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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule no 56 - Témoignages du 4 juin 2019 (séance de l'après-midi)


OTTAWA, le mardi 4 juin 2019

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, auquel a été renvoyé le projet de loi C-91, Loi concernant les langues autochtones, se réunit aujourd’hui, à 15 h 33 pour l’étude article par article du projet de loi et, à huis clos, pour étudier la teneur des éléments de la section 25 de la partie 4 du projet de loi C-97, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 19 mars 2019 et mettant en œuvre d’autres mesures.

La sénatrice Lillian Eva Dyck (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

(La séance se poursuit à huis clos.)

(La séance publique reprend.)

La présidente : Aujourd’hui, nous procédons à l’étude article par article du projet de loi C-91, mais avant de commencer, j’aimerais signaler aux membres du comité la présence de représentants du ministère du Patrimoine canadien, qui peuvent répondre à des questions techniques, au besoin, pendant l’étude article par article. J’aimerais également rappeler aux sénateurs certains points concernant le processus.

À titre de présidente, je vais aborder chaque article dans l’ordre dans lequel ils apparaissent dans le projet de loi.

En ce qui concerne la procédure, je tiens à rappeler aux sénateurs que, lorsqu’on propose plus d’un amendement pour un même article, les amendements doivent être proposés en suivant l’ordre des lignes du texte à modifier.

Si, à un moment ou à un autre, l’un des sénateurs ne sait plus trop où nous en sommes, qu’il n’hésite pas à demander des précisions. Je veux m’assurer que tout le monde comprend les mêmes choses en même temps, du début à la fin.

Si un sénateur s’oppose à un article en entier, la procédure normale en comité n’est pas d’adopter une motion pour supprimer l’article au complet, mais plutôt de voter contre le maintien de l’article dans la mesure législative.

J’aimerais également rappeler aux sénateurs que certains amendements proposés peuvent avoir des répercussions sur d’autres parties du projet de loi. Le cas échéant, il serait très utile qu’un sénateur qui propose un amendement indique au comité quels sont les autres articles du projet de loi sur lesquels son amendement pourrait avoir une incidence. Autrement, il pourrait être très difficile pour notre comité de demeurer conséquent dans ses décisions.

Notre personnel s’efforcera de consigner les endroits où des amendements subséquents doivent être proposés et nous les signalera. Puisqu’il n’est pas nécessaire de donner un préavis pour proposer des amendements, il peut évidemment ne pas y avoir eu d’analyse préliminaire des amendements pour déterminer ceux qui peuvent avoir des répercussions sur les autres articles ou leur être contraires.

Si des membres du comité ont des questions concernant le processus ou le bien-fondé de quoi que ce soit, ils peuvent invoquer le Règlement. La présidence écoutera les arguments, décidera du moment où nous aurons assez discuté de la question et rendra une décision.

Bien entendu, le comité est le maître de ses travaux dans les limites établies par le Sénat et un sénateur peut interjeter appel d’une décision de la présidence devant le comité en demandant si la décision doit être maintenue.

À titre de présidente, je ferai de mon mieux pour m’assurer que tous les sénateurs qui souhaitent prendre la parole puissent le faire. Cependant, je vais devoir compter sur votre coopération et je vous demande à tous de vous en tenir aux faits et de parler le plus brièvement possible, par égard pour les autres sénateurs.

Enfin, je tiens à rappeler aux sénateurs que s’ils ont le moindre doute quant aux résultats d’un vote par oui ou non, ou d’un vote à main levée, la façon la plus efficace d’intervenir consiste à demander un vote par appel nominal, qui aboutira manifestement à des résultats clairs. Les sénateurs savent qu’en cas d’égalité des voix, la motion sera rejetée.

Avez-vous des questions sur ces précisions?

Le sénateur Sinclair : Nous devrons aller voter à 16 h 53, ce qui signifie que nous devons partir 15 minutes avant. Serait-ce approprié?

La présidente : Dix ou quinze minutes, oui.

Le sénateur Sinclair : Je ne peux pas couvrir cette distance en marchant en 10 minutes.

La présidente : Il faut donc partir à 16 h 38. Nous suspendrons la séance à 16 h 38 pour retourner à la Chambre à temps pour le vote.

Plaît-il au comité de procéder à l’étude article par article du projet de loi C-91, Loi concernant les langues autochtones?

Des voix : D’accord.

La présidente : D’accord.

L’étude du titre est-elle réservée?

Des voix : D’accord.

La présidente : D’accord.

L’étude du préambule est-elle réservée?

Des voix : D’accord.

La présidente : D’accord.

L’étude de l’article 1, qui contient le titre abrégé, est-elle réservée?

