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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES PEUPLES AUTOCHTONES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 7 juin 2017

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd’hui, à 18 h 45, pour l’étude sur les nouvelles relations entre le Canada et les Premières Nations, les Inuits et les Métis.

La sénatrice Lillian Eva Dyck (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bonsoir. Je tiens à souhaiter la bienvenue à tous les honorables sénateurs et tous les membres du public qui regardent la réunion du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, soit, ici, dans la salle, soit sur le Web. Dans l’intérêt de la réconciliation, je tiens à souligner que nous nous réunissons sur les terres ancestrales non cédées des peuples algonquins.

Je m’appelle Lillian Dyck. Je viens de la Saskatchewan. J’ai le privilège et l’honneur de présider le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Je vais demander à mes collègues sénateurs de se présenter, en commençant par le vice-président.

Le sénateur Patterson : Dennis Patterson, sénateur du Nunavut.

Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l’Alberta.

Le sénateur Doyle : Norman Doyle, de Terre-Neuve-et-Labrador.

La sénatrice Raine : Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, de l’Ontario.

La sénatrice Pate : Kim Pate, de l’Ontario.

Le sénateur Sinclair : Murray Sinclair, du Manitoba.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Renée Dupuis, sénatrice du Québec.

La sénatrice Mégie : Marie-Françoise Mégie, sénatrice du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Christmas : Dan Christmas, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Watt : Charlie Watt, du Nunavik.

La sénatrice McPhedran : Marilou McPhedran, du Manitoba.

La présidente : Merci, sénateurs.

Avant de commencer notre soirée intéressante, je veux régler deux questions administratives. Premièrement, nous avons besoin d’une motion pour permettre de filmer et de prendre des photos. Est-ce d’accord?

Des voix : D’accord.

La présidente : Merci, sénateurs.

Deuxièmement, nous avons besoin d’un petit budget pour la soirée. Pour des raisons de temps, nous demandons d’avoir recours aux fonds d’urgence. Conformément aux règles du Sénat, le budget doit être approuvé par l’intermédiaire du processus habituel, en commençant par le comité.

Accepte-t-on que le budget distribué aux sénateurs et concernant la journée de la Vision autochtone au Sénat soit adopté?

Des voix : D’accord.

La présidente : Merci, sénateurs. Nous pouvons maintenant passer à l’événement principal.

Ce soir je suis très heureuse d’animer notre deuxième forum annuel des jeunes dirigeantes et dirigeants autochtones. Neuf jeunes de partout au pays ont participé toute la journée à des activités et des ateliers. Ces jeunes ont des expériences et des antécédents variés, et nous sommes très chanceux de pouvoir les rencontrer aujourd’hui.

Nous poursuivons notre étude sur les nouvelles relations entre le Canada et les Premières Nations, les Inuits et les Métis. Chaque jeune dirigeant aura quelques minutes pour présenter une déclaration. Les sénateurs pourront ensuite poser une question ou deux. Nous avons tout juste un peu plus de 10 minutes à consacrer à chaque jeune, et nous allons commencer par Mme Jennifer O’Bomsawin.

Jennifer O’Bomsawin, à titre personnel : Bonjour à tous.

[Note de la rédaction : Le témoin s’exprime dans une langue autochtone.]

Je m’appelle Jennifer O’Bomsawin.

[Français]

J’aimerais partager avec vous mes expériences en tant que nouvelle élue à la coprésidence du Conseil national des jeunes de l’Assemblée des Premières Nations. Je suis également porte-parole du Réseau jeunesse des Premières Nations partout au Québec et au Labrador. À l’échelle régionale, je représente aussi tous les jeunes Autochtones des collectivités de Wendake et d’Odanak, dont je suis native.

Je fais partie d’une famille très engagée où le bénévolat est essentiel. On m’a toujours dit que j’avais la chance de changer le monde et d’accomplir de belles choses. Mes deux parents sont membres des Premières Nations. J’ai grandi dans une communauté autochtone. Donc, pour moi, c’était essentiel de faire une différence. Je trouvais injuste qu’on ne puisse pas tous être égaux. J’ai toujours eu le désir de m’engager, mais surtout d’apporter des changements. Ce désir m’a incitée à m’impliquer davantage. Je travaille maintenant dans le domaine de la politique, et j’essaie de changer la vie des membres des Premières Nations.

À l’âge de 12 ans, j’ai décidé d'organiser une marche pour revendiquer de meilleures conditions de vie pour les enfants des Premières Nations à travers le Canada. J’avais 12 ans, et j’ai recruté des gens de ma communauté. Je trouvais déplorable que des enfants n’aient pas accès à de l’eau potable, à des soins de santé comme moi ou à l’éducation. J’ai eu la chance de venir d’une communauté qui va très bien, qui va un peu mieux que les autres. Donc, je trouvais injuste que les autres enfants n’aient pas aussi cette chance.

Par la suite, je me suis impliquée davantage. J’ai créé des comités jeunesse dans les collectivités de Wendake et d'Odanak, pour mobiliser et recruter d’autres jeunes, comme moi, qui voulaient faire une différence, parce qu’ensemble, nous sommes plus forts. Cela a été un peu le moteur. Je me suis aussi impliquée au sein du réseau jeunesse des Premières Nations et au sein du Conseil national des jeunes. Cela a entraîné plusieurs activités, comme celle-ci. Je vous remercie donc de m’avoir invitée à prononcer quelques mots pour mon peuple.

Les expériences que j’ai acquises au cours des années ont créé une identité forte chez moi et m’ont donné le rêve de changer la réalité politique pour les Premières Nations. Depuis que je suis jeune, j’ai envie de créer un gouvernement pour les Premières Nations, de sorte que ses membres soient égaux dans l'ensemble du système et qu’ils puissent se représenter eux-mêmes. C’est un rêve un peu fou que je caresse. C’est la jeunesse, et c'est à cela que ça sert; il faut rêver. Je trouve cette idée intéressante et j’aime la partager. Je vous jure qu’un jour je vais y arriver, je ne sais pas comment, mais sûrement avec mes collègues.

On fait face à plusieurs obstacles quand on est une jeune femme autochtone et francophone. Dans un monde anglophone, ce n’est pas évident. C’est un moteur pour moi et c’est ce qui me pousse à continuer et à ouvrir de plus en plus de portes pour ceux qui suivront. Tout ce que je fais, je le fais pour ceux qui suivront et pour ceux qui sont passés devant et qui ont ouvert le chemin. J’essaie de changer les choses, de faire en sorte que mes enfants et mes petits-enfants et leurs enfants aient un monde meilleur, pour qu’un jour, il n'y ait plus de distinctions entre les membres des Premières Nations et les autres Canadiens et que nous faisions tous partie d’une même identité.

Nous avons une très belle histoire à partager, qui est aussi un peu la vôtre. Je trouve essentiel d’avoir des tribunes comme celle-ci où les jeunes peuvent s’exprimer. Cet après-midi, j’ai eu la chance de rencontrer des jeunes d’un peu partout au Canada qui ont partagé leurs idées, qui m’ont parlé du monde qu’ils imaginaient. J'ai été motivée de savoir que nous rêvions des mêmes choses. Nous rêvons d’un monde égal pour tout le monde et de meilleures conditions de vie, pour que les Premières Nations puissent prendre leur place et être fières de ce qu’elles sont. La fierté, c’est ce qui me pousse à continuer, jour après jour, à vouloir changer les choses. Je suis profondément fière de qui je suis et le serai toujours. Je trouve important d’être résiliente, parce que je proviens d’un peuple très résilient. C’est ce qui fait qu’encore aujourd’hui nous pouvons dire que nous sommes les Premières Nations du Canada, car nous sommes une population très résiliente. Je trouve cela important, même si c’est difficile et que cela demande beaucoup d’efforts et de temps. Je n’abandonne jamais, parce que j’ai un objectif et je pense toujours à ceux qui sont derrière et qui n’ont pas l’occasion d’avoir des tribunes comme celle-ci pour s’exprimer.

Je rêve d’un gouvernement autochtone autonome au Canada. J’aimerais l’obtenir un jour. J’aimerais aussi faire partie de votre Canada en travaillant de nation à nation concrètement. De nation à nation, cela veut dire qu’il y a un respect entre les deux, que l’on honore les deux comme étant des nations à part entière. Je souhaite que nous ayons des relations plus faciles.

On nous a demandé où nous nous voyions dans 20 ans. Je souhaite que la plupart de mes rêves se soient réalisés, et j’espère en avoir d’autres à ce moment-là. J’espère que toutes les communautés du Canada auront de l’eau potable et l’accès aux mêmes ressources que tout le monde, que les enfants des Premières Nations ne naîtront pas en étant pénalisés, mais au contraire, qu’ils aient une identité bonifiée. J’espère que tout le monde aura les mêmes chances dans ce beau Canada dans lequel j’espère élever mes enfants dans 20 ans.

C’est aussi important pour moi d’avoir une culture et une langue très solides. Je viens malheureusement de deux collectivités où la langue s’est perdue au cours des années. La langue s’est endormie. J’essaie d’apprendre certains mots. Bien entendu, parler seulement un mot ou quelques mots dans notre langue, c’est déjà quelque chose qui peut rendre nos ancêtres fiers de nous. J’espère pouvoir avoir une culture aussi forte dans 20 ans. J’espère avant tout que les Premières Nations et les Canadiens pourront se rassembler et travailler ensemble concrètement, et arrêter de travailler l’un contre l’autre ou l’un à côté de l’autre. On fait partie du même pays. J’espère que ces mots pourront vous inspirer un peu.

Brièvement, j’ai parlé de ce que je veux, de ce dont je rêve. Je laisse la place aux questions. Je souhaite que vous n’oubliiez jamais tous les jeunes Autochtones du Canada. Nous sommes une population nombreuse. Donnez l'occasion à ces jeunes de s’exprimer et de vous transmettre leurs rêves. C’est une jeunesse très dynamique qui va changer le monde, je vous le garantis. Le fait d'avoir l'occasion de nous rencontrer nous permet de bâtir un avenir meilleur.

La présidente : Merci, madame O’Bomsawin.

[Traduction]

Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs.

[Français]

La sénatrice Mégie : Merci beaucoup. C’est tout un vent de fraîcheur que de voir ces jeunes arriver ici. Vous avez sûrement, chacun d’entre vous, un rêve. J’ai noté les thèmes de la fierté, de la langue, même si elle est en train de s’effriter, et de l’égalité pour tous.

Nous avons entendu un bon nombre d’experts récemment qui nous ont dit aussi que ce qui est important pour vous, c’est de garder vos valeurs ancestrales. Comment voyez-vous cela, les valeurs ancestrales, compte tenu de tout ce qui se passe maintenant, avec les médias sociaux, et cetera? Vous êtes dans une autre vague. Comment concilier cette nouvelle vague et garder tout ce qui vous met en contact avec vos ancêtres?

Mme O’Bomsawin : Pour moi, il est important de garder le contact avec mes traditions et ma culture grâce aux cérémonies, en jouant un certain rôle politique et en retournant aux sources. J'aime aller voir ce que les ancêtres veulent de moi, ce qu’ils désirent que je fasse comme changement, et ce que la communauté attend de moi. Grâce aux cérémonies, je me reconnais. Je suis également des cours de langues Wendake et Odanak, pour bien m’exprimer et faire revivre ces langues. Je trouve essentiel de valoriser ces deux côtés de moi, parce que c’est ce qui fait que je suis la personne que je suis. Je me présente toujours dans mes langues ancestrales, mais j’ai aussi un téléphone cellulaire. Je suis membre de Twitter et de Facebook. Je pense que la façon de survivre aujourd’hui, c'est en alliant la tradition et la modernité et être en mesure d’incarner ce mélange. Je pense que c’est ce qui va nous sauver. Pour moi, c’est par les cérémonies. Je continue toujours d’apprendre. Je trouve essentiel de toujours revenir à la source, parce que c’est facile aussi de se perdre dans toute cette vague. Partir et ne jamais revenir; perdre le fil. Pour moi, je me reconnais à travers ces façons.

[Traduction]

Le sénateur Doyle : Il me semble certes que l’avenir des peuples autochtones est entre très bonnes mains vu les gens impressionnants que nous avons rencontrés aujourd’hui.

Jennifer, s’il n’en tenait qu’à vous, quelles mesures aimeriez-vous prendre pour améliorer les relations entre les Autochtones et les non-Autochtones?

[Français]

Mme O’Bomsawin : Je crois que si j’avais une seule mesure à prendre pour commencer, ce serait de reconnaître les peuples autochtones comme des nations, des êtres humains qui auraient les mêmes droits que tous les autres Canadiens. C’est la façon dont on peut s’y prendre pour travailler de nation à nation.

Il y a plusieurs commissions. Plusieurs recommandations ont été formulées, entre autres, par la Commission de vérité et réconciliation qui a énuméré des façons de faire pour améliorer les choses. Il s'agit de prendre connaissance de cela et de tout le travail qui a été fait, de ne pas l’oublier. On a souvent tendance à tabletter des rapports de commission, puis on l'oublie et on recommence. C’est toujours un processus à recommencer. Il faut prendre connaissance de ce qui a été fait.

Il s'agit aussi de se connecter aux jeunes. Je crois que les jeunes Autochtones actuellement sont un peu la clé du succès. Je crois qu'il faut leur demander quel Canada ils imaginent, et dans quel Canada ils aimeraient grandir. Ce sont eux qui vont prendre toute la place bientôt. Il faut donc les écouter attentivement, tout en communiquant avec les aînés qui ont l’expérience du passé. Selon moi, ce peut être ainsi.

Il est sûr qu’en ce qui a trait aux Premières Nations, il faudrait élire davantage de députés et de sénateurs membres des Premières Nations et capables de faire valoir nos intérêts. Il faut qu'il y ait des gens qui peuvent nous représenter et nous comprendre. C'est toujours essentiel.

[Traduction]

La présidente : Chers sénateurs, nous avons seulement le temps de poser deux questions à chaque représentant, et il faudra donc maintenant passer à Stephen Puskas.

Stephen Puskas, à titre personnel : Je m’appelle Stephen Agluvak Puskas et je viens de Yellowknife. La famille de ma mère vient de la région de Kivalliq, au Nunavut — Rankin Inlet et Whale Cove —, et je vis à Montréal depuis environ neuf ans.

Pour ce qui est de mes récentes réalisations, j’ai réalisé des recherches pour Nunalijjuaq. Il s’agit d’un projet de recherche dans le cadre duquel on se demandait pourquoi Montréal était si différent d’Ottawa. Les deux villes sont très proches l’une de l’autre, mais pour les communautés inuites, elles sont si différentes, Ottawa offrant tant de choses, et Montréal, si peu.

Par la suite, j’ai réalisé une recherche et un stage au Musée de l’histoire. J’ai consacré deux mois à des recherches sur les récits de la Création autochtone de partout au Canada pour la nouvelle Salle de l’histoire canadienne, et j’ai réalisé d’autres projets de recherche aussi, qui concernent tout mon patrimoine culturel et mon histoire.

Lorsque je suis revenu à Montréal, j’ai aidé à créer la première émission de radio communautaire inuite dans le Sud du Canada, une émission appelée Nipivut, qui signifie « notre voix » en Inuktitut.

Par la suite, j’ai eu l’occasion de parler en public des nombreuses choses que j’ai vues se produire dans le Sud. D’où je viens, dans le Nord, je voyais des entreprises autochtones, des politiciens autochtones et des chefs autochtones, mais lorsque je suis descendu à Montréal, j’ai constaté que, souvent, l’identité autochtone ou, dans ce cas-ci, l’identité inuite, était utilisée par des non-Inuits en guise d’image de marque.

J’ai commencé à parler de beaucoup de ces choses, et les gens ont commencé à écouter. Ensuite, j’ai pu participer à des discussions publiques et des conversations dans des universités et des écoles afin d’accroître la sensibilisation culturelle au sujet des Inuits à Montréal. J’ai ensuite eu l’occasion de coorganiser le premier festival de films inuits dans le Sud du Canada, à Montréal, un événement appelé Tillutarniit.

Depuis, j’ai fait un stage à la CBC et j’écris des histoires. Je m’intéresse à des histoires qui concernent la représentation des Autochtones par des conteurs non autochtones. Nous sommes entourés d’art, et cet art et ces symboles nous racontent des histoires et représentent les endroits d’où nous venons, qui nous sommes, nos croyances et nos valeurs. Ces récits peuvent aussi nous sensibiliser nous-mêmes. Ils sont parfois utilisés pour essayer d’expliquer ce que nous ne connaissons pas.

