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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule no 6 - Témoignages du 3 mai 2016


OTTAWA, le mardi 3 mai 2016

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 9 h 35, afin d'étudier les pratiques exemplaires et les problèmes constants du logement dans les collectivités des Premières Nations et les collectivités inuites du Nunavut, du Nunavik, de Nunatsiavut et des Territoires du Nord-Ouest.

La sénatrice Lillian Eva Dyck (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bonjour. J'aimerais souhaiter la bienvenue aux sénateurs et aux membres du public qui assistent à la présente réunion du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones sur place, sur la chaîne CPAC ou sur le Web. Je m'appelle Lillian Dyck et je suis sénatrice de la Saskatchewan. J'ai l'honneur et le privilège de présider le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.

J'invite maintenant mes collègues sénateurs à se présenter, en commençant par le sénateur Watt qui est assis à ma droite.

Le sénateur Watt : Charlie Watt, Nunavik.

Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, Ontario.

La sénatrice Beyak : Lynn Beyak, Ontario.

Le sénateur Patterson : Dennis Patterson, Nunavut.

La sénatrice Raine : Nancy Greene Raine, Colombie-Britannique.

La présidente : Notre comité a pour mandat d'examiner les lois et les questions concernant les peuples autochtones du Canada de manière générale. Ce matin, nous allons continuer à entendre les témoignages dans le cadre de notre étude sur le logement dans le Nord, notre mandat étant d'étudier les pratiques exemplaires et les problèmes constants du logement dans les collectivités des Premières Nations et les collectivités inuites du Nunavut, du Nunavik, de Nunatsiavut et des Territoires du Nord-Ouest.

Notre premier témoin est M. Alain Fournier, architecte et directeur d'EVOQ Architecture. Monsieur Fournier, nous allons d'abord écouter votre exposé et ensuite, les sénateurs pourront vous poser des questions. La parole est à vous, monsieur Fournier.

Alain Fournier, architecte, directeur, EVOQ Architecture :

[Note de la rédaction : M. Fournier s'exprime en inuktitut et en langue dénée.]

Bonjour. Je remercie les honorables sénateurs du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones de m'avoir invité à venir présenter mon expérience et mes connaissances dans le domaine du logement chez les Inuits, au Nunainguk et dans les Territoires du Nord-Ouest.

EVOQ Architecture, cabinet qui s'appelait autrefois FGMDA, Architects, est un chef de file en matière d'architecture au Canada. Depuis plus de 30 ans, nous sommes reconnus pour notre travail avec les Inuits et les Premières Nations, ainsi que dans le secteur patrimonial. Nous privilégions la concertation et nous travaillons en étroite collaboration avec chaque client et collectivité, afin de concrétiser leur vision.

Nos architectes donnent également des conférences dans les universités, participent à des comités d'examen de design et animent diverses organisations. Nous avons reçu de nombreux prix pour nos travaux et notre portefeuille comprend un certain nombre d'édifices très connus tels que l'édifice de l'Ouest sur la colline du Parlement à Ottawa; la gare Union Station à Toronto; la Station canadienne de recherche dans l'Extrême-Arctique à Ikaluktutiak, Cambridge Bay au Nunavut; et l'aérogare de Kuujjuaq, au Nunavik. Installée à Montréal, la firme EVOQ compte une vingtaine d'employés et dispose d'un réseau de consultants spécialisés dans les diverses régions du pays.

Le dossier que je vous ai remis contient des documents de référence. Deux brochures illustrent le travail architectural de notre firme dans le secteur de la protection du patrimoine et chez les Inuits et les Premières Nations. Le troisième document est un exposé que j'ai présenté à l'occasion de la Journée du caucus autochtone du Congrès sur le logement et l'itinérance organisé par l'Association canadienne d'habitation et de rénovation urbaine. Il contient un aperçu des deux plus récents projets pilotes que nous avons réalisés, le premier au Nunavik et l'autre au Nunatsiavut. Selon moi, ce sont des exemples de ce qui se fait de mieux actuellement dans le domaine de la recherche et développement.

Je dirige l'équipe d'architectes de notre firme qui travaille avec les Inuits et les Premières Nations. J'ai eu mon premier contact avec les Inuits en 1970, à Frobisher Bay, que l'on appelle aujourd'hui Iqaluit. Depuis 1983, j'ai accumulé plus de 30 années d'expérience à titre d'architecte consultant chez les Inuits et les Premières Nations. J'ai travaillé dans le Nord canadien, dans les territoires inuits du Nunainguk, au Nunavik, au Nunavut et au Nunatsiavut, ainsi que chez les Cris d'Eeyou Istchee, les Mi'kmaq, les Innus et les Haudenosaunee.

Mon équipe a dessiné plus de 300 immeubles de tous types, en collaboration avec les Inuits et les Premières Nations. Au cours des 15 dernières années, nous avons participé à la conception et à la construction de plus d'une douzaine de logements modèles dans plus de 18 collectivités inuites et des Premières Nations du Canada. Ces habitations modèles ont été reproduites près de 500 fois depuis.

Je donne régulièrement des conférences devant des étudiants en architecture et certains de mes collègues architectes au Canada et à l'étranger sur des sujets tels que la gestion, la conception et la construction de projets d'architecture chez les Inuits et les Premières Nations. Dans quelques semaines, je prendrai la parole à l'Arctic Energy and Emerging Technologies Conference and Tradeshow à Inuvik. Il sera question de planification, de conception des immeubles et de leur mise à niveau pour la conservation de l'énergie dans l'Arctique. Bientôt nous travaillerons avec le groupe des Premières Nations du Traité no 8 pour les aider à élaborer une approche en vue de la prise en charge de leur site sacré de Tse'K'wa. Notre équipe continue à encourager régulièrement les peuples autochtones du Canada à se développer et se prendre en charge par l'entremise de leur environnement bâti.

Je vais maintenant vous donner un bref aperçu des défis que je rencontre constamment dans mon travail dans les collectivités inuites et des Premières Nations du Nord. J'appelle ces observations mes « histoires des tranchées ». En voici la liste : bien sûr, il y a les coûts élevés de la construction, comme tout ce qui se fait là-bas; le transport des matériaux, de la main-d'œuvre, l'absence d'accès routier, la nécessité de fournir le gîte et le couvert aux équipes de construction; l'absence de main-d'œuvre spécialisée et d'équipement à l'échelle locale; le coût élevé de fonctionnement et d'entretien; bien entendu, le coût élevé du carburant; l'absence d'électricité, sans parler de l'énergie verte; l'absence de personnel d'entretien spécialisé; des habitations surpeuplées ou surutilisées et bien entendu dégradées; du matériel et de l'équipement qui ne sont pas suffisamment résistants; la plupart des habitations ne sont pas efficaces sur le plan énergétique; la plupart des habitations sont des logements sociaux; il y a très peu de propriétaires, aucun marché immobilier — à quelques exceptions près comme à Iqaluit —; manque de documentation sur les logements pour les Inuits et les Premières Nations. Les recherches ont montré qu'il existe très peu d'informations pertinentes. Cela signifie que très peu de recherches sérieuses ont été réalisées; le marché de l'habitation étant restreint, l'industrie lui consacre pratiquement aucune activité de recherche et développement. Elle cherche très peu à développer et améliorer les matériaux et les systèmes en fonction du marché de l'habitation du Nord.

Mes dernières remarques portent sur les pratiques exemplaires en matière de logement et sur la façon de promouvoir des logements plus durables au sens le plus large du terme. Il ne s'agit pas ici de doter ces logements de tous les équipements à la mode. Je vous donne en vrac quelques réflexions et recommandations dont nous pourrons parler plus tard. Un important principe : pas de modèle unique, tous les besoins sont différents; le dialogue est important pour concevoir des logements culturellement adaptés; il faut renforcer la capacité locale en matière de construction; améliorer l'efficacité énergétique; réduire la dépendance à l'énergie dérivée des combustibles fossiles; réduire les coûts d'entretien; appuyer la recherche pour l'innovation; diffuser les études de cas sur les projets réussis, mais aussi sur les échecs; et enfin, assurer un financement approprié.

Merci.

La présidente : Je vous remercie pour cet exposé. C'était très clair.

Notre comité vient tout juste de terminer un voyage dans le Nord où nous avons pu visiter plusieurs localités et nous renseigner sur la situation du logement sur place. Ce qui est très clair, c'est que le coût de fonctionnement et d'entretien de la plupart des maisons est astronomique, plusieurs milliers de dollars par mois. Les maisons que vous concevez sont mieux construites et plus efficaces sur le plan énergétique. Savez-vous quels sont les coûts d'utilisation et d'entretien d'une de vos maisons?

M. Fournier : Je vais vous donner deux exemples. Le premier concerne une maison pilote que nous avons construite récemment à Quaqtaq, au Nunavik. La construction s'est terminée en février. Malheureusement, nous n'avons pas de chiffres pour le moment.

Il est important de construire des maisons pilotes et d'en faire le suivi. Dans le cas de cette maison particulière, nous allons surveiller 17 variables différentes. Nous allons surveiller la consommation normale d'énergie, telle que le combustible, mais aussi la fréquence d'utilisation de la sécheuse, la fréquence d'ouverture des portes et des fenêtres, parce que, vous comprenez, on a beau concevoir la maison la plus efficace possible sur le plan énergétique, si on laisse les portes et les fenêtres ouvertes la moitié du temps, cela ne sert à rien et on ne sait pas ce qui se passe.

C'est le niveau de surveillance le plus élevé que je connaisse pour une maison pilote. Je dirais que d'ici un an, je n'aurai peut-être pas personnellement ces données, mais le groupe composé de l'Office municipal d'habitation Kativik, de la Société d'habitation du Québec et peut-être le gouvernement régional de Kativik, qui était partie prenante à ce projet pilote, auront sans doute ces chiffres.

Le sénateur Patterson : Monsieur Fournier, je suis très heureux de vous savoir ici et je vous souhaite la bienvenue.

J'aimerais vous soumettre une question qui a été soulevée au cours de notre récent voyage au sujet des habitations unifamiliales par opposition aux multiplexes. Je vois que vous avez conçu une habitation de six logements au Nunatsiavut et des duplex plus petits au Nunavik. Est-il vrai que nous devons, si nous voulons rentabiliser la mise de fonds, privilégier les habitations à logements multiples dans les collectivités du Nord et que les habitations unifamiliales sont moins efficaces et plus coûteuses?

M. Fournier : Dans le Nord, il y a des collectivités de toutes sortes de tailles. Les petites collectivités ne sont peut-être pas nécessairement prêtes à cela, mais les plus grandes localités le sont certainement. Cela montre que ces localités sont prêtes et désireuses d'adopter les habitations à logements multiples que nous avons conçues pour elles. Nous avons conçu des duplex, des triplex et des habitations à quatre logements. La plus récente est l'habitation de six logements que vous avez mentionnée à Nain. Ce qui est intéressant et important, c'est que toutes ces demandes nous parviennent de la base elle-même.