Des voix : D’accord.

La présidente : D’accord.

Avec le consentement des sénateurs, est-il convenu de regrouper les articles pour lesquels nous n’avons pas d’amendement indiqué sur la feuille de route?

Des voix : D’accord.

La présidente : D’accord.

Nous abordons maintenant un amendement à l’article 2, à la page 3. Le sénateur Tannas va nous en parler.

Le sénateur Tannas : Très brièvement, cela concerne les représentants des centres d’amitié qui ont comparu devant le comité. Même s’ils offrent des services linguistiques dans un grand nombre de leurs centres et dans différentes situations, ils craignent qu’on puisse utiliser la description des organismes autochtones pour les exclure.

La présidente : Excusez-moi, mais je crois que vous devriez probablement lire la motion avant de poursuivre.

Le sénateur Tannas : Je propose :

Que le projet de loi C-91 soit modifié, à l’article 2, à la page 3, par substitution, aux lignes 34 à 37, de ce qui suit :

a) soit qui représente les intérêts d’un groupe autochtone et de ses membres;

b) soit, sauf à l’article 45, qui est spécialisée en matière de langues autochtones;

c) soit qui fournit des services aux peuples autochtones à l’endroit où ils résident, notamment des centres d’amitié. (Indigenous organiza- ».

Le libellé que nous avons créé dans ce cas-ci est plus inclusif que la définition actuelle. Nous avons entendu quelques commentaires de personnes qui n’ont pas participé au processus de consultation et de codéveloppement. Ces personnes sont d’avis que certaines des définitions ont peut-être une portée un peu restreinte et qu’elles pourraient ainsi exclure précisément les centres d’amitié.

Par l’inclusion des centres d’amitié, nous offrons le potentiel d’interpréter cette définition comme visant d’autres organismes de prestation de services, sans les nommer.

La présidente : Y a-t-il des questions?

La sénatrice LaBoucane-Benson : J’aime ce changement. J’aime aussi le fait qu’il soit divisé en trois parties, à savoir les parties a), b) et c). La seule chose avec laquelle je ne suis pas d’accord, c’est le fait de mentionner un fournisseur de services particulier, c’est-à-dire les centres d’amitié, car il existe de nombreux fournisseurs de services, à l’échelle du pays, qui ne sont pas nécessairement des centres d’amitié.

Si on conserve le libellé « soit qui fournit des services aux peuples autochtones à l’endroit où ils résident », cela comprend les centres d’amitié et d’autres organismes communautaires qui ne sont pas des centres d’amitié. Cela permet de cerner un groupe particulier. J’ai travaillé dans ce domaine pendant 23 ans, et je sais donc qu’il y a un grand nombre d’organismes communautaires appartenant aux autochtones.

Si on éliminait les quatre derniers mots de l’alinéa c), ce serait un changement positif, mais je ne sais pas ce qu’en pensent les membres du comité.

La présidente : Y a-t-il d’autres commentaires?

Le sénateur Tannas : Je crois que c’est un pas en avant.

Le sénateur Patterson : Des représentants de l’Association nationale des centres d’amitié ont comparu devant le comité. Ils ont dit qu’on ne les avait pas consultés. Ils ont dit aussi qu’ils offraient des programmes de langues autochtones. Ils sont représentés partout au pays.

Je ne crois pas que le fait de les mentionner disqualifie les nombreux autres organismes, et cela leur donne la crédibilité qu’ils méritent et à laquelle personne ne s’oppose. Je pense que le mot « notamment » signifie « sans s’y limiter ». Cela ne signifie pas qu’il n’y a pas d’autres possibilités. Je pense seulement que ces gens sont trop souvent laissés pour compte. Ils ont besoin d’une plus grande reconnaissance de notre comité, et ce libellé me convient.

Je comprends ce que vous dites, sénatrice LaBoucane-Benson. Toutefois, je crois que c’est bien de leur donner une certaine reconnaissance dans ce cas-ci, car c’est ce qu’ils nous ont demandé de faire lorsqu’ils ont comparu devant le comité.

Le sénateur Francis : J’aimerais préciser, pour le compte rendu, qu’il n’y a aucun centre d’amitié sur l’Île-du-Prince-Édouard. Ils ne sont donc pas partout au Canada.

La sénatrice Coyle : Je comprends la suggestion de la sénatrice LaBoucane-Benson, mais ce n’est pas une mauvaise idée de mentionner les centres d’amitié. On pourrait peut-être accommoder les deux points de vue en disant « notamment des centres d’amitié et d’autres organismes autochtones de la société civile », car nous avons également entendu cet argument.