Selon moi, actuellement, lorsqu’il est question de réconciliation entre le Canada et les Autochtones, il est très important de tenir compte de considérations éthiques lorsqu’il est question de conteurs non autochtones qui racontent des histoires autochtones, parce qu’il y a beaucoup de récits autochtones racontés qui bénéficient de fonds publics alors que les personnes à l’origine de ces histoires ne sont pas financées.

C’est, essentiellement, ce que je voulais vous dire actuellement.

La présidente : Merci, Stephen.

Le sénateur Enverga : Merci d’être là aujourd’hui. Nous sommes impressionnés par vos titres de compétence et ceux de tous les étudiants qui sont ici.

Je crois comprendre que vous vous intéressez plus aux films et aux arts et que vous voulez raconter une histoire. Vu l’ensemble de vos expériences et tout ce que vous avez fait, quelle est votre vision de votre collectivité actuellement? De quelle façon, selon vous, peut-on terminer l’histoire? Comment voulez-vous qu’elle se termine? Quel est le genre d’histoire que vous voulez raconter à toute la nation?

M. Puskas : Pour ce qui est de ma communauté, j’aimerais beaucoup plus essayer de donner la chance à mon peuple de raconter lui-même son histoire, parce que je n’ai pas été élu ou choisi pour le représenter. Je dis souvent que je me représente seulement moi-même. Selon moi, dans beaucoup de travail que j’ai fait, comme avec Nipivut, c’est plus important pour moi d’essayer de donner à d’autres Inuits de la communauté l’occasion d’avoir un lieu et la possibilité de raconter leurs histoires.

J’ai aussi récemment réalisé un film appelé Ukiuktaqtumi, ce qui signifie « dans le Nord ». Dans le film, j’ai utilisé des vidéos tirées des médias sociaux et de YouTube, des extraits d’Inuits. J’ai obtenu la permission des gens pour utiliser les vidéos. C’est plus un film sur l’autoreprésentation des Inuits. Les premiers à avoir vu mon film, ce sont les Inuits qui ont fourni les vidéos. Je leur ai demandé leur permission et je leur ai demandé si tout était beau.

Lorsqu’il est question de raconter l’histoire de la communauté d’où je viens, je crois qu’il est beaucoup plus important pour moi de fournir à la communauté l’occasion et l’espace pour qu’elle puisse raconter sa propre histoire.

Le sénateur Christmas : Merci, Stephen.

Durant le repas, nous avons eu une conversation très intéressante au sujet de la carrière de Stephen dans le milieu cinématographique, et j’ai été très surpris par vos commentaires sur le fait qu’il y a des films actuellement qui ne représentent pas la communauté inuite de façon authentique.

M. Puskas : Oui.

Le sénateur Christmas : Pouvez-vous nous dire pourquoi vous avez l’impression que certains de ces films ne sont pas authentiques? Que peut-on faire à l’avenir pour s’assurer de raconter l’histoire authentique des Inuits au Canada?

M. Puskas : Selon moi, beaucoup de ces histoires ne sont pas authentiques parce qu’il n’y a pas d’Inuits qui participent aux décisions dans le cadre du processus créatif. Il y a un film qui a paru récemment et qui a gagné des prix l’année dernière, Chez les géants; il y a dans le film un jeune Inuit qui porte un masque de loup. J’ai interviewé les réalisateurs et ils ont dit que c’était leur idée de faire ce masque de loup et de demander à l’acteur de le porter. Ces réalisateurs ne sont pas des Inuits ni des Autochtones, et ils viennent du Sud.

Ils ont utilisé le masque sur une affiche, essentiellement, pour le film, et ils l’ont utilisé de façon à laisser présager son suicide.

Je crois que c’est très important que des Inuits participent à beaucoup de ces processus décisionnels lorsqu’une bonne partie de ces films obtiennent du financement public et sont produits, et pas seulement pour obtenir une approbation aux dernières étapes lorsque le film est déjà terminé.

J’ai aussi été un mentor dans le cadre d’un festival de films à Montréal, les RIDM, et j’ai pu parler à neuf cinéastes, huit n’étaient pas autochtones et ils faisaient tous des films au sujet des Autochtones. Je leur ai parlé des considérations éthiques liées au fait de raconter des histoires sur une communauté qui n’est pas la vôtre.

Je crois que beaucoup de films sont réalisés. Pas seulement des films, mais de l’art. Actuellement, à Ottawa, la plus grande murale aménagée représente un Inuit, et elle est produite par des artistes non inuits. Je crois que ce serait très embarrassant pour la capitale du Canada si la plus grande œuvre d’art de la ville était une illustration stéréotypée d’un Inuit créée par un non-Inuit sans consultation auprès des Inuits.

Perry Kootenhayoo, à titre personnel : Bonsoir à tous. Je m’appelle Perry Kootenhayoo. Je viens d’Edmonton, en Alberta. Je fais beaucoup de bénévolat, et donc une partie de mes réalisations m’ont permis d’obtenir une reconnaissance provinciale en Alberta pour ma contribution.

Par l’intermédiaire de Spinal Cord Injury Alberta, j’ai eu l’occasion d’interagir avec des Autochtones et des non-Autochtones récemment blessés. Même s’ils en sont encore à l’étape de la réadaptation à l’hôpital, j’allais les voir parce que j’étais quelqu’un qui pouvait les aider à réussir leur réintégration, pas seulement physique et sociale, mais aussi psychologique. Ce travail et l’aide que je leur fournis m’ont aussi aidé à grandir en tant que personne et me permettent d’être ici et de m’entretenir avec vous aujourd’hui. C’est ainsi que tout cela m’a changé.

Pour ce qui est de savoir là où je me vois dans 20 ans, je crois — et, honnêtement, c’est vraiment ce que je crois — que je serai exactement là où je devrai être. Je ferai ce que je suis censé faire et ce que je fais aujourd’hui n’est qu’une façon de m’aider à m’y rendre. C’est crucial, pour moi, en tant que dirigeant, de me rendre là où je devrai être à l’avenir.

Je crois que certaines des mesures qui permettraient d’assurer la réconciliation entre le gouvernement et notre peuple consisteraient aussi à fournir des programmes liés à la santé mentale, afin que les gens puissent se remettre de ce que l’histoire a réservé à mon peuple, pas juste d’un point de vue individuel, en s’arrêtant seulement aux personnes qui ont été directement touchées, mais en tenant compte aussi de leurs enfants et des enfants de leurs enfants. Tous ces gens ressentent encore les contrecoups de ces événements passés traumatisants.

Pour ce qui est de l’histoire, je crois qu’on pourrait l’intégrer dans notre système d’éducation à l’échelle nationale, et tout le monde apprendrait cette histoire, et elle ne serait pas regardée de haut ni gardée à l’ombre d’une façon ou d’une autre. On l’enseignerait afin que ce soit une leçon et que l’histoire ne se reproduise plus. C’est ce que je pense.

Je n’ai pas grand-chose à dire. Je vais répondre à vos questions.

La présidente : Merci.

Sénatrice Raine, aviez-vous une question?

La sénatrice Raine : Oui. Merci beaucoup.

Je vous remercie vraiment de ce que vous faites pour les victimes d’accidents, parce que, dans ces quelques premières semaines après une très grave blessure et lorsqu’on apprend que toute notre vie change, c’est très important que quelqu’un soit là pour nous rappeler qu’il y a de l’espoir.

Pouvez-vous me dire comment vous êtes venu à trouver de l’espoir et de quelle façon vous en êtes venu à vous voir vous-même comme quelqu’un pouvant donner de l’espoir, pas seulement à ceux qui ont souffert d’un traumatisme médullaire, par exemple, mais pour les personnes qui souffrent de façon générale?

M. Kootenhayoo : Pour ce qui est de ce qui me donne espoir, lorsque j’ai été blessé, initialement — et dans la vie en général —, ce n’est pas quelque chose que j’ai beaucoup reçu, alors je n’ai pas eu droit au type de service que j’offre aux autres. Par conséquent, je me dis que, si je peux fournir ce service à ces gens et qu’ils n’auront pas à passer par les mêmes difficultés psychologiques que j’ai eu à surmonter, eh bien, en agissant ainsi, j’espère pouvoir leur donner de l’espoir. Cependant, ils me donnent aussi de l’espoir, l’espoir que, un jour, ils vont peut-être eux aussi faire la même chose pour d’autres.

La présidente : Si vous me permettez de vous poser une question, dans votre travail, trouvez-vous que votre culture est un avantage pour vous dans le travail que vous faites? Y a-t-il un avantage qui vous aide à créer des liens avec les autres?

M. Kootenhayoo : Oui, mes antécédents culturels, surtout tout ce qui touche à la culture. En grandissant, je n’ai pas souvent vu ma famille, et donc, d’apprendre le respect des uns pour les autres, de connaître le cercle de discussion pour savoir où aller et le fait d’utiliser tout ça en milieu de travail, et la capacité de discuter avec les autres, pas pour leur faire la leçon, mais dans le cadre des activités quotidiennes; ce sont des choses qui m’ont aidé personnellement. Par l’intermédiaire de la culture, c’est ce qui m’a défini.

Le sénateur Patterson : J’aimerais entendre vos idées sur le fait de fournir un soutien concernant les contrecoups des traumatismes du passé, comme vous l’avez dit. Dites-vous qu’il y a beaucoup de personnes qui ont connu, par exemple, l’expérience des pensionnats, qui pourraient bénéficier de services de santé mentale? De quelle façon, selon vous, pourrait-on procéder?

M. Kootenhayoo : Il faut leur fournir du soutien. Ces personnes ont leur propre processus de deuil. Peut-être qu’on ne les encadre pas comme il faut, et que le deuil en tant que tel n’est pas vécu. Dans la communauté d’où je viens, j’ai vu beaucoup de ces transferts, qui prennent parfois la forme d’influence négative, de toxicomanie. Ces toxicomanies sont ensuite transmises simplement parce que c’est ce que les jeunes voient lorsqu’ils grandissent et qu’ils considèrent que c’est la normalité. Cependant, si on peut tout arrêter d’entrée de jeu, aider à composer avec les difficultés dès le début, alors ces personnes elles-mêmes pourront montrer que les jeunes générations peuvent changer.

Le sénateur Sinclair : Ma question est liée à l’enjeu soulevé par la sénatrice Dyck, et elle tient à l’importance de la culture et de votre compréhension de votre culture. Pouvez-vous nous parler de votre expérience en ce qui a trait à l’importance de la culture pour ceux avec qui vous travaillez et que vous aidez?

M. Kootenhayoo : Pour certains d’entre eux, lorsqu’ils viennent de subir leur blessure, l’aspect culturel de la situation, surtout pour les Autochtones, dans ce contexte, est complètement évacué au début parce qu’ils vivent beaucoup de choses à ce moment-là. Cependant, si je peux les aider, lentement, à réintégrer cet aspect des choses dans leur vie quotidienne, le soutien culturel en tant que tel, la spiritualité, permettrait d’aiguiller leur vie. On se sent triste, on dit une prière. On fait ce qu’on peut. Si, de façon générale, le petit peu d’aide que je leur donne est suffisante pour qu’ils passent la journée, alors c’est de cette façon que j’aime entrevoir les choses.

Le sénateur Sinclair : Croyez-vous qu’on soutient assez les programmes auxquels vous participez peut-être ou qu’on vous soutient assez, vous et les autres qui font ce genre de travail?

M. Kootenhayoo : Il pourrait toujours y en avoir plus, mais, en même temps, il pourrait aussi y en avoir moins. Tout est une question de perspective, n’est-ce pas? Bien sûr, on peut dire qu’il faudrait qu’il y ait plus d’influence par l’intermédiaire d’autres communautés et plus d’aide du gouvernement. En même temps, comme j’ai dit, il pourrait n’y avoir rien.

La présidente : Merci, Perry.

Nous allons maintenant passer à la quatrième de nos jeunes dirigeants, Holly Sock.

Par le fait même, je tiens à souhaiter la bienvenue à la sénatrice Omidvar, qui est arrivée un peu après les présentations. Nous sommes heureux que vous soyez là.

Vous avez la parole, Holly.

Holly Sock, à titre personnel : Je m’appelle Holly Sock. Je suis membre de la Première Nation d’Elsipogtog, au Nouveau-Brunswick. J’ai 26 ans. Je travaille actuellement pour la Première Nation de Tobique.

Voici mes réalisations : à 14 ans, on m’a demandé de créer un CD de comptines dans ma langue, le micmac. À cette époque, c’était un petit geste, et je n’y ai pas pensé plus que ça. C’est tout simplement quelque chose que je faisais pour les plus jeunes, quelque chose que j’aime faire, soit être avec de jeunes enfants. Je ne croyais pas que l’initiative aurait l’impact qu’elle a eu finalement aujourd’hui.

Savoir que je peux continuer à enseigner ma langue grâce à des chansons me rend très fière, et c’est une initiative qui se poursuivra puisqu’elle dure depuis si longtemps. Le CD est encore fabriqué et vendu. Je n’en tire aucun profit. Les profits retournent directement au Programme d’aide préscolaire, les services de garde, afin que les responsables aient les jeux, les terrains de jeux et les collations nécessaires pour répondre aux besoins de certains de ces enfants qui n’ont peut-être pas l’argent nécessaire pour avoir des choses comme des collations. Je me suis rendu compte à quel point il était important de redonner à ma communauté le plus possible et de continuer d’être un modèle pour les enfants qui en ont le plus besoin.

Une autre chose qui me rend très fière, c’est que j’étais la première femme de ma communauté à me joindre à la GRC. J’espère inspirer d’autres jeunes femmes, pas seulement d’Elsipogtog, mais de Tobique et des autres collectivités des Premières Nations du Nouveau-Brunswick, à venir me rejoindre, à faire le saut et à avoir une aussi belle carrière, parce que ça l’est vraiment. J’aime beaucoup mon travail.

Pour ce qui est de certains des obstacles que j’ai dû surmonter, je suis une personne très timide. Je ne sais pas si vous pouvez le remarquer dans ma voix, mais je suis très timide. C’est un trait de personnalité contre lequel j’ai dû lutter, pour saisir les occasions qu’on m’offrait, et c’est ce que j’ai fait en venant ici. L’une des choses que j’essaie d’enseigner à beaucoup de jeunes dans ma communauté, c’est d’y aller et de tenter leur chance, parce que nos collectivités sont trop petites. Le monde est si grand, et il y a tellement de possibilités de carrière à choisir, tellement de choses dans lesquelles on peut devenir bon. On ne peut pas le savoir tant qu’on ne l’a pas essayé.

Je ne savais pas lire ma langue lorsque j’ai accepté de faire le CD. Ma mère n’avait aucune idée. C’est quelque chose que nous avons fait ensemble. Il m’a fallu tout l’été pour faire ce CD. C’est spectaculaire que j’aie réussi à apprendre par moi-même à lire ma langue, parce que je n’avais aucune idée.

Je dis toujours aux jeunes de tenter leur chance, même si c’est seulement de terminer leurs études secondaires. « Essaie de terminer tes études secondaires. Tu as réussi? Parfait. Essaie donc l’université. Qui sait où tu te retrouveras une fois rendu là. On ne peut pas savoir ce qu’on va aimer ni ce dans quoi on réussira. Tu penses peut-être que tu veux être psychologue, et tu finiras peut-être chercheur en anthropologie, tu deviendras peut-être un excellent anthropologue. » C’est quelque chose que j’essaie d’expliquer aux jeunes le plus possible, que ce soit à Elsipogtog ou à Tobique.

Où est-ce que je me vois dans 20 ans? J’espère que j’aurai eu un petit impact dans chaque collectivité où j’aurai offert des services de police. Lorsque je parle aux gens, c’est drôle, parce qu’on m’appelle agent Sock. Je dis: « Non, non. Je m’appelle Holly. Je ne suis pas la police. Je suis une agente de police. » J’essaie de me mettre à leur niveau, afin qu’ils voient la femme derrière l’uniforme, pour que je ne sois pas seulement le mot qui est écrit sur ma poitrine.

J’espère devenir sergent d’état-major et me joindre aux services d’identité judiciaire. Je ne sais pas où je serai, ni où je vivrai, mais j’espère avoir eu l’occasion de voir beaucoup de collectivités des Premières Nations. J’espère avoir eu un petit impact dans chacune de ces collectivités, que ce soit auprès des jeunes, auprès des aînés ou des mères monoparentales. J’espère que les gens pourront voir au-delà de l’uniforme de police.

Ma culture est mon assise. J’ai grandi dans une famille très traditionnelle. C’est quelque chose dont je suis très fière. Je suis fière d’être saine et sobre. Le fait d’avoir grandi dans une famille qui était saine et sobre toute ma vie est merveilleux. Je remercie ma mère pour ça.

