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NFFN - Comité permanent

Finances nationales

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales

Fascicule 11 - Témoignages du 6 mai 2014


OTTAWA, le mardi 6 mai 2014

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui, à 14 h 34, pour étudier la teneur du projet de loi C-31, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 11 février 2014 et mettant en œuvre d'autres mesures.

Partie 1, articles 33, 38, 39 — Seuils de versement des retenues à la source des employeurs

Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Honorables sénatrices et sénateurs, cet après-midi nous allons continuer notre étude de la teneur du projet de loi C-31, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 11 février 2014 et mettant en œuvre d'autres mesures.

[Traduction]

Aujourd'hui, nous accueillons deux témoins qui viendront nous parler de deux parties distinctes du projet de loi C- 31. Nous travaillons d'arrache-pied pour passer à travers ce projet de loi et pour comprendre l'incidence qu'il pourrait avoir sur différents groupes et différentes organisations, avant de recevoir le projet de loi proprement dit. Nous allons aussi consacrer un certain temps à l'examen des rapports d'autres comités qui se sont penchés sur différentes parties du projet de loi. Pour l'instant, nous poursuivons notre travail sur les parties qui nous ont été confiées, et nous sommes heureux d'accueillir Mme Monique Moreau, directrice des affaires nationales à la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante.

Mme Moreau nous parlera de la partie 1, que nous avons examinée la semaine dernière du point de vue des représentants du gouvernement, et notamment des articles 33, 38 et 39, qui portent sur les seuils de versement des retenues à la source des employeurs. Je signale à mes collègues sénateurs que l'article 33 se trouve à la page 25 du projet de loi.

Nous accueillons aussi M. Ian Lee, qui est professeur adjoint à la Sprott School of Business de l'Université Carleton. Le professeur Lee nous parlera des articles 308 à 310 de la section 21 du projet de loi, laquelle porte sur « les relations de travail dans la fonction publique ». Cette section est abordée à la page 201 du projet de loi.

Nous avons commencé ce matin notre séance d'information technique sur la section 21 en compagnie de fonctionnaires du Conseil du Trésor. Comme nous ne nous sommes pas rendus jusqu'à la fin de cette formation, nous allons vous demander, monsieur Lee, d'être patient avec nous et de nous aider à comprendre.

Commençons tout de suite avec Mme Moreau.

Monique Moreau, directrice, Affaires nationales, Fédération canadienne de l'entreprise indépendante : Merci, monsieur le président.

Comme bon nombre d'entre vous le savent, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, la FCEI, est un organisme non partisan et sans but lucratif qui représente plus de 109 000 propriétaires de petites entreprises réparties dans tout le Canada, qui emploient collectivement plus de 1,25 million de Canadiens et comptent pour près de la moitié du PIB du Canada, soit 75 milliards de dollars. Nos membres sont dans tous les secteurs de l'économie et dans toutes les régions du pays.

Les enjeux qui sont importants pour nos membres peuvent avoir un vaste impact sur la création d'emplois et l'économie. Vous devriez avoir devant vous une présentation de diapositives, et j'aimerais la passer en revue avec vous durant les cinq prochaines minutes.

Le baromètre des affaires de la FCEI est un outil qui permet de brosser un portrait de l'état de l'économie non boursière. À la diapositive 3, le baromètre pour le mois d'avril montre que la confiance des petites entreprises s'est passablement améliorée le mois dernier. L'indice a grimpé d'un point et demi ce mois-ci pour atteindre 65,7, soit le meilleur résultat depuis novembre. Habituellement, l'indice oscille entre 65 et 70 lorsque l'économie croît selon son potentiel. Depuis le début de l'année, les conditions d'exploitation des entreprises ont été stables, sans être d'une solidité hors du commun. Nous pouvons constater des améliorations dans les provinces des Prairies, mais seulement 37 p. 100 des propriétaires croient que leur entreprise est en santé, soit l'un des pires résultats depuis le milieu de 2010, ce qui montre que l'économie est toujours dans un état semi-léthargique.

Pour nous aider à éperonner cette économie anémique, nous croyons que les gouvernements doivent s'attaquer aux problèmes qui préoccupent le plus les petites entreprises de manière à ce qu'elles puissent se concentrer sur l'embauche de personnel et sur la croissance de leurs affaires, ce qui aura un effet stimulant sur l'économie en général. Comme vous pouvez le voir à la diapositive 4, les enjeux prioritaires pour les petits entrepreneurs comprennent le fardeau fiscal global ainsi que l'impact des règlements gouvernementaux et des formalités administratives sur leurs opérations.

Pour la croissance d'une petite entreprise, le versement des cotisations sociales et la préparation des rapports connexes sont des obstacles de taille. En fait, juste pour vous donner une idée de la quantité de formalités administratives dont il faut tenir compte pour le versement des cotisations sociales payées par l'employeur — c'est-à- dire, le Régime de pensions du Canada et l'assurance-emploi —, rappelons qu'un petit entrepreneur doit d'abord passer en revue un document de 61 pages préparé par l'Agence du revenu du Canada.

Je souligne à votre intention que je ne parle ici que de la version anglaise de ce document, lequel explique, entre autres obligations, à quelle fréquence le propriétaire d'une petite entreprise doit s'acquitter de ses charges sociales à l'ARC. Cette fréquence dépend de la taille de la masse salariale. Plus la masse salariale est importante, plus fréquents sont vos versements.

Ce qui complique encore plus la donne, c'est lorsque l'entreprise grandit et qu'elle change de seuil, ce qui se fait souvent à l'insu du propriétaire lui-même.

Nous savons que les règlements gouvernementaux comme les seuils relatifs au versement des charges sociales créent des soucis aux petits entrepreneurs, mais ils ont aussi un impact plus vaste, un impact coûteux. Chaque année, dans le cadre de sa Semaine de sensibilisation à la paperasserie, la FCEI braque les projecteurs sur la paperasserie produite par tous les ordres de gouvernement, laquelle a atteint près de 31 milliards de dollars en 2012, comme cela est indiqué à la diapositive 5. Que représentent 31 milliards de dollars? C'est la facture d'épicerie annuelle de 4,1 millions de ménages. C'est une somme supérieure à tous les revenus de la TPS pendant un an. Cet argent pourrait couvrir l'ensemble des cotisations à l'assurance-emploi pendant un an et demi. Mesdames et messieurs, la paperasserie coûte cher.