Nous devons prendre conscience que les gens ont vécu traditionnellement dans des maisons unifamiliales ou des abris pour une seule famille ou une famille élargie. Aujourd'hui, on leur demande ou elles envisagent elles-mêmes de s'installer dans des habitations à logements multiples. C'est une réalité que les collectivités doivent accepter. Le projet pilote du Nunatsiavut visait justement ces objectifs. C'était remarquable de voir comment les collectivités ont compris que c'était la voie de l'avenir et qu'il fallait augmenter la densité et réduire les coûts d'entretien — les coûts de construction sont à peu près les mêmes et pas beaucoup moins élevés, mais les coûts d'entretien sont moindres, ne serait-ce que pour le chauffage qui est plus économique —, mais les gens ont compris également que c'était une façon de répondre à la crise du logement. Après notre première consultation et une série de dialogues avec les gens, nous avons proposé une habitation de quatre logements et une autre de six logements. Ils ont opté pour l'habitation de six logements, précisément pour cette raison. En fait, cette habitation est destinée à un groupe particulier dont l'existence est apparue au cours de nos entretiens avec la population. Il sera destiné aux personnes âgées et aux jeunes. Pour différentes raisons, ce sont les groupes qui souffrent le plus de la pénurie de logements.

Au cours de mon expérience, j'ai constaté que certaines collectivités, surtout les plus grandes, comprennent au bout d'un certain temps, que c'est une possibilité qu'elles doivent explorer; mais étant donné que cette idée est nouvelle pour ces collectivités, elles doivent l'accepter et nous devons dialoguer avec la population au cours du processus que nous appelons les charrettes de conception.

Le sénateur Patterson : Au cours de notre voyage, mon attention a été attirée par les systèmes de chauffage, ventilation et conditionnement d'air. Nous avons eu l'impression que beaucoup de ces systèmes étaient surchargés lorsque les logements étaient surpeuplés : ils n'arrivaient tout simplement pas à évacuer la vapeur créée par les gens qui vivaient dans ces maisons conçues pour des familles moins nombreuses. Dans ces maisons, nous avons observé de la condensation qui entraîne des moisissures lorsque le système semblait surchargé. Il me semble que ces systèmes sont voués à l'échec. Il est possible également que les gens les arrêtent pour faire des économies.

Je me demande si vous avez connu de telles situations et si vous pouvez aider le comité à examiner cet aspect. Je sais que c'est une question très technique. Pouvez-vous nous éclairer à ce sujet?

M. Fournier : Oui. Ces appareils sont des ventilateurs-récupérateurs de chaleur qui ont été installés assez récemment dans les logements. Ils ont été rajoutés dans le code de la construction qui exige leur installation étant donné que les constructions nouvelles sont beaucoup plus étanches à l'air. Au bon vieux temps, ces appareils n'étaient pas utiles, parce que l'air frais passait à travers les murs, un peu partout.

Aujourd'hui, les maisons que l'on construit sont tellement étanches à l'air que l'on a besoin d'un ventilateur- récupérateur de chaleur, mais ces appareils posent un certain nombre de problèmes. J'ai constaté personnellement que parfois ils ne fonctionnent pas bien ou qu'ils ne sont pas utilisés. Si l'on ne nettoie pas régulièrement les filtres, les ventilateurs peuvent contribuer à aggraver la situation parce qu'ils se transforment alors en usine à bactéries.

Mais, bien sûr, il ne faut pas oublier la surutilisation. Dans mes remarques préliminaires, j'ai parlé des logements surpeuplés, surutilisés et dégradés. Si sept ou huit personnes vivent dans une maison conçue pour quatre, cette dernière sera extrêmement surutilisée et dégradée. Dans une telle situation, toutes les installations, pas seulement le ventilateur- récupérateur de chaleur sont surutilisées : la douche, la plomberie, les planchers et les placards de cuisine. Il est clair que dans de telles situations les logements sont surpeuplés et surutilisés.

Comme je l'ai dit, les ventilateurs-récupérateurs de chaleur sont des appareils récents. Il faut donc prendre bien soin d'expliquer aux gens comment ils fonctionnent. J'ai fait la même expérience que vous lorsque je me suis rendu dans des logements où j'ai découvert des ventilateurs-récupérateurs de chaleur ouverts dans le local technique, les filtres non changés étalés dans la pièce. Mais comme je l'ai dit, leur installation est exigée par le code, étant donné que les constructions sont très étanches à l'air.

J'ai mentionné également que le marché est si restreint qu'il n'y a pas d'incitation dans l'industrie pour mettre au point des ventilateurs-récupérateurs adaptés à l'Arctique. C'est un problème. Si l'on n'encourage pas l'innovation, elle ne viendra pas de l'industrie, à moins qu'il y ait un marché.

Le sénateur Patterson : Est-ce qu'il serait possible, comme vous l'avez dit, de concevoir un ventilateur-récupérateur de chaleur pour l'Arctique? Est-ce que vous avez des idées? Est-ce que cela relèverait du mandat du Conseil national de recherches?

M. Fournier : En tout cas, ce serait un bon départ.

Le sénateur Enverga : Je vous remercie, monsieur, pour votre exposé. Au cours de nos déplacements, nous sommes allés à des endroits où l'on pouvait constater l'impact des changements climatiques. Dans certaines régions, le pergélisol fond. Est-ce que vous avez tenu compte de cela dans vos plans de conception?

M. Fournier : Absolument. Je vais encore vous raconter une autre anecdote. À l'occasion de divers congrès, j'ai parlé à des spécialistes du pergélisol et je leur ai posé des questions. En matière de construction, on faisait jusqu'à présent autant confiance au pergélisol qu'à la roche. Le pergélisol est encore assez stable, mais on ne peut plus lui faire autant confiance qu'au substrat rocheux.

Nous avons changé notre façon de faire et on ne considère plus le pergélisol comme un fond stable. On cherche à la place à atteindre le véritable fond rocheux, soit en surface, soit en profondeur et au-delà du pergélisol. C'est ce que nous faisons.

On utilise aussi des systèmes de pieux que l'on enfonce assez profond dans le pergélisol pour éviter que les fondations soient touchées par les variations du sol ou un dégel — si la couche supérieure du pergélisol fond.

Je dois dire que lorsque j'ai posé des questions aux scientifiques qui connaissent beaucoup mieux le pergélisol que moi, ils ont haussé les épaules en disant qu'ils ne savaient pas exactement ce que l'avenir nous réserve. Ils ne savent pas exactement où le pergélisol va disparaître. Par conséquent, en l'absence de données et face à cette incertitude, la technique consiste maintenant à tenter d'atteindre le substrat rocheux là où il se trouve. Si le pergélisol est le seul substrat sur lequel on peut s'appuyer, alors, on creuse très profond pour trouver des appuis solides.

Le sénateur Enverga : Vous venez de dire que, d'après les conversations que vous avez eues, même les experts, les scientifiques et ceux qui semblent en savoir plus sur le pergélisol, ne savent pas exactement ce qu'il va en advenir. D'après vous, quelle est l'ampleur du problème? Quelle est la proportion du pergélisol qui fond? Est-ce véritablement un problème grave pour nos collectivités?

M. Fournier : Tout ce que je peux dire, c'est que nous sommes nombreux à avoir observé que cela pose problème dans certaines collectivités. La fonte du pergélisol menaçait déjà certaines pistes d'atterrissage. C'est devenu un véritable problème et désormais, il faut surveiller le pergélisol pour vérifier ce qui se passe. Comme je l'ai dit, on pouvait autrefois s'y fier, mais plus maintenant. C'est pourquoi il faut surveiller l'évolution du pergélisol.

Sans entrer dans les détails, on peut dire qu'il y a différentes températures et différents types de pergélisol et, au pays des glaces, évidemment, la qualité des sols qui constitue le pergélisol peut varier.

Alors oui, les impacts sont clairs dans certains cas où, comme je l'ai dit, des infrastructures comme des pistes d'atterrissage peuvent être touchées. Ce sont des phénomènes que l'on commence à constater maintenant, alors qu'il y a une dizaine d'années, on ne connaissait rien de tel. Je n'ai pas vu ni entendu parler de grands bâtiments ayant des problèmes de stabilité à la suite de la fonte du pergélisol, mais cela ne veut pas dire que ça n'existe pas.

Le sénateur Watt : Je vous remercie pour l'exposé que vous avez présenté. Puisque vous nous avez dit que vous prenez en charge la plupart des aspects architecturaux, ainsi que, je suppose, les travaux de génie annexes, pour répondre aux besoins en matière de logement des collectivités du Nord, est-ce que votre groupe envisage un plan à long terme tenant compte des changements possibles et des conséquences que nous constatons dès maintenant en raison des changements climatiques? Vous avez parlé du pergélisol, mais c'est quelque chose qui disparaît peu à peu. On ne peut plus se fier au pergélisol et certaines collectivités commencent à en subir les conséquences, surtout dans les régions de Salluit et de Wakeham Bay où l'érosion commence à prendre de l'ampleur.

Envisagez-vous la possibilité de construire plus en hauteur, sur une base solide comme le substrat rocheux, plutôt que d'installer le bâtiment sur un sol qui est sur le point de disparaître au bas de la colline? Je me demande si vous participez également à la planification à long terme.

M. Fournier : Nous y avons pris part en fait au Nunatsiavut et au Nunavik lorsque nous avons présenté des suggestions et des recommandations. Je vais commencer par le Nunatsiavut.

Avant de nous lancer dans le projet pilote de six logements, nous avons commencé par visiter, comme vous l'avez fait, les habitations de Makkovik et Nain pour faire le bilan de la situation et vérifier les systèmes de fondation, les fondations, l'isolation, l'efficacité énergétique, et cetera. Nous avons noté un certain nombre de problèmes au niveau des fondations, des mauvais systèmes de fondation, mais également une mauvaise connaissance des conditions du sol. Quand on parle des conditions du sol, il s'agit, bien entendu, de noter la présence du pergélisol. Nous avons suggéré que le Nunatsiavut vérifie les conditions du sol dans toutes ses collectivités, afin de déceler la présence ou l'absence de pergélisol.

Nain, comme Kuujjuaq, est une localité où le pergélisol est discontinu, c'est-à-dire que certaines zones sont pergélisolées et que d'autres ne le sont pas. À Nain, les conditions du sol sont en plus très mauvaises. Jusqu'à présent, les autorités avaient pris des décisions de planification. Les planificateurs s'étaient contentés de prolonger tout droit les routes de la ville de Nain, sans prendre en considération le type de sol sur lequel reposaient ces nouvelles voies.

