LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES PEUPLES AUTOCHTONES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mardi 27 février 2018
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd’hui, à 9 heures, pour poursuivre l'étude du projet de loi C-45, Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d’autres lois, dans la mesure où il concerne les peuples autochtones du Canada.
[Français]
Mark Palmer, greffier du comité : Honorables sénateurs, il y a quorum. En tant que greffier du comité, il est de mon devoir de vous informer de l’absence forcée de la présidente et du vice-président —
[Traduction]
… et de présider à l’élection d’un président suppléant.
Je suis prêt à recevoir une motion à cet effet.
La sénatrice Pate : Je propose que le sénateur Patterson assume la présidence de cette séance.
M. Palmer : L’honorable sénatrice Pate propose que l’honorable sénateur Patterson soit président de ce comité.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
M. Palmer : Je déclare la motion adoptée.
Le sénateur Dennis Glen Patterson (président suppléant) occupe le fauteuil.
Le président suppléant : Bonjour à tous. Je vous remercie de la confiance que vous m’accordez, honorables sénateurs.
Je souhaite la bienvenue à tous les honorables sénateurs et aux membres du public qui sont ici même, dans la pièce, ou qui regardent la séance du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones sur le Web.
Dans un esprit de réconciliation, je tiens à souligner que notre séance a lieu sur les terres ancestrales et non cédées du peuple algonquin.
Je m’appelle Dennis Patterson. Je présiderai la séance de ce matin du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. J’invite maintenant mes collègues à se présenter, en commençant à ma gauche.
La sénatrice Lovelace Nicholas : Sénatrice Lovelace Nicholas, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Pate : Kim Pate, de l’Ontario.
La sénatrice Boniface : Gwen Boniface, de l’Ontario.
La sénatrice McCallum : Mary Jane McCallum, du Manitoba.
Le sénateur Doyle : Norman Doyle, de Terre-Neuve-et-Labrador.
Le président suppléant : Aujourd’hui, nous commençons l’étude préalable du projet de loi C-45, plus particulièrement en ce qui concerne les répercussions possibles de la légalisation du cannabis sur les communautés autochtones.
Pour commencer, nous entendrons ce matin des témoignages de fonctionnaires. Nous recevons, du ministère des Services aux Autochtones Canada, Valerie Gideon, sous-ministre adjointe principale par intérim, Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits; du ministère des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord Canada, Sheilagh Murphy, sous-ministre adjointe, Terres et développement économique; de Santé Canada, Eric Costen, sous-ministre adjoint par intérim, Direction générale de la légalisation et de la réglementation du cannabis; du ministère de la Justice Canada, Diane Labelle, avocate générale, et Stefan Matiation, directeur et avocat général; et de Sécurité publique Canada, Trevor Bhupsingh, directeur général, Direction générale de l’application de la loi et des stratégies frontalières.
Je crois que nous commencerons par les observations préliminaires de Santé Canada pour ensuite entendre les représentants des autres ministères. Après les exposés, les sénateurs pourront poser des questions.
Monsieur Costen, vous avez la parole.
Eric Costen, sous-ministre adjoint par intérim, Direction générale de la légalisation et de la réglementation du cannabis, Santé Canada : Avant de commencer, je tiens à souligner, à mon tour, que notre rencontre a lieu sur le territoire traditionnel non cédé de la nation algonquine.
J’aimerais prendre quelques instants pour vous présenter mes collègues, qui m’aideront à vous fournir des renseignements qui vous seront utiles dans l’étude du projet de loi C-45.
Sheilagh Murphy dressera le portrait des relations du gouvernement avec les peuples autochtones, en s’attardant notamment aux occasions de développement économique favorisant la participation autochtone à l’industrie du cannabis.
Valerie Gideon présentera les mesures de soutien en matière de santé mentale et de toxicomanie financées par le gouvernement fédéral et offertes aux Premières Nations et aux Inuits, au sein et à l’extérieur de leurs communautés.
Nous sommes bien sûr accompagnés de nos collègues Diane Labelle, Stefan Matiation et Trevor Bhupsingh.
Je donnerai pour ma part un aperçu de notre engagement auprès des Premières Nations, des Inuits et des Métis en vue de la mise en œuvre du nouveau cadre de légalisation et de réglementation rigoureuse du cannabis.
Je décrirai également comment Santé Canada aide les parties autochtones concernées à obtenir un permis fédéral de production et de vente de cannabis à des fins médicales dans le cadre réglementaire existant.
Comme le savent les membres de ce comité, le gouvernement s’est engagé très clairement à établir des relations solides, respectueuses et ouvertes avec les peuples autochtones. Cet engagement, qui guide nos travaux depuis les premières étapes de l’élaboration du cadre fédéral de légalisation et de réglementation rigoureuse du cannabis, demeure à l’avant-plan.
En juin 2016, le gouvernement a confié au Groupe de travail sur la légalisation et la réglementation du cannabis le mandat de mener des consultations auprès d’un vaste éventail d’intervenants, y compris des gouvernements et des organismes autochtones, afin de recueillir leur avis sur la conception de ce nouveau cadre législatif et réglementaire. Le groupe de travail a ainsi pu prendre connaissance du point de vue autochtone lors de rencontres avec des experts, de réunions bilatérales et d’une table ronde consacrée exclusivement à cet objectif.
Le rapport final du groupe de travail souligne la nécessité pour le gouvernement de continuer d’accorder la priorité à la consultation des gouvernements et des organismes autochtones. Nous avons pris acte de cette recommandation, et ce, à tous les échelons de l’organisation.
Au-delà de l’engagement ministériel et des initiatives de sensibilisation menées par la ministre Petitpas Taylor, l’équipe de ma direction générale comprend toute l’importance d’intégrer la perspective autochtone à son travail et elle a fait en ce sens des efforts concertés pour nourrir le dialogue avec les communautés autochtones.
En effet, au sein de ma direction générale, nous avons consacré des ressources au soutien des initiatives de communication et de développement de partenariats avec les Autochtones, selon une approche qui tient compte de la particularité des communautés. Nous comptons sur du personnel autochtone possédant une vaste expérience dans les communautés afin d’appuyer nos efforts de collaboration.
Au cours des derniers mois, nous avons assisté à près de 30 réunions avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis aux quatre coins du Canada, et nous y avons parfois présenté des exposés. Des dirigeants, des aînés, des fournisseurs de services, des jeunes et des experts de bien des secteurs s’y trouvaient. Nous en sommes ainsi arrivés à mieux saisir les points de vue, les intérêts et les réalités uniques des communautés, des organismes et des gouvernements autochtones.
Pour ne donner que quelques exemples, l’automne dernier, nous avons eu l’occasion de passer deux jours en réunion avec des Premières Nations autonomes du Yukon, où nous avons pu recueillir leur opinion sur les taux de consommation du cannabis et l’importance des campagnes d’information axées sur les jeunes.
Nous avons aussi participé à de nombreuses réunions en compagnie de communautés des Premières Nations en Ontario et au Québec — des communautés du Nord comme du Sud, éloignées et proches de centres urbains — qui avaient toutes des opinions à nous transmettre.
Nous avons également entendu les commentaires d’Inuits, plus récemment au Nunatsiavut, au Nunavut et au Nunavik. Nous avons eu le privilège de recueillir directement l’avis de jeunes Inuits, par l’intermédiaire du conseil des jeunes de l’Inuit Tapiriit Kanatami. Ils nous ont décrit le contexte unique des jeunes dans le Nord, ce qui a mis en évidence l’importance d’une campagne d’information publique adaptée à la culture.
Notre objectif est d’être aussi à l’écoute et disponibles que possible afin de collaborer avec les communautés, les organismes et les gouvernements autochtones de partout au Canada.
Il convient aussi de mentionner que nous collaborons étroitement avec l’Assemblée des Premières Nations, l’Inuit Tapiriit Kanatami et le Ralliement national des Métis dans le cadre de réunions bilatérales régulières.
Je vais tenter de résumer le plus exactement possible les points de vue variés que nous avons recueillis durant nos conversations. Trois thèmes revenaient constamment.
Tout d’abord, il y a la santé publique. Les peuples autochtones veulent comprendre les effets du cannabis sur la santé et ses répercussions sociales dans leurs communautés. Ils nous ont expliqué que le passé de colonisation et les traumatismes intergénérationnels qui en découlent ont augmenté le risque de toxicomanie, notamment pour le cannabis. Une campagne d’information publique pertinente et adaptée à la culture ainsi que l’accès à des services de santé mentale et à des soins en prévention et en traitement de la toxicomanie étaient continuellement cités parmi les priorités. Mme Gideon abordera la question des mesures de soutien en santé mentale et en traitement dans son allocution.
Ensuite, l’un des thèmes récurrents est l’établissement des règles locales. Les peuples autochtones veulent comprendre ce que la loi proposée signifie pour leurs communautés — comment s’appliqueront la loi et les règlements dans les réserves et les terres cédées en vertu d’un traité ou octroyées par entente. Nous poursuivons nos échanges avec eux et avec les provinces et territoires afin de soutenir les communautés autochtones dans l’atteinte de leurs divers objectifs.
Finalement, le thème des débouchés économiques était aussi courant. La création d’un marché du cannabis légal et réglementé représente, aux yeux de certaines communautés, une possibilité concrète de développement économique et de création d’emploi. Des communautés ont démontré un grand intérêt à profiter pleinement de ce secteur économique émergent.
[Français]
Je désire maintenant vous donner quelques exemples de la manière dont nous tenons compte des points de vue et des priorités dont on nous a fait part.