Sans ma culture, je serais perdue. Ma foi en une puissance supérieure, ma foi envers le Créateur, au-delà de l’homme, c’est ce qui me garde bien ancrée. Si seulement les gens savaient combien de fois j’ai prié avant de mettre de la sauge dans mes bottes de travail avant chaque quart, tout simplement pour garder une attitude positive qui ne sera pas obscurcie par ce que je m’apprêtais à voir durant le jour, ils seraient surpris.

Durant la formation, je ne peux même pas compter le nombre de fois où j’ai pris le morceau de sauge qui était dans ma poche pour le sentir et me calmer. Je ne sais pas ce que je pourrais faire sans ce genre de croyance, je ne sais vraiment pas. Je suis très fière de ma culture.

Pour moi, une nouvelle relation entre les Autochtones et le Canada signifie qu’on peut marcher côte à côte de façon équilibrée. Il y a des iniquités. Ce n’est pas le Canada avec les Autochtones, ni les Autochtones avec le Canada: ce doit être le Canada et les Autochtones qui travaillent ensemble de façon positive et d’une façon positive pour tout le monde.

Avec les jeunes, plus tôt, aujourd’hui, on m’a parlé d’éducation. J’ai été surprise de constater à quel point le Canada sait peu de choses des Autochtones, le peu de choses que les gens savaient au sujet de notre culture et à quel point les gens sont fiers d’être qui ils sont, aujourd’hui.

Je vais maintenant répondre à vos questions.

La présidente : Merci.

Le sénateur Sinclair : J’espère ne pas vous mettre dans l’embarras avec ma question.

Mme Sock : Je vais essayer de ne pas l’être.

Le sénateur Sinclair : J’aimerais vous demander de nous chanter une de vos chansons.

Mme Sock : Je peux, seulement un petit couplet?

Le sénateur Sinclair : C’est comme vous voulez.

Mme Sock : D’accord. Voilà la chanson que je vais vous chanter. Je dois vous la présenter un peu, parce que c’est très important.

Elle a été écrite par une femme qui m’a enseigné lorsque j’étais enfant et elle est maintenant décédée. Elle a écrit une chanson, n’en a pas vraiment parlé à personne et l’a cachée dans un dossier qui m’a été remis lorsque j’avais 14 ans. Je l’ai découverte et c’était, selon moi, la chose la plus belle que j’avais vue. Des gens extraordinaires se sont réunis pour la mettre en musique. Je leur serai toujours reconnaissante. La chanson s’appelle…

[Note de la rédaction : Le témoin chante dans une langue autochtone.]

Des voix : Bravo!

Le sénateur Sinclair : Les témoins suivants doivent se dire: pourquoi n’est-elle pas passée en dernier?

Merci beaucoup. C’était magnifique.

La présidente : Merci. Magnifique.

La sénatrice McPhedran : Je veux respecter l’esprit de guérison sous-jacent à ce que vous venez de nous dire, Holly, alors je ne vais pas vous demander de nous parler des aspects négatifs de votre travail. Cependant, vous avez forcément dû remarquer, dans votre vie et dans votre travail, qu’un grand nombre de préoccupations pèsent sur les femmes dans la GRC. Quand vous mettez de la sauge dans vos bottes afin de rester dans un état d’esprit positif… si vous aviez à donner un seul conseil aux agents, en particulier aux agentes, auriez-vous une recommandation positive à leur faire?

Mme Sock : Je crois que je leur dirais simplement de se respecter en tant que femme. Pendant la formation, on nous construit comme des machines, comme si on était dans une usine d’assemblage de polices montées, mais une fois qu’on en sort, nous avons toujours nos propres valeurs et nos croyances. Pour nous, c’est important de conserver ce genre de choses, de se rappeler qui nous sommes et d’où nous venons, lorsque nous effectuons un travail de ce genre.

Le sénateur Enverga : J’aurais aimé que vous nous chantiez une autre chanson. Les gens doivent se dire que vous n’avez pas choisi la bonne carrière; vous devriez plutôt être sous les feux de la rampe.

Vous faites partie des forces de l’ordre. Que pouvez-vous nous dire à propos des jeunes? Nous avons beaucoup entendu parler du suicide chez les jeunes. Que pouvez-vous faire par rapport à cela? Que pouvez-vous dire aux jeunes qui songent à commettre ce geste? Avez-vous des conseils à leur donner?

Mme Sock : À dire vrai, je travaillais avec les jeunes avant d’aller suivre la formation. J’ai travaillé avec des jeunes qui souffraient de problèmes de santé mentale, en particulier relativement au suicide. Essentiellement, j’essayais de leur donner de l’espoir et je leur disais de sortir voir le monde et d’essayer. J’essayais aussi de leur offrir un espace sécuritaire et de leur rappeler qu’une mauvaise journée ne veut pas dire que la vie est mauvaise.

Je sais que le maintien de l’ordre, ce n’est pas pour tout le monde, et je n’essaie pas d’obliger qui que ce soit à me suivre. S’ils y ont songé par eux-mêmes, je suis toute disposée à leur en parler ouvertement afin de leur rappeler à quel point il est important d’être prêt à affronter les difficultés que suppose cet emploi sur le plan mental. Je leur dis aussi comment je garde mon sang-froid dans ces situations. J’essaie d’être le modèle de comportement positif dont ils ont peut-être besoin, qu’ils veuillent devenir des agents de la GRC ou pas.

Je ne sais pas si j’ai répondu à votre question.

Le sénateur Enverga : Merci.

La présidente : Merci, Holly. Merci de nous avoir chanté cette merveilleuse chanson. Pour quelqu’un de gêné, vous savez très bien chanter.

Nous allons maintenant passer à notre prochain témoin, Modeste McKenzie.

Modeste McKenzie, à titre personnel : Bonsoir. Ce ne sera pas facile d’égaler ce témoignage. Malgré tout, je suis danseur, et je serais heureux de monter sur la table pour faire une petite gigue, si vous voulez. Je plaisante.

La sénatrice Pate : Je crois que le sénateur Sinclair a aussi une très belle voix.

Le sénateur Sinclair : J’ai quelques morceaux sur mon iPhone.

M. McKenzie : Messieurs et mesdames les sénateurs, madame la présidente, je veux vous remercier de m’accueillir ici aujourd’hui. C’est un véritable honneur. Je tiens aussi à remercier tous mes pairs également. Le simple fait qu’on me juge du même calibre est un grand honneur. Cela a été un plaisir de passer la journée avec vous, d’apprendre avec vous et de parler avec vous.

J’ai 22 ans, et je suis de la nation Deninu K'ue, dans les Territoires du Nord-Ouest. Au début des années 1970, mon père a été enlevé à sa famille pour être élevé par mon autre grand-mère et mon autre grand-père à Montréal. Il faisait partie de la rafle des années 1970. Ma mère vient de Cumberland House, et elle est métisse.

Mes parents se sont rencontrés à Winnipeg, dans une compagnie théâtrale du nom de Red Roots, je crois. Ma mère a déménagé à Regina, et c’est là que je suis né. J’y ai passé les sept premières années de ma vie.

À Regina, ma famille et moi avons vécu des difficultés pendant que nous essayions de nous sortir de la misère. Un membre de ma fratrie a même disparu pendant que nous étions à Regina. Heureusement, nous l’avons retrouvé, mais je me vois encore, tout jeune, en train de poser des affiches de personne disparue à Regina. Je n’en parle pas souvent, mais c’était très difficile.

Après, nous sommes déménagés à La Ronge, où j’ai passé les six années suivantes de ma vie. Je m’y suis fait de très bons amis et j’ai rencontré des aînés et des mentors formidables. Après, je suis déménagé à Rosthern, où ma mère a obtenu un emploi au lieu historique national du Canada de Batoche. C’est là que j’ai vraiment pris conscience de mon héritage métis et que j’ai découvert la danse.

C’est aussi là que j’ai rencontré l’aînée Maria Campbell. Elle a été ma mentore pendant trois étés, et elle remplit encore ce rôle de temps en temps. J’ai grandi entouré d’artistes — Kim Anderson, Christi Bellcourt et Neal McLeod —, et leur passion s’est naturellement transmise à moi.

Je veux revenir un peu en arrière. C’est vraiment à Batoche que j’ai renoué avec ma culture. C’est là que j’ai commencé à apprendre des choses sur mes ancêtres, sur la résistance de 1885, sur Almighty Voice, sur Louis Riel et sur Gabriel Dumont. Savoir qu’ils m’appuient, qu’ils ont combattu pour moi, a été une source d’inspiration pour moi jusqu’à aujourd’hui. Je vais persévérer, pour les enfants à naître.

Voilà pour la personne que je suis.

Actuellement, je suis travailleur de soutien auprès des jeunes, à la bande de Lac La Ronge. Certains d’entre vous le savent déjà, mais en octobre, la bande de Lac La Ronge a été accablée par une vague de suicides. Quatre jeunes filles de 10 à 14 ans se sont suicidées. D’après ce que j’en sais, il y a eu au moins 17 autres tentatives dans cette collectivité au cours du mois d’octobre. J’ai été embauché peu après.

Il y a une chose qui me motive : trois semaines après cette vague de suicides, après que ces quatre jeunes filles se sont enlevé la vie, mon enfant est née. Elle s’appelle Natalia. Sa naissance m’a vraiment permis de mettre les choses en perspective. Je me suis dit: « Bon Dieu, je ne me bats pas uniquement pour moi, mais aussi pour mes pairs et mon bébé. »

En ce qui concerne la réconciliation, j’aimerais voir des efforts en éducation. C’est ce qu’il y a de plus important. Il y a deux ou trois écoles primaires dans les trois collectivités de la région où j’habite. Si on traçait une ligne de l’une à l’autre, la distance serait probablement d’environ trois kilomètres, même s’il faudrait traverser quelques bois. On donne 40 p. 100 moins aux enfants de la réserve qu’aux enfants du village. Pourquoi donne-t-on à ma fille et aux autres enfants 40 p. 100 de moins qu’aux autres enfants qui ne sont que quelques kilomètres plus loin? Parce qu’ils appartiennent aux Premières Nations, parce que ce sont les Autochtones. Parce que ce sont des Indiens.

Voilà ma motivation : travailler avec ces enfants. En hiver et au printemps dernier, j’ai eu le plaisir et l’occasion d’utiliser mes capacités et mes talents pour aider les jeunes. Nous avons formé un petit groupe de danse carrée. C’était très amusant. Donc, voilà une chose.

Ensuite, et j’en ai déjà parlé un peu plus tôt avec certains sénateurs, il y a la participation des Premières Nations à l’économie ainsi que le développement de nos propres économies, des économies qui ne sont pas axées sur l’exploitation des ressources, qui n’endommagent pas nos terres, qui ne font pas de mal à nos poissons, à nos eaux et à la nature. C’est quelque chose d’important pour moi.

Cela est en partie lié à l’éducation. Si nous voulons une économie solide et diversifiée, nous avons besoin d’éducation. C’est un besoin absolument critique et essentiel.

Il faut aussi renforcer les services de santé mentale et améliorer les partenariats. Les provinces doivent travailler avec les nations individuellement. Le gouvernement fédéral doit aussi intensifier ses efforts.

Je trouve ahurissant de voir des jeunes et des aînés devoir parcourir de grandes distances pour obtenir des services adéquats ou juste des services de base.

Les routes là-bas sont loin d’être les meilleures. De gros camions y circulent pour transporter l’uranium du Nord de la Saskatchewan vers le sud. Ils endommagent beaucoup les routes. Je crois que ce serait important d’étudier les entreprises qui exploitent nos territoires pour générer des profits afin de s’assurer qu’elles paient leur juste part. Il y en a une en particulier, dans un territoire où je travaille, qui ne le fait pas.

Dans l’avenir, j’aimerais voir nos propres économies se développer. Où est-ce que je me vois dans 20 ans? Avec un peu de chance, je siégerai parmi vous, dans l’autre chambre. Présentement, tous mes efforts sont axés sur les jeunes: pour prendre soin d’eux, pour les écouter et pour défendre leurs intérêts à n’importe quel moment.

La présidente : Merci, Modeste.

Je viens de la Saskatchewan. La nation de Lac La Ronge est plutôt prospère, n’est-ce pas? Vous avez mentionné l’importance de développer vos économies, des économies respectueuses de l’environnement.

M. McKenzie : La nation de Lac La Ronge est très prospère, mais il y a d’autres collectivités dans le Nord de la Saskatchewan: Déné, Wollaston, Fond du Lac et Black Lake. Ce sont des collectivités très éloignées, où il y a beaucoup de chômage. Même Lac La Ronge n’est pas épargné. Même plus loin au sud, le taux de chômage n’est pas ce qu’il devrait être, si on le compare avec la moyenne nationale.

Vous m’avez aussi demandé autre chose?

La présidente : C’était à propos du développement économique. Maintenant que vous avez aussi mentionné les collectivités isolées et éloignées, comment croyez-vous que ces collectivités seront en mesure de devenir plus autonomes, étant donné qu’elles sont éloignées et isolées? Avez-vous des commentaires à faire là-dessus?

M. McKenzie : Bien sûr.

La Ronge avait un excellent programme appelé NORTEP, qui a depuis été annulé.

La présidente : C’est exact.

M. McKenzie : Si vous aviez vécu dans le Nord de la Saskatchewan pendant la moitié de votre vie ou depuis 10 ans, alors, peu importe votre ethnie ou que vous ayez le statut d’Autochtone ou pas, l’école était gratuite pour vous. Le programme avait pour objectif d’améliorer le maintien en poste des enseignants, quelque chose de très important pour l’éducation.

Vous posez une question difficile, mais une bonne question, et je vais probablement devoir y réfléchir en profondeur, mais je dirais que l’éducation est ce qu’il y a de plus important présentement. Le premier pas dans la bonne direction passe par là, selon moi.

La présidente : Aviez-vous des recommandations précises? Le comité s’est déjà penché sur l’éducation dans le passé, et nous avons aussi publié un rapport sur son financement. Nous savons que le financement, comme vous l’avez mentionné, est un vrai problème. Si c’était vous qui preniez les décisions, comment corrigeriez-vous le problème?

M. McKenzie : Il faut que ce soit égal ou équitable. Essayez simplement de réduire l’écart et de déployer des efforts particuliers au chapitre des établissements d’enseignement postsecondaire, comme cela se faisait avec le programme NORTEP. C’était un très bon programme. Avec ce programme, 95 p. 100 des diplômés ou peut-être était-ce 94 p. 100 — c’était très élevé —, restaient en Saskatchewan ou retournaient dans leur collectivité. Ce sont des emplois bien rémunérés, et nous en avons besoin.

La sénatrice McPhedran : Vous avez dit que ce programme donnait de très bons résultats. Il arrive souvent que les témoins nous donnent des exemples de résultats excellents et très inspirants, et ensuite, on se rend compte que le programme n’existe plus. D’après vous, pourquoi a-t-on supprimé un programme qui fonctionnait très bien?

M. McKenzie : Comme vous le savez, la province de la Saskatchewan est aux prises avec des difficultés économiques; les choses ne vont pas très bien. Le gouvernement provincial a dit qu’il devait réduire ses dépenses administratives.

J’étais très actif à cet égard. J’étais organisateur communautaire, et j’ai travaillé avec le conseil étudiant et les enseignants afin de défendre NORTEP et de lutter pour sa survie. Nous avons participé à des manifestations, y compris des manifestations assises. Tout ce que cela aura permis d’économiser, c’est 500 000 $.

Le programme est toujours en vie. Tous les autres établissements postsecondaires de la province ont pu faire une offre ou présenter une demande afin de reprendre le programme. L’organisation qui l’a obtenu n’avait même pas présenté de demande. Je ne sais vraiment pas ce qui est arrivé. L’annulation du programme a permis d’économiser 500 000 $ en frais administratifs. C’est une goutte dans l’océan, si vous voulez mon avis.

La sénatrice McPhedran : Êtes-vous en train de dire que, même si un vestige de ce programme existe toujours, le cœur du programme, celui qui produisait ces excellents résultats, a disparu?

M. McKenzie : Oui. Tout ce qui faisait de NORTEP un programme spécial a disparu. Les droits de scolarité étaient payés. Dans la nouvelle organisation, il n’y a rien de tel. Les livres étaient payés; ils ne le sont plus, dans cette nouvelle administration.

Le NORTEP avait d’excellents logements. Quand on a des enfants et que l’on vit dans le Grand Nord, il est très difficile d’aller à l’école. Il est très difficile de partir de Wollaston, par exemple, pour aller au sud, jusqu’à Saskatoon et trouver le moyen d’assurer sa subsistance et celle de ses enfants. Le NORTEP vous garantissait presque un logement. Aussi, j’ai oublié de le mentionner, le programme offrait également des bourses. Je crois que c’était un montant de 700 $ par mois. Cela aidait les élèves à tenir tout au long de l’hiver, malgré le froid.

