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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 27 - Témoignages du 23 avril 2015


OTTAWA, le jeudi 23 avril 2015

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 8 h 33, pour poursuivre son étude sur le développement des énergies renouvelables et non renouvelables dans les trois territoires du Nord, y compris le stockage, la distribution, la transmission et la consommation d'énergie, de même que les technologies émergentes.

Le sénateur Paul J. Massicotte (vice-président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le vice-président : Je vous souhaite la bienvenue à la réunion du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Je m'appelle Paul Massicotte. Je représente la province de Québec et je suis vice-président du comité. Le président, le sénateur Richard Neufeld, regrette de ne pouvoir assister à la réunion d'aujourd'hui.

J'aimerais souhaiter la bienvenue aux honorables sénateurs, aux membres du public dans la salle et aux téléspectateurs qui nous regardent partout au pays. Je rappelle aux téléspectateurs que les audiences du comité sont ouvertes au public et accessibles sur le site web du comité à l'adresse sen.parl.gc.ca. Vous trouverez de plus amples renseignements sur le calendrier de comparution des témoins sur le même site web sous la rubrique « Comités du Sénat ».

J'aimerais demander aux sénateurs de se présenter.

[Traduction]

Le sénateur Mitchell : Grant Mitchell, Alberta.

Le sénateur Black : Je m'appelle Doug Black et je viens de l'Alberta.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Je m'appelle Pierre-Hugues Boisvenu, sénateur de La Salle, au Québec.

[Traduction]

Le sénateur Patterson : Dennis Patterson, territoire du Nunavut.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

[Français]

Le vice-président : J'aimerais vous présenter aussi les membres de notre équipe : d'abord, notre greffière, Lynn Gordon, et nos deux analystes de la Bibliothèque du Parlement, Sam Banks et Marc LeBlanc.

Le 4 mars 2014, le Sénat a autorisé notre comité à entreprendre une étude sur le développement des énergies renouvelables et non renouvelables dans les trois territoires du Nord, y compris le stockage, la distribution, la transmission et la consommation d'énergie, de même que les technologies émergentes. Aujourd'hui, nous avons le plaisir d'accueillir des fonctionnaires de Ressources naturelles Canada : Dean Haslip, directeur général de CanmetÉNERGIE-Ottawa, Secteur de l'innovation et de la technologie de l'énergie, Laura Oleson, directrice, Élaboration de la politique et de l'analyse, Office de l'efficacité énergétique, Secteur de l'énergie, Drew Leyburne, directeur général, Direction de la politique énergétique, Secteur de l'énergie, et Anoop Kapoor, directeur de la Division de l'énergie renouvelable et électrique.

Je crois comprendre que vous voulez prononcer un discours d'ouverture. Ensuite, nous passerons aux questions et aux réponses. Vous avez la parole.

[Traduction]

Drew Leyburne, directeur général, Direction de la politique énergétique, Secteur de l'énergie, Ressources naturelles Canada : Je vous remercie de nous fournir l'occasion de nous entretenir avec vous aujourd'hui. Je m'appelle Drew Leyburne. Je suis directeur général de la Direction de la politique énergétique de Ressources naturelles Canada. J'ai suivi en partie les témoignages entendus à ce jour, et je sais que le comité a entendu parler de beaucoup d'enjeux propres au Nord, dont celui des nouvelles sources potentielles d'énergie renouvelable et non renouvelable.

Nous vous avons remis un jeu de diapositives, et je crois que vous devriez en avoir reçu des exemplaires. Je vais commencer directement par la diapositive 3.

Aujourd'hui, mes collègues et moi allons vous parler un peu plus directement des questions liées à la demande énergétique, particulièrement de l'efficacité énergétique et de l'utilisation de l'énergie. Comme vous nous l'avez demandé, nous allons ensuite vous présenter un aperçu de la garantie d'emprunt pour les projets du Bas-Churchill, dans l'Est canadien.

[Français]

En matière de consommation d'énergie, les Canadiens sont auxsprises avec un certain nombre de défis uniques. De façon générale, le Canada est un pays froid dont la population est géographiquement dispersée. C'est particulièrement vrai dans le nord. C'est pourquoi dans les régions nordiques, la consommation d'énergie par habitant est presque deux fois plus élevée que la moyenne canadienne. En moyenne, les Canadiens dépensent près de 11 p. 100 du PIB pour s'approvisionner en énergie. Bien que le prix de détail varie, il est habituellement beaucoup plus coûteux d'acheminer de l'énergie aux collectivités nordiques et éloignées qu'aux autres régions du Canada. Par conséquent, l'idée d'économiser de l'énergie est certainement logique pour tous les Canadiens, mais elle a une importance particulière pour les habitants du Nord.

[Traduction]

La bonne nouvelle, c'est que le Canada réalise de grands progrès sur ce front. En fait, les Canadiens ont économisé 37 milliards de dollars en énergie en 2012, grâce aux améliorations réalisées en matière d'efficacité énergétique depuis 1990. Mais nous savons qu'il en reste beaucoup à faire.

L'Agence internationale de l'énergie estime que les technologies déjà accessibles pourraient nous permettre de réduire encore davantage notre consommation d'énergie. De plus, il y a un marché mondial de 300 milliards de dollars pour les produits et services écoénergétiques, ce qui crée des débouchés pour les technologies canadiennes.

Le rôle du gouvernement fédéral à l'égard de l'efficacité énergétique consiste à fournir une série d'outils que les provinces et les territoires peuvent adapter à leurs besoins pour permettre à leurs habitants de réaliser des économies en matière d'énergie. Notre rôle découle de la Loi sur l'efficacité énergétique, qui permet au gouvernement fédéral d'exercer un leadership afin de contrer les obstacles du marché qui empêchent les Canadiens de profiter des économies possibles; de fournir des programmes nationaux pour garantir l'équité et éviter les répétitions inutiles et coûteuses; de tirer parti de l'investissement du secteur privé ou du secteur public à l'aide de mesures basées sur des outils fédéraux et d'harmoniser les mesures avec les États-Unis et le reste du monde afin de réduire les coûts pour les entreprises canadiennes et de les aider à pénétrer les marchés mondiaux.

Je vais maintenant céder la parole à ma collègue Laura Oleson, qui est directrice à l'Office de l'efficacité énergétique de RNCan et qui va vous expliquer ce rôle plus en détail.

Laura Oleson, directrice, Élaboration de la politique et de l'analyse, Office de l'efficacité énergétique, Secteur de l'énergie, Ressources naturelles Canada : Merci.

RNCan favorise l'efficacité énergétique pour les Canadiens à la maison, au travail et sur la route depuis une vingtaine d'années. Nos programmes offrent des outils énergétiques parmi les plus reconnus pour les entreprises dans tous les secteurs de l'économie. En 2016, nos programmes permettront aux consommateurs de réduire leur facture énergétique d'environ 1 milliard de dollars et leurs émissions de gaz à effet de serre de 4 mégatonnes. C'est l'équivalent des émissions moyennes d'environ 1 million d'automobiles sur la route. D'ici 2020, nos programmes actuels constitueront le deuxième facteur le plus important pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, après le règlement fédéral sur les véhicules légers, selon le sixième rapport du Canada en vue de la CCNUCC produit par Environnement Canada.

Dans le secteur résidentiel, l'étiquette ÉnerGuide indique le degré d'efficacité énergétique de chaque maison. En vertu du programme actuel, 749 maisons ont reçu une étiquette dans le Nord canadien. Quant à elle, l'étiquette ENERGY STAR que nous administrons reconnaît les appareils qui consomment le moins dans plus de 65 catégories. Les consommateurs peuvent économiser 125 $ par année en remplaçant trois appareils qui ne portent pas la mention ENERGY STAR.

Dans le secteur des transports, 350 000 Canadiens par année consultent le Guide de consommation de carburant avant d'acheter un véhicule, et les automobilistes peuvent réduire leur consommation de carburant de 25 p. 100 en mettant en pratique les conseils de RNCan sur la conduite automobile.

Pour ce qui est du Nord du Canada, en particulier, nous collaborons étroitement avec les municipalités et les gouvernements des territoires pour offrir les options d'économie d'énergie et de carburant les mieux adaptées aux besoins de la population et de sa diversité énergétique. Notre outil d'analyse comparative énergétique des bâtiments ENERGY STAR aide les professionnels de la construction commerciale et institutionnelle à comparer leur consommation énergétique aux normes de l'industrie dans le climat canadien. Nos ateliers de gestion de l'énergie « Le gros bon $ens » présentent des conseils en matière d'économie d'énergie aux organisations des secteurs industriel, commercial et institutionnel. Ces conseils aident les sociétés à réduire leurs coûts d'exploitation, à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et à améliorer leur productivité et leur position concurrentielle.