La diapositive 6 recense les règlements les plus nuisibles du gouvernement fédéral, lesquels contribuent à ces dépenses de 31 milliards de dollars associés à la paperasserie. Les trois règlements les plus nuisibles sont ceux qui donnent lieu à des versements à l'Agence du revenu du Canada. Soixante-six pour cent des propriétaires de petites entreprises membres de la FCEI ont indiqué que le règlement le plus lourd était la TPS et la TVH. À seulement quelques points derrière, 63 p. 100 de nos répondants ont indiqué que le versement des charges sociales — le RPC et l'assurance-emploi — était le deuxième irritant en importance. Vient ensuite, avec 59 p. 100 des répondants, l'impôt sur le revenu, à la fois l'impôt personnel et l'impôt sur les sociétés, qui arrive en troisième place des impôts les plus fastidieux à remettre.

Comme vous pouvez le voir dans ce tableau, de nombreux autres règlements fédéraux suivent, dont la préparation des relevés d'emploi et les sondages de Statistique Canada, bien que nos recherches démontrent que le fardeau que constituent ces règlements s'est allégé avec le temps, depuis 2005 et 2008.

Compte tenu des résultats de cette recherche et l'impact que la paperasserie a sur notre économie, la FCEI appuie fortement les initiatives qui visent à réduire de façon concrète la paperasserie pour les petits entrepreneurs, y compris le relèvement des seuils relatifs au versement des charges sociales pour les petites entreprises. La réduction de la fréquence des versements à l'ARC signifie pour les entrepreneurs qu'ils pourront consacrer plus de temps à l'exploitation proprement dite de leur entreprise.

Alors les données parlent d'elles-mêmes. La réduction de la paperasserie pour les petites entreprises canadiennes ne permettra pas seulement de faire économiser du temps et de l'argent aux entrepreneurs, mais elle permettra aussi, au final, de faire économiser de l'argent à l'État. La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante appuie sans réserve le relèvement des seuils relatifs au versement des charges sociales pour les propriétaires de petites entreprises, ce qui leur permettra d'espacer leurs versements.

Nous encourageons aussi le gouvernement à envisager d'autres façons de réduire la paperasserie et les formalités administratives, y compris : le recours à des lois, l'instauration de la règle du un pour un — c'est-à-dire que, pour chaque nouveau règlement qu'il met en place, le gouvernement s'engage à supprimer un règlement présentant des formalités administratives équivalentes — et l'utilisation systématique de la lentille de la petite entreprise afin d'assurer que le gouvernement tienne toujours compte de l'incidence que les nouveaux règlements qu'il élabore peuvent avoir sur la petite entreprise.

Merci beaucoup, monsieur le président. Je serai heureuse de répondre à vos questions.

Le président : Merci. Avant de passer à M. Lee, madame Moreau, vous avez utilisé les termes « nuisibles » et « paperasserie ». Sous « nuisibles » étaient énumérés les impôts, les charges sociales pour les employés, l'assurance- emploi, et cetera.

Mme Moreau : Oui.

Le président : Vous ne considérez pas cela comme de la paperasserie? La paperasserie est associée à la fréquence des versements pour les employeurs et à toutes les formalités administratives qui accompagnent ces versements. Incluez- vous le règlement des impôts dans la paperasserie?

Mme Moreau : Nous ne considérons pas cela comme de la paperasserie, même si nos membres vous diront que l'augmentation des charges sociales a une incidence sur leur entreprise. Je fais allusion à la paperasserie nécessaire pour envoyer ces cotisations à l'agence du revenu.

Le président : Je voulais simplement clarifier cet aspect de votre exposé.

Mme Moreau : Bien sûr.

Le président : Le versement est bien entendu le point central de notre étude dans le cadre de ce projet de loi.

Mme Moreau : Dans cette partie, oui.

Le président : Appuyez-vous ce projet de loi, dans sa forme actuelle?

Mme Moreau : Oui, nous l'appuyons. Ces dispositions législatives augmentent de beaucoup les seuils, lesquels n'ont pas suivi le rythme de l'inflation, et c'est ce que cette partie du projet de loi cherche à corriger. Nous appuyons toutes les démarches visant à réduire le temps que les propriétaires d'entreprises consacrent aux formalités administratives accompagnant le versement de ces impôts.

Le président : Cette initiative du gouvernement est-elle le résultat de consultations auprès des membres de votre organisme?

Mme Moreau : Oui, elle l'est. Cette question a été une dimension importante des activités de lobbying que nous avons déployées dans le cadre de la préparation du dernier budget.

Le président : Est-ce que c'est exactement ce que vous avez demandé?

Mme Moreau : Nos demandes ne comportaient pas de chiffres précis. Nous préférons laisser cet aspect à la discrétion de l'organisme de réglementation, qui est le mieux en mesure de prendre ces décisions. Pour nous, c'était important que les responsables examinent les seuils, et c'est ce qu'ils ont fait.

Le président : Merci.

La sénatrice Callbeck : Votre organisme représente 109 000 petites et moyennes entreprises de partout au Canada. Est-ce que ce chiffre a augmenté ou diminué de beaucoup au cours des cinq dernières années?

Mme Moreau : Je ne peux me prononcer avec exactitude au sujet des derniers cinq ans, mais nous gagnons environ 1 000 membres par année depuis les quelques dernières années.

La sénatrice Callbeck : Le nombre de membres ne cesse d'augmenter, c'est bien cela?

Mme Moreau : C'est ce que nous visons.

La sénatrice Callbeck : À la diapositive 5, on peut voir que le coût de la réglementation pour les entreprises canadiennes a diminué et que le nombre d'entreprises a augmenté. En d'autres mots, peut-on attribuer cela aux changements ou à la réduction de la paperasserie?

Mme Moreau : Oui. Nous croyons qu'une partie de cela est attribuable aux efforts déployés par le gouvernement pour informatiser une partie de ses activités et tenter de diminuer la quantité d'échanges nécessaires entre les propriétaires d'entreprises et l'État. Mais, comme vous pouvez le voir, 31 milliards de dollars restent toujours une somme considérable. Nous travaillons à faire en sorte que ce chiffre diminue avec les années. Comme vous le voyez, il a fallu passablement de temps, de 2005 à 2012, pour qu'il commence à diminuer modestement. Alors nous continuons d'encourager le gouvernement à se pencher sur ces problèmes.

La sénatrice Callbeck : Êtes-vous satisfaite de ce projet de loi?

Mme Moreau : En ce qui concerne la partie dont nous discutons présentement, je dirai oui, tout à fait.

Le sénateur Neufeld : Pouvez-vous me dire comment vous êtes arrivés à la somme de 30,9 milliards de dollars qui figure dans votre tableau pour l'année 2012? Comment fait-on ce calcul?

