voir ses avantages se concrétiser. Je vous remercie encore une fois d'avoir donné à l'office l'occasion de présenter son point de vue sur cette question.

Le président : Monsieur Tessier, à la page 2 de votre exposé, la toute dernière phrase se lit comme suit :

Il prévoit un cadre juridique complet permettant aux travailleurs extracôtiers de jouir de la même protection que les travailleurs côtiers.

Pourriez-vous me donner un exemple qui montrerait que les travailleurs à terre étaient couverts pendant les 10 ou 15 années d'élaboration de ce projet de loi tandis que les travailleurs en zone extracôtière, eux, ne l'étaient pas?

M. Tessier : En fait, ce texte de loi officialise certaines des relations de travail plus informelles que nous entretenons avec les provinces en matière de santé et sécurité au travail. Comme l'a souligné Stuart, le système actuellement en place est efficace, mais les arrangements se font sur une base plus ou moins ponctuelle et évoluent librement au fil des ans. Nous entretenons des relations de travail fructueuses avec les autorités provinciales, mais ce projet de loi aurait pour effet d'élargir aux travailleurs de la zone extracôtière l'intégralité du régime et de la protection en matière de santé et sécurité dont jouissent les travailleurs à terre.

Le président : Cette réponse n'éclaire pas exactement ma lanterne.

M. Pinks : Je pourrais peut-être apporter quelques précisions. À l'heure actuelle et contrairement à d'autres, les milieux de travail extracôtiers de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve-et-Labrador ne sont pas intégralement régis par une loi sur la santé et sécurité au travail. Entre-temps, les offices, notamment celui de Nouvelle-Écosse, ont dû ajouter des exigences en matière de santé et sécurité au travail aux conditions pour l'autorisation de toute activité.

Nous avons adopté les pratiques exemplaires d'une variété de régimes, nous les avons combinés, et les avons mis en application par l'entremise d'un arrangement contractuel, dans l'attente des changements législatifs dont nous discutons aujourd'hui.

Grâce à ce projet de loi, tous les milieux de travail au Canada seront couverts par une loi sur la santé et la sécurité au travail, y compris les milieux de travail en zone extracôtière.

Le président : Merci.

Le sénateur Mitchell : Je remarque que vous avez tous deux fait allusion à ce qui semble être le même conseil consultatif sur les questions touchant la santé et la sécurité au travail, auquel siégeraient des représentants de l'industrie, du gouvernement et de la main-d'œuvre. En Nouvelle-Écosse, un tel conseil a déjà été établi, mais vous, monsieur Tessier, semblez dire qu'un tel conseil n'a pas été mis sur pied. Vous l'appelez de vos vœux. Est-ce simplement parce que la Nouvelle-Écosse serait en avance dans ce dossier, et comment aurait-elle obtenu cette avance?

M. Tessier : L'approche est tout simplement différente. Nous avons compté sur l'office, et c'est le chef de la sécurité de l'office qui s'est acquitté de ces tâches; par conséquent, nous n'avons pas mis sur pied de comité consultatif distinct pour l'instant. Cela dit, comme je l'ai indiqué, nous sommes favorables à l'idée, et nous nous réjouissons à la perspective de travailler avec un tel groupe.

Le sénateur Mitchell : Le comité sera donc mis sur pied.

M. Tessier : Oui, c'est une exigence en vertu de la loi.

M. Pinks : Si vous me permettez — veuillez m'excuser.

M. Tessier : Je voulais simplement revenir à la première question posée par le président, puisque Mme Gover m'a soufflé un exemple concret, et voilà ce que vous recherchiez. En vertu du nouveau régime, et voici un exemple concret, on concède explicitement aux travailleurs extracôtiers le droit de participer à une enquête, ce qui n'est pas le cas en ce moment.

Le président : Est-ce le seul exemple, ou y en a-t-il beaucoup d'autres?

M. Tessier : Effectivement, il y en a plusieurs.

Le sénateur Mitchell : Monsieur Pinks, dans votre exposé, au second paragraphe de la première page, vous prenez la peine de préciser qu'« au centre de ces exigences se trouve un système de responsabilité interne qui [...] fait la promotion d'une culture positive de la sécurité... » Le comité s'est longuement penché sur cette question dans le cadre d'une de ses récentes études, et nous avons entendu Mark Fleming, que vous connaissez probablement.

M. Pinks : Effectivement.

Le sénateur Mitchell : Le professeur Fleming nous a aidés à comprendre pourquoi il était plus difficile de promouvoir une culture positive de la sécurité qu'on ne pourrait être porté à le croire. C'est une initiative qui peut être très complexe tout en regorgeant de subtilités, à la fois sur les plans structurels et psychologiques, au sein d'une culture d'entreprise.

Quand vous dites : « un système de responsabilité interne qui, entre autres, fait la promotion d'une culture positive de la sécurité », à quoi faites-vous allusion exactement, et quels sont vos efforts concrets pour favoriser le développement de cette culture?

M. Pinks : La culture de la sécurité est effectivement un domaine très complexe, et nos trois offices — l'Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers, l'Office national de l'énergie et l'Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers — ont collaboré dans le cadre d'une initiative sur la culture de la sécurité que nous avons élaborée grâce à l'aide de Mark Fleming. Nous venons tout juste de publier une déclaration sur la culture de la sécurité. Cette déclaration explique en détail, à l'intention des milieux de travail réglementés, en quoi constitue selon nous une bonne culture de la sécurité, quels en sont les attributs, et quelles sont nos attentes à l'égard des milieux de travail réglementés relativement à la culture de la sécurité et son amélioration constante.

Le fait de mettre en place un système de responsabilité interne, au cœur de tout système de santé et de sécurité au travail, système qui est d'ailleurs inscrit dans ce projet de loi, et bien comprendre les responsabilités de chacune des parties en milieu de travail permettra de favoriser une culture de la sécurité.

C'est tout un cheminement. Dans le cas de la plupart des accidents majeurs qui surviennent dans cette industrie, ainsi que d'autres secteurs à haut risque, on constate que la culture de la sécurité est l'un des contributeurs clés, et c'est pourquoi les organes de réglementation de par le monde reconnaissent l'importance d'en faire davantage pour encourager l'industrie à promouvoir la culture de la sécurité. Les trois offices en territoire canadien font du bon travail lorsqu'il est question de mettre nos attentes de l'avant.

Le sénateur Mitchell : Monsieur Tessier, aurez-vous quelque chose à ajouter à titre de comparaison?

M. Tessier : Je tenais simplement à souligner que les offices pensent à la sécurité à la fois en termes de sécurité des opérations et de santé et sécurité au travail, et que la culture de la sécurité comprend le personnel, le matériel et les processus qui interviennent dans les opérations en zones extracôtières. Le projet de loi est utile en ce sens qu'il intégrera la question de santé et sécurité au travail dans les systèmes de gestion auxquels les exploitants et les offices, en tant qu'organes de réglementation, auront désormais recours.

La sénatrice Ringuette : J'aurais quelques questions à poser. Vos deux offices ont-ils une délégation des pouvoirs provinciaux en ce qui concerne le Code du travail et les mesures de santé et de sécurité comprises dans ces codes provinciaux?

M. Pinks : Je ne suis pas certain de bien comprendre la question.

M. Tessier : Vous voulez parler des agents de santé et de sécurité au travail?

La sénatrice Ringuette : Les provinces sont responsables de l'application du Code du travail.

M. Pinks : Effectivement, au sein de leurs provinces.

La sénatrice Ringuette : On nous a dit hier que les provinces, en ce qui concerne la santé et la sécurité, sont responsables des mesures de sécurité en zones extracôtières. Préalablement au projet de loi que nous étudions aujourd'hui, les provinces vous ont-elles délégué, par le passé, des pouvoirs pour que vous puissiez régler les questions de santé et de sécurité?

M. Tessier : À l'heure actuelle, nos agents de santé et de sécurité sont nommés par l'office, conformément à la partie 3 des lois sur les accords. De plus, ces agents sont chargés par le ministre des Services de Terre-Neuve-et-Labrador de l'application de la loi provinciale sur la santé et la sécurité.

La sénatrice Ringuette : Donc l'office n'en est pas responsable, mais certains employés au sein de l'office disposent d'une délégation de pouvoirs accordés par la province?

Susan Gover, conseillère juridique, Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers : Là où les membres de l'office sont nommés conjointement, nous nous occupons maintenant, tel que mandaté par le ministre provincial, de l'application de la Loi sur la santé et la sécurité au travail.

La sénatrice Ringuette : C'est le ministre qui vous a délégué ces pouvoirs?

Mme Gover : Oui.

La sénatrice Ringuette : Le ministre de Terre-Neuve-et-Labrador.

Mme Gover : Effectivement, puisque cela fait partie de la législation sociale telle que définie dans les lois sur les accords. Cependant, les lois sur les accords ne comprennent aucune disposition précise visant à promouvoir les questions de santé et de sécurité au travail propres à la complexité des zones extracôtières.