Le Nunavut suit le modèle de l'Initiative des bâtiments fédéraux pour passer des marchés avec des sociétés de gestion de l'énergie qualifiées pour mener des études de faisabilité sur les bâtiments gouvernementaux. Ces sociétés de gestion élaborent, financent, puis déploient des stratégies de rénovation pour le gouvernement.

Pour le consommateur, nos partenaires des municipalités utilisent nos outils pour favoriser la construction de maisons écoénergétiques et l'achat d'appareils à grande efficacité énergétique.

J'aimerais maintenant céder la parole à mon collègue, qui va vous parler de la R-D dans ce secteur, pour le Nord du Canada.

Dean Haslip, directeur général, CanmetÉNERGIE-Ottawa, Secteur de l'innovation et de la technologie de l'énergie, Ressources naturelles Canada : Merci infiniment.

J'aimerais vous parler aujourd'hui d'innovation en matière d'énergie. En plus des programmes d'efficacité énergétique que nous vous avons décrits jusqu'à maintenant, l'innovation en matière énergétique est un volet important de la solution dans le Nord. L'innovation en matière énergétique nous permet continuellement d'élever notre jeu, tant pour ce qui est de la demande, par des améliorations énergétiques, que pour ce qui est de l'approvisionnement, par l'introduction d'énergies renouvelables. J'aimerais vous présenter trois grands champs de recherche susceptibles d'améliorer l'efficacité énergétique et la situation énergétique en général dans le Nord.

Je vais prendre la première diapositive de cette partie sur les logements dans le Nord. J'aimerais vous parler de notre prototype d'habitation pour le Nord rapidement déployable. La photo qui apparaît sur la diapositive a été prise au laboratoire de CanmetÉNERGIE ici, à Ottawa. Nous avons installé ce prototype en juin dernier et nous sommes en train de l'utiliser comme laboratoire vivant.

Notre objectif, dans ce projet, était de trouver une solution aux problèmes connus du logement dans le Nord, à l'aide de nos technologies de pointe en matière d'efficacité énergétique. Cette structure de 1 000 pieds carrés est complètement modulaire. Elle est arrivée sur notre site démontée et emballée à plat, comme si elle arrivait du IKEA. Elle a été assemblée par quatre travailleurs non qualifiés en quatre jours, sans attaches ni outils spécialisés. En même temps, elle se compose par exemple de panneaux muraux d'isolation sous vide, dont la valeur « R » par pouce est 20 fois plus élevée que celle de la mousse isolante classique. Elle comprend un nouveau système de chauffage par rayonnement à partir du plancher pour un confort maximal à moindre coût.

Si vous prenez la prochaine diapositive, j'aimerais vous parler un peu des micro-réseaux intelligents. Essentiellement, il s'agit de la mise en œuvre de stratégies et de technologies modernes de micro-réseaux intelligents pour approvisionner un village isolé. Cela permet d'intégrer des stratégies comme le lissage de la charge et l'écrêtement de la demande de pointe à des systèmes d'accumulateurs électriques, de stockage thermique ou de gestion de la demande. On peut ainsi mieux intégrer les énergies renouvelables et utiliser des stratégies de répartition efficaces avec le diesel.

Il s'agit là d'un élément important, parce que les villages éloignés utilisent habituellement de multiples groupes électrogènes diesel, qui n'ont pas nécessairement tous la même efficacité énergétique, et cette efficacité peut également varier en fonction de la charge électrique. Donc le simple fait de connaître le degré d'efficacité énergétique en fonction de la charge électrique des différents groupes électrogènes peut aider les gestionnaires à décider quand allumer quels groupes électrogènes, ce qui peut permettre d'économiser beaucoup de carburant et d'argent.

La photo sur cette diapositive représente Hartley Bay, un petit village de 170 habitants de la Colombie-Britannique. J'admets qu'il ne s'agit pas d'un village nordique, mais le principe est le même. Notre projet a permis d'y réduire la consommation de diesel de 20 p. 100, seulement grâce à des stratégies de répartition efficaces avec le diesel et de gestion de la demande.

Ce qu'il faut retenir de cette diapositive, c'est que des solutions comme celles-ci peuvent être très avantageuses, tant pour ce qui est de la consommation d'énergie que des coûts, et ce, au prix d'un investissement minime.

Je vais maintenant prendre la dernière diapositive de cette section, qui porte sur la gazéification de la biomasse. La biomasse est déjà la deuxième source de chauffage en importance dans le Nord, et l'on pourrait utiliser la gazéification de la biomasse, y compris des déchets solides municipaux, pour produire un carburant gazeux qui pourrait alimenter les groupes électrogènes diesel existants afin de produire de la chaleur et de l'électricité.

Il y a plusieurs avantages à cela, dont clairement la réduction de la consommation de diesel dans les villages du Nord. Cela pourrait également réduire le problème de la gestion des déchets municipaux dans le Nord.

Comme je l'ai dit, cette solution a le potentiel de produire de la chaleur et de l'électricité. Dès qu'on peut produire à la fois de la chaleur et de l'électricité, on gagne beaucoup en efficacité énergétique.

Ce procédé utilise l'infrastructure diesel existante, ce qui est important pour atténuer le risque. Le plus important, c'est qu'il ne s'agit pas d'installer un système totalement indépendant. Il s'agit d'installer un système qui va alimenter les groupes électrogènes existants avec un autre carburant. De cette façon, la communauté peut continuer d'utiliser ses groupes électrogènes diesel. Elle n'a pas besoin d'un système séparé pour répondre à ses besoins énergétiques.

Nous menons actuellement des activités de recherche et de développement à notre laboratoire, de même qu'avec nos partenaires, pour rendre le procédé plus fiable, parce qu'il est clairement important de trouver des solutions clé en main, qui nécessitent peu d'entretien, pour les villages éloignés du Nord. Il faut également bien comprendre, mesurer et gérer le goudron et les polluants à l'état de traces que produit ce genre de système. La biomasse diffère du méthane, du propane et de l'essence qu'on peut acheter à la station d'essence. Le produit n'est pas toujours le même, il est donc important de comprendre quels sont les goudrons et les traces générés par ce genre de système, parce qu'ils peuvent causer des problèmes plus tard.

Enfin, nous étudions attentivement les effets des matières premières sur le fonctionnement du système. Nous croyons que cet aspect a été fortement sous-étudié par l'industrie en général. Nous allons donc nous pencher sur les types de matières premières, comme les diverses espèces d'arbres, les déchets solides, et cetera, et sur toute la question du prétraitement et de la manutention, parce que ces facteurs pourraient influencer grandement le degré d'humidité du carburant, par exemple, ce qui pourrait avoir des effets sur le fonctionnement de tout le système.

Cela vient clore la partie de notre exposé sur l'efficacité énergétique. Je vais maintenant donner la parole à Anoop Kapoor, qui est directeur de la Division de l'énergie renouvelable et électrique de Ressources naturelles Canada. Il va vous parler de la garantie d'emprunt pour les projets du Bas-Churchill.

Anoop Kapoor, directeur, Division de l'énergie renouvelable et électrique, Ressources naturelles Canada : Merci. Je vais vous présenter aujourd'hui un aperçu de la garantie d'emprunt pour les projets du Bas-Churchill. Pour commencer, j'aimerais vous expliquer ce qu'est une garantie d'emprunt et vous donner une idée générale des projets que l'on a appuyés au moyen d'une telle garantie.

Généralement parlant, une garantie d'emprunt est une promesse qu'une partie (le garant) fait d'assumer la créance d'un emprunteur (c'est-à-dire payer le principal et l'intérêt à sa place) si ce dernier ne réussit pas à s'acquitter de son paiement ou manque à d'autres obligations convenues dans l'entente de prêt. Règle générale, le garant a une meilleure cote de solvabilité que l'emprunteur, ce qui permet à ce dernier d'obtenir un taux d'intérêt moins élevé et de réduire ainsi le coût de son emprunt.

Les projets du Bas-Churchill comprennent la construction de la centrale hydroélectrique de 824 mégawatts de Muskrat Falls, près de Happy Valley-Goose Bay au Labrador; l'interconnexion du Labrador qui reliera la centrale de Muskrat Falls à la centrale actuelle de Churchill Falls; la ligne de transport Labrador-Terre-Neuve, qui reliera la centrale de Muskrat Falls à l'infrastructure de transport dans la presqu'île Avalon à Terre-Neuve; la ligne de transport vers les Maritimes qui reliera l'infrastructure de transport, au centre de Terre-Neuve, à l'île du Cap-Breton, en Nouvelle-Écosse, via le détroit de Cabot.

Les projets concernant la centrale de Muskrat Falls, l'interconnexion du Labrador et la ligne de transport Labrador- Terre-Neuve sont réalisés par Nalcor Energy, une société appartenant à Terre-Neuve-et-Labrador. Emera se charge de la ligne de transport vers les Maritimes aux termes d'une série d'ententes conclues entre Nalcor et Emera; en outre, Emera a des intérêts minoritaires dans le projet de la ligne de transport Labrador-Terre-Neuve.