Le sénateur Patterson : Je vais vous poser une question difficile; j’aimerais que vous nous parliez de votre expérience de travail auprès des enfants, après les tragédies qui se sont produites là-bas. Qu’est-ce qui pousse ces jeunes enfants au désespoir? Avez-vous pu les aider? De quoi ont-ils besoin?

M. McKenzie : C’est une excellente question. Qu’est-ce qui les pousse au désespoir? Personne ne le sait. Nous avons une certaine idée, mais est-il possible de mettre le doigt sur une seule chose et dire que c’est ça, le problème? C’est toutes sortes de choses. C’est la pauvreté, la dépendance, c’est parfois un fait de société. Les pactes de suicide sont chose courante, c’est une réalité.

Je n’avais jamais dans ma vie rencontré des jeunes aussi extraordinaires, résilients, brillants, gentils et créatifs. Les jeunes avec qui je travaille sont extraordinaires.

Nous n’avons pas insisté pour parler de l’intimidation ou du suicide; nous les avons laissés venir à nous. Nous nous efforçons de faire ressortir les côtés positifs de la situation à l’aide de jeux de main, dans le cadre des célébrations sèches de fin d’année ou par le truchement des enseignements traditionnels. C’est, essentiellement, mon expérience.

La présidente : Mesdames et messieurs, nous allons suspendre la séance pendant cinq minutes. Nous en profiterons pour faire prendre la photo officielle des représentants des groupes de jeunes et des sénateurs et sénatrices. Merci.

(La séance est suspendue.)

(La séance reprend.)

La présidente : Nous poursuivons notre séance spéciale, ce soir, en accueillant quatre autres jeunes leaders. Nous commencerons par Jacquelyn Cardinal.

Jacquelyn Cardinal, à titre personnel : Merci beaucoup. J’ai préparé une déclaration préliminaire dans le seul but d’utiliser mon temps le mieux possible. Je suis partie d’Edmonton pour venir ici.

Je vous souhaite la bienvenue de la part des habitants du territoire du Traité numéro 6, le territoire sur lequel je vis aujourd’hui et sur lequel je suis une invitée; je vous souhaite également la bienvenue de la part de la Première Nation crie de Sucker Creek, sur le territoire du Traité numéro 8, le territoire ancestral de mon peuple, le sakâwiyiniwak.

Je vous remercie de m’avoir invitée à venir ici aujourd’hui en tant que porte-parole des jeunes Autochtones et de l’avenir, et pour parler du sujet qui nous réunit tous aujourd’hui: comment imaginons-nous cette nouvelle relation entre le Canada et les Premières Nations, les Inuits et les Métis, une relation qui, selon mon point de vue privilégié de jeune, est l’une des plus importantes questions qui se posent aux Canadiens aujourd’hui.

J’aimerais pour commencer souligner que nous sommes réunis sur les territoires non cédés de la nation algonquine, un endroit très spécial dont les racines sont profondes. Je suis heureuse et honorée d’être ici.

Récemment, j’ai suivi un enseignement sur l’histoire de la Création, et on m’a expliqué que la Création était fondée sur la notion d’infini: selon cette définition, la Création de notre monde n’a jamais cessé, et nous y participons tous, encore aujourd’hui; on m’a aussi expliqué que nous existons tous, moi y compris, en formant une chaîne continue qui nous lie à tous ceux qui sont venus avant nous et à tous ceux qui nous suivront.

En tant que jeune Autochtone qui a grandi en ville, comme de si nombreux jeunes Autochtones, de nos jours, cet enseignement m’a fait don de deux choses qui m’avaient manqué toute ma vie sans que je le sache: premièrement, il m’a rappelé que, même si je dois marcher sur le ciment de la ville d’Edmonton, loin de la terre de mes ancêtres, longtemps après la disparition de nombreux membres de ma nation, et même si de nombreux membres de ma nation, des survivants, y marchent aussi malgré leurs blessures, je ne suis pas seule; deuxièmement, il a été pour moi comme un appel à l’action, étant donné que cette appartenance, cette compréhension et cette force entraînent une responsabilité, celle de propager la vision de mes ancêtres et de préparer la venue de mes descendants.

Donc, maintenant, je me pose une question normale pour une personne de mon âge, de 26 ans: qu’est-ce que je fais avec ça? Pour répondre à cette question qui concerne mon avenir, je me tourne vers mon passé. Depuis des temps immémoriaux, mon peuple est dirigé par une loi naturelle qu’on appelle la wahkohtowin, ce qui veut dire « relation avec les autres ». Nos aînés avaient compris l’importance vitale du maintien d’une relation saine et prospère à notre mode de vie, à notre propre personne, à notre collectivité et à notre environnement; ils ont fait de la wahkohtowin un principe directeur majeur pour assurer la coexistence et la prospérité générales.

Nos parents de l’Est se conforment à un principe directeur semblable, la ceinture wampum à deux rangs. Cette ceinture est reconnue comme étant l’une des plus anciennes ententes conclues entre les nations autochtones et non autochtones; l’entente est représentée par deux rangs de perles violettes qui illustrent le trajet de deux navires, l’un, autochtone et l’autre, non autochtone, qui parcourent le fleuve de la vie de concert, restant côte à côte sans jamais se toucher, en signe de respect mutuel et de souveraineté. Mon ancêtre, Mostos, un leader de premier plan pendant les négociations qui ont abouti au Traité numéro 8, respectait déjà, à cette époque, son interprétation du principe de la wahkohtowin. Il a dit cette phrase célèbre:

Je vois l’homme blanc qui arrive, et je veux que nous soyons amis. Je vois bien ce qu’il fait, et il vaudrait mieux que nous soyons amis. [Traduction]

Nous sommes tous régis par des traités, et nous avons tous la responsabilité de maintenir la wahkohtowin qui nous lie les uns aux autres. Pour propager cette idée, mon frère et partenaire d’affaires, Hunter Cardinal, et moi-même avons décidé de lancer ce que nous appelons des projets de traité, qui constituent un volet de la responsabilité sociale de notre entreprise, Naheyawin. Ces projets nous donnent l’occasion de nous acquitter de nos obligations, en tant que Canadiens et peuples régis par un traité, puisqu’ils appliquent les principes de la gouvernance à nos systèmes actuels dans le but de restaurer, régénérer et revitaliser ce qui a été endommagé. C’est ainsi que nous construisons l’avenir: en fonction d’une relation en parallèle, saine et durable, avec nos partenaires non autochtones.

Cette résurgence de ce lien ancien et de cette relation spécifique parallèle est importante à la compréhension de notre avenir en tant que peuples autochtones et non autochtones visés par un traité. Il y a deux entités dans une relation et, pour que cette relation soit revivifiée et le plus authentique possible, nous devons nous assurer de permettre à l’autre entité d’être revivifiée au moment de reconnaître son existence, ses valeurs et sa culture propres.

Par la reconnaissance de soi et la célébration de notre unicité, nous trouvons le courage et la capacité de faire en sorte que notre relation évolue vers la prospérité et la perpétuité. Comme le souligne bell hooks, nous devons cesser de nous préoccuper à ce point de la reconnaissance que nous donne le regard des « autres ». Nous devrions plutôt nous reconnaître nous-mêmes avant de chercher à tisser des liens avec tous ceux qui nous mobilisent dans un but constructif.

Ces projets de traité, comme tout ce que nous faisons, à Naheyawin, ont pour point de départ une approche axée sur les atouts. Nous examinons ce que nous possédons déjà, connaissances, compétences et expérience de vie, et nous partons de là. Je suis propriétaire-exploitante d’une entreprise de mobilisation et de marketing numérique, mes compétences ont trait aux communications et aux technologies. J’ai étudié la programmation modulaire, la pensée systémique et les principes de l’expérience utilisateur, la programmation et la conception graphique, également, et j’ai l’immense privilège d’avoir un talent naturel pour la technologie, en plus d’adorer cela et d’avoir la possibilité d’explorer ce domaine.

Ajoutez à cela l’incontestable talent de mon frère, artiste et acteur, un être des plus empathiques qui est en quête de la vérité. Nos compétences réunies nous permettent non seulement d’offrir à nos clients des services numériques uniques — grâce auxquels nous payons les factures —, mais aussi d’investir le temps et les ressources qu’il nous reste pour observer, réfléchir, organiser et agir, c’est-à-dire nous acquitter de ce que nous considérons comme nos obligations, non seulement comme membres d’une nation autochtone, à un moment charnière de notre histoire, mais en tant que membres d’une nation régie par un traité, à une époque charnière de l’histoire du Canada et de l’histoire du monde.

J’aimerais pour illustrer tout cela vous donner un aperçu de l’un des projets de traité auquel nous travaillons activement actuellement, et dont le sénateur Sinclair a parlé lorsque nous avons visité la chambre du Sénat, cet après-midi. J’ai eu la chance incroyable, en décembre dernier, de visiter le campement Oceti Sakowin de Standing Rock. Cette expérience m’a marquée profondément, mais ce qui m’a le plus frappée, c’est la façon dont les Sioux de Standing Rock ont accepté les alliés nouveaux venus, leurs efforts pour nous enseigner juste ce qu’il fallait pour que nous respections leurs traditions et le fait qu’ils nous ont ensuite donné un travail à faire. De nombreux participants ont fait remarquer qu’il était en fait impossible à quiconque n’avait pas travaillé aux cuisines de comprendre réellement tout ce qui se passe autour de lui.

Donc, les Sioux nous ont très clairement fait comprendre, à nous, les alliés, les nouveaux venus, qu’il s’agissait de leur lutte, mais qu’ils allaient nous faire de la place pour que nous les aidions. Quand je suis revenue à la maison, mon frère et moi-même avons élaboré l’initiative Tatawaw, un mot qui veut dire « bienvenue, il y a de la place » en langue crie, dont l’objectif est de faire exactement la même chose au quotidien: accueillir tout le monde, les Autochtones autant que les colons et les nouveaux venus, fournir de l’information et encourager l’apprentissage, de façon que nous puissions tous faire progresser notre wahkohtowin et aussi pour donner aux alliés des tâches concrètes à faire, faire office de point de ralliement.

Nous avons été impressionnés par la réaction de notre collectivité; les gens ont adopté l’idée et s’en sont servi avec enthousiasme et en affichant un sentiment d’appartenance, peu importe le secteur d’activité, peu importe l’origine autochtone ou non autochtone.

La réussite du projet Tatawaw nous a convaincus de lancer d’autres initiatives, qui vont de l’augmentation de la présence des Autochtones dans le secteur des technologies à la production d’une série d’émissions pour la baladodiffusion dans lesquelles des Autochtones et leurs alliés expliquent comment ils relèvent ensemble les défis de notre époque… et toutes sortes d’autres défis.

Quelle est cette nouvelle relation? Nous croyons que l’avenir n’exige pas nécessairement que l’on crée quelque chose de tout à fait nouveau; nous croyons qu’il faudrait raviver l’esprit initial de paix et d’amitié sur lequel étaient fondées les négociations des traités; nous croyons que nous devons utiliser tous les outils possibles pour y arriver. Quand nous aurons fait cela, le Canada sera devenu ce qu’il a toujours dû être, un Canada dans lequel nous existons côte à côte.

Si j’avais à demander une chose aux personnes réunies ici aujourd’hui, je les prierais de prendre des mesures visant à appuyer les initiatives communautaires issues de la volonté d’encourager la reconnaissance de ce que nous sommes, des peuples régis par un traité, de stimuler la mobilisation et de nous acquitter de nos obligations à l’égard de nous-mêmes, de notre collectivité et de l’environnement.

Si je pouvais demander une seconde chose, ce serait de tous nous aider à garder à l’esprit le fait que, nous-mêmes et tous ceux qui nous entourent, nous sommes indissociables de la notion d’infini, que nous avons tous du pouvoir et de l’importance et que nous avons tous un rôle unique à jouer dans la magnifique marche du monde.

La présidente : Merci beaucoup, Jacquelyn.

La sénatrice Pate : Si vous pouviez demander autre chose, qu’est-ce que ce serait?

Mme Cardinal : En toute honnêteté, je demanderais probablement davantage de financement pour réellement faire augmenter la présence des Autochtones dans le secteur des technologies. C’est déjà un secteur difficile pour une femme et, dans ce secteur, je suis en général la seule personne autochtone. Le secteur des technologies est celui qui affiche la croissance la plus rapide, dans l’économie canadienne, mais il ressemble en fait à d’autres secteurs des métiers. En fait, il est assez semblable à d’autres types de métiers, je pense par exemple au soudage, à des métiers comme celui-là. La formation est très courte et peut immédiatement être appliquée.

L’une de nos initiatives, dont j’ai brièvement parlé, consiste en une alliance entre des collèges techniques, des organismes de notre ville et des entreprises de technologie qui ont été convaincus, non seulement par la possibilité de trouver localement une main-d’œuvre disponible, puisque la main-d’œuvre est un problème de taille, mais aussi par le fait que les Autochtones apporteraient un point de vue vraiment intéressant au moment de trouver des solutions à un problème quelconque. Dans l’industrie de la créativité, et c’est ce qu’est, en réalité, le secteur de la technologie, quand il y a un problème à régler, plus les points de vue seront diversifiés, meilleure sera la solution.

Il y a beaucoup de sièges vides à cette table en particulier, et il est important de non seulement renforcer une économie diversifiée, mais également de s’assurer de régler ces problèmes en faisant de notre mieux.

La sénatrice Pate : Vous m’avez inspirée à poser cette question. Je voulais vous demander, parce qu’il était vraiment excitant d’entendre votre description, si vous deviez concevoir le soutien technique — et je n’y connais rien en technologie, alors soyez indulgente avec moi —, que feriez-vous? Comment redonneriez-vous de la vitalité au processus de nation à nation auquel notre comité et le Sénat participent?

Mme Cardinal : En utilisant la technologie?

La sénatrice Pate : Oui.

Mme Cardinal : C’est là où on voit mes origines autochtones. En surface, je suis pour ainsi dire une technophile et j’adore ce genre de choses. Mais, essentiellement, je crois que la technologie moderne est vraiment comme tout autre outil. C’est un nouvel outil qu’on peut utiliser à bon ou à mauvais escient. Je crois qu’on voit beaucoup des deux. À mon avis, nous devons non seulement comprendre qu’il existe des inconvénients, mais que nous n’avons pas encore vraiment utilisé ces outils à bon escient.

C’est une question assez difficile, mais, comme j’évolue dans l’industrie chaque jour, il est intéressant d’être en mesure d’examiner le paysage et d’imaginer pleinement ce que sera le monde dans 10 ans et penser: « Nous ne sommes pas encore prêts, et tant de choses sont prometteuses si nous pouvons nous préparer et, comme Wayne Gretzky, aller là où la rondelle va se trouver, vraiment se préparer et la suivre même si elle se déplace. »

Le sénateur Tannas : Merci d’être ici, Jacquelyn. Je viens également de l’Alberta, du Sud de l’Alberta. Je désire vous demander quelque chose au moment où nous essayons d’imaginer de quoi aura l’air l’avenir. Nous savons où nous en sommes et nous désirons comprendre ce qui doit se produire afin de nous préparer à cet avenir.

J’aimerais vous poser une question sur quelque chose qui est vague pour moi, particulièrement parce que vous êtes issue d’une entreprise créative et logique. Dans un monde parfait, comment un nouveau gouvernement autochtone entièrement financé et habilité peut-il vous toucher vous, vos descendants et des personnes comme vous qui continuez d’aller vers marchés métropolitains ou des régions métropolitaines sans être assimilés, mais tout en vous intégrant dans cet environnement? Selon vous, comment ce gouvernement peut-il vous toucher, vous et vos enfants, particulièrement? Qu’aimeriez-vous qu’il vous offre?

Mme Cardinal : C’est très difficile de répondre à cette question. D’abord, Edmonton est située dans une région reconnue comme un lieu de rencontre. Nombre de personnes, de même que mes ancêtres, s’y regroupent depuis la nuit des temps. Nous avons toujours été là. Il est en réalité naturel pour nous de nous retrouver à cet endroit.

Cela dit, il est très difficile d’imaginer pleinement l’avenir. Vous avez entièrement raison; il s’agit d’une industrie très créative de même que logique. Ce qui est malheureux, c’est que, même si la conception suppose la résolution de problèmes et que l’art en crée de nouveaux, lorsqu’on pense à résoudre des problèmes en général, on doit prendre ses outils et ses processus et les conserver jusqu’au bout. Je crois que si nous utilisons ces outils de consultation et de renforcement des relations — ces très vieilles idées fondées sur les traités —, alors nous pouvons aller de l’avant de manière positive et concrétiser cet avenir auquel nous serons préparés parce que nous aurons cheminé dans la bonne direction.