Je commencerais par mentionner que le gouvernement investit 46 millions de dollars sur cinq ans dans des activités d’éducation publique, de sensibilisation et de surveillance liées à la légalisation et à la réglementation du cannabis. Nous travaillons avec les dirigeants autochtones pour nous assurer que l’approche que nous avons choisie est respectueuse de leurs valeurs culturelles et que nos efforts répondent à leurs besoins particuliers.
Par l’intermédiaire du ministère des Services aux Autochtones, nous offrons un soutien financier au Groupe de travail sur les répercussions de la légalisation proposée du cannabis de l’Assemblée des Premières Nations, qui a été mis en place pour aider les collectivités des Premières Nations à se préparer à la légalisation et à la réglementation du cannabis.
[Traduction]
De plus, grâce à un financement accordé par les Instituts de recherche en santé du Canada, la Thunderbird Partnership Foundation, un organisme d’experts-conseils autochtones de premier plan axé sur le bien-être, la prévention et le traitement de la toxicomanie, a lancé un projet intitulé « Let’s Talk Cannabis ». Ce projet vise la création de contenu et d’outils dans le but de sensibiliser les gens et de promouvoir un dialogue constructif en vue de la légalisation du cannabis. En collaboration avec des organisations de revendications territoriales inuites, nous veillons à ce que l’information essentielle sur la légalisation et la réglementation du cannabis, ainsi que sur les effets de sa consommation sur la santé, soit transmise partout dans le Nord, y compris en certains dialectes inuktituts.
De même, nous travaillons avec le Ralliement national des Métis pour accroître la participation des Métis et augmenter le nombre d’activités d’information publique ciblées de concert avec ses organisations membres de partout au pays.
Avant de donner la parole à Mme Murphy, qui nous présentera les mesures de soutien que son ministère a mises en place pour appuyer les entreprises autochtones, j’aimerais dire quelques mots sur le travail réalisé par Santé Canada en tant qu’organisme de réglementation de l’industrie existante du cannabis pour usage médical.
L’industrie réglementée actuelle comprend quatre producteurs autorisés par le gouvernement fédéral, qui entretiennent des partenariats étroits avec des communautés et des entreprises autochtones.
Au Nouveau-Brunswick, par exemple, la Première Nation de Listuguj a conclu un partenariat avec Zenabis, un producteur autorisé ayant établi une installation près de la communauté, ce qui a créé des emplois et d’autres débouchés.
Outre les producteurs autorisés qui mènent aujourd’hui leurs activités, le ministère étudie actuellement 14 demandes de permis présentées par des entreprises qui sont détenues et exploitées par des Autochtones ou qui ont des affiliations autochtones étroites.
En réponse à l’intérêt croissant manifesté, Santé Canada a récemment mis au point un service d’orientation, conçu spécialement pour accompagner les demandeurs se déclarant Autochtones à chaque étape du processus d’autorisation. Un professionnel de l’octroi des permis se consacre à les aider à se conformer aux exigences réglementaires et à obtenir une autorisation.
La collaboration avec les populations autochtones demeurera une grande priorité. Le dialogue qui a commencé avec le groupe de travail s’est poursuivi jusqu’à aujourd’hui et il ne ralentira pas de sitôt.
Je cède maintenant la parole à ma collègue Sheilagh Murphy, qui vous parlera au nom du ministère des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord Canada.
Sheilagh Murphy, sous-ministre adjointe, Terres et développement économique, ministère des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord Canada : Je me concentrerai sur deux aspects qui intéressent le comité: la gouvernance et le pouvoir autochtones dans le nouveau cadre juridique et réglementaire en matière de cannabis et les débouchés économiques découlant de la production et de la vente de cannabis.
En ce qui concerne le premier aspect, au cours des derniers mois, les organismes, les gouvernements et les communautés autochtones ont répertorié un vaste éventail d’intérêts et de priorités concernant le cannabis.
La collaboration continue avec les peuples autochtones aide à cerner des approches susceptibles d’appuyer leurs intérêts en ce qui a trait à la production, à la distribution, à la vente, à la possession et à la taxation du cannabis, sans oublier l’application des lois sur celui-ci.
Le pouvoir de réglementation des Autochtones peut découler de diverses sources, notamment des droits reconnus et confirmés par l’article 35 de la Constitution, des traités et des accords sur les revendications territoriales récents et anciens, des ententes sur l’autonomie gouvernementale ainsi que de lois fédérales comme la Loi sur les Indiens.
[Français]
Les représentants du gouvernement sont allés à la rencontre des dirigeants des gouvernements autochtones et des signataires des traités modernes afin de discuter de l’approche à adopter à l’égard des règlements et de la mobilisation à plus long terme relativement à la législation et à la réglementation du cannabis.
[Traduction]
De plus, l’Assemblée des Premières Nations reçoit des fonds du gouvernement du Canada pour entreprendre des travaux en vue de formuler une position officielle sur la légalisation et la réglementation du cannabis et sur la mise en œuvre de nouvelles lois. Elle se penchera notamment sur les questions liées à la gouvernance et au pouvoir en matière de réglementation du cannabis.
[Français]
À ces efforts, vient s’ajouter une mobilisation plus large avec les peuples autochtones de même qu’avec les provinces et les territoires afin de veiller à ce que les besoins et les intérêts particuliers des communautés autochtones soient soigneusement pris en compte tout au long de la mise en oeuvre du projet de loi C-45.
[Traduction]
Passons au deuxième aspect de mon exposé, c’est-à-dire les débouchés économiques découlant de la production et de la vente de cannabis. Le Canada soutient les possibilités de développement économique au sein des communautés autochtones et reconnaît leur importance dans l’amélioration des conditions sociales et de la santé.
Pour certaines communautés autochtones, le marché émergeant du cannabis légal est perçu comme une nouvelle occasion exceptionnelle de développement économique. Comme mon collègue M. Costen l’a souligné, il y a actuellement 4 producteurs de cannabis à des fins médicales, titulaires d’une autorisation fédérale, et 14 demandeurs dont l’affiliation à des groupes autochtones est connue. Nous savons que cet intérêt prend de l’ampleur.
Dans le cadre du travail qu’ils réalisent avec les communautés qui souhaitent saisir les occasions d’affaires, les fonctionnaires fédéraux indiquent clairement que les producteurs autochtones, à l’instar de tous les producteurs commerciaux de cannabis ou de produits du cannabis, devront être titulaires d’une autorisation fédérale pour exercer leurs activités.
[Français]
De même, tous les régimes de distribution et de vente au détail devront être autorisés par le gouvernement fédéral ou par l’entremise des cadres législatifs provinciaux ou territoriaux pertinents.
[Traduction]
Dans ce contexte, les fonctionnaires de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada ainsi que ceux de Services aux Autochtones Canada mobilisent activement les communautés autochtones afin d’explorer des façons de soutenir leur participation au nouveau marché du cannabis.
Un soutien financier est offert par l’entremise des programmes ministériels de développement économique. Afin de tenir compte des préoccupations soulevées par les peuples autochtones à l’égard des répercussions possibles du cannabis dans les communautés aux prises avec de sérieux problèmes sociaux et de santé, les propositions de projets devront démontrer qu’ils reçoivent le soutien de leur milieu.
Jusqu’à maintenant, les communautés qui ont manifesté un intérêt n’en sont qu’à un stade préliminaire de la planification, mais nous prévoyons que les propositions de projets seront déposées dans les mois à venir.
[Français]
Il est important de souligner qu’il existe d’autres programmes fédéraux, comme ceux offerts par les organismes de développement régional du Canada, qui peuvent également appuyer les entrepreneurs et les petites et moyennes entreprises qui s’intéressent à l’industrie du cannabis.
[Traduction]
Des efforts sont actuellement déployés en vue de travailler en collaboration avec les organismes de développement régional, Santé Canada et d’autres partenaires afin que nous puissions, à titre de ministères, répondre collectivement aux demandes provenant des communautés et des entreprises autochtones et, lorsque c’est possible, que nous puissions accroître le financement disponible.
Je cède maintenant la parole à ma collègue Valerie Gideon de Services aux Autochtones Canada, qui parlera des mesures de soutien que le fédéral met à la disposition des membres des Premières Nations et des Inuits dans le domaine de la santé mentale et de la toxicomanie.
Valerie Gideon, sous-ministre adjointe principale par intérim, Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits, ministère des Services aux Autochtones Canada : Au sein de la Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits, nous reconnaissons le besoin de continuer à enrichir nos relations avec les partenaires autochtones et, à travers ces relations, de maintenir notre soutien aux services communautaires complets fondés sur la culture et culturellement sécuritaires qui sont intégrés à un continuum plus large de programmes de mieux-être.
Ce travail est guidé par des approches inclusives et participatives en matière de politiques, qui mobilisent les Premières Nations et les Inuits, comme en témoignent les principaux cadres conçus en partenariat avec eux.
Le ministère travaille étroitement avec divers partenaires autochtones nationaux et régionaux, dont l’Assemblée des Premières Nations et la Thunderbird Partnership Foundation, pour répondre aux préoccupations soulevées à propos de la légalisation du cannabis et des répercussions potentielles sur les communautés.
Nous entretenons une relation de travail continue et collaborative avec Santé Canada et nous avons contribué à guider ses activités de mobilisation auprès des gouvernements et des communautés autochtones. Par exemple, en collaboration avec Santé Canada, le ministère des Services aux Autochtones a versé des fonds à l’Assemblée des Premières Nations, comme M. Costen l’a mentionné, et à la Thunderbird Partnership Foundation pour soutenir leurs travaux par rapport à la légalisation et à la réglementation du cannabis.