En 2011, le ministre des Ressources naturelles a signé un protocole d'entente avec les gouvernements de Terre- Neuve-et-Labrador et de la Nouvelle-Écosse, et avec Nalcor Energy et Emera. Ce document expliquait l'engagement que le gouvernement du Canada prenait d'offrir une garantie d'emprunt à l'égard des projets du Bas-Churchill. Dans le protocole, les signataires reconnaissaient que les projets revêtaient une importance régionale et nationale, qu'ils avaient un mérite économique et financier et qu'ils contribueraient à réduire sensiblement les émissions de gaz à effet de serre au Canada. Ressources naturelles Canada a retenu les services d'un conseiller financier pour exercer une diligence financière appropriée à l'égard des projets et pour formuler des conseils pendant la négociation des modalités de la garantie d'emprunt.

Au cours des 15 mois suivants, le gouvernement du Canada, Nalcor Energy, Emera, le gouvernement de Terre- Neuve-et-Labrador et le gouvernement de la Nouvelle-Écosse ont négocié les principales conditions de la garantie d'emprunt. Ce faisant, le gouvernement du Canada poursuivait l'atteinte des objectifs suivants : 1) parvenir à un remplacement complet du crédit, pour faire en sorte que les projets bénéficient des taux d'intérêt moins élevés allant de pair avec la cote de crédit AAA du Canada; 2) autant que possible, protéger les contribuables canadiens contre le risque que le Canada soit tenu de faire des paiements en vertu des garanties données.

Les conditions négociées ont été énoncées dans une fiche des modalités de la garantie qu'ont signée le premier ministre du Canada, les premiers ministres de Terre-Neuve-et-Labrador et de la Nouvelle-Écosse, et les chefs de la direction de Nalcor Energy et d'Emera le 29 novembre 2012. Une fois la fiche des modalités signée, les fonctionnaires de Ressources naturelles Canada ont collaboré avec leur conseiller financier, avec le ministère de la Justice et son conseiller juridique extérieur et avec le ministère des Finances pour exercer une diligence raisonnable plus poussée en matière financière et juridique à l'égard des projets et pour négocier les ententes officielles détaillées fondées sur les modalités dont je viens de parler.

En outre, les promoteurs des projets et les gouvernements provinciaux ont dû, aux termes des modalités, respecter diverses conditions avant que la garantie d'emprunt entre en vigueur. Par exemple, les gouvernements provinciaux devaient mettre sur pied des régimes de règlementation qui permettaient aux promoteurs des projets de recouvrer leurs coûts auprès des abonnés des réseaux d'électricité, de manière à ce que le remboursement de la dette soit garanti.

Par ailleurs, un ingénieur indépendant a été embauché pour formuler une opinion et des conseils techniques objectifs sur les plans d'ingénierie et de construction, ainsi que sur les coûts et l'échéancier prévus des projets. Cet ingénieur exercera aussi une surveillance technique indépendante pendant la période de construction, et il continuera de le faire une fois que les installations seront opérationnelles.

À la fin de novembre et au début de décembre 2013, les ententes officielles nécessaires pour établir le financement des projets dirigés par Nalcor ont été signées et paraphées. Elles comprenaient un accord sur la garantie d'emprunt à l'égard de chacun des deux projets financés de Nalcor (la centrale de Muskrat Falls et l'interconnexion du Labrador, et la ligne de transport Labrador-Terre-Neuve). Les garanties d'emprunt ont été établies en vertu des dispositions de l'article 4 de la Loi sur l'économie de pétrole et le remplacement du mazout.

Mis à part les accords mêmes sur les garanties d'emprunt, le ministre des Ressources naturelles a conclu d'autres ententes importantes pour protéger les intérêts du Canada. Je mentionne ici des ententes intergouvernementales avec le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador et celui de la Nouvelle-Écosse, en vertu desquelles les provinces dédommageront le Canada de tous les coûts encourus aux termes des garanties d'emprunt, coûts qui résulteraient de changements législatifs ou règlementaires qui empêcheraient les entités chargées des projets de recouvrer leurs coûts et de rembourser leurs dettes, et, dans le cas de Terre-Neuve-et-Labrador, de tous les coûts qui résulteraient du fait que la province n'aurait pas fourni les capitaux nécessaires pour terminer la construction des projets dirigés par Nalcor.

Le 13 décembre 2013, Nalcor Energy a obtenu un financement de 5 milliards de dollars par emprunt garanti grâce à un certain nombre d'obligations publiques émises à des taux d'intérêt attrayants. Par la suite, les derniers accords officiels nécessaires pour autoriser le financement par emprunt de la ligne de transport vers les Maritimes ont été négociés. En avril 2014, Emera a obtenu un emprunt de 1,3 milliard de dollars garanti par l'émission d'obligations publiques. On estime que la garantie d'emprunt fournie par le gouvernement fédéral permettra aux contribuables de Terre-Neuve-et-Labrador et de la Nouvelle-Écosse d'épargner plus d'un milliard de dollars en valeur actualisée nette.

Tous les projets du Bas-Churchill sont en cours de réalisation; la mise en service des projets relevant de Nalcor est prévue pour juin 2018, et celle de la ligne de transport vers les Maritimes, pour octobre 2017. Les projets sont assujettis à un certain niveau de surveillance et de contrôle de la part de l'ingénieur indépendant, du mandataire qui aide le Canada à contrôler et à administrer le financement des projets et de Ressources naturelles Canada.

C'est ici que se terminent mes observations sur la garantie d'emprunt.

Le vice-président : Merci. Y a-t-il d'autres exposés?

M. Leyburne : Non, nous sommes prêts à répondre à vos questions si vous êtes d'accord.

La sénatrice Seidman : Je vous remercie de vos exposés.

Monsieur Haslip, vous nous avez parlé de CanmetÉNERGIE. Selon le site web de RNC, CanmetÉNERGIE est la plus grande organisation de science et de technologie énergétiques œuvrant dans la recherche, le développement, la démonstration et la mise en valeur de l'énergie propre. Vous parlez d'efficacité énergétique et de carburants de remplacement. J'aimerais que vous me parliez du type de relations ou de partenariats que nous avons avec d'autres pays nordiques et du genre d'avancées technologiques qu'on y trouve pour partager des idées, par exemple, sur la biomasse. Nous savons que la Finlande est probablement l'utilisateur le plus constant de la technologie de la biomasse. Vous nous avez parlé de son utilisation et du développement en ce sens dans le Nord.

C'est une façon longue de vous demander de nous parler de l'échange de renseignements possible avec les autres pays nordiques.

M. Haslip : C'est une question intéressante et importante. Nous chérissons assurément beaucoup nos collaborations avec les universités, le secteur privé et les autres gouvernements, au Canada comme ailleurs dans le monde. Je dirais que nos principales collaborations en la matière à l'échelle internationale ne se font pas particulièrement avec des pays nordiques, mais dans le contexte de grands forums comme celui de l'Agence internationale de l'énergie, qui est un organisme important pour la bioénergie et l'élaboration de normes sur les réseaux intelligents, qui s'appliquent aussi aux micro-réseaux.

Notre plus grand partenaire à l'échelle internationale sont les États-Unis, donc le Département américain de l'énergie. On ne voit pas souvent les États-Unis comme un pays nordique en tant que tel, mais ils sont très présents par l'Alaska, et l'énergie dans le Nord est une très grande préoccupation pour eux. Depuis quelques années, nous travaillons à accroître nos collaborations avec les États-Unis, plus particulièrement pour trouver des solutions en matière de logement et d'énergie dans le Nord.

M. Leyburne : Quand le secrétaire américain de l'énergie, Ernest Moniz, a rendu visite au Canada en septembre dernier, il a signé un accord de collaboration accrue avec le ministre Rickford. L'un des 11 éléments visés par ce PE était la technologie et les solutions énergétiques propres pour les collectivités nordiques éloignées.

La sénatrice Seidman : Nous entendons beaucoup parler, dans le cadre de nos audiences, des immenses défis qui se posent dans le Nord pour de multiples raisons. D'après vous, quel serait votre domaine d'étude le plus prometteur pour assurer un approvisionnement durable en énergie alternative?

M. Haslip : Il y a plusieurs avenues prometteuses. Avec la diminution du coût de l'énergie solaire, nous voyons là une occasion à saisir pour le Nord, qui ne serait évidemment pas utile toute l'année, mais qui pourrait être particulièrement efficace pendant les mois d'été. Divers projets pilotes ont cours, et vous avez probablement entendu parler de certains d'entre eux pendant vos audiences.

De plus, nous constatons beaucoup d'intérêt et de collaboration avec les villages nordiques et les gouvernements territoriaux en matière de logement, pour trouver de nouvelles solutions écoénergétiques pour le Nord.