Je ne suis pas très patiente; même pour une jeune personne. Je veux que les choses se fassent instantanément. J’aime savoir où je vais, quand je vais y arriver et si j’aurai le temps de manger un morceau et ce genre de trucs. Je crois vraiment qu’il est important de maintenir une confiance à cet égard.

De même, je crois vraiment à l’idée et au concept des sept générations. Je ne verrai jamais l’avenir vers lequel nous nous dirigeons. Je déploie des efforts afin de m’assurer de prendre de bonnes décisions maintenant afin d’être en mesure de réaliser cet avenir.

Le sénateur Tannas : C’est assez logique. Vous vous conduirez comme vous vous conduirez, et l’avenir se construira comme il le devrait. N’est-ce pas?

Mme Cardinal : Oui. Ça semble bizarrement optimiste, même pour moi. Cependant, je crois vraiment en l’avenir et en la façon dont un gouvernement futur nous intégrera. Je crois qu’une grande partie de cet avenir réside dans la technologie. Il est intéressant, particulièrement dans mon industrie, dans la gestion de mon entreprise, de voir comment les principes de gouvernance autochtone sont appelés par différents noms, comme les modèles de leadership de rotation que vous utiliseriez si vous alliez à la chasse. La façon de s’organiser suppose des méthodes agiles dans l’industrie technologique ou des hiérarchies horizontales. Il est fascinant de voir cela se concrétiser.

Je ne sais pas si j’ai répondu à votre question, mais on peut constater un retour aux anciennes façons de nous imaginer et de nous organiser nous-mêmes. À mon avis, ce sera assez similaire au passé, qui consiste à revenir à de petits groupes de personnes et à utiliser, d’une manière ou d’une autre, les technologies qui nous ont permis de faire cela. Ce sera du moins intéressant. Je suis enthousiaste.

Le sénateur Christmas : Je songe encore à ma question, alors faites preuve d’indulgence à mon égard pendant une minute. Je crois qu’il est très intéressant que vous ayez adopté la technologie, et vous êtes pourtant bien enracinée dans votre culture, vos traditions et vos enseignements.

Malgré nos difficultés en tant que sénateurs qui essaient de déterminer la nature de cette relation de nation à nation, une chose que nous avons oubliée — et vous nous l’avez rappelée aujourd’hui —, c’est que, pour atteindre cet objectif, nous devons comprendre les origines des peuples autochtones et que cette compréhension est fondée sur le droit autochtone. Vous l’appelez wahkohtowin.

Mme Cardinal : Oui.

Le sénateur Christmas : Si les Canadiens pouvaient comprendre comment les peuples autochtones respectent et honorent leurs anciennes lois qui existent depuis des siècles, quelle importance, selon vous, aurait le droit naturel des peuples autochtones lorsqu’il s’agit de rétablir cette relation de nation à nation?

Mme Cardinal : J’ai étudié les sciences à l’école, alors j’adore le raisonnement fondé sur les premiers principes. Je pense à ces principes au lieu d’utiliser des exemples. On pense à des choses. On retourne à ce qu’on sait est vrai et on s’en sert comme point de départ, plutôt que de se dire: « Cela a fonctionné ici, alors cela fonctionnera probablement là. » Vous faites des essais de cette façon.

Si on cherche la façon de résoudre le problème actuel, en retournant à ces principes de base fondés sur les façons de faire autochtones qui consistent à établir des relations et au droit naturel autochtone, je crois que c’est un point de départ fantastique. C’est ce qui est frustrant lorsqu’on retourne à ces idées fondamentales.

À mon avis, ce qui est fascinant et montre la sagesse de nos ancêtres, c’est que ces lois s’appliquent, peu importe l’époque ou l’événement. Il s’agit de lignes directrices qui s’appliquent, quel que soit l’environnement dynamique réel. Elles sont toujours pertinentes, ce qui est merveilleux parce que, maintenant, je n’ai pas à penser autant.

Le sénateur Christmas : Je crois que la beauté de la chose, c’est que nous découvrons une ancienne sagesse. Les Micmacs avaient la même croyance. Nous avons également conçu un monde dont les personnes non autochtones feraient partie. Ce droit autochtone, dans mon esprit, est la clé, le fondement de ce concept de nation à nation.

Ce n’est pas une question. Je réfléchis à mesure que je parle; je suis désolé.

Mme Cardinal : Je suis certaine que je gruge un peu le temps de tout le monde. Mais ce qui est fascinant, particulièrement concernant les projets de traité qu’on met en œuvre, c’est que ce n’est pas moi, mon frère ni nos amis autochtones qui les faisons avancer. Nos alliés veulent qu’on leur donne des emplois. Ils désirent connaître ces lois naturelles qui proviennent de l’endroit où ils vivent. Ils se sentent libres. Il n’existe aucune raison pour laquelle, à mon avis, si nous leur racontons nos histoires et les faisons participer et qu’ils veulent s’engager auprès de nous respectueusement, cela ne peut pas se produire.

J’ai parlé de Standing Rock dans mon exposé. Cela montre que les gens sont prêts à se manifester. Selon moi, se manifester leur suffit. C’est à ce moment que l’on commence à nouer des relations. C’est ainsi que je conçois la situation.

Le sénateur Christmas : Merci, Jacquelyn.

La présidente : Merci, Jacquelyn.

Nous allons maintenant passer à Tiffany Monkman. Vous avez la parole dès que vous êtes prête.

Tiffany Monkman, à titre personnel : Bonsoir à tous. Je suis très honorée d’être ici. Ce n’est pas quelque chose à quoi je suis habituée. Je suis habituellement en mesure de nommer un de mes étudiants.

Je suis une femme métisse qui est née et qui a été élevée à Winnipeg, au Manitoba. Mon père a grandi à Stony Point, au Manitoba, et ma mère, à Winnipeg. Mes parents viennent tout juste de célébrer leur 34e anniversaire de mariage. J’ai un jeune frère qui s’appelle TJ; je vais en parler plus tard.

Mes parents ont éprouvé des difficultés financières tout au long de leur vie, mais ils se sont assurés que mon frère et moi-même étions en mesure de faire au moins une chose que nous aimions; pour moi, c’était la natation de compétition. J’ai nagé pendant 15 ans, dont 6 années avec l’équipe de natation des Bisons de l’Université du Manitoba. Mes parents ont toujours dit qu’ils étaient Métis, mais ne m’ont jamais rien enseigné sur notre culture parce que, pour mes parents lorsqu’ils étaient jeunes, c’était tabou de parler du fait d’être Métis ou même de le reconnaître. Mais nous avons toujours apprécié qui nous étions.

Ma première sensibilisation à ma culture s’est faite au cours des Jeux autochtones de l’Amérique du Nord de 2002, lorsque j’ai compétitionné en natation. Je me souviens de m’être tenue debout sur le bord de la piscine et de ne voir que des Autochtones dans les couloirs à côté de moi et dans les gradins. J’ai senti que j’avais un lien avec toutes ces personnes autour de moi. J’ai ressenti un sentiment de calme et de sécurité qui est parfois difficile à expliquer aux autres.

J’ai été la première personne de ma famille à obtenir un diplôme universitaire et j’attribue le mérite à nos partenaires autochtones d’enseignement commercial — pour qui je travaille aujourd’hui — qui m’ont encouragée à obtenir mon baccalauréat en commerce et aidée à mieux connaître mes origines métisses. Je n’ai jamais ressenti un tel lien et une telle sécurité avec des gens avant d’interagir avec des personnes de ma culture.

Je parle de sport ici aujourd’hui et dans ma biographie, car il est la raison pour laquelle je suis qui je suis aujourd’hui. Le sport n’est pas seulement une activité physique. Il enseigne aux gens des leçons de vie, et je les raconte chaque fois que je prends la parole et que je fais un exposé devant des jeunes Autochtones.

J’aimerais parler de mon frère TJ. Après l’école secondaire, mon frère a éprouvé de la difficulté à trouver sa passion, mais un cours de commerce au collège et une conversation avec moi l’ont mis sur la voie de l’obtention d’un diplôme en commerce. Il l’a obtenu l’an passé de l’Asper School of Business et travaille maintenant dans le domaine de la comptabilité; je ne pourrais pas être plus fière de lui. J’ai trouvé l’université très difficile, mais savoir qu’elle a aidé mon jeune frère me rend tellement heureuse.

Je parle de cette histoire lorsque je fais un exposé devant des étudiants autochtones de l’école secondaire, car ils inspireront peut-être un jour un jeune frère, une jeune sœur ou un membre de la famille. Je suis très fière lorsque je vois un de mes étudiants obtenir son diplôme ou lorsqu’un jeune Autochtone est assez à l’aise avec moi pour me montrer son travail. Je suis encore plus fière lorsqu’un jeune s’inscrit à l’université — et nombre d’entre eux n’en savent pas beaucoup sur leur culture —, et que, grâce à l’Université du Manitoba, les étudiants ont la capacité d’apprendre des choses sur leur culture.

En 2016, j’ai été en mesure de tenir une simulation de cours universitaire avec un professeur de l’École de gestion Asper à laquelle ont participé des élèves autochtones de niveau secondaire dans le cadre de l’Initiative d’éducation autochtone Martin. C’était un honneur pour moi de pouvoir offrir une telle occasion à ces élèves.

Les responsables de l’Université du Manitoba ont noté qu’une grande partie de leurs étudiants qui se déclarent autochtones dans leur établissement sont des Métis. Nous avons donc formé un groupe pour discuter de façons de mieux soutenir les étudiants métis.

L’Université du Manitoba et l’École de gestion Asper ont grandement évolué au cours des dernières années en ce qui concerne l’accueil réservé aux Autochtones. Je suis extrêmement fière de collaborer avec cette organisation.

Pour ce qui est de l’étude des nouvelles relations entre le Canada et les Autochtones, une chose m’a vraiment frappée. On souhaite échanger avec les personnes qui sont touchées. De grandes choses peuvent être accomplies grâce à cette démarche, comme: premièrement, permettre aux Autochtones de se sentir bienvenus et appréciés; et, deuxièmement, permettre aux personnes d’autres cultures de comprendre comment interagir avec les Autochtones et apprécier ce contact.

Je veux vous raconter ce qui s’est passé une journée alors que je rentrais du travail en autobus. J’ai vu une Autochtone monter à bord et demander à des personnes à quel arrêt descendre pour se rendre à sa destination. L’une après l’autre, les personnes l’ont ignorée et lui ont jeté des regards mauvais. Elle s’est ensuite tournée vers l’autre côté de l’autobus, où je me trouvais, et je me suis penchée vers elle et lui ai dit: « Madame, vous pouvez descendre au deuxième arrêt et vous arriverez à destination. » Elle m’a offert un regard des plus reconnaissants et m’a dit: « Vous savez, vous êtes la seule personne qui ne m’ait jamais adressé la parole dans l’autobus. » J’ai été envahie de tristesse.

Encore aujourd’hui, les Autochtones sont confrontés à ces situations jour après jour. Cela doit cesser. La nouvelle étude du comité offre aux Autochtones les tribunes nécessaires pour s’exprimer et la possibilité de tenir des tables rondes, par exemple.

Toutefois, je recommanderais au comité de se rendre aussi dans les collectivités autochtones. C’est excellent d’inviter des Autochtones à Ottawa pour établir des relations avec eux, mais s’ils sont en mesure de partager leurs récits sur leur territoire et dans leurs collectivités, ils se sentiront plus à l’aise de le faire.

Vous devez vous souvenir qu’ils font partie de cette relation et que le Canada devrait participer aux traditions autochtones concernant le partage de récits. Je sais que cette étude donnera la chance aux responsables du Canada de comprendre leur situation et de recueillir les renseignements dont ils ont besoin, mais il s’agit aussi d’une période très importante pour les Autochtones, parce que le fait pour eux de partager leur récit exige énormément de force, en particulier quand il contient des traumatismes. Le fait de s’ouvrir et de parler de ce qui leur est arrivé est un pas extrêmement important, et je souhaiterais que le Canada honore cela et fasse preuve de beaucoup de respect.

J’ai vécu non pas un seul traumatisme, mais deux incidents traumatisants au cours de ma vie, et certains jours il m’est très difficile d’être confrontée à des éléments déclencheurs. J’imagine combien il peut être difficile de composer avec des expériences traumatisantes subies pendant des décennies et combien un élément déclencheur peut perturber un Autochtone.

Je sais que certains Canadiens se demandent : « Que pouvons-nous faire pour aider? » Je réponds ceci: c’est vrai que nous ne pouvons pas comprendre ce que c’est que d’avoir vécu dans un pensionnat indien, mais je vais m’asseoir et écouter, parce que chaque personne qui a été touchée mérite d’être entendue.

Quand ces tables rondes auront lieu, je recommande d’offrir aux participants une façon de décompresser après, que ce soit avec l’aide de thérapeutes ou de conseillers sur place, parce qu’il peut être éprouvant pour quelqu’un de partager son récit. Ce volet de l’étude ressort à mes yeux parce que c’est l’objectif sur lequel je souhaite que le Canada mette l’accent, le fait d’entendre les Autochtones s’exprimer.

Tout au long de ma carrière, pendant laquelle j’ai eu l’occasion de travailler avec des Autochtones dans le secteur financier et universitaire, j’ai pu dégager un thème commun: ils souhaitent être entendus et compris. Ces gens ont vécu des traumatismes, et leur réaction de fuite ou de combat est facilement déclenchée. Je suis ici pour leur montrer que je souhaite les accompagner et non leur dicter quoi faire.

Quand j’ai quitté la banque pour occuper un poste à l’université, mes clients m’ont remerciée d’être une banquière compréhensive. C’est à ce moment que j’ai commencé à réaliser que ce qui m’intéresse, c’est la façon dont je peux m’adapter au style de communication de l’autre, en particulier des personnes qui partagent ma culture.

Nous voulons tous changer les choses, et j’ai trouvé ce que je peux faire: aider les jeunes autochtones à trouver ce qui les passionne. Poser un petit geste chaque jour pourrait être exactement ce dont le Canada a besoin. Le fait d’être tout simplement une personne qui parle à une Autochtone dans l’autobus. Je l’ai fait et cela a changé ma vie à jamais.

Je vous remercie de m’avoir offert cette occasion.

La présidente : Merci, Tiffany.

La sénatrice Martin : Merci, Tiffany. J’ai raté la première partie de la réunion. Je ne suis pas un membre régulier, mais votre témoignage et celui du témoin précédent me permettent d’avoir une idée du grand nombre d’informations que vous pouvez communiquer et de votre passion débordante. Je souhaite remercier le comité d’avoir entrepris l’étude et les responsables de la Direction des communications du Sénat pour l’événement de la journée.

Vous avez mentionné certaines choses qui soulèvent ma curiosité et m’incitent à vous poser des questions pour en savoir davantage. Vous avez déclaré que le sport a été un point d’ancrage important ou a constitué une partie de votre identité et que cela vous a aidé à relever tous les défis que la vie vous posait. Existe-t-il des sports pratiqués par les Autochtones — peut-être que cela existe déjà — ou des jeux autochtones à l’échelle nationale ou régionale auxquels pourraient aussi participer des personnes non autochtones et qui permettraient de mettre en lumière les qualités athlétiques de même que la culture?

Mme Monkman : On essaie de tenir les Jeux autochtones de l’Amérique du Nord chaque quatre ans. J’y ai participé en 2002. Ils auront lieu cet été aussi.

À ma première participation, en 2002, j’ai été très étonnée de constater à quel point les Autochtones s’unissaient pour célébrer leur passion, qu’il s’agisse de natation, de volleyball ou de basketball. Je me suis sentie très honorée que les personnes de ma culture soient vraiment sensibles aux passions des autres quand ils se réunissent.

Mon jeune frère a joué à la crosse. J’espère vraiment que ce sport attirera davantage l’attention à l’échelle nationale en raison de son origine autochtone. Il s’agit de deux choses qui ressortaient à mes yeux, quand j’étais jeune.

La sénatrice Martin : Vos propos me rejoignaient quand vous avez parlé de posséder son identité et que vous avez dit qu’il s’agit là d’une assise très importante pour la fierté personnelle et le sentiment d’appartenance.

En ce qui concerne la noble histoire des peuples autochtones, croyez-vous qu’il y a une façon de s’assurer que les jeunes autochtones de même que les Canadiens connaissent mieux certaines de ces précieuses informations? Croyez-vous que cela constituerait une partie très importante de l’établissement des relations de nation à nation afin qu’on comprenne vraiment votre histoire?

