Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule 14 - Témoignages du 10 juin 2014 - matin
OTTAWA, le mardi 10 juin 2014
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui, à 9 h 30, pour étudier la teneur du projet de loi C-31, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 11 février 2014 et mettant en œuvre d'autres mesures.
Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Honorables sénateurs, ce matin nous poursuivons notre étude de la teneur du projet de loi C-31, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget, déposé au Parlement le 11 février 2014 et mettant en œuvre d'autres mesures.
[Traduction]
Comme les membres du comité le savent, cinq autres comités ont étudié la teneur du projet de loi C-31. Tous ont fait rapport de leurs constatations au Sénat. Nous avons entendu les présidents et vice-présidents des comités sénatoriaux permanents des affaires juridiques et constitutionnelles, de la sécurité nationale et de la défense ainsi que des affaires sociales, des sciences et de la technologie.
Ce matin, nous accueillons le président et la vice-présidente du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, le sénateur Gerstein et la sénatrice Hervieux-Payette. Ils discuteront de la teneur des parties 2, 3 et 4 ainsi que des sections 2, 3, 4, 8, 13, 14, 19, 22, 24 et 25 de la partie 6 du projet de loi.
Je demande à nos honorables collègues de récapituler pour nous ce qu'ils ont étudié, constaté et ce qu'ils recommandent maintenant à notre comité de faire, puisque notre comité devra à son tour faire rapport sur le projet de loi. Ils devront ensuite changer de casquette et revenir pour l'examen article par article de toutes ces parties et sections. Nous avons le rapport de leur comité; je demande au sénateur Gerstein de lancer la discussion.
L'honorable Irving Gerstein, président, Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, à titre personnel : Merci, monsieur le président. Je suis heureux de comparaître devant vous en compagnie de la vice-présidente de notre comité.
Comme vous avez dit, notre comité a été saisi de trois parties du projet de loi d'exécution du budget, les parties 2, 3 et 4, ainsi que de 10 sections de la partie 6. Nous avons tenu cinq séances. Nous avons entendu le ministre des Finances, des fonctionnaires et un certain nombre de témoins de l'extérieur. Je me propose de vous donner un aperçu des modifications législatives prévues et de certaines des opinions exprimées par des témoins et des membres de notre comité.
Vous ne serez sans doute pas surpris d'apprendre que certains articles n'ont pas soulevé beaucoup de discussion, contrairement à d'autres. Parlons-en d'abord avant de passer aux deux sections de la deuxième catégorie, c'est-à-dire la section 14 de la partie 6, qui modifie la Loi sur les sociétés d'assurances, et la section 25 de la partie 6, qui modifie la Loi sur les marques de commerce.
Commençons par la partie 2, modification de la Loi sur la taxe d'accise. Le projet de loi propose de modifier l'administration de la TPS et de la TVH et la communication de renseignements. Il exonère des deux taxes : la conception d'un plan de formation pour aider les personnes souffrant d'une déficience mentale; les services de santé tels que ceux d'acuponcture et de naturopathie; les appareils d'optique fonctionnant par voie électronique; les opérations entre personnes morales étroitement liées, par exemple entre sociétés de portefeuille et leurs filiales; et, ce qui intéressera particulièrement beaucoup de personnes, le stationnement à l'hôpital des patients et des visiteurs. Il autorise aussi le ministre à inscrire une personne pour la perception des deux taxes et autorise l'Agence du revenu du Canada à communiquer des renseignements à la police si elle soupçonne la commission d'un crime.
Passons à la partie 3, qui modifie la Loi sur la taxe d'accise et d'autres lois. En ce qui concerne la Loi sur la taxe d'accise, les modifications touchent le mode de calcul des taxes sur le tabac, en augmentant le droit d'accise pour tenir compte de l'inflation, lequel n'avait pas bougé depuis 2002. Elles mettent fin au traitement préférentiel accordé aux cigarettes détaxées, ce qui jouit d'un fort appui de la Société canadienne du cancer, de la Fondation des maladies du cœur et de l'AVC et de l'Association médicale canadienne, qui ont toutes comparu devant nous. Certains ont tenté de faire valoir que la majoration du droit d'accise risquait d'aggraver la contrebande, mais les fonctionnaires du ministère ont minimisé ce risque.
La partie 3 modifie d'autres lois, ce qui permettra à l'ARC de fournir des commentaires au Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada, qui est l'unité du renseignement financier au Canada, sur l'utilité des renseignements fournis par le CANAFE. Cela englobe la déclaration des transferts de fonds électroniques de plus de 10 000 $ pour permettre à l'ARC de recevoir aussi ces renseignements, plutôt que seulement le CANAFE.
La partie 4 modifie le Tarif des douanes. Elle rend permanente une exemption actuellement temporaire qui s'appliquait aux unités mobiles de forage au large, qui avait été établie en 2004. Autrement dit, c'était une exemption continue, qui se répétait d'une année à l'autre. Elle est maintenant permanente. Cette mesure reçoit l'appui réel, je dois le préciser, de l'Association canadienne des producteurs pétroliers, qui en est très heureuse, vu qu'elle lui permettait une planification plus efficace.
La section 2 de la partie 6 modifie la Loi sur la Banque du Canada et la Loi sur la Société d'assurance-dépôts du Canada et elle autorise la Banque du Canada, plutôt que les banques à charte, à fournir des services bancaires à cette société.
La section 3 de la partie 6 modifie la Loi sur les produits dangereux. Elle met en œuvre le système général de classification et d'étiquetage, ce qui nous met au diapason de nos partenaires commerciaux, particulièrement l'Union européenne et les États-Unis.
Je ne voudrais pas omettre de signaler au comité les opinions très tranchées du sénateur Campbell, qui a demandé si le secteur alimentaire ne serait pas réglementé à outrance du fait de ces modifications. Il a semblé particulièrement préoccupé par le fait qu'on a, par exemple, qualifié la farine d'explosive, puisque — d'après lui — toute matière moulue à un degré suffisant de finesse qu'on projette au contact d'une étincelle explose. Il se demandait s'il n'y avait pas lieu de s'inquiéter du fait que ce produit n'était pas visé par la loi sur la sécurité du travail, plutôt que par l'étiquetage des produits dangereux, ce qui, pour le citer encore, n'a aucun sens.
Les fonctionnaires, toutefois, ont souligné le fait que tous les secteurs seraient consultés et que les règlements ne visaient pas l'interdiction de certaines substances comme la farine, mais leur bon étiquetage et leur bon entreposage.
La partie 6 était probablement la partie la moins controversée de toutes. Sa section 4 modifiait la Loi sur l'importation des boissons enivrantes. Elle supprime le dernier vestige de l'époque de la prohibition dans la législation fédérale, l'interdiction d'importer de la bière et des spiritueux d'une province à l'autre. Elle fait suite au projet de loi C- 311 de M. Dan Albas, qui, à la dernière session, supprimait l'interdiction fédérale visant le vin. Encore une fois, je souligne le fait que personne n'y est opposé et qu'aucune observation n'a été formulée.
La section 8 de la partie 6 modifie la Loi sur les douanes, en prolongeant de 30 à 90 jours le délai de présentation d'une demande de révision d'une saisie; elle permet de présenter directement au ministre les demandes de révision, plutôt qu'à un agent de la hiérarchie; et elle en autorise la présentation par voie électronique. Cela vise à traiter efficacement toute question relative à une erreur et à éviter le processus de demande de révision pour des erreurs administratives.
