Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule no 30 - Témoignages du 12 décembre 2017
OTTAWA, le mardi 12 décembre 2017
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd’hui, à 9 heures, pour entreprendre l’étude du projet de loi C-61, Loi portant mise en vigueur de l’accord en matière d’éducation conclu avec la Nation des Anishinabes et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois.
La sénatrice Lillian Eva Dyck (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Bonjour, tansi. J’aimerais souhaiter la bienvenue à tous les honorables sénateurs et aux membres du public qui suivent cette réunion du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones en personne ou en ligne.
J’aimerais souligner, dans l’intérêt de la réconciliation, que nous sommes réunis sur les terres traditionnelles non cédées des peuples algonquins.
Je m’appelle Lillian Dyck. J’ai l’honneur et le privilège d’être présidente du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Je viens de Saskatchewan. J’inviterais maintenant mes collègues sénateurs à se présenter, en commençant à ma droite.
Le sénateur Doyle : Je suis Norman Doyle, de Terre-Neuve-et-Labrador.
Le sénateur Sinclair : Je suis le sénateur Murray Sinclair, du Manitoba.
La sénatrice Pate : Je suis Kim Pate, de l’Ontario.
Le sénateur Gold : Je suis Marc Gold, du Québec.
La présidente : Merci, honorables sénateurs. Le sénateur Tannas, notre vice-président, vient d’arriver, juste à temps.
Le sénateur Tannas : Bonjour.
La présidente : Nous allons étudier aujourd’hui le projet de loi C-61, Loi portant mise en vigueur de l’accord en matière d’éducation conclu avec la nation des Anishinabes et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois.
Nous allons commencer nos travaux ce matin avec des représentants du ministère qui témoignent aujourd’hui. Nous les rencontrerons pendant une demi-heure, puis nous entendrons un deuxième groupe de témoins.
Ce matin, nous accueillons Perry Billingsley, sous-ministre adjoint délégué; Blake McLaughlin, directeur principal; et Murray Pridham, négociateur principal, de Traités et gouvernement autochtone, d’Affaires autochtones et du Nord Canada. Je vous présente également Peter Coon, avocat, du ministère de la Justice. Vous pouvez présenter vos exposés, messieurs.
Perry Billingsley, sous-ministre adjoint délégué, Traités et gouvernement autochtone, Affaires autochtones et du Nord Canada : Merci, madame la présidente. Honorables sénateurs, vous êtes saisis aujourd’hui du projet de loi C-61, Loi sur l’accord en matière d’éducation conclu avec la Nation des Anishinabes. Il s’agit d’un projet de loi historique visant à mettre en œuvre l’Entente sur l’éducation de la Nation Anishinabek. C’est la première entente d’autonomie gouvernementale conclue en Ontario et la plus importante qui soit intervenue au Canada en raison du nombre de Premières Nations qui y ont adhéré. Cette entente prévoit la création du Système d’éducation anishinabek. Il sera conçu par la nation anishinabek pour les élèves anishinabek, et mettra sur pied des programmes et des services scolaires pertinents et bien adaptés à leur réalité pour les générations actuelles et futures.
Essentiellement, le projet de loi C-61 reconnaît que les 23 Premières Nations participantes ont le pouvoir de légiférer dans le domaine de l’éducation aux niveaux primaire, élémentaire et secondaire dans les réserves. Certaines dispositions désuètes de la Loi sur les Indiens ne s’appliqueront plus aux Premières Nations participantes.
L’Entente sur l’éducation de la Nation Anishinabek est un exemple concret de l’importance des partenariats, y compris avec les gouvernements provinciaux, pour obtenir des résultats concrets et tangibles, ainsi que pour bâtir un avenir meilleur pour les élèves anishinabek.
Honorables sénateurs, cette entente d’autonomie gouvernementale aidera les Premières Nations participantes à créer un meilleur avenir pour les jeunes anishinabek tout en leur assurant une éducation de qualité et adaptée à leur culture. Ce processus vise à mettre en place un accord qui concrétise la vision d’autodétermination des Premières Nations.
J’aimerais profiter du temps limité dont nous disposons ce matin pour donner un aperçu d’un des éléments essentiels de cette entente d’autonomie gouvernementale, soit la nouvelle relation financière qui en découlera. L’Entente de transfert financier accordera un financement stable, prévisible et souple aux Premières Nations participantes. Cette entente regroupe un ensemble fragmenté de programmes d’éducation essentiels et complémentaires provisoires qui feront l’objet d’un transfert unique de financement sous forme de subventions à l’autonomie gouvernementale, qui est habituellement renouvelé aux cinq ans. Le financement sera indexé annuellement en fonction de l’inflation et du volume pour tenir compte des changements à l’inscription des élèves et veiller à ce que la comparabilité provinciale soit maintenue au fils des ans.
La création du nouveau système d’éducation de la nation anishinabek suppose l’octroi d’un financement nouveau et continu de la gouvernance de l’éducation afin de reconnaître les nouvelles responsabilités des Premières Nations, notamment en ce qui concerne la création d’un nouveau conseil scolaire et l’élaboration de politiques en matière d’éducation. De plus, un financement ponctuel de mise en œuvre sera également accordé en vue d’aider les Premières Nations participantes à faire la transition de la Loi sur les Indiens vers l’autonomie gouvernementale en matière d’éducation. L’entente prévoit également que le Canada surveille les investissements fédéraux futurs en matière d’éducation afin de veiller à ce que les Premières Nations participantes puissent continuer à profiter elles aussi des augmentations de financement accordées aux Premières Nations de l’Ontario.
En ce qui a trait au financement de l’infrastructure et d’autres programmes qui ne sont pas visés par l’entente, les Premières Nations participantes continueront d’être admissibles aux investissements du gouvernement du Canada pour que les élèves des Premières Nations aient accès à un milieu d’apprentissage sécuritaire et positif.
Dans les budgets de 2016 et de 2017, le Canada s’est engagé à mettre en place une infrastructure nationale et a prévu un important budget pour répondre aux besoins en infrastructures des Autochtones. Depuis 2016, plus de 400 millions de dollars ont été investis dans plus de 140 projets de construction, de rénovation ou d’agrandissement d’écoles, de planification et d’appui des infrastructures, entre autres.
Grâce à ces 143 projets, 8 nouvelles écoles ont été construites et 3 écoles ont été rénovées. De plus, 63 projets de construction d’écoles, 56 projets de rénovation d’écoles et 13 projets liés à des écoles sont en cours.
Parallèlement, le gouvernement du Canada a entrepris un processus d’élaboration de politiques financières en collaboration avec des groupes autochtones autonomes. Dans le cadre de ce processus, les besoins d’infrastructures des Premières Nations autonomes sont examinés pour établir de nouvelles approches et veiller à ce que les niveaux de financement soient appropriés.
J’aimerais également souligner que le lien entre l’autonomie gouvernementale et l’accroissement de la prospérité n’est plus à prouver. La Banque mondiale, plus particulièrement, a fait beaucoup de recherche sur le lien entre la gouvernance et la prospérité.
Par exemple, en Nouvelle-Écosse, 12 Premières Nations micmaques collaborent pour offrir un système d’éducation régi localement. Les résultats sont remarquables. Ce système a permis d’améliorer les résultats des élèves de façon extraordinaire. Le taux d’obtention de diplôme est d’environ 90 p.100, soit plus du double de la moyenne de 38 p.100 pour l’ensemble des écoles des Premières Nations au Canada. La maîtrise de la lecture et du calcul ainsi que la persévérance scolaire continuent de s’améliorer.
Je crois sincèrement que, à la suite de l’adoption du projet de loi C-61, les 23 Premières Nations participantes seront dans une position semblable. La nation anishinabek est prête à se consacrer à l’amélioration des résultats scolaires et au bien-être socioéconomique global.
Enfin, cette entente, qui a été négociée, puis ratifiée par les membres des Premières Nations participantes, témoigne de l’engagement du gouvernement du Canada à travailler en partenariat avec les Premières Nations dans le cadre d’une nouvelle relation de nation à nation avec les peuples autochtones. En somme, les Premières Nations participantes ont exprimé clairement ce qu’est l’autodétermination pour elles, et c’est ce que reflète le projet de loi C-61.
La présidente : Merci. Nous passerons maintenant aux questions, en commençant avec notre vice-président, le sénateur Tannas.
Le sénateur Tannas : Merci d’être ici, messieurs. C’est en effet une très bonne nouvelle et un excellent pas en avant.
J’ai quelques questions essentielles à vous poser et je veux m’assurer qu’elles figurent au compte rendu.
Tout d’abord, pouvez-vous me dire comment les conseils scolaires dont il est question pourraient fonctionner de la même façon que les conseils scolaires des régions et des collectivités non autochtones et ce qui les différencierait? Avez-vous des idées particulières en tête? Je comprends les objectifs culturels, mais de quelle façon les mécanismes et la structure des organismes ressembleront-ils à ceux des conseils scolaires non autochtones? Quelles différences pourraient exister entre les deux?
M. Billingsley : Je vais demander à M. Murray de donner les détails.
Murray Pridham, négociateur principal, Traités et gouvernement autochtone, Affaires autochtones et du Nord Canada : Merci de poser la question, monsieur le sénateur.
Nos partenaires donneront leur point de vue après nous. Je suis certain qu’ils aimeraient aussi aborder le sujet, mais je vais d’abord en parler un peu.
Le nouveau conseil, l’Organisation d’enseignement de la Nation Kinoomaadziwin, sera l’autorité centrale en matière d’éducation. Ce qui diffère légèrement dans ce cas-ci, c’est que les membres de la communauté en seront responsables dans le cadre d’un système conçu pour donner des résultats axés sur la responsabilisation en matière de prise de décision et de pouvoirs de dépenser pour les écoles. Il sera donc piloté par la communauté.
Un plan sera mis en place pour obtenir ces résultats, qui seront évalués annuellement. Au fond, c’est un modèle sujet à des améliorations continues qui sera mis en place. Comment peut-on juger les résultats obtenus cette année? Que pouvons-nous changer à l’avenir? Comment pouvons-nous améliorer les choses? Sur quels secteurs bien précis devons-nous concentrer nos efforts? Il s’agit peut-être là de quelques points communs.
Dans un conseil scolaire typique, et c’est un aspect qui diffère un peu plus, le conseil a la haute main sur les écoles qu’il gère. La différence la plus importante réside probablement dans les responsabilités assumées par la communauté et le travail en partenariat avec le conseil, tandis qu’un conseil scolaire ordinaire dans un cadre provincial jouit d’une plus grande autonomie puisqu’un mandat lui est conféré par ses membres pour faire le travail.