Sur la recommandation de notre équipe d'architectes et d'ingénieurs, ils ont commencé à inventorier les conditions du sol dans l'ensemble de leurs collectivités. Ils l'ont fait également au Nunavik et vous savez ce qui s'est passé à Salluit lorsqu'un de leurs nouveaux ensembles d'habitations a glissé et qu'il a fallu le déplacer. À la suite de cela, ils ont commencé à cartographier toutes les collectivités du Nunavik. C'est un travail qu'a accompli le Centre d'études nordiques de l'Université Laval qui a désormais une station de recherche permanente à Salluit. Il est question également de bâtir une station permanente à Kangiqsujuaq et ailleurs. C'est ainsi que les planificateurs et les scientifiques travaillent de concert pour inventorier ces collectivités et déterminer quelles sont les zones où l'on peut construire et celles où ce n'est pas possible.

Par ailleurs, la maison pilote, le duplex que nous venons de terminer à Quaqtaq est un bon exemple qui montre, dans ce cas particulier, que le Nunavik doit tenir compte des changements climatiques pour bâtir des fondations plus stables. Après des décennies de réflexion, ils ont décidé de faire l'essai de fondations sur pilotis, système assez courant au Nunavut, mais pas au Nunavik. La maison pilote de Quaqtaq est en fait construite sur pilotis. Dans ce cas particulier, les pieux sont tout simplement enfoncés dans le substrat rocheux. Ils sont extrêmement solides. Mais l'idée était de permettre à Kautaq, l'entreprise de construction de Makivik, d'acquérir l'expérience dans le battage de pieux, dans le cadre de ce projet pilote particulier, et qu'elle transmette ensuite ses connaissances à d'autres constructeurs à l'occasion de projets futurs au Nunavik.

Le sénateur Watt : Dans un sens, vous avez l'air de dire que la planification se fait plus à long terme qu'à court terme. Dans une certaine mesure, j'ai l'impression que la planification se fait encore à court terme, et qu'on est toujours en mode de crise, en particulier lorsqu'on choisit une certaine zone pour bâtir des habitations sans chercher à savoir quelles sont les conditions du sol ni si les bâtiments seront touchés par les changements climatiques ou saisonniers, par exemple. Les constructeurs ont tendance à poser leurs plans sur le site lui-même, sans tenir compte du sous-sol qui pourrait avoir un effet à long terme sur les constructions. Je le constate encore aujourd'hui, quelle que soit la qualité des travaux qui ont été effectués. Je pense qu'il y a encore beaucoup à apprendre.

Par ailleurs, il y a une question qui me préoccupe : pourquoi placez-vous les fosses septiques entre les deux étages? Quand je dis « les deux étages », je veux parler du haut et du bas. Les fosses septiques ne sont pas placées complètement sous le bâtiment, mais intégrées à celui-ci, installées entre des deux par quatre avec une plaque de contreplaqué au- dessus et une autre en dessous. On ne connaît pas l'épaisseur de ces plaques de contreplaqué. C'est là le meilleur moyen de détériorer les bâtiments dès la première année, sans parler de l'année suivante, parce que les fosses septiques, lorsqu'elles sont placées entre les étages, ont tendance à suinter beaucoup en hiver, mais également en été, si bien que les bâtiments se détériorent très rapidement.

Je ne sais pas pourquoi cette technologie est encore utilisée de nos jours, quand on sait qu'elle est à l'origine d'un des plus graves problèmes que nous ayons, que ce soit au Nunavik, au Nunavut, au Nunatsiavut ou dans les Territoires du Nord-Ouest. En tant qu'ingénieur, je pense que vous devriez signaler ce problème afin qu'on lui trouve rapidement une solution, parce que les maisons seront vraiment détériorées dans moins de cinq ans, y compris celles que vous êtes en train de construire. Je voulais signaler ce problème. Merci.

M. Fournier : Je vais commencer par votre première observation. Bien entendu, on recueille des informations sur la qualité des zones à bâtir dans les diverses collectivités, mais tout dépend ensuite des zones qui sont choisies. C'est une question de gouvernance. Ce n'est pas aussi simple que cela.

Dans le cas des fosses septiques, nous prenons soin de ventiler le local dans lequel elles sont installées dans les maisons que nous dessinons. Mais vous avez raison, par le passé, les fosses septiques n'étaient pas ventilées, ce qui entraînait toutes sortes de problèmes et, notamment, le gel des fosses septiques. Désormais, la fosse septique est considérée comme faisant partie de la maison sur le plan de l'échange d'air et de chaleur. Par conséquent, grâce à la ventilation et à la chaleur, on parvient à éviter les problèmes que vous avez fort justement soulignés.

La sénatrice Raine : C'est bien de vous avoir ici, parce que nous ne sommes ni des architectes ni des spécialistes, mais nous avons clairement constaté au fil des années que les modèles de maisons ont changé. Je crois qu'elles ont toujours été construites pour quatre à six ou huit personnes peut-être, mais elles en accueillent en moyenne au moins le double. Depuis quelque temps, les maisons sont étanches à l'air, ce qui rend obligatoire un système de ventilation et de récupération de la chaleur, comme vous l'avez expliqué. Vous dites que le code exige que la maison soit étanche à l'air. Or, si nous savons que le ventilateur-récupérateur de chaleur n'aura pas une capacité suffisante, compte tenu du nombre de personnes qui occupent la maison, nous construisons des maisons qui sont vouées à l'échec. Parfois, je me dis que ce n'est peut-être pas une bonne idée de construire des maisons étanches à l'air quand on sait que le logement sera surpeuplé. Est-il possible de concevoir une maison qui puisse respirer suffisamment pour tenir compte du nombre de personnes qui y logent?

M. Fournier : Oui, bien entendu. Mais on ne dispose pas des fonds nécessaires. Quand on lance un programme de logement, on prévoit par exemple de construire 50 maisons de trois ou quatre chambres. Mais là encore, il ne faut pas oublier qu'il y a pénurie de logements et chacun sait que ces maisons seront probablement surpeuplées — pas toutes, pas systématiquement, mais elles seront peut-être surpeuplées dès le premier jour. Tout le monde sait que ces maisons seront surpeuplées, dès que les occupants auront emménagé, ce qui signifie que ce n'est pas seulement le ventilateur- récupérateur de chaleur qui va souffrir, mais toutes les autres composantes du logis.

C'est vrai que le ventilateur-récupérateur de chaleur est un système que l'on a récemment ajouté aux maisons, parce que nous voulons qu'elles soient plus efficaces sur le plan énergétique et que cela exige qu'elles soient étanches à l'air. Si nous n'installons pas de ventilateur-récupérateur, les occupants suffoqueront, ce qui entraînera une situation encore pire.

Il est certain que c'est un problème sérieux. Pour y remédier, il faut mettre l'accent sur le financement, la gouvernance et l'éducation. Il faut adopter une approche globale. Il n'y a pas de solution simple, à part celle qu'ont adoptée les occupants qui consiste à débrancher le ventilateur-récupérateur de chaleur et ouvrir les fenêtres. C'est ce qu'ils font, et c'est logique.

La sénatrice Raine : Puisque nous savons que les occupants débrancheront le système de ventilation et ouvriront les fenêtres, je n'arrive pas à comprendre pourquoi nous persistons à aller dans la mauvaise direction. Nous devrions peut- être revenir à des systèmes très simples. Je me souviens d'un monsieur qui nous a dit : « Avant, l'air circulait dans le logement. Il y avait des cheminées qui permettaient une certaine ventilation. Quand nous avons emménagé dans les logements, on a constaté qu'il n'y avait aucune circulation d'air. Alors, il nous a semblé logique de percer des trous. C'est une façon de faire que nous connaissons. » Alors, ils percent des trous d'aération en haut des murs, pour permettre de ventiler la maison. Nous nous sommes rendu compte qu'il y avait beaucoup moins d'humidité sur les murs dans les logements qui avaient été ainsi modifiés.

À quel endroit le code exige-t-il que les maisons soient étanches à l'air? D'où vient ce code?

M. Fournier : C'est le Code national du bâtiment du Canada.

La sénatrice Raine : Est-ce qu'il est conçu pour des régions où la température peut descendre jusqu'à moins 40?

M. Fournier : Théoriquement, oui. Le ventilateur-récupérateur de chaleur fonctionne s'il est bien entretenu et si le nombre d'occupants du logement est respecté comme prévu. Ces appareils fonctionnent. Comme je l'ai dit, il serait bon d'avoir des appareils conçus spécialement pour les conditions de vie dans l'Arctique et qui fonctionneraient mieux. Voilà peut-être une solution qui permettrait une meilleure adaptation aux conditions climatiques.

Je ne suis pas du genre à introduire les nouvelles technologies pour le plaisir de la chose. Je comprends le problème que posent les ventilateurs et j'y ai moi-même été confronté, mais on n'y peut rien, puisque ces appareils sont exigés par le code. Les ingénieurs nous disent que ces appareils sont obligatoires et qu'on ne peut pas contourner le code, mais nous savons tous ce qui se passe au bout du compte.

Il n'y a pas de solution simple. Il y a de nombreuses solutions et je ne pense pas que nous devrions y renoncer tout simplement parce que, pour le moment, la formule ne fonctionne pas. Je pense que le bon fonctionnement dépend de plusieurs éléments, afin que l'air frais soit distribué dans le logement — je pense que nous avons tous le droit d'avoir de l'air frais dans notre logement — et de disposer d'un chauffage abordable chez soi — c'est une expression typique du Nunatsiavut. Il ne faut pas oublier que le problème est là.

C'est très bien d'ouvrir les fenêtres et les portes pour avoir de l'air frais, mais cela entraîne un autre problème, car il est très coûteux de chauffer les logements et l'argent que l'on ne peut économiser au chapitre des dépenses de fonctionnement et d'entretien ne peut pas être réinvesti dans la construction d'autres logements. Il y a un équilibre à trouver et ce n'est pas mon rôle de prendre ces décisions.

La sénatrice Raine : Vous parlez du fonctionnement et de l'entretien et il est clair en effet que la conception du logement doit tenir compte de ces deux éléments. On nous a dit que les systèmes de chauffage à air pulsé que l'on utilisait autrefois ont été remplacés par une nouvelle technologie qui fait appel à une chaudière. Les occupants des logements ont toutes sortes de problèmes avec ce type de chauffage. Le personnel n'est pas formé pour effectuer des réparations. Ils ne peuvent pas aller à la quincaillerie pour acheter les pièces nécessaires, puisqu'il n'y en a pas. Les systèmes à air pulsé nécessitaient très peu d'entretien et il y avait beaucoup moins de moisissures parce que l'air circulait. Voilà, c'est un simple commentaire sur le système de chauffage à air pulsé par opposition au système qui fait appel à une chaudière.

M. Fournier : Là encore, c'est une question d'adaptation. Je sais qu'il y a des avantages et des inconvénients. Le chauffage à air pulsé n'a pas besoin d'entretien parce que la chaleur est distribuée par des tuyaux. En revanche, les tuyaux s'encrassent, accumulent la saleté et les bactéries. En pratique, l'air pulsé est idéal pour une maison unifamiliale ou peut-être un petit duplex. Le chauffage à l'eau et au glycol dans les plus grands bâtiments offrira peut-être une source de chaleur plus confortable, mais c'est un système mixte. Je dois dire qu'aujourd'hui, même les maisons chauffées à l'air pulsé doivent être équipées d'un système de ventilateur-récupérateur de chaleur.