Dans un même milieu de travail en zone extracôtière se côtoient divers employeurs et employés. Dans un milieu de travail non extracôtier de ressort provincial, on trouve normalement divers comités de santé et de sécurité au travail distincts qui ont pour objectif de faire rayonner et promouvoir la culture de la sécurité. Ce n'est peut-être pas le moyen le plus efficace d'y parvenir. Grâce à la gestion conjointe, en reconnaissant que le Code canadien du travail a également un rôle à jouer puisque nous agissons pour le compte des deux ministres, ils ont retenu les meilleurs aspects des trois régimes, à savoir ceux de la Nouvelle-Écosse, de Terre-Neuve et du Canada afin d'élaborer ce projet de loi, puisqu'il est probable que les employés qui travaillent sur des installations et des structures maritimes passeront d'une zone extracôtière à l'autre. Il est important que les travailleurs puissent compter sur le fait que, même s'ils travaillent un jour en zone côtière néo-écossaise et le lendemain en zone extracôtière terre-neuvienne, leurs droits et responsabilités resteront inchangés.

La sénatrice Ringuette : Les sites de construction ont également des comités de santé et de sécurité relevant de plusieurs employeurs.

Mme Gover : En effet.

La sénatrice Ringuette : Cela n'a rien de particulier.

Cette nouvelle mesure comprend également la responsabilité de la sécurité des transports, qui relève actuellement de Transports Canada, et je pense à l'incident malheureux de l'hélicoptère. La sécurité des transports dépend de Transports Canada.

Mme Gover : C'est exact.

La sénatrice Ringuette : Vous allez recevoir la responsabilité des transports aussi?

M. Tessier : L'office est responsable de la sécurité des travailleurs en mer, et Transports Canada est responsable de la réglementation de la sécurité des cellules d'aéronefs et des navires.

La sénatrice Ringuette : Je parle du transport, du...

M. Pinks : De l'hélicoptère lui-même!

La sénatrice Ringuette : Oui.

M. Pinks : Cela relève toujours de Transports Canada.

La sénatrice Ringuette; Cela continuera à relever de Transports Canada?

M. Tessier : Oui, pour ce qui est de la sécurité de l'aéronef.

M. Pinks : Pour ce qui est de la sécurité de l'aéronef.

La sénatrice Ringuette : D'accord.

M. Pinks : La sécurité des passagers à bord de l'hélicoptère, lors des déplacements à destination ou en provenance des lieux de travail en zone extracôtière, tombera sous le coup de cette loi.

Le président : Sénatrice Ringuette, je suis désolé; est-ce que je peux inscrire votre nom...

La sénatrice Ringuette : Je voudrais certainement d'autres précisions. Plus on en parle, plus c'est flou.

Le président : Ma liste est pleine, mais je vous inscrirai pour le deuxième tour, si cela vous va.

La sénatrice Seidman : Merci beaucoup. Monsieur Pinks, j'aimerais vous poser une question sur quelque chose dont vous avez parlé dans votre exposé. Vous avez dit que votre processus décisionnel fait de la sécurité une priorité absolue, suivie de très près par la protection de l'environnement.

Il s'agit là d'une juxtaposition intéressante, étant donné les responsabilités de l'office. Ce que j'aimerais vous demander, si voulez bien nous le dire, c'est : peut-il s'agir de demandes conflictuelles? Peut-il y avoir un conflit quelconque entre le volet « sécurité » de votre mandat et le volet « protection de l'environnement » de votre mandat?

M. Pinks : Revenons un peu en arrière; le mandat de l'office, dans sa forme actuelle, est assez vaste. Nous sommes responsables de la santé et de la sécurité des travailleurs en mer, de la protection de l'environnement, des retombées industrielles locales, de la conservation des ressources et de la cueillette et de la diffusion des données. Notre mandat est vaste. Nous reconnaissons que la sécurité humaine occupe une place primordiale, tout comme la protection de l'environnement. Nous nous sommes dotés d'un processus décisionnel qui en fait une priorité absolue.

Pour répondre à votre question précise sur la santé et la sécurité, et l'environnement, si nous nous retrouvions dans une situation où une vie était en danger, si nous devions intervenir en cas de déversement et que cette intervention menaçait une vie, nous privilégierions la protection de la vie. Si le risque pour la sécurité peut être atténué et géré adéquatement, la protection de l'environnement demeure alors primordiale.

La sénatrice Seidman : Ma deuxième question s'adresse à M. Tessier et à M. Pinks. Je crois comprendre que le projet de loi C-5 permettra aux offices d'entreprendre des activités de recherche et de faire réaliser des études portant sur la santé et la sécurité au travail, sur les causes d'accident ou de maladie, et sur les mesures de prévention. J'aimerais savoir si les offices effectuent ces activités de recherche sous le régime actuel. Est-ce que ce projet de loi changera la donne? Comment est-ce qu'on choisit les sujets à étudier?

M. Tessier : Je peux vous donner un exemple précis d'un effort entrepris par l'Office Canada-Terre-Neuve-et- Labrador des hydrocarbures extracôtiers suite à la commission d'enquête Wells. Nous avons lancé plusieurs initiatives de recherche portant sur les facteurs humains dans la survie en mer, et sur l'utilisation de la technologie de la hauteur des vagues dans le transport extracôtier par hélicoptère. Manifestement, nous avons entrepris des projets de recherche et de développement pertinents avant le projet de loi C-5.

La sénatrice Seidman : En effet, c'est pertinent. Est-ce que votre recherche se fait en réaction à une situation donnée, ou faites-vous de la recherche préventive?

M. Tessier : Les exemples que je vous ai donnés suivaient l'enquête Wells. Ces mesures étaient effectivement réactives, mais nous avons également des initiatives proactives, par exemple dans le domaine de l'équipement de protection personnelle.

La sénatrice Seidman : Si je pose la question, c'est que le comité a entrepris une étude pendant la crise du Golfe. Je me suis particulièrement intéressée à la recherche et au développement, pour savoir si les offices étaient incités à agir de façon proactive, non seulement dans leur exploitation extracôtière et l'extraction, mais également dans la protection de leurs employés — en d'autres mots, s'ils faisaient de la recherche et du développement dans ces aspects de la sécurité.

M. Tessier : Oui. J'ajouterais même que nous encourageons fortement les exploitants extracôtiers, ainsi que le secteur dans son ensemble, à être très proactifs en matière de sécurité. L'Accord de l'Atlantique comprend des dispositions incitatives pour stimuler ce comportement grâce à des crédits de recherche et de développement qui sont avalisés par les offices.

M. Pinks : Notre secteur investit lourdement dans la recherche, en conformité avec la loi. En Nouvelle-Écosse, on est très proactif en matière de culture de sécurité. M. Mark Fleming a participé à des recherches financées par le privé sur la culture de sécurité et sur les façons de mesurer nos progrès en la matière en milieu extracôtier.

Le sénateur Black : Je vous remercie tous d'être venus et de votre apport à notre étude.

Aux fins du procès-verbal, je voudrais que vous me confirmiez que, en vertu des dispositions actuelles en matière de santé et de sécurité, qui seront renforcées grâce à ces modifications, vous serez en mesure de créer le milieu de travail extracôtier le plus sécuritaire du monde.

M. Pinks : Ce sera certainement notre objectif. Si vous comparez les résultats du secteur extracôtier au Canada à ceux d'autres pays, vous constaterez que notre bilan est enviable. Et si vous comparez notre secteur extracôtier à d'autres secteurs terrestres au Canada, vous constaterez encore que notre bilan sécuritaire est meilleur que dans un grand nombre de secteurs d'activité terrestre.

La loi pourra-t-elle garantir qu'il n'y aura jamais d'accident? Non. Mais elle nous donne au moins les outils pour que nous puissions constamment améliorer nos pratiques en matière de santé et sécurité.

Le sénateur Black : Monsieur Pinks, dans quel secteur y a-t-il encore place à des améliorations?

M. Tessier : Avant de parler des possibilités d'amélioration, j'aimerais vous signaler que Stuart et moi participons tous deux à l'International Regulators Forum, et que nous nous réunissons annuellement avec huit de nos homologues de partout au monde. Le Canada doit être fier de cette participation, car nous exerçons une grande influence dans ce forum. Nous ne pouvons pas garantir que notre secteur extracôtier sera le plus sûr au monde, car ce sont les exploitants qui ont l'ultime responsabilité de leurs activités. En effet, il revient aux exploitants de s'assurer d'avoir les activités les plus sûres au monde.

Le sénateur Black : Mais vous réglementez.

M. Tessier : Nous assurons le contrôle de leurs activités. Cela est vrai.

Le sénateur Black : Vous jouez donc un rôle important dans la sécurité.