La préoccupation exprimée concernait le fait que ce serait capturé par les gouvernements, les gouvernements autochtones, et on voulait veiller à ce que les organismes autochtones de la société civile soient inclus. C’était donc une façon possible d’inclure les centres d’amitié et d’autres organismes.

La sénatrice McCallum : La sénatrice Coyle soulève un bon point. Si nous incluons les centres d’amitié, nous devons penser aux établissements métis et à tous les autres organismes uniques qui n’ont pas la capacité d’obtenir du financement. Le libellé qu’elle propose permettra d’inclure de nombreux autres organismes dont nous ignorons peut-être l’existence.

Le sénateur Sinclair : Il faudrait toutefois savoir si cela causera des difficultés au ministère sur le plan administratif. J’aimerais donc avoir l’avis des représentants du ministère sur cette proposition.

Hélène Laurendeau, sous-ministre, Patrimoine canadien : Cette définition était censée avoir une portée très large. Il s’ensuit que le fait de préciser des organismes qui fournissent des services ne va pas à l’encontre de l’esprit de la définition.

La seule chose qui me préoccupe, c’est l’utilisation des mots « autres organismes de la société civile ». En effet, cela pourrait introduire une notion qui n’a aucune définition. Je ferais donc attention à cela, mais c’est une option à considérer.

La définition en tant que telle visait à englober les organismes que vous décrivez. De ce point de vue, cela ne causerait pas trop de difficultés administratives au ministère.

La présidente : Le mot « communautaires » serait-il acceptable sur le plan technique?

Mme Laurendeau : Il serait probablement plus précis dans le contexte autochtone, car il renvoie à une description mieux connue que celle liée à la société civile, qui nécessiterait probablement une définition.

La sénatrice LaBoucane-Benson : Pour faire suite aux propos de la sénatrice Dyck, je conviens qu’il serait peut-être préférable d’utiliser le mot « communautaires ». Je pense que nous devrions dire « communautaires autochtones » ou « communautaires et appartenant aux Autochtones .»

Le sénateur Christmas : L’autre témoignage qui me vient à l’esprit est celui de l’aînée Claudette Commanda. Elle a précisé que les centres d’éducation culturelle représentaient un type de fournisseurs de services linguistiques souvent oublié. Oui, je conviens tout à fait que les centres d’amitié doivent être inclus de façon directe ou indirecte. C’est important. En revanche, je pense que les centres d’éducation culturelle fournissent aussi des services linguistiques.

Cela compliquera probablement le travail des rédacteurs, mais je veux veiller à ce que tous les organismes autochtones qui offrent ces services soient inclus.

La sénatrice Coyle : Je ne ferai pas la difficile. Cela me va, même si le mot « communautaires » a une portée plus restreinte que les mots « organismes de la société civile ». En effet, les organismes de la société civile englobent les organismes communautaires. De plus, c’est une expression couramment utilisée au Canada et à l’échelle internationale. Elle est très bien comprise. Des représentants de l’Association des femmes autochtones et des centres d’amitié l’ont utilisée dans leurs témoignages.

Cela ne me dérange pas, pourvu que tous les organismes autochtones soient clairement inclus. J’ai tenté de ne pas utiliser des mots non liés aux organismes gouvernementaux. J’ai tenté d’utiliser des mots positifs. Les mots positifs liés au contexte non gouvernemental sont les mots « société civile », qui ont une portée plus générale. Si vous souhaitez utiliser le mot « communautaires », cela ne me pose pas de problème, car c’est une sous-catégorie de la société civile, et cela me convient.

Le sénateur Francis : J’aimerais formuler un commentaire. On pourrait aussi utiliser les mots « notamment, mais sans s’y limiter ».

Le sénateur Sinclair : Sur le plan juridique, le mot « notamment » signifie « sans s’y limiter ».

La présidente : Nous devons choisir une option.

Le sénateur Sinclair : À titre de renseignement pour les personnes intéressées, dans le projet de loi, les mots « organismes autochtones » reviennent à 16 reprises. Tout changement aura donc une incidence sur ces dispositions.

La présidente : Sommes-nous d’accord sur le libellé à utiliser? J’ai l’impression que les membres du comité veulent l’amender. Si nous l’amendons, nous devrons revenir sur l’amendement, car il doit être traduit en français.

En ce qui a trait au libellé, j’aimerais avoir votre réponse, sénateur Tannas.

Le sénateur Sinclair : Quel libellé?

Le sénateur Tannas : Ce serait « soit qui fournit des services aux peuples autochtones à l’endroit où ils résident, notamment des centres d’amitié et d’autres organismes autochtones de la société civile ».