La maison pilote, le duplex, est en fait équipée d'une chaudière qui chauffe un mélange d'eau et de glycol. C'est pourquoi on en parle comme d'une maison pilote. On veut voir comment les gens vivent dans ces maisons et on a même l'intention d'évaluer leur qualité de vie, leur bien-être, ce qui va au-delà de l'évaluation technique. Tout est vraiment pris en compte.

Vous soulevez un certain nombre de questions. C'est pourquoi les maisons pilotes sont importantes, parce qu'elles nous permettent de faire des applications, d'essayer de voir ce qui peut fonctionner, pas simplement sur le plan technique, mais également de voir comment les occupants s'adapteront à cet environnement et comment ils l'utiliseront.

La sénatrice Beyak : Merci, monsieur Fournier, pour l'excellente documentation que vous nous avez fournie. Nous apprécions beaucoup que vous partagiez avec nous votre longue expérience dans le domaine.

Plusieurs témoins ont cité le coût élevé de la construction dans le Nord. Je vis à Dryden, et je suis toujours surprise de constater la hausse des prix quand je parle avec ma famille et mes amis du Sud. Au Nunavut et au Nunavik, il est clair que les coûts sont beaucoup plus élevés.

Pouvez-vous expliquer à l'ensemble des Canadiens qui regardent la retransmission de nos travaux chez eux, pourquoi ces coûts sont beaucoup plus élevés? Avez-vous des solutions permettant de réduire les coûts de construction?

M. Fournier : Oui, les coûts sont beaucoup plus élevés que la moyenne des coûts de construction d'un bâtiment ou d'une maison au Canada. Tout d'abord, bien que la saison de navigation soit plus longue au Nunatsiavut, tous les matériaux doivent être livrés par bateau au cours de l'été. Il n'y a pas de route. Aucune route ne relie le Sud au Nunavik ou au Nunavut. Les coûts élevés s'expliquent par l'obligation d'expédier tous les matériaux par bateau. Les coûts varient d'une collectivité à une autre. À certains endroits, les coûts sont moindres parce que les livraisons par bateau sont plus nombreuses; par contre, certaines localités sont moins bien desservies, les bateaux sont moins nombreux.

D'autre part, il faut transporter toute la main-d'œuvre. Tout le personnel de construction doit voyager, bien entendu, par avion et, si vous êtes déjà allés au Nunavik ou au Nunavut, vous savez que les billets d'avion coûtent extrêmement cher. De plus, il faut transporter ces travailleurs, mais également les loger et les nourrir. Par conséquent, il faut assurer la pension complète de ces travailleurs pendant toute la durée du contrat ou du projet.

Selon la taille du bâtiment, ces coûts représentent près de 30 à 40 p. 100, parfois plus, des coûts de construction, alors que ces dépenses ne sont absolument pas des frais de construction. Il faut ajouter à cela, dans le cas des entrepreneurs privés, un risque lié à la brièveté de la saison de navigation. Si j'oublie de commander quelque chose, je devrai le faire venir par avion cargo. C'est, bien entendu, un risque plus élevé qui vient s'ajouter aux coûts de la construction.

La capacité locale en matière de main-d'œuvre et de services, tels que les camps de construction, est inexistante. J'ai parlé de pension complète. Or, dans la plupart des collectivités, il n'y a pas de camp pour les travailleurs de la construction. Ces derniers doivent apporter leur propre camp ou le construire. Cela aussi représente un coût supplémentaire.

C'est la même chose pour l'équipement, l'équipement lourd. Certaines collectivités en ont, mais ce n'est pas toujours le cas et les entrepreneurs doivent apporter leur propre équipement. Cela aussi augmente les coûts.

Tous ces éléments sont de bonnes raisons et, bien entendu, la saison propice à la construction est beaucoup plus courte. Le premier bateau peut arriver vers la fin du mois de juillet, alors que l'hiver commencera à s'installer dès le mois d'octobre, selon la région de l'Arctique où vous vous trouvez. Aussi, vous réalisez rapidement que vous devrez travailler dans des conditions hivernales et parfois même dans le blizzard. Le travail du personnel de construction est moins efficient par temps froid. Quand le temps est mauvais, il faut même parfois suspendre les travaux. Toutes ces choses contribuent à hausser les coûts de construction.

La sénatrice Beyak : Il semble qu'on ne puisse pas faire grand-chose à ce sujet.

M. Fournier : J'ai eu une idée. J'ai parlé des camps de construction et de l'équipement lourd. Il serait peut-être intéressant que les collectivités conservent cette infrastructure de construction et cet équipement, pour que les entrepreneurs n'aient pas à l'expédier chaque année au moment d'entreprendre un projet de construction. Les entrepreneurs pourraient, par exemple, utiliser ces entrepôts et ces ateliers qui pourraient servir, pendant les mois d'hiver, à la fabrication de certains éléments de construction. Cela donnerait du travail à la main-d'œuvre locale. Il serait peut-être possible de préfabriquer certains articles d'ébénisterie. Dans certaines de ces installations, on pourrait préfabriquer des éléments muraux. À mon avis, cela permettrait de réduire les coûts, puisque les entrepreneurs n'auraient pas à apporter chaque année un nouveau camp ou un nouvel équipement.

Le sénateur Enverga : Une question rapide : lorsque nous sommes allés dans le Nord, on nous a fait remarquer que beaucoup de maisons n'avaient qu'une seule porte. Est-ce que vous en avez parlé avec vos concepteurs? Est-ce que vous vous êtes penchés sur cette question?

M. Fournier : Oui, enfin. Je dis enfin parce que dans le cas du duplex pilote, celui du Nunavik — comme vous pouvez le voir dans la documentation —, nous avons organisé une charrette de conception et nous avons consulté la population. Les gens n'arrêtaient pas de demander une deuxième porte. C'est ce qu'ils demandaient, en vain, depuis des décennies.

Et l'on revient encore au code. Compte tenu de la taille des logis, le code n'exige pas une deuxième sortie. Mais dans ce cas particulier, les Inuits, les Nunavummiuts souhaitaient avoir une deuxième sortie, juste au cas où. Avec une deuxième sortie, ils se sentaient plus en sécurité. Par ailleurs, la deuxième sortie offre un autre avantage : on peut y placer peut-être un barbecue au cours de la brève saison estivale. Oui, j'ai le plaisir de dire que la question a été réglée dans le cas de cette maison pilote. J'espère que cette deuxième sortie s'avérera acceptable et qu'elle sera ajoutée à la prochaine génération de duplex.

Le sénateur Watt : Revenons aux techniques de construction utilisées par les ingénieurs et les architectes. Quelles seraient vos recommandations pour remédier aux lacunes que vous avez constatées en tant qu'architecte? Quelles améliorations pourrait-on apporter dans les domaines sur lesquels vous n'avez aucun contrôle en ce qui a trait aux décisions concernant le code du bâtiment et autres règlements que le gouvernement vous demande d'appliquer, alors que, de votre côté, vous cherchez à réduire les coûts de construction de ces logements? Quelles seraient vos recommandations?

On dirait que les gens qui prennent des décisions concernant le Nord n'y ont jamais mis les pieds. Si c'est le cas, vous avez peut-être des suggestions à nous proposer pour que notre comité puisse intervenir. Quelles seraient vos recommandations?

M. Fournier : La prise de décisions est complexe. Les sénateurs assis autour de cette table connaissent mieux les questions de gouvernance que moi-même, mais la gouvernance est véritablement un enjeu. D'où proviennent les budgets? Certains montants d'argent sont consacrés à la construction de logements. Les divers gouvernements sont soumis à d'énormes pressions et doivent construire le plus possible de logements chaque année. Nous sommes dans un état d'urgence. Nous devons construire le plus de logements possible, dans l'espoir de réduire les interminables listes d'attente.

Dans ce contexte, les gens tentent de gérer la crise du logement et, bien entendu, plusieurs paliers de gouvernement sont concernés. Les gouvernements fédéral, provincial et en fin de compte le Nunavik fixent les objectifs et conditions. Je comprends qu'ils essaient de trouver le juste équilibre entre la qualité de la construction et la quantité de logements disponibles.

Si j'avais une recommandation à faire, je dirais que nous devrions continuer à construire des maisons pilotes. Il se trouve que je suis venu aujourd'hui vous présenter deux récentes maisons pilotes. Ces maisons pilotes feront dire aux architectes, aux ingénieurs, aux résidants et aux personnes chargées de leur construction et de la répartition des fonds : « Voilà ce que nous devons faire. » Sinon, les discussions demeurent très théoriques. Grâce à ces maisons pilotes, on est dans le concret. Elles nous fournissent une rétroaction. Elles sont évaluées.

Ma recommandation serait d'accorder plus d'argent à ces projets particuliers, non pas dans un compte général avec lequel la tentation serait de se dire : « Nous allons prendre cet argent et construire une autre maison », ce que je comprends parfaitement. Si je devais gérer cette crise, je ne voudrais pas être celui qui annoncerait à une famille qu'elle n'obtiendrait pas son logement cette année, parce que nous avons utilisé l'argent ailleurs.

Si vous décidez de construire une maison pilote, faites-le bien. Ne vous contentez pas de dire : « Nous avons construit une sorte de maison pilote. » Prenez le temps de vraiment consulter et dialoguer. Ne vous contentez pas de parler une seule fois aux gens et de ne plus les rencontrer par la suite. Parlez-leur et demandez-leur ce qu'ils veulent. Retournez à votre table à dessin, même si maintenant tout se fait par ordinateur. Retournez voir les gens une fois que vous avez vos premières esquisses et montrez-les-leur afin que vous puissiez en discuter, afin que les futurs occupants s'approprient vraiment le projet, parce que c'est aussi ce que vous voulez. Vous voulez que les gens se rendent compte que vous les avez respectés au cours des discussions et du dialogue que vous avez eus avec eux, que vous avez écouté leurs suggestions et qu'ils ont contribué au projet. Bien entendu, nous sommes immanquablement confrontés au constat suivant : « Vous ne pouvez pas tout avoir, mais ce n'est pas à nous, les concepteurs, de décider ce que vous ne pouvez pas obtenir. C'est à vous de prendre la décision et de choisir ce que vous pouvez avoir ou ne pouvez avoir, un peu moins de ceci ou de cela. » Il est extrêmement important de respecter ce processus.

Il faut utiliser les meilleures technologies existantes. Nous savons que la technologie évolue constamment et c'est pourquoi les maisons pilotes sont importantes. Je pense que dans 15 ans, l'isolation sera plus efficiente. Un jour, il sera possible de construire à coût moindre des maisons extrêmement efficaces sur le plan énergétique.