M. Tessier : Oui, absolument. Nous sommes d'accord.

Maintenant en ce qui concerne les domaines d'amélioration, le chef de sécurité et moi en avons cerné plusieurs par rapport aux activités des exploitants. Par exemple, on a constaté une augmentation de l'incidence de ce que notre secteur appelle les « chutes d'objets ». La formation et la compétence sont des domaines de préoccupation. Les plateformes sont construites beaucoup plus rapidement que nous n'arrivons à former des personnes pour les occuper, et il est difficile d'assurer la formation et la compétence d'assez de personnes à la fois.

À Terre-Neuve, il y a plusieurs installations vieillissantes, ce qui pose problème. Nous pouvons également nous améliorer au niveau des normes internationales. L'atteinte de normes internationales pose des défis, mais présente aussi des occasions, et il y a toujours moyen d'améliorer le partage d'information de façon que lorsqu'un incident se produit chez un exploitant, il soit communiqué à tous les autres exploitants. Aujourd'hui, il n'a jamais été aussi simple de communiquer. Voilà cinq domaines dans lesquels il y a encore matière à amélioration.

Le sénateur Black : Pouvez-vous nous assurer que vous poursuivez ces améliorations de façon énergique?

M. Tessier : Absolument. Nous y travaillons au quotidien. D'ailleurs, nous sortons justement d'un très fructueux forum sur la sécurité où étaient représentés des exploitants et la main-d'œuvre. Dans ce forum, nous nous sommes concentrés exclusivement sur la formation et les compétences en milieu de travail extracôtier.

M. Pinks : Scott a parlé de l'International Regulators' Forum, auquel nous participons activement avec 10 autres pays qui se livrent à des activités extracôtières, dont les plus gros pays producteurs comme le Royaume-Uni, les États- Unis, la Norvège, l'Australie et d'autres. Nos activités étant relativement restreintes, il est très utile d'avoir accès aux données mondiales plutôt que locales car les problèmes qui se manifestent ailleurs dans le monde nous touchent probablement, mais nous ne nous en rendons pas compte, car nos activités sont trop restreintes. Nous collaborons avec ces partenaires de l'IRF, et la culture de la sécurité est notre grande priorité.

En fait, le contrôle d'un puits se résume à la prévention des incidents. L'accident Macondo dans le golfe du Mexique était un incident de contrôle de puits qui n'aurait jamais dû se produire. Nous devons concentrer nos ressources internes pour nous assurer que ce genre d'incidents ne se produise plus. D'autres pays ont déjà fait beaucoup de travail à cet égard et nous nous en inspirons afin de nous assurer que ces incidents ne se produisent pas ou, s'ils devaient se produire, qu'ils puissent être contenus afin d'éviter la catastrophe que l'on a vécue dans le golfe.

Autre domaine d'intérêt, non seulement au Canada, mais ailleurs au monde, est la participation des travailleurs. Bref, les organismes de réglementation, le secteur et les travailleurs ont tous un rôle à jouer dans la sécurité. Nous avons fait remarquer aux exploitants en Nouvelle-Écosse, et continuons de le faire, qu'il leur faut davantage de participation des employés. Lorsqu'ils s'adressent à nous pour avoir des idées sur la façon de changer leurs activités, nous leur demandons s'ils en ont parlé à leurs employés, si ces derniers sont d'accord.

Scott a parlé de formation et de compétences. C'est également un autre domaine prioritaire, car nous devons nous assurer d'avoir une main-d'œuvre formée et compétente. Sans parler de l'adoption de normes internationales.

Comme vous le voyez, nous avons toujours du pain sur la planche. Nous n'aurons jamais terminé de chercher à nous améliorer.

Le sénateur Massicotte : Vous avez bien répondu à ma question.

Le sénateur Wallace : Messieurs, je crois comprendre que le projet de loi C-5 attribuera de nouveaux pouvoirs aux agents de sécurité de l'office. Pourriez-vous nous dire ce que vous pensez de ces nouveaux pouvoirs et de la façon dont ils toucheront les activités extracôtières et leur sécurité.

M. Pinks : L'un des pouvoirs les plus importants sera celui de prise d'ordonnance par les agents de sécurité, c'est-à- dire les agents de santé et sécurité au travail et les agents de sécurité opérationnels cités dans la loi. Actuellement, il leur est assez difficile de prendre une ordonnance. Ils ne peuvent ordonner une cessation d'activité que si la continuation de telles activités est susceptible de causer des blessures graves. Les exigences sont donc assez élevées. Or, nos agents constatent parfois des infractions à la sécurité qui doivent être corrigées même si elles ne sont pas susceptibles de causer des blessures graves. Nous avons déjà des mécanismes pour ce cas de figure, par exemple des vérifications, des inspections et des inspections de suivi, mais maintenant nous pouvons émettre des ordonnances claires de mesures correctives.

Et l'on attend une autre loi, dont on a changé le nom. S'agit-il de la Loi sur la sécurité énergétique? Est-ce le nouveau nom?

Mme Gover : Oui, le projet de loi C-22.

M. Pinks : Oui, le projet de loi C-22, qui prévoit des sanctions administratives et pécuniaires. Une fois adopté, ce sera un outil supplémentaire de notre arsenal.

M. Tessier : Ce que Stewart vient de décrire, c'est un nouvel arsenal mis à la disposition de notre service de sécurité et à nos agents de sécurité pour faire respecter les règles, pour prendre des ordonnances et pour émettre des citations. Ça change la donne.

Le sénateur Wallace : En étudiant le projet de loi C-5 et la documentation connexe, je n'ai pas compris la différence entre les questions de santé et sécurité au travail et celles d'exploitation; je n'ai pas compris non plus l'étendue de la responsabilité respective du fédéral et des provinces dans chacun de ces domaines; et je n'ai pas compris non plus l'incidence du projet de loi C-5 sur ces questions. Pourriez-vous me donner des éclaircissements? Il semble y avoir un certain chevauchement entre les questions de santé et sécurité au travail et les questions d'exploitation. Êtes-vous du même avis? Et si c'est bien le cas, comment le projet de loi C-5 clarifierait-il le tout?

M. Pinks : Vous avez raison, il est très difficile de faire une séparation entre la santé et la sécurité au travail et la sécurité opérationnelle. C'était justement l'un des défis que nous avons dû relever dans la rédaction de cette loi. Je pense que nous avons pris le meilleur des deux mondes.

Les agents de l'office peuvent être nommés au poste d'agent de sécurité opérationnelle en vertu de la partie 3 de la loi, ou encore au poste d'agent de santé et sécurité au travail en vertu de la partie 3.1. Aux termes de la nouvelle loi, les agents ont compétence par défaut sur tout problème qu'ils constatent. La question de savoir si le problème est d'ordre opérationnel ou de santé et sécurité au travail n'est plus pertinente, car nos agents ont désormais compétence dans les deux cas.

Le sénateur Wallace : Ainsi, le projet de loi C-5 clarifie cela. Il améliorera la sécurité et les opérations extracôtières, n'est-ce pas?

M. Pinks : Il retire l'argument de la compétence, puisque les agents ont maintenant compétence sur les deux sortes de situation.

Le sénateur Wallace : Parfois, les problèmes et les retards se posent...

M. Pinks : Devant les tribunaux, on serait en train de se disputer au sujet d'interprétations juridiques.

M. Tessier : Vous avez tout à fait raison. C'est un champ de compétence très complexe. Les questions de la sénatrice Ringuette au sujet des déplacements en aéronef font ressortir que notre domaine est d'une grande complexité et qu'il est difficile de savoir qui a compétence sur quoi. Le projet de loi définit, clarifie et confirme les rôles et responsabilités des uns et des autres.

Le sénateur Patterson : Merci aux témoins d'être venus. Et je souhaite la bienvenue à M. Tessier à son retour sur la Colline du Parlement.

Nous avons parlé des relations avec les régimes de santé et de sécurité au travail provinciaux et de la façon dont elles seront modifiées par le projet de loi. Mais j'aimerais parler du Code canadien du travail. Une fois ce projet de loi adopté, le Code canadien du travail continuera-t-il à s'appliquer dans le domaine de la santé et sécurité au travail en milieu extracôtier. Si je pose la question, c'est parce que le projet de loi C-5 prévoit certaines modifications du code. Pourquoi ces changements? Et le Code canadien du travail s'applique-t-il actuellement aux installations extracôtières?

M. Pinks : Le Code canadien du travail actuel ne s'applique pas aux milieux de travail extracôtiers. Ce projet de loi deviendra le Code canadien du travail extracôtier.

M. Tessier : Je pense que le ministre fédéral des Ressources naturelles devrait consulter son homologue du Travail sur toute question relative au projet de loi C-5.