La présidente : J’avais l’impression que le mot « communautaires » était plus acceptable sur le plan technique.

La sénatrice McCallum : Puis-je faire un commentaire sur le mot « communautaires »? Nous, les professionnels de la santé, travaillons dans les réserves. Nous qualifions ce travail de « communautaire », mais nous ne faisons pas cela en milieu urbain. En effet, ce mot signifie que nous allons dans la communauté pour offrir des services et que nous revenons ensuite en ville. La seule expression que nous utilisons lorsque nous allons dans les réserves est « services communautaires ». Je tenais à le préciser, car cela pourrait restreindre la portée. Je n’ai jamais entendu cette expression être appliquée aux structures urbaines.

Une voix : Oui, on l’applique aux structures urbaines.

La sénatrice LaBoucane-Benson : Selon moi, la société civile englobe les universités et les grands organismes, et la notion d’un « organisme autochtone communautaire » est liée à la Mother Earth’s Children’s Charter School, aux centres d’amitié et aux personnes qui fournissent d’autres services, comme le Centre de guérison Stan Daniels. La langue devrait faire partie du processus de guérison. J’espère qu’il s’agit des personnes et des organismes dont nous parlons aujourd’hui.

Le sénateur Tannas : Sommes-nous en train de dire que nous ajouterions les mots « notamment les centres d’amitié et d’autres organismes communautaires autochtones »? Est-ce ce que nous proposons?

La présidente : Sénateurs, est-il convenu de réserver cette motion et d’y revenir lorsqu’elle sera traduite?

Des voix : D’accord.

La présidente : Merci. Nous sommes d’accord.

L’article 3 est-il adopté?

Des voix : D’accord.

La présidente : Nous avons un nouvel article à la page 4.

La sénatrice McCallum : Je propose:

Que le projet de loi C-91 soit modifié, à la page 4, par adjonction, après la ligne 6, de ce qui suit:

« 3.1 Dans l’exercice de ses attributions au titre de la présente loi, le ministre, le Bureau ou le commissaire, selon le cas, agit de manière compatible avec l’engagement du gouvernement du Canada à l’égard de la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. ».

J’ai fait une déclaration sur le projet de loi C-69 hier, à la Chambre. J’ai également mentionné ce matin que le Sommet des Premières Nations avait proposé un projet de loi en Colombie-Britannique pour mettre en œuvre la déclaration des Nations Unies de la façon suivante :

Le Bureau d’évaluation environnementale devient un bureau du gouvernement.

L’article 2.1 poursuit en indiquant ce qui suit :

[...] favoriser la réconciliation avec les peuples autochtones de la Colombie-Britannique en appuyant la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones [...]

b) en reconnaissant la compétence inhérente des nations autochtones et leur droit de participer à la prise de décisions susceptibles de toucher leurs droits, par la voix de représentants qu’elles ont elles-mêmes désignés

c) en collaborant avec les nations autochtones dans le cadre de projets axés sur les ressources renouvelables, conformément à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et

d) en reconnaissant les droits des peuples autochtones tels qu’ils sont reconnus et confirmés par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, dans le cadre des processus d’évaluation et de prise de décisions énoncés dans la présente Loi.

Nous avons parlé au grand chef ce matin. Lors de la formulation de sa recommandation, il a déclaré que la loi prévoyait un certain nombre de mécanismes importants visant à faire avancer l’objectif général et que la loi fonctionnait bien. Il a également indiqué que, par souci de clarté et de prévisibilité, il était simplement sensé d’harmoniser la loi fédérale avec le nouveau régime de la Colombie-Britannique et qu’il serait logique que la loi fédérale soit appliquée d’une façon qui coïncide avec cette loi.

Une province a mis en œuvre cette déclaration, et cela fonctionne bien pour les Autochtones. Leur relation avec la province progresse. Ces faits nous ont été présentés, et ces Autochtones appuient l’idée d’ajouter cet article au projet de loi C-69.

Je crois que, lorsque le gouvernement a déclaré qu’il souhaitait donner suite à la réconciliation et mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, il avait l’intention de commencer par s’occuper de la déclaration afin de réparer les torts du passé.

Le sénateur Tannas : Sénatrice McCallum, ce que vous avez lu correspond-il à ce que la Colombie-Britannique a ajouté? Je n’ai pas entendu quoi que ce soit à propos de l’obligation de faire quoi que ce soit. La disposition appuie la réconciliation, mais elle ne contient pas le genre de formulation que je vois dans l’amendement, lequel contient la mention « agit de manière compatible avec ».

Je demande s’il y avait une autre disposition rédigée en Colombie-Britannique qui était plus ferme que ce que je viens de vous entendre lire.

