Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule 25 - Témoignages du 27 janvier 2015
OTTAWA, le mardi 27 janvier 2015
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales, auquel a été renvoyé le projet de loi C-520, Loi visant à soutenir l'impartialité politique des bureaux des agents du Parlement, se réunit aujourd'hui, à 9 h 30, pour examiner le projet de loi.
Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : La séance du Comité sénatorial permanent des finances nationales est ouverte.
[Français]
Honorables sénateurs, ce matin, nous allons commencer notre étude du projet de loi C-520, Loi visant à soutenir l'impartialité politique des bureaux des agents du Parlement.
[Traduction]
Nous sommes heureux d'accueillir M. Mark Adler, député de York-Centre. M. Adler a déposé le projet de loi C-520, Loi visant à soutenir l'impartialité politique des bureaux des agents du Parlement, à la Chambre des communes la première fois le 3 juin 2013, soit il y a près de deux ans. Le projet de loi a ensuite été rétabli au début de la deuxième session de la quarante et unième législature le 16 octobre 2013. Il a passé l'étape de la deuxième lecture au Sénat et a été renvoyé à notre comité un peu avant la pause pour le temps des Fêtes, soit le 11 décembre 2014.
Monsieur Adler, merci d'être avec nous aujourd'hui. Je crois savoir que vous avez une brève déclaration à faire à propos du projet de loi. Nous verrons ensuite si les sénateurs ont des questions. Je rappelle à mes honorables collègues que le président du Sénat nous a convoqués à 10 h 30. Je propose donc que nous terminions la séance au plus tard à 10 h 15, afin de pouvoir tous nous y rendre. Si les sénateurs avaient encore des questions à poser au parrain du projet de loi à ce moment, je suis certain que nous pourrons organiser une autre rencontre avec M. Adler à un moment qui nous conviendra mutuellement.
Monsieur, je vous cède la parole.
Mark Adler, député de York-Centre, parrain du projet de loi : Merci et bonne année à tous.
Honorables sénateurs, je vous remercie de m'accueillir aujourd'hui pour vous parler du projet de loi d'initiative parlementaire que j'ai présenté, le projet de loi C-520, Loi visant à soutenir l'impartialité politique des bureaux des agents du Parlement.
[Français]
Je suis heureux de comparaître aujourd'hui devant le comité. Je vous remercie de cette belle occasion.
[Traduction]
Ce projet de loi vise à faire de la prévention. Il vise à éviter des conflits potentiels qui pourraient surgir entre les activités partisanes et les fonctions officielles de toute personne travaillant au sein du bureau d'un agent du Parlement.
Voici ce qu'il prévoit : il exige que tout employé actuel ou postulant à un poste au sein du bureau d'un agent du Parlement produise une déclaration indiquant s'il a occupé un poste partisan au cours des 10 dernières années. Toute activité remontant à plus de 10 ans est considérée comme non pertinente.
Il exige également qu'un employé actuel ou postulant à un poste au sein du bureau d'un agent du Parlement produise une déclaration s'il entend occuper un poste partisan tout en exerçant ses fonctions. Les déclarations devront être affichées sur le site Internet du bureau de l'agent du Parlement concerné.
Je crois que la divulgation de ces renseignements sert l'intérêt public. Il est important que les Canadiens aient pleinement confiance que tous ceux qui travaillent au sein du bureau d'un agent du Parlement sont indépendants de toute affiliation politique. Le projet de loi s'appliquera aux bureaux du vérificateur général, du directeur général des élections, du commissaire aux langues officielles, du commissaire à la protection de la vie privée, du commissaire à l'information, du conseiller sénatorial en éthique, du commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique, du commissaire au lobbying, et du commissaire à l'intégrité du secteur public.
Ce projet de loi s'inscrit dans le prolongement des orientations actuelles du gouvernement, notamment en matière de transparence et de responsabilisation. Il témoigne des valeurs et de l'impartialité de la fonction publique et vient renforcer la confiance des Canadiens à cet égard.
Pour qu'il y ait responsabilisation, il faut qu'une personne ou une organisation rende compte de ses activités, qu'elle en accepte la responsabilité et qu'elle divulgue les résultats de façon transparente. Il ne s'agit pas de punition, mais simplement de transparence. La communication entre les fonctionnaires et la population doit être transparente et honnête, et pour la population, plus elle en sait, mieux c'est.