La section 13 de la partie 6 modifie la Loi sur les banques et porte sur le pouvoir de réglementer lié aux instruments dérivés et aux indices de référence. Elle est vraiment bien accueillie par l'Association des banquiers canadiens qui, cependant, ne l'a pas expressément demandée.
La section 19 de la partie 6 modifie la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. C'était une modification très importante pour les membres du Comité des banques. Comme vous pourrez vous le rappeler, ce comité a entrepris un examen important du régime canadien de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, dont il a déposé le rapport en mars de l'année dernière. Ce rapport a amené la formulation de 18 recommandations stratégiques au gouvernement.
Les modifications que renferme le projet de loi C-31 sont en grande partie fidèles à notre rapport — sinon au mot près, du moins thématiquement —, grâce à l'inscription d'un plus grand nombre de secteurs à risque dans la liste des entités déclarantes, à la communication accrue de renseignements à l'intérieur du régime, à la responsabilisation accrue du régime et à l'insistance accrue sur des méthodes axées sur le risque pour combattre le blanchiment de l'argent et le financement des activités terroristes.
Les modifications élargissent la liste et le nombre de types d'entités déclarantes aux casinos virtuels, aux entreprises de services monétaires étrangères et aux services de change de monnaies virtuelles; elles renforcent les obligations concernant la vérification de l'identité des clients et le recours à des procédures de diligence raisonnable au moyen d'une méthode fondée sur l'évaluation du risque; elles rationalisent le respect de la loi et la surveillance, elles renforcent la communication de renseignements entre partenaires du régime; elles augmentent les pouvoirs du gouvernement quant à sa conduite à tenir avec les États et les entités qui présentent un risque élevé.
J'attire particulièrement l'attention du comité sur le témoignage de M. David Murchison, directeur au Secteur financier du ministère des Finances du Canada, qui a dit que son organisation avait attentivement lu notre rapport, celui de l'année dernière, qui l'avait stimulée à plus d'un titre et que les modifications s'inspiraient en bien de notre travail.
Des fonctionnaires du ministère ont ajouté que, en plus du projet de loi à l'étude, des règlements à venir donneraient suite à d'autres recommandations du comité.
Tout compte fait, le Comité des banques est heureux que les efforts répondent en partie à son examen de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes et il attend avec impatience d'autres modifications concrètes.
La section 22 de la partie 6 modifie la Loi sur les droits d'exportation de produits de bois d'œuvre. Elle clarifie le mode de calcul des paiements faits aux provinces. Actuellement, l'administration fédérale reçoit les paiements dus aux provinces et les leur remet, moins les frais qu'elle a encourus. Bien sûr, elle s'en occupe, parce que l'accord sur le bois d'œuvre a été conclu entre le Canada et les États-Unis, autrement dit, entre Ottawa et Washington. Ces modifications permettraient le report des frais fédéraux et leur recouvrement ultérieur, quand un versement doit être fait à une province.
La section 24 de la partie 6 modifie la Loi sur la protection de l'assurance hypothécaire résidentielle et la Loi nationale sur l'habitation et elle permet la prise de règlements interdisant d'utiliser des prêts hypothécaires assurés par le gouvernement à titre de sûreté relativement à des instruments de titrisation non parrainés par la Société canadienne d'hypothèques et de logement. La modification s'applique aux hypothèques existantes et aux hypothèques à venir.
Je vais maintenant attirer votre attention sur deux points qui ont stimulé passablement le débat dans notre comité.
Il s'agit d'abord de la section 14 de la partie 6, qui modifie la Loi sur les sociétés d'assurances. En effet, elle élargit le pouvoir du gouverneur en conseil et modifie celui du ministre pour la prise de règlements concernant la démutualisation des sociétés d'assurance multirisques de ressort fédéral, y compris le processus précédant une réunion spéciale des titulaires admissibles de polices d'assurance, la limitation de la propriété des actions dans une société convertie et l'intervention du tribunal dans le processus de démutualisation. Elle n'autorise pas la démutualisation immédiate des sociétés d'assurance multirisques après l'adoption du projet de loi.
Comparaissant devant le comité, le 1er mai, le ministre des Finances a dit que le gouvernement préparait actuellement un projet de règlement, tandis que les fonctionnaires du ministère des Finances ont insisté sur le fait que la loi devait être adoptée pour autoriser le gouvernement à publier ce projet de règlement et pour s'engager dans une consultation avec l'industrie.
Permettez-moi de préciser d'abord que personne, ni témoin ni autre intervenant, n'a contesté à une société mutuelle le droit de se démutualiser. Le ferment du débat était le devenir des surplus de la mutuelle qui souhaitait se démutualiser.
Par exemple, la société Economical Insurance, dont le siège était à Waterloo, en Ontario, l'une des plus importantes sociétés mutuelles d'assurance du Canada, avait accumulé un surplus estimé à 1,6 milliard de dollars. Actuellement, cet assureur compte 943 titulaires d'un contrat d'assurance mutuelle, dont beaucoup ont des liens avec elle, par exemple des employés ou des courtiers d'assurance qui vendent ses produits, par rapport, en gros, à 800 000 assurés ordinaires. Certains groupes craignent que le surplus ne soit réparti qu'entre ces titulaires de police d'assurance mutuelle.
Des témoins, comme le Groupe Co-operators et l'Association canadienne des compagnies d'assurance mutuelles, ont estimé que les surplus constituent un bien collectif et que, à ce titre, on devrait les réinvestir, soit dans le secteur mutuel, dans son ensemble, par exemple dans la promotion de la création de mutuelles d'assurance, soit dans la communauté, sous forme de subventions ou de dons de charité.
De plus, Economical Insurance qui a annoncé pour la première fois son intention de se démutualiser en 2010 a déclaré que, d'après ce qu'elle comprenait, le règlement exigera un partage élargi des surplus plutôt que seulement entre les titulaires de polices d'assurance mutuelle.
La sénatrice Bellemare, dans un discours bien préparé prononcé mardi dernier au Sénat, a exprimé ses craintes personnelles quant à la répartition du surplus et sa préférence pour une loi, plutôt qu'un règlement, pour résoudre le problème. Mais, encore une fois, je renvoie au témoignage du ministre qui a dit que le gouvernement élaborera un cadre et qu'il entreprendra des consultations avec les parties intéressées. Il a été suivi par ses adjoints, qui se sont engagés à assurer un processus de démutualisation transparent et ordonné qui devrait donner des résultats justes et équitables.
Chers collègues, soyez assurés que le Comité des banques gardera l'œil ouvert pour s'assurer que ce soit bien le cas.
La deuxième cause de débat a été la section 25 de la partie 6, qui modifie la Loi sur les marques de commerce. Elle se rapporte à trois traités que le gouvernement cherche à ratifier — le protocole de Madrid, le traité de Singapour et l'accord de Nice, des endroits qui, je pense, sont certainement intéressants à visiter. La pierre d'achoppement est l'élimination de l'obligation de déclarer l'emploi de la marque de commerce.
La majorité des témoignages et des mémoires exprimaient la crainte que l'élimination de cette obligation ne change radicalement le principe des marques de commerce fondées sur l'emploi au Canada. D'autres ont exprimé la crainte que le simple enregistrement, sans déclaration d'emploi prévu, ne conduise à cette pratique par laquelle on enregistre une marque de commerce sans avoir l'intention de l'employer, uniquement dans l'espoir de la vendre à prix gonflé à un utilisateur ultérieur.