Le sénateur Patterson : Je dois dire que le comité a été dérouté par l'épaisseur de ce projet de loi et sa nature très technique. Il fait 263 pages avec les annexes. Vous avez donc un nouveau régime qui s'appliquera à votre office et à tous vos employés. Est-ce qu'il va falloir donner une séance de formation à vos employés sur ce nouveau régime? Et si c'est le cas, est-ce que vous êtes d'ores et déjà en train de prendre les mesures nécessaires?

M. Pinks : Nous avons déjà commencé des séances de formation internes sur les nouvelles dispositions. Ceci dit, vous avez raison de dire que le projet de loi est aussi complexe que long. Toutefois je pense que la majorité des dispositions qui s'y trouvent sont déjà appliquées au milieu extracôtier par voie de mesures administratives en l'absence d'une loi comme telle. L'incidence de ces changements ne sera donc pas trop importante, ceci dit, il y a quand même lieu de familiariser le personnel de façon à ce qu'il comprenne bien la teneur de chaque disposition.

M. Tessier : En fait, ce projet de loi ne fait que codifier notre pratique actuelle. Les sénateurs devraient trouver encourageante l'excellente collaboration que nous avons déjà avec les autres agences responsables dans l'application de pratiques qui seront heureusement rendues officielles aux termes de la loi.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Tout d'abord, merci beaucoup pour votre témoignage. Si on adopte un projet de loi, c'est parce qu'il y a un problème, ou à la base, on veut résoudre un problème. Avez-vous des données statistiques sur le nombre d'événements qui se produisent annuellement? Je parle d'incidents liés à la santé et à la sécurité. Cela représente combien de jours de travail perdu? Lorsqu'on adopte un projet de loi, on le fait parce qu'on veut améliorer la situation. Avez-vous des données à ce sujet?

[Traduction]

M. Tessier : Je n'ai pas apporté de statistiques avec moi, mais je peux certainement vous les fournir ultérieurement.

Je peux vous dire que le taux de blessure avec arrêt de travail, par exemple, est très favorable comparativement à celui affiché par d'autres secteurs industriels de Terre-Neuve-et-Labrador. Toutefois, étant donné la nature dangereuse de notre travail, on cherche toujours à atteindre un taux zéro d'incidents et d'accidents.

Je n'ai pas apporté d'autres statistiques. Je ne sais pas si mes collègues en ont. Mais nous pouvons certainement vous les fournir. Sachez qu'il y en a déjà beaucoup sur notre site web, mais nous pouvons certainement vous fournir des chiffres qui vous intéressent particulièrement.

M. Pinks : Je pourrais en faire autant. J'ai quelques données avec moi. En 2012-2013 — et notre exercice est le même que celui du gouvernement, c'est-à-dire qu'il va du 1er avril au 31 mars — il y a eu quatre blessures incapacitantes en milieu extracôtier.

Et lorsque je parle d'une blessure incapacitante, je parle souvent de blessures exigeant un travail aménagé. Par exemple, quelqu'un qui s'est blessé la main pourrait être retiré d'un travail physique et assigné à un poste administratif. Quelqu'un qui se serait blessé au dos n'aurait plus de charge lourde à soulever. Les blessures incapacitantes peuvent certainement inclure les blessures avec arrêt de travail, mais la plupart d'entre elles sont en fait ce qu'on appelle des cas de postes aménagés.

En 2013-2014, d'avril à décembre, nous avons connu deux blessures incapacitantes. Je n'ai pas les dernières statistiques avec moi, mais je peux certainement vous les fournir. De toute façon, on les trouve sur notre site web.

M. Tessier : Sachez que nous allons tous les deux déposer nos rapports annuels au Parlement ce mois-ci, et qu'on y trouvera beaucoup d'information qui pourra vous intéresser.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Le projet de loi vise-t-il à harmoniser les actions entre le gouvernement fédéral et les provinces ou à améliorer la sécurité et la santé des travailleurs? Pour moi, c'est confus. Lorsque vous dites qu'il y a eu quatre incidents, cela m'apparaît un nombre mineur pour une industrie où les risques sont élevés. L'exploration en mer se fait dans des milieux difficiles. Quatre incidents, c'est relativement faible comparativement à ce que l'on voit dans le secteur minier à l'intérieur des côtes. J'essaie de comprendre l'objectif du projet de loi. Est-ce qu'il a pour but d'harmoniser les actions fédérales et provinciales ou d'améliorer la santé et la sécurité des travailleurs?

[Traduction]

M. Pinks : Pour revenir à ce que je disais tout à l'heure, les lois sur les accords sont de compétence partagée. On s'est rendu compte, voilà quelques années, qu'il n'y avait aucune certitude juridique quant aux exigences de la Loi sur la santé et sécurité au travail; c'est-à-dire qu'on ne savait pas si la loi provinciale devait s'appliquer ou non. On a donc déterminé qu'il fallait qu'il y ait une loi sur la santé et la sécurité au travail particulière au milieu extracôtier afin que les travailleurs de ce secteur aient les mêmes protections que tous les autres travailleurs terrestres au Canada, qu'ils travaillent sur des terres fédérales ou dans les provinces. L'un des objectifs de cette loi est d'offrir cette certitude juridique.

Je pense qu'à la lumière de la quantité d'efforts consacrés à la préparation de ce projet de loi, les gens qui y ont participé ont été en mesure d'examiner le Code canadien du travail, les lois provinciales et ce qui a été fait ailleurs dans le monde, afin de mettre sur pied quelque chose qui est à la fine pointe et qui contribuera à des améliorations continues.

Oui, les sites extracôtiers représentent un secteur à risque élevé. Le bilan en matière de sécurité est positif. L'attention que l'on porte à la sécurité est une bonne chose, mais nous n'aurons de cesse de nous améliorer constamment. Toute blessure incapacitante en est une de trop.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Est-ce que ce projet de loi a conduit l'office à alourdir sa bureaucratie, dans le sens d'ajouter des ressources? Est-ce qu'il y a des coûts liés à ce projet de loi?

[Traduction]

M. Tessier : Non, je n'entrevois pas de coûts supplémentaires pour nos activités. Comme je l'ai dit au sénateur Patterson, cela codifie véritablement une bonne partie de ce que l'on fait déjà. Nous accueillons la clarté et la certitude qu'offre le projet de loi. Il donne officiellement aux offices le pouvoir de faire ce que nous faisons, et de ce point de vue, c'est de la saine gouvernance.

Le sénateur MacDonald : Cela me rappelle ma première entrevue d'embauche après l'université, pour un emploi en santé et sécurité au travail au ministère du Travail de la Nouvelle-Écosse. J'ai passé la première étape de la sélection, mais ma candidature n'a pas été retenue, ce qui fut la première de mes nombreuses déceptions professionnelles.

J'ai juste deux brèves questions. On présume que les exigences en matière de sécurité sur les sites extracôtiers de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve-et-Labrador seront, par essence, identiques. Est-ce le cas? Y a-t-il quelque chose qui les distingue?

M. Pinks : Les exigences en matière de sécurité?

Le sénateur MacDonald : Elles sont, par essence, identiques, mais n'y a-t-il pas quelque chose qui distingue les questions de sécurité ou les exigences en matière de sécurité à Terre-Neuve que l'on ne trouve pas en Nouvelle-Écosse, ou vice-versa?

M. Pinks : Les risques qui se présentent en matière de sécurité sont, dans bon nombre de cas, propres aux installations. Donc, les problèmes liés à la sécurité qui peuvent survenir, même dans la zone de la Nouvelle-Écosse, sur une installation de forage, peuvent être différents de ceux pouvant être associés à une installation de production, et peuvent même être différents entre deux types d'installation de production, plus particulièrement si on a recours à de l'équipement et à des technologies complètement différents.

Le sénateur MacDonald : Cela m'amène à ma deuxième question. Les activités extracôtières en Nouvelle-Écosse sont matérialisées par un pipeline. Lorsque l'exploitation de Sable arrivera à terme, il faudra démanteler toutes les infrastructures, ce qui, d'après ce qu'on m'a dit, coûtera très cher. Tous les problèmes associés au démantèlement de cette infrastructure sont-ils pris en compte dans le projet de loi? Est-il suffisamment tourné vers l'avenir?

M. Pinks : Ce projet de loi s'applique véritablement à tout type de travail ou d'activité de nature extracôtière. Cela concerne véritablement les responsabilités en matière de sécurité et la façon dont la sécurité est bien gérée, en quelque sorte. Ce n'est pas propre à une activité.

Le sénateur MacDonald : Je comprends.

M. Pinks : S'appliquerait-il au déclassement et à l'abandon de l'exploitation de Sable? Absolument.

La sénatrice Ringuette : Monsieur Pinks, pourriez-vous éclaircir la déclaration que vous avez faite un peu plus tôt selon laquelle Transports Canada est responsable de la sécurité des véhicules, mais que vous êtes responsable de la sécurité des passagers? N'est-ce pas censé être la même chose? Le véhicule est censé être sûr pour assurer la sécurité des passagers.