Ces valeurs sont essentiellement universelles comme en témoigne un récent rapport de la Banque mondiale sur la communication et la responsabilisation, dont voici un extrait :
En tant qu'intervenant du secteur public, l'État doit rendre compte de sa façon d'offrir des services aux citoyens. En retour, les citoyens donnent la légitimité à l'État en faisant valoir leur opinion. L'État et les citoyens disposent de processus et d'outils de communication permettant de demander des comptes. [...] L'utilisation efficace des structures et des processus de communication aux fins de la reddition de comptes peut améliorer les relations entre l'État et les citoyens, la gouvernance, et, à long terme, l'efficacité des efforts de développement [...].
On s'attend à ce que les élus soient partisans, mais on s'attend aussi à ce que les fonctionnaires, qui sont des professionnels non élus, ne le soient pas. Les agents du Parlement sont un groupe particulier de fonctionnaires indépendants qui ont pour tâche d'examiner à la loupe les activités des élus. Ils font rapport directement au Parlement, et non pas au gouvernement, et leur rôle consiste donc à assurer une surveillance sans parti pris, et ce rôle est indispensable pour assurer l'équilibre et l'équité au sein de nos institutions.
À l'heure actuelle, les agents du Parlement sont tenus, en vertu de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, d'agir de manière non partisane, mais ce n'est pas le cas des membres de leur personnel qui peuvent se voir déléguer certaines de leurs responsabilités. Mon projet de loi vise à corriger cette lacune.
Comme ce sont les agents du Parlement et les membres de leur personnel qui sont chargés de surveiller les activités des parlementaires, il est dans l'intérêt du Canada que l'on mette en lumière les possibles conflits d'intérêts dans la préparation des rapports. Une divulgation transparente permettra de s'assurer que neutralité et impartialité sont toujours au rendez-vous.
Le projet de loi montre bien que l'accès à l'information est un bien public. En ouvrant les portes de l'administration publique aux citoyens, on s'assure que tous s'astreignent au plus haut niveau d'impartialité qui soit.
Je tiens à vous préciser que mon projet de loi respecte la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. La LEFP prévoit qu'un fonctionnaire a le droit de participer à des activités politiques, sauf si celles-ci portent atteinte à sa capacité d'exercer ses fonctions de façon politiquement impartiale.
Mon projet de loi protège donc cette valeur essentielle qu'est l'impartialité en demandant à chaque employé au sein de ces bureaux d'être transparent et responsable, mais sans porter atteinte à ses droits.
Selon l'auteur Thomas Friedman, gagnant d'un prix Pulitzer, « un des avantages compétitifs les plus importants et les plus durables qu'un pays peut avoir est une fonction publique dotée de structures simplifiées, efficace et honnête ».
Demander aux candidats potentiels de déclarer les postes partisans qu'ils ont déjà occupés n'est pas différent de leur inclusion dans leur curriculum vitae. On ne fait qu'ouvrir une fenêtre pour permettre à la population de mieux connaître ses fonctionnaires. Il s'agit simplement d'une mesure pour confirmer les attentes à l'égard des fonctionnaires, soit qu'ils doivent être transparents et responsables.
À titre de comparaison, la loi exige à l'heure actuelle que le salaire de tout fonctionnaire fédéral soit affiché sur le site Internet du Conseil du Trésor du Canada, et tous les hauts fonctionnaires doivent divulguer leurs frais de voyage et d'accueil de façon proactive.
Le projet de loi C-520 vise donc le même objectif, soit une divulgation proactive et transparente. À mon avis, l'affiliation politique est une information pertinente qui doit être divulguée à la population.
Le Canada est en train de devenir une société de plus en plus ouverte et transparente, et notre gouvernement a prouvé son attachement à ces valeurs depuis le début. En 2006, il a présenté la Loi fédérale sur la responsabilité, la plus sévère que le pays ait connue. Depuis, nous avons travaillé sans relâche pour renforcer les pouvoirs du vérificateur général, consolider le rôle du commissaire à l'éthique, réformer le financement des partis politiques et resserrer les règles concernant les activités de lobbying. Le projet de loi C-520 se veut donc la suite d'une longue liste de mesures législatives visant à assurer la responsabilisation et la transparence au sein des organismes du Parlement pour de nombreuses années à venir.
Merci. Je peux maintenant répondre à vos questions.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Adler. Je suis heureux que vous ayez fait mention de la loi avec laquelle nous essayons de comparer votre projet de loi — vous avez utilisé son acronyme — la Loi sur l'emploi dans la fonction publique.
Votre projet de loi vise-t-il à combler des lacunes que vous avez trouvées dans le régime actuel?