Mme Moreau : Monsieur, ce tableau est tiré de notre plus récent rapport sur la paperasserie, intitulé Le Rapport sur la paperasserie au Canada. Je peux en remettre des copies au comité, si c'est ce que vous souhaitez. Le calcul est fait à partir des résultats de nos propres recherches et de données produites par Statistique Canada, et il rend compte du nombre d'heures passées à interagir avec le gouvernement — on fait ici allusion à tous les ordres de gouvernement — et de ce que ces heures coûtent aux propriétaires. C'est une formule complexe que vous trouverez dans le rapport, dont je peux assurément vous obtenir des copies. Voilà comment nous sommes arrivés à ce chiffre.

Le sénateur Neufeld : Je tiens ici à vous faire part de l'expérience que j'ai eue lorsque j'étais à l'assemblée législative de ma province. Le premier ministre Campbell avait chargé un ministre de supprimer les règlements inutiles. Chaque ministère était tenu de compter chaque disposition législative, et pas seulement les lois, mais bien chaque article et toutes les autres parties. La même consigne s'appliquait aux règlements. L'exercice a permis de réduire l'ensemble de ces dispositions de 35 p. 100 en trois ans. Lorsque je suis parti, ils voulaient instaurer la règle du un pour un. Cela signifiait que les ministres qui souhaitaient instaurer un nouveau règlement ou une nouvelle disposition législative devaient au préalable « faire de la place » en supprimant quelque chose.

Avez-vous vu cela dans d'autres provinces à part la Colombie-Britannique?

Mme Moreau : La Colombie-Britannique est assurément une figure de proue à cet égard. En fait, à notre grand bonheur, le ministre a été surnommé le ministre de la déréglementation, ce que nous avons interprété comme un geste symbolique. Comme le sénateur l'a dit, il a fallu procéder à un dénombrement bien concret. C'est une initiative que nous encourageons le gouvernement fédéral à envisager lui aussi.

La Nouvelle-Écosse a aussi fait une démarche semblable dans le but de comprendre le fardeau qui pesait sur les entrepreneurs. Là-bas, si je ne m'abuse, ils ont demandé à des particuliers de remplir les formulaires du gouvernement. Ils ont comptabilisé les heures qu'il fallait pour remplir chacun des formulaires en circulation et se sont servis de ce total comme point de référence.

La Colombie-Britannique est assurément une meneuse en la matière.

Le sénateur Neufeld : Force est de constater que la démarche aura été grandement utile aux petites entreprises de cette province. Du reste, le fardeau fiscal est presque nul là-bas.

Mme Moreau : Je ne peux pas me prononcer sur le fardeau fiscal particulier à cette province, mais nous savons que le simple fait de procéder à ce dénombrement et d'établir des valeurs de référence en matière de paperasserie est un moyen très efficace de s'attaquer au problème. C'est la raison pour laquelle nous demandons au gouvernement d'inclure des dispositions en ce sens dans un projet de loi et, aussi, de recourir à des choses comme la règle du un pour un — comme elle a été tentée en Colombie-Britannique — pour réduire dans les faits le nombre de règlements qui ont une incidence sur les propriétaires de petites entreprises. Nous savons que, dans bien des cas, le propriétaire d'une petite entreprise assume aussi les rôles de comptable, d'avocat et de président-directeur général, alors nous appuyons toutes les démarches qui visent à alléger le fardeau qui l'attend dans la prestation de tous ces rôles au sein de sa petite entreprise.

Le sénateur Neufeld : Je tiens simplement à signaler à mes collègues du comité que ces choses sont possibles s'il y a une volonté politique d'aller dans cette direction.

Le président : Merci. Ces observations nous seront d'une grande utilité.

Le sénateur Neufeld : Ce sont des choses que nous devrions tous garder à l'esprit. Du reste, je n'ai aucun problème à vanter ma province.

Le président : Plusieurs sénateurs aiment vanter leur province, mais ils ne se bousculent pas pour le faire en ce qui concerne cette initiative. Je salue votre contribution.

En fait, la suppression d'un règlement pour chaque nouveau règlement que l'on souhaite instaurer est une démarche dont vous avez parlé dans votre exposé, madame Moreau.

Mme Moreau : Oui, et c'est une initiative que nous appuyons. C'est une façon d'alléger le fardeau de la réglementation. Et il ne s'agit pas seulement de supprimer un règlement équivalent pour chaque nouveau règlement, mais bien d'en supprimer un qui s'accompagne d'un fardeau administratif équivalent. Si celui que vous supprimez n'est qu'un seul règlement, alors que celui que vous comptez instaurer en échange s'accompagne de nombreuses exigences, cela ne compte pas.

Le sénateur Neufeld : Il faut un travail énorme et un examen des plus sérieux pour être en mesure de faire ce que vous dites. Ce n'est pas une partie de plaisir : « Nous avons reçu la commande vendredi, et le lundi suivant, nous avions terminé. »

Le président : L'une des images évoquées par Mme Moreau était que ces 31 milliards de dollars représentaient une somme supérieure à la TPS. C'est un montant considérable.

Mme Moreau : Oui, ce l'est. Cette somme couvrirait les revenus de la TPS pour un an, la facture d'épicerie annuelle de 4,1 millions de ménages canadiens et l'ensemble des cotisations d'assurance-emploi pendant un an et demi. Cela donne un sens des grandeurs.

Le président : Voilà ce qui devrait nous motiver, même si la tâche s'annonce très difficile.

Le sénateur Neufeld : J'aimerais commenter la diapositive 6, où il est question des règlements du gouvernement fédéral les plus nuisibles. Je vois « Approvisionnement (faire des affaires avec les gouvernements) », à 9 p. 100. Ce n'est pas ce que j'ai l'habitude d'entendre des petites entreprises. En fait, certaines petites entreprises affirment qu'elles n'essaieront même pas de soumissionner pour certains marchés du gouvernement fédéral ou des gouvernements provinciaux à cause de l'ampleur du fardeau administratif que de tels marchés nécessitent. Ces démarches sont tellement fastidieuses. Est-ce que c'est ce que vous avez entendu? Pourquoi cette rubrique ne fait-elle que 9 p. 100 de mécontents? Est-ce qu'ils s'en sont tout simplement débarrassés?

Mme Moreau : C'est exactement pour les raisons que vous avez mentionnées que très peu d'entreprises essaient de faire des affaires avec le gouvernement. Avec les 8 000 entreprises qui ont répondu à ce sondage, ce sont les trois ou quatre versements relatifs aux impôts dont j'ai parlé qui ont été cernés comme étant les plus nuisibles plutôt que le processus de faire des affaires avec le gouvernement, pour la bonne et simple raison que très peu d'entre elles s'y aventurent. C'est un problème qu'évoquent nos membres. Une petite partie de nos membres réussit à faire des affaires avec le gouvernement. C'est un processus très bureaucratique et extrêmement compliqué, et il faut beaucoup de temps avant d'être payé. Nous avons fait des recherches à ce sujet, et nous pourrions en transmettre les résultats au comité si cela peut lui être utile.