La sénatrice McCallum : Il a dit que c’était les dispositions qui étaient mises en œuvre et qu’elles fonctionnaient très bien. Il y a un autre article plus loin qui fait allusion à la déclaration des Nations Unies.

La sénatrice Coyle : Cela figure dans le préambule.

La présidente : Avez-vous une copie du projet de loi que vous pourriez lire?

La sénatrice McCallum : C’est un projet de loi de la Colombie-Britannique. C’est ce que j’ai lu au début. Cela figure sous la rubrique « Part 2, Administration, Environmental Assessment Office ». Il est indiqué tout au long qu’ils prévoient de consulter fréquemment les Autochtones, mais je pense que le grand chef a fait valoir de bons arguments ce matin.

La présidente : Y a-t-il d’autres questions ou d’autres commentaires?

Le sénateur Patterson : Cela figure dans le préambule, qui indique ce qui suit :

[...] le gouvernement du Canada s’est engagé à mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones qui prévoit des droits relatifs aux langues autochtones [...]

Êtes-vous en train de dire que cela ne suffit pas?

La sénatrice McCallum : Cela ne suffit pas. Si vous le dites dans le préambule, pourquoi verriez-vous une objection à le mentionner dans un autre article?

Le sénateur Patterson : Je voulais comprendre la signification du passage :

[...] agit de manière compatible avec l’engagement du gouvernement du Canada à l’égard de la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones [...]

Qu’est-ce que cela signifie en fait?

La sénatrice McCallum : Simplement ce que le passage indique :

[...] agit de manière compatible avec l’engagement du gouvernement du Canada à l’égard de la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones [...]

Le sénateur Patterson : À l’article 16 de la Déclaration des Nations Unies, il est question du droit des Autochtones d’établir leurs propres médias. Il est également mentionné que « Les États prennent des mesures efficaces pour faire en sorte que les médias publics reflètent dûment la diversité culturelle autochtone ».

L’article 14 indique :

Les peuples autochtones ont le droit d’établir et de contrôler leurs propres systèmes et établissements scolaires où l’enseignement est dispensé dans leur propre langue [...]

Diriez-vous que votre amendement oblige le ministre à financer des médias et des écoles conformément aux articles 14 et 16?

La sénatrice McCallum : Nous avons déjà le réseau APTN, nos médias autochtones. Lors de nos réunions, il a été mentionné qu’un chef de la Colombie-Britannique avait créé sa propre école et avait eu recours à l’enseignement axé sur le territoire. Pour ce faire, il s’est servi du programme d’études provincial. L’école avait son propre programme d’études, et ses diplômés étaient tout à fait en mesure d’être admis à l’université. C’est ce qu’a dit l’un de nos témoins.

La présidente : Nous allons devoir faire une pause d’environ une minute. Sénateur Sinclair, souhaitiez-vous formuler une observation avant que nous fassions cette pause?

Le sénateur Sinclair : Mon observation exigerait probablement plus d’une minute. Elle concerne la prémisse de la question. Si le sénateur Patterson n’y voit pas d’inconvénient, nous pourrions poursuivre cette conversation à notre retour. Je pense que nous devrions faire une pause maintenant.

La présidente : Nous suspendons la séance.

(La séance est suspendue.)

(La séance reprend.)

La présidente : Nous reprenons nos travaux.

Nous allons continuer de discuter de l’amendement de la sénatrice McCallum. Y a-t-il d’autres commentaires?

La sénatrice McCallum : En fait, je tiens à formuler d’autres observations. Puis-je le faire?

La présidente : Oui.

La sénatrice McCallum : En comité, nous avons entendu les sénateurs dire qu’ils souhaitaient mettre en œuvre une solution conçue au Canada. Le projet de loi de la Colombie-Britannique est un excellent exemple de solution conçue au Canada qui utilise la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

Le Conseil des droits de l’homme de l’Assemblée générale des Nations Unies a publié son étude finale sur les peuples autochtones et leur droit de participer à la prise de décisions intitulée Rapport du Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones. Dans une section intitulée « Participation à des systèmes hybrides de gouvernance », sous la rubrique « Participation aux mécanismes de prise de décisions liées aux institutions étatiques et non étatiques et aux processus touchant les peuples autochtones », on donne l’exemple suivant :

Au Canada, au cœur de l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut de 1993, il y a les conseils de cogestion des îles et des ressources du Nunavut qui garantissent que les Inuits participent de façon constructive aux décisions liées à la conservation des terres et à leur mise en valeur future [...]