M. Adler : Eh bien, c'est le cas en ce sens que la Loi sur l'emploi dans la fonction publique prévoit qu'on s'attend à ce que les fonctionnaires agissent de façon non partisane et sans influence politique.
Le projet de loi vise en fait à concrétiser cette attente en demandant aux personnes concernées de s'engager à le faire par écrit, et en affichant sur le site Internet de l'organisme leurs activités politiques passées ou envisagées.
Le président : Il est important pour nous de comprendre ce qui a motivé ce projet de loi. Vous avez perçu une lacune, vous aviez l'impression que la Loi sur l'emploi dans la fonction publique n'allait pas assez loin. Avez-vous des exemples particuliers de cas à nous donner?
M. Adler : Non, aucun. Il s'agit d'une mesure de prévention, comme je l'ai mentionné dans ma déclaration.
Le projet de loi vient simplement combler l'écart entre les attentes et la réalité. C'est exactement ce qui m'a poussé à présenter ce projet de loi.
Le président : Merci, monsieur Adler.
Maintenant que nous avons cette information, nous allons passer aux questions des sénateurs, en commençant par la sénatrice Eaton de Toronto.
La sénatrice Eaton : Monsieur Adler, le président du comité a reçu une lettre signée par les personnes dont vous avez parlé : Michael Ferguson, Karen Shepherd, Suzanne Legault, Graham Fraser et Daniel Therrien, commissaire à la protection de la vie privée. Voici une des questions soulevées dans cette lettre :
Le fait de publier ces déclarations soulève des préoccupations en matière de protection de la vie privée, car des renseignements personnels sont alors diffusés publiquement.
Je suis certaine que vous avez pensé à cela avant de préparer votre projet de loi. Est-ce un élément qui vous inquiète?
M. Adler : Eh bien, je n'ai pas d'inquiétudes à ce sujet. Notre projet de loi n'aura pour effet que de divulguer à la population les activités politiques passées des employés du Parlement, ou celles auxquelles ils comptent s'adonner.
Le processus politique dans ce cas a fonctionné exactement comme il le doit. Il n'y a eu qu'une version du projet de loi. Nous avons eu un débat à la Chambre des communes et un comité en a été saisi. Il y a eu des amendements et le projet de loi a été modifié. Le processus a fonctionné; le système des comités a fonctionné.
Nous avons pris en considération l'avis des agents du Parlement qui ont témoigné devant le comité de la Chambre et les lettres que le comité du Sénat et la Chambre ont reçues.
Nous avons donc examiné toutes les préoccupations des agents du Parlement, et après l'étude en comité, nous en sommes venus à un bon équilibre entre ce que veulent les agents du Parlement et ce que vise le projet de loi. Je pense que nous avons cet équilibre à l'heure actuelle.
La sénatrice Eaton : Je suis sûre que vous en êtes convaincu, mais est-ce que le commissaire à la vie privée approuve le tout?
M. Adler : Eh bien, l'approbation du commissaire à la vie privée n'est pas une exigence législative. Quelqu'un pourra par la suite, je présume, demander son avis pour savoir si le projet de loi viole le droit d'une personne à la vie privée.
Selon nous, le projet de loi dans sa forme actuelle ne viole pas les droits... écoutez, ce sont des renseignements qu'une personne inclut dans son curriculum vitae lorsqu'elle postule un emploi, alors ce n'est pas vraiment différent. On demande seulement à ce que l'information soit affichée sur le site Internet de l'organisme si elle est embauchée, rien de plus.
C'est une question de confiance pour les Canadiens, et aussi pour les élus dont les organismes du Parlement surveillent les activités. Ce n'est rien de plus, vraiment.
La sénatrice Eaton : Merci.
[Français]
Le président : Nous avons maintenant le sénateur Rivard, du Québec.
Le sénateur Rivard : Merci, monsieur le président. Bienvenue et merci pour votre présentation.
Je crois comprendre que lorsqu'un projet de loi est déposé à la Chambre des communes, que ce soit un projet de loi d'intérêt public ou d'intérêt privé, on demande toujours un avis juridique auparavant pour s'assurer qu'on respecte la loi.
À votre connaissance, est-ce qu'un avis juridique a été demandé — et obtenu — en ce qui concerne le projet de loi C-520?
[Traduction]
M. Adler : Oui.
[Français]
Le sénateur Rivard : Deuxième chose : je suppose que si on a été de l'avant, c'est que l'avis juridique reconnaît que ce projet de loi est conforme. Automatiquement, lorsqu'un avis juridique est émis, cela confirme qu'on peut aller de l'avant avec ce projet de loi, qu'il y ait des modifications à apporter ou qu'il ait été adopté sans modification par le Sénat. C'est ce que je dois comprendre?