[Français]
Selon le Centre de gouvernance de l’information des Premières Nations, le cannabis est utilisé quotidiennement ou presque par 12,4 p. 100 des adultes des Premières Nations, avec un pourcentage plus élevé chez les hommes à 16,9 p. 100 comparé à 7,8 p. 100 chez les femmes.
Selon les centres de traitement financés par notre ministère, l’utilisation du cannabis chez les adultes qui entrent en traitement est de 64 p. 100, et il y a presque autant de femmes que d’hommes. Pour les jeunes Autochtones âgés de 12 et 17 ans qui entrent en traitement, le cannabis est la substance première utilisée avec 89 p. 100 des jeunes rapportant l’utilisation fréquente du cannabis.
[Traduction]
Les services pour le mieux-être en santé mentale financés par le fédéral sont guidés par le Cadre du continuum du mieux-être mental des Premières Nations et la Stratégie nationale de prévention du suicide chez les Inuits. Les deux initiatives soulignent l’importance de la culture comme fondement, des traitements sur le territoire et de la guérison traditionnelle qui sont des éléments essentiels pour le mieux-être en santé mentale chez les Premières Nations et les Inuits.
Par l’entremise de la Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits, le ministère a financé les services de mieux-être en santé mentale dans cinq principaux secteurs: les services et les programmes communautaires de mieux-être en santé mentale, le Programme de soutien en santé — résolution des questions des pensionnats indiens, les services de counseling en santé mentale du Programme des services de santé non assurés, la Ligne d’écoute d’espoir pour le mieux-être des Premières Nations et des Inuits, et le principe de Jordan.
Environ 350 millions de dollars par année sont investis dans une grande variété de services de soutien communautaire axés sur le mieux-être en santé mentale, y compris la prévention en matière de suicide et de santé mentale, la prévention de la consommation de substances et les traitements, des équipes de mieux-être en santé mentale, la Ligne d’écoute d’espoir pour le mieux-être des Premières Nations et des Inuits et le Programme de soutien en santé — résolution des questions des pensionnats indiens.
Ces services communautaires offrent des traitements et renforcent les facteurs de protection; ils visent à réduire les facteurs de risque et à améliorer les résultats en santé associés au bien-être mental chez les Premières Nations et chez les Inuits.
[Français]
Le Programme de soutien en santé - résolution des questions des pensionnats indiens déploie des services de soutien en santé mentale, émotionnelle et culturelle aux anciens élèves des pensionnats indiens et à leur famille. Ces services sont disponibles à l’intérieur et à l’extérieur des communautés autochtones partout au Canada. Les services de soutien culturel et émotionnel sont fournis par des organisations communautaires autochtones. Le transport est aussi disponible et son coût est couvert afin de garantir au client l’accès aux services de soutien en santé mentale et culturelle qui n’existent pas dans leur propre communauté. La ligne de crise nationale pour les élèves des pensionnats indiens est aussi offerte sans frais, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, et offre des services culturellement sécuritaires disponibles au numéro que vous verrez dans nos remarques.
[Traduction]
Les 45 centres de traitement de la toxicomanie des Premières Nations offrent une variété de services en établissement, des soins ambulatoires et des programmes de proximité. Des services de prévention des abus de drogue et d’alcool sont aussi accessibles dans la majorité des communautés autochtones au Canada.
Dans le Nord, les services de mieux-être en santé mentale associés à la toxicomanie ont été transférés au gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, à la suite de l’accord de 1998 sur le transfert de pouvoirs en matière de santé, et au gouvernement du Nunavut, après sa fondation en 1999.
Toutefois, notre ministère verse directement des fonds à ces deux gouvernements territoriaux pour soutenir les activités de prévention et de promotion de la santé dans les communautés inuites et celles des Premières Nations. Les communautés autochtones du Yukon reçoivent également du financement directement par l’octroi d’une contribution ou par des ententes d’autonomie gouvernementale.
Dans les dernières années, plusieurs initiatives ont été mises en œuvre afin d’améliorer et d’assurer l’accès aux services de mieux-être en santé mentale pour les Premières Nations et les Inuits.
Par exemple, Choose Life est une initiative créée par la Nishnawbe Aski Nation, une organisation politique des Premières Nations représentant 49 communautés du nord de l’Ontario, dont la plupart sont isolées.
L’initiative Choose Life est financée conformément au principe de Jordan. Elle offre une aide supplémentaire immédiate, principalement en la versant directement aux communautés, afin de subvenir à des besoins non comblés d’enfants et de jeunes qui risquent de se suicider. L’initiative accélère le traitement des demandes de services ou de programmes de prévention en santé mentale destinés aux groupes d’enfants et de jeunes, incluant les activités culturelles et la guérison axée sur la terre.
En moins d’un an, plus précisément depuis avril 2017, 55 communautés, conseils tribaux, conseils de services en santé et écoles ont reçu un total de 27,4 millions de dollars de l’initiative Choose Life.
[Français]
En juin 2016, un investissement de 69 millions de dollars sur trois ans a été annoncé afin de couvrir les besoins immédiats en santé mentale pour les communautés des Premières Nations et des Inuits. Cet investissement permet d’améliorer la capacité à offrir des services essentiels en santé mentale, aux niveaux local et régional, afin de répondre aux crises persistantes.
Depuis l’annonce de juin 2016, la capacité de réponse aux crises a été déployée dans les régions du Canada avec une augmentation allant de 86 à 303 communautés pour l’accès au groupe de mieux-être en santé mentale financé par notre ministère. De plus, cet investissement soutient la ligne d’écoute d’espoir pour le mieux-être et la mise en œuvre de la stratégie nationale de prévention du suicide de l'Inuit Tapiriit Kanatami.
[Traduction]
Les équipes de mieux-être en santé mentale sont des groupes communautaires qui offrent un ensemble complet de services adaptés à la culture, y compris le renforcement des capacités, les soins tenant compte des traumatismes, les soins axés sur la terre, l’intervention précoce et le dépistage, le suivi et la coordination des soins avec les services provinciaux et territoriaux.
Chaque équipe s’occupe de 2 à 10 communautés en fonction de leur taille, de leur emplacement et de leurs besoins. Ces équipes visent à accroître l’accès à une gamme de services de mieux-être en santé mentale, y compris la sensibilisation, l’évaluation, le traitement, le counseling, la gestion de cas, l’aiguillage et le suivi, et à améliorer le processus de guérison en utilisant une approche intégrée de prestation des services.
[Français]
La ligne d’écoute d’espoir pour le mieux-être offre une aide immédiate aux membres des Premières Nations et aux Inuits. La ligne est accessible 24 heures par jour, 7 jours par semaine pour les services de conseil des interventions en situation de crise. Des conseillers culturellement compétents et expérimentés y travaillent. Selon la demande, les conseillers peuvent travailler avec la personne qui appelle pour trouver du soutien en lien avec le mieux-être qui est accessible près de sa communauté. Le soutien est disponible en anglais et en français. Et si la demande est faite, le soutien est disponible en langue crie et ojibwée et en inuktitut.
[Traduction]
La Ligne d’écoute d’espoir pour le mieux-être des Premières Nations et des Inuits a reçu 3 377 appels depuis sa création en octobre 2016, qui ont entraîné plus de 250 aiguillages vers les services appropriés.
La ligne constate qu’il y a plus de personnes qui cherchent à accéder à des services. Jusqu’à maintenant, le plus grand volume d’appels a été enregistré à l’automne dernier. D’octobre à décembre 2017, il y a eu 725 appels, ce qui est supérieur aux 614 appels du trimestre précédent.
Les trois principales raisons données par les utilisateurs de la ligne d’aide étaient la santé mentale, le deuil et la tristesse, et les problèmes de toxicomanie. Durant le dernier trimestre, on a également observé une hausse du nombre d’aiguillages vers des organismes, notamment ceux qui offrent les services et les mesures de soutien financés par le fédéral dans la région de l’appelant.
Dans le budget de 2017, le gouvernement s’est engagé à verser 204 millions de dollars supplémentaires, sur cinq ans, pour tirer parti des progrès réalisés dans ces secteurs, soit pour renforcer et améliorer les services essentiels en santé mentale, y compris les activités axées sur la terre et les programmes qui soutiennent la culture comme remède.
Notre ministère continue de travailler avec ses principaux partenaires pour faciliter l’élaboration des services et des politiques et pour coordonner les efforts en réponse à la crise des opioïdes. Ce travail est le fruit d’initiatives existantes, comme la Déclaration conjointe sur les mesures visant à remédier à la crise des opioïdes, le plan d’action de Santé Canada pour lutter contre le mauvais usage des opioïdes, le Cadre du continuum du mieux-être mental des Premières Nations et le modèle Honorer nos forces: Cadre renouvelé du programme de lutte contre les toxicomanies chez les Premières Nations du Canada.
[Français]
La réponse s’aligne aussi sur la Stratégie canadienne sur les drogues et autres substances avec un accent sur l’appui par des données probantes, la prévention, les traitements et la réduction des méfaits. Depuis 2015, le ministère a répondu à la consommation problématique des drogues sur ordonnance dans les communautés des Premières Nations en fournissant des services de gestion de cas et de formation en prévention, ainsi qu’une équipe d’intervention en situation de crise située dans les régions du Manitoba et de la Saskatchewan pour fournir un soutien additionnel aux communautés visées.