Le Canada a négocié avec des peuples autochtones des accords sur les revendications territoriales, dans lesquels le système de gouvernance semble plus avancé que ce que l’on retrouve dans la législation canadienne, lorsque les membres de ces peuples cherchent à créer leurs propres lois et à prendre les mesures qui s’imposent. Ils mettent déjà en œuvre certaines des dispositions de la déclaration.

S’ils peuvent le faire, pourquoi le Canada ne fait-il pas la même chose?

La présidente : Je me demande si nous pourrions demander aux hauts fonctionnaires s’ils ont des commentaires à faire au sujet des détails techniques.

Mme Laurendeau : Avec tout le respect que je dois au comité, ces modifications sont plus que des détails techniques. J’oserais dire que c’est là un amendement de fond.

Je n’ai pas eu l’occasion d’entendre les témoins qui ont comparu au cours des autres séances. Par conséquent, il m’est difficile d’en dire davantage, si ce n’est que cela apporte une modification de fond à la mesure législative.

La sénatrice McCallum : Je sais que le projet de loi n’a pas été adopté. Son adoption ou non n’a aucune incidence sur les modifications que nous apportons, parce que, si le projet de loi n’est pas adopté et que la modification a été apportée, la modification sera interprétée différemment de la façon dont elle le serait si le projet de loi avait été adopté et que la modification avait été apportée.

La présidente : À quel projet de loi faites-vous allusion? Vous nous déroutez en disant que le projet de loi n’a pas été adopté. Quel projet de loi?

La sénatrice McCallum : Le projet de loi C-262 n’a pas été adopté. Que nous apportions ou non cette modification, le projet de loi sera interprété différemment. Ces interprétations seront toujours liées aux violations des droits de la personne qui surviennent.

La présidente : Sénateur Sinclair, vous aviez un commentaire à faire.

Le sénateur Sinclair : Oui. Mon commentaire est lié à la question que le sénateur Patterson a posée à la sénatrice McCallum à propos de la question de savoir si l’insertion des dispositions de l’amendement dont nous sommes saisis aurait une incidence sur l’obligation du gouvernement de financer des médias. D’autres renvois faisaient peut-être également partie des dispositions.

Je tenais à signaler que rien dans la déclaration des Nations Unies n’oblige le gouvernement à financer quoi que ce soit. La déclaration exige que le gouvernement reconnaisse certains droits et légifère en reconnaissant ces droits. Je souhaitais simplement mentionner cela.

La présidente : Les sénateurs sont-ils prêts à mettre la motion aux voix?

Des voix : Mettez-la aux voix.

La présidente : Que tous ceux qui sont pour la motion lèvent la main, s’il vous plaît. Ceux qui sont contre la motion.

Le sénateur Patterson : Avec dissidence.

La présidente : Nous avons reçu la traduction de l’amendement du sénateur Tannas. Je pense qu’elle se trouve devant vous. Essentiellement, l’amendement ajoute les mots « et d’autres organismes communautaires autochtones ».

Êtes-vous prêts à mettre la motion aux voix? Tous ceux qui sont pour la motion.

Le sénateur Sinclair : Je veux juste vérifier la traduction en français, s’il vous plaît.

La présidente : Tous ceux qui sont pour la motion d’amendement. Tous ceux qui sont contre.

Personne n’est contre l’amendement. L’amendement est adopté.

L’article 2 modifié est-il adopté?

Des voix : Oui.

La présidente : D’accord.

Le nouvel article 3.1 est-il adopté?

Des voix : Oui.

La présidente : D’accord.

L’article 4 est-il adopté?

Des voix : Oui.

La présidente : D’accord.

À la page 4, l’article 5 fait l’objet d’un amendement.

Le sénateur Sinclair : Je vais faire preuve de bravoure et le qualifier d’amendement de forme. Il concerne la traduction française d’une phrase anglaise de la mesure législative. Permettez-moi donc de lire la motion :

Que le projet de loi C-91, à l’article 5, soit modifié par substitution, dans la version française, à la ligne 19, page 4, de ce qui suit :

(i) évaluer la situation de diverses langues autoch-

Le sénateur Patterson : Le sénateur Sinclair pourrait-il, s’il vous plaît, nous dire ce qui cloche dans la version française originale?

Le sénateur Sinclair : Je vais peut-être demander à un représentant du gouvernement de l’expliquer. Soit dit en passant, cet amendement a été demandé par le gouvernement.

Le sénateur Patterson : Je sais. Je ne fais que vous taquiner.

Le sénateur Sinclair : Selon mon interprétation de la version française, je crois qu’elle ne correspond pas exactement à la formulation anglaise, mais je pourrais me tromper. Voyons en quoi consiste la présente préoccupation.