M. Pinks : La certification de l'hélicoptère et des pilotes ainsi que l'entretien de cet hélicoptère relèvent de Transports Canada. Pour ce qui est des passagers qui se rendent vers des sites extracôtiers, qui prennent place dans cet hélicoptère, nous avons la responsabilité de nous assurer que les opérateurs et le fournisseur de contrat — le fournisseur de services de transport par hélicoptère — forment adéquatement ces gens qui voyagent dans l'hélicoptère et leur fournissent de l'équipement protecteur, par exemple, des tenues de transport par hélicoptère, des appareils de respiration d'urgence, ce genre de choses.

La sénatrice Ringuette : Cela devrait relever — et cela se trouve-t-il ailleurs — de Transports Canada. Lorsque l'on prend n'importe quel vol commercial, avant que l'avion ne décolle, l'agent de bord a la responsabilité de donner aux passagers les mesures de sécurité en vol. Je pense que l'on vous donne des responsabilités qui dépassent largement ce qui devrait être exigé de l'office.

Cela m'amène à ma deuxième question : toutes ces obligations législatives et ces pouvoirs supplémentaires sont associés à une certaine responsabilité si vous ne vous en acquittez pas en cas d'accident. Quelle est votre couverture d'assurance-responsabilité?

Par exemple, revenons à la question de l'hélicoptère et à ma question précédente, et prenons par exemple l'incident à Terre-Neuve. C'était un problème de sécurité du véhicule. Comment pouvez-vous déterminer si les passagers étaient bien informés avant le décollage. Vous ne pouvez dissocier les deux. C'est la raison pour laquelle j'ai dit que si ce projet de loi a pour objectif de fournir des éclaircissements dans de tels cas, je m'excuse messieurs, mais selon moi cela crée davantage de flou pour ce qui est des responsabilités respectives des différentes entités. Je ne vois pas comment apporter quelque amendement que ce soit à ce projet de loi. Vous assurez-vous d'être couvert en cas d'incident si vous êtes considéré comme l'entité responsable?

M. Tessier : Je vais tenter de répondre à la question et Susan pourra renchérir sur la responsabilité.

Les amendements du projet de loi visent à s'assurer que le nouveau régime en matière de santé et de sécurité au travail s'applique clairement aux travailleurs qui se déplacent à destination ou en provenance d'une plateforme extracôtière. Notre office a probablement accepté des responsabilités à cet égard à la suite de l'incident du vol 491 de Cougar, car les dispositions de l'Accord atlantique permettaient à l'office de lancer l'enquête dirigée par le juge Wells que vous allez peut-être entendre au sujet de ce projet de loi.

Transports Canada demeure l'agent de réglementation des aéronefs et des navires transportant des passagers — des hélicoptères et des navires d'approvisionnement extracôtiers, qui transportent, par voie aérienne ou marine des travailleurs vers les installations extracôtières. L'approbation de Transports Canada est nécessaire pour que soient promulguées des réglementations en matière de santé et de sécurité au travail dans les aéronefs et les navires transportant des passagers. Cela demeure la responsabilité de Transports Canada.

Le projet de loi établit les responsabilités que doit assumer un opérateur et un employeur en ce qui concerne le transport de travailleurs ainsi que les droits et responsabilités d'un employé dans le cadre de ce type de transport.

Une fois encore, la réglementation s'appliquant à la sécurité des passagers dans les aéronefs ou les navires transportant des passagers sera adoptée sur recommandation du ministre fédéral des transports, de concert avec les ministres des Ressources naturelles et du Travail. Au provincial, il s'agit du ministre des Services de Terre-Neuve-et- Labrador.

Susan, pouvez-vous nous donner davantage de détails en matière de responsabilité?

Mme Gover : Je vais tenter de le faire. L'office est nommé par les ministres pour agir en leur nom. Il s'agit d'une délégation en vertu de la loi. Pour ce qui est de la responsabilité des membres de l'office et de son personnel, la loi prévoit des indemnités qui ne sont pas choses nouvelles dans ce projet de loi.

Pour ce qui est de la reddition de comptes, l'office ne peut jamais se trouver en situation de reddition de comptes sans autorité. Comme le sénateur Black l'a indiqué, cela relève de la responsabilité de l'opérateur, mais c'est nous qui réglementons les opérateurs. Les opérateurs sont responsables de leurs travailleurs en tout temps du moment où ils partent vers leur travail jusqu'au moment où ils reviennent sains et saufs sur terre. Nous réglementons les opérateurs.

Dans une culture de sécurité inclusive, le transport des travailleurs est l'un des éléments clés dont l'opérateur est responsable. Plutôt que d'imposer aux opérateurs deux cadres réglementaires, l'un étant pour les aéronefs et les navires de passagers, afin de mettre en œuvre une approche holistique et globale de la sécurité des employés du moment où ils partent travailler au moment où ils reviennent sains et saufs chez eux, j'ai cru comprendre que les ministres responsables souhaitaient mettre en place cette unique reddition de comptes, ce qui correspond à ce qu'indiquait le rapport Hickman concernant l'enquête sur l'Ocean Ranger et pour lequel plusieurs agents de réglementation entraient en jeu. On avait alors recommandé qu'un agent unique de réglementation serait le meilleur modèle pour l'industrie des hydrocarbures extracôtiers.

La sénatrice Ringuette : Sa réponse portait sur la reddition de comptes, alors que j'ai demandé si vous aviez une couverture d'assurance-responsabilité.

Mme Gover : Responsabilité dans quel sens? Les membres du personnel sont tous couverts comme agents de la Couronne. Nous sommes une agence du gouvernement. Je ne sais pas si c'est le type de responsabilité auquel vous faites référence.

Le président : Je pense que nous allons passer au sénateur Wallace.

Le sénateur Wallace : Mis à part les questions de sécurité qui ont trait au transport des travailleurs à destination et en provenance des plateformes, ce qui a été bien abordé par la sénatrice Ringuette, quelles sont selon vous les répercussions les plus importantes que le projet de loi C-15 aurait sur les obligations actuelles en matière de sécurité des opérateurs de plateformes?

M. Pinks : À la lumière des exigences en matière de santé et de sécurité au travail qui étaient en vigueur dans les deux offices et comme Scott l'a indiqué, le projet de loi codifie véritablement une bonne partie de ce que nous faisions déjà. Il n'y aura pas vraiment de répercussions significatives sur nos activités quotidiennes.

Le résultat est une plus grande certitude juridique et des mécanismes beaucoup plus efficaces pour l'application des règlements si les offices sont appelés à le faire.

Le sénateur Wallace : Au niveau opérationnel, cela ne vient pas renforcer ce qui existe déjà. Cela ne fait que rassembler de façon plus cohérente et complète ce qui existe déjà. Cela ne changera rien aux éléments relatifs à la sécurité de ce que nous avons aujourd'hui sur le plan opérationnel.

M. Pinks : Non. Les offices se sont assuré que même en l'absence de cette loi, un régime adéquat en matière de santé et de sécurité au travail soit en place.

M. Tessier : On peut inverser la logique et dire que cela élimine un obstacle potentiel pour les opérateurs à cet égard. Cela comble une lacune possible. Dans votre introduction à votre question, vous avez mentionné le projet de loi C-15.

Le sénateur Wallace : Oui. C'est le projet de loi C-5.

M. Tessier : Je tenais à m'assurer que ce soit clair.

Le sénateur Wallace : Merci.

Le président : Nous comprenons qu'il existe déjà une loi en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve-et-Labrador qui reflète ce dont nous sommes saisis ici.

Ce à quoi les sénateurs font référence, c'est le temps qu'il a fallu. J'ai entendu parler de deux échéanciers, l'un s'échelonnant sur 15 ans et l'autre sur 10 ans, pour élaborer ce projet de loi. Nous sommes tournés vers l'avenir. Va-t-il falloir encore 10 ou 15 ans pour faire adopter le projet de loi du Québec?

Mardi, les fonctionnaires qui ont comparu voulaient savoir si les forages que l'on pourrait faire en eau profonde dans la mer de Beaufort, seraient administrés par les lois du Canada actuellement en vigueur. Cela signifie-t-il que ce ne seront pas les mêmes normes de santé et de sécurité au travail et de couverture opérationnelle qui s'y appliqueraient par rapport à ce que propose ce projet de loi pour Terre-Neuve-et-Labrador? On nous a dit que non, que ce serait ni plus ni moins la même chose que pour Terre-Neuve-et-Labrador. Ce sera exactement la même chose que ce qui existe au fédéral.

On se demande alors pourquoi nous avons passé 10 ans à faire tout cela? Je ne tente pas de discréditer ce qui s'est passé; je sais qu'il y a des nuances. Ce que j'essaie de dire, c'est qu'il doit y avoir une façon plus simple, plus rapide et plus efficace de répondre aux besoins en matière de santé et de sécurité sans avoir à prendre 10 ou 15 ans pour déterminer comment s'y prendre.