Le budget de 2017 inclut un montant additionnel de 15 millions de dollars sur cinq ans pour les stratégies de réduction des méfaits pour les Premières Nations et les Inuits. Celles-ci font partie de la Stratégie canadienne sur les drogues et autres substances. Pendant l’exercice actuel, cinq régions ont adopté des mesures concrètes pour ajouter ou améliorer les services existants de traitement par agonistes opioïdes. Celles-ci offrent une gamme de soins globaux, c’est-à-dire gestion, services de conseil, suivi et pharmacothérapies.
[Traduction]
Les bureaux régionaux travaillent avec les tables de partenariat provinciales et territoriales en privilégiant les approches de réduction des méfaits. Ils arriment leurs efforts à ceux des provinces. Les actions prioritaires incluent la distribution de trousses de naloxone à emporter à domicile et la formation à cet égard, de même que la sensibilisation en matière de santé publique.
En conclusion, le ministère offre du financement et d’autres formes de soutien aux Premières Nations et aux Inuits en s’appuyant sur un certain nombre de modèles de soins éprouvés et fondés sur des données probantes dans les domaines de la santé mentale et de la prévention et du traitement de la toxicomanie. Les deux derniers budgets fédéraux ont prévu d’importants investissements supplémentaires afin de permettre aux Premières Nations et aux Inuits de continuer à favoriser leurs pratiques prometteuses de guérison communautaire qui tiennent compte de la culture et de l’identité. Il s’agit d’initiatives axées sur les communautés, dirigées par les communautés et adaptées à leur rythme, de démarches globales et fondées sur les forces qui se marient aux approches thérapeutiques.
[Français]
Je vous remercie de m’avoir accordé de votre temps aujourd’hui et je serai heureuse de répondre à vos questions.
[Traduction]
Le président suppléant : Chers collègues, nous disposons de moins d’une heure pour la réunion. Je vous prie donc d’être brefs en posant vos questions.
Je demande aux témoins d’être tout aussi brefs afin que tout le monde puisse intervenir.
Le sénateur Doyle : Je vous remercie des renseignements fort intéressants que vous avez présentés.
Madame Murphy, je vous demanderais de vous reporter à la page 30 de votre présentation. On y lit, et je cite:
Le pouvoir de réglementation des Autochtones peut découler de diverses sources, notamment des droits reconnus et confirmés en vertu de l’article 35 de la Constitution […]
Je me demande en quoi il sera touché. Le gouvernement du Canada a l’intention de légaliser et de réglementer le cannabis. Est-ce que ce changement d’orientation — et c’en est tout un — s’applique automatiquement aux Autochtones, en tant que peuples, que nations? Ce sont des nations à part entière.
Les Autochtones pourront-ils décider par eux-mêmes s’ils acceptent la politique de légalisation et de réglementation du cannabis dans leurs communautés? Ont-ils automatiquement le droit de refuser cette politique? Ont-ils le droit de refuser d’avoir du cannabis dans leurs communautés? Les Premières Nations ont-elles le droit de dire: « Nous ne voulons de cannabis dans aucune de nos communautés »?
Le président suppléant : S’agit-il d’une question d’ordre juridique? Qui veut répondre?
Mme Murphy : Je vais commencer à répondre, puis les gens du ministère de la Justice pourront intervenir.
Les cadres législatifs actuels ne précisent pas si les gouvernements autochtones peuvent adopter des lois ou prendre des règlements afin d’interdire carrément la vente, la possession et la consommation de cannabis dans les réserves.
Il est vrai que certaines ententes sur l’autonomie gouvernementale sont permissives et que les gouvernements autochtones visés par de telles ententes pourraient agir en ce sens. Nous continuons de collaborer avec les gouvernements autochtones afin de déterminer ce qu’ils ont ou non compétence pour faire.
Je ne sais pas si les représentants du ministère de la Justice veulent ajouter quelque chose. Je sais qu’il y a eu des discussions avec les dirigeants autochtones.
Stefan Matiation, directeur et avocat général, ministère de la Justice Canada : La question du sénateur Doyle correspond à trois scénarios, que je vais explorer l’un après l’autre.
Le premier scénario veut que les Premières Nations s’appuient sur la Loi sur les Indiens. Comme vous le savez, la loi a été modifiée en 2014, de sorte que les ministres ne peuvent plus rejeter ni examiner les règlements administratifs des Premières Nations. Suivant l’interprétation large qu’elles se font des pouvoirs que leur confère la Loi sur les Indiens, les Premières Nations décideraient le type de règlements qu’elles peuvent prendre.
Comme vous le savez peut-être, beaucoup de Premières Nations se sont dotées de règlements sur les boissons alcoolisées et nombreuses sont celles qui se sont appuyées pour ce faire sur les pouvoirs prévus par diverses dispositions de la Loi sur les Indiens, notamment l’article 85.1, qui porte sur les boissons alcoolisées. Elles se sont aussi fondées sur d’autres dispositions de l’article 81, notamment celles concernant la santé et la répression de l’inconduite et des incommodités.
Dans leur règlement, des nations imposent des restrictions non seulement aux boissons alcoolisées, mais à des substances désignées dans la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Les règlements varient d’une nation à une autre.
Le pouvoir de prendre des règlements administratifs prévu par la Loi sur les Indiens est subordonné au Code criminel et à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, ainsi qu’à la Loi sur le cannabis. En cas d’incompatibilité entre un règlement et ces lois, ce sont les dispositions liées au droit criminel qui l’emportent et le règlement peut être examiné par les tribunaux sur cette base.
Par ailleurs, comme Mme Murphy l’a mentionné, les ententes sur l’autonomie gouvernementale varient d’une nation à une autre du pays. Notre pays en compte environ 30. Il reviendrait aux Premières Nations autonomes d’examiner les dispositions des ententes et de déterminer les lois qu’elles peuvent adopter dans leurs communautés.
Là encore, comme le veut l’approche normale, le Code criminel, la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et la Loi sur le cannabis primeraient les ententes sur l’autonomie gouvernementale.
Le président suppléant : Vous avez décrit deux scénarios. Quel est le troisième?
M. Matiation : Je crois que le sénateur Doyle envisageait qu’une Première Nation ou un gouvernement autochtone affirme sa compétence en dehors des cadres que je viens de décrire.
Le sénateur Doyle : Oui, exactement.
M. Matiation : De manière générale, je pense que le gouvernement fédéral est d’avis que le droit criminel, ce qui comprend le Code criminel, la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et, en l’occurrence, la Loi sur le cannabis, l’emporte.
Advenant des incompatibilités entre l’exercice de pouvoirs conférés par l’autonomie gouvernementale et d’autres lois, une personne peut contester la loi d’un gouvernement autochtone. Il appartiendrait aux tribunaux de déterminer le lien entre les deux domaines de compétence, si je puis m’exprimer ainsi.
Le sénateur Doyle : Je dois admettre que je suis franchement étonné, compte tenu des efforts du comité pour bâtir une nouvelle relation entre les Premières Nations et le reste du pays. Si je me fie à vos propos, il est raisonnable d’affirmer que, dans l’état actuel des choses, les Premières Nations devront se conformer à la décision du gouvernement d’appliquer la Loi sur le cannabis sur leurs territoires.
Pourquoi ne pas tirer les choses au clair avant de prendre quelque mesure que ce soit qui risque d’exercer ce genre de pression sur les Premières Nations?
Certaines communautés autochtones du Canada interdisent la vente d’alcool dans les zones qu’elles administrent. Existe-t-il un protocole pour mettre en place pareil système qui s’appliquerait aussi au cannabis?
Vous attendez-vous à ce que des Premières Nations cherchent à assujettir, dans leurs communautés, la consommation de cannabis au même genre d’interdiction visant l’alcool?
M. Matiation : Ce que j’essayais d’expliquer, c’est que les Premières Nations disposent de plusieurs pouvoirs législatifs dans différents contextes et qu’elles peuvent prendre leurs propres décisions quant à l’étendue de leurs pouvoirs.
La Loi sur le cannabis, du fait qu’elle énonce certaines règles relativement à la quantité de cannabis qu’une personne peut avoir en sa possession, établit un minimum en ce qui concerne les restrictions qu’un gouvernement peut appliquer à des activités. Je ne dis pas que les gouvernements des Premières Nations ne seraient pas en mesure de faire telle ou telle chose. À mon avis, il leur revient de déterminer leur champ d’action en fonction des pouvoirs dont ils jouissent.
Le représentant de Santé Canada est peut-être à même de fournir plus de détails, mais les ministères collaborent avec les organisations et les gouvernements autochtones pour mieux comprendre les problèmes que vous soulevez quant à la mise en œuvre des mesures législatives sur le cannabis dans les communautés autochtones et tenter de les régler.
Le président suppléant : Nous allons devoir en rester là pour l’instant.
La sénatrice Boniface : C’est un enjeu de taille pour les communautés. Je sais que vous en êtes tous conscients.
Je veux poser deux questions un peu connexes. Je me soucie tout particulièrement des jeunes et de la santé mentale. Je vois la quantité d’argent et d’efforts investie. Est-ce que ces investissements sont faits en prévision de l’entrée en vigueur du projet de loi ou étaient-ils prévus de toute façon? Y a-t-il eu une étude sur les répercussions du projet de loi qui a influé sur le financement?
Mme Gideon : Les ressources ne sont pas directement associées au projet de loi. Il est bien connu que les jeunes autochtones ont des problèmes criants de santé mentale.