Le duplex du Nunavik a été conçu comme une tentative d'appliquer les principes de la maison passive. Si nous avions vraiment respecté les critères, nous aurions eu des murs très épais. Nous avons fait la part des choses et nous avons des murs un peu moins épais. Nous devons faire des progrès dans tous ces domaines. Il faut que la construction soit acceptable et appropriée sur le plan culturel et que les futurs occupants acceptent toutes les autres améliorations et technologies.

Dans le cas de la maison pilote au Nunatsiavut, il a fallu prendre des décisions techniques et faire des choix et ce sont les résidents qui ont fait ces choix : ils les ont adoptés. Nous savons que nous avons des ventilateurs-récupérateurs de chaleur. Les occupants nous ont demandé d'installer un appareil dans chaque logement plutôt que pour l'ensemble des six habitations. Chaque famille veut prendre son installation en charge. Les occupants ont accepté le principe des ventilateurs-récupérateurs de chaleur et ils savaient à quoi s'en tenir. C'est important. Cela fait partie d'un processus.

En conclusion, je recommanderais que l'on mette de l'argent de côté pour que l'on puisse construire adéquatement les maisons pilotes. C'est au cours de ce processus que l'on peut passer en revue tous ces aspects : respecter le code ou non, comment s'adapter au code.

La sénatrice Raine : Au fil des années, vous avez acquis une bonne expérience. Je suis certaine que votre firme possède tout un catalogue de petites maisons simples de type bungalow construites au fil des années. Serait-il possible de revenir en arrière afin de vérifier quels sont les modèles qui ont le mieux résisté, qui ont été les plus faciles à entretenir et qui existent toujours, par opposition à ceux qui se sont démantibulés? Je sais que la conception et la construction sont deux choses différentes, mais serait-il possible de revenir en arrière afin de vérifier ce qui a fonctionné et ce qui n'a pas fonctionné et de nous faire un compte rendu à ce sujet?

M. Fournier : Je serais le premier intéressé à connaître les résultats. C'est exactement pour les mêmes raisons qu'on va faire le suivi de l'expérience de la maison pilote de Quaqtaq. J'aimerais avoir cette rétroaction sur les bâtiments que nous avons conçus et construits. J'ai des informations sur certains d'entre eux. Nous n'avons pas recueilli systématiquement ces données, mais je pourrais demander à quelqu'un de le faire, étant donné que nous aimons apprendre de nos erreurs. Je serais prêt à partager des études de cas, que les résultats soient positifs ou négatifs. Il est tout aussi important, sinon plus, de savoir ce qui n'a pas fonctionné, afin de ne pas répéter toujours les mêmes erreurs.

J'ai bon espoir dans le cas de la maison pilote de Quaqtaq. Je crois que c'est la première fois qu'il y aura non seulement un suivi sur le plan technique, mais également sur le plan social. Je pense que c'est une grosse amélioration. Quand on parle de durabilité, il ne faut pas oublier que ce n'est pas uniquement une question d'énergie et de conservation, mais qu'il faut également que le logement soit adapté sur le plan culturel et que ses occupants éprouvent une impression de mieux-être. C'est ce que nous voulons. La technologie est un moyen d'y parvenir et non pas un objectif en soi.

La présidente : Merci, monsieur Fournier. Votre témoignage a été des plus instructifs, surtout après que nous avons pu constater par nous-mêmes l'état des logements dans le Nord. Au nom de tous les sénateurs, je vous remercie pour votre exposé.

Le deuxième groupe de témoins que nous allons entendre provient d'Habitat pour l'humanité Canada. Depuis Iqaluit, par vidéoconférence, nous entendrons Glenn Cousins, président du conseil d'administration; et ici, à Ottawa, nous sommes heureux d'accueillir Jay Thakar, directrice, Programme de logement visant les Autochtones. Nous allons commencer par écouter votre exposé et nous passerons ensuite aux questions. Je vous informe qu'il y aura un décalage de deux à trois secondes dans la communication par vidéoconférence. Je vous le signale pour que vous compreniez que la réponse ne se fait pas immédiatement.

Monsieur Cousins, la parole est à vous.

Glenn Cousins, président du conseil d'administration, Habitat pour l'humanité Iqaluit : Bonjour à tous et merci de me donner la possibilité de vous présenter mon exposé ce matin.

Je regrette vraiment de ne pas avoir été en mesure de me rendre à Ottawa pour vous rencontrer ce matin, et je suis désolé de l'inconvénient causé par l'installation de vidéoconférence. Notre service Internet étant assez lent, il est possible que le décalage cause un certain problème. J'espère que cela ne nous dérangera pas trop.

Encore une fois, je suis ravi de pouvoir vous présenter mon exposé ce matin. Habitat pour l'humanité Iqaluit est une très petite filiale d'Habitat pour l'humanité Canada. Je vais vous parler des intéressants défis que nous devons relever. J'ai demandé à ma collègue d'Habitat pour l'humanité Canada, Mme Thakar, de venir aussi afin d'élargir le contexte et de vous donner une perspective nationale en plus de vous parler de son expérience en matière de logement dans les collectivités autochtones.

Je vais commencer par vous donner des renseignements généraux. Habitat pour l'humanité Iqaluit est de loin la plus petite société affiliée à Habitat pour l'humanité au Canada. Je crois qu'il existe environ 55 ou 56 sociétés affiliées dans les diverses régions du Canada. Cela va des gros promoteurs immobiliers ayant de grands effectifs jusqu'aux petits organismes comme le nôtre animé par des bénévoles. Notre organisme a été fondé en 2005 et nous avons construit notre première maison en 2007. Au total, nous avons bâti quatre logis. Nous avons terminé notre dernière maison en décembre 2013. Depuis, nous n'avons pas pu bâtir d'autres logements pour diverses raisons, mais essentiellement parce qu'il n'y a pas de terrains viabilisés actuellement disponibles à Iqaluit.

Notre organisme repose entièrement sur une main-d'œuvre bénévole. Le seul employé payé que nous ayons eu est un étudiant qui a travaillé périodiquement au cours de l'été. Pour la troisième et la quatrième maison, nous avons bénéficié des services d'un contremaître de construction qui avait été détaché d'une des grandes entreprises de construction appartenant à des Inuits et en activité au Nunavut.

Toutes les familles aidées par Habitat pour l'humanité sont des familles inuites ou essentiellement inuites. Je veux dire par là que les familles sont mixtes, comme c'est assez souvent le cas à Iqaluit.

L'objectif à long terme que nous nous étions donné en 2013 consistait à construire 10 maisons d'ici 2020. Cet objectif s'est avéré très difficile à atteindre pour diverses raisons, notamment et surtout en raison de la difficulté à trouver du financement pour l'achat du matériel, en raison de notre capacité organisationnelle, étant donné que nous fonctionnons uniquement sur une base bénévole, et encore une fois, à cause du manque d'accès à des terrains constructibles.

Mais il y a beaucoup d'éléments positifs. Par exemple, la possibilité pour des familles d'accéder à la propriété selon un modèle abordable tel que celui que propose Habitat pour l'humanité et la participation de la collectivité à la construction de ces maisons grâce au bénévolat, au partenariat et aux donateurs qui joignent leurs efforts pour apporter une solution au problème de la collectivité. Les membres de la collectivité se prennent en main pour trouver eux-mêmes la solution au problème. Je suis fier d'annoncer également qu'une de nos maisons est entièrement accessible puisqu'une de nos familles a un enfant handicapé.

J'ai souvent entendu d'autres témoignages donnés au comité sénatorial sur le logement. Ces témoins établissaient un lien entre le logement et le développement économique, le bien-être et d'autres aspects tels que la scolarisation, et cetera. Je dois dire que pour nous, il n'y a pas de mystère. C'est quelque chose que nous comprenons parfaitement, parce là où nous vivons, nous en faisons chaque jour le constat. C'est un phénomène que nous connaissons dans nos familles élargies et celles de nos collègues de travail, et cetera.

Nous espérons pouvoir étendre nos activités, non seulement parce que nous obtenons de bons résultats, mais parce que nous pensons pouvoir offrir une plateforme pour d'autres aspects du développement économique, par exemple, des initiatives en matière de formation de la jeunesse, et cetera. Mme Thakar pourra en parler s'il y a des questions à ce sujet parce que le bénévolat à Habitat pour l'humanité donne lieu à des expériences vraiment intéressantes, des contacts avec les jeunes et des activités de sensibilisation aux carrières. Je répète que notre but à long terme est de construire d'autres maisons, mais aussi d'associer nos efforts de construction à ces autres activités. Pour ce faire, nous avons besoin d'accroître notre capacité, évidemment, mais aussi d'avoir des maisons à construire, afin de tirer parti des deux aspects de nos activités.

Il est intéressant de noter que nos activités de bénévolat ont un élément touristique important. Pour la construction de nos quatre maisons, nous avons accueilli 140 touristes bénévoles associés au programme Village global d'Habitat pour l'humanité. Ces bénévoles sont des gens qui voyagent dans le monde entier, se rendant souvent dans les régions frappées par une catastrophe ou dans les pays en voie de développement pour construire des logements. Le programme Village global a reconnu que le Nord avait des besoins immenses et a proposé Iqaluit comme destination pour les équipes de Village global. Ces bénévoles sont essentiellement des gens qui prennent des vacances, qui payent un forfait pour voyager vers le pays où ils souhaitent se rendre dans le monde et où les voyages sont possibles. Beaucoup d'entre eux ont choisi Iqaluit comme destination et pour participer aux activités de construction.

Pour terminer, j'ai entendu certaines questions et certains commentaires concernant les aspects logistiques et les coûts de la construction. Étant donné que nous faisons beaucoup appel à une main-d'œuvre bénévole, nos coûts de construction sont plus modestes que ceux d'un promoteur, même si nous avons d'autres facteurs de coût. Par exemple, nos travaux de construction durent plus longtemps. Il est difficile de construire des logements quand on ne dispose que des fonds que l'on collecte soi-même. Comme je l'ai dit dans l'exposé que j'ai remis à Jay, il est difficile de construire des maisons avec les profits des ventes de pâtisseries. La comparaison est peut-être un peu exagérée, mais nos activités dépendent uniquement des efforts de collecte de fonds bénévoles et de partenariats fantastiques avec des donateurs et d'autres personnes qui appuient nos activités.

En attendant de participer à la discussion et de répondre aux questions, je donne la parole à Jay. Merci.

Jay Thakar, directrice, Programme de logement visant les Autochtones, Habitat pour l'humanité Canada : Bonjour. Merci d'avoir invité Habitat pour l'humanité. C'est un privilège pour moi de venir témoigner et de pouvoir vous dire qui nous sommes et ce que nous faisons. Je vous ai remis un document très complet, mais je vais le résumer en quelques minutes.

Habitat pour l'humanité est une des plus grandes organisations à but non lucratif à l'échelle internationale qui se donne pour but de construire des logements abordables et dont la vision est d'offrir à tous un lieu de vie sûr et convenable.