Le sénateur Neufeld : En ce qui concerne la TPS et la TVH, selon votre expérience, est-ce que les petites entreprises, à l'instar des entrepreneurs de la Colombie-Britannique, voient un inconvénient à verser deux taxes — la taxe de vente provinciale et la taxe de vente fédérale — plutôt qu'une seule taxe de vente harmonisée? Que vous disent vos membres à ce sujet?

Mme Moreau : Nos membres nous ont dit que la TVH comporte son lot de problèmes, notamment quand vient le temps de l'instaurer. En Colombie-Britannique, on a fait marche arrière, ce qui a compliqué les choses encore plus.

Si l'on ne tient compte que de la paperasserie, il est souvent plus aisé de n'avoir qu'un seul versement. Cependant, certaines provinces ont des arrangements pour récupérer une partie des taxes de ceux qui paient tout à l'Agence du revenu du Canada, mais ce n'est pas une pratique généralisée à l'échelle du pays. Assurément, il est plus simple de n'avoir à préparer qu'un versement.

Le sénateur Neufeld : Merci.

Le président : Au tour maintenant du professeur Lee, qui va nous entretenir au sujet des modifications proposées à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.

Ian Lee, professeur adjoint, Sprott School of Business, Université Carleton, à titre personnel : Merci, mesdames et messieurs les membres du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Je tiens à ce que vous sachiez que je suis un partisan du Sénat. Je fais partie du groupe restreint de personnes qui appuient la Chambre haute. J'ai publié des lettres d'opinion à ce sujet, bien qu'il me faille avouer que je suis aussi professeur titulaire, ce qui signifie que je peux afficher mes convictions sans avoir à me soucier de l'approbation d'autrui. C'est ce qui est vraiment formidable avec les charges de titulaire.

Avant d'aborder les modifications prévues au projet de loi sur l'exécution du budget, je veux mettre carte sur table, car je crois qu'il est important de le faire. Je ne suis en liaison avec aucune société, aucun gouvernement, aucune association industrielle, aucun syndicat, aucun organisme non gouvernemental, aucun parti politique ni avec aucune personne, que ce soit directement ou indirectement. Je ne suis membre d'aucun parti politique et je ne fais aucun don à ces organisations. Je suis membre cotisant de la Carleton Faculty Association, qui est un syndicat dûment accrédité auprès du gouvernement de l'Ontario. J'ai rédigé une thèse de doctorat de 850 pages sur les origines, la croissance et le déclin des fonctions postales de l'État, de 1765 à 1981. La troisième et dernière section de la thèse analysait les origines, l'introduction et l'évolution de la négociation collective dans la fonction publique, au moment où elle a vu le jour, en 1967, sous le gouvernement Pearson.

J'ai publié plusieurs articles dans la publication annuelle de l'Université Carleton, aux Presses de l'Université Mc- Gill-Queen's : How Ottawa Spends, dont un sur la réduction des effectifs dans la fonction publique entamée par le gouvernement libéral au milieu des années 1990 et un autre sur la réduction de la fonction publique initiée il y a deux ans par le gouvernement conservateur. Je publierai un autre article cette année au sujet des cinq ans du Bureau du directeur parlementaire. J'achève la rédaction d'une monographie pour le groupe de réflexion du Macdonald-Laurier Institute, au sujet des options stratégiques qui s'offrent au gouvernement du Canada à l'égard de Postes Canada.

J'ai publié plus de 20 lettres d'opinion dans le Globe & Mail, le National Post, le Financial Post et l'Ottawa Citizen sur divers enjeux relatifs aux politiques publiques. Je suis d'avis que les Canadiens ont le droit de se syndiquer, un droit qui a d'ailleurs été sanctionné par la Cour suprême du Canada. En d'autres mots, je n'appuie pas les lois de retour au travail.

En dernier lieu, je me dois de vous dire que mon père était un fonctionnaire, selon moi, émérite, qui a commencé comme pilote pour l'Aviation royale canadienne avant de joindre les rangs du ministère de la Défense nationale, où il a passé 40 ans à servir le Canada.

Avant de traiter des questions proprement dites, j'aimerais faire un préambule, un exposé général avant de passer aux détails.

Au cours des 40 dernières années, la syndicalisation du secteur privé au Canada a reculé d'environ 16 p. 100 — recul que l'on établit à 7 p. 100 aux États-Unis, soit dit en passant. En comparaison, la syndicalisation du secteur public a augmenté de façon spectaculaire pour atteindre environ 75 p. 100. Ce pourcentage est pour l'ensemble du Canada et pour tous les paliers de gouvernement.

Dans le secteur privé, les freins et les contrepoids dont disposent les syndicats peuvent causer des désagréments économiques aux entreprises et aux directions, et les entreprises peuvent causer des désagréments économiques aux travailleurs. Bref, pour emprunter au jargon technique des relations de travail, l'équilibre des forces est à peu près symétrique. Fait beaucoup plus important, aucune société privée n'a le monopole des biens ou des services. Autrement dit, si les usines de General Motors sont en grève et qu'elles cessent de produire des voitures, je peux toujours aller chez Honda ou Ford ou chez n'importe quel autre manufacturier automobile. Personne n'a le monopole.

Dans le secteur public, c'est le contraire qui se passe. Pour ce qui est des forces — et je suis convaincu que les syndicats verraient les choses d'un autre œil, et cette décision leur appartient —, la dynamique est selon moi renversée et il y a asymétrie, et les syndicats sont en mesure d'entraîner, dans l'opinion publique, des coûts politiques beaucoup plus importants pour les maîtres politiques que sont les membres du Cabinet — une thèse que je défends et que j'ai défendue dans une lettre d'opinion qui sera publiée bientôt. Fait encore plus important, le gouvernement détient ce que le très célèbre chercheur Max Weber a désigné, il y a 100 ans, comme le « monopole de la contrainte légitime ». En termes simples, il n'y a qu'un ministère des Affaires étrangères et du Commerce international et qu'une Agence du revenu du Canada — ce qui est probablement une bonne chose, car je ne peux m'imaginer ce que ce serait s'il y en avait trois. Autrement dit, nous n'avons pas d'alternatives. Tous les ministères sont des monopoles dans leur domaine.