Face à l’accroissement du taux de suicide chez les jeunes, surtout en 2016-2017, le gouvernement actuel a immédiatement souhaité injecter de l’argent et collaborer avec les dirigeants des communautés touchées. Le taux de suicide a toujours été élevé, mais il s’est mis à attirer davantage l’attention du gouvernement et du grand public. Ce fut l’occasion de mobiliser un nombre considérable de ressources et de nouer des partenariats dans le but d’appliquer de nouveaux modèles de prestation de services.
Par exemple, l’Ontario a décidé d’égaler les ressources injectées par notre ministère dans les équipes de mieux-être en santé mentale, et ce, pour faire en sorte que chaque communauté de la province ait accès à une équipe. Il y aura 19 équipes de mieux-être en santé mentale.
Les organisations politiques des Premières Nations nous ont aidés à décider qui allait accueillir ces équipes. Voilà un partenariat fructueux. Il est encore trop tôt pour savoir si cela entraînera une réduction marquée des idées suicidaires et du taux de suicide chez les jeunes dans ces communautés, mais nous exercerons une surveillance poussée pour nous assurer de toucher les jeunes.
L’initiative Choose Life a été motivée par la nation Nishnawbe Aski, qui a vécu une grave crise de suicides chez les jeunes en 2016 et en 2017. C’est la nation qui a conçu l’initiative au grand complet conformément au principe de Jordan, car les équipes de mieux-être en santé mentale n’étaient pas encore opérationnelles. Nous savions que nous étions en train de concevoir les équipes et de choisir les hôtes, mais la nation avait besoin d’une réponse immédiate. Nous avons pu utiliser le financement prévu au titre du principe de Jordan à cette fin.
Ces initiatives n’étaient pas directement liées à un seul aspect. L’approche au sein d’une communauté autochtone est globale. On cherche à s’attaquer plus généralement aux causes profondes des troubles mentaux chez les jeunes et aux risques associés. Les investissements ne se limitent pas à un ou deux symptômes d’un problème de santé mentale ou même aux causes sous-jacentes. Le financement est caractérisé par une certaine souplesse.
La Thunderbird Partnership Foundation tiendra des tables rondes régionales au cours des prochains mois dans toutes les régions des Premières Nations afin de recueillir des renseignements précis qui contribueront à la rédaction de documents d’information à l’intention de la population, et en particulier des jeunes. La documentation sera conçue par et pour les Premières Nations et mise à la disposition des Inuits et des Métis pour les aider à personnaliser leurs approches. Cette démarche permettra de communiquer des messages précis à propos du cannabis.
La sénatrice Boniface : Je connais très bien le Nord de l’Ontario, et vous avez mis le doigt sur ce qui me préoccupe en matière de santé mentale et à propos de ce qui a été financé et de ce qui devrait l’être.
J’attends avec impatience qu’on soumette le projet de loi et les dispositions proposées à une évaluation pour déterminer s’ils contribueront à faire empirer la crise ou, comme vous le mentionnez, à atténuer les risques.
Je me réjouis du travail qui est effectué, mais je pense que nous avons toute une côte à remonter. Il y a tant à faire pour régler la crise.
Ma deuxième question s’adresse au ministère de la Sécurité publique. Il n’y a pas lieu de s’étonner que l’application de la loi soit une composante si importante de la mesure législative. Dans un autre comité, j’ai posé des questions au ministre au sujet du financement accordé aux services de police des Premières Nations pour appliquer le projet de loi. Je suis bien au fait des sommes d’argent qui ont été allouées à la suite de longues négociations, mais d’après mon évaluation et les discussions que j’ai eues avec des membres des Premières Nations et des gens des forces de l’ordre, le projet de loi C-45 n’a pas influé sur le financement.
Je suis curieuse de savoir comment on peut créer une stratégie relative à la santé mentale dans le cadre de laquelle les forces de l’ordre ont un rôle à jouer si aucun financement additionnel n’est offert à celles-ci?
Trevor Bhupsingh, directeur général, Direction générale de l’application de la loi et des stratégies frontalières, Sécurité publique Canada : Je ne peux pas me prononcer au sujet du financement entourant la santé mentale, mais je peux parler des sommes allouées pour l’application de la loi.
Nous avons tâché de discuter de la question avec les services de police. Dans les discussions, nous avons cherché à dépasser le seul aspect de l’application de la loi pour examiner plus globalement ce qu’il fallait faire pour s’attaquer aux problèmes.
Nous participons à des discussions plus vastes qui portent sur plusieurs éléments, et non seulement l’application de la loi. Dans le cadre d’initiatives de Santé Canada, nous espérons faire valoir le point de vue des forces de l’ordre dans les discussions.
C’est un enjeu qui exige que nous concertions nos efforts. Je suis d’accord avec vous: les services de police ont un rôle à jouer dans le dossier de la santé mentale. J’ai vu ce à quoi sont confrontées les forces de l’ordre, notamment lorsqu’il s’agit de toxicomanie, et je peux dire que c’est un enjeu vital.
Dans le dossier du cannabis, nous nous efforçons d’abord et avant tout de donner les bons outils aux policiers pour faire respecter la loi. Par exemple, en ce qui a trait à la conduite avec facultés affaiblies par la drogue, nous mettons en place une initiative visant à multiplier les outils offerts à la police. Parallèlement, il nous faudra examiner quelles autres sortes de moyens, outils et liens sont nécessaires pour régler les problèmes de santé mentale.
La sénatrice Boniface : Si je puis me permettre, brièvement, du point de vue des services de police des Premières Nations, tout cela, ce ne sont que des chiffres étant donné les disparités entre les régions. Si un service n’a que deux agents qui sont affectés aux appels liés aux troubles mentaux graves — et c’est sans compter ce qui arrivera après l’adoption du projet de loi —, on ne peut pas s’attendre à ce que le simple fait de fournir des outils fonctionne.
Voilà pourquoi j’attire instamment votre attention sur les risques auxquels s’exposent les policiers aujourd’hui et demain. Les problèmes de santé mentale, non seulement dans les communautés des Premières Nations, mais partout, sont à l’origine du plus grand nombre d’appels reçus par les agents de police de nos jours. C’est également ce qui pose les plus grands risques.
J’approuve votre approche globale et intégrée, mais ne laissons pas tomber les policiers en présumant que quelques outils changeront vraiment les choses, car ce ne sera pas le cas.
Le président suppléant : J’aimerais poser une question qui fait suite à celle de la sénatrice Boniface.
Madame Gideon, vous avez parlé de surveillance poussée. Pouvez-vous fournir au comité, maintenant ou plus tard, des détails sur la manière d’exercer cette surveillance?
Mme Gideon : Nous en sommes encore à l’étape de l’élaboration avec nos partenaires. L’Assemblée des Premières Nations a créé un groupe de travail sur le cannabis, coprésidé par le chef régional Isadore Day, titulaire du portefeuille de la santé de l’assemblée, et le chef régional Ghislain Picard.
Ils ont circonscrit les thèmes que les dirigeants des Premières Nations veulent explorer dans leurs stratégies, thèmes qui incluent la sécurité publique, l’application de la loi, le développement économique, les champs de compétence et les documents d’information sur la santé publique. J’ai abordé le volet de la santé publique quand j’ai parlé de la Thunderbird Partnership Foundation, car c’est elle qui s’occupe de produire la documentation.
Nous collaborons actuellement à la création d’un cadre d’évaluation et d’un outil de surveillance pour permettre aux communautés de déterminer les répercussions du projet de loi et de mesurer l’incidence des investissements que nous avons consentis au cours des deux dernières années.
C’est une approche similaire à celle que nous avons appliquée lorsque, par exemple, nous avons commencé à offrir des traitements de la dépendance aux opioïdes à l’aide du Suboxone dans les communautés éloignées, il y a environ 10 ans. Nous avons chargé l’Université Lakehead d’évaluer les conséquences de cette intervention dans les communautés éloignées. L’évaluation et le cadre établi nous ont été très utiles et nous ont permis de continuer à offrir ces traitements et d’en élargir considérablement l’accès, en application de la stratégie de réduction des méfaits et du plan d’action pour remédier à la crise des opioïdes.
Ainsi, nous adopterons une démarche semblable que nous allons définir avec le groupe de travail de l’Assemblée des Premières Nations qui a été créé il y a quelques mois. Nous pouvons assurément tenir le comité au courant des progrès. Le gouvernement fédéral n’agit pas unilatéralement; il travaille en collaboration avec l’Assemblée des Premières Nations.
La sénatrice Lovelace Nicholas : Ce qui m’inquiète, c’est que vous avez beaucoup fait allusion aux provinces dans votre rapport et dans vos observations. Vous n’êtes pas sans savoir que le gouvernement fédéral a une responsabilité fiduciaire à l’égard des peuples autochtones, et j’estime que ceux-ci devraient pouvoir prendre leurs propres décisions quant à l’usage et à la culture de cannabis sur leurs territoires.
Qu’en dites-vous?
M. Costen : Je peux répondre. Me Matiation et Mme Murphy pourront aussi intervenir.
Je peux parler en termes généraux du travail en cours avec les provinces et les territoires. Les sénateurs savent probablement que le régime prévu dans le projet de loi est un régime partagé. Les entreprises désireuses de cultiver du cannabis et de le transformer en vue d’obtenir un produit final destiné à la vente auront besoin d’une permission du gouvernement fédéral. Les entreprises désireuses de distribuer et de vendre le produit devront obtenir une permission du gouvernement provincial.
Nous travaillons en étroite collaboration avec les provinces et les territoires depuis près de deux ans. Au niveau ministériel, comme fonctionnaires, nous avons une assez bonne relation avec les provinces et les territoires, et nous voulons créer les réseaux, les partenariats et les occasions de dialogue nécessaires avec les communautés autochtones. Ces réseaux et ce dialogue existent déjà avec les gouvernements provinciaux et territoriaux.