Le sénateur Tannas : Toujours dans la même veine, ce modèle comporte-il des mesures de protection? Je pense à l’accord précédent en matière d’éducation dans lequel l’un des points litigieux se rapportait à ce qui se produit lorsqu’il ne fonctionne pas et qu’on doit remédier à la situation. Comment tient-on compte de tout cela dans cet accord?
M. Pridham : Je répète que nos partenaires seront en mesure d’approfondir la question. Je peux néanmoins dire que la relation que nous allons établir avec eux ne sera pas exclusive. Un comité d’administration est responsable de régler les problèmes qui pourraient survenir lors de la mise en œuvre du système. Nous comptons donner le meilleur soutien possible et des conseils. Nous avons le même genre d’accord avec les Micmacs. Nous pouvons donc en adopter les pratiques exemplaires.
Le sénateur Tannas : Merci.
Le sénateur Sinclair : Merci. J’ai un certain nombre de questions à poser, certaines pour obtenir des éclaircissements et d’autres dans le seul but de comprendre comment on en est arrivé au présent accord, qui a donné lieu à ce projet de loi.
Pour commencer, la définition du mot « bande » dans l’article 2 s’entend au sens qui lui est donné dans la Loi sur les Indiens. Si la Loi sur les Indiens change, elle ne conviendra évidemment plus. Elle devra au moins être conforme à la nouvelle mesure législative. Est-ce l’intention? Essayez-vous d’enchâsser à jamais l’expression « bande indienne » dans ce projet de loi?
Peter Coon, avocat, ministère de la Justice Canada : Nous utilisons la définition de « bande » parce que, en gros, les seules dispositions que cet accord modifie sont celles sur l’éducation. En effet, conformément à cet accord, les dispositions sur l’éducation de la Loi sur les Indiens ne s’appliquent plus aux bandes indiennes. Elles sont donc autonomes en matière d’éducation.
Les autres dispositions de la Loi sur les Indiens, comme celles concernant les terres, les membres et la définition de « bande » continuent de s’appliquer aux Premières Nations. Donc, si la Loi sur les Indiens change, la définition de « bande » changera probablement. Elle tiendra compte des éventuels changements apportés à la Loi sur les Indiens.
M. Billinglsey : Par ailleurs, j’aimerais ajouter à ce qu’a dit Peter que nous négocions l’autonomie gouvernementale dans le cadre de dispositions sur la gouvernance avec le même groupe de Premières Nations, ce qui aura des répercussions sur la définition du mot « bande » si nous parvenons à un accord là-dessus.
Le sénateur Sinclair : Je vous remercie. Dans le cas de mesures législatives comme celle-ci et d’accords comme celui-ci, je m’inquiète toujours du risque qu’ils créent un méli-mélo de pouvoirs et de relations juridiques dans le pays.
Vous avez mentionné l’Entente sur l’éducation des Mi’kmaq. Bien entendu, il y a aussi des accords avec d’autres Premières Nations au pays.
Pourriez-vous nous expliquer brièvement en quoi cet accord diffère des autres accords qui traitent précisément de la question de l’autonomie gouvernementale ou de l’autodétermination et concrètement de la question du pouvoir des Premières Nations en matière d’éducation dans leur communauté?
M. Billingsley : Je vais essayer de vous expliquer cela rapidement. Concernant l’éducation et l’approche axée sur la responsabilisation en la matière, c’est probablement très semblable à d’autres accords. Un des éléments marquants de l’accord sur l’éducation en Nouvelle-Écosse est le fait qu’il ait été couronné de succès. Nous voulons donc nous en inspirer dans les prochains accords en la matière.
En même temps, nous voulons réfléchir à ce que la nation veut en matière d’éducation. Nous cherchons donc un équilibre entre les besoins et les intérêts de la nation proprement dite... je ne veux pas parler d’approche uniforme, mais plutôt d’approche commune.
Le sénateur Sinclair : Je comprends. C’est possible à faire lorsqu’une mesure législative régit l’ensemble du pays, mais vous avez décidé de recourir à des accords distincts. Je me demande donc juste quel est le raisonnement qui sous-tend la négociation d’accords distincts, plus particulièrement en ce qui concerne l’éducation, mais aussi la protection de l’enfance et d’autres domaines de compétence relevant des Premières Nations. Vous allez peut-être vous retrouver dans une situation où une Première Nation dans une certaine région a des pouvoirs différents de ceux d’une autre Première Nation ailleurs au pays. Cela me préoccupe.
M. Billingsley : Je pense que nous avons la même préoccupation, mais nous avons déjà vu une approche nationale en éducation, par exemple, qui, au bout du compte, ne s’est pas avérée fructueuse, en partie parce qu’elle essayait d’établir un certain équilibre entre des intérêts, des expressions et des groupes différents dans tout le pays.
En adoptant une approche axée sur les intérêts des partenaires, nous menons des négociations avec des communautés, c’est-à-dire des nations, qui veulent progresser en matière d’éducation, dans le cas présent, ou en matière d’autonomie gouvernementale, dans d’autres cas, ou qui ont décidé que la question des services à l’enfance et à la famille était prioritaire à ce moment-ci.
Le sénateur Sinclair : Donc, à quel moment le ministère va-t-il prendre le taureau par les cornes et véritablement élaborer la loi sur l’autonomie gouvernementale?
M. Billingsley : Cela fait un moment que je m’occupe de cela, et je dois dire que les gens avec lesquels nous discutons ne se disent pas favorables à une approche législative en matière d’autonomie gouvernementale. On pourrait faire quelque chose de très viable. Ce serait une approche nationale. Ce serait accessible, mais on ne nous demande pas une telle chose. On nous demande plutôt des négociations, des discussions qui traitent des intérêts particuliers d’une communauté.
Le sénateur Sinclair : Je ne pense pas que nous parlions aux mêmes personnes. J’aimerais donc vous poser la question suivante : à quel moment pensez-vous — je reviens à de grandes discussions qui se poursuivent — que le gouvernement du Canada commencera à élaborer un plan, non pas pour jeter les bases de l’autonomie gouvernementale, mais pour reconnaître le droit inhérent à l’autonomie gouvernementale des Premières Nations que le gouvernement du Canada a peut-être bien entravé au fil des ans?
M. Billingsley : Quand allons-nous le faire? Quand nous constaterons qu’il y a un intérêt grandissant. Je parle de manière hypothétique parce qu’il n’y a pas d’intérêt manifeste envers une approche législative. Les politiques canadiennes en matière d’autonomie gouvernementale reconnaissent ce droit inhérent et font valoir le fait que la négociation est le meilleur moyen de le concrétiser.
Le sénateur Sinclair : Je vous encourage à assister plus souvent aux rencontres de l’Assemblée des Premières Nations, monsieur.
M. Billingsley : C’est ce que je fais, monsieur, et je me suis fait dire à maintes reprises que l’Assemblée des Premières Nations ne parle pas au nom de nombreuses Premières Nations avec lesquelles nous négocions.
Le sénateur Sinclair : C’est un point de vue intéressant.
Revenons au document proprement dit, si cela vous va. L’article 6 est une autre disposition qui me préoccupe un peu. Il précise que ce n’est pas un traité aux fins de la loi — plus particulièrement la Loi constitutionnelle, je suppose. L’accord est plutôt long, et j’ai regardé rapidement son contenu. La question de savoir s’il serait considéré comme un traité a fait l’objet, je suppose, de discussions avec le groupe ayant participé aux négociations sur l’accord.
M. Pridham : En effet, monsieur le sénateur.
Le sénateur Sinclair : Une disposition de l’accord porte là-dessus, n’est-ce pas ?
M. Pridham : Oui, en effet. Nous respectons le mandat qui nous a été donné par nos partenaires selon lequel nous n’allons pas renégocier les traités et essayer de les réinterpréter, mais plutôt élaborer un accord pratique en matière d’éducation.
Le sénateur Sinclair : À quel traité pensez-vous en particulier?
M. Pridham : Étant donné que nous avons jusqu’à 39 partenaires, les traités allant dans ce sens ne manquent pas, des traités qui ont précédé la Confédération, les traités Robinson-Huron, Robinson-Supérieur, Williams — ils portent sur des sujets variés — ainsi que les premiers traités visant le sud-ouest de l’Ontario. Le cadre des traités est bien défini, et c’est probablement la raison pour laquelle personne n’a envie de s’engager dans cette voie.
Le sénateur Sinclair : Vous dites donc que ce sont les Premières Nations qui vous ont demandé de ne pas garantir dans ce document le droit à l’éducation prévu dans les traités, n’est-ce pas?
M. Pridham : C’est ce que j’ai cru comprendre.
Le sénateur Sinclair : Avez-vous participé aux négociations, monsieur, ou est- ce quelqu’un d’autre?
M. Pridham : J’étais trop jeune.
Le sénateur Sinclair : Vous me faites sentir vieux. J’aimerais connaître le contexte ayant mené à cette disposition. Elle me semble importante. Je me demande comment on en est arrivé à ce qu’elle soit présentée, si elle a fait l’objet de négociations approfondies ou si elle a tout simplement été insérée dans la mesure législative parce que le gouvernement pensait que c’était dans son intérêt.
M. Pridham : Je vais demander à l’avocat de répondre.
Le sénateur Sinclair : Merci.
M. Coon : Il y a eu des négociations. Il n’y aurait pas eu d’accord si les Premières Nations avaient insisté pour que cet accord soit un traité. Elles ont compris ce qu’il y avait dans l’accord ainsi que la nature des droits et du système d’éducation qu’elles sont en mesure de créer dans le cadre de cet accord.
Au bout du compte, nous sommes arrivés à la conclusion que ce ne sera pas un traité. Je ne suis toutefois pas en mesure de dire si l’accord deviendra un traité. On verra cela à ce moment-là. Je vous encourage à demander aux Premières Nations leur point de vue là-dessus.
Le sénateur Sinclair : J’en ai bien l’intention. À vrai dire, je voulais vous le demander au début.
Le sénateur Gold : Bienvenue au comité. Dans le discours qu’il a prononcé au Sénat, le parrain du projet de loi, notre collègue, le sénateur Christmas, a décrit cet accord comme une autre étape marquante dans notre longue histoire de partenariats entre nations, entre le Canada et les Premières Nations. Je veux tout d’abord vous féliciter, vos partenaires et vous, ceux qui sont présents et les autres, d’être parvenus à ce résultat.