Mme Laurendeau : Je tente de comprendre de quel amendement vous parlez.

Le sénateur Patterson : MS-5.4.

Mme Laurendeau : C’est parce que le mot « distinct » n’est pas au bon endroit. En fait, je vais demander à Louise Sénéchal d’expliquer cet amendement, car elle le comprend mieux que moi. C’est une erreur que j’ai commise au cours de la séance du comité parlementaire, et nous essayons de la corriger.

Louise Sénéchal, directrice exécutive et avocate générale, Services juridiques, Patrimoine canadien : Ce n’était pas de votre faute. La version française de l’amendement, qui a été présenté à la chambre parlait de statut distinct de la langue, mais, en anglais, on cherchait à dire que l’évaluation concernait toutes les langues autochtones distinctes. Voilà pourquoi nous avons apporté ce changement.

[Français]

« (i) évaluer la situation de diverses langues autoch- »

[Traduction]

Il s’agit donc des diverses langues autochtones ou de l’éventail des langues autochtones.

Le sénateur Sinclair : Et voilà.

La présidente : Sommes-nous prêts à mettre la motion aux voix? Tous ceux qui sont pour.

Des voix : Oui.

La présidente : D’accord.

L’article 5 fait l’objet d’un autre amendement, c’est-à-dire l’amendement MS-5.5a.

Le sénateur Sinclair : Permettez-moi de proposer l’amendement.

Que le projet de loi C-91 soit modifié, à l’article 5, à la page 5, par substitution, à la ligne 11, de ce qui suit :

« d) de mettre en place des mesures visant à assurer ».

La sénatrice Coyle : Donc, le mot « faciliter » est remplacé par le mot « assurer », n’est-ce pas?

Le sénateur Sinclair : En ce moment, la disposition indique ce qui suit :

[...] de mettre en place des mesures visant à faciliter l’octroi d’un financement adéquat, stable et à long terme [...]

Après avoir apporté la modification, elle indiquerait ce qui suit :

[...] de mettre en place des mesures visant à assurer l’octroi d’un financement adéquat, stable et à long terme [...]

Je crois comprendre que cet amendement a été approuvé par le gouvernement. Ai-je tort? Sinon, je vais vous l’expliquer. C’est l’un des amendements auxquels j’ai travaillé.

Mme Laurendeau : Vous devriez peut-être le faire.

Le sénateur Sinclair : Chers sénateurs, comme vous pouvez le constater, cela est lié au fait que, dans la formulation originale du projet de loi, le mot « faciliter » était utilisé pour parler de l’octroi d’un financement, alors que, selon mon évaluation du projet de loi, la disposition serait plus robuste si elle parlait : « de mettre en place des mesures visant à assurer l’octroi d’un financement [...] à long terme ».

En passant de l’action de faciliter à l’action d’assurer, on modifie essentiellement l’insistance avec laquelle l’action est réalisée.

La présidente : Sommes-nous prêts à mettre la motion aux voix? Que tous ceux qui sont pour la motion lèvent la main, s’il vous plaît.

Des voix : Oui.

La présidente : D’accord.

L’article 5 fait l’objet d’un autre amendement, à savoir l’amendement MS-5.5b.

Le sénateur Sinclair : Je propose :

Que le projet de loi C-91 soit modifié, à l’article 5, à la page 5, par substitution, à la ligne 22, de ce qui suit :

« geants autochtones; ».

Si vous examinez les lignes 21 et 22 de l’article 5, à la page 5, elles indiquent en ce moment ce qui suit :

« [...] les compétences et pouvoirs des corps dirigeants autochtones, des provinces et des territoires; »

Vous pouvez lire le paragraphe en entier par vous-même, mais l’amendement a pour objet de supprimer la mention « des provinces et des territoires ». Le début du paragraphe indique ce qui suit :

[...] de favoriser la collaboration avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, les gouvernements autochtones et autres corps dirigeants autochtones, les organismes autochtones et toute autre entité, de manière compatible avec les droits des peuples autochtones et les compétences et pouvoirs des corps dirigeants autochtones [...]

À mon avis, en conservant la mention des « compétences et pouvoirs des provinces et des territoires », cela aurait pour effet d’assujettir les droits des Autochtones aux pouvoirs des provinces. À titre d’avertissement, je vous indique que cette partie des dispositions a fait l’objet de quelques discussions entre les représentants fédéraux et les représentants provinciaux. Nous pouvons interroger les hauts fonctionnaires à ce sujet dans une minute. Les provinces craignent que ces dispositions portent atteinte à leurs compétences, et la question de leur constitutionnalité a été soulevée.