[Traduction]
M. Adler : Je présume que oui.
[Français]
Le sénateur Rivard : Vous présumez — mais vous pourriez vérifier à nouveau pour vous en assurer — que l'avis juridique confirme que ce projet de loi peut être adopté tel qu'il est présenté?
[Traduction]
M. Adler : Eh bien, ce projet de loi peut certainement être — et on prévoit qu'il sera — légalement adopté dans sa forme actuelle. Naturellement, le Sénat a le pouvoir constitutionnel d'y apporter des amendements, qui feront l'objet d'un nouveau débat.
[Français]
Le sénateur Rivard : Nous allons certainement recevoir d'autres témoins dans les prochains jours et les prochaines semaines dans le cadre de l'examen de ce projet de loi. Pouvez-vous me décrire ce que vous entendez par « activité partisane »? Pouvez-vous préciser ce que cela comprend? Est-ce qu'être président d'une association, ou encore, travailler le jour du scrutin sont des activités partisanes?
Quelle est votre définition d'une activité partisane?
[Traduction]
M. Adler : Eh bien, les activités partisanes sont bien définies dans le projet de loi, soit avoir occupé l'un des postes suivants : candidat à une élection, dirigeant d'une association de circonscription, membre du personnel ministériel, membre du personnel parlementaire, membre du personnel politique.
[Français]
Le sénateur Rivard : Cela ne comprend que cela? Si quelqu'un, au début d'une campagne électorale, offrait d'aider à la sélection de candidats, ou que cette personne jouait un rôle obscur, mais important dans l'organisation, est-ce que, selon vous, il s'agirait strictement et exclusivement d'une activité partisane, tel qu'elle est décrite dans le projet de loi?
[Traduction]
M. Adler : Mon projet de loi ne s'étend pas à ceux qui, comme vous le dites, jouent un rôle obscur. En fait, je ne sais pas exactement ce que cela veut dire. Il est clairement indiqué dans le projet de loi que les postes partisans sont les suivants : candidat à une élection, dirigeant d'une association de circonscription, membre du personnel ministériel, membre du personnel parlementaire et membre du personnel politique. La définition est claire.
[Français]
Le sénateur Rivard : Merci beaucoup.
Le président : Merci, sénateur.
[Traduction]
J'aimerais avoir quelques précisions. C'est la première fois que nous examinons votre projet de loi. Je pense que la définition d'« activité politique » que le sénateur Rivard avait en tête est celle contenue dans la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. Dans votre projet de loi, utilisez-vous la même définition?
M. Adler : Oui. Elle ne s'écarte pas de ce que nous avions dans le régime actuel.
Le président : Vous n'avez pas à répondre maintenant, mais vous pourriez nous indiquer le lien avec cette définition dans votre projet de loi. Si vous pouvez le faire rapidement, ce serait bien, autrement, vous pourriez nous le laisser savoir afin que nous puissions comprendre le lien entre votre projet de loi et la loi actuelle.
M. Adler : Nous en parlons à l'article 2, définitions et interprétation, où il y a un lien avec la fonction publique — la loi concernant la divulgation. Je peux vous fournir plus d'information.
Le président : Si vous n'y voyez pas d'inconvénients, cela nous aiderait à comprendre qu'il ne s'agit pas d'une nouvelle mesure mais simplement d'une bonification de ce qui existe déjà.
M. Adler : Bien sûr.
Le président : Le deuxième élément que je veux confirmer, c'est que vous avez bien répondu par l'affirmative à la question du sénateur Rivard concernant la vérification du projet de loi par le ministère de la Justice. Vous avez bien reçu l'aval du ministère que vous pouviez aller de l'avant, d'un point de vue légal, avec ce projet de loi?
M. Adler : Il a reçu l'aval du légiste parlementaire.
Le président : D'accord, mais pas du ministère de la Justice?
M. Adler : Non.
Le président : Merci. C'est un renseignement utile.
[Français]
La sénatrice Chaput, du Manitoba.
La sénatrice Chaput : Merci, monsieur le président.
Vous trouvez donc que ce projet de loi est vraiment nécessaire?
[Traduction]
Vous avez mentionné qu'il s'agissait de combler une lacune, mais je crois comprendre que vous n'avez pas d'exemples concrets de cette lacune?