Dans une réponse écrite qui a suivi le témoignage tranché contre les modifications, les fonctionnaires du ministère de l'Industrie ont précisé que l'élimination de l'obligation est une mesure purement administrative, qui vise à réduire la paperasse et les coûts d'enregistrement d'une marque de commerce, ce qui ne devrait aucunement influer sur le principe des marques de commerce fondées sur l'emploi. Ils ont ajouté que le formulaire en vigueur n'avait besoin d'être vérifié par personne et pouvait simplement avoir l'attestation d'un avocat, ce qui entraînait des coûts supplémentaires et que, souvent, les tribunaux ne prêtaient presque pas attention au formulaire mais plutôt à l'emploi réel de la marque de commerce.
Les sénateurs étaient unanimes dans leur désir de maintenir le principe de la marque de commerce fondée sur l'emploi. Le sénateur Massicotte a déclaré en séance que la question était très complexe et que, alors que le gouvernement devait être au courant du problème, il n'y avait aucune raison de retarder l'adoption du projet de loi.
J'ajouterais que la réaction rapide des fonctionnaires du ministère concernant l'élimination du formulaire de déclaration d'emploi me convainc que le gouvernement a suivi les délibérations du comité et qu'il est bien informé de la nature du problème.
Cela conclut mes remarques, monsieur le président, et je suis heureux de céder la parole à la vice-présidente du comité, la sénatrice Hervieux-Payette.
[Français]
L'honorable Céline Hervieux-Payette, C.P., vice-présidente, Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, à titre personnel : Plusieurs d'entre vous avez certainement pris connaissance des différents discours prononcés par des membres de notre comité au sujet de ces questions controversées.
J'aimerais tout de même ajouter un commentaire en ce qui a trait au blanchiment d'argent et concernant notre rapport. Une question est restée en suspens, celle du temps réel, et cela inquiète un de nos membres. Lorsqu'on soupçonne une action illégale, il peut s'écouler jusqu'à 30 jours avant que l'on puisse agir.
Comme tout se fait électroniquement, le membre en question et moi-même partageons l'opinion que, une fois les sommes d'argent transférées, à la seconde près, si l'Agence du revenu du Canada disposait de systèmes — et les systèmes informatiques pour retracer ces transactions suspectes peuvent sûrement être mis en place —, on aurait plus de succès.
À l'heure actuelle, ceux qui ont lu le rapport savent bien que l'on parle d'une somme d'argent de 100 à 170 milliards de dollars de blanchiment d'argent et que moins de 50 millions de dollars ont été récupérés au cours des cinq dernières années. C'est donc un système qui ne fonctionne pas. Je ne dis pas que ce qui est proposé dans la loi ne fonctionne pas, mais en ce qui a trait aux recommandations du comité, cette obligation de fonctionner en temps réel, premièrement, est absolument essentielle. Deuxièmement, il faut une meilleure coordination entre les différents joueurs, et de nombreux joueurs du gouvernement sont impliqués dans ce dossier. Alors, oui, on est heureux, comme dit mon président, mais modérément, en ce qui me concerne, et en ce qui concerne mes collègues. Je pense qu'on pourrait aller plus loin pour effectuer un contrôle.
Au sujet des propos de la sénatrice Bellemare, là où l'on se rejoint le plus, c'est concernant la question de la démutualisation. Je dois quand même vous signaler le fait que la manière d'arriver à régler de façon juste et équitable cette question nous préoccupe, parce que le ministre ne s'est pas donné des pouvoirs précis. Peut-être que dans le domaine de la common law on peut avoir une portée très large, mais je ne crois pas que, dans notre système hybride — un mariage entre code civil et common law —, cette mesure sera acceptée. Il y aura contestation devant les tribunaux, parce qu'on parle d'une somme de plus d'un milliard de dollars. Aussi, on s'embarque dans des frais juridiques représentant des millions de dollars et des délais de plusieurs dizaines d'années. Cela nuira donc à tous les détenteurs.
Il y a une raison pour laquelle ces gens ont accumulé un surplus aussi important : la compagnie existe depuis plus de 100 ans et a mis énormément de temps à bâtir cette réserve. Faisons une supposition. Cette compagnie assure surtout les agriculteurs, parce que les compagnies d'assurance habituelles n'étaient pas disponibles pour assurer les agriculteurs et ils se sont donné les moyens de se protéger contre des sinistres. Le problème, c'est que s'il y avait une sécheresse incroyable ou encore des inondations de très grande envergure, et que des compensations extraordinaires devaient être octroyées par ces compagnies d'assurance — ils se sont assurés contre ce risque pour leurs récoltes —, il pourrait y avoir des milliers d'agriculteurs en difficulté, et le gouvernement serait obligé d'intervenir. D'aucune façon, de la part de la compagnie Economical Mutual, nous n'avons obtenu l'assurance ou même des renseignements sur la façon de distribuer les surplus. On nous a tout simplement dit des paroles rassurantes, mais on ne nous a fait part d'aucun moyen pour nous rassurer. Je pense que c'est du point de vue des moyens que nous aurions pu être rassurés, mais nous n'avons reçu aucune assurance au sujet du fait que les 943 personnes privilégiées pourraient se partager la grande cagnotte.
En ce qui me concerne, ayant œuvré dans le domaine des assurances, je suis d'autant plus inquiète parce que, également, en termes de réserves, peut-être que ce secteur a effectivement besoin de détenir de plus grandes réserves. Si toutes les compagnies privées qui ne sont pas des coopératives n'ont pas envahi ce marché, ce doit être parce que le risque est plus élevé. Je pense que la protection devrait rester; à l'heure actuelle, je suis convaincue de cela et je ne voterai pas en faveur de cette section pour la raison très simple que c'est ultra vires.
En ce qui concerne la section sur les marques de commerce, c'est un secteur que j'ai touché dans ma vie professionnelle. J'ai pris le temps, comme mes collègues, de lire toute la correspondance. Je veux signaler deux faits; on nous a parlé de consultation, mais aucune consultation n'a été menée sur les nouvelles mesures adoptées. Autrement dit, tout le secteur privé qui a été informé de ces mesures n'en avait jamais entendu parler, n'en avait jamais discuté avec le ministère des Finances. C'est tombé sur leur tête lors du budget.
Après avoir effectué de la recherche, on a supposé — même si on n'a pas eu de confirmation absolue — à la lecture de la documentation du gouvernement, que c'était relié à l'Accord de libre-échange Canada-Europe. On sait que le système américain conjugue toutes les ententes que l'on s'engage à respecter, mais qu'il a gardé la mesure d'enregistrement pour s'assurer, en même temps, de l'usage de la marque de commerce. Les Américains ont donc un système hybride, à savoir qu'ils ont signé les ententes.
L'une des choses les plus importantes que j'ai pu retenir, c'est le fait de vouloir adhérer aux ententes internationales. Cela ne s'applique pas à notre structure industrielle canadienne. Il y a seulement les grandes entreprises qui chercheront à enregistrer leurs marques de commerce dans 130 pays. Il y a des coûts reliés à cela, et c'est extrêmement dispendieux.
Donc, si les petites et moyennes entreprises développent un marché, par exemple, canadien, et que leur produit est accessible en France, elles ne prendront qu'une seule mesure pour se protéger en France. Elles n'adhéreront pas à toutes ces ententes.