Les provinces et les territoires sont en train de réfléchir aux modalités à fixer pour la vente et la distribution. Il s’agit en fait d’une discussion trilatérale. Les gouvernements fédéral, provinciaux et autochtones s’assoient ensemble pour parler de certains des enjeux que vous avez soulevés.
Je peux peut-être donner l’exemple de la loi québécoise et de la loi ontarienne, lesquelles autorisent la conclusion d’ententes avec les Premières Nations et les Inuits relativement à la vente et à la vente au détail du cannabis.
Mme Murphy : Est-ce que cette réponse vous permet de vous faire une bonne idée de la situation, ou avez-vous besoin d’une réponse plus détaillée?
La sénatrice Lovelace Nicholas : Cela fait des années que je vis dans une communauté autochtone et ce qui me préoccupe, c’est que la province n’agit pas toujours dans l’intérêt des Autochtones. C’est un grave problème.
Les gens de ma communauté me disent partager la même préoccupation. Ils ne veulent pas se faire dire quoi faire par la province à propos de marijuana et de culture du cannabis. Quoi qu’il en soit, j’ai une autre petite question à ce sujet.
Comme vous le savez, il existe de la marijuana prescrite à des fins thérapeutiques. Tout comme les membres de ma communauté, je trouve que peu de gens ont les moyens de s’en acheter. Ma communauté se demande s’il est possible que le gouvernement assume les coûts de la marijuana que doivent utiliser les personnes qui reçoivent de l’aide sociale et les aînés qui touchent un revenu fixe.
Mme Gideon : La Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits administre le Programme des services de santé non assurés, qui couvre toute une gamme de prestations de santé complémentaires, dont les médicaments sur ordonnance. Alors, je vais répondre.
Nous avons exploré l’idée de couvrir la marijuana prescrite à des fins thérapeutiques. Le problème, c’est l’absence d’avis de conformité. Ce n’est pas un médicament à proprement parler. C’est pourquoi nous ne pouvons pas couvrir la marijuana dans le cadre du programme.
À l’heure actuelle, nous manquons de données cliniques probantes sur la marijuana thérapeutique. Toutefois, le programme couvre des médicaments qui ont certaines des propriétés médicinales de la marijuana thérapeutique. Les aînés ou les gens qui souffrent de douleurs chroniques peuvent se prévaloir de ces options.
Nous sommes en mesure de communiquer de l’information à ce sujet au comité. Je peux vous transmettre ce que nous avons fourni aux Premières Nations qui nous ont demandé pourquoi le programme ne couvrait pas la marijuana thérapeutique.
La sénatrice Lovelace Nicholas : Je vous en serais reconnaissante. Merci.
M. Costen : J’ai un élément d’information intéressant à ajouter. Nous pourrons aussi faire un suivi avec la sénatrice.
Un certain nombre de producteurs de cannabis thérapeutique accrédités par le gouvernement fédéral offrent ce qu’ils décrivent comme des « prix de compassion », c’est-à-dire des prix sensiblement réduits dans certaines circonstances.
Il pourrait être avantageux que les membres de votre communauté soient au courant de ces arrangements relatifs aux prix.
La sénatrice McCallum : Tout d’abord, j’ai une observation à faire. Si vous désirez y répondre, tant mieux. Je travaille dans le domaine depuis 1973. Hélas, en dépit de tout l’argent injecté, les problèmes de santé continuent d’augmenter dans les communautés des Premières Nations. Ces problèmes de santé et tout ce qui vient avec m’inquiètent. Les gens en arrachent. Les communautés des Premières Nations vivent une crise.
L’accroissement des ressources policières donne l’impression qu’il y a quelque chose d’illégal ou qu’il faut s’attaquer à un problème. Pourtant, presque toutes les mesures en sont à l’étape de l’élaboration et on veut adopter le projet de loi d’ici le 1er juillet. Pourquoi se presser autant quand on met la vie des enfants des Premières Nations en danger?
Dans bien des cas, les programmes de prévention n’ont guère entraîné de résultats positifs sur le plan de la santé. La majorité des interventions sont axées sur les facteurs de risque personnels liés au comportement. Les interventions communautaires axées sur les facteurs de risque personnels ne fonctionnent pas non plus.
Même si ces interventions fonctionnaient complètement, il reste que la population à risque continuerait d’augmenter au même rythme, car personne au Canada ne s’est attaqué aux forces qui sous-tendent le problème dans les communautés. Nous dépensons de l’argent pour remédier aux symptômes, mais nous ne nous occupons pas comme il se doit des déterminants sociaux à cause de conflits de compétence.
Vu ce qui s'est passé avec les pensionnats indiens, les femmes disparues ou assassinées et les enfants pris en charge par l’État, la légalisation de la marijuana représentera un facteur de crise de plus dans une vie. J’en suis très troublé, car on semble s’enligner pour adopter le projet de loi même si beaucoup de Premières Nations ont signalé avoir besoin de plus de temps.
Personne ne semble les écouter. Je lance un cri du cœur. Je ne m’en prends à personne. J’ai de sérieuses réserves à ce chapitre.
J’ignore si vous voulez formuler des observations. Autrement, je poserai simplement mon autre question.
Le président suppléant : Voyons si quelqu’un désire formuler des observations.
M. Costen : Merci d’avoir exprimé vos réserves. Mme Gideon pourra commenter certaines d’entre elles.
Je pense cependant avoir un point à soulever à ce sujet. Lorsqu’il est question des changements à venir cet été, il m’apparaît essentiel de garder un renseignement absolument crucial à l’esprit: de nos jours, la consommation de cannabis est omniprésente, communautés autochtones et non autochtones confondues. Le cannabis est facile à obtenir. Des millions de personnes en consomment actuellement.
Le fait de modifier la loi ou de proposer un nouveau système vise à atténuer les risques associés à cette consommation. Les gens se procurent du cannabis de manière douteuse, sans compter les multiples préjudices que cela implique, dont le risque de judiciarisation et tous les problèmes que suppose le fait d’avoir un dossier criminel. Il s’agit plutôt de se pencher sur le système actuel et le fait que des millions de Canadiens consomment du cannabis, dans le but de mettre au point une approche de santé publique qui atténuera les méfaits.
Pour ce qui est des jeunes, leur taux de consommation de cannabis correspond à plus du double de leur taux de tabagisme. Si le pays a si bien réussi à faire fléchir le taux de tabagisme, c’est essentiellement grâce à l’approche réglementaire stricte qu’il a adoptée au chapitre de la santé publique afin d’atténuer les risques associés au tabac et à la cigarette.
Je ne veux pas que ce que l’on retienne de ma présentation, c'est que je reste sourd à ce que vous dites au sujet des profondes réserves de certaines personnes. Je suis conscient qu’elles existent. La situation actuelle est telle qu’elle est. Rien ne se créera en un été.
La proposition vise à commencer à remédier aux problèmes. Ce sera un processus graduel, comme ce fut le cas dans la lutte contre le tabagisme chez les jeunes. Divers acteurs apporteront diverses interventions pour rendre les choses plus sûres sur tous les plans.
Le président suppléant : Avez-vous d’autres observations?
La sénatrice McCallum : J’en ai une autre. Le programme de prévention du tabagisme compte parmi les plus efficaces, sauf dans les communautés autochtones. Or, tout ce qui s’est produit depuis 10 ans sur les plans scientifique, légal et politique ainsi qu’au chapitre de la conscientisation force l’industrie du tabac à négocier avec des représentants des milieux juridique, gouvernemental et de la santé publique en ce qui concerne la réglementation de la nicotine, de la publicité du tabac et de la conception de vastes stratégies de prévention du tabagisme chez les jeunes.
Après l’adoption du projet de loi sur le cannabis, ce sera le gouvernement fédéral qui fera désormais figure d’industrie responsable, pas l’industrie du tabac.
Qui alors servira d’organisme de surveillance du gouvernement lorsque, comme je le suppose, les problèmes de santé ou les cas de toxicomanie, par exemple, prendront de l’ampleur? Quel sera alors l’organisme de surveillance?
M. Costen : Je vais répondre à la question. Merci beaucoup de l’avoir posée.
Santé Canada est l’organisme de réglementation de l’industrie actuelle du cannabis médicinal. Selon ce qui est proposé, Santé Canada continuera d’agir en tant qu'organisme de réglementation relativement à l’industrie future.
Comme vous le savez sans doute tous, selon le projet de loi sur le cannabis, divers programmes de réglementation accorderont des autorisations aux particuliers ou aux entreprises qui veulent cultiver cette substance, en faire la transformation à des fins médicales ou l’employer autrement. Pensons au chanvre industriel, aux activités de recherche ou à d’autres activités scientifiques en laboratoire, autant d’activités qui seraient toutes réglementées par l’intermédiaire de Santé Canada.
Si je puis me permettre, vous avez soulevé un point absolument crucial à propos du tabagisme. Prenons un élément précis du projet de loi: les nombreuses restrictions applicables à la publicité, à la promotion, à l’emballage et à l’étiquetage, à tout ce qui pourrait inciter les jeunes à consommer, quoi. Toutes les dispositions présentées dans le projet de loi s’appuient largement sur les leçons tirées de la réglementation du tabac. Elles s’inscrivent toutes dans une stratégie de santé publique dans ce dossier.
La sénatrice McCallum : Je n’ai qu’une petite observation. Vous n’y voyez pas de conflit d’intérêts.