M. Adler : La lacune est assez évidente. Vous me demandez des exemples concrets d'infractions à une lacune dans la loi. Il est impossible pour moi de vous en donner parce qu'il n'y a rien dans la loi à ce sujet. C'est pourquoi nous voulons légiférer. Je ne veux pas insinuer qu'il y a eu des infractions à ce sujet. Il s'agit d'une mesure de prévention pour garantir aux Canadiens et aux députés que ceux qui surveillent leurs activités agissent de manière non partisane, et pour accroître la confiance des Canadiens à l'égard de la neutralité des fonctionnaires qui travaillent au sein des organismes du Parlement.
On veut simplement accroître la responsabilisation et la transparence, et je sais d'après ce que me disent les gens de ma circonscription, lorsque je fais du porte-à-porte, que les Canadiens sont heureux de voir que notre gouvernement a fait adopter des lois pour accroître la transparence, notamment la Loi fédérale sur la responsabilité, la toute première loi que nous avons fait adopter en 2006. Ils trouvent cela important, et c'est exactement de transparence et de responsabilité dont il est question.
La sénatrice Chaput : Quelle sera la différence concrètement, alors? En cinq mots, quelle différence cela fera-t-il concrètement?
M. Adler : Pour reprendre les mots du juge Brandeis, la clarté est le meilleur désinfectant. Qu'en pensez-vous?
Le président : C'est une réponse en cinq ou six mots. C'est ce que vous avez demandé.
M. Adler : Je peux répondre en quatre mots : responsabilisation et transparence accrues.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Bienvenue chez nous, monsieur Adler. J'ai une question concernant la déclaration à faire au bureau d'un agent du Parlement. Le paragraphe 6(1) stipule que toute personne qui présente sa candidature à un poste dans le bureau d'un agent du Parlement doit, dès que possible après le début du processus de sélection, produire, à l'intention de l'agent du Parlement concerné, une déclaration écrite indiquant si elle a occupé ou non un poste partisan au cours des 10 dernières années. Que signifie « toute personne qui présente sa candidature à un poste »? Est-ce que cela peut être un agent administratif? Un recherchiste? Un agent législatif?
[Traduction]
M. Adler : Oui.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Toute personne doit produire, à l'intention de l'agent, une déclaration; c'est donc tout le personnel d'un agent. Vous dites que cette déclaration doit être affichée sur Internet par la suite. Une fois que la personne a fait sa déclaration, cette déclaration va se retrouver sur Internet, c'est bien cela?
[Traduction]
M. Adler : Oui, c'est ce que le projet de loi exige. Vous avez sans doute travaillé dans un bureau à un moment ou l'autre dans votre vie, et parfois les gens effectuent de la recherche une journée et du travail administratif le lendemain. Le projet de loi vise donc à couvrir tous les postes. Les fonctions varient, les responsabilités et les descriptions de travail varient dans le temps. C'est la raison de cette disposition.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Admettons, par exemple, qu'une personne travaille dans le bureau pendant six mois. Est-ce que la déclaration sur Internet sera retirée automatiquement, ou est-ce qu'elle va y rester par la suite?
[Traduction]
M. Adler : Il reviendrait à l'employé de fournir l'information, et de son côté, l'agent du Parlement aurait la responsabilité d'afficher l'information en ligne, oui. Si l'employé ne travaille plus pour le bureau, il n'y a pas de raison que l'information soit affichée. Le projet de loi exige...
[Français]
La sénatrice Bellemare : Qui aura la responsabilité de retirer cette information du site Internet?
[Traduction]
M. Adler : L'agent du Parlement.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Également, dans votre projet de loi, vous dites que dès que le projet de loi sera en vigueur, toutes les personnes qui travaillent actuellement dans le bureau d'un agent seront tenues de faire cette déclaration. C'est bien cela?
[Traduction]
M. Adler : Oui.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Quelles seront les conséquences si on remarque que telle personne a fait du porte-à-porte pour tel député, a été active dans un bureau de circonscription ou a elle-même été candidate? Est-ce que des conséquences sont prévues?
[Traduction]
M. Adler : Non, absolument pas. Le but du projet de loi n'est pas qu'il y ait des conséquences, mais simplement d'accroître la transparence et la responsabilisation.
En tant que législateurs, que ce soit comme députés ou sénateurs, nous pourrons ainsi savoir si les gens qui travaillent pour les agents du Parlement ont déjà participé à des activités politiques. Il s'agit simplement d'accroître la transparence et de mettre en lumière toute activité partisane à laquelle aurait pu participer l'un ou l'autre des employés au sein des organismes du Parlement.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Vous avez indiqué une période passée de 10 ans. Les gens ont le temps parfois de changer de carrière, et aussi de changer d'idées. Qu'est-ce qui vous a amené à choisir un terme de 10 ans?