Cela vous explique un peu ce qui nous préoccupe. Nous savons que si d'autres provinces et territoires en font de même, peut-être qu'ils seront confrontés au même problème. Nous devons tirer les leçons de ce que nous faisons maintenant afin d'assurer véritablement la santé et la sécurité des travailleurs, car c'est quelque chose d'essentiel.

Je vous remercie tous les trois de votre témoignage. Nous vous en sommes reconnaissants.

Nous poursuivons notre étude du projet de loi C-5, la loi sur la santé et la sécurité dans la zone extracôtière, et je suis heureux de souhaiter la bienvenue, par vidéoconférence, à M. Kyle Buott, secrétaire-trésorier pour la Nova Scotia Federation of Labour.

Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Buott. Avant de vous céder la parole pour votre déclaration préliminaire, j'aimerais mentionner à mes collègues que la Newfoundland Labrador Federation of Labour a aussi été invitée à comparaître devant le comité, mais qu'elle a choisi plutôt de présenter un mémoire écrit. Lorsque la greffière l'aura reçu, elle le distribuera à tous les membres du comité.

Donc, encore une fois, bienvenue. Veuillez procéder à votre déclaration préliminaire et ensuite, nous passerons à une période de questions et réponses. La parole est à vous.

Kyle Buott, secrétaire-trésorier, Nova Scotia Federation of Labour : Merci, sénateur.

Bonjour, je suis secrétaire-trésorier de la Nova Scotia Federation of Labour, qui représente 70 000 travailleurs syndiqués dans l'ensemble de la province, tant dans les secteurs public que privé. Je suis également membre d'Unifor, le plus grand syndicat du secteur privé au Canada et le syndicat le plus important dans le secteur de l'énergie.

Je vous remercie de me donner l'occasion aujourd'hui de faire un exposé sur le projet de loi C-5. Ce projet de loi est le résultat de nombreuses années d'efforts déployés par les travailleurs et nos collectivités pour améliorer les normes en milieu de travail ainsi que les règles en matière de santé et de sécurité afin de prévenir les pertes de membres ou de vie liées aux activités extracôtières. Bien qu'en général nous soyons heureux de constater qu'il y aura finalement une loi pour régir spécifiquement le milieu de travail extracôtier, qui est un des environnements qui présente le plus de défis et de dangers, nous sommes déçus que le gouvernement ait décidé de ne pas mettre en œuvre l'ensemble des recommandations du rapport du juge Wells.

La Nova Scotia Federation of Labour a présenté un mémoire au Comité des ressources naturelles de la Chambre en décembre 2013 en collaboration avec la Newfoundland of Labrador Federation of Labour et Unifor. Lana Payne, directrice générale d'Unifor avait pris la parole en notre nom.

Il y a trois points clés que je veux soulever aujourd'hui : la nécessité de mettre sur pied un organisme indépendant responsable dont le rôle serait de veiller à la mise en œuvre de la loi; le droit de refuser du travail dangereux et, enfin, la nécessité d'accroître à l'avenir la participation des travailleurs dans ce processus. Ce sont les mêmes points qui ont été soulevés devant le comité de la Chambre des communes en 2013.

J'aimerais aussi en profiter pour rappeler à votre mémoire les 17 victimes et leur famille qui ont été touchées par l'écrasement d'un hélicoptère Cougar, vol 491, en mars 2009. Il est toujours malheureux de constater qu'il faut une tragédie pour que le gouvernement prenne à cœur la santé et la sécurité des travailleurs. En Nouvelle-Écosse, nous en sommes d'autant plus conscients que nous avons connu la catastrophe de la mine Westray, qui a mené aux changements nécessaires pour l'établissement de règles en matière de santé et sécurité au travail.

Mon premier point évoque la nécessité d'établir un organisme puissant et indépendant responsable de la sécurité extracôtière.

Au terme de son enquête sur le vol 491 de Cougar, le commissaire Wells a recommandé la création d'un organisme de sécurité indépendant qui serait responsable des règlements tant en matière de sécurité qu'en matière environnementale. Malheureusement, cela est absent de la loi que nous examinons aujourd'hui. Même si ce régime de sécurité contribuera à protéger les droits et la vie des travailleurs, un organisme indépendant serait plus susceptible d'atteindre cet objectif. Les règlements en matière de sécurité et d'environnement doivent être distincts de la gestion par l'industrie des activités pétrolières et gazières extracôtières.

Il est intéressant de noter que plusieurs pays fonctionnent déjà de cette façon et que nous pourrions nous tourner vers de nombreux modèles. La Norvège, le Royaume-Uni, l'Australie et même les États-Unis ont mis sur pied un organisme indépendant pour régler les problèmes de sécurité de l'industrie extracôtière, et qui n'est donc pas lié à l'industrie elle-même et à ses activités de gestion.

Cet organisme doit prévoir une collaboration tripartite pour éviter les incidents. Dans son rapport, le commissaire Wells a signalé la nécessité pour les travailleurs de participer à ce processus. Dans le cas d'un milieu de travail syndiqué, cela doit inclure la participation du syndicat, qui représente la voix collective de la classe ouvrière. Une telle structure se traduirait par une diminution des risques pour les travailleurs et leur famille.

Le commissaire Wells a écrit :

... ce type de leadership efficace peut seulement exister grâce à la pleine participation de toutes les parties concernées au processus de sécurité, y compris les travailleurs.

Le manque d'indépendance relativement aux activités de gestion de l'industrie des hydrocarbures fait en sorte que les travailleurs ont peu d'espoir de voir leurs préoccupations soulevées dans le cadre de ce processus. Un organisme totalement indépendant serait en bien meilleure position pour redonner confiance aux travailleurs extracôtiers dans ce nouveau régime de sécurité.

Mon deuxième point porte sur le droit de refuser du travail dangereux. Notre fédération est très heureuse de voir que le projet de loi C-5 utilise un langage très ferme quant au droit de refus. C'est le type de libellé que nous avons demandé pendant des dizaines d'années à nos politiciens.

Aucun superviseur, patron ou gestionnaire n'a le droit de mettre en danger la vie des travailleurs. Même si le droit de refuser du travail dangereux est de plus en plus connu de la part du public, il y a encore du chemin à faire pour habiliter les travailleurs afin qu'ils puissent prendre cette décision et exercer leurs droits. Dans bien des industries, les travailleurs plus jeunes ou débutants n'auront pas recours à leur droit de refus, puisqu'ils craignent les répercussions qui pourraient en découler.

Par exemple, en Nouvelle-Écosse en novembre 2013, un jeune homme de 21 ans a connu la mort en tombant d'une structure de six étages sur un site de construction où les conditions de travail n'étaient pas sécuritaires. Cette compagnie avait fait l'objet de trois infractions aux règles de sécurité pour les mêmes raisons, et en dépit de cela, ce jeune homme n'estimait pas qu'il était en position d'exercer son droit de refuser du travail dangereux.

Il reste beaucoup de chemin à faire, et une plus grande sensibilisation, surtout dans l'industrie extracôtière sur le droit de refuser du travail dangereux est la clé pour créer un milieu de travail sécuritaire. La meilleure façon d'y arriver est d'avoir recours à un organisme indépendant qui puisse faire du travail de sensibilisation.

En outre, le projet de loi C-5 contient un libellé vigoureux sur le droit de refus, mais, parallèlement, le gouvernement affaiblit ce droit dans le projet de loi C-4. Le projet de loi C-4 modifie le libellé du projet de loi C-5. Le projet de loi C-5 stipule qu'un employé a le droit de refuser « s'il a des motifs raisonnables de croire que l'accomplissement de cette tâche constitue un danger pour lui-même ou pour un autre individu. » Toutefois, dans le projet de loi C-4, le gouvernement change le libellé et pour la plupart des autres milieux de travail assujettis aux lois fédérales il redéfinit le « danger » comme une « menace imminente et sérieuse. » Cela affaiblit le droit de refus à l'échelle fédérale et c'est déplorable.

Pour terminer, il existe un corollaire au droit de refus. Au Canada, ce droit de refus a toujours été considéré comme étant un droit individuel et non un droit collectif pouvant être exercé par les travailleurs. Cela empêche les travailleurs d'exercer collectivement leur droit et d'utiliser la force qui découle du nombre pour empêcher les blessures et protéger ceux qui risquent d'être intimidés d'exercer leur droit de refus. Le mouvement ouvrier demande depuis longtemps que le droit de refuser du travail dangereux devienne un droit collectif, que les travailleurs et leurs syndicats peuvent invoquer pour assurer un milieu de travail sain et sécuritaire pour tous les travailleurs.

Le dernier point que je veux soulever aujourd'hui porte sur la participation des travailleurs au processus de santé et de sécurité. Le projet de loi C-5 crée un conseil consultatif des intervenants. Il est impératif que les représentants des travailleurs à ce conseil soient nommés par les travailleurs eux-mêmes et non par leurs employeurs. Si les employeurs ont le loisir de choisir quels travailleurs siègeront à ce conseil, cela minera sérieusement la confiance des travailleurs dans un tel processus.