Ce sont quelques-unes des possibilités les plus prometteuses que j'entrevois actuellement. Pour répondre aux besoins du Nord en matière de chauffage et d'énergie, il ne faut pas oublier non plus le potentiel de la biomasse dont je vous ai parlé. C'est une avenue qui m'apparaît aussi très intéressante, mais il faudra peut-être attendre un peu plus longtemps les solutions technologiques adaptées au Nord.

La sénatrice Seidman : Merci.

Le sénateur Mitchell : Un grand merci à chacun d'entre vous. Je vais mettre à l'épreuve la patience de notre président en prenant le temps de situer ma question dans le contexte des flottes de taxi, une réalité qui touche l'ensemble du Canada, mais aussi le Nord dans une certaine mesure.

Madame Oleson, vous avez parlé des transports et des gains d'efficience auxquels vous avez contribué, notamment au moyen de vos conseils sur la conduite automobile.

Comme les sénateurs ici présents, je voyage beaucoup. Je prends souvent le taxi et je ne cesse de m'étonner du grand nombre d'entre eux qui ne sont pas hybrides. Je suis souvent surpris de constater que les chauffeurs de taxi n'arrivent même pas à imaginer à quel point ils pourraient épargner avec une voiture hybride, sans parler des réductions d'émissions qui en découleraient. Ainsi, ceux qui travaillent 12 heures par jour pourraient économiser de 5 000 $ à 7 000 $ par année, ce qui compenserait largement pour la différence de prix du véhicule, mais c'est une logique qui semble leur échapper. Il faut aussi considérer les frais d'entretien des voitures hybrides qui sont, par exemple, cinq fois moindres dans le cas des freins.

Est-ce que votre groupe s'est employé à sensibiliser les entreprises et les chauffeurs de taxi aux avantages des voitures hybrides, ou pourrait-on envisager l'établissement de normes applicables dans le Nord ainsi qu'aux flottes de taxi pour les obliger à réduire leurs émissions totales?

Mme Oleson : Merci beaucoup pour cette question.

Pour ce qui est des transports, nous dressons chaque année la liste des véhicules les plus écoénergétiques sur le marché. Dans le cadre de cet exercice, nous classons à la fois les véhicules hybrides, qui sont bien évidemment plus écoénergétiques, et ceux à transmission conventionnelle de telle sorte que les consommateurs qui choisissent cette dernière option puissent savoir lesquels parmi ces véhicules sont les plus efficients.

Il y a assurément encore du travail de sensibilisation à faire pour en arriver à mieux comprendre, de concert avec nos partenaires, la meilleure façon d'optimiser le recours à des carburants de remplacement. Il convient notamment de collaborer plus étroitement avec nos partenaires pour veiller à ce que les infrastructures nécessaires soient en place, aussi bien pour les véhicules électriques que pour ceux qui utilisent des carburants de substitution comme le gaz naturel. Il va de soi que nous avons déjà amorcé les efforts en ce sens. Pour les carburants alternatifs, nous avons entrepris un programme de coopération avec les États-Unis pour l'harmonisation de nos codes types et avec nos partenaires de tout le Canada pour la mise en place des infrastructures requises.

Une chose est sûre, toutefois, le Canada pourrait en faire davantage pour accroître la pénétration dans tout le pays des véhicules hybrides ainsi que de ceux qui fonctionnent au gaz naturel, et nous travaillons en ce sens.

Le sénateur Mitchell : Formidable. J'encourage vraiment les gens de l'industrie du taxi à y songer, car j'estime qu'il y a des avantages énormes, pour les chauffeurs en particulier.

Ma prochaine question s'adresse à M. Haslip. Je suis très intrigué par cette maison préfabriquée dont la capacité isolante au pouce carré serait 20 fois supérieure. Est-ce que vous dites qu'elle serait 20 fois mieux isolée que ma résidence à Edmonton, et comment parvenez-vous à un tel résultat?

M. Haslip : Merci pour la question. Je parlais de la technique d'isolation que nous utilisons dans les murs de notre prototype d'habitation pour le Nord rapidement déployable. Plutôt que d'injecter de la mousse isolante ou de la fibre de verre à l'intérieur des murs, nous utilisons des panneaux isolés sous vide. Il n'y a ainsi absolument rien au centre du mur, ce qui empêche toute forme de perte thermique par convection ou par conduction.

En comparaison, les panneaux isolés à vide ont un coefficient de résistance thermique 20 fois supérieur au pouce à celui des isolants conventionnels en mousse ou en fibre de verre qui ont sans doute été utilisés dans les murs de votre maison. Dans un contexte urbain normal, l'efficience thermique de notre mur est aussi bonne, voire meilleure, que ce que vous avez actuellement, mais avec un mur moins épais. C'est un aspect très important dans un environnement urbain dense, car le constructeur y gagne ainsi en précieuse superficie de plancher.

Dans le cas de ce prototype en particulier, cela permet de pouvoir transporter des murs bien isolés dans un format très compact. Comme il s'agit d'une maison préfabriquée, l'assemblage des panneaux en usine, dans un environnement contrôlé, permet d'éviter les difficultés souvent associées aux procédés d'isolation sous vide d'un mur. Il suffit alors de bien protéger le panneau isolé sous vide pour pouvoir ensuite l'utiliser dans une situation comme celle qui nous intéresse.

Le sénateur Mitchell : Combien coûtera la construction du modèle de production de cette maison?

M. Haslip : Le projet visait à offrir une solution de logement à la moitié du coût par pied carré des résidences existantes dans le Nord. Ainsi, nous avons pu construire cette maison de 1 000 pieds carrés, même s'il s'agissait d'un prototype, pour 150 000 $, ce qui donne 150 $ du pied carré. D'après les renseignements à notre disposition, le coût d'une maison type dans le Nord pourrait atteindre jusqu'à 300 $ le pied carré.

Le sénateur Mitchell : Merci, c'est formidable.

Le sénateur Black : Je veux d'abord et avant tout tous vous remercier pour le travail que vous accomplissez. Tout cela est très important. J'ai toujours eu l'impression que c'était le cas, mais ce que j'ai pu entendre aujourd'hui me confirme que c'est vraiment primordial. Alors, merci beaucoup pour tout votre travail.

Mes questions s'adressent à M. Kapoor. Merci beaucoup pour votre exposé. Je l'ai trouvé extrêmement instructif. Il s'agit de toute évidence d'un travail très complexe. J'ai d'abord quelques questions d'ordre technique au sujet de ce que vous nous avez dit, puis une question plus générale.

Est-ce que l'énergie produite par le projet de Churchill Falls doit entièrement être exportée aux États-Unis, ou compte-t-on en utiliser une partie à Terre-Neuve-et-Labrador et en Nouvelle-Écosse?

M. Kapoor : Le projet vise d'abord et avant tout à répondre aux besoins en électricité de Terre-Neuve-et-Labrador et de la Nouvelle-Écosse. S'il y a un excédent, on pourrait vendre l'énergie sur d'autres marchés au Canada ou aux États- Unis.

Le sénateur Black : Je me demandais si l'électricité acheminée en Nouvelle-Écosse devait passer par le réseau d'Hydro-Québec ou si cette province est reliée au réseau continental.

M. Kapoor : La Nouvelle-Écosse est reliée au réseau continental.

Le sénateur Black : Pour ce qui est de la garantie offerte par le gouvernement du Canada en cas de non- remboursement — et vous avez cité des cas possibles d'interventions gouvernementales qui pourraient mener à une telle situation — j'aimerais savoir dans quelle mesure le Canada et les actionnaires canadiens sont protégés en pareil cas.

M. Kapoor : Les ententes prévoient différentes situations de non-remboursement qui peuvent, dans certains cas, être réglées au moyen d'un dialogue et de certaines mesures. Certains emprunteurs ont donné leurs actifs en garantie. Le Canada pourrait alors prendre possession des actions de l'entreprise ou de ses actifs physiques en cas de non- remboursement.

Le sénateur Black : Un peu comme une hypothèque, pourrait-on dire?

M. Kapoor : Oui, si l'on simplifie les choses.

Le sénateur Black : Le gouvernement est-il entièrement protégé à l'égard de toutes les sommes visées par la garantie?

M. Kapoor : Que voulez-vous dire exactement?

Le sénateur Black : Je veux savoir si, en cas de non-remboursement, le Canada pourrait récupérer des actifs correspondant à la valeur totale des montants visés par la garantie.

M. Kapoor : Oui, en vertu des ententes conclues, le gouvernement peut avoir accès aux actifs et aux actions.

Le sénateur Black : Pour toute la valeur des sommes garanties? C'est ce que je voulais savoir.

M. Kapoor : Je vais devoir vérifier avant de vous répondre. Vous voulez parler par exemple de ce qui se passerait si la garantie était de 5 milliards de dollars? Nous aurions accès à tous les actifs de l'emprunteur qui réalise le projet.

Le sénateur Black : J'aimerais bien que vous puissiez nous le confirmer.