Nos logements sont généralement construits avec l'aide de partenaires locaux et de bénévoles. Comme l'a mentionné Glenn, cela nous permet de construire des logements qui sont plus abordables et qui appartiennent ensuite à des foyers à faible revenu, afin d'éradiquer le cycle de la pauvreté.

Notre organisation a été fondée en 1976 à Augusta, en Géorgie et nous sommes aujourd'hui actifs dans environ 70 pays du monde. Nous avons aidé plus d'un million de foyers et cinq millions de personnes en leur offrant un logis sûr et convenable.

Nous sommes actifs au Canada depuis une trentaine d'années. Habitat pour l'humanité Canada a vu le jour en 1985, au Manitoba. Nous collaborons actuellement avec 56 sociétés associées dans les diverses régions du pays, dans tous les territoires et provinces.

Le modèle Habitat pour l'humanité consiste à donner un coup de main plutôt qu'à faire la charité. Nous croyons beaucoup aux partenariats. Les familles admissibles s'associent avec Habitat pour l'humanité pour construire leur maison. Habitat pour l'humanité aide les familles à réunir les fonds nécessaires et à acheter les matériaux pour construire leur maison. Les familles font 500 heures de bénévolat sous la forme de travail manuel pour obtenir leur paiement initial.

Une fois que la maison est construite, la famille rembourse son prêt sans intérêt et sans paiement initial à Habitat pour l'humanité et ne consacre pas plus de 30 p. 100 de son revenu brut au remboursement du prêt. En cas de hausse de son revenu, le montant des paiements augmente un peu. Si le revenu baisse, le montant des paiements diminue aussi. Les fonds ainsi recueillis grâce aux prêts hypothécaires sont réinvestis dans la construction d'autres maisons.

Selon notre modèle, la famille partenaire augmente sa valeur nette. Les subventions annuelles du gouvernement sont inutiles. Chaque dollar investi dans les logements Habitat pour l'humanité génère 4 $ en avantages sociaux dans la société.

Nos activités dans le secteur du logement pour les Autochtones sont nouvelles. À la suite de la publication, en 2006, d'un rapport des Nations Unies constatant la pénurie de logements chez les Autochtones du Canada, Habitat pour l'humanité s'est demandé si elle pouvait jouer un rôle à ce niveau. Avec la Société canadienne d'hypothèques et de logement comme partenaire fondateur, nous avons lancé un programme pilote.

Nous avons été agréablement surpris de découvrir que dès 2010, environ 34 familles s'étaient associées à Habitat pour l'humanité. Les mythes, selon lesquels les familles autochtones ou indigènes n'ont aucun désir de payer pour leur logement ou de devenir propriétaires, ont tout simplement volé en éclat. Nous avons le plaisir d'annoncer qu'aujourd'hui près de 150 familles sont devenues partenaires d'Habitat pour l'humanité. Nous continuons à collaborer avec toutes ces familles, mais nous cherchons aussi à mieux comprendre les défis auxquels les peuples autochtones du Canada font face en matière de logement.

Nos objectifs stratégiques pour le Programme de logement visant les Autochtones misent entièrement sur notre partenariat et notre collaboration avec les communautés et les familles autochtones. Nous nous efforçons également de les aider à réaliser leur rêve de devenir propriétaires d'une maison abordable. Nous incitons les jeunes Autochtones à se prendre en charge en les invitant à prendre part aux activités de construction des logements d'Habitat pour l'humanité.

Les Canadiens sont particulièrement intéressés à travailler avec Habitat pour l'humanité et à se familiariser avec les peuples autochtones et leur culture. Nous avons maintenant le programme Canada Builds qui nous permet d'envoyer ces bénévoles dans des collectivités autochtones du Canada. Bien entendu, nous privilégions aussi l'innovation et nous cherchons à créer une synergie avec les programmes gouvernementaux.

Comme nous l'avons déjà indiqué, nous avons construit environ 150 maisons dans le cadre du Programme de logement visant les Autochtones. Environ 62 maisons sont construites directement en partenariat avec des groupes d'habitation et des collectivités autochtones. Trente-cinq de ces maisons sont construites sur des terres traditionnelles autochtones.

Nous avons fait beaucoup de chemin depuis 2007 et l'année 2014 a été particulièrement exceptionnelle pour nous. Nous avons fêté notre 100e partenariat avec des familles autochtones. Nous avons aussi lancé notre tout premier projet dans une réserve, avec la Première Nation de Flying Dust, en Saskatchewan, et nous sommes heureux de signaler que le projet s'est très bien déroulé. Nous construisons 10 logements pour les aînés de la communauté. Tous les logements sont réunis sous le même toit et sont accessibles en fauteuil roulant. Nous allons inaugurer ces logements le 24 juin et vous êtes tous invités.

Glenn a longuement parlé de ses activités à Iqaluit. Nous bâtissons aussi au Yukon. Au cours des 10 dernières années, nous y avons construit 16 maisons, dont un triplex dans un peuplement des Premières Nations. Il s'agit d'un triplex d'une grande efficacité énergétique. À ce propos, les familles partenaires affirment que leurs notes de téléphone cellulaire, qui s'élèvent à environ à 200 $ par mois, sont plus élevées que leurs factures de services publics.

Nous avons aussi conclu des partenariats avec les territoires traditionnels. Notre plus grande filiale, Habitat pour l'humanité Edmonton, construit en moyenne 70 maisons au cours d'une bonne année et elle s'est associée avec le Métis Council of Alberta pour construire 100 logements. Douze logements sont déjà terminés et occupés par les familles et 10 autres sont en construction. L'objectif ultime est de construire une centaine de logements dans les huit peuplements métis.

Dans le cadre de notre partenariat privilégié avec la Première Nation de Flying Dust, nous proposons un continuum de logement. Nous autres Canadiens sommes habitués à changer d'habitation en fonction de nos besoins ou de la taille de logement qui nous convient, mais les familles autochtones préfèrent continuer à vivre dans la même habitation. Les aînés de la Première Nation de Flying Dust vivaient dans des logements trop grands puisqu'ils disposaient de trois chambres alors qu'ils vivaient seuls et qu'ils n'avaient personne pour entretenir leurs maisons, mais ils avaient besoin de logements accessibles en fauteuil roulant. Lorsque le chef Merasty — l'ancien chef — a demandé à Habitat pour l'humanité de s'associer à eux pour construire des logements accessibles en fauteuil roulant, nous avons immédiatement accepté, mais les familles sont toujours restées au centre de nos préoccupations.

Une fois que les aînés ont emménagé dans leurs logements accessibles en fauteuil roulant, nous avons accepté de rénover les habitations qu'ils venaient de libérer à l'intention de jeunes familles qui ont pu ainsi avoir accès à la propriété d'une maison abordable. Il y a quelques photos qui peuvent vous donner une idée.

Le dernier projet vise l'amélioration des compétences et de la formation des jeunes Autochtones. Nos filiales concluent des partenariats avec les écoles techniques qui invitent les jeunes Autochtones à renforcer leurs compétences. Habitat pour l'humanité Regina s'est associé avec le Regina Trade and Skills Centre où, depuis trois ans, la filiale engage chaque année 40 jeunes pour la construction de logements. De 30 à 40 p. 100 de ces jeunes sont autochtones. Prince Albert a conclu un partenariat avec le Service correctionnel du Canada pour construire chaque année une maison qui est ensuite installée sur le site. Prince Albert s'est également associé avec des écoles secondaires de la région de Lac La Ronge dont les élèves travaillent bénévolement sur les logements d'Habitat pour l'humanité et acquièrent par le fait même des compétences.

Ces jeunes Autochtones qui s'associent à Habitat pour l'humanité pour travailler bénévolement à la construction de ces logements sont les entrepreneurs de demain. Les compétences qu'ils auront acquises, ils les mettront au service de leurs propres collectivités.

En matière de logement, les collectivités autochtones font face à un double défi : une pénurie de logements et des logements existants en piteux état. Nous mettons l'accent sur ces deux aspects.

La documentation que vous avez devant vous présente une liste de quelques-uns de nos partenaires et intervenants.

La dernière page intitulée Vision 2020 prévoit que nous serons en mesure de conclure des partenariats avec plus de 250 familles d'ici 2020 et d'offrir chaque année des débouchés à plus de 200 jeunes Autochtones dans les diverses régions du pays.

Merci. Je me tiens maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions.

La présidente : Je vous remercie pour les informations. Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, je vais d'abord poser une brève question.

Vous avez parlé de programmes de formation et vous avez dit qu'Habitat pour l'humanité Prince Albert a conclu un partenariat avec Service correctionnel Canada. Je me suis souvenue que lorsque nous avons visité Iqaluit, nous sommes passés près d'un établissement correctionnel et nous avons également visité des centres d'hébergement pour hommes et d'autres pour femmes. Est-ce que l'on a pensé à établir des partenariats dans le Nord qui seraient destinés aux personnes qui vivent dans ces centres d'hébergement ou dans des établissements correctionnels?

M. Cousins : Merci de poser la question. Nous avons engagé de jeunes contrevenants pour préparer le chantier et servir de main-d'œuvre sur des sites de construction. Nous n'avons pas conclu d'entente officielle et nous n'avons pas encore pris contact avec le Centre correctionnel — BCC — au sujet de ce type de partenariat. À dire la vérité, nous n'avons pas pour le moment la capacité d'établir ce type de relations, encore moins de la gérer.

La présidente : Pour poursuivre sur le même sujet, est-ce qu'il serait possible de faire appel aux jeunes du secondaire? Est-ce que ce serait envisageable?

M. Cousins : Oui, nous en avons parlé avec des représentants de l'école secondaire. Malheureusement, il y a un problème, puisque nos chantiers de construction commencent généralement au début juin et se poursuivent jusqu'au début septembre, au moment où les écoliers sont en vacances. C'est quelque chose que nous pourrions envisager si nos activités de construction se prolongeaient, par exemple si nous faisions plus de travaux intérieurs ou la construction d'éléments préfabriqués, peut-être pendant les mois d'hiver.

Le sénateur Patterson : Je suis content que nous puissions entendre votre témoignage, monsieur Cousins, même si nous n'avons pas eu le temps de vous rencontrer lorsque nous étions à Iqaluit récemment. C'est formidable. Pouvez- vous nous renseigner, maintenant ou plus tard, sur le coût des logements que vous construisez à Iqaluit et sur leur taille approximative?

M. Cousins : Bien sûr, je peux vous donner une idée générale, sénateur Patterson. C'est un plaisir de vous revoir.

En moyenne, le coût de construction de nos logements s'élève à environ 290 000 $. Je dis « en moyenne », parce que chaque logement a des caractéristiques différentes qui contribuent à augmenter ou diminuer les coûts de construction. Par exemple, notre premier logement a été le moins coûteux, en partie à cause de l'endroit, le terrain sur lequel nous l'avons construit et en raison du fait que nous n'avions fait appel à aucune main d'œuvre payée. Nous continuons à faire appel à une main d'œuvre de l'extérieur pour des choses comme le chauffage et l'électricité, mais dans ce cas, aucun des participants n'avait été payé. Nos coûts ont augmenté pour la construction du troisième et du quatrième logement, puisque nous avons dû payer un superviseur des travaux. Nous nous sommes rendu compte qu'il était absolument nécessaire de faire appel à un superviseur pour s'assurer que notre construction respectait le code et la réglementation.