Nous recommandons que dans un milieu de travail syndiqué, le syndicat soit responsable de nommer ses représentants. Cela peut se faire soit en modifiant la loi — et je pense que cela pourrait poser problème à l'heure actuelle — ou, en le stipulant dans le mandat du conseil consultatif proposé, au moment de sa formation.

Le commissaire Wells a signalé que :

... la transparence et la participation des travailleurs et du public constituent une marque distinctive de tout le système.

C'est un point qu'il ne faut pas oublier. Accroître la participation des travailleurs dans la création d'une culture de sécurité est la clé qui permet d'empêcher des incidents comme celui du vol 491 de Cougar. Les gens qui sont les plus touchés par ces décisions doivent participer aux négociations, sinon, rien ne changera jamais.

En conclusion, la Nova Scotia Federation of Labour est heureuse qu'une loi gouvernant les questions de santé et de sécurité dans le domaine extracôtier existe enfin, plutôt que les règlements disparates qui existaient auparavant. Cette clarté renouvellera la confiance des travailleurs dans le secteur et fera en sorte que leurs familles pourront mieux dormir la nuit.

Toutefois, à l'heure actuelle, le Sénat a la possibilité d'améliorer davantage le projet de loi, de l'amender pour créer un organisme de sécurité indépendant, comme cela se fait dans d'autres pays, qui puisse surveiller le travail. L'omission de le faire ne produira que davantage de problèmes. Un organisme de sécurité indépendant, qui comprend aussi la participation et l'apport des travailleurs, pourra contribuer à atténuer les problèmes liés à l'un des milieux de travail les plus difficiles de la planète. Notre fédération vous incite à apporter ce changement, tel qu'il a été recommandé par la commission Wells, afin d'améliorer davantage la santé et la sécurité des travailleurs extracôtiers de l'ensemble du pays.

Je vous remercie de votre attention.

Le président : Merci beaucoup pour votre exposé. Nous passons maintenant à la période de questions.

Le sénateur Mitchell : Merci beaucoup, monsieur Buott. Vous avez mis l'accent sur des questions extrêmement importantes, mais pour lesquelles j'aurais besoin d'éclaircissement.

Je pense que nous sympathisons tous à la question de la définition du mot « danger. » Mais, si je comprends bien, dans ce cas-ci le danger n'a toujours pas été défini.

Pourriez-vous m'expliquer de quelle façon votre définition serait différente — et ce n'est pas que je veux faire du chichi, c'est tout le contraire — de celle qui figure dans le projet de loi C-4, où il est stipulé qu'il s'agit « d'une menace imminente et sérieuse. »

Comment pourrait-on définir le « danger » afin de répondre à vos préoccupations à cet égard?

M. Buott : Il est en fait bien défini dans le projet de loi C-5. Cela répond à nos préoccupations dans ce projet de loi, la définition est la suivante « si l'employé a des motifs raisonnables de croire que l'accomplissement de cette tâche constitue un danger pour lui-même ou pour un autre individu. »

Le changement apporté dit que cela doit représenter « une menace imminente et sérieuse » plutôt que d'avoir « des motifs raisonnables de croire. » Voilà la différence que j'essaie de soulever.

Le sénateur Mitchell : Je vois, il s'agit donc d'un conflit entre les projets de loi C-5 et C-4.

M. Buott : C'est exact.

Le sénateur Mitchell : Donc vous seriez d'accord avec ce qui figure dans le projet de loi C-5. Nous l'adoptons, et tout va bien jusqu'à ce que le projet de loi C-4 soit adopté. À ce moment-là, tout d'un coup, il y a un retour en arrière. Ai-je bien compris le scénario?

M. Buott : À l'heure actuelle, notre interprétation de la loi est que le projet de loi C-5 aurait préséance dans le secteur extracôtier. Le projet de loi C-4 apporterait des changements à la loi visant d'autres secteurs assujettis aux lois fédérales.

Le sénateur Mitchell : Très bien, je comprends. Vous êtes satisfait de ce qui figure dans le projet de loi pour le travail extracôtier. Et c'est ce que vous aimeriez voir partout ailleurs.

M. Buott : C'est exact. C'est la définition qui existe dans d'autres secteurs à l'heure actuelle.

Le sénateur Mitchell : C'est excellent. Merci d'avoir apporté ces éclaircissements.

Mon autre question porte sur la distinction entre le droit individuel de refus de travailler dans certaines circonstances et le droit collectif. Cela ne fait-il pas l'objet des négociations collectives? Du moins, pour les travailleurs syndiqués, vous pourriez obtenir ce droit de façon collective? Dites-vous que cela doit être un droit pour tous les travailleurs? Lorsque vous utilisez le mot « collectif », j'espère que vous voyez un peu où je veux en venir avec cette question.

M. Buott : Oui, et cela peut porter à confusion pour bon nombre de personnes. À l'heure actuelle, la façon dont fonctionne la loi, c'est qu'elle permet à des travailleurs d'exercer ce droit de façon individuelle plutôt qu'en groupe. Cela signifie donc qu'un employeur peut cibler les travailleurs qui se prévalent de ce droit, plutôt que de devoir cibler et discipliner un groupe tout entier. Cela revient aux répercussions auxquelles les gens s'exposent lorsqu'ils décident d'exercer leur droit de refus.

Le sénateur Mitchell : J'ai d'autres questions, mais je sais qu'il y a une liste d'intervenants. Je vais donc poser mes questions pendant la deuxième série.

Le président : Allez-y.

Le sénateur Mitchell : Vous me le permettez? Très bien.

Vous avez parlé d'avoir un agent de sécurité distinct. On en a décidé autrement. Cela découle de la recommandation 29a), et une des composantes ou des implications, selon vous, ferait en sorte qu'un agent de sécurité indépendant serait mieux placé pour faire la sensibilisation nécessaire pour traiter certains des problèmes que vous avez mentionnés, et, en gros, pour créer une culture de sécurité.

Est-il complètement illogique de croire que la façon dont un agent de sécurité a été établi dans ces organisations ferait en sorte que le type de sensibilisation que vous préconisez ne pourrait pas du tout avoir lieu? Y a-t-il une raison qui vous mène à croire que ce type de structure d'agent de sécurité ferait en sorte que cela interdirait tout type de sensibilisation? Est-ce en raison de l'intransigeance qui existe dans ce genre de structure organisationnelle ou en quoi consisterait l'empêchement?

M. Buott : Nous pourrions dire que les offices actuels sont beaucoup trop proches de la direction dans l'industrie des hydrocarbures. Il n'y a pas beaucoup de travailleurs qui participent au processus, et nous craignons que l'influence de l'industrie sur les offices de sécurité puisse les empêcher de mettre en œuvre et de faire appliquer réellement les programmes de sécurité. C'est pour cette raison que, dans d'autres pays comme la Norvège et les États-Unis, on a adopté un processus complètement indépendant qui n'a aucun lien avec l'industrie elle-même.

Le sénateur Mitchell : Pour ce qui est des conseils consultatifs, un a déjà été établi et l'autre le sera. Vous avez signalé — et vous n'y êtes pas allé de main morte pour faire valoir votre point ou votre préoccupation — que l'industrie choisirait les travailleurs et que ces derniers ne pourraient pas être choisis de façon indépendante par le syndicat. Est-ce une évidence ou bien est-ce tout simplement que le projet de loi ne vous accorde pas ce droit?

M. Buott : Ce n'est pas clair dans le projet de loi. Nous croyons que cela pourrait être précisé dans le mandat du conseil, lorsqu'il sera mis sur pied. Pour nous, c'est un élément clé. Les membres ne doivent pas nécessairement être nommés par le syndicat, mais ils doivent être sélectionnés par les travailleurs eux-mêmes et non pas par leur employeur.

Le sénateur Mitchell : Vous avez fait valoir vos points très clairement. Merci beaucoup.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Premièrement, je vous remercie pour votre présentation. Vous me corrigerez si j'ai tort, mais il me semble que votre mémoire est très axé sur le droit de refus que j'interprète comme la pièce maîtrise de votre présentation. L'application de ce principe provoque-t-elle beaucoup de résistance chez les employeurs du domaine de l'extraction du pétrole? Cela fait-il partie ou non de la culture des employeurs?

[Traduction]

M. Buott : Cela découle en grande partie de l'isolement des travailleurs extracôtiers. Ils sont loin de chez eux. Ils sont loin des autres appuis sociaux qu'ils pourraient avoir, et cela signifie que leur employeur a un immense contrôle sur leur vie pendant qu'ils travaillent sur la plateforme de forage ou qu'ils sont en mer. Cela se traduit par un certain niveau d'intimidation quand vient le temps d'exercer vos droits. Voilà d'où proviennent nos préoccupations.