M. Kapoor : Certainement.

Le sénateur Black : Je vous en serais reconnaissant.

Y a-t-il à votre connaissance des situations où il pourrait y avoir péremption de la garantie?

M. Kapoor : Pouvez-vous me dire ce que voulez dire exactement par « péremption »?

Le sénateur Black : Bien sûr. Est-ce que les ententes prévoient des situations, des cas de force majeure par exemple, où la garantie du gouvernement du Canada ne tiendrait plus, ou s'agit-il d'une garantie inconditionnelle?

M. Kapoor : C'est une garantie inconditionnelle.

Le sénateur Black : Il me fallait préciser ces détails techniques avant de vous poser la question qui m'intéresse vraiment. Croyez-vous que ces garanties de prêt pourraient servir de modèle pour la production d'électricité dans le Nord?

M. Kapoor : Le gouvernement a mis au point une formule de garantie tout à fait unique. Les projets doivent satisfaire à trois critères : ils doivent être de portée nationale et régionale; présenter des avantages du point de vue économique et financier; et mener à une réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ce sont là les caractéristiques essentielles que doit posséder un projet pour pouvoir bénéficier de la garantie gouvernementale.

Si un projet présentant de telles caractéristiques est prévu dans le Nord, l'entreprise responsable peut parler aux différents ministères provinciaux et fédéraux pour déterminer la meilleure façon de procéder.

Le sénateur Black : Envisagez-vous la possibilité d'établir un modèle suivant lequel l'électrification du Nord, d'une manière générale, pourrait être réalisée grâce aux garanties offertes par le gouvernement du Canada?

M. Kapoor : C'est une question qui touche les grandes orientations politiques.

Le sénateur Black : Je tentais ma chance, mais je comprends que vous ne puissiez pas répondre. Merci beaucoup.

Le sénateur Patterson : Je vais poursuivre un peu dans la même veine. Vous savez certes que le Nunavut dépend à 100 p. 100 des combustibles fossiles pour la production d'électricité. J'ai trouvé fort intéressants vos commentaires au sujet de la garantie d'emprunt pour la centrale de Muskrat Falls du fait qu'il existe une loi, la Loi sur l'économie de pétrole et le remplacement du mazout, visant à réduire la dépendance à l'égard des combustibles fossiles.

Dans ce contexte, avez-vous entendu parler d'un protocole d'entente qui aurait été conclu entre le Manitoba et le Nunavut pour le prolongement du réseau manitobain vers le Nord, à partir de Churchill jusqu'au Nunavut?

M. Kapoor : J'ai effectivement lu quelque chose à ce sujet, mais je ne connais pas les détails du projet.

Le sénateur Patterson : Vous avez dit que les provinces, les territoires et les entreprises pourraient bénéficier de ces initiatives. Dans ce cas particulier, il y a une société minière qui pourrait profiter de l'électricité en provenance du réseau nord-américain. Comme vous le savez, ce sont les compagnies minières qui produisent une large proportion de l'électricité dans les territoires. Vous avez dit que des discussions avec le gouvernement fédéral sont nécessaires pour que ces initiatives puissent aller de l'avant. Est-ce que Ressources naturelles Canada est le principal ministère responsable pour les initiatives en ce sens?

M. Kapoor : Comme nous assumons de manière générale la responsabilité des dossiers de l'électricité et de l'énergie renouvelable, c'est nous qui traitons ces dossiers. Nous aimerions bien pouvoir établir un dialogue avec la province, les entreprises à l'origine des projets ainsi que nos partenaires fédéraux comme CanNOR et AADNC qui pourraient être concernés par ces initiatives.

Le sénateur Patterson : Mais c'est votre ministre des Ressources naturelles qui a signé le protocole d'entente.

M. Kapoor : Oui.

Le sénateur Patterson : Cela m'amène à penser que vous devez être le ministère responsable.

M. Kapoor : Nous avons effectivement pris l'initiative de la garantie d'emprunt pour le projet du Bas-Churchill. Je pense que notre ministère serait prêt à discuter de tout cela. Le projet du Bas-Churchill avait certaines caractéristiques qui lui étaient propres. Je crois que chaque projet est unique et qu'il peut y avoir des enjeux en cause pour différents intervenants ou différents ministères fédéraux.

Le sénateur Patterson : J'aimerais parler maintenant du prototype d'habitation pour le Nord rapidement déployable. C'est un projet qui m'intéresse beaucoup. Au Nunavut, le coût du logement public peut atteindre 500 $ le pied carré. Ce prototype m'apparaît donc être une solution vraiment avantageuse. J'aimerais savoir si Canmet ÉNERGIE est entrée en contact avec la Société d'habitation du Nunavut — ou avec toute autre société d'habitation des territoires qui doit composer avec des coûts élevés et des climats extrêmement froids — et si vous avez établi des liens avec Affaires autochtones et Développement du Nord Canada qui est également chargé de rendre disponible à grande échelle le logement social dans le Nord.

M. Haslip : C'est une excellente question qui tombe à point. Je vais vous situer un peu les choses dans leur contexte.

Comme je le disais, le prototype est actuellement installé sur les terrains de Canmet ÉNERGIE. Nous nous en servons comme espace à bureaux; il y a toute une équipe qui y travaille quotidiennement. Nous pouvons ainsi mettre à l'essai les commodités offertes à partir du container situé à l'avant qui alimente le chauffage par rayonnement à partir du plancher et le système électrique au moyen d'une génératrice au diesel et/ou d'une chaudière à biomasse. Pour peaufiner la mise au point du concept, nous mettrons à l'essai d'autres technologies au cours des mois et des années à venir.

Pour répondre plus précisément à votre question, nous avons assemblé la maison sur nos terrains en juin dernier à des fins de démonstration. Comme je l'indiquais, il a fallu quatre jours pour l'assemblage. Nous nous en servons comme laboratoire vivant depuis neuf mois, ce qui nous permet de déterminer les points forts et les points faibles du prototype et d'élaborer et appliquer de nouvelles solutions technologiques en conséquence.

Parallèlement à cela, nous explorons différentes options pour la version 2 du prototype. Il va de soi que nous n'avons pas du tout l'intention de mettre des familles à risque en offrant une solution de logement dans le Nord sans l'avoir bien testée auparavant. Ce n'est pas du tout ce que nous voulons faire. Nous travaillons en collaboration avec nos collègues du ministère des Ressources naturelles qui sont présents dans le Nord. C'est le cas, par exemple, de ceux de la Commission géologique du Canada. Nous pourrons ainsi mettre à l'essai le prototype dans les véritables conditions climatiques du Nord, plutôt que simplement à Ottawa. Nous avons aussi des pourparlers avec Affaires autochtones et Développement du Nord Canada.

Nous avons reçu plusieurs groupes des Affaires autochtones et discuté avec des gens de la Station canadienne de recherche dans l'Extrême-Arctique. Il est question qu'une équipe de cette station participe à un projet pilote pour tester notre prochaine version de l'habitation pour le Nord. Comme je le disais, nous avons accueilli sur notre site plusieurs groupes des Affaires autochtones afin qu'ils puissent voir le prototype et discuter des prochaines étapes de l'initiative.

Il est par exemple possible que la prochaine ne soit pas nécessairement une habitation résidentielle, mais plutôt un édifice communautaire, ce qui réduit les risques d'échec. Nous avons des discussions avec différents intéressés.

Vous avez demandé ce qu'il en était de la Société d'habitation du Nunavut. Nous ne l'avons pas encore contactée à ce sujet. Nous entretenons de bonnes relations avec les sociétés d'habitation du Nord dans le contexte de nos autres programmes de logement et de construction, ce qui nous permet d'espérer pouvoir discuter avec ces gens-là des possibilités d'utilisation de notre prototype dans un contexte nordique.

Le sénateur Patterson : Merci.

Le sénateur Sibbeston : J'aimerais parler également de cette habitation que vous avez construite. Je comprends que vous l'avez conçue en fonction des conditions difficiles du Nord et dans le but d'optimiser l'efficience écoénergétique, mais avez-vous pensé aux gens du Nord qui pourraient y habiter?

J'ai aussi l'impression que vous l'avez conçue en pensant à des gens comme vous qui peuvent se rendre dans le Nord pour faire des études, comme le font notamment les scientifiques. Mais avez-vous pensé aux gens du Nord?

Quand il est question de logement dans le Nord, il ne faut pas perdre de vue que les Inuits viennent tout juste de renoncer aux grands espaces et ont besoin de beaucoup d'air. Si vous les placez dans une habitation hermétique équipée d'un dispositif de ventilation et de récupération de chaleur, ils seront nombreux à fermer cet appareil parce qu'il est trop bruyant. Je me demandais si vous gardiez ces considérations à l'esprit en pensant à concevoir des maisons dotées de solutions pratiques, comme des ouvertures dans les murs pour laisser entrer l'air et des appareils simples que l'on peut réparer sans l'aide d'un scientifique ou d'un technicien d'Ottawa.