Mme Monkman : Vu toutes les choses que les gens ne savent pas à propos de la culture autochtone, ce serait vraiment bien. La culture autochtone est magnifique et les Autochtones sont très centrés sur la famille. Pour ma part, ce sont de petits pas comme le fait d’échanger ou de faire venir d’autres personnes de l’université ou d’anciens étudiants pour parler aux jeunes autochtones. Pour ma part, je me sens davantage interpellée et touchée quand j’entends quelqu’un partager son histoire. Quand j’invite de jeunes Autochtones sur le campus ou quand je leur rends visite dans des écoles secondaires, je m’assure de leur communiquer le plus d’exemples d’histoires possible. C’est à ce moment que je les vois vraiment s’ouvrir et devenir plus à l’aise. Quel que soit le type de projet sur lequel nous travaillons, cela les accroche davantage quand ils savent qu’il existe un lien.

La sénatrice Martin : Je souhaite seulement souligner que le fait de partager des histoires — qu’elles soient belles, douloureuses, puissantes ou autres — est très important. Vous avez vraiment mis le doigt sur un des principaux objectifs dans le cadre de la création de cette relation, soit de partager ces histoires. Je vous remercie beaucoup de nous avoir communiqué la vôtre.

La sénatrice McPhedran : Bonjour Tiffany. Je suis contente d’avoir eu la chance de discuter avec vous hier soir au pub et de vous revoir dans ce cadre plus formel.

Vous nous avez dit que vous êtes née et que vous avez grandi à Winnipeg. Je suis née et j’ai grandi en milieu rural, au Manitoba, donc je ne connais pas vraiment bien la ville de Winnipeg. Toutefois, je voulais vous poser une question qui relève de ma perception, du fait que je vis dans cette ville depuis huit ans. Selon moi, il s’agit d’une ville qui est extraordinairement divisée, entre le Nord et le Sud. J’habite du côté nord, qui est considéré de façon générale comme le côté pauvre, où vivent un grand nombre d’Autochtones en milieu urbain.

Comme vous êtes née et avez grandi à Winnipeg, en tant que jeune leader, constatez-vous des changements ou des modifications importantes dans la ville et quant à sa division? Si vous constatez quelque chose de positif qui est assez récent, comment proposez-vous que cela serve de point d’appui?

Mme Monkman : Tout d’abord, je revenais en voiture avec une amie qui habite dans le Sud de Winnipeg. Son frère me ramenait dans la partie nord de la ville, où j’habite. Il n’avait jamais été plus loin que le centre-ville, donc tout ce qui était au-delà l’effrayait. C’était un grand choc, parce qu’il habite à Winnipeg et que la ville n’est pas composée seulement de sa partie sud. C’était il y a plus de cinq ans.

Comme je travaille à l’École de gestion Asper, située dans la partie sud, et qu’il y a beaucoup d’étudiants qui habitent dans ce secteur de la ville qui fréquentent l’École de gestion Asper, j’ai pu constater de petits progrès, mais c’est la croissance que j’aime voir. Il y a des enseignants qui incorporent du contenu de nature autochtone dans leurs cours. Une des associations étudiantes a créé un siège réservé aux Autochtones au sein de son conseil, et nos étudiants ont travaillé pendant des années pour arriver à cette réalisation. Notre doyen a fait un travail exceptionnel pour ce qui est de nous consulter pour savoir ce que nous pouvons faire. De fait, nous avons accepté de tenir un atelier sur les Autochtones à l’École de gestion Asper à l’intention des étudiants et du personnel. On a demandé à mes étudiants ce que c’était que d’être un étudiant autochtone à l’École de gestion Asper.

Oui, il s’agit de petits pas, mais la croissance est là. Je suis très fière de travailler dans ce domaine.

Pour ce qui est de l’avenir, il faut s’assurer de continuer de repousser les limites, pour ainsi dire.

C’était très inconfortable. Il faut tenir des conversations gênantes avec des personnes qui ne veulent pas vous écouter. Je suis très fière de mes étudiants, qui continuent de persévérer. Les choses changent. Cela ne se produit pas aussi rapidement qu’on le souhaiterait, mais il faut tenir ces conversations qui créent des malaises.

La présidente : Merci, Tiffany.

Nous allons maintenant passer à notre prochaine jeune leader.

Andrea Andersen, à titre personnel : [Note de la rédaction : Le témoin s’exprime dans une langue autochtone.]

J’aimerais commencer par souligner le fait que nous nous réunissons sur des terres ancestrales non cédées des peuples algonquins.

Mesdames et messieurs du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, nous sommes ici aujourd’hui pour une raison, soit de discuter des nouvelles relations entre les peuples autochtones et le reste du Canada.

J’aimerais tout d’abord saluer votre raisonnement quant à l’établissement du titre de l’étude, étant donné, encore une fois, que ce ne sont pas tous les groupes autochtones qui s’identifient comme une nation. Quand le gouvernement mentionne de nouvelles relations de « nation à nation », cela ne me rejoint pas comme Inuite.

Ensuite, les jeunes sont emballés. C’est la première fois que le gouvernement crée ces nouvelles relations, et vous consultez les jeunes à ce propos. C’est vraiment la voie que nous devons suivre.

Si vous jetez un coup d’œil dans la salle, chaque personne provient d’un milieu différent. Certains sont issus de diverses communautés autochtones, et d’autres sont des alliés, mais nous sommes là aujourd’hui pour une chose: contribuer à orienter la discussion à ce sujet et à laisser la parole aux jeunes. Il vous reste un an et demi pour vous attaquer au reste de l’étude. Je ne veux pas exercer de pressions sur vous, mais je suis très honorée de vous faire part de mes réflexions aujourd’hui.

Je veux faire très attention au moment de formuler mes commentaires, car un grand nombre des sujets urgents que bon nombre d’entre nous et moi-même avons désignés comme étant importants ont déjà été soulignés l’an dernier, surtout en ce qui a trait à la préservation de la langue, au développement économique, à la prévention du suicide, à la création de moyens et de plateformes nous permettant d’exprimer nos idées ainsi qu’à la crise du logement dans le Nord.

Je suis physiothérapeute de profession. Après la séance, ce soir, je ferai des évaluations dans la région. J’ai grandi dans une collectivité inuite isolée du Nord du Labrador. J’étais connue pour être la petite fille qui siégeait à tous les comités. Je m’ennuyais, alors je voulais faire quelque chose. Il n’y avait pas grand-chose à faire quand j’étais petite.

Aujourd’hui, je représente les jeunes Autochtones des régions urbaines par l’intermédiaire du Mouvement des centres d’amitié. Il s’agit de la première infrastructure de prestation de services aux Autochtones hors réserve en importance au Canada. Il existe 118 centres dans l’ensemble du Canada, et chaque centre est le principal fournisseur de programmes et de services enrichis sur le plan de la culture à des Autochtones vivant en milieu urbain. Nous facilitons la transition des gens qui passent d’un milieu rural, dans les collectivités éloignées et dans les réserves, à un environnement urbain. Pour de nombreuses personnes, nous sommes le premier point de contact, et nous les aiguillons vers des programmes ou des services socioéconomiques fondés sur la culture.

Je voudrais éclairer le comité en ce qui concerne la partie c) de l’étude quant aux aspects sur lesquels il devrait se pencher. Je sais que vous n’en êtes qu’à la partie a), mais je veux vous faire commencer à réfléchir à ce qui va devoir venir.

Je voudrais aborder trois éléments. Le premier, c’est la relation avec le gouvernement fédéral et les organisations autochtones actuelles, par exemple l’Association nationale des centres d’amitié. L’histoire des centres d’amitié est bien connue au Canada. Nous existons depuis environ 60 ans, et nous fournissons un grand nombre des mêmes services que ce que l’on retrouve dans une région ayant fait l’objet d’un règlement en matière de revendications territoriales ou sur une réserve.

On sait que davantage d’Autochtones passent des régions rurales aux centres urbains, pour diverses raisons. Nous aidons ces personnes à effectuer cette transition. Toutefois, pour ce qui est du gouvernement, nous ne sommes pas traités comme d’autres organisations autochtones, comme l’APN ou l’ITK. Le travail formidable que nous faisons est toujours souligné, mais la reconnaissance n’est pas ce dont nous avons besoin. Nous avons besoin de plus de soutien. Nous faisons l’objet d’une énorme demande croissante; pourtant, nous ne recevons aucun financement pour nos infrastructures afin de répondre à cette demande. Il est très difficile d’offrir des services à nos gens lorsque les installations dans lesquelles nous offrons ces programmes ne sont plus adaptées au nombre croissant.

L’Association nationale des centres d’amitié et le Mouvement des centres d’amitié sont un mouvement populaire, alors nous appliquons une politique de porte ouverte. Nous ne faisons pas que fournir des services à des Autochtones, à des Inuits ou à des Métis. Nous offrons des services et fournissons ces programmes culturels à tous les groupes autochtones. Ainsi, nous voudrions avoir le même accès aux sources de financement que les autres groupes.

Le deuxième élément que je voudrais aborder, c’est la façon dont les ressources naturelles seront mises en valeur sur nos terres dans l’avenir. Je sais que le Sénat a mené une étude dans le passé à ce sujet, mais je pense qu’il doit être abordé dans le cadre de la présente étude également.

Nous ne sommes pas entièrement contre le développement, mais, lorsque nos ressources sont retirées de nos régions, ce doit être fait en collaboration avec les Autochtones et pour les Autochtones, et ils doivent en profiter, de même que la région. Ce faisant, vous devez aussi vous assurer que l’environnement est protégé.

J’aime bien utiliser des exemples, et je veux donner un exemple actuel de la façon dont ce n’est actuellement pas le cas: Nalcor et Muskrat Falls, au Labrador. Cela fait six ans que les Inuits et les Innus du Labrador s’opposent à ce projet et que les gouvernements fédéral et provincial ne défendent pas les intérêts de ces groupes autochtones. Nalcor est une société énergétique d’État provinciale de Terre-Neuve-et-Labrador. L’une de ses activités a trait au projet du Bas-Churchill, qui produira de l’énergie hydroélectrique. L’un de ses volets, c’est Muskrat Falls.

Ce projet est un gâchis total, et cela me met en colère. J’ai besoin que vous compreniez que nous sommes en 2017 et qu’en raison de ce projet, pas plus tard qu’au cours du mois dernier — ce n’est pas quelque chose qui est arrivé il y a six mois —, une de nos collectivités du Labrador a été évacuée en raison d’une inondation causée par ce projet hydroélectrique. Nous avons une grand-mère inuite appelée Beatrice Hunter. Elle est incarcérée dans un établissement correctionnel pour hommes situé à St. John’s, et cela fera bientôt 10 jours. Son audience aura lieu ce vendredi, mais les dirigeants politiques de notre province affirment qu’ils ne peuvent pas intervenir dans le système judiciaire. Et c’est parce qu’elle a déclaré à la Cour suprême qu’elle ne pourrait peut-être pas rester à un kilomètre du chantier de Muskrat Falls.

En quoi cette situation crée-t-elle une meilleure relation avec les Autochtones? Vous mettez des gens en prison et faites évacuer ces collectivités.

Quand ce projet a commencé, aucune consultation n’a été tenue auprès des collectivités ni auprès des chefs autochtones. Jusqu’à récemment, l’automne dernier, trois personnes ont dû faire une grève de la faim avant que le gouvernement provincial décide d’écouter les gens du Labrador et apprenne que ce projet nous préoccupe.

Le Canada est très riche en ressources naturelles, mais, s’il n’en tenait qu’aux Autochtones de toute région du Canada, je ne pense pas que nous aurions ces sociétés dans notre cour qui empêchent nos animaux de grandir et nous empêchent d’exercer nos droits de vivre sur nos terres. Cela ne passerait tout simplement pas. Mais, malheureusement, nous n’avons pas notre mot à dire relativement à ce qui se passe, et, même si c’est possible, nous devons mener un très dur combat pour prouver ces conséquences.

Compte tenu de cette nouvelle relation, nous devons insister fortement sur le fait que tout projet de mise en valeur des ressources naturelles, que ce soit ou non dans une région visée par un accord sur les revendications territoriales, doit s’accompagner des éléments suivants.

Le premier, ce sont des consultations approfondies auprès des collectivités, lesquelles sont consignées et font l’objet d’un suivi avant que commence toute prospection ou que l’on touche à la terre, puis la tenue de séances régulières de suivi communautaires, à l’occasion desquelles les gens de la localité peuvent exprimer leurs préoccupations.

Le deuxième, c’est l’embauche de gens de la localité, non seulement pour faire le travail, mais aussi pour être les gestionnaires et embaucher le personnel. Dans le domaine de l’éducation, ne commencez pas le projet avant d’avoir formé les Autochtones locaux afin qu’ils puissent assumer ces rôles.

Et le dernier élément, c’est l’établissement de comités d’examen indépendants et l’embauche de chercheurs qui effectuent une surveillance, fournissent des données à jour et effectuent des analyses portant sur ces projets. Ces sociétés doivent être tenues responsables à l’égard de leur arrivée sur nos terres autochtones, et cette responsabilité doit être incluse dans notre nouveau partenariat.

Le dernier élément que je voudrais aborder, c’est qui nos dirigeants représentent vraiment. Je viens d’une province. Je vis actuellement au Nunavut, mais j’ai grandi à Terre-Neuve-et-Labrador. Actuellement, depuis les trois dernières années, notre premier ministre provincial est également le ministre responsable du Labrador et des Affaires autochtones. Cette personne est responsable des enjeux autochtones depuis trois ans. Il est le seul ministre de la province qui ne se soit pas présenté en personne dans ma région du Nunatsiavut. Il n’a pas grandi dans cette région, et il n’est pas autochtone. Je veux donner un exemple de cette situation.

Nalcor détruit nos terres autochtones du Labrador et empêche les Inuits et les Innus de chasser sur leur territoire ancestral. Cependant, le chef du gouvernement, qui est censé régler ces problèmes, est la même personne qui dirige notre province, la province qui, techniquement, possède l’entreprise qui est en conflit avec un très grand nombre de groupes autochtones. Je réclame que, dorénavant, il soit prévu qu’aucun représentant politique des affaires autochtones ne soit le seul dirigeant d’une province.

Concernant ces éléments, je voudrais vous rappeler que les centres d’amitié devraient bénéficier des mêmes possibilités de financement que les autres centres d’amitié, car nous offrons bon nombre des programmes et services qu’offrent d’autres organisations autochtones. Nous sommes seulement dans un milieu urbain.

Ensuite, les sociétés de mise en valeur des ressources naturelles doivent tenir des consultations auprès des collectivités et être approuvées par les gens des localités avant que commence tout projet.

Finalement, les portefeuilles autochtones devraient être détenus par des Autochtones qui viennent de la région en question, pas par le seul dirigeant de la province.

J’espère que mes commentaires ont fait ressortir certains aspects ou qu’ils ont renforcé davantage d’autres aspects que vous avez peut-être déjà abordés.

J’ai une question à vous poser. J’ai remarqué que la sénatrice Dyck a déclaré en décembre de l’an dernier que cette relation nouvellement formée dépendra entièrement du groupe dont il est actuellement question, car les groupes autochtones ne sont pas tous les mêmes. Je me demande si un accord bilatéral sera conclu ou bien à quoi ressembleront les accords qui doivent être mis en place pour chaque groupe autochtone. Comment ces accords seront-ils mis en œuvre par les gouvernements à venir?

Comme l’a déclaré Mme Adamek l’an dernier, il doit y avoir plus d’espace pour permettre à ces types de discussions d’avoir lieu, et je vous remercie d’avoir créé cet espace aujourd’hui. J’ai hâte d’entendre vos commentaires et vos questions.

La présidente : Merci, Andrea.

Le sénateur Patterson : Je vous remercie d’avoir présenté un exposé manifestement très bien réfléchi et bien préparé, et d’avoir donné des conseils très concrets.

Pensez-vous que, si le projet de Muskrat Falls avait respecté les quatre principes que vous avez mentionnés comme étant nécessaires, il est possible que les promoteurs aient pu obtenir le soutien des Inuits? Parce que je crois savoir que les Innus ont conclu un certain type d’entente et que ce sont les Inuits, les membres de votre communauté, qui se sentent vraiment laissés pour compte. Aurait-il été possible de s’organiser pour que la situation en soit une où tout le monde y gagne?

Un grand projet est en cours au Nunatsiavut : la mine de la baie de Voisey. Avez-vous des commentaires à formuler sur le fonctionnement de cette mine et le fait que la mobilisation ou l’embauche d’Inuits du Nunatsiavut au cœur de leurs terres, à Nain, entraînent ou non un plus grand succès?