[Traduction]
M. Adler : Nous avons choisi cette période de temps parce que cela couvre habituellement deux cycles électoraux.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Pourrions-nous vous demander d'obtenir l'avis législatif qui a été donné sur votre projet de loi? Est-il clair que cela ne va pas à l'encontre de la Charte canadienne des droits et libertés? Est-il absolument clair que la transparence que vous exigez n'ira pas à l'encontre de certaines libertés individuelles ou de la vie privée?
[Traduction]
M. Adler : La constitutionnalité du projet de loi n'a pas été vérifiée. La seule façon de le faire, c'est de soumettre la question à la Cour suprême, pour qu'elle statue. Il n'y a pas de conseiller juridique ou de fonctionnaire qui peut le faire.
Le sénateur Gerstein : Merci, monsieur Adler, de comparaître devant nous.
Notre collègue, le sénateur Rivard, vous a demandé une description des « postes politiques partisans », et vous avez eu la gentillesse de lire ce qui est prévu dans le projet de loi. Dois-je déduire de votre réponse que vous confirmez au comité que les contributions à un parti politique ne sont pas considérées comme des activités partisanes en vertu du projet de loi?
M. Adler : Absolument pas.
Le sénateur Gerstein : Merci.
Le président : Votre réponse à la question est très claire. Merci.
[Français]
Le sénateur Rivard : Monsieur le député, vous comprendrez que la question m'a été posée au Sénat à titre de parrain du projet de loi C-520. Il est normal que l'opposition puisse s'inquiéter, c'est son rôle; parfois, c'est pour bonifier un projet de loi, parfois, pour le critiquer, mais c'est le rôle démocratique des parlementaires.
Une question a piqué ma curiosité. On inclut tous les employés des agents du Parlement et, sans vouloir minimiser l'importance de certains postes, je me demande comment un concierge, une réceptionniste, une téléphoniste, un agent de bureau classe 1 ou le plus modeste des employés pourraient être concernés. N'aurait-on pas pu être plus précis et déterminer, en regardant les organigrammes, ce qu'on considère comme des cadres, des employés qui peuvent influencer les politiques du bureau de l'agent du Parlement, ou s'est-on dit que, tant qu'à faire, on incluait tout le monde qui se trouve sur la liste de paie des agents du Parlement? Est-ce que cela a été considéré?
Lorsque vous avez comparu devant le comité de la Chambre des communes, cela a-t-il été soulevé? Est-ce que c'est une question à laquelle il a déjà été répondu? Est-ce un point nouveau, l'avez-vous déjà entendu? Si oui, pourquoi maintient-on que cela concerne tous les employés des agents du Parlement?
[Traduction]
M. Adler : La sénatrice Bellemare a posé une question semblable un peu plus tôt. Les descriptions de travail ne reflètent pas toujours la réalité dans un bureau; les responsabilités et les descriptions de travail varient. Nous voulions couvrir toutes les personnes qui travaillent au sein d'un organisme du Parlement. Les concierges ne travaillent pas habituellement pour un agent du Parlement. Ils travaillent plutôt pour le gouvernement du Canada, pour le Parlement, ou pour quelqu'un d'autre.
Ce sont de petits organismes en comparaison. Tous ceux qui travaillent dans ces bureaux ont généralement la responsabilité d'appliquer la politique et les exigences législatives qui se situent dans les paramètres de leur loi.
Si nous avons inclus tout le monde, c'est parce que tous les employés sont responsables de l'application de la politique et des exigences législatives au sein du bureau, tandis que les autres — les concierges, par exemple — ne le sont pas et ne sont pas embauchés nécessairement par les agents du Parlement.
[Français]
La sénatrice Bellemare : J'aimerais poser une question par rapport à l'avenir. Ce projet de loi me préoccupe, car il ajoute des barrières à la démocratie. Une fois connu, un tel projet de loi pourrait décourager des citoyens canadiens ou des citoyennes canadiennes de se lancer en politique ou de s'impliquer dans des activités politiques.
Toute personne intéressée par la chose publique ou à travailler au sein du gouvernement sait que si elle travaille dans un bureau de circonscription ou que si elle souhaite se faire élire dans une circonscription, cette décision va la suivre pendant 10 ans. Si elle n'est pas élue, cette décision va la suivre pendant 10 ans en ce sens qu'elle sera obligée d'afficher sur Internet toutes ses activités politiques si un jour elle veut aller travailler au gouvernement.