Je ne m'oppose pas du tout au fait que l'on signe ces ententes, mais je ne pense pas que, malgré nos fonctionnaires qui ont tenu à nous assurer que ce ne sont que des mesures administratives, tous les représentants du secteur privé, de tous les secteurs, sont venus nous raconter des histoires. Ils sont au cœur de l'actualité. Les coûts dont ils sont menacés les préoccupent énormément. Ce sont des entreprises qui œuvrent dans tous les secteurs.
Donc, si on impose à tous les secteurs une mesure qui, en fin de compte, leur est défavorable, je ne comprends pas pourquoi, selon le budget, on continuerait de ne pas respecter la méthode qui fonctionnait, à savoir enregistrer la marque et s'engager à l'utiliser. À toutes fins utiles, je ne pense pas que nous aurions des problèmes avec nos partenaires commerciaux. Nous tiendrions notre parole de signer les ententes, mais en même temps, nous pourrions conserver notre méthode.
En ce sens, il y a aussi un problème juridique entre les pays qui ont adopté la common law et ceux qui adhèrent au droit civil. L'Europe fonctionne majoritairement selon le droit civil, et c'est justement à cause de notre structure juridique canadienne qu'on peut en arriver à affronter des problèmes très importants, puisqu'on tombe dans des juridictions provinciales-fédérales.
Si je résume cette question, je pense que la sénatrice Bellemare a tout simplement suggéré qu'on abandonne certains articles, si je peux me permettre, ou en tout cas, qu'on étudie cette question. Ainsi, dans ce cas, je trouve que le gouvernement n'a pas été jusqu'au bout pour faire cette modification qui, à toutes fins utiles, ne sera pas dans l'intérêt des entreprises canadiennes.
Le président : Merci beaucoup. Il semble qu'il y ait quelques mesures dont nous devons discuter. Je vais commencer avec la sénatrice Bellemare.
La sénatrice Bellemare : J'ai quelques questions et des précisions à apporter aux propose de la sénatrice Hervieux- Payette. Je vais poser toutes mes questions et vous y répondrez dans l'ordre qu'il vous plaira.
Vous avez dit que la section 14 était ultra vires. J'aimerais que vous nous en disiez davantage à ce sujet.
Maintenant, quant à la section 25, je vais commencer peut-être par préciser ma pensée par rapport à cela. La raison pour laquelle j'ai fortement souligné cette section au Sénat, c'est qu'on a fait une étude préalable de ce projet de loi, qui en est à la troisième lecture à l'autre endroit. Il est donc encore temps pour les ministres Moore et Oliver de faire quelque chose.
S'ils ne veulent pas retirer les articles de cette section qui ont trait aux articles 16, 30 et 40 de la Loi sur les marques de commerce, compte tenu du fait que le gouvernement affirme qu'il ne veut pas prendre des mesures purement administratives, étant donné que ce sont des mesures administratives, ils pourraient au moins annoncer officiellement qu'ils vont entreprendre des discussions avec ceux qui s'y opposent pour trouver des ajustements. En fait, ce que demandent ceux qui ont comparu devant nous, ce sont des ajustements à la procédure pour faire en sorte que la déclaration d'emploi, qui est censée demeurer dans notre projet de loi, soit reconnue en tant que telle. En tout cas, si tout cela est administratif, je pense qu'il y a moyen de s'organiser pour rassurer tout le monde. C'était ma vision quand j'ai sonné l'alarme à ce sujet.
Vous semblez dire qu'il y a un lien entre la section 25 et la signature de l'entente avec l'Europe. Mais ici, le ministère dit clairement qu'il n'y a aucun lien entre la signature de l'entente Canada-Europe et la Loi sur les marques de commerce.
Il n'y a pas de lien, mais je voulais savoir pourquoi vous disiez cela.
La sénatrice Hervieux-Payette : Je vais répondre à votre première question sur le sujet de l'ultra vires. En ce qui concerne les pouvoirs que le ministre se donnerait, il faut qu'ils soient précisés dans la loi. On ne peut pas faire des règlements si on ne peut les rattacher à des articles de la loi. Comme les articles ne sont pas dans la loi, il y a un vide juridique. Je dis « ultra vires », parce que, finalement, c'est peut-être un vide juridique, mais c'est aussi important. Je n'ai peut-être pas utilisé le bon terme, mais il serait important que le ministre agisse selon des pouvoirs qui sont clairement édictés dans sa loi.
Quant à la section 25, « Mesures administratives », comme je siège au Comité mixte permanent d'examen de la réglementation depuis plus de 10 ans, là encore, la réglementation doit se rattacher à un projet de loi. À partir du moment où on ne mentionne pas, dans la loi, que l'on va conclure des ententes tout en conservant le système actuel... Alors, quand bien même on aurait négocié ad nauseam avec le secteur privé, on ne pourrait pas aller au-delà de ce que la loi stipule. Ici, la loi ne se prononce pas sur la question de conserver la déclaration d'emploi et l'enregistrement.
Je pense qu'il est important que cela demeure dans la loi. Il s'agit d'une protection pour nos entreprises, et de la protection des marques de commerce que celles-ci vont développer.
Mon collègue parlait plus tôt d'inscrire des noms et d'en faire ensuite un commerce. Je pense que ce n'est pas du tout le but d'un registre des marques de commerce. Il faut savoir qu'il y a évidemment un coût pour entretenir les marques de commerce, et aussi des façons d'y avoir accès. C'est extrêmement complexe, surtout pour les petites et moyennes entreprises. On sait fort bien que les nouveaux produits, l'innovation, nécessitent de nouvelles marques de commerce. Cela m'inquiète.
Vous me demandez également pourquoi j'évoque des problèmes sur le plan juridique. J'ai puisé l'information dans le rapport du gouvernement sur les négociations des accords de libre-échange, où c'est écrit de façon précise. Donc, ce n'est pas parce que je siège au Comité des finances et à celui des banques que je ne lis pas d'autres documents officiels du gouvernement. Mais dans ce document, vous allez retrouver que les marques de commerce ont fait partie de la négociation dans l'accord Canada-Europe.
J'ai donc conclu que, si on modifiait la loi, c'était directement relié à cette question, parce qu'il n'y a pas d'autres choses qui ont changé par rapport aux marques de commerce.
Je peux comprendre qu'il y a une logique. Il faut savoir que l'un des traités est en vigueur depuis 20 ans et qu'on n'y avait pas adhéré; on aurait pu, cela n'aurait pas nui. Ce qui est important, c'est de conserver, à l'heure actuelle, le système qui protège nos entreprises. Je prétends que c'est essentiel pour assurer la viabilité de nos entreprises et de l'innovation.
Est-ce que cela répond à vos questions?
La sénatrice Bellemare : Oui.
[Traduction]
Le président : Sénateur Gerstein, avez-vous autre chose à ajouter?
Le sénateur Gerstein : Non. C'était très bien décrit.
Le président : La parole est à la sénatrice Callbeck, de l'Île-du-Prince-Édouard.
La sénatrice Callbeck : Merci, monsieur le président et merci à vous d'être ici ce matin. C'est une question très complexe, mais je tiens à m'arrêter particulièrement à la section 14 de la partie 6, parce que, dans ma province, il existe une mutuelle d'assurance, la PEI Mutual Insurance, fondée il y a environ 130 ans, principalement par quatre agriculteurs qui ne pouvaient pas s'assurer ailleurs ou, sinon, moyennant des primes exorbitantes.
C'est donc une entreprise extrêmement importante, qui compte beaucoup d'assurés dans ma province. Non seulement elle vend de l'assurance, mais, aussi, elle est très présente dans la communauté. Elle subventionne toutes sortes de causes et, aussi, elle procure des emplois.