Mme Andersen : Lorsque tout type de société de mise en valeur des ressources naturelles va sur des terres autochtones, il est toujours question d’une entente sur les répercussions et les avantages. Nalcor a pris une décision intelligente, car, techniquement, le projet de Muskrat Falls n’est mené que sur des terres innues. Ainsi, il a créé l’entente dite de la Nouvelle aube, qui est une entente sur les répercussions et les avantages conclue entre la nation innue, Nalcor et le gouvernement provincial. Toutefois, les Inuits ont des droits sur leur région faisant l’objet d’une revendication territoriale, mais le chantier de Muskrat Falls est situé à l’extérieur de cette région. Les Inuits occupent les terres, mais ils n’ont pas leur mot à dire parce qu’il s’agit davantage d’un territoire innu.

Les aspects qui sont préoccupants pour les collectivités inuites qui sont touchées sont pas mal ceux dont les autres jeunes ont parlé aujourd’hui, relativement à la mise en valeur des ressources et à l’incidence qu’a l’infrastructure routière sur les collectivités. Je sais que le conseil communautaire de Happy Valley-Goose Bay doit dépenser plus de fonds pour la réparation des routes en raison de l’équipement lourd qui y circule au quotidien et de la congestion causée par le transport des gens qui vont travailler. Cette situation ralentit la vie quotidienne de la collectivité en tant que telle.

Aucune planification des interventions n’a lieu entre la société et ces collectivités, alors, la seule responsabilité de Nalcor, si le barrage se rompt ou cède, consistera à appeler la ville et à dire: « Oh, le barrage a cédé. » Les responsables de la société ont déclaré qu’ils ne sont pas responsables à l’égard de tout financement ou de quoi que ce soit qui aille en ce sens afin de contribuer à la planification des interventions d’urgence. Ainsi, quand la collectivité de Mud Lake a été évacuée, le mois dernier, Nalcor n’a pas eu à dépenser un sou, même s’il avait fait monter le niveau de l’eau parce qu’il avait soulevé certaines des portes du barrage.

Pour ce qui est des collectivités, elles veulent simplement être entendues. Elles veulent comprendre ce qui se passe. Il n’y a aucune communication pour leur dire: « Voici ce que nous faisons. Qu’en pensez-vous, et comment pouvons-nous procéder à partir de là? » Parce que l’entreprise est tout simplement arrivée et a fait ce qu’elle avait dit qu’elle allait faire. Il n’y a eu aucun apport. Je pense qu’il faut que cette communication soit établie afin que tout le monde soit sur la même longueur d’onde.

En ce qui concerne la mine de la baie de Voisey, c’est différent, car elle se situe dans la région faisant l’objet d’une revendication territoriale par le gouvernement inuit du Nunatsiavut, alors les Inuits ont une plus grande emprise sur cette région. Ainsi, leurs processus d’embauche sont en place, ils ont les bourses d’études pour les jeunes, et ils ont de nombreuses occasions de formation permettant aux jeunes d’entrer dans les mines et de les regarder. Ils ont des possibilités de formation permettant aux gens d’obtenir un emploi dans la région. Selon moi, il s’agit d’un très bon exemple de comment un projet de mise en valeur des ressources naturelles devrait être mené.

La société minière a travaillé avec les Inuits. Par exemple, un navire de transport s’y rend tous les ans et brise la glace, et les Inuits ne peuvent plus traverser cette plaque de glace flottante. Ce que la société minière a fait, c’est dresser un plan pour la création d’un pont afin que les Inuits puissent encore traverser pour aller chasser sur leurs territoires ancestraux.

Nombre d’éléments doivent être mis en place, et la société minière de la baie de Voisey a fait cela parce que les dirigeants inuits se sont assurés que ces choses étaient faites.

Dans le cas de Muskrat Falls, c’est différent, parce que le projet appartient au gouvernement et que les responsables ont communiqué avec la nation innue avant que le peuple ne comprenne pleinement à quoi le projet allait ressembler.

Le sénateur Sinclair : Je veux commencer par faire remarquer que vous êtes très percutante pour une si petite personne.

Mme Andersen : Merci.

Le sénateur Sinclair : C’était censé être un compliment; je veux que vous le sachiez.

J’ai écouté attentivement ce que vous aviez à dire, en particulier au sujet de la question du développement et du besoin de participation, de consultation et même, implicitement dans les propos que vous avez tenus, de consentement. Si je vous ai bien comprise, et corrigez-moi si je me trompe, j’ai cru vous entendre dire que l’un des éléments que vous voudriez voir mis en place, c’est la conclusion d’ententes avant que commence le développement.

Mme Andersen : Oui.

Le sénateur Sinclair : Ces ententes supposent une relation axée sur le consentement. Avez-vous déjà vu une telle situation se produire, que vous pourriez indiquer en guise d’exemple?

Mme Andersen : Oui. Le Labrador est très riche en ressources naturelles, tout comme le reste du Canada, mais j’en parle parce que c’est de là que je viens. J’ai un exemple. L’uranium est une ressource vraiment importante, et Aurora Energy est une société qui a tenté d’exploiter des mines d’uranium. Avant même d’avoir procédé à toute prospection, elle a tenu des rencontres communautaires et a dit: « Voici ce que nous comptons faire. Qu’en pensez-vous? » Elle s’est assurée d’obtenir les commentaires de personnes qui avaient déjà travaillé dans le domaine de la prospection et d’entendre le point de vue des jeunes. Des représentants se sont rendus dans les écoles et ont parlé aux jeunes pour leur dire: « Voici ce que nous envisageons de faire. Qu’en pensez-vous? »

Ils ont également fait des visites mensuelles, sinon annuelles, dans chaque collectivité qui allait être touchée, concernant ce que la société voulait faire, puis ils se sont assurés que toutes les activités — comme la communication de ce que la société faisait — avaient lieu.

Aucun accord n’a été conclu parce que, tant que la société possède son permis afin de mener ses activités sur les terres, elle n’est pas tenue d’obtenir le consentement de la collectivité en question.

Je pense qu’il y a là une occasion. Je ne sais pas si c’est de ressort fédéral ou provincial, mais, une fois que l’on obtient ce permis ou cette licence pour effectuer de la prospection, il doit y avoir une étape à laquelle on est tenu de consulter d’abord la collectivité, puis d’obtenir un consensus majoritaire de la part des collectivités les plus touchées.

Je ne sais pas si c’est quelque chose qui pourrait être mis en œuvre, mais c’est une idée.

Le sénateur Sinclair : Simplement pour clarifier, s’agit-il de la société qui mène ses activités dans l’une des régions inuites visées par un règlement en matière de revendications territoriales?

Mme Andersen : Oui. C’est différent parce qu’il y a une région qui fait l’objet d’une revendication territoriale, alors la société doit être responsable. Et disons que c’est une autre paire de manches lorsqu’on a affaire à d’autres projets de mise en valeur des ressources naturelles, comme des pipelines et de la fracturation hydraulique, car aucune revendication territoriale n’empêche les gens de faire cela.

Selon moi, on devrait envisager l’établissement de cette étape dans le processus d’octroi ou de demande de permis, afin que ces consultations communautaires soient tenues avant que quelque chose soit fait; on commencerait ensuite à tenir ces consultations communautaires.

Le sénateur Sinclair : Merci.

La présidente : Merci, Andrea.

Je voudrais adresser votre question au comité Merci beaucoup d’être retournée dans notre passé et de vous être penchée sur les résultats de notre rencontre avec les jeunes leaders, l’an dernier. Pensez-vous que nous devrions retourner examiner leur témoignage? Le nombre de jeunes leaders que nous avons accueillis était effectivement plus petit l’année précédente. Pensez-vous qu’il serait une bonne idée que nous retournions consulter ces transcriptions et que nous tenions compte des commentaires de ces jeunes dans le cadre de notre étude actuelle? À ce moment-là, nous avions un mandat général.

Vous aviez une question très précise. Nous ne savons pas ce que nous allons recommander dans cette étude. Pensez-vous que nous devrions retourner en arrière et tenir compte de ces témoignages et les intégrer à ceux de l’étude en cours?

Mme Andersen : Oui, car certains des sujets qui avaient été abordés, surtout la prévention du suicide et la crise du logement dans le Nord, sont des choses qui doivent également être réglées.

La présidente : Merci de cette réponse.

Nous allons maintenant passer à notre dernier jeune leader de la soirée, Chris Tait. Bienvenue Chris.

Chris Tait, à titre personnel : Formidable. Salut, tout le monde. Je m’appelle Chris Tait. Je viens de Vancouver, en Colombie-Britannique. Actuellement, je fréquente une école, et j’essaie de terminer ma 12année. Je m’affaire aussi à devenir photographe et à me faire connaître des gens. Ce sont des choses très passionnantes.

Je travaille également dans un centre communautaire, à l’élaboration de divers projets et initiatives. Dans le cadre de certains de ces projets et initiatives, nous étudions la possibilité d’établir des partenariats au sein de la collectivité afin de l’aider à participer aux activités du centre communautaire où je travaille précisément, et la façon dont nous pouvons faire participer les familles autochtones. C’est quelque chose qui m’a toujours pas mal passionné, et ce n’est qu’au moment où j’ai reçu l’appel concernant l’emploi que cela a été quelque chose que je voulais vraiment faire.

Quand j’étais plus jeune, comme le mentionnent ma biographie et ma candidature, j’ai commencé à prendre la parole en public quand j’avais 15 ans; je parlais de mon expérience de vie en famille d’accueil. C’était une façon très intéressante et inhabituelle de m’investir dans la cause. Un de mes amis m’avait invité à une conférence, et on m’a ensuite invité à prendre la parole et à parler de certaines des choses que j’aimais et que je n’aimais pas au sujet de la vie en famille d’accueil. J’avais 15 ans. Je n’étais aucunement un orateur public, officiellement. Je suis devenu très enthousiaste parce que c’était la première fois qu’on m’invitait à parler de mon histoire. Je la racontais souvent à mes amis et à des gens qui n’avaient pas grandi en famille d’accueil ainsi qu’à mes amis non autochtones, mais jamais à un grand public composé de personnes qui travaillent dans le système de placement en familles d’accueil.

Alors, j’ai dit oui. On m’a accordé une heure. Essentiellement, je me suis plaint au sujet de l’endroit où je vivais à ce moment-là, car je n’aimais pas les conditions ni les autres personnes avec qui je vivais. J’étais beaucoup plus jeune, alors j’étais un peu plus franc et j’ai affirmé que je n’aimais pas cela. Je crois qu’on m’a cité comme ayant dit que les familles d’accueil, c’est nul.

J’ai parlé du fait que ma travailleuse sociale ne répondait pas à mes appels et qu’on ne m’écoutait pas. Tout d’un coup, on s’est mis à beaucoup m’écouter, et c’était une expérience très emballante.

Je n’ai jamais pensé que je me constituerais un jour un fan-club parce que je m’étais plaint au sujet de ma situation de vie actuelle, mais il semble que ce soit possible, ce qui était très palpitant.

J’ai eu l’occasion d’aller faire d’autres discours publics. On n’arrêtait pas de me demander de revenir. Chaque fois que je retournais quelque part, je tentais d’ajouter quelque chose, car je peaufinais encore mon histoire sur la vie en famille d’accueil.

J’ai eu un excellent mentor, une personne qui m’aidait à parler clairement, à dire ma vérité et à ne pas simplement être une histoire triste typique de jeune garçon autochtone, comme nous appelions toujours cela.

Je suis une personne qui, depuis qu’elle est toute petite, a toujours eu son franc-parler. Probablement que tous mes anciens parents d’accueil vous diraient que je parle trop. Maintenant, on me paie pour être un conférencier.

On ne sait jamais ce à quoi peuvent mener des débuts modestes. Il était très fascinant d’observer cette évolution au cours de ma période de conférencier, comme je l’appelle.

En 2009, j’ai remporté un prix pour mes réalisations et mon excellence en tant que jeune. Je ne m’en souciais pas, à l’époque. Je me disais: « Qu’importe. » C’est simplement quelque chose qui permet aux responsables de dire: « Oh, regardez, nous lui avons remis un prix. » À ce moment-là, je ne me rendais pas compte de l’importance qu’avait ce prix.

Après, cela j’ai rencontré des personnes sympathiques, et j’ai continué à travailler. J’ai été invité à faire partie d’un conseil qui travaille directement auprès du ministère du Développement de l’enfance et de la famille, où j’ai contribué à la Youth Engagement Toolkit et à divers autres projets, à l’élaboration de nouveaux dépliants. Il s’agissait d’un nouveau moyen qu’étudiait le ministère pour travailler auprès des jeunes, ce qui était formidable, à mes yeux, car il s’agissait des personnes que je voyais généralement sous un jour négatif. Il était fascinant de me rendre au bureau régional, puis au bureau provincial, et de voir comment cela fonctionne et de rencontrer les personnes dans les coulisses.

Quand je vivais en famille d’accueil, je n’ai pas eu l’occasion de rencontrer beaucoup des gens qui prenaient les décisions, puis il y a les grandes décisions relatives au financement et à ses bénéficiaires, puis des décisions encore plus importantes. Il était palpitant pour moi de voir comment le système fonctionnait depuis le sommet.

Ensuite, j’ai remporté un prix national, et c’est la première fois que je suis venu à Ottawa, ce qui était formidable. Cet événement a eu beaucoup d’importance pour moi. J’ai été nommé. On m’avait dit que des milliers de personnes étaient nommées. Une personne de Vancouver avait remporté le prix l’année précédente. Je me disais que je n’avais aucune chance, que c’était impossible. Je l’ai remporté. Je me souviens d’avoir reçu l’appel. J’étais en transition pour sortir d’une famille d’accueil et aller vivre seul. Je faisais les magasins pour trouver toutes les choses dont j’avais besoin afin d’être un adulte. Tout le monde le fait à un moment ou à un autre dans sa vie. À mes yeux, c’était très emballant. Ensuite, j’ai travaillé sans cesse à mon propre perfectionnement, pour concrétiser ce que je veux voir, les changements dans le système, certaines modifications des politiques.

Aujourd’hui, je contribue à des initiatives qui, je crois, aident à la réalisation de certains des éléments clés auxquels j’accorde de la valeur, c’est-à-dire la permanence pour les jeunes, que ce soit par le logement ou par un réseau de soutien qu’ils établissent avec des personnes non rémunérées. Quand on grandit en famille d’accueil, on rencontre beaucoup de gens, mais, malheureusement, il y a beaucoup de relations « rémunérées », les gens qui évoluent près de vous. En Colombie-Britannique — je devrais probablement y aller doucement —, quand on atteint 19 ans, on devient trop âgé pour être en famille d’accueil, et on perd beaucoup du soutien financier et des gens qu’on considère comme ses alliés.

J’ai eu assez de chance pour qu’un grand nombre des personnes dont le soutien était rémunéré ont également voulu continuer après mes 19 ans, parce qu’ils voyaient beaucoup de potentiel en moi. J’ai eu beaucoup de chance. Beaucoup de personnes m’ont aidé à faire des choses comme obtenir un logement, me procurer un divan, un lit et les articles de base qui m’ont permis de travailler en vue de faire d’autres choses que j’aime vraiment faire.

Mes expériences en famille d’accueil n’ont pas toutes été positives. Chose certaine, j’ai vécu dans plusieurs foyers où c’était étrange d’arriver et de voir la surprise des parents lorsqu’ils constataient que j’étais autochtone. Je leur parlais au téléphone, puis je me présentais; ils ne croyaient pas que j’étais autochtone. Je disais: « Super, je ne pensais pas que vous étiez comme ça, et voilà. »

Il y a bien d’autres choses que j’ai mentionnées en présentant mes exposés. Je ne voulais pas ressasser les mêmes vieilles choses dont j’ai déjà parlé.

Pour les années à venir, j’aimerais entre autres qu’on mobilise davantage les jeunes, d’abord à l’échelle locale, puis, je l’espère, à l’échelle provinciale et au-delà, et aussi qu’on trouve des moyens d’amener les peuples autochtones à y prendre part.

En ce qui me concerne, quand j’ai commencé à me renseigner au sujet des statistiques et des différents chiffres liés au placement en famille d’accueil, parce que je voulais faire davantage de recherche et en apprendre plus, j’ai découvert qu’il y avait un pourcentage élevé d’enfants autochtones placés en famille d’accueil en Colombie-Britannique, même si nous ne représentons que 2 p. 100 de la population, je crois. Cela est très inquiétant.