Un citoyen réfléchirait deux fois avant de s'impliquer dans la vie politique, sachant que cela peut devenir une tare pour l'avenir. Avez-vous réfléchi à cette question? C'est ce que ce projet de loi suscite comme réaction de ma part. Il représente des obstacles pour tout citoyen ordinaire intéressé à travailler éventuellement dans le domaine public, soit au gouvernement.
En tenant compte de ces considérations, croyez-vous que ce texte de loi représente des obstacles à long terme pour les citoyens qui seraient intéressés à faire carrière un jour dans le milieu de la politique?
[Traduction]
M. Adler : Très respectueusement, je ne pense pas que ce soit le cas. En fait, la réputation d'une personne n'est pas entachée et sa capacité d'agir ultérieurement de manière impartiale ne l'est pas non plus simplement parce qu'elle a dirigé ou été membre d'un parti politique. La plupart d'entre nous n'ont pas participé à la vie politique à un moment donné dans leur vie, et s'ils ne l'ont pas fait, ils devraient le faire. C'est le devoir de tout citoyen, de tout Canadien.
Tout ce que fait le projet de loi, c'est simplement de maximiser la transparence et la responsabilisation parce que tout législateur ou citoyen a le droit de savoir, à mon avis, si les personnes concernées ont déjà participé à des activités partisanes.
Le projet de loi ne prévoit aucune conséquence. Il s'agit simplement de demander aux personnes concernées de divulguer leurs activités politiques passées afin que les gens régis par le régime, c'est-à-dire les députés et les sénateurs, aient pleinement confiance qu'ils agissent de manière tout à fait impartiale, transparente et responsable.
[Français]
La sénatrice Bellemare : C'est votre opinion. Inscrire de tels renseignements dans un CV, c'est une chose, mais les diffuser en ligne avec toutes les conséquences qui s'ensuivent, c'est autre chose. Nous sommes parfaitement conscients que les histoires et les rumeurs se répandent vite. C'est mon opinion. Cela m'inquiète. Je vous remercie de votre réponse.
Le président : Je vous remercie, sénatrice Bellemare.
[Traduction]
M. Adler : Le projet de loi viendra en fait faire taire la machine à rumeurs. Les activités partisanes, telles que définies dans le projet de loi, seraient indiquées de façon claire, en contexte, ce qui éviterait qu'une personne puisse faire circuler des rumeurs.
Le sénateur L. Smith : Monsieur Adler, j'ai juste une question. Il semble que certains agents du Parlement soient contre votre projet de loi. Le président du comité a reçu quelques lettres à cet égard. On fait valoir notamment que le système qui est en place depuis 1908 fonctionne bien, que les nominations se font au mérite, que sur les milliers de fonctionnaires, plus de 200 000 ou 300 000, il n'y a eu que 46 plaintes, que la question des activités partisanes, quelles qu'elles soient, a fait l'objet d'études. Que répondez-vous aux agents du Parlement, qui sont des hauts fonctionnaires de la fonction publique et qui pensent que le système actuel basé sur le mérite fonctionne bien et que cela pourrait causer des problèmes? Je suis certain que vous avez déjà réfléchi longuement à la question. Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez?
M. Adler : Je vous remercie de poser la question, sénateur.
Au début du processus, lorsque le projet de loi a été déposé, nous avons pris en considération les commentaires de certains d'entre eux et avons proposé des amendements, qui ont été acceptés par le comité de la Chambre et la Chambre elle-même. Je pense que nous en sommes arrivés à un bon équilibre et que le projet de loi respecte les demandes, si on veut, des agents du Parlement.
Le projet de loi ne s'applique qu'aux organismes du Parlement qui supervisent les activités des députés et des sénateurs, ou en font rapport. Cela n'inclut pas tous les fonctionnaires comme tels. Je le répète encore une fois, il s'agit simplement d'accroître la transparence et la responsabilisation au sein de tout le processus. Nous l'avons déjà fait. C'est notre parti, le parti ministériel, qui a fait adopter la Loi fédérale sur la responsabilité. Nous avons désigné les sous-ministres et ils doivent maintenant comparaître devant les comités parlementaires pour rendre des comptes et accroître la transparence. Nous avons fait adopter la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles afin que ceux qui sont témoins d'infractions à la loi puissent les dénoncer. Nous avons resserré la Loi sur le lobbying et la Loi sur les conflits d'intérêts. Nous avons agi de façon très dynamique pour accroître la transparence et la responsabilisation.