Bien entendu, ils préfèreraient qu'il n'y ait aucune loi sur la démutualisation.
Si le gouvernement insiste, ils estiment que cela devrait se faire dans un projet de loi distinct, car cela permettrait d'entrer dans les détails plutôt que de le faire dans le cadre d'un projet de loi omnibus contenant une panoplie de mesures.
Toutefois, s'il faut modifier ce projet de loi, ils ont exprimé des préoccupations. La PEI Mutual Insurance Company a témoigné devant un comité de la Chambre des communes et y a présenté un mémoire. L'Association canadienne des compagnies d'assurance mutuelles a témoigné devant le Sénat.
Essentiellement, vous avez traité de leurs préoccupations ou les avez mentionnées à la page 18 : toute proposition de démutualisation fasse l'objet d'un quorum à majorité qualifiée et de seuils d'approbation. Ces organismes considèrent que les excédents d'une société mutuelle d'assurances multirisques sont un bien commun accumulé au fil de nombreuses générations qui devrait demeurer au sein du système des mutuelles d'assurances et que tout problème lié à une proposition de démutualisation soit résolu par des représentants élus et non pas des tribunaux.
Je pense que ce sont des demandes plutôt justes et je suis certainement d'accord sur les préoccupations qu'ils ont exprimées, car je pense que ces demandes sont plutôt justifiées. Je suis tout à fait d'accord avec eux par rapport aux préoccupations qu'ils ont exprimées, parce que je suis conscient de l'importance de la PEI Mutual Insurance Company pour notre province. Je n'appuierai donc pas l'adoption de cette section.
À la page 17, vous parlez de consultations publiques tenues en 2011 avec le ministère des Finances qui portaient sur cet enjeu précis. Avez-vous une idée de l'étendue et des résultats de ces consultations?
Le sénateur Gerstein : Je ne peux dire ce qu'il en était dans le passé. Sénatrice Hervieux-Payette, êtes-vous au courant?
La sénatrice Hervieux-Payette : Au sujet de la consultation, sénatrice Callbeck, je ne crois pas que nous étions au courant que de vastes consultations avaient eu lieu avant les modifications. En outre, il faut savoir que l'on traite d'un cas particulier, tandis que lorsque l'on adopte un projet de loi, il s'applique normalement à l'ensemble des sociétés mutuelles. Il ne s'applique pas seulement à l'une d'elles; c'est donc pour cette raison que nous voulons que le cadre soit mieux défini.
Les conditions dont vous parlez auraient dû être prévues dans la loi. Comme vous l'avez indiqué, le quorum à majorité qualifiée devrait être l'une des conditions et il devrait y avoir diverses conditions qui tiennent compte du fait que les excédents sont un bien commun et de la façon de les répartir. Cela entraînera de graves conflits, et c'est pourquoi cette section... Le ministre dit qu'il va le réglementer, mais il n'a pas ce pouvoir parce que ce n'est pas inscrit dans le projet de loi. Cela me préoccupe énormément.
La sénatrice Callbeck : Je suis d'accord avec vous sur ce point.
Votre comité a-t-il discuté de la possibilité de retirer cet élément pour en traiter dans un projet de loi distinct?
Le sénateur Gerstein : Je pense que cette discussion relève du Comité des finances et non du Comité des banques. Essentiellement — comme vous l'avez vous-même indiqué — le Comité des banques a le mandat de transmettre les témoignages à ce comité, mais pour ce qui est de l'enjeu que vous soulevez, soit de savoir comment la question devrait être abordée, je crois que cela relève du Comité des finances.
La sénatrice Callbeck : Toutefois, les témoins que vous avez entendus au comité ont-ils été nombreux à exprimer cette préoccupation?
La sénatrice Hervieux-Payette : Puis-je répondre à cette question? Oui, ils étaient nombreux, mais vous devez comprendre que lorsque nous avons préparé le rapport — certains comités ont fait de suggestions, des recommandations, et cetera —, nous avons convenu de faire rapport de témoignages seulement et de ne pas présenter de recommandations. Vous laissez maintenant entendre que nous avons recommandé le retrait, tandis que notre rapport ne contient aucune recommandation. Nous avons seulement consigné les témoignages des nombreux témoins que nous avons entendus sur cette question. Je dirais que le témoin le moins crédible — je parle pour moi —, c'était la présidente de la société Economical Insurance; elle ne nous a pas fourni une indication claire de sa position.
La sénatrice Callbeck : Très bien, merci.
Le président : Merci. Je regarde la page 17. C'est la section 14, sur la démutualisation. Si je consulte la transcription des délibérations de votre comité, pourrais-je y trouver le cadre proposé pour la démutualisation lors de la consultation publique de 2011?
Le sénateur Gerstein : Monsieur le président, je n'ai pas souvenir d'une discussion exhaustive, s'il y en a eu, au sujet de la consultation de 2011. Sénatrice Hervieux-Payette?
La sénatrice Hervieux-Payette : Non, non.
Le sénateur Gerstein : Je ne pense pas qu'il en ait été question.
La sénatrice Hervieux-Payette : On nous a dit qu'il y aurait des consultations sur les règlements, mais ce sera ultérieurement, bien entendu.
En fait, je ne me rappelle pas de consultations sur cette question précise en 2011.
Le président : Eh bien, on y mentionne un « cadre proposé », tandis qu'on lit ceci plus haut sur la page : « Le ministre des Finances a indiqué que le gouvernement fédéral travaille à l'élaboration d'un cadre [...] et qu'il mènera des consultations. » Donc, c'est dans le futur.
La sénatrice Hervieux-Payette : Oui.
Le président : C'est ce que j'ai compris pendant que le sénateur Gerstein faisait son exposé. Le ministre a dit : « Adoptez le projet de loi, nous proposerons des règlements, puis nous tiendrons des discussions à ce moment-là. » À mon avis, c'est là le nœud du problème : tient-on des discussions avant l'adoption de la mesure législative, ou après?
À cela s'ajoute le fait que cette mesure législative est proposée dans un projet de loi d'exécution du budget, ce qui signifie qu'aucun élément ne peut être divulgué avant le dépôt du projet de loi. Par conséquent, nous nous retrouvons avec le problème de la présentation de ce genre de chose dans un projet de loi d'exécution du budget, ce qui empêche toute discussion préalable avec l'industrie et les intervenants.
Le sénateur Gerstein : Par rapport aux consultations de 2011, je crois comprendre qu'il s'agissait uniquement de consultations. À ma connaissance, on n'a présenté ni rapport ni règlement à ce moment-là. Je crois aussi comprendre que pour pouvoir présenter des règlements, comme l'exige la Loi sur les sociétés d'assurances — s'il y a démutualisation —, le ministre doit y être autorisé par ce projet de loi. Il ne peut les présenter sans projet de loi. Il ne peut pas présenter de règlements.
Le président : Il ne peut y avoir de règlements sans projet de loi. Non, en effet; je comprends. Le projet de loi est la priorité et la réglementation en découle.
Le sénateur Gerstein : Exactement.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Ce que je voulais dire, c'est que, lorsqu'il y a une demande de démutualisation, la loi prévoit que le gouvernement doit établir des règlements. Donc, le projet de loi C-31 habilite le ministre des Finances à réglementer, sauf que ce que la loi énonce clairement, c'est que les règlements établis devront gérer les droits de propriété.
Je vais vous citer le texte de la loi en anglais et en français. De cette façon, ce sera plus clair.