M. Haslip : C'est une excellente question et une considération effectivement des plus importantes. Je veux préciser que l'habitation n'a pas été conçue en fonction des besoins de déplacement de scientifiques ou de bureaucrates basés à Ottawa. Nous avons vraiment pensé à son utilisation dans un contexte nordique par de véritables résidants du Nord.

Le sénateur Sibbeston a fait valoir des points très intéressants. En fait, le prototype actuel n'est pas équipé d'un dispositif de ventilation et de récupération de chaleur. Nous savons que les systèmes semblables sont très problématiques dans le Nord, et nous étudions actuellement la situation. Dans le contexte de notre laboratoire vivant, l'habitation hermétique est ouverte 15 minutes par jour de manière à l'aérer complètement. Nous pouvons ainsi conserver les économies d'énergie réalisées tout en renouvelant l'air régulièrement.

Si vous me permettez de réitérer ce que je disais dans mes observations préliminaires, nous sommes conscients des défis particuliers associés au logement dans le Nord, notamment pour ce qui est du mode d'utilisation des résidences qui diffère de la situation dans le Sud, et nous nous efforçons d'en tenir compte. Il n'y a par exemple aucune installation de plomberie dans les murs des résidences. Nous savons que cela peut souvent causer des problèmes. Lorsqu'une maison est laissée inoccupée et sans chauffage pendant un certain temps, les conduites peuvent exploser et détremper l'isolation à l'intérieur des murs. On se retrouve ainsi avec des problèmes très graves dus à une isolation des murs déficiente.

Nous avons donc voulu notamment concevoir notre solution modulaire de manière à éliminer ces éléments qui sont courants dans les maisons construites pour le Sud, mais qui peuvent devenir problématiques en raison de la façon dont les résidences sont occupées dans le Nord.

C'est une question très importante qui est au cœur des préoccupations de nos scientifiques et de nos ingénieurs tout comme de nos partenaires du secteur privé. Nous allons continuer d'en tenir compte.

Le sénateur Sibbeston : Merci.

Je suis conscient que ce processus n'en est sans doute qu'à ses premières étapes, mais le prototype a un peu l'apparence d'une roulotte. Je suis persuadé que vous envisagez d'en améliorer l'esthétique pour qu'elle ne dépare pas l'environnement nordique, n'est-ce pas? Je présume que si l'on vient à l'utiliser effectivement dans le Nord, vous allez vouloir lui donner une meilleure apparence que celle d'une simple boîte carrée.

Est-ce que vous collaborez avec les scientifiques qui font des recherches sur le climat froid à Whitehorse pour mener des études semblables?

M. Haslip : C'est une bonne question. Dans le cadre de ce projet, nous n'avons pas eu de contact avec ces scientifiques dont vous parlez.

Pour ce qui est de l'apparence de l'habitation, nous sommes bien sûr ouverts aux propositions d'amélioration en ce sens, mais nous avons évité de tenir compte de ces considérations pour le projet de démonstration actuel.

[Français]

Le vice-président : Dans le Nord, il y a des défis importants à surmonter : il fait froid, il y a peu de population et celle-ci est très dispersée sur un territoire qui est très grand. Quels sont vos objectifs et quelles sont nos responsabilités en tant que pays? Que cherchez-vous à atteindre? Est-ce simplement de réduire les coûts en énergie pour être compétitifs ou de faire des efforts raisonnables et d'accepter les défis qui existent présentement? Quel est le point de départ? Que cherche-t-on à accomplir par notre participation et nos investissements dans tous ces moyens?

[Traduction]

M. Leyburne : On vous a dit ce matin, je crois, que différents objectifs motivent les investissements que nous faisons dans divers secteurs. L'un de ces objectifs consiste à réduire les coûts pour les consommateurs, et les entreprises, notamment dans le Nord, vu les coûts particulièrement élevés là-bas.

En prime, on pourrait réduire les émissions de gaz à effet de serre en délaissant le diesel ou les combustibles fossiles au profit d'autres formes d'énergie.

Il y a un troisième objectif dont on ne parle pas aussi souvent dans le Sud du Canada, et c'est la sécurité énergétique. Les collectivités qui dépendent entièrement des livraisons de combustibles fossiles sont confrontées à des défis uniques qu'on ne voit nulle part ailleurs au pays. Il peut en effet arriver, comme on a vu dans les dernières années, que le camion-citerne ait des problèmes en chemin ou que les routes de glace ne soient pas praticables à des périodes où elles devraient l'être.

Ce sont les trois axes principaux qui justifient des investissements d'une telle importance à Ressources naturelles Canada.

[Français]

Le vice-président : Quand on constate l'efficacité et les coûts d'énergie, le but est-il de réduire les coûts de sorte qu'ils atteignent le même niveau que celui des gens du Sud? Y a-t-il des objectifs précis en ce sens ou cherche-t-on simplement à améliorer la situation?

[Traduction]

M. Leyburne : Pour ce qui est de réduire la consommation d'énergie en soi, oui, quand on parle de réduire les coûts pour les consommateurs, c'est grâce à l'efficacité de ces projets. Comme Laura l'indiquait, c'est un secteur d'intérêt à l'échelle du pays; le but est de réduire la consommation d'énergie afin de permettre aux consommateurs et aux entreprises de faire des économies.

Mais je le répète, il y a des répercussions aussi incroyablement importantes, comme les effets sur l'environnement, la réduction de l'empreinte écologique de la consommation d'énergie, mais aussi l'aspect sécurité énergétique. Quand on parle d'efficacité, on vise à atteindre ces trois objectifs. C'est ce qui se rapproche le plus de la solution idéale en ce qui concerne l'énergie.

[Français]

Le vice-président : En ce qui a trait à l'environnement et aux taux de CO2, on parle de 100 000 personnes sur un grand territoire. Cet impact est-il vraiment important ou est-ce que ce sont les questions de l'efficacité et de la réduction des coûts qui seraient de loin les plus importants? Y a-t-il des conséquences importantes quant au CO2?

[Traduction]

M. Leyburne : En général, quand il est question d'efficacité énergétique dans toutes les sphères de l'économie, c'est un des meilleurs moyens pour les gouvernements de réduire les coûts.

Dans le Nord, la population est moins dense par rapport à notre profil global d'émissions de gaz à effet de serre, alors non, cette région ne contribue pas beaucoup aux changements climatiques si on la compare au reste du pays. Cela dit, les arguments en faveur des mesures d'économie d'énergie qu'on fait valoir pour le Sud du pays s'appliquent aussi au Nord, sinon plus. Pour que l'on puisse atteindre nos cibles en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, chaque région du pays va devoir faire sa part.

[Français]

Le vice-président : Monsieur Haslip, vous êtes l'expert du point de vue des connaissances. C'est un grand défi. Il y a quelques mois que le comité siège et qu'il entend différents experts. On cherche la solution, mais il n'y a pas une seule solution, comme vous aimez nous le rappeler; il y en a plusieurs. Dans 10 ans, compte tenu de la technologie et du coût de l'énergie solaire qui diminue, quelles projections faites-vous? Comment évoluera l'énergie et quelles seront les conséquences pour les gens du Nord?

[Traduction]

M. Haslip : Monsieur le président, il est difficile de répondre à cette question. On tombe évidemment dans les conjectures, ici, et cela dépasse probablement mes compétences.

Je vous dirais cependant qu'on consomme de plus en plus d'énergies renouvelables dans le Nord. Il est également possible qu'on ait davantage recours au gaz naturel liquéfié et au gaz naturel comprimé dans le Nord. Je crois qu'on installera aussi de plus en plus de réseaux intelligents ou de micro-réseaux intelligents qui permettent une utilisation accrue d'énergies renouvelables et des économies grâce à l'efficacité énergétique. Par ailleurs, différentes tendances se sont dessinées au cours de la dernière décennie dans le secteur des biocarburants, et j'ai bon espoir que ces tendances se poursuivent, permettant peut-être d'instaurer les biocarburants et la bioénergie. C'est ce qui va arriver selon moi au profil énergétique du Nord.

Je me demande si je ne pourrais pas donner un ton différent à votre question précédente. À Ressources naturelles Canada, je suis le responsable du portefeuille de l'électricité propre pour le programme de recherche et de développement énergétiques. Dès cette année, et pour la première fois, nous mettons l'accent précisément sur les systèmes énergétiques dans le Nord et les régions éloignées, et à cet égard, notre objectif premier est de réduire la consommation de diesel. Comme Drew le mentionnait, cela s'accompagne d'autres avantages, comme la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la réduction globale des coûts et la sécurité énergétique. Toutes les choses dont Drew a parlé découlent de cela, mais l'unique point de départ du programme de recherche est la réduction de la consommation de diesel dans les collectivités du Nord et éloignées.