Pourriez-vous expliquer brièvement dans quelle mesure cela pourrait servir de modèle pour d’autres relations et d’autres accords que vous pourriez conclure avec des Premières Nations ailleurs au pays, en quoi pourrait consister le processus et à quoi on pourrait s’attendre dans les années à venir?
M. Billingsley : Je crois que cette entente pourra servir de modèle, bien que nous hésitions toujours à dire que l’entente d’autonomie gouvernementale d’un groupe particulier pourra servir de modèle à un autre groupe. Il serait peut-être plus juste d’y voir une source d’inspiration pour ceux qui souhaitent élaborer des ententes visant les mêmes objectifs.
D’autres ententes d’autonomie gouvernementale sectorielles, qui concernent un ou deux secteurs d’intérêt pour les Premières Nations, sont en cours de discussion. Il y a actuellement des discussions dans les Prairies et en Colombie-Britannique au sujet de l’éducation, et nous avons bon espoir qu’elles pourront progresser.
Le sénateur Gold : Merci. J’aurais une autre question rapide. Je pense aux personnes qui regardent cette séance et ne connaissent peut-être pas le processus de négociation aussi bien que vous. Comment décririez-vous, à leur intention, la période de 22 ans qui s’est conclue par cette entente? Est-ce habituel? Devrait-on s’attendre à ce que les prochains travaux prennent une vingtaine d’années, ou moins?
M. Billingsley : Les négociations qui portent sur un sujet comme l’éducation ne prennent généralement pas autant de temps. Je dirais que le cheminement du dossier reflète l’évolution de la relation entre les parties.
Le sénateur Gold : Merci.
M. Pridham : J’ajouterais une chose, si vous me le permettez, monsieur le sénateur. Quand nous avons mené les consultations auprès des communautés, les participants nous ont demandé s’il serait possible de suivre un processus un peu plus rapide pour élaborer des ententes pratiques sur l’éducation. Les communautés elles-mêmes ont soulevé ce point.
La sénatrice Pate : J’aimerais revenir sur un élément, mais je crois que le sénateur Sinclair a aussi l’intention de le faire. Ma question fait suite aux réponses que vous avez fournies au sénateur Sinclair et, dans une certaine mesure, au sénateur Gold : les Premières Nations étaient-elles satisfaites de l’entente, ou se sont-elles simplement résignées à ne pas obtenir le droit à l’éducation prévu dans les traités? Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet? Par ailleurs, où pouvons-nous trouver certains des documents historiques, si nous n’y avons pas accès pour le moment?
Je souhaite également revenir sur un point que la présidente du comité a mentionné lors de discussions précédentes. Comme il y a eu, par le passé, des inégalités en matière de financement, quel genre d’entente prend-on actuellement dans ce domaine? Si certaines Premières Nations n’ont pas accepté de participer à l’entente sur l’éducation, est-ce en partie à cause des ententes de financement et des fonds affectés à des dépenses comme la construction, l’entretien et les activités de mise en œuvre? Pourriez-vous nous parler surtout de ce dernier élément? Je suis sûre que d’autres personnes reviendront sur le point précédent.
M. Pridham : Je me concentrerai sur l’entente de financement, madame la sénatrice. La négociation coopérative que nous employons s’accompagne, en parallèle, de dispositions et de mesures de protection qui permettront de maintenir des conditions comparables parmi les communautés au fil du temps. Ainsi, s’il y a des développements qui touchent les Premières Nations relevant toujours de la Loi sur les Indiens, certaines garanties naturelles feront en sorte que les communautés ayant une entente d’autonomie gouvernementale recevront du financement. C’est ce que nous appelons des augmentations générales du financement. Il s’agit de nouveaux investissements rattachés à la Loi sur les Indiens, et nous verrons à ce qu’ils soient intégrés à la subvention pour l’autonomie gouvernementale.
M. Billingsley en a parlé pendant son discours; il a parlé de l’indexation. Les paiements de transfert versés à une communauté autonome seront indexés chaque année en fonction de l’inflation, et on tiendra aussi compte de l’évolution du nombre d’élèves. L’entente augmentera donc au fil du temps.
Selon une autre disposition, que nous appelons la disposition « aucune restriction », si le gouvernement du Canada conçoit un nouveau programme, il sera possible d’y avoir accès. Il y a également une disposition sur les circonstances exceptionnelles : si une situation d’urgence survient dans une Première Nation et que celle-ci n’est pas en mesure de s’acquitter de ses responsabilités, il sera possible d’avoir une discussion afin de déterminer comment procéder pour que les services puissent continuer.
Voilà certaines des mesures qui permettront de maintenir un financement équitable et comparable.
M. Billingsley : J’ajouterais que, comme je l’ai mentionné, nous réexaminons l’ensemble de la relation financière entre le gouvernement et les Premières Nations autonomes. Il s’agit, essentiellement, de la repenser complètement. Cet examen tient compte de l’expérience des Premières Nations à titre de gouvernements, de la pertinence du financement fédéral et de différents enjeux, dont les questions d’infrastructure.
La sénatrice Pate : Je vous remercie tous les deux. Pardonnez-moi si ma question manquait de clarté. Si j’ai bien compris, 16 ou 17 Premières Nations ne participent pas à l’entente. Pourriez-vous me dire pourquoi?
M. Pridham : Quelques raisons expliquent probablement cette décision. D’après ce que nous savons, certaines communautés n’ont pas tenu de vote de ratification parce que d’autres processus étaient en cours, par exemple des élections ou des référendums. D’autres ont opté pour la prudence : elles voulaient d’abord voir si le système se concrétiserait, ce qui est sur le point de se produire, je crois. Nous avons aussi entendu dire que certaines communautés n’avaient pas ratifié l’entente parce que celle-ci n’incluait pas de capital. Ce sont les trois principales raisons.
La sénatrice Pate : Donc, à votre connaissance, personne n’a refusé parce qu’il ne s’agissait pas d’un traité?
M. Pridham : Pas à ma connaissance, non.
Le sénateur Patterson : Merci. J’aimerais revenir sur la question du capital.
Je me demande dans quel état sont les écoles situées dans les communautés participant à l’entente. J’aimerais en apprendre un peu plus sur le processus collaboratif d’élaboration d’une politique financière, qui servira apparemment à régler la question du capital.
Tout cela me semble terriblement bureaucratique. Pourriez-vous nous parler du capital? La dernière fois où le gouvernement fédéral a tenté d’adopter une loi concernant l’éducation, un effort qui a échoué, la loi en question prévoyait une contribution en capital destinée à moderniser les écoles, lesquelles, comme on le sait, ont probablement grandement besoin d’améliorations à l’heure actuelle.
M. Billingsley : Monsieur le sénateur, je m’excuse d’avoir donné une impression très bureaucratique du processus collaboratif d’élaboration d’une politique financière.
C’est un exercice fort intéressant, en fait. Nous nous assoyons avec 28 gouvernements autochtones qui, comment dire, ne sont pas entièrement satisfaits de la façon dont le gouvernement fédéral conçoit les transferts financiers à leur intention. Nous examinons tous les aspects de la relation financière pour voir si nous procédons de la bonne manière.
Nous étudions les points suivants :quels sont les taux d’indexation appropriés? Quels seront les taux d’indexation appropriés à l’avenir? De quels indicateurs d’éloignement devrions-nous tenir compte dans le contexte du fonctionnement d’un gouvernement? Nous examinons aussi la nature fondamentale de la gouvernance pour différents groupes vivant dans des situations différentes.
Dans le cadre de cette discussion, nous regardons… Certaines ententes d’autonomie gouvernementale déjà adoptées comprenaient du capital. Nous regardons donc si ce transfert en capital, ou cette partie de transfert, a donné de bons résultats au fil des ans, depuis que l’entente a été conclue. Nous voulons voir si tout se déroule comme nous l’espérions. Je crois que nous constaterons que tout ne se déroule pas comme prévu; nous chercherons donc des façons de rajuster le tir pour arriver à de meilleurs résultats.
Le sénateur Patterson : Merci. Le sénateur Murray Sinclair est préoccupé par le nombre de structures prévu par l’entente; il parle même d’un salmigondis.
Le projet de loi constitue l’Organisation d’enseignement de la Nation Kinoomaadziwin, et il y a aussi un comité de mise en œuvre et des opérations. Quel sera le lien entre ces deux groupes? L’un est-il subordonné à l’autre? Pourquoi a-t-on besoin d’un comité de mise en œuvre et des opérations s’il y a une autorité scolaire?
M. Pridham : Je peux répondre. Cela vient de ce que nous avons appris lors de la mise en œuvre d’autres ententes semblables. Nous voulons nous assurer qu’il existe un plan solide. Le comité en question est un comité de haut niveau qui regroupe des fonctionnaires fédéraux ainsi que des représentants de l’Organisation d’enseignement de la Nation Kinoomaadziwin et des Premières Nations autonomes. Il se réunira au besoin pour s’assurer que la mise en œuvre se déroule bien et que chacun s’acquitte de ses responsabilités.
L’Organisation d’enseignement de la Nation Kinoomaadziwin est indépendante. Ce sera une institution autonome dirigée par des communautés autonomes qui décideront elles-mêmes de la composition du conseil d’administration et des règles d’opérations.
Ce sont deux entités distinctes qui travaillent ensemble.
Le sénateur Patterson : Si l’Organisation d’enseignement de la Nation Kinoomaadziwin est autonome, qu’arrive-t-il si elle doit un jour faire part au gouvernement de problèmes d’argent, par exemple? Aurait-elle à négocier ou à tenter d’obtenir un rendez-vous dans l’un des bureaux régionaux ou centraux d’AINC?
Serait-ce le rôle du comité de la mise en œuvre et des opérations? Je ne comprends pas tout à fait pourquoi vous avez un comité de haut niveau et un conseil d’administration indépendant, ou comment il n’y aurait pas de dédoublement ou de chevauchement. Pouvez-vous expliquer cela?
M. Pridham : Il n’y aura pas du tout de dédoublement. L’Organisation d’enseignement de la Nation Kinoomaadziwin aide les Premières Nations à gérer leur propre système d’éducation.
Le comité de mise en œuvre veillera à ce que les paiements de transfert du Canada et les ajustements appropriés en ce qui concerne l’inflation et le nombre d’étudiants soient faits chaque année. Il fera également en sorte que les représentants du nouveau système d’éducation soient entendus. Voilà les fonctions principales du comité de surveillance et de mise en œuvre.