[Traduction]
« Governing the ownership of shares issued by a mutual company that has been converted into a company with common shares, including limiting the circumstances in which the minister may give approval under subsection. »
[Français]
En français, on dit ce qui suit :
Régir la propriété des actions d'une société mutuelle transformée en société avec actions ordinaires, notamment limiter les circonstances dans lesquelles le ministre peut donner l'agrément visé au paragraphe [...]
Il s'agit du paragraphe 211(2). Et au paragraphe précédent, on dit « régir le processus précédant la convocation de l'assemblée extraordinaire [...] ». Donc, le gouvernement doit établir des règlements, mais sur des droits de propriété qu'on ne connaît pas, ce qui, entre guillemets, peut poser problème.
Les consultations en 2011 se sont tenues pendant l'été. J'ai consulté quelques-uns des mémoires qui avaient été soumis à l'époque, notamment, ceux du Québec. Certaines institutions québécoises ont présenté des mémoires, et leur position était unanime selon laquelle le surplus des coopératives ou des mutuelles est un bien commun.
Le Québec a légiféré à ce sujet. Donc, les mutuelles québécoises qui relèvent de la compétence provinciale n'ont pas à craindre, parce que le précédent qui sera créé ne s'appliquera pas aux mutuelles provinciales québécoises. La loi québécoise est très claire : le surplus des coopératives doit retourner soit à une autre coopérative, soit à l'Association des coopératives.
Le cas s'est déjà présenté pour une grande mutuelle, La Laurentienne, je pense. À un moment donné, elle s'est démutualisée et son surplus a été versé à la Caisse Desjardins. Cette dernière a utilisé le surplus pour démarrer d'autres assurances par action. Mais c'est toujours le gros fonds de mutuelle qui est de propriété collective qui est utilisé. C'est un peu comme une église qui a été construite au fil du temps. Si elle est appelée à disparaître, est-ce qu'elle appartient à ceux qui en sont membres ou s'il s'agit d'un bien commun, un lieu de culte? Bref, le gouvernement crée des règlements et mène ensuite des consultations. On a l'impression de se retrouver dans une espèce de vide, parce que la société Economical s'appuie sur le précédent des compagnies d'assurance vie. C'est là où la problématique est différente par rapport à l'assurance vie et à l'assurance dommages. Voilà où on en est.
[Traduction]
Le sénateur Mockler : Le projet de loi a deux effets. Le gouvernement doit assumer la responsabilité de la mise en place d'une structure relative à la démutualisation, parce qu'il s'agit, le cas échéant, d'un processus de transformation d'une société mutuelle en société par actions.
Pour le législateur ou les parlementaires, le processus consiste à inclure dans le projet de loi... Puis, pour revenir à votre commentaire, monsieur le président, on lit à la page 17 que le ministre a indiqué que le gouvernement fédéral travaille à l'élaboration d'un cadre pour la démutualisation des sociétés mutuelles d'assurances multirisques. Si c'est le cas, il ne peut y avoir de réglementation avant l'adoption d'une loi. La réglementation suivra l'adoption d'une loi. Dans le cas présent, le processus dont il est question, c'est que le ministre a indiqué qu'un mécanisme sera mis en place.
Ma question s'adresse au sénateur Gerstein : selon vous, étant donné ce processus, à quel moment le gouvernement mènera-t-il des consultations au sujet de ce cadre?
Le sénateur Gerstein : Les consultations auront lieu après la publication des règlements. Les consultations permettront de savoir si le cadre qui aura été établi assure transparence, justice et équité aux sociétés mutuelles qui ont pris tant d'années à bâtir. Dans le cas contraire, aller de l'avant serait risqué.
Voilà ce qu'il en est, à mon avis.
La sénatrice Hervieux-Payette : Je pense qu'il y a une différence. Je ne sais pas combien ont un diplôme en droit, mais je dis simplement que je conviens que la réglementation vient après la loi. Ce que je dis, c'est que rien dans la loi n'appelle l'adoption de règlements. Voilà pourquoi nous disons qu'il était nécessaire de mener des consultations pour savoir quels devraient être les principes directeurs de la loi, pour que la distribution soit faite de façon équitable et conformément à l'esprit du mouvement coopératif. Actuellement, rien dans la loi ne donne une quelconque indication à cet égard. Je me demande donc à quoi le ministre liera cette réglementation.
Cela s'applique même aux règlements, en supposant que la loi est adoptée. Je pense qu'il devra consulter les gens avant d'adopter des règlements, car comment pourrait-on mettre en place des règlements sans consulter le milieu coopératif pour savoir ce qu'il pense de la forme que devrait prendre la réglementation à l'avenir?
Dans les deux cas, les principes doivent être énoncés dans la loi, et nous devrions avoir des consultations. Comme le président l'a indiqué il y a quelques minutes, cette section du projet de loi devrait faire l'objet d'un projet de loi distinct et le milieu coopératif devrait être consulté, car cela s'applique à toutes les coopératives du pays. Cela établirait un mécanisme auquel elles pourraient avoir recours à l'avenir, si elles optaient pour la démutualisation. On ne peut procéder au cas par cas. Je dirais que c'est plutôt inefficace, car la société Economical ne nous a fourni aucune information sur ses intentions et sa direction.
Sénatrice Bellemare, mon bureau m'a envoyé un document sur l'accord de libre-échange du gouvernement. On y indique :
Si les sociétés européennes veulent faire des affaires au Canada, elles se doivent de protéger leur propriété intellectuelle : soit les brevets, les marques de commerce, les plans de conception, les droits d'auteur et les indications géographiques.
L'accord négocié entre l'Union européenne et le Canada comporte un important chapitre sur la propriété intellectuelle.
J'ajoute une autre citation, tirée du début d'un paragraphe :
Pour ses produits vendus au Canada, l'Union européenne veut accroître le niveau de protection et d'application des droits de propriété intellectuelle, pour atteindre des niveaux comparables à ceux de l'UE.
Je disais simplement qu'ils ont un accord avec les États-Unis et que nous aurions pu harmoniser notre politique à celle des États-Unis — où il y a aussi la common law — simplement pour nous assurer de ne pas nous retrouver dans un chaos juridique à l'avenir. Il pourrait aussi y avoir des divergences d'opinions au pays lorsque le gouvernement retirera la question. Ce n'est pas un aspect de nature administrative. C'est un pilier de l'application de la marque de commerce.
Le président : J'ai deux points. Vous êtes passée à la section 25.
La sénatrice Hervieux-Payette : Non, mais j'ai l'information sous la main. Je voulais que cela figure au compte rendu.
Le président : Je comprends, mais pour notre compte rendu, nous traitions de la section 14 et vous êtes maintenant rendue à la section 25.
La sénatrice Hervieux-Payette : D'accord.
La sénatrice Eaton : Sénateur Gerstein, la sénatrice Bellemare a soulevé un point intéressant sur le fait que le Québec a adopté une réglementation pour les sociétés mutuelles et les coopératives de la province. Je me demande quelles autres provinces ont emboîté le pas, et aussi — c'est une hypothèse à laquelle vous ne pourrez peut-être pas répondre — si le ministre fédéral cherchera à savoir comment s'appliquent ces règlements dans chacune des instances pour en tirer des leçons. Avez-vous des commentaires à faire à cet égard?
Le sénateur Gerstein : Outre le Québec, sénatrice, je ne sais pas quelles provinces — s'il y a lieu — ont des règlements en matière de démutualisation. Je suis convaincu que le ministère des Finances et le ministre examineront tous les régimes existants.