Par conséquent, je répète que bien que les fonctionnaires aient été traités beaucoup moins bien que les employés du secteur privé de 1867 jusqu'aux négociations collectives de 1967, les 40 ans qui ont suivi et qui nous mènent au temps présent ont vu un retour du balancier, et les données d'aujourd'hui sont, selon moi, sans équivoque. J'ai examiné les différentes recherches qui ont été faites à ce sujet, dont celle du Bureau du directeur parlementaire. En moyenne, les fonctionnaires fédéraux du Canada sont à l'heure actuelle mieux rémunérés et ont de meilleurs avantages sociaux et de meilleures pensions que leurs homologues du secteur privé.

Je tiens à souligner que je ne blâme pas les syndicats du secteur public pour cette situation. Je blâme les ministres mous qui ont été à la tête du Conseil du Trésor au cours des 40 dernières années, car ce sont eux qui ont accordé des avantages qui n'auraient pas dû être accordés. Ce n'est pas la faute des syndicats, mais bien celle d'une direction politique qui n'a pas su être à la hauteur.

Les modifications intégrées au projet de loi d'exécution du budget de l'an dernier et à celui de cette année relativement à cette question des relations de travail dans la fonction publique vont un peu plus loin, quoique pas assez, afin de corriger le déséquilibre des forces entre le gouvernement élu et les syndicats du secteur public.

Il faudra cependant faire plus. Si l'on croit comme moi que les fonctionnaires assurent des services essentiels très importants — et en tant que professeur, je me considère aussi comme un fonctionnaire, et nous avons le droit de grève —, alors ces fonctionnaires qui assurent ces services essentiels, donc chacun d'entre nous aux paliers fédéral, provincial et municipal, devraient être désignés comme étant essentiels. S'il y a des postes qui ne sont vraiment pas essentiels, alors le gouvernement devrait envisager de les supprimer. Selon la vision que j'ai de la fonction publique, ces activités sont importantes, voire essentielles, comme l'enseignement ou le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international ou Industrie Canada, et cetera.

Abordons enfin les détails de cette partie du projet de loi. Je suis d'avis que ses articles clarifient et renforcent les changements présentés et adoptés par le Parlement dans le cadre du projet de loi d'exécution du budget de l'année dernière. Les autres amendements règlent en réalité des questions transitionnelles liées à l'instauration par le gouvernement du Canada du droit de désigner des travailleurs et retirent aux syndicats ce pouvoir partagé.

Je vais m'arrêter ici, car je ne veux pas dépasser les cinq minutes qui m'ont été accordées.

Le président : Merci beaucoup.

Il y a une autre section ici. Avez-vous des observations à formuler à propos de l'article 308 qui est lié aux changements apportés l'année dernière à la Loi canadienne sur les droits de la personne et qui extrait les actes discriminatoires des dispositions relatives aux droits de la personne et les transfèrent...

M. Lee : Je suis désolé; je n'ai pas lu cet article. Je n'étais pas au courant que vous souhaitiez que j'en parle.

Le président : C'est l'autre partie de cette discussion.

M. Lee : Je suis désolé. Cela m'a échappé. C'est ma faute.

Le président : Cela ne pose pas de problèmes. Le droit désigné est certainement...

M. Lee : Il est crucial.

Le président : ... la deuxième facette de la section 21.

M. Lee : Right.

Le président : Je vous suis reconnaissant de vos observations à ce sujet, mais ce qui nous préoccupe dans l'ensemble, c'est le fait d'avoir adopté une mesure législative, de l'avoir corrigé un an plus tard et de la corriger de nouveau l'année suivante, toujours à l'aide de projets de loi d'exécution du budget. On penserait qu'il nous serait possible de corriger tout cela en une seule fois. Nous comprenons ce que nous tentons d'accomplir, et nous devrions être en mesure de rédiger la mesure législative requise, mais certaines des étapes semblent être franchies trop rapidement et, par conséquent, nous sommes forcés de rectifier la mesure au cours des années suivantes.

M. Lee : Je ne suis certainement pas ici pour défendre le gouvernement. Les membres du gouvernement peuvent très bien s'expliquer eux-mêmes. Comme j'étudie les processus de négociation collective dans la fonction publique depuis mes études de deuxième cycle, donc depuis à peu près 35 ans, je peux vous dire qu'ils deviennent de plus en plus complexes. Les décisions et les précédents établis par divers tribunaux ont modifié les lois au fil des ans. De plus, il y a différentes unités de négociation.

Le processus de modification a été un gâchis et une bouillie pour les chats. Il aurait dû être ralenti, et tous les changements auraient dû être apportés. Je suppose que c'est à vous d'en décider.

Comme je l'ai indiqué, selon moi, le gouvernement tente de rationaliser les changements et de créer un seul ensemble de règles qui s'appliquera à tous les membres de la fonction publique. En même temps — je ne crois pas que cela soit indiqué, mais c'est ainsi que j'interprète les choses —, le gouvernement s'efforce de corriger l'inégalité du rapport des forces qui s'est accentuée au cours des 40 dernières années, en raison de ce que je qualifie de déséquilibre attribuable à la capacité des syndicats de nuire grandement aux ministres et au gouvernement du moment, qu'ils soient libéraux ou conservateurs, en déclenchant des grèves sur lesquelles le public se prononce.

Je mentionne très brièvement que j'ai été interviewé pour la toute première fois en 1990. Je venais de terminer ma thèse quand les travailleurs de Postes Canada ont entamé une grève. J'étais un nouveau professeur, et les producteurs de CBC/Radio-Canada me poursuivaient. Je ne les connaissais même pas, et je n'étais jamais passé à la télévision. Ils m'ont dit que je devais parler à Barbara Frum ce soir-là, au cours de l'émission The Journal. Cette grève a été très longue et pénible, et elle a été suivie de la grève de l'AFPC.

Ce à quoi je veux en venir, c'est que je conviens avec les syndicats que ce projet de loi réduira leurs pouvoirs, ce qui est approprié, je dirais, parce que le gouvernement n'est pas comme une entreprise privée; il nous représente tous nous, les citoyens.

Le président : Pourriez-vous établir des comparaisons entre le Canada et certains de nos autres amis bien connus, comme le Royaume-Uni ou les États-Unis, en ce qui concerne ce genre de...

M. Lee : Si vous voulez dire en ce moment, non, je ne peux pas. Je suis tout à fait capable de procéder à des recherches empiriques, et je pourrais faire parvenir leurs résultats au comité à la fin d'une période très raisonnable de temps. J'entreprends régulièrement des recherches comparatives entre les États-Unis, le Canada et le Royaume-Uni. Je n'analyse pas vraiment les autres États. Ils suscitent moins mon intérêt, car ce ne sont pas des pays anglophones où s'applique la common law.