La présidente : Merci au premier groupe de témoins de ce matin, qui nous venait d’Affaires autochtones et du Nord Canada et du ministère de la Justice. Le temps est écoulé. Je présente mes excuses au sénateur Sinclair. Il pourra poser ses questions au prochain groupe.
Honorables sénateurs, le deuxième groupe est composé de représentants des Premières Nations qui sont au cœur de ce moment historique. Je vous présente Glen Hare, grand chef adjoint de la nation anishinabek; Kelly Crawford, directrice du système d’éducation de la nation anishinabek de l’Organisation d’enseignement de la Nation Kinoomaadziwin; Evelyn Ball, membre du conseil d’administration de l’Organisation d’enseignement de la Première Nation des Chippewas de Rama; et Lisa Michano-Courchene, membre du conseil d’administration de l’Organisation d’enseignement de la Première Nation Biiggtigong Nishnaabeg. Tracey O’Donnell, négociatrice en matière d’éducation, est également parmi nous afin de répondre aux questions qui lui seront adressées.
Là-dessus, le deuxième groupe va commencer.
Glen Hare, grand chef adjoint, Nation Anishinabek : Bonjour, honorables sénateurs. Quand je suis arrivé ici ce matin, j’ai littéralement vu, comme je l’ai toujours entendu dire, qu’il y a une lumière au bout du tunnel. C’est ce que j’ai vu ici ce matin. Je vous dis donc meegwetch.
[Note de la rédaction : le témoin s’exprime dans une langue autochtone.]
Je m’appelle Glen Hare. Je suis membre de la Première Nation de M’Chigeeng, de l’île Manitoulin.
Pour gagner du temps, je vais entrer dans le vif du sujet, je le répète, au nom des communautés que nous représentons, à savoir 40 communautés, notamment de Thunder Bay, de la vallée de l’Outaouais et de Sarnia. J’ai été chef et conseiller au sein de ma communauté pendant une vingtaine d’années. Je suis devenu grand chef adjoint de la nation anishinabek en 2006.
L’éducation est l’une de nos principales priorités. De 2006 à aujourd’hui, j’ai parcouru, sans exagérer, 1,3 million de kilomètres pour rendre visite à des communautés et parler avec elles de l’éducation, et surtout, de l’aide à l’enfance. J’espère vous revoir bientôt pour parler d’un autre projet de loi, qui protégera cette fois-ci nos enfants. La question de l’éducation n’existerait pas sans enfants.
Nous avons fait preuve de diligence raisonnable; j’en suis convaincu. Pensons aux personnes qui ont entrepris cette initiative. Beaucoup d’entre elles ne sont plus parmi nous aujourd’hui, mais ce sont elles qui ont lancé le mouvement. C’est grâce à elles que nous sommes ici aujourd’hui. Je tiens à les remercier.
J’ai entendu des questions ici ce matin auxquelles notre équipe peut répondre. Je suis reconnaissant du fait que Tracey soit présente. Je ferai peut-être appel à elle également. C’est génial.
Je tiens à dire quelques mots. C’est pour les enfants que nous sommes ici aujourd’hui. Personnellement, je n’ai pas de priorités. Je ne fais pas passer quoi que ce soit avant le reste. Si, à deux heures du matin, il est question de l’aide à l’enfance, c’est ce sur quoi je devrai me pencher. À mes collègues qui sont ici et à vous, je dis meegwetch de nous donner l’occasion d’être ici aujourd’hui.
Evelyn Ball, membre du conseil d’administration de l’Organisation d’enseignement, Première Nation des Chippewas de Rama : Bonjour.
[Note de la rédaction : le témoin s’exprime dans une langue autochtone.]
Bonjour, honorables sénateurs. Je suis membre de la Première Nation des Chippewas de Rama, située tout près d’Orillia. Je fais partie du conseil d’administration de l’Organisation d’enseignement de la Nation Kinoomaadziwin, et je tiens à remercier le comité de me donner l’occasion de témoigner aujourd’hui. Je tiens également à souligner que nous sommes sur le territoire traditionnel du peuple algonquin. Je souhaite rendre hommage à tous nos ancêtres. Je veux également rendre grâce à la chance que nous avons d’être ensemble ici aujourd’hui.
L’Entente sur l’éducation de la Nation Anishinabek a été négociée sur une période de 22 ans. Pendant tout ce temps, nous n’avons jamais dévié de notre position voulant qu’il faille que la nation anishinabek soit responsable de l’éducation afin de favoriser la réussite et le bien-être des élèves anishinabek.
Pour les membres de la nation anishinabek, l’apprentissage se fait du berceau à la tombe. Toutefois, l’entente ne vise que l’éducation de la prématernelle à la 12e année. C’est le pouvoir que le Canada était prêt à négocier avec nous. C’est un départ positif. Nous espérons pouvoir assurer un jour une éducation allant du début à la fin de la vie.
L’adoption du projet de loi C-61 confirme la reconnaissance du Canada de notre compétence en matière d’éducation en ce qui concerne les niveaux visés et le soutien aux étudiants de niveau postsecondaire.
L’adoption du projet de loi confirmera la création du système d’éducation de la nation anishinabek. Nous avons bâti un système d’éducation à trois paliers.
Les Premières Nations seront les législateurs du système. Chaque nation participante adoptera une loi sur l’éducation qui consacrera sa compétence en matière d’éducation et appuiera la mise en place du système d’éducation de la nation anishinabek. Les Premières Nations seront responsables de la prestation des programmes d’éducation pour les étudiants vivant dans les réserves.
Le deuxième palier est le Conseil régional de l’éducation. Il y a quatre conseils régionaux de l’éducation, qui sont composés de Premières Nations de régions voisines qui travaillent ensemble pour appuyer les priorités régionales en matière d’éducation.
Enfin, nous avons créé l’Organisation d’enseignement de la Nation Kinoomaadziwin, qui a été mise sur pied pour gérer le financement du Canada lié à l’autonomie gouvernementale et l’investir dans le système. Elle appuiera les Premières Nations dans la prestation de programmes et de services d’éducation en veillant à l’élaboration du programme d’enseignement, en fixant des normes d’éducation pour l’ensemble du système et en concevant des programmes sur la culture et la langue anishinabek.
Nous sommes convaincus que le modèle que nous avons adopté pourra répondre aux besoins des étudiants tout en respectant la compétence des Premières Nations en matière d’éducation.
Le rôle du Canada dans le cadre de l’entente consiste essentiellement à financer l’éducation aux taux négociés. Cela respecte les rapports fiduciaires entre le Canada et la nation anishinabek, ainsi que notre droit inhérent d’exercer le contrôle sur l’éducation.
L’éducation a été utilisée contre les peuples autochtones pour éradiquer leur culture, leurs langues, leurs connaissances traditionnelles, leur spiritualité et leurs structures familiales traditionnelles. Les conséquences des mauvais traitements et des abus du système des pensionnats autochtones ont été exposées grâce à la Commission de vérité et réconciliation. Onze des 94 appels à l’action traitent expressément de l’éducation, de la langue et de la culture.
L’adoption du projet de loi C-61 est un pas vers la réconciliation qui répondra à l’appel voulant que l’on élabore une stratégie visant à supprimer les écarts en matière d’éducation et d’emploi. Dans le cadre de la mise en place du système d’éducation de la nation anishinabek, nous suivrons l’exemple de la nation micmaque en Nouvelle-Écosse, dont on a parlé plus tôt. Nous espérons bâtir et mettre en place un système qui réussira à faire passer les taux d’obtention de diplôme à un taux qui dépassera celui des normes provinciales et qui ouvrira davantage de portes à l’emploi grâce à l’éducation.
Il est temps pour la nation anishinabek de se servir de l’éducation pour rétablir sa culture, ses langues, ses connaissances traditionnelles, sa spiritualité et ses structures familiales traditionnelles. Grâce au contrôle de la nation anishinabek sur l’éducation de ses membres, nous pourrons assurer la survie de notre nation et le bien-être de tous nos élèves.
Je tiens à vous remercier de me permettre de vous faire part de ces renseignements. Meegwetch.
Lisa Michano-Courchene, membre du conseil d’administration de l’Organisation d’enseignement, Première Nation Biiggtigong Nishnaabeg : Bonjour.
[Note de la rédaction : le témoin s’exprime dans une langue autochtone.]
Bonjour, honorables sénateurs. Je m’appelle Lisa Michano-Courchene. Je fais partie d’une communauté située près de Thunder Bay, en Ontario, soit celle de la Première Nation Biigtigong Nishnaabeg, et c’est un honneur pour moi d’être ici afin de me prononcer en faveur du projet de loi C-61.
Il est important de souligner que nous sommes en train de négocier une deuxième entente complémentaire avec le gouvernement de l’Ontario. Nous sommes toujours en train de négocier avec ce dernier, car 10 000 étudiants de la nation anishinabek fréquentent le système public.
Cette entente complémentaire en matière d’éducation avec le gouvernement de l’Ontario témoigne d’un grand respect de la part du gouvernement provincial envers nous, en ce sens qu’il reconnaît que nous avons le pouvoir législatif et l’autorité de gouverner et d’administrer l’éducation de nos membres. Cette entente-cadre répond aux préoccupations liées à la relation entre le système d’éducation de la nation anishinabek et le système provincial. Elle établira les normes d’accès à un programme d’éducation de qualité et adapté à la culture qui améliorera l’expérience des élèves de la nation anishinabek et de l’Ontario.
L’entente-cadre, qui fera complément à l’Entente sur l’éducation de la Nation Anishinabek, améliorera la participation et la réussite des étudiants, les normes, la culture, la langue, le développement professionnel et le renforcement du leadership en éducation, l’échange de renseignements, les normes des ententes sur l’éducation, la recherche, ainsi que la résolution de différends.
Les négociations avec l’Ontario quant à un plan d’action pluriannuel basé sur certaines de ces questions importantes tirent à leur fin. Nous nous attendons à terminer les négociations et approuver l’entente-cadre avec l’Ontario d’ici le 1er avril.
Sur une note plus personnelle, je fais partie de la deuxième génération de personnes qui subissent les conséquences des pensionnats autochtones. J’ai été étudiante dans le système public. Même si le système des pensionnats autochtones avait déjà été aboli à l’époque, nous étions quand même envoyés hors des réserves pour aller à l’école dans des systèmes publics. C’est là où j’ai commencé mes études et où j’ai été exposée quotidiennement à des injures raciales et aux défis liés au fait d’être d’une race différente au sein du système public.