Diane Labelle, avocate générale, ministère de la Justice Canada : Si je puis me permettre une précision, le cannabis est actuellement régi par la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Santé Canada dispose de très peu d’outils relativement aux manquements, à la promotion ou à ce qui se trouve sur Internet, autant de questions qui ne relèvent d’aucune mesure réglementaire ni d’aucune intervention à la portée de Santé Canada
En l’occurrence, soit ont déterminera qu’il s’agira d’une activité criminelle, soit on laissera les choses aller, en se contentant d’un minimum d’inspections ou d’interventions relativement à l’observation et à l’application de la loi, strictement parce que Santé Canada n’a pas accès aux outils nécessaires.
Le cadre législatif proposé donne à l’organisme de réglementation une marge de manœuvre beaucoup plus large et des outils beaucoup plus variés pour lutter efficacement contre la publicité illégale sur les sites web et contre la vente de semences par Internet, qui ne sont pas réglementées.
Le ministère sera en position de pouvoir par rapport à une industrie qui, pour l’instant, tout en devant se conformer à des interdictions et à la loi, trouve malgré tout le moyen de vendre son produit. L’adoption du projet de loi donnera davantage de moyens à Santé Canada.
Mme Gideon : J’ai une observation à faire. Je suis tout à fait d’accord pour dire qu’il reste beaucoup à faire au chapitre des déterminants sociaux de la santé. Aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du secteur public, ma carrière a toujours été axée sur les Premières Nations. J’ai été impressionnée de la vitesse à laquelle les Premières Nations, partout au pays, ont mis sur pied leurs autorités sanitaires et mis à profit sur-le-champ les ressources investies, de manière à améliorer très rapidement les services.
Même s’il faut habituellement un certain temps pour lancer un programme, les Premières Nations y arrivent. Elles prennent les ressources. MKO, au Manitoba, par exemple, a mis sur pied une équipe d’intervention de crise. L’organisme a affecté une enveloppe à l’équipe chargée du bien-être psychologique. Des services sont offerts, y compris au sein de l’autorité sanitaire d’Opaskwayak, qui bénéficie des services de l’équipe. Je suis convaincue que les Premières Nations seront beaucoup mieux à même d’aider leurs membres que par le passé.
En ce qui a trait au tabac, je dirais par ailleurs qu’il est tout à fait vrai que les taux de tabagisme étaient encore très élevés, y compris parmi les femmes enceintes. La plus récente stratégie, qui est en cours de refonte, a produit des données exceptionnelles qui montrent que les Premières Nations ont élargi considérablement l’accès à des lieux publics sans fumée et qu’elles ont adopté des règlements limitant l’usage du tabac, ce qui, il y a 10 ans encore, aurait été impensable.
Les Premières Nations jouent un rôle structurant pour ce qui est de contrôler l’accès aux produits du tabac et l’exposition à la fumée secondaire au sein des communautés. Je serai heureuse de fournir des statistiques très récentes au comité, si elles vous intéressent.
Le président suppléant : La marijuana est-elle meilleure ou pire que le tabac pour les poumons et en ce qui concerne le cancer du poumon?
Mme Gideon : Je ne suis pas médecin, alors je ne peux pas répondre à la question. Cependant, nous pouvons assurément vous fournir une réponse en fonction de l’information dont nous disposons.
Le président suppléant : D’accord.
La sénatrice Pate : J’ai envie de poursuivre dans le même ordre d’idées, mais vu que des fonctionnaires des ministères de la Justice et de la Sécurité publique sont présents, je vais prendre une tangente.
C’est connu, un nombre disproportionné d’Autochtones ont des démêlés avec la justice. Diverses statistiques, dont les vôtres, font état d’un nombre disproportionné d’Autochtones qui déclarent consommer du cannabis. Nous connaissons les répercussions que la judiciarisation et l’incarcération, en particulier, ont dans les communautés autochtones, puisque d’innombrables rapports provinciaux et fédéraux en font état, sans compter, dernièrement, le rapport de la Commission de liberté et réconciliation et les appels à la désinstitutionnalisation.
Je me demande comment vous vous y êtes pris pour déterminer comment vous réglerez le problème, étant donné qu’il y a vraisemblablement beaucoup de personnes qui ont un casier judiciaire pour des délits qui ne seront plus considérés comme des infractions criminelles. Quelle approche adoptera-t-on? Y aura-t-il un processus de radiation semblable à celui qui s’applique pour d’autres articles ayant été supprimés du Code criminel? Comment dissociera-t-on les répercussions individuelles qu’ont eues les condamnations en question à celles d’un système qui, comme l’ont montré la Commission de vérité et réconciliation, la Commission royale sur les peuples autochtones et les enquêtes provinciales sur l’administration de la justice et les Autochtones, a eu comme on le sait d’énormes répercussions?
M. Bhupsingh : Les travaux se poursuivent sur ces grandes questions. Nous nous penchons bien sûr sur les points que vous venez de soulever.
Je ne suis pas le mieux placé pour vous fournir des précisions sur notre façon de procéder, mais le gouvernement tient par exemple à ce que le régime de réhabilitation prévu dans la Loi sur le casier judiciaire soit revu, notamment pour modifier les critères d’admissibilité à la liste d’attente ainsi que les droits qui sont restrictifs.
Ce que vous dites sur les liens entre les Autochtones et l’incarcération est un problème énorme qui ne se réglera probablement pas par une modification du droit criminel au pays. Il faut sans doute lancer un débat en bonne et due forme pour déterminer comment régler ce problème précis.
En ce qui a trait à la réhabilitation, des discussions sont en cours. J’espère qu’il y aura des directives sous peu à ce sujet.
La sénatrice Pate : Qu’en est-il au ministère de la Justice?
Mme Labelle : Je relève des services juridiques de Santé Canada, alors je n’ai pas accès à l’information du ministère de la Justice.
L’un des objectifs de ce que propose le projet de loi C-45 consiste à atténuer les effets sur les jeunes et sur le système de justice pénale. En ce qui a trait aux jeunes, un certain nombre de mesures sont en place. Au lieu de se retrouver avec un casier judiciaire, les jeunes relèveraient de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, qui met beaucoup plus de mesures à la disposition des forces de l’ordre et du système juridique.
Pour ce qui est de la possession d’un maximum de cinq grammes, les provinces l’interdisent. Elles disposent d’outils qui ne relèvent pas du régime pénal. On espère avoir atténué autant que possible les répercussions du système pénal sur les jeunes.
Le président suppléant : Dans la foulée de vos observations, Me Labelle, j’ai une question à propos des jeunes. Vous avez parlé d’atténuer les répercussions pour les jeunes et du fait que les provinces ont la possibilité de faire relever les jeunes du système de justice pénale pour les adolescents.
Au cours de la dernière semaine, je suis allé dans diverses localités du Nunavut. Les gens là-bas sont carrément scandalisés que le projet de loi sur le cannabis autorise les adolescents de 12 à 17 ans à posséder jusqu’à cinq grammes de cannabis sans qu’ils s’exposent à des sanctions criminelles. Corrigez-moi si je me trompe, mais j’ai l’impression que, pendant qu’il fait de grands discours sur l’atténuation des conséquences sur les jeunes, le gouvernement ferme les yeux sur le fait que les jeunes, dont le cerveau est encore en développement, ne recevront éventuellement qu’une petite tape sur les doigts pour avoir eu cinq grammes de marijuana en leur possession; l’interdiction n’aura pas de dents.
Expliquez-moi alors comment une disposition autorisant les jeunes à posséder cinq grammes de marijuana sans s’exposer à des sanctions criminelles les aidera-t-elle? Comment atténuera-t-elle les répercussions sur les jeunes?
Aidez-moi. Dans les régions éloignées du Nunavut, même les personnes qui sont pour la légalisation estiment que le cerveau des jeunes est en développement et vulnérable, et elles ne peuvent pas concevoir que le gouvernement fédéral envoie un tel message.
Mme Labelle : Le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et territoriaux se concertent justement à ce sujet. Ils savent qu’il faut protéger les jeunes et leur cerveau en développement. M. Costen pourra parler du volet sensibilisation.
En ce qui a trait aux cinq grammes, l’idée consiste à ne pas judiciariser les jeunes pour la possession de très petites quantités de cannabis. Le gouvernement fédéral collabore avec les provinces et les territoires pour qu’ils utilisent leurs propres outils afin d’interdire la possession sans que les adolescents se retrouvent avec un casier judiciaire pour avoir possédé une petite quantité de cannabis.
Il y aurait une saisie. Il y aurait une petite amende. Il s’agirait de mobiliser les approches communautaires qui sont déjà employées couramment pour l’alcool ou le tabac.
Le président suppléant : Pardonnez-moi mon ignorance, mais on parle d’adolescents. Est-ce qu’ils se retrouveront avec un casier judiciaire pour avoir eu une petite quantité de marijuana en leur possession ou est-ce qu’ils finiront dans le système pour les jeunes délinquants?
Je ne comprends tout simplement pas pourquoi il est nécessaire de leur éviter d’avoir un casier judiciaire.
Mme Labelle : Le groupe de travail a examiné la question attentivement. Des experts en santé mentale, des professionnels de la santé, des juristes et des intervenants communautaires ont exposé les considérations entourant le fait d’exposer les jeunes au système de justice pénale, quelque chose qui peut avoir des répercussions tout au long de leur vie.
Au moment de rédiger le projet de loi, une attention particulière a été accordée aux outils nécessaires pour éviter de donner l'impression que le gouvernement cautionne la consommation de cannabis par les adolescents, au contraire. Néanmoins, le gouvernement n’a pas voulu imposer de conséquences qui suivraient les jeunes à vie.