Le président : C'est la « période très raisonnable de temps » qui nous pose des problèmes. On nous demandera très bientôt de nous prononcer à ce sujet. Par conséquent, nous devons nous procurer autant de renseignements que possible provenant de diverses sources.

M. Lee : Bien sûr. Les deux observations que je formulerais à votre intention sont les suivantes : premièrement, ces changements sont transitionnels et assurent donc le passage d'un ancien paradigme à un nouveau; et deuxièmement, ces changements retireront en fin de compte des pouvoirs aux syndicats de la fonction publique et feront du gouvernement la seule entité responsable de la désignation des services essentiels, une désignation qui reposera sur des enjeux liés à la sécurité du public.

Le président : Vous avez déclaré plus tôt qu'à votre avis, le gouvernement n'était pas allé assez loin à cet égard.

M. Lee : Au cours de mon préambule, j'ai mentionné que j'étais en train de rédiger une lettre d'opinion en ce moment. Elle n'est pas tout à fait terminée, mais je vais faire valoir dans celle-ci qu'aucun fonctionnaire ne devrait avoir le droit de prendre part à une grève, qu'il soit enseignant, professeur ou instructeur dans un collège, à l'échelle fédérale, provinciale ou municipale. Notre situation diffère énormément de celle du secteur privé. J'appuie entièrement le droit des syndiqués du secteur privé de déclencher des grèves — et c'est ce qu'indique la documentation sur les négociations collectives, en raison de la notion de rapport des forces égal. En effet, dans le secteur privé, les syndicats peuvent faire du tort aux entreprises. En théorie, ils peuvent provoquer la faillite d'entreprises s'ils les maintiennent fermées pendant une période suffisamment longue. De même, la direction peut faire du tort aux travailleurs. Ce rapport des forces n'existe pas dans le secteur public. Les 40 dernières années de l'histoire du Canada l'ont prouvé, et c'est la raison pour laquelle les syndicats ont été en mesure de faire augmenter graduellement la rémunération de leurs membres et d'obtenir, au bout du compte, des salaires, des pensions et des avantages sociaux qui dépassent en moyenne ceux du secteur privé.

Le président : Mme Moreau a parlé de fardeau administratif et de frais généraux. Vous réduiriez beaucoup le fardeau administratif et les frais généraux en déclarant qu'aucun fonctionnaire n'a le droit de faire la grève, et nous ne serions pas forcés de désigner les services essentiels.

M. Lee : J'ai discuté de cette question avec des collègues universitaires et des membres de syndicats du secteur public qui affirment que cette idée est horrible et sans précédent. En fait, il y a déjà de nombreux précédents de cette nature. Les agents de police et les ambulanciers ne sont pas autorisés à faire la grève. À NAV CANADA, les contrôleurs aériens sont désignés comme essentiels. Nous disposons déjà d'un modèle conçu pour traiter avec les gens dont les postes sont désignés essentiels, un modèle qui fonctionne très bien. De plus, un modèle existe également pour les agents de police, les pompiers, les agents de la GRC, et cetera. L'hypothèse selon laquelle il nous est impossible de concevoir un modèle pour régler les différends est simplement inexacte d'un point de vue empirique. Nous en avons déjà un.

Le président : Madame Munroe, avez-vous des observations à formuler à propos de la mesure législative qui nous occupe?

Mme Moreau : Je sais que nos membres nous ont indiqué qu'ils perdaient habituellement des employés au profit de la fonction publique parce que, comme M. Lee l'a mentionné, nos recherches démontrent que, lorsque l'on inclut le salaire et les avantages des fonctionnaires, leur rémunération est 40 p. 100 plus élevée que celle qu'ils toucheraient dans le secteur privé. Si l'on se contente de comparer les salaires, on constate qu'ils sont 17 p. 100 supérieurs. Je pense que ces chiffres s'appliquent au gouvernement fédéral seulement.

Ce qui préoccupe particulièrement les propriétaires de petites entreprises, ce sont les régimes de pension, c'est-à-dire un enjeu distinct de ceux que M. Lee a abordés. Comme les propriétaires de petites entreprises ne bénéficient pas de régimes de pension, ils ont tendance à mal tolérer de regarder leurs voisins, qui sont fonctionnaires et qui ont accumulé des pensions dorées, prendre leur retraite à de très jeunes âges. Ils ont du mal à gérer cette situation.

Le président : Pouvez-vous nous citer le nombre d'employés qui seront touchés par l'initiative dont vous nous avez parlé et qui vise à réduire la fréquence des retenues? Sur combien d'employés aura-t-elle un effet?

Mme Moreau : Cela pourrait toucher facilement tous les employés des petites entreprises canadiennes, parce que tous les propriétaires des petites entreprises qui n'atteignent pas les seuils de versement prévus par la mesure législative pourront effectuer des versements moins fréquemment, ce qui sera une bénédiction pour eux. Cela réduira le nombre de fois où ils doivent s'acquitter des formalités administratives liées aux versements.

Le président : Ne craignez-vous pas que les entreprises continuent de faire fréquemment des retenues à la source, mais qu'elles se contentent de verser ce qu'elles doivent au gouvernement moins souvent?

Mme Moreau : Chaque propriétaire d'entreprise prendra ses propres arrangements. Tout dépend de la fréquence à laquelle il rémunère ses employés et des arrangements qu'il a négociés avec eux. Ces paramètres varieront d'une entreprise à l'autre. Nous avons tendance à ne pas nous immiscer dans la façon dont les propriétaires d'entreprise exercent leurs activités. Nous nous concentrons sur les employeurs et le fardeau administratif qui accompagne leurs versements à l'ARC.

Le président : Oui.

Mme Moreau : Je n'ai pas tenu de livres comptables récemment, mais je présume que des systèmes de paie sont en place pour payer les salaires de vos employés et faire les retenues qui s'y rattachent. En fin de compte, c'est au propriétaire de l'entreprise qu'il incombe de verser les retenues à l'ARC. Si un comptable ou un aide-comptable le fait à sa place et commet une erreur, c'est le propriétaire qui, au final, sera tenu responsable de l'erreur. Ce sont les propriétaires qui portent ce fardeau au bout du compte.

Le président : Si un employé est rémunéré deux fois par mois, mais que ses retenues sont versées seulement une fois par mois, ces sommes peuvent être utilisées pour financer l'entreprise pendant un mois?