Cette éducation ne tenait nullement compte de ma culture et de ma langue, et à ce jour je regrette de ne pas avoir appris ma langue aussi bien que je l’aurais pu.
Je crois qu’il est important que le gouvernement de l’Ontario se joigne maintenant aux efforts pour investir avec nous dans les ententes en place, car il a le devoir de participer et de parler des lacunes des systèmes publics.
L’entente va nous permettre de travailler en collaboration et d’assumer les responsabilités que notre nation n’a jamais abandonné l’espoir de retrouver. J’ai hâte que cela se concrétise. Il y a 20 ans, j’étais encore une élève dans ces systèmes. Nous attendons donc ce changement depuis longtemps. Mes ancêtres et les membres de ma communauté ont travaillé sans relâche pour en arriver à ce stade.
Tout nous ramène à l’esprit des enfants. Nous sommes qui nous sommes. Nous sommes résilients. Nous valoriserons toujours l’esprit de l’enfant et nous savons que c’est ce sur quoi repose notre vision. Meegwetch.
Kelly Crawford, directrice, Système d’éducation de la Nation Anishinabek, Organisation d’enseignement de la Nation Kinoomaadziwin : Aanii, boozhoo.
[Note de la rédaction : le témoin s’exprime dans une langue autochtone.]
Bonjour, honorables sénateurs. Je m’appelle Kelly Crawford et je suis membre de la Première Nation de M’Chigeeng, sur l’île Manitoulin. Je suis la directrice de l’Organisation d’enseignement de la Nation Kinoomaadziwin.
Meegwetch. Je vous remercie de me donner l’occasion de parler aujourd’hui en faveur du projet de loi C-61.
Dans mon exposé, je vais me concentrer sur le système d’éducation et sur le paysage scolaire de la nation anishinabek. Je vous ai fourni un document qui inclut l’information dont je vais parler.
La nation anishinabek est composée de 40 Premières Nations de la province de l’Ontario, lesquelles se trouvent notamment sur la rive nord du lac Supérieur, près de Thunder Bay, où est située la Première Nation de Fort William, à l’est, près d’Ottawa, où habitent les Algonquins de Pikwakanagan, et au sud-ouest, près de Sarnia, en Ontario, où vivent les Aamjiwnaang.
Vingt-trois Premières Nations sur 40 ont décidé d’adhérer à l’Entente sur l’éducation de la Nation Anishinabek pour mettre en place le système d’éducation de cette nation. Les 17 Premières Nations restantes auront toujours l’option de ratifier un jour l’entente et de faire partie du système d’éducation de la nation anishinabek.
Vous trouverez la liste des Premières Nations participantes à la page 5 du document que vous avez. Les 23 Premières Nations comptent près de 1 700 élèves de la prématernelle à la 12e année qui vivent dans les réserves. Un peu moins de la moitié de ces élèves vivent et vont à l’école dans les réserves, alors qu’un peu plus de la moitié vivent dans les réserves, mais vont à l’école à l’extérieur des réserves. De plus, les 23 Premières Nations comptent également 11 000 élèves de la prématernelle à la 12e année qui vivent à l’extérieur des réserves et qui fréquentent des écoles du système scolaire provincial.
Dans les réserves, il y a 11 écoles primaires et quatre programmes d’études postsecondaires des Premières Nations. La taille des classes et les niveaux offerts dans les écoles primaires dans les réserves varient. La Première Nation Aamjiwnaang offre un programme de la prématernelle à la maternelle dans les réserves, après quoi les élèves fréquentent le système scolaire provincial. D’autres offrent des programmes d’éducation primaires allant jusqu’à la troisième, quatrième et cinquième année.
La Première Nation de Long Lake no 58, a un système scolaire fermé. Tous les élèves vont à l’école primaire et secondaire dans la réserve.
En résumé, 16 programmes scolaires des Premières Nations sont offerts dans 13 Premières Nations. Vous trouverez une liste des Premières Nations qui ont des écoles et des niveaux qui y sont offerts à la page 7 du document.
Dix Premières Nations envoient tous leurs élèves à l’extérieur des réserves à des écoles financées par la province. La nation anishinabek a des ententes sur les services d’éducation ou les frais de scolarité avec 17 conseils scolaires de l’Ontario sur 76. Cela représente 22 p. 100 de tous les conseils scolaires de la province de l’Ontario.
À la page 9, nous vous avons fourni de l’information concernant les niveaux de dotation de certaines écoles et les dates auxquelles elles ont été construites pour vous donner une idée de la façon dont l’éducation est offerte en ce moment dans nos communautés. Vous trouverez également une ventilation de la population étudiante aux pages 10 et 11 du rapport que nous vous avons fourni.
Grâce à l’adoption du projet de loi C-61, la nation anishinabek aura le plein contrôle de l’éducation de la prématernelle à la 12e année. Nous allons changer la vie de près de 14 000 élèves, dont 11 000 de la prématernelle à la 12e année et près de 3 000 au collège ou à l’université. Ces élèves représentent l’avenir non seulement des Premières Nations participantes, mais également du Canada.
Il faut que le projet de loi C-61 soit adopté afin que les Premières Nations participantes puissent décider de ce qu’apprennent les élèves de leurs communautés. Nous avons l’occasion aujourd’hui de nous servir de l’éducation pour rebâtir et renforcer notre nation, notre langue, notre culture et nos traditions. Nous allons nous servir du financement en matière d’éducation fournie par le Canada pour appuyer la prestation de programmes et de services adaptés à la culture, pour accroître le niveau d’assiduité des élèves, pour augmenter les taux d’obtention de diplôme et pour veiller à la préservation et à la promotion de la culture et de la langue de la nation anishinabek.
Tant les Premières Nations qui ont des écoles que celles qui n’en ont pas profiteront de l’Entente sur l’éducation de la Nation Anishinabek. Je vais vous dire comment.
Voici quelques avantages pour les Premières Nations qui ont des écoles :
Un contrôle total sur tous les aspects de l’éducation de la prématernelle à la 12e année.
L’occasion d’élaborer et de mettre en œuvre un programme et des normes en matière d’éducation propres à la nation anishinabek.
Un financement sûr et prévisible pour la gestion des écoles et la prestation des programmes et des services.
Un nouveau financement de base.
Un nouveau financement pour gérer le système d’éducation de la nation anishinabek.
Des paiements complémentaires automatiques pour toutes les Premières Nations si le gouvernement fédéral investit davantage dans l’éducation des Premières Nations que le montant offert à la nation anishinabek.
Le financement des études postsecondaires est inclus.
Un processus de négociation pour que les Premières Nations puissent obtenir davantage de financement de la part du Canada.
Des ressources partagées pour favoriser la réussite des élèves.
L’occasion de mettre en place un partenariat en matière d’éducation avec l’Ontario.
Voici quelques avantages pour les Premières Nations qui n’ont pas d’écoles :
Une nouvelle relation avec les conseils scolaires provinciaux pour favoriser la réussite et le bien-être des élèves.
L’occasion d’élaborer et de mettre en œuvre des changements au programme d’éducation dans le système provincial d’éducation.
Un financement sûr et prévisible pour assurer la prestation de programmes d’éducation et se procurer des services des conseils scolaires provinciaux.
Un nouveau financement de base.
Un nouveau financement pour gérer le système d’éducation de la nation anishinabek.
Des paiements complémentaires automatiques.
Le financement des études postsecondaires est inclus.
Un processus de négociation pour que les Premières Nations puissent obtenir davantage de financement de la part du Canada.
Des ressources partagées pour favoriser la réussite des élèves.
L’occasion de mettre en place un partenariat en matière d’éducation avec l’Ontario.
Les élèves qui vivent dans les réserves profiteront d’un soutien systémique qui leur permettra d’avoir accès à la culture, à la langue et à l’histoire au sein des écoles dans les réserves. Le fait de s’attarder davantage aux besoins particuliers des élèves permettra d’améliorer l’assiduité, les notes et les taux d’obtention de diplôme de ces derniers. L’accès au financement des études postsecondaires sera continu.
Les élèves vivant à l’extérieur des réserves profiteront d’un soutien systémique qui leur permettra d’avoir accès à la culture, à la langue et à l’histoire au sein des écoles à l’extérieur des réserves. Le fait de s’attarder davantage aux besoins des élèves permettra d’améliorer la présence, les notes et les taux d’obtention de diplôme de ces derniers. L’accès au financement des études postsecondaires sera continu.
J’aimerais profiter de cette occasion pour dire meegwetch et vous remercier de nous avoir accueillis. En tant que membre de la communauté, en tant que mère et en tant qu’éducatrice, je vous dis meegwetch de faire partie de ce processus.
La présidente : Merci aux membres du groupe. Nous allons commencer à poser des questions.
Le sénateur Tannas : Merci beaucoup de vos exposés. Je tiens à m’assurer de bien comprendre. Madame Crawford votre document est très utile. Aujourd’hui, 83 p. 100 d’élèves vont à l’école à l’extérieur des réserves. Vraisemblablement, ces écoles ne seront pas gérées par la nouvelle entité. Elles le seront par les conseils scolaires locaux, mais il y aura une sorte de directive prépondérante des provinces. Est-ce ainsi que cela va fonctionner? La province indiquera aux conseils scolaires ce qu’ils ont à faire pour que les choses se déroulent adéquatement? Est-ce en cela que consiste la vision?
Mme Michano-Courchene : Oui, c’est cela. J’ai parlé de l’entente-cadre que nous négocions avec l’Ontario. Nous ne gérerons pas leurs écoles ou ne ferons quoi que ce soit de la sorte. Toutefois, le gouvernement de l’Ontario s’est joint à la table des négociations pour répondre aux préoccupations relatives à nos élèves. Il est prêt à travailler avec nous à une nouvelle vision des choses.
Le sénateur Tannas : Envisage-t-on que les conseils scolaires qui s’occupent de la prestation de services aient un financement accru pour faire ce qu’on leur demande ou ce qu’on leur indique de faire?
Mme Michano-Courchene : Oui. Des négociations financières ont lieu en ce moment entre le gouvernement de l’Ontario et notre équipe de négociation. De l’argent sera mis de côté afin de renforcer les travaux pour améliorer ce qui doit, selon nous, être bonifié dans les systèmes.