Comme je l'ai dit, nous sommes actuellement très satisfaits du libellé du projet de loi C-5 sur la question du droit de refus, mais la mise en application requiert un organisme de sécurité indépendant, qui n'est pas influencé par l'industrie ni par les employeurs. C'est pour cette raison que nous revenons constamment sur ce point. Si nous avons des droits, il faut être en mesure de les invoquer. Mais, c'est impossible à faire lorsque l'employeur a une trop grande influence sur le processus.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Le comité consultatif de votre syndicat est-il actif? Est-ce un moyen efficace pour changer cette culture de précaution ou de prévention et pour rendre le travailleur plus responsable de sa propre sécurité en refusant, par exemple, de travailler dans des conditions à risque?

[Traduction]

M. Buott : Bien sûr, nous avons constaté que les réunions patronales-syndicales obligatoires ainsi que les comités conjoints de la santé et de la sécurité au travail, eux aussi obligatoires, ont été très utiles pour régler ces problèmes avant qu'ils ne deviennent trop importants. Le conseil consultatif représentera un élément clé pour continuer d'apporter des changements dans l'industrie au fur et à mesure de son évolution. En Nouvelle-Écosse, nous nous dirigeons vers une nouvelle période d'exploration extracôtière. Cela pourrait se traduire par de nouveaux projets au cours des prochaines années, et nous voulons nous assurer que les conseils consultatifs sont composés de travailleurs élus par leurs collègues de travail et non pas par leur employeur afin de nous assurer que tout changement dans l'industrie tienne compte des préoccupations des travailleurs.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Je vous félicite. Vous êtes un excellent communicateur.

[Traduction]

Le sénateur Black : Votre concept d'organisme de sécurité indépendant m'intrigue. Pourriez-vous me dire sur quels problèmes se pencherait cet organisme et qui sont ignorés à l'heure actuelle?

M. Buott : Ce n'est pas tant qu'on ne s'occupe pas de ces problèmes, la question porte sur l'ensemble du processus. Nous ne croyons pas que les offices existants sont indépendants de l'influence de l'employeur et des compagnies pétrolières et gazières. Nous n'avons pas confiance dans leur capacité à régler les préoccupations qui leur sont présentées.

Le sénateur Black : J'aimerais comprendre ce que vous venez de dire. Allez-y.

M. Buott : Nous voulons nous assurer que l'indépendance n'est pas remise en question et qu'il n'y ait pas de perception de liens étroits entre l'industrie et l'organisme de sécurité qui les régit. C'est pourquoi d'autres pays se sont orientés dans cette voie. Je pense que le Royaume-Uni a été le premier pays à agir dans ce sens dans les années 1980 en réponse à une catastrophe dans la Mer du Nord, il a été suivi par la Norvège dans les années 1990, les États-Unis en 2011 et l'Australie en 2005. Leurs organismes sont entièrement indépendants de l'industrie. Il n'y a pas de liens étroits entre le personnel des deux groupes. C'est tout à fait crucial pour garantir un environnement de travail sécuritaire.

Le sénateur Black : Vous laissez donc entendre que l'office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers et que l'office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers sont en quelque sorte trop lourdement influencés par le secteur de l'énergie?

M. Buott : C'est le fondement de mon argument.

Le sénateur Black : Je vois. Alors, je rejette votre argument. Merci beaucoup.

Senator Ringuette : Oui, je suis d'accord avec le sénateur Boisvenu, vous vous exprimez bien et vous connaissez parfaitement le domaine.

Vous avez dit que le commissaire Wells a recommandé précisément la création d'un organisme de sécurité indépendant pour le secteur extracôtier. Hier, on nous a dit que tous les intervenants avaient été consultés avant et pendant la rédaction du projet de loi C-5. Avez-vous été consultés? Avez-vous plaidé fermement en faveur d'un organisme de sécurité indépendant?

M. Buott : Oui, nous avons été consultés dans le processus. Pour ce qui est de la fédération, nous avons commencé à en parler après que cela avait été initialement soulevé. Je sais que mon syndicat, Unifor, a participé plus longuement à ce processus puisqu'il représente près de 700 travailleurs du projet Hibernia aux côtes de Terre-Neuve. Nous avons commencé à contribuer au processus avant l'incident du vol 491 de Cougar, et, bien sûr, nous avons mobilisé les diverses communautés autour de cette question. Notre activité sur le terrain à Terre-Neuve, et dans une moindre mesure en Nouvelle-Écosse, a consisté à suivre cette question de très près en faisant valoir la nécessité d'un organisme indépendant.

La sénatrice Ringuette : Un de mes collègues a questionné un témoin précédent relativement à cette double responsabilité en matière de sécurité opérationnelle et de sécurité au travail. On nous a dit qu'une approche holistique est meilleure. Cela m'amène à une autre question : est-ce que des représentants du syndicat siègent à d'autres conseils consultatifs en matière de travail et de sécurité à Terre-Neuve-et-Labrador et en Nouvelle-Écosse?

M. Buott : Dans d'autres secteurs, c'est assez courant pour nous d'avoir des représentants. Pour être honnête avec vous, je ne connais pas exactement la structure du secteur extracôtier à l'heure actuelle. Je pourrais me renseigner si vous le souhaitez.

La sénatrice Ringuette : Nous parlons de sécurité au travail, vous devriez donc absolument avoir un représentant. Pour ce qui est de la sécurité opérationnelle, si on se fie à l'opinion des conseils qui nous ont dit il y a quelques minutes qu'il fallait adopter une approche holistique, eh bien les syndicats devraient aussi avoir des sièges et des représentants au conseil consultatif sur la sécurité opérationnelle. Voilà ce que j'avais à dire — ce qui est bon pour l'un est bon pour l'autre.

M. Buott : Je suis tout à fait d'accord avec cela, et je vais vérifier pour obtenir l'information sur le volet opérationnel.

Le sénateur Patterson : J'ai une question qui découle de celle du sénateur Black sur la nécessité d'établir un organisme indépendant et votre crainte de l'influence de l'industrie de l'énergie et des pressions qui pourraient être exercées sur cet organisme.

Seriez-vous d'accord, monsieur, pour dire qu'en fait ce ne sont pas uniquement les travailleurs, mais également les exploitants qui sont très intéressés par la sécurité? Il suffit de songer à ce qui s'est passé avec BP dans le golfe et ce qui est advenu de leurs actions, leur image et de la catastrophe en matière de relations publiques qui ont résulté des événements tragiques que nous connaissons pour voir que l'industrie se soucie également de la sécurité et de l'efficacité des exploitations afin d'éliminer les coûts humains et économiques. N'estimez-vous pas que l'employeur est aussi préoccupé par la sécurité et que ses craintes sont aussi valables que celles que vous exprimez aussi éloquemment de la part des travailleurs?

M. Buott : Je conviens que les employeurs ont un intérêt en matière de sécurité. Malheureusement, comme nous avons pu le constater dans le cas de BP, cet intérêt est habituellement lié aux marges de profit et aux prix de l'action plutôt qu'à l'intérêt des travailleurs en matière de sécurité, qui sont liés à la sauvegarde de leur vie et de leur gagne-pain.

Il y a eu énormément de progrès au cours des 30 dernières années en ce qui a trait à la sécurité et la santé au travail. Un grand nombre d'employeurs sont devenus d'excellents employeurs lorsqu'il s'agit de questions de santé et de sécurité au travail. Mais d'autres, continuent d'être cités à répétition, année après année, par rapport aux mêmes violations de santé et de sécurité. Nos organismes de réglementation semblent, en quelque sorte, incapables de régler ce problème.

Jusqu'à aujourd'hui, personne n'a été déclaré coupable en vertu des dispositions de ce que nous appelons la « loi Westray » qui permet d'inculper les employeurs quand il y a des morts en raison de négligence dans un milieu de travail. Personne n'a été incarcéré pour une telle infraction. Tant s'en faut.

Je vous ai donné l'exemple d'une compagnie de construction en Nouvelle-Écosse qui avait enfreint les règles de sécurité à trois reprises. Les responsables de la réglementation se penchaient sur le dossier mais entre-temps un jeune homme de 21 ans a trouvé la mort après une chute de six étages.

Certes, les employeurs ont intérêt à veiller à la sécurité, mais je pense que les travailleurs ont un intérêt encore plus grand à veiller à leur propre sécurité. Sur le plan légal, les employeurs ont la responsabilité d'aménager un milieu de travail sécuritaire. Un projet de loi comme celui-ci vise à responsabiliser les employeurs et à créer les conditions nécessaires pour que les règles soient appliquées.

Le président : Merci, monsieur Buott, de votre exposé. Vous avez été très clair. Nous avons tous compris votre message et vous nous avez donné les réponses que nous souhaitions. Merci d'avoir pris le temps de venir ce matin.

(La séance est levée.)


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