Mme Moreau : Cela pourrait s'avérer problématique pour certains des propriétaires d'entreprise qui organisent leurs livres comptables de cette manière, et le gouvernement a exprimé quelques préoccupations à ce sujet. Nous croyons comprendre que, pendant la courte période de transition, cette initiative privera le gouvernement de certaines recettes fiscales. En ce qui concerne les coûts liés aux formalités administratives, ce n'est pas une préoccupation que partagent en ce moment la plupart de nos propriétaires d'entreprise.

[Français]

Le sénateur Rivard : Je voudrais revenir à la présentation de Mme Moreau. Vous avez 109 000 membres qui viennent de petites et moyennes entreprises.

Je n'en suis pas certain, mais je crois que le Canada n'a pas de critère pour qu'une petite entreprise devienne une PME.

Je sais, entre autres, qu'en France, c'est le nombre d'employés ou le chiffre d'affaires qui compte. À votre connaissance, au Canada, on n'a pas ce système. C'est en quelque sorte vous qui décidez parmi vos membres lesquels constituent une petite ou une grosse entreprise. Au Canada, on n'a pas de critères pour déterminer à partir de quel seuil on parle d'une petite ou d'une moyenne entreprise. Est-ce que je me trompe?

Mme Moreau : En fait, tout dépend du ministère au gouvernement.

Le sénateur Rivard : C'est Statistique Canada.

Mme Moreau : Exactement.

Le sénateur Rivard : Mais il n'existe pas de critères. En France, par exemple, une entreprise de 500 employés et plus est considérée comme une PME, ou selon son chiffre d'affaires. Ici, c'est Statistique Canada qui détermine si une entreprise est une PME ou non.

Mme Moreau : On pourrait soulever l'argument que les taxes, le taux d'imposition pour petites entreprises et les crédits d'impôt pour petites entreprises déterminent les caractéristiques d'une PME, dans la mesure où celle-ci utilise ce régime d'imposition.

Le sénateur Rivard : Ceux qui souffrent le plus de la réglementation sont en général les petites entreprises.

Mme Moreau : En effet.

Le sénateur Rivard : Combien de fois par année avez-vous l'occasion de rencontrer ou d'être consultés par le ministre Maxime Bernier, responsable des petites entreprises? À votre avis, avez-vous suffisamment de contacts avec lui ou peu de contacts?

Mme Moreau : Nous tenons plusieurs réunions avec le ministre Bernier. Il est très au courant des problèmes des PME et des sujets connexes.

Le sénateur Rivard : Je sais qu'il porte beaucoup d'attention à la fameuse règle du un pour un.

Mme Moreau : Oui.

Le sénateur Rivard : Je n'ai pas saisi ce qu'est la lentille des petites entreprises. Pourriez-vous nous donner plus de détails sur ce point?

Mme Moreau : La lentille est un outil qui existe déjà aux États-Unis sous le terme de Small Business Checklist. Toute politique créée par le gouvernement doit faire référence à la lentille. C'est-à-dire qu'elle tient compte de l'impact qu'a un règlement sur les petites et moyennes entreprises. Il peut s'agir d'un formulaire trop compliqué pour quelqu'un qui n'est pas comptable. Les grandes entreprises ont accès à des comptables, dans la plupart des cas, alors le problème ne se pose pas. Il peut s'agir du numéro de règlement ou du nombre de formulaires à remplir. Les créateurs de ces politiques réglementaires considèrent l'impact sur toute personne qui doit remplir ces formulaires ou qui est chargée de s'acquitter de ses obligations auprès du gouvernement.

Le sénateur Rivard : Je constate que les enjeux prioritaires sont la réglementation, les formalités, le fardeau fiscal et surtout le déficit.

Mme Moreau : Oui.

Le sénateur Rivard : Vos membres peuvent être heureux de constater qu'on atteindra le déficit zéro très bientôt. Ils seront donc moins préoccupés. Il est donc probable que le taux de 52 p. 100 passe sous la barre des 50 p. 100.

Mme Moreau : On verra.

La sénatrice Chaput : Madame Moreau, j'aimerais en savoir un peu plus sur votre fédération. Dans votre présentation, vous avez indiqué que la fédération augmentait d'environ 1 000 membres par année. Cette augmentation se produit depuis plusieurs années?

Mme Moreau : Je crois que cette augmentation a lieu depuis les trois dernières années. Nous avons grandi depuis notre création en 1971. Au cours des 40 dernières années, le nombre de membres a atteint 109 000.

La sénatrice Chaput : Vous avez des membres dans chacune des provinces et dans les territoires du Canada.

Mme Moreau : Oui.

La sénatrice Chaput : Dans quelle province ou territoire avez-vous le plus grand nombre de membres?

Mme Moreau : À ma connaissance, c'est le Québec, où on compte 24 000 membres.

La sénatrice Chaput : Comment se fait la promotion de votre fédération?

Mme Moreau : Notre fédération est constituée de trois parties. Nous avons des gérants de districts, qui sont vendeurs d'adhésions. Chaque année, une petite et moyenne entreprise doit renouveler son adhésion ou accepter d'être membre de la FCEI. Nous n'acceptons pas de fonds du gouvernement ou d'autres grandes entreprises. Nous n'opérons qu'à partir des frais d'adhésion de nos membres.

Ces gérants de districts ont l'occasion de saisir les enjeux importants pour les entreprises. Nous effectuons, à travers le pays, à peu près 4 000 visites par semaine. Ces personnes frappent aux portes des entreprises partout au pays et effectuent environ 4 000 visites par semaine.

La sénatrice Chaput : Vous parlez de 4 000 visites par semaine à travers le Canada?

Mme Moreau : Oui. C'est vraiment l'occasion de se rencontrer face à face. Voilà une veille façon d'opérer un organisme. Pour nous, il est important d'entendre en personne ce qui est important pour vous en ce moment, comme PME, au Canada.

La sénatrice Chaput : C'est pourquoi vous pouvez affirmer que vos membres appuient certaines sections du projet de loi que vous avez mentionnées?

Mme Moreau : Oui.

La sénatrice Chaput : Car cela les aide en réduisant la paperasserie et ce genre de choses.

Mme Moreau : Exactement. Nous sommes un organisme qui se fonde sur des sondages. Nos membres répondent à un minimum de quatre sondages par année. Dans vos statistiques, vous avez un chiffre à l'appui et le nombre de PME qui ont répondu à la question.

Pour notre rapport sur la paperasserie, nous savons qu'environ 8 000 membres ont répondu à nos questions. Cela nous permet d'examiner les données de façon réelle. Par exemple, on peut diviser les données par taille d'entreprise, par région, par chiffre d'affaires. Nous en sommes capables et nous sommes fiers de notre recherche.