Le sénateur Tannas : Et si jamais vous avez un problème avec une école précise, y a-t-il un mécanisme en place pour le régler directement avec le conseil scolaire auquel elle appartient ou aurez-vous à commencer au haut de la pyramide pour que cela se rende jusqu’au bas?
Mme Michano-Courchene : Une partie importante de l’entente-cadre sur l’éducation avec le gouvernement de l’Ontario est axée sur l’établissement de relations. Nous aurons une relation directe avec les conseils scolaires et les Premières Nations à l’échelle locale, ainsi qu’avec le conseil régional de l’éducation et l’Organisation d’enseignements de la Nation Kinoomaadziwin.
Le sénateur Tannas : Il y a beaucoup d’éléments dont il faut tenir compte.
Mme Michano-Courchene : Oui.
Le sénateur Tannas : Cela reposera sur la bonne volonté de chacun. Je vous souhaite bonne chance. Je crois que vous y arriverez, mais bon sang, ce n’est pas surprenant qu’il ait fallu 22 ans pour arriver là. Merci.
Le sénateur Sinclair : Merci de vos exposés et félicitations pour cette entente. C’est un pas très important. J’ai quelques questions à poser pour clarifier certaines choses. Vous avez entendu certaines questions qui ont été posées plus tôt aux représentants canadiens. Les miennes leur ressemblent.
L’une portait sur la question du droit à l’éducation prévu dans les traités. Lors des négociations entourant les traités no 1 à 10 qui ont été conclus dans l’Ouest canadien après la Confédération, les Premières Nations se sont battues pour obtenir le droit de demander au gouvernement de bâtir des écoles à leur intention dans les réserves et de leur fournir les ressources nécessaires pour qu’elles puissent les faire fonctionner. Or, cette entente laisse entendre qu’un tel droit n’existe pas.
J’ai examiné rapidement les traités que certains membres de votre organisme appuient, dont les traités Robinson-Huron, et j’ai constaté, par exemple, qu’il n’y est pas clairement indiqué que le droit à l’éducation existe. J’ai également observé dans l’entente et dans le projet de loi que la question du droit à l’éducation prévu dans les traités a été expressément exemptée.
Dans quelle mesure cet élément a-t-il été négocié ou rejeté? Je demanderais peut-être au chef de répondre à cette question.
M. Hare : Je demanderais à Tracey O’Donnell d’y répondre.
Tracey O’Donnell, négociatrice en matière d’éducation, Nation Anishinabek : Meegwetch. Je m’appelle Tracey O’Donnell, membre de la Première Nation de Red Rock et négociatrice de la nation anishinabek. J’ai participé aux négociations avec les Premières Nations membres de la nation anishinabek depuis le début. Ainsi, je connais bien toutes les questions qui ont été soulevées et les discussions qui ont eu lieu.
J’admets que mes homologues, Murray Pridham et Peter Coon, étaient relativement nouveaux à la table des négociations. Ils n’étaient pas là au début.
Toutefois, la question des traités a été soulevée au début des négociations. Sénateur Sinclair, vous avez raison : aucun traité historique ne prévoit le droit à l’éducation des 40 Premières Nations membres.
Même si la question a été soulevée, la négociation des traités est expressément exclue du mandat fédéral dans la politique fédérale sur les négociations visant l’autonomie gouvernementale. Cela se trouve dans la politique sur les droits inhérents. Même si certaines Premières Nations ont soulevé la question du droit à l’éducation prévu par les traités, elle était hors de la portée du mandat de négociation de nos homologues fédéraux. Ainsi, la nation anishinabek a accepté d’inclure des dispositions stipulant que cette entente n’est pas un traité afin que des négociations futures à ce sujet puissent avoir lieu.
Pour répondre aux questions et aux observations formulées plus tôt, en ce qui concerne les 17 Premières Nations, je tiens à dire qu’un certain nombre d’entre elles n’ont pas rejeté l’Entente sur l’éducation de la Nation Anishinabek sous prétexte qu’elles trouvaient qu’elle était horrible. Elles ont dit qu’elle ne leur convenait pas et qu’elles voulaient avoir avec le Canada une relation en matière d’éducation qui soit fondée sur un traité. Elles ont ainsi décidé de ne pas procéder à un vote de ratification pour l’instant. Meegwetch.
Le sénateur Sinclair : Merci. Après avoir examiné l’entente et le projet de loi — et il y a également une entente de transfert fiscal —, je voudrais savoir si la question de l’obligation du Canada d’accepter de financer la construction des écoles a simplement été soulevée, négociée, puis exclue de l’entente pour une raison ou un autre.
Mme O’Donnell : Je répondrai également à cette question. La question des fonds d’immobilisation nécessaires au financement de la construction, du remplacement ou de grandes rénovations d’écoles, a été régulièrement soulevée par la nation anishinabek tout au long des 22 ans de négociations. Nous avons eu une réunion avec le ministre des Affaires autochtones et du Nord du gouvernement précédent, Bernard Valcourt, le 4 novembre 2016. Ce fut notre dernière tentative d’obtenir l’inclusion d’importants fonds d’immobilisation dans l’entente. La position du Canada tout au long des négociations a été de soutenir qu’il n’avait pas l’habitude d’inclure d’importants fonds d’immobilisation dans des ententes sectorielles d’autonomie gouvernementale.
Lors de la réunion qui a eu lieu en 2000, la discussion visait à déterminer si le Canada accepterait ou pas de recevoir et d’examiner une proposition globale de la nation anishinabek sur les fonds d’immobilisation. Cette proposition a été soumise, mais aucun fonds d’immobilisations n’a été négocié à ce moment-là. Même quand nous étions en train de conclure les échéanciers finaux de l’accord de transfert financier en matière d’éducation de la nation anishinabek après la conclusion de notre entente sectorielle sur l’autonomie gouvernementale, en août 2016, nous avons continué de soulever la question des fonds d’immobilisation. Selon nous, pour qu’un système d’éducation puisse fonctionner, une part importante du processus de décision concerne la construction ou le remplacement d’écoles. Aujourd’hui, nous avons à nouveau l’occasion de nous pencher sur cette question. Le Canada a proposé que nous communiquions avec le bureau régional et que nous élaborions une proposition globale sur les fonds d’immobilisations afin qu’il l’examine.
Le sénateur Sinclair : Je veux juste formuler une observation. Comme vous avez un esprit qui retient bien les détails et avez une bonne mémoire, je suis sûr que le Canada a dû détester que vous soyez négociatrice pour la nation anishinabek. Merci beaucoup de vos réponses.
Le sénateur Gold : Bienvenue. Le paragraphe 16(1) du projet de loi stipule que d’autres Premières Nations pourront, bien sûr, adhérer au système en ratifiant l’entente, mais également en se dotant d’une constitution. Pourriez-vous nous donner un exemple de constitutions existantes adoptées par certaines des Premières Nations qui ont déjà adhéré à l’entente? Quels sont les éléments principaux que vous voudriez que les communautés qui souhaitent y adhérer incluent? Il s’agit d’une question de gouvernance, je suppose.
Mme O’Donnell : L’Entente sur l’éducation de la Nation Anishinabek permet à d’autres Premières Nations d’adhérer à l’entente. Il y a deux groupes de Premières Nations qui peuvent s’y joindre. Il y a d’abord les 17 Premières Nations de la nation anishinabek qui ont participé aux négociations initiales, qui peuvent décider de tenir un vote de ratification et d’y adhérer à tout moment.
Un deuxième groupe comprend n’importe quelle Première Nation ontarienne qui souhaite faire partie du système d’éducation de la nation anishinabek. Pour ce faire, elles doivent d’abord obtenir l’approbation de la nation anishinabek et du Canada.
Toutes les Premières Nations qui souhaitent faire partie du système d’éducation de la nation anishinabek et qui veulent adhérer à l’entente doivent se doter d’une constitution. Dans le cadre de l’entente que nous avons négociée, les Premières Nations doivent adopter des lois en matière d’éducation. Pour ce faire, les gouvernements des Premières Nations doivent avoir le pouvoir d’adopter des lois et un processus législatif. Il faut donc une constitution. Un des chapitres de l’Entente sur l’éducation de la Nation Anishinabek énumère les éléments de base d’une constitution. Toutes les Premières Nations doivent en avoir une. C’est la preuve que les citoyens acceptent que leur gouvernement élabore des lois et appuient le processus grâce auquel ils acceptent que des lois soient mises en place. Le processus varie de communauté en communauté et les constitutions sont approuvées par les membres de chaque communauté.
Nous sommes certains que les membres des Premières Nations qui ont adhéré à l’accord ont donné à leur gouvernement le pouvoir d’adopter des lois en matière d’éducation et instauré un processus convenu pour la résolution de différends, les abrogations et les recours, ainsi que pour toutes sortes d’enjeux liés au processus législatif.
Le sénateur Patterson : J’ai deux questions à poser. Tout d’abord, j’aimerais approfondir un peu plus la question du sénateur Tannas sur les 83 p. 100 d’élèves qui vivent à l’extérieur des réserves. Peut-être cela changera-t-il avec le nouveau système. J’espère que ce sera le cas.
Grâce au conseil d’administration et à la relation que vous avez avec le Canada, vous avez le comité chargé de la mise en œuvre et des opérations, un comité de haut niveau chargé de gérer ces questions. Avez-vous une façon semblable d’agir en interaction avec l’Ontario au titre de l’entente-cadre sur l’éducation?
Mme O’Donnell : Oui. Dans le cadre de l’entente négociée avec l’Ontario, nous avons mis en place un comité mixte. Ce dernier est composé de 10 représentants, dont 5 représentent le gouvernement de l’Ontario et sont choisis par lui dans le cadre d’un processus interne. Quant à la nation anishinabek, elle a un représentant de l’Organisation d’enseignement de la Nation Kinoomaadziwin et quatre représentants venant des quatre conseils régionaux de l’éducation.
C’est un grand comité, car nous avons beaucoup de travail à faire avec la province de l’Ontario afin de faire en sorte que les élèves puissent passer d’un système à l’autre et que les programmes scolaires soient conformes aux normes convenues en ce qui concerne la culture, la langue et les occasions d’apprentissage des élèves de la nation anishinabek qui fréquentent des écoles du système provincial. Ce comité est en place. Les comités sont en train de se former et de se préparer en vue de la date cible de mise en vigueur du 1er avril 2018.