Nos logements sont tous d'une superficie d'environ 1 300 à 1 400 pieds carrés — les deux plus récents que nous avons construits à Apex mesurent 1 356 pieds carrés —, ce sont tous des logements de trois chambres.

Le sénateur Patterson : Merci. C'est très impressionnant, vous savez, parce qu'il est impossible d'acheter une maison à Iqaluit pour ce prix-là.

J'aimerais poser une autre question. Je comprends qu'Habitat pour l'humanité fait appel essentiellement à des bénévoles et, si j'ai bien compris, sans aide gouvernementale, mais en vertu de notre mandat de comité parlementaire, nous devons présenter un rapport et des recommandations au gouvernement fédéral. J'aimerais demander à l'un ou l'autre des témoins de me dire ce qu'on pourrait encourager le gouvernement fédéral ou peut-être même un gouvernement territorial — puisque je vois que vous avez conclu un partenariat avec la Société d'habitation du Yukon — à faire pour tirer parti de votre succès? Cela nous aidera à comprendre ce que nous pouvons faire pour promouvoir cet impressionnant modèle, en particulier dans les collectivités autochtones et isolées.

Mme Thakar : Merci. Dans le cadre de son partenariat avec Habitat pour l'humanité Yukon, la Société d'habitation du Yukon a mis à la disposition d'Habitat pour l'humanité, en temps opportun, des terrains viabilisés sur lesquels nous avons pu construire. Par ailleurs, les coûts de construction de ces logements étant relativement élevés, comparativement aux faibles revenus des ménages partenaires, les ménages contractent deux types de prêts hypothécaires. Le premier se rapporte à ce qu'ils peuvent payer au cours des 15 à 20 premières années, tandis que le second couvre ce qu'il leur restera à payer s'ils décident de vendre la maison.

En partenariat avec Habitat pour l'humanité Yukon, la société rachète le premier prêt hypothécaire, ce qui permet à Habitat pour l'humanité Yukon de réinvestir immédiatement cet argent dans la construction d'autres logements. Par conséquent, même si Habitat pour l'humanité Yukon et Habitat pour l'humanité Iqaluit sont en activité depuis à peu près le même nombre d'années, Habitat pour l'humanité Yukon a été en mesure de construire 16 logements grâce à cet accès aux fonds. Aussi, si Habitat pour l'humanité Iqaluit pouvait conclure un partenariat similaire avec le gouvernement territorial dans cette région, il serait en mesure de disposer de terrains viabilisés en temps opportun et d'avoir accès également aux matériaux de construction disponibles.

La livraison est un grand problème. Il y a toujours plus de matériaux qu'on ne peut en transporter. Si Habitat pour l'humanité en avait l'option, ce serait extraordinaire d'y avoir accès.

Par ailleurs la possibilité d'accorder immédiatement à la famille la mainlevée de la première hypothèque permettrait à Habitat pour l'humanité Iqaluit de ne pas attendre d'avoir recueilli suffisamment de fonds pour construire un deuxième logement. C'est le problème auquel Glenn Cousins et son équipe font face. J'espère que ses commentaires seront utiles.

M. Cousins : Dans nos entretiens avec la Société d'habitation du Nunavut, nous avons évoqué le modèle du Yukon en ce qui a trait au plan hypothécaire essentiellement, et les représentants de la société se sont montrés très réticents vis- à-vis de cette option. Ils nous ont accordé leur appui en fournissant des terrains. Ils nous ont donné gratuitement les trois premiers terrains sur lesquels nous avons bâti. Malheureusement, la société d'habitation cherche à augmenter la densité des habitations et n'a plus de terrains disponibles pour les maisons unifamiliales. Nous devrions nous tourner vers les logements multifamiliaux, mais il n'y a plus de terrains disponibles.

J'ai déjà soulevé cette question avec certaines personnes par le passé. Il suffirait que le gouvernement fédéral réserve un petit pourcentage des 100 millions de dollars, soit l'ensemble des crédits qu'il accorde au Nunavut pour la construction de logements sociaux, afin de diriger ces fonds vers d'autres initiatives comme celles d'Habitat pour l'humanité. Cela serait une grande aide. J'ai dit que si nous pouvions obtenir juste 1 p. 100, soit 1 million de dollars, ce serait vraiment un grand coup de pouce pour notre organisation. Voilà une possibilité que le gouvernement fédéral pourrait envisager.

Le sénateur Patterson : Rapidement, une question complémentaire : les personnes pour qui vous avez construit ce logement à Iqaluit vivaient-elles auparavant dans des logements sociaux? Avez-vous libéré des logements sociaux en construisant une maison pour ces personnes-là?

M. Cousins : C'est ce qui s'est passé dans au moins un des cas. Dans d'autres cas, les familles vivaient dans des logements fournis par leur employeur. Cela se fait beaucoup à Iqaluit, mais le logement était beaucoup trop petit pour ces familles. Dans un cas, une famille de cinq vivait dans un appartement de deux chambres fourni par l'employeur. Étant donné que la famille n'avait pas d'autres moyens de se loger, un des parents se trouvait lié à son employeur. C'est également un facteur. Non seulement nous avons libéré un logement social, mais nous avons aussi libéré cette famille qui se trouvait liée à un certain employeur alors qu'il y avait d'autres possibilités de travail et alors que le logement était beaucoup trop petit pour la famille.

Le sénateur Enverga : Merci beaucoup pour votre travail et pour votre dévouement à cette cause.

Permettez-moi de préciser, à titre d'information, que j'ai été bénévole pour Habitat pour l'humanité. Nous avons construit des maisons à Toronto. Je suis impressionné par la qualité de ces bâtiments. Celui que nous avions construit est toujours debout depuis plus de 20 ans.

Je suis impressionné par le fait qu'il y a environ 65 000 bénévoles et surtout par les bénévoles dans le Nord du Canada. Le bénévolat est très important. Je crois que les bénévoles peuvent acquérir les compétences et les connaissances nécessaires pour construire des maisons. Est-il arrivé que certains de vos bénévoles acquièrent suffisamment de compétences pour en faire carrière et subvenir ainsi à leurs besoins? Avez-vous connu de tels cas parmi vos bénévoles?

Mme Thakar : En général, nos bénévoles sont des retraités, comme moi, qui ont eu une carrière et qui ont désormais du temps pour aider les autres. Nous avons aussi de très jeunes bénévoles. Est-ce que certains bénévoles ont fait carrière à Habitat pour l'humanité? Je ne peux pas raisonnablement appuyer cela. Nous avons des partenariats avec des écoles techniques et des programmes de menuiserie dont les élèves attendent impatiemment d'appliquer les techniques qu'ils ont apprises et de mettre leurs connaissances en pratique. Habitat pour l'humanité offre des possibilités pour ces étudiants.

Personnellement, j'aimerais que tous les jeunes bénévoles des programmes de formation technique qui travaillent sur les maisons d'Habitat pour l'humanité reçoivent, après leur stage, une panoplie de bons outils. Ce sont eux les entrepreneurs de demain. C'est bien beau de leur apprendre à écrire, mais si on ne leur donne pas de crayons, ils n'écriront jamais. J'espère qu'un jour, grâce à tous nos partenariats, nous serons en mesure de donner aux jeunes Autochtones l'occasion d'acquérir une formation pratique, mais que nous leur donnerons également les outils qui leur permettront de réparer les logements existants où il y a beaucoup de choses à remettre en état. Ce serait plus facile que de construire de tout nouveaux logements.

M. Cousins : Il est arrivé une fois ou deux que certains jeunes bénévoles sur les chantiers de construction se montrent intéressés à apprendre comment on construit une maison. Cependant, nous ne sommes pas en activité depuis assez longtemps pour bâtir suffisamment de maisons et pour savoir comment cet intérêt a évolué ou s'il s'est transformé en une carrière pour ces jeunes bénévoles.

Pour nous, c'est en partie un problème de capacité. Nous envisageons entre autres de collaborer plus étroitement avec les organisations chargées de la distribution des fonds consacrés à la Stratégie de formation pour les compétences et l'emploi destinée aux Autochtones et ceux de la Stratégie emploi jeunesse, afin que nous puissions mieux sensibiliser les jeunes aux carrières et leur offrir un camp d'entraînement lorsqu'ils viennent travailler sur nos chantiers. Encore une fois, c'est un peu difficile pour nous parce que nous n'avons pas de chantier en ce moment, mais ce serait quelque chose à proposer si nous avions plus d'activités de construction.

La sénatrice Raine : Monsieur Cousins, vous avez dit que vous avez obtenu des terrains viabilisés pour trois des quatre maisons que vous avez construites. Qu'est-il arrivé pour la quatrième? Votre groupe envisage-t-il à l'avenir de construire un ensemble résidentiel sur des terres inuites à Iqaluit?

M. Cousins : En fait, l'entente entre la Société d'habitation du Nunavut et Habitat pour l'humanité pour la cession des terrains existants a été conclue avant mon arrivée, mais c'est tout simplement le résultat d'une négociation entre les deux organismes. Ayant opté pour une stratégie de densification des logements subventionnés, la Société d'habitation du Nunavut démolit cinq ou six maisons unifamiliales pour les remplacer par des habitations de 10 logements. Voilà ce qui se passe à Iqaluit. Il s'agissait donc de terrains unifamiliaux éparpillés un peu partout dans la collectivité et où cette stratégie de densification ne pouvait pas s'appliquer. Ces terrains étant essentiellement en surplus, ils ont été mis à la disposition d'Habitat pour l'humanité.

Nous avons obtenu le quatrième terrain parce que nous avons un protocole d'entente avec la Ville d'Iqaluit. Celle-ci avait accepté de nous accorder un droit de préemption sur un terrain chaque fois qu'elle envisagerait un nouveau lotissement résidentiel ou un petit ensemble de maisons, jusqu'à 10 ou 12 résidences. Voilà comment nous avons obtenu notre quatrième terrain et j'espère que nous en aurons un autre d'ici 2017.

La sénatrice Raine : Mais ce terrain, vous devez l'acheter.

M. Cousins : C'est exact. Les terrains que nous obtenons de la Ville d'Iqaluit bénéficient du programme d'aide au logement abordable, mais ils ne sont pas gratuits. Ces terrains, nous devons les acheter.

Quant aux terres inuites, nous avons entrepris des discussions avec les responsables chargés de la mise en valeur d'une grande parcelle de terres inuites à Iqaluit. Il est possible que nous puissions bâtir sur leurs terres, mais pour le moment, le projet est en cours et il faudra attendre entre 5 et 10 ans.