[Français]

Le vice-président : Je suis parfaitement conscient du fait qu'on ne peut pas toujours prédire l'avenir. Néanmoins, le gouvernement fédéral et votre ministère doivent jouer un rôle d'orientation assez important. Dans la vie de tous les jours, il faut prendre des risques et faire preuve de leadership. Vous êtes tout de même un expert en la matière. Toutefois, on n'a pas abordé la question des éoliennes, peut-être parce qu'elles ne font pas partie des quatre ou cinq solutions que vous avez énumérées. Est-ce qu'il s'agit d'une méthode qu'on ne peut envisager en raison du froid?

[Traduction]

M. Haslip : C'est une excellente question. L'énergie éolienne a gagné beaucoup de terrain dans le sud du pays. Je crois bien que vous avez discuté avec les représentants de la mine Diavik, qui utilise beaucoup l'énergie éolienne.

Au fil des ans, nos travaux du côté de la recherche et du développement nous ont permis de constater que l'utilisation de grosses éoliennes, comme celles qu'on voit dans le Sud, peut s'avérer une solution efficace pour le Nord. Vous aurez remarqué qu'on utilise des éoliennes de toutes les tailles à la grandeur du pays. Elles permettent de réaliser des économies d'échelle et apportent plus de stabilité. Dans certains cas, comme pour les installations minières, les grandes éoliennes peuvent être des solutions très efficaces.

Nous n'avons toutefois pas vu les mêmes économies avec les petites turbines. À ce stade-ci du programme de recherche, nous ne pouvons pas affirmer que les petites turbines éoliennes sont nécessairement utiles ou rentables pour les collectivités du Nord. L'industrie de l'énergie éolienne a probablement concentré ses efforts sur les grandes turbines parce que c'est ce que veut le marché, et les petites turbines ne sont pas encore assez fiables ou rentables pour être utilisées de façon régulière dans le Nord.

[Français]

Le vice-président : Monsieur Kapoor, j'aimerais vous poser quelques questions au sujet de Churchill Falls. Si je comprends bien, la garantie fédérale est aussi accordée à Terre-Neuve et en Nouvelle-Écosse. Est-ce exact?

[Traduction]

M. Kapoor : Le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador et le gouvernement de la Nouvelle-Écosse appuient fortement le projet. Ils ont établi un cadre réglementaire rigoureux pour l'encadrer. À Terre-Neuve-et-Labrador, le gouvernement s'est engagé à fournir tous les capitaux nécessaires pour terminer le projet. Le gouvernement du Canada offre des garanties, mais ces deux provinces appuient fortement le projet.

Le vice-président : C'est utile d'avoir un tel appui, mais je vais préciser ma question. Les provinces offrent-elles conjointement des garanties, et cela comprend la Nouvelle-Écosse, concernant les risques potentiels ou les dépenses engagées par le gouvernement fédéral?

M. Kapoor : Le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a conclu une entente intergouvernementale avec le Canada, qui l'engage à mettre en place un régime réglementaire stable pour régir les projets afin de recouvrer les coûts assumés par les contribuables. Si le gouvernement de la Nouvelle-Écosse prend des mesures ou change le régime réglementaire entourant le projet, et si le Canada accuse des pertes qui sont visées par les garanties, le Canada va recevoir une indemnisation.

Le vice-président : La Nouvelle-Écosse affirme essentiellement qu'il y a un système en place pour permettre aux consommateurs de la province de récupérer les coûts.

M. Kapoor : Oui.

Le vice-président : Elle a promis de ne pas modifier ce régime, sous peine de sanctions.

M. Kapoor : Oui.

Le vice-président : Quelle portion du projet est financée par les consommateurs de la Nouvelle-Écosse?

M. Kapoor : Ce sont les coûts liés à la construction de la ligne maritime.

Le vice-président : La construction de quoi?

M. Kapoor : La construction de la ligne de transmission qui arrive de Terre-Neuve-et-Labrador ou de la Nouvelle- Écosse.

Le vice-président : Est-ce que cela comprend une partie des installations hydroélectriques principales?

M. Kapoor : Nalcor et Emera ont conclu différentes ententes commerciales qui stipulent que 20 p. 100 des coûts du projet seront assumés par Emera. Je crois que ce montant a été précisé, et l'organisme de réglementation de la Nouvelle-Écosse a approuvé les coûts du projet à inclure à la base tarifaire.

Le vice-président : A-t-on une idée de ce que sera le coût du kilowattheure pour la Nouvelle-Écosse dans cette garantie?

M. Kapoor : Oui, Emera a réalisé une projection du coût par kilowattheure, mais ma mémoire me fait défaut.

Le vice-président : Au moment de l'émission des obligations garanties par le gouvernement fédéral, quel était le taux d'intérêt par rapport à, disons, celui qui s'appliquait au gouvernement fédéral à ce moment?

M. Kapoor : Le taux d'intérêt était différent. Il s'agissait d'obligations cotées AAA, comme celles du Canada, mais le taux d'intérêt sur les obligations était un peu plus élevé, parce que les obligations sont émises par une société et que le Canada agit comme garant. Il ne s'agit pas d'une obligation du Canada. Il y avait un léger écart.

Le vice-président : Quel était-il? Quels étaient les deux taux d'intérêt nominaux? Quel était l'écart?

M. Kapoor : Je n'ai pas ces données concernant la ligne de transport vers les Maritimes.

Le vice-président : L'écart était-il minime?

M. Kapoor : Il y avait une différence. Par exemple, les taux pour le financement de Nalcor variaient de 3,5 à 3,8 p. 100.

Le vice-président : Dans votre exposé, vous avez dit que les consommateurs ont épargné 1 milliard de dollars sur le cycle de vie, ce qui laisse entendre que vous avez émis une hypothèse sur ce qu'aurait été le taux sans la garantie. Quel aurait été le taux?

M. Kapoor : Je ne me rappelle pas. C'est notre conseiller financier qui a fait ces estimations sur l'écart entre les taux. Il l'a réduit, puis rétabli, et le résultat dépassait légèrement 1 milliard de dollars.

Le sénateur Patterson : En ce qui concerne le mandat de Ressources naturelles Canada, particulièrement de CanmetÉNERGIE, en matière de recherche sur l'énergie propre, je me demande si vous vous êtes penché sur les petits réacteurs nucléaires. Un représentant de la société Dunedin Energy Solutions a comparu devant nous et dans son exposé, il a parlé d'installations de l'ère soviétique. Il a parlé des centrales nucléaires flottantes qu'une société russe, OKBM, est en train de construire. Nous savons également que l'idée n'est pas entièrement nouvelle. Dans les années 1960, l'armée américaine a installé un générateur nucléaire de 10 mégawatts sur une barge flottant sur le canal de Panama. Le Canada a des compétences de premier plan dans le nucléaire. Est-ce quelque chose, particulièrement l'idée de batterie nucléaire, que nous devrions considérer comme étant applicable dans le Nord du Canada?

M. Haslip : J'ai de vagues connaissances sur le système dont vous parlez. La sénatrice Seidman a décrit CanmetÉNERGIE, et vous venez de dire qu'il est la source de recherche et de développement se rapportant à l'énergie propre. Souvent, ce qu'on omet de dire, c'est que nous sommes la source de recherche et de développement sur l'énergie propre non nucléaire au Canada, de sorte que nous n'avons pas de programmes portant sur les batteries nucléaires ou sur les petits réacteurs nucléaires ou sur quoi que ce soit de cette nature. Pour ce qui est de déterminer si nous devrions opter pour le nucléaire dans le Nord, c'est une question qui dépasse mes capacités d'entendement.

Le sénateur Patterson : Concernant l'initiative de gazéification de la biomasse dont vous avez parlé, il y a une grande quantité de déchets solides dans le Nord et en général, on ne peut les mettre nulle part et ils ne servent à rien. À Iqaluit, il y avait un dépotoir qu'on appelait le « dumpcano ». L'été dernier, un incendie à cet endroit a produit une énorme quantité d'énergie dans l'atmosphère, je crois, et il a été éteint, ce qui a coûté très cher. Dans le cadre de votre travail, peut-être comme le prototype dont vous avez parlé, avez-vous élaboré une idée de prototype pour la gazéification visant à utiliser les déchets solides, un système que les petites collectivités n'auraient pas de difficulté à maintenir et à gérer? Où en êtes-vous dans vos recherches?

M. Haslip : Je crois qu'il est important de souligner que nous menons ces recherches, mais qu'il y a également des entreprises privées, dont un bon nombre dans le domaine des produits forestiers, comme Nexterra et Kruger. Enerkem travaille également dans ce secteur. Il y a un certain nombre d'acteurs.

Au laboratoire de Canmet ÉNERGIE d'Ottawa, nous avons des installations pilotes de gazéification de la biomasse. Depuis un an, nous faisons des expériences et nous examinons le rendement du système en utilisant de la biomasse agglomérée, dont des déchets solides urbains agglomérés. Nous connaissons donc mieux le rendement du système avec une variété de combustibles de types différents, dont les combustibles résiduaires.