Quand je me suis assis et que j’y ai réfléchi, j’ai constaté que la plupart des gens que j’avais rencontrés, la majorité de mes mentors, étaient des Autochtones placés en famille d’accueil dans leur jeunesse qui sont devenus trop vieux pour le système, qui sont devenus des anciens et qui m’ont aidé à poursuivre ma route.

Où en suis-je maintenant? J’essaie de faire beaucoup de sensibilisation. Ce sont les projets que j’aimerais mener à bien et faire progresser. Actuellement, je suis chef/assistant de programme pour RISE au centre communautaire Hastings. J’ai obtenu une bourse pour réaliser un projet photovoix. Je vais l’appeler « Picturing community », soit « Images de la communauté », et le projet se fera en collaboration avec des jeunes de diverses régions autour de Vancouver, que j’espère recruter moi-même et avec qui j’aimerais travailler pour connaître leur point de vue au sujet de ce qui, selon eux, constitue une communauté. Nous avons tous notre propre vision de ce à quoi ressemble une communauté, et nous avons tous une communauté que nous considérons comme la nôtre. Chacun a son opinion quant à la façon dont nous pouvons nous appuyer sur elle, y favoriser la mobilisation et l’améliorer.

J’essaie aussi de perfectionner mes compétences en photographie et mes propres aptitudes en même temps. J’aime beaucoup faire de la photographie. Je pense que c’est la meilleure façon d’apprendre à connaître quelqu’un, et il y a toujours quelqu’un qui a besoin d’une photo. C’est aussi formidable.

La présidente : Merci, Chris.

La sénatrice Pate : Merci, Chris. Il me semble que vous et Stephen devriez présenter une exposition l’année prochaine en parallèle de l’événement, avec tous ceux d’entre vous qui sont des artistes également. Je pense que ce serait formidable.

Nous pourrions penser à une manière d’utiliser les médias sociaux, mais je ne m’y connais pas beaucoup en technologie; nous allons donc laisser cela à d’autres.

Je suis curieuse. On dirait que vous avez collaboré avec le Réseau national des jeunes pris en charge. Était-ce dans le cadre d’une conférence? Cet organisme mène, à l’échelle nationale, certaines activités de sensibilisation semblables aux vôtres.

M. Tait : Oui, un peu. Depuis que j’ai commencé mon nouvel emploi, j’essaie d’aider autrement, en faisant du bénévolat et d’autres choses. Je suppose que oui, dans une certaine mesure, pour répondre à la question.

La sénatrice Pate : Y a-t-il des choses que vous faites dont vous aimeriez nous parler de sorte que nous puissions nous assurer de diffuser l’information, si ce n’est pas par le truchement de certains de ces réseaux nationaux?

M. Tait : Bien sûr. Est-ce que vous parlez des différents travaux de sensibilisation que j’aimerais réaliser? Ils sont si nombreux.

Chose certaine, j’aimerais qu’on assure une meilleure stabilité des jeunes en famille d’accueil. Il y a tellement de cas de jeunes placés en famille d’accueil qui déménagent beaucoup. Parfois, le nombre de déménagements est ahurissant. Deux, c’est déjà trop, mais j’ai entendu des chiffres indécents. Lorsque vous déménagez beaucoup, que vous n’avez pas de port d’attache ni de base solide, un endroit où vous établir, vous avez vraiment l’impression que vous n’arriverez jamais à vous concentrer sur vos grands rêves et vos grandes aspirations. C’est une cause que je défends et dont je parle depuis l’âge de 16 ans, environ.

J’ai vécu une expérience malheureuse : une personne m’avait approché et avait dit qu’elle adopterait mes frères et qu’elle voulait m’adopter moi aussi. J’étais d’accord, mais c’était davantage pour être avec mes frères que pour être adopté. Ça n’a malheureusement pas fonctionné entre cette personne et moi. Nous avions simplement — que disent les vedettes? — des différends irréconciliables.

J’essaie de faire valoir la stabilité. L’adoption n’est pas la seule façon d’assurer la stabilité dans la vie des jeunes. On peut créer plus d’options d’hébergement pour eux, bâtir un réseau de soutien qui peut leur permettre de devenir des maîtres de l’informatique, par exemple, d’aller à l’université ou de faire différentes choses. J’essaie de trouver d’autres solutions pour les gens, comme des métiers et d’autres options.

J’essaie de faire des recherches à propos de l’âge où on devient trop vieux pour le système, soit 19 ans, et de voir à quoi ça ressemblerait si l’âge était différent ou qu’il était possible d’obtenir du soutien après 19 ans. Je ne veux pas vous ennuyer. Il y a beaucoup de projets, mais je dirais que ce sont les deux principaux.

La sénatrice Pate : Merci.

Avez-vous fait de la sensibilisation au sujet du lien entre le fait que des jeunes, particulièrement des jeunes Autochtones, finissent par être confiés à l’État et le fait qu’ils soient presque acculés à la prison, ou avez-vous étudié cette question?

M. Tait : Pas beaucoup, personnellement. J’ai certes été en communication avec diverses organisations et d’autres gens qui font ce travail.

J’apprends toujours. Je pense que c’est très important. Il y a un nombre effarant de jeunes, particulièrement en Colombie-Britannique, qui, à l’heure actuelle, deviennent trop vieux pour le système et se retrouvent sans-abri. Cela mène ensuite à des comportements comme la toxicomanie et le suicide. Très souvent, les médias se tournent vers moi et me demandent de me prononcer sur la question. Je réponds: « Eh bien, ce n’est pas à moi que vous devriez poser la question. Vous deviez demander aux gens de cette communauté. » À bien des égards, je ne fais que raconter mon histoire. Je ne peux me prononcer sur la question.

En ce qui me concerne, oui. J’apprends encore beaucoup sur le sujet. J’étais consterné lorsque j’ai pris connaissance de certains chiffres et de certaines statistiques. C’est déplorable.

La sénatrice Pate : Merci, Chris. Merci de tout le travail que vous faites.

La sénatrice McPhedran : Chris, je vais reprendre à peu près là où vous vous êtes arrêté dans votre réponse à la question de la sénatrice Pate. Je dois souligner que, dans toute la recherche dont nous disposons au sujet du trafic sexuel au Canada, un pourcentage nettement disproportionné de jeunes Autochtones sont la cible d’individus qui s’adonnent à la traite de personnes. Manifestement, vous avez vu beaucoup de choses et vous avez parlé précisément du fait de devenir trop vieux pour le système. Pensez-vous qu’il y a un lien entre cette réalité et la vulnérabilité au trafic sexuel?

M. Tait : Il y a définitivement un lien selon moi. Je viens tout juste d’atteindre cet âge, et je peux vous dire que c’est très brusque; on vieillit si rapidement. Maintenant, je me dis: « D’accord, maintenant, je suis autonome. Je peux appeler telle et telle personne, et c’est tout. » J’ai eu assez de chance, car de nombreuses personnes ont voulu continuer de m’aider, parce que quand j’étais plus jeune, j’avais eu beaucoup d’énergie, et un nombre infini de possibilités s’offraient à moi.

Pour répondre à la question, je pense qu’il serait très intéressant de voir quel type de recherche existe déjà à ce sujet; peut-être qu’il n’y en a pas du tout.

La sénatrice McPhedran : Il y en a.

M. Tait : Personnellement, j’aimerais vraiment voir ce qui s’est déjà fait.

Le sénateur Patterson : Nous étudions la nouvelle relation que le gouvernement fédéral actuel a qualifiée de hautement prioritaire. Dans ma région du Nunavut, le premier ministre a déjà organisé une rencontre avec les présidents de toutes les associations régionales inuites, et on a mis sur pied un sous-comité. Il y aura des rencontres avec quatre ou cinq ministres plus d’une fois par année, et le premier ministre prendra part à une rencontre une fois par année.

J’écoute ce que vous dites, et j’entends votre appel au sujet de la mobilisation des jeunes. J’écoute Jacquelyn Cardinal parler du soutien des initiatives locales et Tiffany dire qu’il faut parler avec les gens touchés, et je me demande si vous êtes d’accord pour dire qu’au lieu d’une approche descendante qui... je ne veux pas critiquer le premier ministre. C’est un noble effort, mais on discute avec les plus hauts dirigeants des organisations autochtones.

Nous cherchons à visiter les régions, différents coins du pays, dans le cadre du prochain volet de l’étude. J’aimerais savoir si vous nous recommandez de tendre la main aux gens comme vous, qui travaillent dans un centre communautaire, sollicite la participation des familles, travaille avec les jeunes et recommande la mobilisation des jeunes. Si nous nous rendons dans les régions, nous pourrions faire l’effort de tisser des liens avec les personnes touchées, ces personnes dont vous parlez, plutôt qu’avec les dirigeants élus d’organisations politiques qui sont en place depuis des décennies.

Est-ce une bonne voie à suivre? Croyez-vous que des gens comme vous pourraient nous aider à rencontrer ces jeunes à qui nous devrions parler, selon vous, qui représentent une partie importante — et croissante — de la population autochtone?

M. Tait : Oui. Lorsque j’avais 17 ou 18 ans environ, j’ai compris que, en principe, ma travailleuse sociale travaillait pour moi, et que son emploi se limitait au bureau. Elle passait certaines de ses journées à me rencontrer. Quelqu’un m’a dit cela, et je ne m’en étais pas rendu compte. Je croyais que je n’avais qu’à prendre le téléphone pour l’appeler et lui demander de la voir. On m’a dit: « En fait, elle est censée défendre tes intérêts, alors quand tu la verras aujourd’hui, dis-lui que tu dois manger et vois ce qui se passe. » Je trouvais l’idée très étrange, mais je le faisais.

Je l’ai rencontrée, et elle me parlait de la possibilité de déménager de nouveau, blablabla. J’ai répondu: « C’est super. Est-ce qu’on peut aller dîner? » Elle m’a demandé où je voulais aller. Je me suis dit: « Bon sang. Elle défend vraiment mes intérêts. »

Lorsqu’on leur donne la possibilité, beaucoup de jeunes personnes, comme nous l’avons vu ici aujourd’hui, peuvent parler et veulent le faire. Les jeunes placés en famille d’accueil sont même confrontés à de nouveaux problèmes très différents de l’époque où j’étais en famille d’accueil, mais ce sont probablement les mêmes problèmes qui surviennent concernant l’atteinte de l’âge maximal, les déménagements et le manque de relations stables. Il y a trop de gens qui entrent dans la vie de ces jeunes et qui en sortent; il est difficile pour eux d’établir des liens avec quiconque. Puis, à 19 ans, ils sont laissés à eux-mêmes, et qu’est-ce qu’il leur reste? Rien.

J’ai vu des jeunes que je connaissais personnellement — j’ai essayé de les guider et de leur trouver des emplois et ainsi de suite — changer du tout au tout: ils vivaient dans la rue et maintenant ils vivent dans l’immeuble pour artistes où j’habite. Ils m’ont succédé et ils sont allés encore plus loin.

On pourrait commencer par leur donner l’occasion d’être entendus, ou on pourrait leur accorder un peu de temps avec Justin Trudeau ou toute autre personne présente. C’est très important. Les personnes qui se présenteront ce jour-là sont celles qui devraient y être également.

Je souscris à la suggestion de visites régionales. Elles sont très importantes et utiles. J’aimerais pouvoir y contribuer.

La sénatrice Raine : Merci beaucoup, Chris. C’était très intéressant aujourd’hui.

Je ne sais pas grand-chose du système de placement en famille d’accueil. Je crois comprendre qu’il diffère d’une province à l’autre. Mais il me semble que si l’on croit qu’un enfant sera transféré de foyer d’accueil en foyer d’accueil, il faut trouver un moyen — et vous êtes passé par là; vous seriez peut-être bien placé pour vous pencher sur la question — de cerner les compétences que la plupart des enfants apprennent de leur famille. Comment ces compétences et cette expérience peuvent-elles être transmises à ces personnes à l’aide d’un groupe d’appui qui les accompagne tout au long de ce parcours?

Est-ce quelque chose que vous pourriez concrétiser et sur lequel vous pourriez peut-être travailler? Cela doit se faire; vous avez absolument raison.

M. Tait : Personnellement, j’ai acquis de nombreuses compétences, comme la capacité de parler avec différentes personnes et de traiter tout le monde équitablement, même si la plupart du temps, j’avais l’impression que mes parents étaient sous-payés et que c’était probablement pour cette raison qu’ils ne m’aimaient pas. Je faisais toujours des blagues à ce sujet quand je vivais dans des familles d’accueil: « Ils ne font tout simplement pas leur travail de la bonne façon. Ils ne sont pas suffisamment payés. »

Je parle à des jeunes qui sont actuellement en famille d’accueil et je leur demande à quoi ça ressemble de vivre dans une famille d’accueil de nos jours, et ils me répondent: « Tu n’as pas idée. C’est très différent. » Ils commencent à parler de certains problèmes fondamentaux auxquels ils sont confrontés, et je leur dis que j’ai vécu ces problèmes. Je n’avais pas Twitter ni Facebook à l’époque, mais c’est le même combat, en fin de compte: les questions de la stabilité et des grandes difficultés qui entourent le logement et le fait de réussir à atteindre des objectifs autres que le simple fait de trouver un logement, particulièrement à Vancouver. C’est ridiculement cher.

Je pense que c’est important de travailler avec ces jeunes personnes et de les aider à grandir, parce que beaucoup d’entre elles ont des compétences et d’autres choses en veilleuse. Chaque fois que je rencontre des jeunes, que je les voie dessiner ou faire ce genre de choses, et je leur dis: « C’est vraiment super; qu’est-ce que c’est? » Et ils me montrent ce truc d’animation et je suis surpris et leur dis que c’est le genre d’idée de dessin animé qu’on devrait confier à un ponte de la technologie, et ils me répondent qu’ils le font pour le plaisir. Je leur dis: « Vous êtes en train d’amorcer une carrière, et vous n’en êtes pas conscients ».

Ces jeunes ont tellement de potentiel. En ce qui me concerne, lorsque je me suis rendu compte que je pouvais parler en public et changer les choses, c’est à ce moment-là que j’ai compris que je pouvais demander des sommes d’argent ridicules pour le faire parce que je suis le seul jeune Autochtone qui le fait. Je suis une denrée rare. Quand j’ai commencé à comprendre cela, les choses se sont mises en place pour moi.

Je pense que je pourrais aider les jeunes à perfectionner leurs compétences, si je comprends bien la question, et les aider à travailler leurs faiblesses.

Je pense que le plus grand aspect sur lequel il faut se pencher en matière de placement en famille d’accueil, c’est la résolution de conflits et la transparence entre les parents d’accueil et les jeunes, parce que quand j’étais en famille d’accueil, j’avais le sentiment que je n’avais pas un mot à dire. Mes parents d’accueil avaient leur mot à dire. Je déménageais. J’avais un dossier, et les gens pouvaient le lire et avoir cette impression. Je leur disais alors: « C’était moi hier, pour être honnête. Je suis une personne différente, aujourd’hui. Je ne sais pas qui je serai demain, mais je peux vous dire que ce n’est pas moi. » Je pense que mon expérience avec certaines personnes en dit long sur le sujet. C’est étrange de penser aujourd’hui que je suis plus près des familles d’accueil au sein desquelles j’ai vécu par le passé — mais en tant qu’adulte maintenant —, car elles sont de vrais alliés. Ces personnes soutiennent mon travail à 100 p. 100. Parfois, lorsque je les vois, j’ai envie de dire: « Vous savez, j’aurais vraiment aimé avoir votre soutien lorsque j’étais en famille d’accueil, mais ça va. » Il faut pardonner et oublier.

Je pense que certaines mesures sont déjà en place précisément pour perfectionner les compétences des jeunes placés en famille d’accueil et pour trouver des façons de leur procurer du financement pour l’école ou peu importe ce dont ils ont besoin. Il y a tellement de possibilités pour les jeunes aujourd’hui, en famille d’accueil ou non, particulièrement pour les jeunes Autochtones.

La présidente : Nous avons dépassé le temps que nous avions de quelques minutes, mais cela en valait certainement la peine. Notre greffier vient tout juste d’écrire: « Wow. »

La soirée a été incroyable. C’était extraordinaire de recevoir neuf jeunes leaders comme vous. Vous nous avez fait entendre la voix de votre sagesse et nous avez fait connaître la réalité, mais vous nous avez aussi donné quelques idées concrètes pour aller de l’avant.

Au nom de tous les membres du comité, je vous remercie d’avoir été parmi nous ce soir et de nous avoir livré ces incroyables témoignages, qui orienteront notre étude. Nous resterons en contact avec vous tout au long de ce parcours, j’en suis sûr. Merci beaucoup.

Des voix : Bravo!

(La séance est levée.)

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