C'est simplement la même philosophie qui prévaut ici et qui vise à remédier à ce que j'ai constaté, lorsque j'ai entrepris cette démarche, soit un écart entre l'attente que tous doivent agir de manière impartiale, ce dont je ne doute pas, et l'obligation de le faire en vertu de la loi, tout simplement en précisant clairement que les employés dans ces bureaux doivent publier ces renseignements sur le site Internet de l'organisme, sans aucune conséquence. Cela vise simplement à informer la population ainsi que les députés et les sénateurs que les gens qui travaillent au sein des organismes du Parlement ont mené l'une ou l'autre des activités partisanes mentionnées dans le projet de loi, sans plus.
Le président : Lorsque vous dites qu'il n'y aura pas de « conséquences », voulez-vous dire que l'information ne sera pas utilisée lors du processus d'embauche?
M. Adler : Le projet de loi ne s'applique pas au processus d'embauche. C'est à la discrétion des responsables de l'embauche, s'ils veulent embaucher le meilleur candidat possible. C'est à eux seuls de décider. Le projet de loi ne s'applique pas du tout au processus d'embauche. Les gens indiqueront probablement l'information dans leur curriculum vitae. Cela ne change pas vraiment cet aspect de la transparence. Ce que je souhaite ici, c'est simplement que les gens qui ne participent pas au processus d'embauche sachent s'ils ont participé aux activités partisanes énoncées dans le projet de loi.
[Français]
La sénatrice Chaput : La question a été posée par la sénatrice Bellemare et M. Adler y a répondu. J'ai également des préoccupations sur l'impact de ce projet de loi qui pourrait, à mon avis, décourager l'implication politique, mais aussi dissuader des candidats qualifiés de poser leur candidature. Je voulais en faire part au comité.
[Traduction]
Le président : M. Adler a déjà répondu à cela.
Aimeriez-vous ajouter quelque chose?
M. Adler : Non. Je vais m'en tenir à ce qui a été dit.
Le président : Il ne reste pas beaucoup de temps, mais j'aimerais vous poser une question.
Si j'ai bien compris, les commissaires, les agents, les têtes dirigeantes de chacun de ces organismes étaient aussi visés dans une version antérieure de votre projet de loi, mais c'est un des amendements qui a été apporté. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi ils ne sont plus visés? S'agit-il d'un compromis politique ou pensez-vous maintenant que la divulgation de ces renseignements par les agents est prévue dans une autre loi?
M. Adler : Encore une fois, le système a fonctionné exactement comme il le devait. Le projet de loi a été déposé à la Chambre et il a été débattu en profondeur. Il a été examiné en comité, et nous avons décidé à ce moment d'y apporter des changements, et ce, dans l'intérêt public. Le système des comités a fonctionné exactement comme il le devait, et je pense que nous sommes arrivés à un compromis raisonnable entre ce que souhaitaient les agents du Parlement et un projet de loi équilibré que tous seraient en mesure d'appuyer.
Le président : Ce que les agents souhaitaient, d'après ce qui est indiqué dans leur lettre, c'est qu'il n'y ait pas de projet de loi. Selon eux, il n'était pas nécessaire. Le compromis que vous avez fait, c'est de les soustraire à son application, mais tous les membres de leur personnel sont encore visés.
M. Adler : Oui, et nous pensons qu'il s'agit d'un compromis raisonnable. J'espère que les agents du Parlement en viendront à la conclusion qu'il s'agit d'un juste compromis entre ce qu'ils voulaient, et ce que les élus de la Chambre des communes voulaient obtenir.
Le président : Il serait injuste de notre part de vous laisser partir aujourd'hui en vous donnant l'impression qu'ils sont heureux maintenant, car nous avons reçu une lettre signée par tous les agents du Parlement nous disant que ce projet de loi est inutile selon eux. Vous savez donc que nous avons reçu cette lettre tout juste récemment.
M. Adler : Oui, je crois savoir qu'ils vont comparaître demain.
Le président : C'est exact.
M. Adler : Je vais donc attendre leurs témoignages.
Le président : Nous serions heureux de vous transmettre leur lettre, qui sera publiée au moment de leur comparution.
M. Adler : Merci beaucoup. Je vous en serais reconnaissant.
Le président : Monsieur Adler, merci beaucoup d'être venu témoigner. Nous n'avons malheureusement plus de temps. Les sénateurs ont des questions complémentaires à celles posées par d'autres sénateurs, mais les agents du Parlement ou d'autres témoins pourront sans doute y répondre au cours des séances à venir. Nous vous remercions sincèrement de votre présence ce matin.
Chers collègues, je vous rappelle que nous avons une rencontre avec le président. Nous nous reverrons mercredi soir.
(La séance est levée.)