La présidente : En complément à cette dernière question concernant les terres inuites, je me demande si vous avez envisagé de proposer aux jeunes ou aux adultes inuits de prendre part à des programmes de formation afin de pouvoir transmettre leurs compétences et leurs connaissances et ainsi agrandir le bassin de charpentiers ou d'électriciens formés localement.

M. Cousins : C'est quelque chose que nous aimerions faire. Là encore, nous pourrions peut-être bénéficier des fonds des programmes de la SEJ pour appuyer une telle activité, mais franchement, nous avons besoin de notre capacité et de nos ressources pour les chantiers de construction. Pour pouvoir établir et offrir un tel programme — qui, je vous l'accorde, serait fantastique —, nous devons pouvoir construire des maisons. C'est une sorte de cercle vicieux.

La présidente : Je me demande alors si vous recommanderiez la création d'un programme fédéral pour appuyer ce type d'activité.

M. Cousins : Je crois que les programmes de soutien à la formation existent déjà, y compris des programmes permettant d'obtenir des formateurs. Ce dont nous avons besoin, ce sont des chantiers de construction.

Comme je l'ai mentionné un peu plus tôt, ce serait, selon moi, fantastique si Habitat pour l'humanité pouvait bénéficier d'une partie des transferts que le gouvernement fédéral consacre au Nunavut pour l'habitation. Ce pourrait être Habitat pour l'humanité — je ne serais pas gourmand — ou une autre organisation voulant construire des logements abordables, peut-être sur le modèle des coopératives, afin que nous puissions bénéficier d'une partie de ces énormes crédits et aller de l'avant avec nos initiatives.

Le sénateur Watt : Je vous remercie pour vos exposés. J'aimerais en savoir plus sur la capacité d'Habitat pour l'humanité.

Vous avez dit que c'est un organisme à but non lucratif. Je me demande quels sont les liens que votre organisation entretient avec ses filiales dans les diverses provinces et les autres pays ou territoires. Est-ce que la même organisation à but non lucratif couvre toutes les activités de vos filiales dans le monde entier? Ou au contraire, est-ce que ce sont des sous-organisations qui sont chargées par exemple d'Iqaluit ou du Nunavut? Pourriez-vous m'éclairer là-dessus afin que je puisse mieux comprendre quelles sont les relations structurales entre les divers intervenants?

Mme Thakar : Habitat pour l'humanité est une organisation internationale. À l'heure actuelle, nous sommes présents dans environ 75 pays du monde.

Au Canada, nous avons 56 filiales. C'est un modèle fédéré. Habitat pour l'humanité Iqaluit est une entité indépendante qui applique tous les principes d'Habitat pour l'humanité. Habitat pour l'humanité offre un certain soutien, mais essentiellement, chaque filiale veille à ses propres besoins et est dirigée par un conseil d'administration. Chaque filiale collecte ses propres fonds et conclut des partenariats indépendants avec les provinces et les municipalités.

Quant au Programme de logement visant les Autochtones, c'est un nouveau programme dont la direction évolue en fonction des besoins. Par l'intermédiaire de subventions, nous aidons les filiales d'Habitat pour l'humanité à offrir leurs services aux familles autochtones et à renforcer leur capacité, étant donné qu'il s'agit là d'un nouveau domaine. Il faut apprendre à marcher avant de penser à courir. Notre rôle est de venir en aide aux différentes filiales.

C'est un modèle fédéré. Au Canada, actuellement, il y a des donateurs qui appuient la cause autochtone. Parmi ces donateurs, il y a de grandes fondations privées, ainsi que des représentants de l'industrie et des gens qui ont épousé notre cause. Tous ces appuis nous permettent de construire un plus grand nombre de logements.

Le sénateur Watt : L'autre question connexe que je voudrais soulever est celle de l'abordabilité. Lorsque la communauté internationale a mis ces instruments en place, j'imagine que c'était pour faciliter l'accès au logement, n'est-ce pas?

Mme Thakar : C'est exact.

Le sénateur Watt : C'est la raison pour laquelle cet organisme existe aujourd'hui.

Mme Thakar : Oui, c'est pour le logement abordable, mais l'accession abordable à la propriété. Nous focalisons sur l'accès à la propriété, parce que nous sommes fermement convaincus que le fait pour les familles d'être propriétaires de leur logement leur permettra de sortir du cycle de la pauvreté. Sinon, il y a des familles qui ne quittent jamais les logements sociaux.

Bon nombre de nos familles proviennent de logements sociaux. Au bout du compte, les familles qui accèdent à la propriété grâce à Habitat pour l'humanité ne payent pas plus que ce qu'elles payaient lorsqu'elles habitaient dans un logement social : 30 p. 100 de leur revenu brut. Chaque dollar qu'elles remboursent à Habitat pour l'humanité s'applique à la réduction du principal. C'est leur valeur nette.

Le sénateur Watt : Je peux imaginer que vous êtes contents de disposer d'une structure administrative solide. Je me demande si l'infrastructure est suffisamment solide lorsque vous travaillez dans le Nord, sachant que les gens se déplacent beaucoup. Dans le Nord, les gens bougent beaucoup. Vous avez dit qu'il était peut-être temps d'envisager sérieusement de former les gens à l'échelle locale au concept du logement abordable. La technologie n'est peut-être pas exactement la même. Quelle est votre approche?

Mme Thakar : Je vais répondre à une question, mais j'aimerais que Glenn y réponde aussi.

Dans le Sud également, les gouvernements provinciaux appuient nos filiales et concluent des partenariats avec elles. En Saskatchewan, en Alberta et au Manitoba, les gouvernements provinciaux ont conclu des partenariats avec Habitat pour l'humanité et offrent de 50 000 $ à 70 000 $ par maison pour que les filiales d'Habitat pour l'humanité puissent investir dans ces logements destinés à des familles qui en deviendront propriétaires.

Par ailleurs, les provinces sont prudentes. En acceptant de devenir partenaires d'Habitat pour l'humanité, elles acceptent de venir en aide à une famille nécessiteuse, mais elles n'ont pas à continuer à verser des aides, étant donné qu'Habitat pour l'humanité conclut elle-même un partenariat avec une famille méritante pour lui permettre d'accéder à la propriété, une famille de travailleurs qui peut prendre l'engagement de payer au maximum 30 p. 100 de son revenu brut pour rembourser un prêt hypothécaire.

Et maintenant Glenn, c'est à vous.

M. Cousins : La question sur la capacité est excellente, parce que, comme Jay l'a signalé, chaque société membre, chaque filiale est indépendante, même si nous sommes affiliés. Dans notre cas particulier, nous ne sommes que des bénévoles. Cela fait maintenant environ neuf ans que je suis président du conseil et je joue assez souvent le rôle de directeur général bénévole. Je dois dire que parfois, c'est très difficile de trouver l'énergie nécessaire pour continuer.

Comme vous l'avez souligné fort à propos, il y a toujours beaucoup de changements dans des organisations comme la nôtre, qu'il s'agisse de conseils d'administration, de coopératives ou autres. Ces changements ont un impact sur la capacité et la croissance de l'organisation. Nous aimerions bien dépasser ce stade, mais, jusqu'à présent, nous ne sommes pas parvenus à réunir suffisamment de fonds pour mettre en place du personnel, comme un directeur général, et augmenter nos activités de construction de manière à pouvoir assurer plus efficacement notre soutien.

Chaque fois que nous nous lançons dans un projet de construction — je parle d'expérience —, nous devons nous libérer de nos autres activités afin de prendre part à la supervision ou à la planification des aspects logistiques de ces projets. Tout cela se fait de manière bénévole et cela ne changera pas et cette capacité n'augmentera pas vraiment tant que nous n'obtiendrons pas des fonds pour nos activités de construction ainsi que pour notre fonctionnement, peut- être du gouvernement territorial.

La présidente : Nous avons utilisé tout le temps que nous avions à notre disposition, mais les analystes m'ont demandé de vous poser une dernière question qui concerne les programmes qu'Habitat pour l'humanité a peut-être mis en place pour veiller à ce que les occupants des logements aient les compétences ou les ressources nécessaires pour veiller à l'entretien des maisons, une fois qu'elles sont construites. Ce matin, par exemple, nous avons entendu parler des problèmes causés par les ventilateurs-récupérateurs de chaleur. Pouvez-vous nous expliquer brièvement quels sont les types de programmes que vous offrez?

Mme Thakar : Nous offrons des programmes d'aide pratique aux familles partenaires d'Habitat pour l'humanité. Les premières années, nous leur proposons une aide rapprochée, nous les tenons par la main, parce que nous avons nous aussi investi dans cette maison et nous voulons protéger notre investissement. D'un autre côté, étant eux-mêmes propriétaires, ils veulent protéger leur bien. C'est dans leur intérêt.

Habitat pour l'humanité propose aux familles un programme qui leur apprend à gérer les finances du ménage pour s'assurer qu'elles seront en mesure de respecter leurs engagements hypothécaires, mais nous leur apprenons également comment entretenir leur maison.

D'autre part, notre programme proposant des prêts hypothécaires modulés en fonction du revenu, nous rendons visite chaque année aux familles afin de veiller à augmenter un peu leurs versements si leur revenu a augmenté. Dans le cas contraire, si les revenus de la famille sont en baisse, elles feront des versements moindres.

Mais notre programme est avant tout un partenariat. Les familles sont nos partenaires et nous travaillons de concert à protéger l'actif que nous détenons conjointement.

La présidente : Monsieur Cousins, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Cousins : Comme Jay l'a très bien expliqué, il y a, dans notre conseil d'administration, un membre qui est expressément chargé de ce que nous appelons le « partenariat familial ». La tâche de cet administrateur et du comité est de veiller à ce que les familles reçoivent l'aide dont elles ont besoin. Les familles peuvent avoir besoin qu'on leur rappelle de faire nettoyer chaque année leur chaudière ou système de chauffage et de contracter une assurance pour leurs biens personnels ou leur maison. Elles peuvent avoir besoin de nous pour contracter une première assurance. Parfois, il faut leur donner des notions d'économie ménagère, leur apprendre à faire un budget, et cetera. Comme Jay l'a dit, on les tient par la main. Cela fait partie de notre volonté de donner un coup de main. Nous voulons aider les familles à prendre en charge la propriété de leur maison, à veiller à son entretien, à faire un budget convenable, et cetera. C'est un volet très important de notre programme.

Mme Thakar : Permettez-moi d'ajouter une seule phrase. Habitat pour l'humanité Manitoba a l'habitude de donner une boîte à outils aux familles partenaires, afin qu'elles puissent faire elles-mêmes les petites réparations occasionnelles. Nous les équipons bien.

La présidente : Au nom des membres du comité, je tiens à vous remercier, madame Thakar et monsieur Cousins, d'être venus témoigner aujourd'hui pour nous parler d'Habitat pour l'humanité Canada et pour présenter plusieurs recommandations.

(La séance est levée.)

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