Je souligne aussi que selon ce que j'ai compris, cela autorisera, dans les faits, le ministre à mettre en place des règlements. On prépare d'abord une version préliminaire des règlements, qui sera publiée et diffusée, puis il y aura des consultations. Il ne s'agit pas de règlements définitifs. On crée un cadre pour la version préliminaire des règlements, et cela fera l'objet de consultations.
Le président : J'espère que vous avez raison. Sénatrice Bellemare?
La sénatrice Eaton : Je voulais simplement ajouter un commentaire sur ce qu'il a dit, mais cela ira.
[Français]
La sénatrice Bellemare : J'aimerais simplement ajouter que les provinces n'ont pas de réglementation sur la démutualisation, à l'exception du Québec. C'est M. Alphonse Desjardins qui, vers 1910, a encouragé l'adoption de cette réglementation, parce qu'il voyait loin. Quant aux autres compagnies, au moment où les modèles grossissaient, personne ne croyait qu'elles accumuleraient d'importants surplus. Il y a donc eu un vide législatif là-dessus.
Le président : Il est très utile d'avoir des membres bien informés. Merci beaucoup.
[Traduction]
J'ai une autre question. Pour revenir à la section 25, sénatrice Hervieux-Payette, pourriez-vous nous dire quel document vous avez cité? Je ne savais pas que l'accord de libre-échange entre l'Europe et le Canada avait déjà été rendu public.
La sénatrice Hervieux-Payette : Non, il s'agit d'un document de source officielle; je vais le fournir à la greffière.
Le président : Merci. S'agit-il d'une hypothèse de ce qu'il pourrait contenir, ou est-ce réel?
La sénatrice Hervieux-Payette : Non, non.
Le président : Parce que l'accord n'a pas encore été rendu public; les négociations ne sont pas terminées.
La sénatrice Hervieux-Payette : C'est un document officiel de la Commission européenne intitulé The EU's Free Trade Agreement with Canada and its Intellectual Property Rights provisions. Je vais vous le fournir.
Le président : Ce sera intéressant. Merci de nous en avoir informés. Je crois comprendre que j'ai interrompu la sénatrice Eaton avant qu'elle ait terminé de poser ses questions.
La sénatrice Eaton : C'était très généreux, monsieur le président.
Le président : Je vous présente mes excuses.
La sénatrice Eaton : Sénateur Gerstein, j'ai toujours trouvé qu'il était normal, dans le cas d'autres mesures législatives que nous avons adoptées, que la réglementation vienne après la mesure législative. N'est-ce pas ce que vous comprenez?
Le sénateur Gerstein : Eh bien, ce que je comprends, c'est que la réglementation ne peut être publiée avant qu'une loi n'ait été adoptée.
Le président : En ce qui concerne la section 25, qui porte sur la propriété intellectuelle et la Loi sur les marques de commerce, Manufacturiers et Exportateurs du Canada, la Chambre de commerce du Canada, Bereskin and Parr — je connais Dan Bereskin depuis de nombreuses années comme étant un avocat hautement respecté dans le domaine de la propriété intellectuelle —, la Fédération internationale des conseils en propriété intellectuelle et l'Association du Barreau canadien ont tous soutenu que cette section devrait faire l'objet d'un projet de loi distinct pour que nous puissions on discuter, parce que l'élimination de l'obligation d'employer la marque avant son enregistrement modifie profondément le droit canadien. J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet, uniquement aux fins du compte rendu. Cela se trouve aux pages 27 et 28 de votre rapport.
Parmi les points soulevés, celui que je trouve le plus intéressant est l'argument selon lequel sans l'obligation d'utilisation, le gouvernement fédéral perd sa compétence en matière de commerce. C'est un argument intriguant auquel je souhaite réfléchir. Pouvez-vous nous donner des explications à cet égard? Du moment qu'un gouvernement fédéral abandonne une exigence d'utilisation, il n'existe plus de motif lié au commerce pour l'adoption de lois en matière de marques de commerce.
Le sénateur Gerstein : Monsieur le président, je vais céder la parole à la vice-présidente, qui en connaît beaucoup plus à ce sujet que moi.
La sénatrice Hervieux-Payette : C'est à ce moment que j'ai parlé de...
[Français]
La sénatrice Hervieux-Payette : C'est ce que je disais à propos du problème juridique entre droit civil et marques de commerce. Selon la façon dont les marques de commerce étaient administrées, cela devenait un sujet de compétence provinciale qui pouvait devenir d'intérêt fédéral. Dès que vous enlevez cet aspect, vous mettez un gros nuage, surtout parce qu'il existe autant de grandes entreprises, de chambres de commerce et de barreaux. On dit qu'il y a 170 spécialistes canadiens de la propriété intellectuelle. Il faut savoir qu'il s'agit d'un volet très pointu du droit.
La propriété intellectuelle est un tout, elle est vitale à une économie moderne. Dans un pays où il n'y aurait pas autant d'universités, de diplômés universitaires et de nouvelles entreprises, l'impact ne serait pas le même qu'au Canada. Ici, c'est l'ensemble de la propriété intellectuelle qui semble être mise en péril. De plus, le gouvernement fédéral risque de perdre sa juridiction. C'est ce que les États-Unis ont conclu en conservant cet engagement, c'est-à-dire d'enregistrer et d'imposer le devoir d'usage. Sans cela, il pourrait y avoir absence de juridiction fédérale à ce chapitre.
Il ne s'agit pas nécessairement d'une mesure administrative simple comme le prétendent les fonctionnaires. Parfois, le bras droit ne sait pas ce que le bras gauche fait. Ceux qui négociaient l'accord de libre-échange et ceux qui rédigeaient le budget ne communiquaient pas nécessairement entre eux. C'est une situation qui se produit au sein de notre gouvernement tout comme dans les grandes entreprises.
Je pense qu'on aurait dû se montrer prudent en allant chercher des avis juridiques. Mais si les États-Unis ont décidé d'entériner tous les traités et ententes, et de conserver leur système, je pense qu'ils l'ont fait dans un souci de droit commun. Autrement, ce serait tombé sous la juridiction de chaque État. Et comme le pays compte plus de 50 États, cela créerait une grande confusion.
Le Canada a intérêt à ce que cela demeure de compétence fédérale pour simplifier la vie de ses entreprises. Si l'adoption de la loi engendre toutes sortes de complications, c'est toute l'économie canadienne qui est à risque.
[Traduction]
Le sénateur Gerstein : Monsieur le président, je ne suis pas avocat, mais je sais que vous, si. Or, je crois comprendre qu'une marque de commerce doit être enregistrée auprès de l'Office de la propriété intellectuelle du Canada même si le formulaire de déclaration d'emploi a été éliminé. En cas de litige devant les tribunaux, le titulaire de la marque de commerce devra fournir la preuve de son utilisation.
Le président : C'était le cas jusqu'à maintenant. La question est maintenant de savoir si cela demeurera ainsi. Voilà ce qui préoccupe l'industrie.
Vous avez parlé de chasseurs de brevets. On parle d'entreprises ou de personnes qui enregistrent des marques de commerce qu'elles n'ont aucunement l'intention d'utiliser pour ensuite essayer de les vendre à des entreprises qui désirent avoir un droit d'utilisation pour l'une de ces marques, comme on aurait pu le faire avec Lululemon il y a 5 ou 10 ans. C'est arrivé dans le cas des Blue Jays. Je me rappelle que lorsque l'équipe a été créée, des gens émettaient des hypothèses sur le nom du club de baseball. Un certain nombre de personnes ont enregistré divers noms en espérant faire un coup d'argent, en vendant le nom aux nouveaux propriétaires du club. Vous vous en souvenez peut-être, sénateur Gerstein.