De plus, nous continuons de réaliser des progrès pour que ce soit un système prêt à l'emploi requérant peu d'entretien. Par exemple, nous avons créé un système de goudron et de contaminant trace qui permet d'éviter l'utilisation d'articles de verrerie, de sorte qu'il n'est pas vulnérable aux bris. Toutes les composantes sont en acier inoxydable. Cela nous permet de toujours mieux connaître le rendement du système et nous pourrons évoluer au point où nous aurons un système prêt à l'emploi requérant peu d'entretien.

Le sénateur Patterson : Je veux faire une brève observation, si possible. Je suis ravi d'apprendre que vous vous concentrez sur ce que vous avez décrit concernant les systèmes énergétiques dans les collectivités nordiques et éloignées. Je crois qu'autrement, c'est peut-être quelque chose que nous aurions recommandé. Comment cela s'est-il passé? S'agit- il d'une initiative stratégique du ministre? Quelle est son origine et comment est-ce officialisé?

M. Haslip : Le Programme de recherche et de développement énergétiques est le principal programme financé à partir de services votés par lequel Ressources naturelles Canada finance non seulement les chercheurs de Canmet ÉNERGIE, mais également d'autres chercheurs du ministère et d'autres ministères du gouvernement sur un large éventail de sujets de recherche et développement énergétiques. Non pas dans le cadre de directives du ministère, mais à l'interne, simplement pour essayer de réaliser des économies et d'améliorer le programme de recherche et développement dans son ensemble, nous avons apporté des changements à la gouvernance du programme.

Entre autres, nous avons regroupé toutes nos activités liées à la production d'électricité propre. Au cours de l'exercice 2014-2015, nous avons mené notre processus de planification stratégique afin de définir nos priorités pour les quatre années subséquentes et de choisir les projets sur lesquels nous allions nous concentrer.

Dans le cadre de ce processus, nous avons examiné le bilan, et par la suite, notre comité de direction du portefeuille, que je préside, en est venu à la conclusion qu'un certain nombre de secteurs technologiques et d'intérêts et de projets que nous avons menés auparavant nous amenaient inévitablement à mettre la priorité sur les systèmes énergétiques du Nord. C'est pourquoi nous avons décidé de mettre de côté un volet et de désigner un volet du portefeuille comme un programme sur les systèmes énergétiques dans les collectivités nordiques et éloignées.

Le sénateur Patterson : Merci.

Le vice-président : Sénateur Sibbeston, vous pourriez peut-être faire, de façon courtoise, des suggestions sur la façon d'améliorer l'apparence de la maison? Allez-y.

Le sénateur Sibbeston : L'une des choses que l'on remarque dans le Nord, particulièrement en hiver, c'est la grande quantité de fumée et de chaleur qui émanent des centrales électriques, peu importe où elles se trouvent, ainsi que des divers bâtiments des villes. Je me suis toujours dit que c'est un grand gaspillage d'énergie et de chaleur. D'une manière ou d'une autre, on pourrait s'en servir pour chauffer l'eau et avoir un système permettant de chauffer d'autres bâtiments de la collectivité. Or, les sociétés d'énergie ne semblent se concentrer que sur la gestion de leurs centrales et on n'a jamais rien fait à cet égard.

Est-ce quelque chose que vos fonctions vous permettraient de faire? Les gens du Nord n'aiment pas beaucoup les représentants fédéraux, mais en même temps, seriez-vous en mesure de leur présenter une bonne solution et de leur montrer des moyens d'améliorer les choses à ce chapitre?

Par ailleurs, il y a quelques semaines, un témoin de Fort Providence, M. Phillipp, a comparu devant notre comité. C'est une petite ville d'environ 600 à 800 habitants. On y trouve un restaurant et un hôtel, et ils ont une petite centrale. Ils se servent également de la chaleur perdue et fournissent le chauffage pour tous leurs bâtiments. C'est un modèle unique qui fonctionne vraiment bien et le processus coûte la moitié de ce qu'une société d'énergie est capable de fournir dans la ville. Il nous a dit qu'ils pourraient utiliser cette approche avec de plus grosses machines pour fournir de l'électricité et du chauffage à l'ensemble d'une collectivité. En tant que fonctionnaire fédéral, pourriez-vous envisager de faire ce type de choses et déterminer quelle démarche peut être suivie dans d'autres collectivités du Nord? Il s'agirait également d'utiliser des arbres, par exemple, pour le chauffage. Seriez-vous en mesure de le faire? Toute initiative de votre part à cet égard serait très avantageuse pour le Nord. Je comprends que pour accomplir cette tâche, il faut obtenir l'information et conseiller les sociétés d'énergie ou le gouvernement, ce qui constitue un défi. Avez-vous songé à une telle mesure, ou envisageriez-vous de faire quelque chose de semblable?

M. Haslip : Une fois de plus, il s'agit d'une excellente question. En général, en ce qui concerne la diminution des pertes de chaleur, l'utilisation de la chaleur résiduelle, la cogénération, l'objectif premier peut être de produire de la chaleur et de produire de l'énergie avec la chaleur résiduelle, ou encore de produire de l'électricité et d'utiliser la chaleur rejetée. Je dirais que peu importe laquelle des deux options qui est choisie, tous ces éléments font partie de la solution globale, non seulement pour le Nord du pays, mais également pour le Sud. Tant le laboratoire de Canmet ÉNERGIE d'Ottawa que celui de Varennes, en banlieue de Montréal, comptent des spécialistes de la modélisation et de la mise œuvre de solutions — souvent dans un milieu industriel, mais il pourrait s'agir également d'un milieu résidentiel — pour l'utilisation efficace de la chaleur perdue et la diminution de sa quantité.

C'est une question judicieuse en ce sens qu'elle porte sur les aspects précis qu'il faut connaître, et c'est évidemment très important. Le choix de la solution mise en œuvre dans une situation donnée dépend en grande partie de la source de chaleur. S'agit-il d'une centrale électrique qui produit de la chaleur résiduelle? Eh bien, un certain nombre de solutions peuvent s'offrir. S'agit-il d'une exploitation minière où une production d'énergie à une certaine échelle est nécessaire; ou bien où l'on a besoin de chaleur dans une fonderie? Dans ces situations, c'est autre chose également.

Notre expérience nous a souvent montré qu'il est important de procéder au cas par cas, et c'est ce que nous faisons avec un certain nombre d'acteurs de l'industrie, bien que cela ne soit pas encore le cas dans le Nord, je crois.

[Français]

Le vice-président : J'aurais une dernière question. Évidemment, on en apprend beaucoup sur le sujet, il y a beaucoup de technologies, beaucoup de changements, et il est important d'être au courant. Cependant, souvent la solution peut être plus simple, et il s'agit d'examiner ce qui se passe dans d'autres pays, comme au Groenland, en Norvège, en Suède, et dans d'autres pays froids. Que font-ils? Où en sont-ils rendus en ce qui concerne le développement de l'énergie renouvelable verte? Qu'est-ce qu'on peut apprendre d'eux en matière de technologies?

[Traduction]

M. Haslip : Je suis tout à fait d'accord avec vous. Comme je l'ai déjà dit, nous avons établi un certain nombre de partenariats au sein de l'Agence internationale de l'énergie. Souvent, ces partenariats visent à communiquer et à obtenir de l'information de sorte que nous soyons toujours au courant des mesures prises dans d'autres pays ainsi que des avancées technologiques. Souvent, un élément de notre programme de recherche, particulièrement dans le secteur des bâtiments, du logement, consiste à examiner des solutions qui ont été mises de l'avant ailleurs et à déterminer comment elles pourraient s'appliquer dans le contexte canadien et quels seraient les obstacles possibles et de quelle façon nous pourrions les éliminer.

[Français]

Le vice-président : Vous en reconnaissez l'importance, mais est-ce que cela se fait? Est-ce qu'on le fait? On apprend quelque chose?

[Traduction]

M. Haslip : Absolument, nous apprenons quelque chose. J'aurais du mal à vous parler maintenant en détail de ce que d'autres pays nous ont appris, mais nous jouons un rôle actif dans un certain nombre de collectivités par l'Agence internationale de l'énergie.

M. Leyburne : J'ajouterais seulement que sous l'égide du Conseil de l'Arctique, bien entendu, des discussions ont lieu avec d'autres nations arctiques et nordiques. Elles portent souvent sur la question de l'énergie et des technologies propres, entre autres. Les pays qui participent à cette tribune ont l'occasion de communiquer les leçons qu'ils ont apprises.

[Français]

Le vice-président : Merci à nos témoins d'avoir partagé leurs connaissances avec nous; cela nous sera très utile. Merci à mes collègues.

(La séance est levée.)


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