Dans cette optique, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents constitue un outil. Pour tout cas de possession d'une quantité inférieure à cinq grammes, les provinces et les territoires se serviront de leurs propres outils, ce qui réduira autant que possible les effets du système pénal sur les jeunes.
M. Costen : Dans le même ordre d’idées, en plus de ce que Me Labelle vient d’expliquer, je dirais qu’un certain nombre d’éléments de la proposition sont pertinents. Il est nécessaire de garder à l’esprit que, en s’inspirant encore là des leçons tirées de la lutte contre le tabagisme, le projet de loi renferme des propositions que l’on dit axées sur les jeunes. Il y a de nouvelles dispositions qui visent l’adulte jouant un rôle dans une transaction qui permet à un adolescent d’obtenir du cannabis.
En l’occurrence, un moyen efficace de protéger les jeunes consiste à ne pas influer indûment sur leur parcours de vie en leur imposant un casier judiciaire. Les outils appropriés sont ceux que les provinces mettent en place. Je précise que toutes les provinces qui ont présenté des mesures législatives jusqu’à présent ont agi en ce sens. Il s’agit fondamentalement d’isoler l’adulte en cause, que ce soit parce qu’il a fourni du cannabis à un jeune ou, à vrai dire, qu’il s’en est servi pour faire le trafic du cannabis. La proposition vise à imposer des sanctions à l’adulte, dans une telle situation.
Je ne m’étendrai pas là-dessus, mais, comme Me Labelle l’a dit, diverses initiatives de santé publique ont pour but d’éviter que les adolescents commencent à consommer du cannabis et de les sensibiliser aux méfaits de cette consommation, et il existe toutes sortes de programmes de soutien et de stratégies pour atteindre cet objectif.
Le président suppléant : Avez-vous une courte question complémentaire, madame la sénatrice Pate?
La sénatrice Pate : Oui. J’ai l’impression que la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents comporte déjà des dispositions qui incitent les juges à envisager d’autres approches. Je me demande donc si des fonds additionnels seront accordés pour les programmes de traitement intensifs, les campagnes de sensibilisation et ainsi de suite.
Mme Labelle : Mon collège du ministère de la Justice, derrière moi, me dit qu’il n’y a aucune enveloppe additionnelle, mais que l’accès aux programmes de désintoxication sera maintenu.
Le président suppléant : Mme Gideon, j’ai une question sur les services aux toxicomanes dans les territoires. Vous avez dit que les services de mieux-être en santé mentale avaient été confiés au gouvernement des Territoires du Nord-Ouest aux termes de l’Accord de transfert de 1988 concernant la santé dans les Territoires du Nord-Ouest. Or, j’ai personnellement joué un rôle dans le dossier de l’accord. L’une de nos réserves venait du fait que, à l’époque, le Canada ne fournissait pas du tout de services de santé mentale. À vrai dire — et sans vouloir offenser qui que ce soit —, aucun service de mieux-être en santé mentale n’a pu être transféré parce que Santé et Bien-être Canada n’offrait pas de services de mieux-être en santé mentale en 1988. Nous avons conclu un excellent accord, avec M. Epp. Nous avons obtenu l’enveloppe complète du gouvernement fédéral, mais il y avait un gros trou au chapitre du mieux-être en santé mentale, et maintenant, le Nunavut n’a pas du tout de services de traitement des toxicomanes.
Vous dites que les gouvernements territoriaux reçoivent directement du financement à l’appui des activités de prévention et de promotion de la santé. Je n’ai pas besoin de vous en dire davantage au sujet des déterminants sociaux au Nunavut. Nous arrivons en queue de peloton dans le monde au chapitre des déterminants sociaux, y compris le suicide.
Il semblerait que le gouvernement du Nunavut a eu des discussions avec Santé Canada à propos des répercussions du projet de loi, qui viendront s’ajouter aux problèmes d’alcoolisme dans le territoire. Y a-t-il des pourparlers en cours sur la possibilité que le Canada soutienne la mise sur pied de services de traitement de la toxicomanie sur le terrain? Je suis d’accord avec tout ce que vous avez dit à propos des programmes sur le terrain adaptés aux cultures. Y a-t-il des pourparlers, que ce soit dans le contexte du projet de loi ou autrement, avec le gouvernement du Nunavut en vue de lancer de tels services? Pour la première fois, du moins depuis l’époque où j’étais ministre de la Santé, un centre de traitement a ouvert ses portes, sauf qu’il était conçu et piloté depuis le Sud, alors ce fut un échec. Y a-t-il des pourparlers en cours pour combler les besoins pressants à ce chapitre?
Mme Gideon : Oui, tout à fait. L’an dernier, j’étais à Iqaluit, et nous avons participé à une table tripartite avec le ministère de la Santé du Nunavut et NTI. Ce fut un grand succès. Le volet axé sur les Inuits de l’entente de financement bilatérale conclue avec le Nunavut a entièrement été négocié en présence de représentants de NTI. Un protocole d’entente tripartite a même été conclu avant la signature de l’accord de financement pour les 10 prochaines années en ce qui concerne tous les services de promotion de la santé et de prévention destinés aux Inuits, une première. La collaboration, le partenariat entre les trois parties a été un grand succès. Les Inuits ont désormais voix au chapitre tout au long des négociations entourant les ressources de cet ordre. Ils sont au courant de tout et ce sont eux qui mettent au point les plans et les indicateurs de suivi.
En ce qui a trait aux services de traitement de la toxicomanie, nous avons financé la réalisation d’une étude de faisabilité pour un centre de désintoxication au Nunavut. Vous savez sans doute qu’un des appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation porte expressément sur l’absence de services de désintoxication en établissement dans le Nord. Nous avons mené des démarches auprès du Nunavut justement dans le but de mener une étude de faisabilité.
Cela dit, nous avons également tenu des discussions avec le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. Ce qu’il veut, c’est élargir l’accès aux services de traitement dans les communautés qu’ils offrent depuis quelques années. Nous cherchons également à cerner ses attentes. Je ne me souviens plus des dates précises, mais, dans les Territoires du Nord-Ouest mêmes, nous avons financé au cours du dernier exercice le premier Sommet panterritorial sur les terres, tenu dans la région de Yellowknife. Tous les gens qui évoluent dans le milieu du traitement dans les communautés nordiques y ont assisté pour analyser les données, de plus en plus nombreuses, relatives au modèle de traitement en question.
Au Nunavut, l’intérêt pour la construction et l’exploitation d’un centre de désintoxication est palpable. NTI s’est par ailleurs engagée à fournir des ressources à cet effet, une enveloppe pouvant éventuellement atteindre 15 millions de dollars, puisés à même ses revenus. Nous nous concertons avec beaucoup de diligence avec les trois partenaires afin de mettre au point un modèle.
Le président suppléant : Tous les sénateurs sont intervenus, sauf la sénatrice McPhedran. Puis-je solliciter l’indulgence des témoins pour qu’elle puisse poser une dernière question? Je sais que vous devez partir, mais peut-on donner la parole à la sénatrice McPhedran avant de conclure la séance?
La sénatrice McPhedran : Merci beaucoup de votre considération, monsieur le président.
Ma question donne suite à un certain nombre de celles qui vous ont déjà été posées. Elle porte sur les approches axées sur les jeunes, en particulier en ce qui concerne les stratégies de prévention et de désaccoutumance. Lorsque vous évaluez l’efficacité des programmes dans ces deux domaines, procédez-vous à des analyses comparatives entre les sexes? Aussi, les anciens jouent-ils un rôle dans les programmes offerts dans les communautés?
Mme Gideon : Dans les deux cas, la réponse est oui, tout à fait.
Nous avons modernisé le fameux Programme national de lutte contre l’abus de l’alcool et des drogues chez les Autochtones, qui a vu le jour dans les années 1970. M. Costen s’en souvient parce que, à l’époque, il était directeur du mieux-être en santé mentale. Le rapport Honorer nos forces découle de cet exercice. Il a mis en lumière le fait que le programme ne s’adressait pas efficacement aux jeunes et qu’il n’offrait pas assez de services de soutien aux femmes, notamment les toxicomanes enceintes.
Même si nous disposions alors de peu de ressources additionnelles, étant donné que cela relevait de la Stratégie nationale antidrogue, il y a eu une année où nous avons obtenu à peu près 5 millions de dollars de plus. Nous avons mis ces ressources à profit pour moderniser les centres et les programmes dans les communautés afin de les rendre plus accessibles aux populations visées.
Nous voulons poursuivre sur cette lancée. Ainsi, lorsque nous avons commencé à offrir des traitements par agonistes opioïdes, nous avons agi avec beaucoup de prudence. Nous avons commencé par des élèves d’une école secondaire de Thunder Bay qui étaient à risque du fait de leur dépendance à l’OxyContin. Il s’agissait de notre premier programme au Suboxone. Les adolescents s’adonnaient à des activités criminelles ou, parfois, ils en étaient victimes. Nous avons assuré un suivi de nos approches en continuant de chercher des modèles efficaces destinés expressément aux jeunes et aux femmes à risque.
La sénatrice McPhedran : Pourriez-vous nous communiquer les résultats de cette analyse?
Le président suppléant : Vous pourrez nous les transmettre par l’intermédiaire du greffier.
Je remercie beaucoup les témoins et les sénateurs d’avoir utilisé judicieusement le peu de temps dont nous disposions.
Nous reprendrons notre étude sur ce dossier mercredi soir.
(La séance est levée.)