L'autre point qui a été soulevé — et je ne sais pas si vous avez fait un suivi à cet égard —, c'était que les États-Unis ont mis en œuvre ces trois traités internationaux en maintenant leurs lois. Ils n'ont pas été obligés de modifier leur loi fondamentale, qui exige l'utilisation. Pourquoi éliminons-nous cette exigence? Est-ce uniquement pour des raisons administratives? Le traitement d'un affidavit d'emploi de la marque a un coût. Cela ne semble pas vraiment un motif valable de modifier fondamentalement le principe de la loi par rapport aux marques de commerce.
Avez-vous examiné la question? Vous avez abordé la question dans votre rapport.
Le sénateur Gerstein : En effet, monsieur le président. Comme je l'ai indiqué plus tôt, le comité a choisi de présenter les témoignages que nous avons entendus. De toute évidence, nous avons entendu les témoignages des divers intervenants que vous venez de mentionner à l'instant. Outre le ministère, personne ne nous a présenté l'argument contraire.
Le président : Bien.
La sénatrice Hervieux-Payette : Je vous rappelle l'époque où les gens d'affaires ont commencé à enregistrer les noms de domaine sur le Web. Il y avait des millions d'adresses. Il a donc fallu créer un système qui empêchait les gens d'enregistrer tous les mots du dictionnaire afin de les revendre. C'est exactement le même principe ici. Les gens devaient en faire la demande, la mettre en œuvre et établir une organisation internationale utilisant ces noms. Les gens ne pouvaient utiliser tous ces noms et les conserver indéfiniment afin d'en faire le commerce. En fait, c'est un peu cela que nous voyons actuellement.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Voici ce que j'ai entendu et ce que j'ai lu dans plusieurs lettres provenant de grandes entreprises : conformément aux dispositions du projet de loi C-31, article 25, l'entreprise devra désormais prouver que la personne qui a acheté la marque ne l'utilise pas. C'est ce qui fait craindre le milieu des affaires. On dirait que toute la procédure juridique est inversée. Ce sera très coûteux pour les entreprises. Elles devront être toujours à l'affût, surveiller qui a enregistré quoi et fournir des preuves. Si on fonctionnait selon l'enregistrement gouvernemental, tout le monde saurait à quoi s'en tenir. Il s'agit là d'une grande préoccupation. Lorsque le gouvernement affirme que cela relève de l'administration, c'est parce qu'il n'a pas l'intention d'investir dans le registraire. Tout cela entraîne des conséquences pour les entreprises, dont le renversement de la preuve pour celles qui veulent protéger une marque ou en utiliser une.
La sénatrice Hervieux-Payette : J'ai l'exemple d'une entreprise que j'ai connue et suivie. Si une compagnie souhaite introduire un nom dans un autre pays, par exemple aux États-Unis, la contestation à elle seule coûterait jusqu'à un million de dollars d'honoraires. Le coût est très élevé dans ce domaine. Ceux qui détiennent les droits, évidemment, se battent. Pour eux, c'est la base même de leur entreprise. Il ne faut pas oublier que l'on se retrouve devant un tribunal et que cela entraîne des coûts.
Les frais juridiques impliqués peuvent être beaucoup plus importants que le simple fait de s'assurer que les gens utilisent la marque enregistrée. Je pense qu'il n'y a pas de comparaison; la contestation judiciaire, elle, est faramineuse en termes de coûts.
Le président : D'autres commentaires?
Le sénateur Rivard : La sénatrice Bellemare a parlé, entre autres, de M. Alphonse Desjardins qui avait été un précurseur en 1910. Exactement 100 ans plus tard, en 2010, le projet de loi C-32 sur le tabac a été proposé. Je me souviens très bien que, comme pour tout projet de loi, à titre de membres du gouvernement, on nous avait demandé de l'adopter sans amendement. À la Chambre des communes, il arrive souvent que ce soit fait de façon rapide et, au Sénat, on a plus de chances d'entendre des témoins.
Je vais prendre deux minutes pour vous expliquer ce qui est arrivé au projet de loi C-32 et ce qui pourrait arriver avec la mesure budgétaire concernant les assurances.
Le projet de loi C-32 interdisait à toute fabrique de cigarettes au Canada d'employer un autre tabac que le tabac canadien et qu'on appelait le tabac de Virginie. Cela aurait eu comme conséquence — si le projet de loi avait été adopté comme tel, entre autres, à Québec —, que la compagnie Rothmans achetée par Philip Morris aurait probablement fermé ses portes. Comme cette compagnie faisait partie du groupe Philip Morris, elle pouvait, à Québec comme à Toronto, chez Macdonald, fabriquer des cigarettes et, par exemple, à Québec — et les gens ne le savaient pas —, les cigarettes françaises des marques Gitanes et Gauloises, ainsi que les cigarettes américaines Camel et Marlboro. En interdisant l'utilisation d'autre tabac que celui de Virginie, cela aurait mené probablement à une fermeture et cela aurait signifié la perte d'environ 300 emplois à Québec et probablement la même chose à Toronto.
Comment cela s'est-il réglé? La ministre Aglukkaq, qui était ministre de la Santé à l'époque, a comparu devant le Comité des affaires sociales. On lui a expliqué cela et on lui a suggéré d'incorporer une mesure d'exception dans le cadre de la réglementation. Elle a permis la fabrication à l'aide d'un autre tabac que celui de Virginie, mais sans que le produit puisse être vendu au Canada.
Je fais donc un parallèle avec les assurances; on peut adopter le budget tel qu'il est, mais on peut ajouter une observation précisant que l'on aimerait qu'il soit consigné au procès-verbal de la Chambre des communes ou du Sénat que le ministre s'engage, dans le cadre de la réglementation, à corriger la loi.
Dans le cas que je viens de vous relater, la ministre Aglukkaq a effectivement comparu en juin 2010 au Sénat et nous a dit qu'elle incorporerait une mesure d'exception et qu'elle réglerait le problème. Et cela s'est fait. Les compagnies Macdonald à Toronto et Rothmans à Québec continuent de fabriquer des produits, mais les produits ne sont pas vendus au Canada.
Cet exemple nous démontre que nous pouvons comprendre et croire qu'un ministre qui s'engage par réglementation à corriger une situation que l'on découvre plus tard, sans bloquer le projet de loi, peut avoir une suite, et l'exemple du projet de loi C-32 adopté en juin 2010 peut se répéter encore une fois.
Le président : Merci.
La sénatrice Chaput : Je me demande, après avoir entendu le rapport du comité comprenant des points fort intéressants, comment le comité peut composer avec cela.
Le président : On devra étudier le projet de loi C-31 lorsqu'il sera renvoyé à notre comité.
La sénatrice Chaput : Cela sera renvoyé lors de l'étude du projet de loi?
Le président : C'est cela. Dans quelques jours, probablement.
La seule chose qu'il reste encore à faire est d'étudier le rapport du Comité sénatorial permanent des transports et des communications. Nous ferons cela cet après-midi, à 14 h 20, dans la salle 160 S. C'est le dernier rapport que l'on doit étudier. Après cela, nous devrons attendre que nous soit renvoyé le projet de loi C-31.
Je vous remercie.
(La séance est levée.)