Le sénateur Patterson : Merci beaucoup. L’autre question porte sur les fonds d’immobilisation. J’ai remarqué que le document que vous nous avez soumis contient une liste sur l’âge et la taille des écoles des Premières Nations. J’ai constaté qu’une école a 67 ans et que l’école la plus neuve a 6 ans. Un certain nombre d’entre elles ont 20 ou 30 ans, et je ne sais pas si elles ont bien été entretenues. J’ai l’impression que la question des fonds d’immobilisations a fait l’objet d’un dur combat qui n’est pas encore terminé.
Aucune entente n’est parfaite. Bien sûr, nous vous souhaitons tout le meilleur avec celle-ci. La question des fonds d’immobilisation — de la rénovation et du remplacement — est-elle une des questions clés que vous auriez aimé voir ajouter à cet accord historique? Je pose la question parce que notre comité a le pouvoir de formuler des observations.
Je tends à penser à tout cela comme étant un travail en cours qui doit être soutenu.
J’ai demandé aux fonctionnaires dans quel état étaient les écoles visées par l’entente, mais je n’ai pas obtenu de réponse. Ma question est donc la suivante : s’agit-il d’une question cruciale pour la nation anishinabek?
Mme O’Donnell : Merci, sénateur, de votre question. Le fait est que c’en est une. Si des fonds d’immobilisation avaient pu être inclus, cela aurait changé la donne pour la nation anishinabek, non seulement pour les Premières Nations qui ont décidé d’aller de l’avant, mais également pour les autres communautés.
En réponse à la récente invitation du Canada de soumettre une nouvelle proposition globale pour des fonds d’immobilisation en matière d’éducation, huit Premières Nations ont affirmé qu’elles tiendraient un vote de ratification sur l’Entente sur l’éducation de la Nation Anishinabek si la question des fonds d’immobilisation était réglée.
Il s’agit donc d’une question non réglée avec le Canada. Du point de la nation anishinabek, je peux vous assurer que nous avons soulevé la question de façon continue et régulière.
L’information sur les écoles qui font partie du système que vous avez à votre disposition rend compte d’une facette de la situation, mais ce que les mots ou les chiffres qui figurent dans ce document ne révèlent pas, c’est l’état physique des bâtiments en question. Nous n’avons tout simplement pas le même montant d’argent à investir afin de veiller à ce que toutes les écoles aient la technologie à large bande nécessaire pour avoir des laboratoires d’informatique ou de science. Parfois, la nature même des bâtiments fait qu’ils doivent être remplacés.
Il s’agit donc d’une question cruciale pour les années à venir.
La sénatrice Raine : Merci beaucoup. Félicitations pour tout le travail que vous avez accompli. Cela doit être vraiment merveilleux de le voir porter ses fruits.
J’aimerais, si cela vous convient, que vous nous disiez comment vous envisagez les 50 prochaines années. J’aimerais également que vous nous fassiez part de vos rêves et de votre vision de l’avenir, notamment quant à la façon dont les enfants de vos communautés seront éduqués et quelle incidence cela aura, surtout si l’on repense à la situation des pensionnats autochtones et à toutes les tragédies qui y ont eu lieu il y a 50 ans.
Pourriez-vous vous projeter dans l’avenir et nous dresser un bref portrait de ce que vous aimeriez voir en place et la situation dans laquelle vous aimeriez voir vos enfants?
M. Hare : Meegwetch. Assis ici, je repense à ma vie. J’ai huit petits-fils dont l’un doit aller en ville pour ses études. L’autre jour, soit dimanche, il m’a demandé si je pouvais venir dans sa classe pour parler dans ma langue. Je vais y aller en janvier, car je ne peux pas y aller ce mois-ci. Un autre m’a demandé s’il pouvait rester à l’école après la classe.
Ce n’est pas le genre de choses que nous aurions entendu dans les années 1960. Je me suis enfui alors. Je n’ai aucune éducation formelle de laquelle parler aujourd’hui. Ce sont mes aînés qui ont fait mon éducation.
Je vois tout de même que nous pouvons aujourd’hui apprendre à nos enfants comment sauver la planète. Nous pouvons leur parler des changements climatiques et leur apprendre à recycler. Nous faisons toutes ces choses que le pays devrait faire à une plus petite échelle dans nos communautés, mais nous pourrons en faire beaucoup plus lorsque nous aurons le contrôle de l’éducation et de l’argent qui y sera investi.
Nous avons parlé de la question des fonds d’immobilisation. L’école de ma communauté est belle quand on passe devant en voiture. Nous y avons organisé une fête de Noël l’année dernière. La tuyauterie est tombée en ruine dans un espace équivalent à celui du mur où les filles sont assises parce que cela fait des années que nous devons réparer nos écoles. Elles ont toutefois fière allure de l’extérieur.
Je le répète, il faut que nous apprenions aux enfants d’être à l’aise à l’école. Une fois que nous pourrons transmettre notre culture à l’école, je sais qu’ils y resteront.
J’ai quatre fils, dont trois sont ingénieurs et un autre policier. Encore aujourd’hui, je dis meegwetch, car je sais que le système et les collèges veulent nous aider, mais qu’ils ont les mains liées. Le collège qu’ont fréquenté mes fils a déployé des efforts supplémentaires. Je vante les mérites de ce collège partout où je vais, car si ce n’était de lui, mes fils ne seraient pas rendus là où ils sont.
Donc, nous pouvons et allons ouvrir de nombreuses portes. Nous avons fait preuve d’une diligence raisonnable. Nous savons ce qui s’est passé à cette époque-là. Je sais où j’en suis aujourd’hui. Mais c’est pour les générations futures que nous devons agir.
Il y a tant de choses dont nous n’avons pas le temps de parler, comme la vision, vous savez. Nous pourrions être assis ici pendant des heures. Ce que j’observe, c’est que nos enfants veulent continuer d’aller à l’école. Nos enfants sont tout aussi intelligents que les autres enfants, et ils veulent réussir.
Il y a mes fils, mais quand je me rends dans des communautés, je constate qu’il y a d’autres gens comme eux. Les chiffres vont augmenter. Je le crois. Nous sommes toujours optimistes. Nous ne pensons pas au pire, car nous ne pouvons pas continuer d’aller de l’avant si nous y pensons.
Je dis toujours que si nous pouvons apprendre quelque chose de nouveau aujourd’hui, et c’est ce que nous faisons, alors nous aurons quelque chose de nouveau à enseigner demain, et ce processus continuera sans fin. Meegwetch.
La sénatrice Pate : Merci de toute l’information que vous nous avez donnée.
J’ai deux remarques à formuler. J’ai eu le privilège de me rendre à Wiki cet été et de rencontrer des personnes qui travaillaient avec le comité de la justice. Il se peut que vous vous demandiez pourquoi je soulève ce point alors que nous parlons d’éducation. En présument que le projet de loi soit adopté et entre en vigueur, j’ai deux questions, qui sont liées, à mon avis, mais si la façon dont elles le sont n’est pas claire, n’hésitez pas à me demander des éclaircissements.
Tout d’abord, quels sont les points que vous voudrez négocier une fois que l’entente aura été mise en œuvre?
De plus à la même période où j’ai rencontré les personnes qui travaillaient avec le comité de la justice, j’ai été frappée par la quantité de ressources qui étaient investies dans la criminalisation et l’incarcération de jeunes autochtones, surtout de jeunes hommes, même si le nombre de jeunes femmes incarcérées croît très rapidement, comme vous le savez sans doute. Je me suis demandé, quand j’ai eu l’occasion et le privilège de rencontrer des femmes des communautés maories, s’il y avait des mesures à prendre. J’ai constaté que ces femmes avaient utilisé des fonds investis dans les interventions de la justice pénale, donc des interventions plus coloniales, pour les investir dans l’éducation au sein de leurs communautés.
Je me demande ce qu’il se passe à cet égard, le cas échéant, et s’il y a des façons dont le comité peut être d’une certaine aide en formulant des observations en ce qui concerne vos négociations continues et, plus particulièrement, le projet de loi.
Mme Crawford : Je répondrai à la deuxième question en premier. Je vois où se trouve le lien.
En matière d’éducation, d’après l’expérience que j’ai eue avec nos élèves dans le rôle que j’occupais avant celui-ci et dans le cadre duquel j’ai géré une école secondaire et une école d’immersion, les élèves étaient en général des jeunes qui n’avaient pas réussi dans le système scolaire provincial.
Ce que j’ai appris, c’est que leur identité et ce qui leur avait été enlevé sont au cœur du problème.
Je voudrais vous montrer quelque chose. Ceci a été sculpté par une élève. Cette dernière, âgée de 17 ans, avait deux crédits, et je suis sûre qu’ils lui avaient été donnés. Elle est arrivée dans mon école très cataloguée. Elle était toxicomane et avait des problèmes avec le système pénal. Elle était perçue comme étant incapable de réussir ou de faire quoi que ce soit dans ce système d’éducation-là. Toutefois, je pense que cela dépend également de la manière dont nous définissons l’éducation, car l’élève en question est restée assise pendant 14 heures à sculpter cet os de chevreuil. Il y a donc beaucoup de choses à dire sur la façon dont les élèves réagissent lorsqu’ils sont libres d’assumer leur identité et leur culture.
Pour moi, la question de la vision est liée à cette question-là pour nos communautés. Je veux que les élèves soient capables d’assumer leurs responsabilités en retrouvant leur identité. Je veux qu’ils aient un lien avec la terre. Je veux qu’ils puissent concrétiser leurs idées. Selon moi, tout cela est lié. Je ne crois pas que cela soit distinct. Bien que l’on puisse souvent avoir l’impression que tout est isolé, nos structures traditionnelles ne le sont pas. Tout est lié et l’éducation constitue une grande partie de l’équation.
Je laisserai Tracey répondre à la question sur les négociations.
Mme O’Donnell : Quand les négociations ont commencé, nous voulions aller au-delà de l’éducation de la prématernelle à la 12e année et de l’apprentissage en classe. La nation anishinabek croit que l’éducation se fait du berceau à la tombe. L’identité, la culture, la langue et l’histoire jouent un rôle très important pour nous aider à renforcer la confiance de nos jeunes à l’égard de leur identité, de leurs origines et de leur place dans la société, qu’ils doivent connaître pour réussir et pour éviter d’avoir des problèmes de toxicomanie ou des démêlés avec le système pénal. C’est pourquoi nous nous sommes concentrés sur un autre domaine, le bien-être. On parle donc de la réussite et du bien-être des élèves.