La sénatrice Chaput : Chaque entreprise cotise en fonction de certains critères? Est-ce la même cotisation pour les petites et moyennes entreprises ou dépend-elle de leur budget?

Mme Moreau : Il y a une échelle, et les membres peuvent décider, avec les gérants de districts, ce qui est possible pour eux à chaque année.

[Traduction]

La sénatrice Callbeck : Je m'interroge à propos des frais. Sont-ils calculés en fonction du nombre de travailleurs que l'entreprise emploie?

Mme Moreau : En partie. Comme je l'ai indiqué à la sénatrice Chaput, ils discutent avec leur gestionnaire de district ou leur force de vente afin de déterminer sur une échelle le niveau de cotisation qu'ils sont en mesure de verser cette année-là. Ces frais sont renouvelables. Par conséquent, nous devons visiter tous nos membres chaque année afin de leur rappeler la raison pour laquelle leur précieuse adhésion à la FCEI compte pour nous et leur demander de la renouveler.

La sénatrice Callbeck : Ces frais sont-ils les mêmes dans toutes les provinces?

Mme Moreau : Les mêmes frais s'appliquent à l'échelle nationale. Chaque membre paie des frais différents établis en fonction de ce qu'il a les moyens de payer cette année-là.

La sénatrice Callbeck : Votre budget a-t-il considérablement augmenté?

Mme Moreau : Pour être franche, je ne suis pas aussi au courant de nos finances. Je confie cette responsabilité à notre PDG, Dan Kelly, et à notre vice-président des Finances, mais je crois comprendre que notre budget est en bon état.

La sénatrice Callbeck : C'est formidable. Merci.

Le président : Monsieur Lee, avez-vous le projet de loi sous les yeux?

M. Lee : Oui.

Le président : Je suis à la page 204.

M. Lee : Oui, je pense que je l'ai. J'ai tellement de répertoires dans mon ordinateur que ce n'est pas drôle.

Le président : Quoi qu'il en soit, je peux vous lire ce qui s'y trouve. Il y a seulement trois articles dans la section 21. Je me demande si vous pourriez nous aider à comprendre l'article relatif à l'entrée en vigueur.

Essentiellement, cette mesure législative est censée corriger ou préciser certains aspects qui n'ont pas été abordés dans le deuxième projet de loi d'exécution du budget que nous avons adopté l'automne dernier. Je ne comprends pas l'article 309 sur lequel vos observations portaient et qui est réputé être entré en vigueur le 12 décembre 2013. Cela diffère énormément du paragraphe (1) qui indique qu'au moment de l'entrée en vigueur du projet de loi d'exécution du budget de l'année dernière, les précisions et les amendements apportés par l'article du présent projet de loi entreront aussi en vigueur. Pouvez-vous nous aider à comprendre cette date du 12 décembre 2013?

M. Lee : Comme vous pouvez le constater, cette entrée en vigueur est rétroactive. J'ai parlé à certains membres du personnel du ministère, et je crois comprendre que ce paragraphe a trait à la programmation de la prochaine négociation collective.

Je n'ai pas poussé mon enquête plus loin, mais la disposition a été ajoutée pour gérer la prochaine série de négociations collectives. Il y en a un grand nombre qui approchent. Leur cadre varie en fonction des différents groupes de négociation collective. Je crois comprendre qu'en attribuant à la disposition une date d'entrée en vigueur rétroactive, toutes les unités de négociation seront assujetties au même ensemble de règles.

Le président : Se pourrait-il que le gouvernement ait appliqué la loi comme si elle était claire et que tous la comprenaient depuis la dernière année, ou la dernière année et demie?

M. Lee : Je ne sais pas. Je ne pourrais pas émettre d'hypothèses à ce sujet.

Le président : Voilà qui est intéressant.

[Français]

Le sénateur Rivard : J'ai oublié une petite question tantôt.

Je vois que, quand vous votez sur les politiques, lorsque vous faites des sondages, par exemple, c'est un membre, un vote. Quand vous avez établi ce système, est-ce qu'il a été adopté facilement?

J'essaie de faire un parallèle avec certaines associations que je connais, comme l'Association de la construction du Québec. Je comprends que cela peut porter sur des négociations salariales, mais c'est différent pour les grandes entreprises qui ont 1 000 employés et qui se voient donner le même poids qu'une très petite entreprise où, souvent, le patron travaille avec deux ou trois employés.

Quand le système d'un membre, un vote a été décidé, est-ce que cela a été adopté facilement ou est-ce que c'est remis en question à l'occasion?

Mme Moreau : Je n'ai jamais eu connaissance que cela ait été remis en question. Comme je l'ai expliqué tout à l'heure, tous les membres savent que lorsqu'ils se joignent à la FCEI, voter et répondre à des sondages est en grande partie la façon dont ils expriment leur vote.

Le sénateur Rivard : Je comprends. Il s'agit d'un processus consultatif pour que vous puissiez faire des pressions auprès du gouvernement en faveur de l'allégement. Vous n'avez pas, par exemple, à prendre de décisions. Je prends encore l'exemple de l'Association de la construction du Québec, qui n'est pas d'accord avec un article dans le renouvellement d'une convention collective. Je comprends mieux pourquoi ce système d'un membre, un vote a été adopté. Je vous remercie.

[Traduction]

Le président : Je vérifie simplement si le 12 décembre était la date à laquelle le projet de loi d'exécution du budget a reçu la sanction royale l'année dernière. Il semble l'avoir reçue ce jour-là. La position du gouvernement semble être que la loi a été adoptée, que tous le savaient et qu'il nous suffirait de la nettoyer un peu cette année. La politique a été mise en œuvre depuis le 12 décembre dernier, c'est probablement la raison pour laquelle la date est rétroactive dans le présent projet de loi.

Nous tenterons de confirmer ce fait, mais cela vous semble-t-il logique, monsieur Lee?

M. Lee : Oui.

Pour être franc, je n'ai pas fouillé à fond les détails. Je n'examinais pas la chronologie du projet de loi. J'examinais davantage les politiques décrites dans les amendements que leur date d'entrée en vigueur, qu'elle soit rétroactive ou non, ou la raison de leur rétroaction, le cas échéant.

Le président : Merci.

Chers collègues, c'était tous les noms qui figuraient sur ma liste de sénateurs. Tous comprennent complètement cela.

Nous vous remercions, madame Moreau, et vous, monsieur Lee, d'être venus nous aider à comprendre ces deux parties de cet énorme projet de loi. Merci infiniment de votre présence et de votre aide.

À moins que vous ailliez d'autres demandes à formuler, chers collègues, ceci met fin à notre étude de ces deux parties, ainsi qu'à la séance.

(La séance est levée.)


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