Nous avons entrepris des discussions au sujet du bien-être avec le gouvernement de l’Ontario, qui est un partenaire bien disposé en ce moment, pour nous pencher sur le développement des jeunes enfants, l’apprentissage précoce et le bien-être — tout un éventail de questions, y compris le postsecondaire, qui dépasse la portée des discussions que nous avons été en mesure d’avoir avec le Canada pendant le processus dans lequel nous avons été engagés pendant 22 ans.
Nous espérons toujours. D’ailleurs, nous avons récemment fait des démarches auprès du Canada concernant le bien-être, mais le processus suivi est différent, car la portée était limitée dans ce cas. Ce ne sont pas les Anishinabes qui ont fait ce choix. C’est écrit dans le préambule de l’Entente sur l’éducation de la Nation Anishinabek que nous avons négociée, mais selon les dispositions de l’entente, les deux parties doivent accepter d’aller de l’avant. C’est là que nous en sommes. Le bien-être et l’apprentissage du berceau à la tombe sont les prochains aspects que nous avons l’intention de faire valoir.
La sénatrice McPhedran : Bienvenue à vous tous. Vos présentations m’ont beaucoup appris.
Ma question s’inspire des questions et des réponses précédentes. Pourriez-vous nous en dire plus au sujet du leadership intergénérationnel, du développement du leadership, de ce que vous planifiez pour la génération montante de leaders et la continuation de cette nouvelle entente à la fois prometteuse et ambitieuse?
Mme Michano-Courchene : Des membres de ma communauté ont entamé ce processus avec des personnes autour de la table il y a plus de 20 ans. Je m’implique dans l’administration depuis seulement neuf ans. J’étais en classe.
Pendant cette période, à l’échelle locale, ce sont les gens dans ma communauté qui m’ont approchée et préparée, en tant que membre de ma communauté, pour que les choses changent. Les choses doivent changer et s’améliorer pour les élèves. Ces gens ont travaillé avec moi, à l’échelle locale, pour me préparer à prendre place à ces tables et à plaider en faveur d’un meilleur système d’éducation pour les enfants.
À l’échelle locale, les gens pensaient à l’avenir, et ils ont agi de leur propre initiative. Ce n’était pas une directive. Au niveau plus régional, les chefs et les dirigeants ont toujours mis l’éducation de l’avant lors des réunions, et ils ont insisté pour que cela continue.
Sur le plan générationnel — si vous pensez à l’avenir et réfléchissez aux propos de mes collègues —, c’est d’abord une question d’identité. Certes, il s’agit d’une entente sur l’éducation, mais c’est surtout une occasion de faire en sorte que le système reflète notre identité afin que nous puissions préparer les enfants à devenir les leaders de demain. Je ne suis pas certaine d’avoir répondu à la question. Sur le plan de la structure, il y a le Conseil régional de l’éducation, car toutes les communautés sont à la table dans les régions. Elles y ont des représentants. Ce conseil est un comité régional permanent qui participe aux travaux du comité de l’Organisation d’enseignement de la Nation Kinoomaadziwin. Les voix se font entendre directement des communautés : à l’échelle locale, régionale et à celle de l’Organisation d’enseignement de la Nation Kinoomaadziwin. Le mode de fonctionnement restera le même. Meegwetch.
La sénatrice McPhedran : Je vais préciser un peu plus ma question et vous demander si vous avez une politique visant à renforcer le leadership chez les prochaines générations ou si vous prévoyez en mettre une en place. J’aimerais aussi savoir si vous avez une politique ou une habitude de codécision avec les jeunes leaders.
Mme Crawford : Je vous remercie de votre question. Je tiens à mentionner deux points à ce sujet. Premièrement, il y avait des représentants des jeunes lors de la signature des deux accords.
Deuxièmement, un conseil de jeunes participera aux projets pilotes prévus dans le cadre des accords avec l’Ontario.
Il est important, dans ce que nous faisons ici, que le principal, ce soit les élèves, point; non seulement les élèves sur les réserves, mais aussi les élèves à l’extérieur des réserves. Étant donné leur fort pourcentage dans les écoles provinciales, il nous faut entendre la voix de ces élèves dans le cadre du processus pour savoir ce dont ils ont besoin pour aller de l’avant. Nous avons l’intention de mener les projets pilotes dans chaque région, de les tester et ensuite de les appliquer à l’échelle du système.
La sénatrice Raine : Je crois que l’une de vous a mentionné que votre vision était résumée dans le préambule, mais je ne semble pas l’avoir. Je ne la vois pas dans le projet de loi.
Mme O’Donnell : Mes excuses aux sénateurs. Le préambule n’est pas dans le projet de loi C-61. Il s’agit du préambule de l’Entente sur l’éducation de la Nation Anishinabek. J’aurais dû être précise quant à la source des déclarations.
La sénatrice Raine : Pourrait-on dire que c’est la vision par écrit de l’orientation que vous voulez donner au système d’éducation?
Mme O’Donnell : Oui. Notre vision de l’apprentissage continu est inscrite dans le préambule. Notre responsabilité envers la septième génération est détaillée dans le préambule de l’Entente sur l’éducation de la Nation Anishinabek. J’aimerais souligner une dernière chose. Dans le préambule, le dernier point dit que la revendication par une partie ne représente pas l’acceptation par l’autre partie.
La sénatrice Raine : Merci beaucoup. Le greffier pourrait-il nous en donner une copie? Nous faisons une étude axée vers l’avenir et il serait très utile d’avoir ce document. Je vous remercie.
La présidente : Au nom des membres du comité, j’aimerais remercier les témoins d’avoir comparu ce matin et d’avoir répondu à toutes les questions des sénateurs concernant ce projet de loi historique. Nous allons maintenant passer à l’étude article par article.
Avant de commencer, j’aimerais rappeler aux sénateurs quelques points.
Si à un moment ou un autre, un sénateur n’est pas certain de savoir où nous en sommes dans le processus, il ne doit pas hésiter à demander des précisions. Je veux m’assurer que nous sachions tous, en tout temps, où nous en sommes dans le processus.
J’ai aussi une petite précision. Je vous rappelle que, en comité, si un sénateur s’oppose à un article en entier, il faut non pas proposer une motion visant à supprimer l’article en entier, mais plutôt voter contre l’article.
Si les membres du comité ont la moindre question au sujet du processus ou de la légitimité des travaux, ils peuvent invoquer le Règlement. À titre de présidente, je vais écouter les arguments, décider si une question ou un recours au Règlement a fait l’objet de suffisamment de discussion et rendre une décision.
Enfin, je rappelle aux honorables sénateurs qu’advenant la moindre incertitude quant au résultat d’un vote par oui ou non ou à main levée, l’idéal est de demander un vote par appel nominal, avec lequel, évidemment, on ne peut se tromper. Les sénateurs savent qu’en cas de parité des voix, la motion est rejetée.
Y a-t-il des questions à propos de ce que je viens de mentionner? S’il n’y en a pas, nous pouvons commencer.
Les sénateurs sont d’accord pour commencer.
Le sénateur Sinclair : J’ai une observation ou plutôt une question qui s’adresse à tous les sénateurs.
Si nous souscrivons tous au projet de loi ou si nous sommes tous d’accord que le projet de loi devrait être adopté sans amendement, pouvons-nous l’adopter d’un seul coup ou bien faut-il absolument faire l’étude article par article?
Si je me fie aux discussions que nous avons eues jusqu’ici, personne ne s’est opposé à la moindre partie de ce projet de loi, parce que c’est un accord qui a été négocié. À mon avis, nous avons l’obligation de nous assurer qu’il est conforme à la loi, ce qui me semble être le cas, et d’appuyer l’accord.
La présidente : Apparemment, nous pouvons regrouper tous les articles et concentrer le tout, car je ne crois pas qu’il y ait la moindre opposition à aucun des articles ni aucune des parties du projet de loi.
Le sénateur Sinclair : Dans ce cas, je demanderais l’avis au greffier sur la formulation de la motion, car je proposerais que le comité approuve le projet de loi en entier tel quel.
La présidente : Nous pouvons proposer une motion disant que nous sommes d’accord pour adopter en bloc les articles 1 à 20.
Le sénateur Sinclair : Comme je ne suis pas officiellement membre du comité, je ne peux probablement pas proposer une motion.
La présidente : Vous êtes un membre. Vous êtes un remplaçant officiel ce matin.
Le sénateur Sinclair : Je remplace officiellement le sénateur Christmas, mais je n’étais pas certain que vous en étiez avisée. Merci.
La présidente : Oui. Vous êtes un membre officiel.
La motion visant à ce que nous regroupions les articles 1 à 20 est-elle adoptée?
Des voix : D’accord.
La présidente : C’est d’accord. Les articles 1 à 20 sont-ils adoptés?
Des voix : D’accord.
La présidente : C’est d’accord. Le titre est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La présidente : D’accord. Le projet de loi est-il adopté?
Des voix : D’accord.
La présidente : D’accord. Le comité souhaite-t-il que le rapport soit accompagné d’observations?
Le sénateur Patterson : Madame la présidente, j’ai discuté avec vous de la question de la question des capitaux. On nous a dit que c’est une constante source de préoccupation pour les Anishinabes, et que ceux-ci ont été invités à présenter une proposition globale de financement à leur bureau régional.
J’avais pensé recommander une observation à cet égard, mais je sais que nous n’aurons pas le temps de préparer et de faire traduire une observation avant la pause de Noël. Compte tenu de ces aspects pratiques, je ne proposerai pas de faire une observation, mais en tant que porte-parole du projet de loi, j’ai l’intention de prendre la parole à ce sujet à l’étape de la troisième lecture.
La présidente : Je vous remercie de cette précision.
Le sénateur Sinclair : Si je puis aussi ajouter quelque chose. Le sénateur Christmas ne pourra pas être là lorsque la mesure sera renvoyée à la Chambre. Il m’a donc demandé de parler en son nom à l’étape de la troisième lecture, et j’ai l’intention de le faire. Je compte appuyer le projet de loi, mais aussi dire que, à mon avis, l’accord ne va pas aussi loin qu’il aurait dû, surtout en ce qui concerne le droit à l’éducation prévu dans les traités et les engagements en matière de construction d’immobilisations.
Malgré tout, il s’agit d’un grand pas en avant, et je crois que nous devrions tous appuyer le projet de loi.
Des voix : D’accord.
La présidente : Je vous remercie. Puis-je faire rapport du projet de loi au Sénat?
Des voix : D’accord.
La présidente : D’accord.
Je vous remercie, honorables sénateurs.
(La séance est levée.)