Ma réponse à cette question est que le gouvernement du Canada adopte des mesures législatives pour régler des enjeux liés à l’éducation depuis 1867 ou 1874, l’époque à laquelle la première Loi sur les Indiens a été créée et élargie, par la suite, à l’Ouest canadien. Le gouvernement du Canada adopte des mesures législatives dans des champs de compétence qui relèvent également des provinces, en raison des pouvoirs qui sont conférés au gouvernement relativement aux Indiens et aux terres qui leur sont réservées, aux termes de l’article 91(24) de la Constitution. D’après ma perception de la Constitution, le gouvernement du Canada a le droit d’adopter des mesures législatives dans tous les champs de compétences liées aux Indiens et aux terres qui leur sont réservées.

Je ne vois pas en quoi ces dispositions sont problématiques d’un point de vue constitutionnel, mais je crois que des problèmes pourraient survenir si nous continuons de mentionner les compétences des provinces et des territoires dans le projet de loi.

La présidente : Avez-vous demandé aux hauts fonctionnaires d’intervenir à cet égard?

Le sénateur Sinclair : Y a-t-il des questions que vous aimeriez poser ou des observations que vous aimeriez formuler à propos de cet enjeu?

Mme Laurendeau : Je dirais simplement que, lorsque des divergences d’opinions surviennent, cela pose un problème.

Le sénateur Sinclair : Toutefois, j’avais raison de dire que c’est un sujet qui a été abordé avec les provinces à un moment donné.

Mme Laurendeau : Oui, vous avez raison de dire que la question de la division des pouvoirs a été discutée avec les provinces de façon officieuse.

Le sénateur Sinclair : Je ne veux pas insister sur cette question, mais ai-je raison de dire que les provinces n’aiment pas l’idée que le gouvernement fédéral adopte des mesures législatives liées à des champs de compétences comme l’éducation, c’est-à-dire des domaines qui, selon elles, relèvent des provinces?

Mme Laurendeau : Je ne caractériserais pas leur réaction de cette façon, mais il était important que le projet de loi soit respectueux des droits des peuples autochtones et de la division des pouvoirs entre les provinces, les territoires et le gouvernement du Canada.

La présidente : Comme il n’y a pas d’autres commentaires, sommes-nous prêts à mettre la motion aux voix?

Que tous ceux qui sont pour la motion lèvent la main, s’il vous plaît.

Des voix : Oui.

La présidente : D’accord. L’amendement est adopté.

L’article 5 tel que modifié est-il adopté?

Des voix : D’accord.

La présidente : D’accord. L’amendement suivant est celui du sénateur Sinclair, à l’article 6.

Le sénateur Sinclair : Je propose la motion suivante :

Que le projet de loi C-91 soit modifié, à l’article 6, à la page 5, par substitution, à la ligne 37, de ce qui suit :

« des droits relatifs aux langues autochtones, notamment le droit de communiquer dans la langue autochtone de leur choix et de ne pas être privé de ce droit. ».

Actuellement, la disposition se lit comme suit :

le gouvernement du Canada reconnaît que les droits des peuples autochtones reconnus et confirmés par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 comportent des droits relatifs aux langues autochtones;

On ajouterait donc le passage suivant à la fin de la phrase :

« [...] notamment le droit de communiquer dans la langue autochtone de leur choix et de ne pas être privé de ce droit. »

La présidente : Voulez-vous nous donner de brèves explications?

Le sénateur Sinclair : Je croyais l’avoir fait.

En proposant cet amendement, mon intention est d’exprimer très clairement que le droit des peuples autochtones à leurs langues est un droit exécutoire, et un droit qui doit être reconnu par la loi. En outre, la référence au droit de communiquer dans la langue de leur choix et de ne pas être privé de ce droit en fait un droit individuel et non seulement un droit collectif.

Le sénateur Patterson : Vous me direz si ce n’est pas approprié, mais si vous le permettez, j’aimerais demander au sénateur Sinclair s’il a l’accord du ministre — le parrain du projet de loi — et du gouvernement.

Le sénateur Sinclair : Je ne peux l’affirmer. Les fonctionnaires peuvent, s’ils le désirent, traiter de leurs préoccupations à l’égard de cet amendement précis. J’ai soulevé la question auprès du ministre, mais je ne peux pas aller jusqu’à dire qu’il était d’accord.

Le sénateur Tannas : Vous ne pourrez peut-être pas répondre à cette question, mais cela ne pourrait-il pas être interprété comme un bilinguisme presque total? Une personne aurait-elle le droit de se présenter à l’aéroport et revendiquer le droit d’être servie dans une langue autochtone? Cela va-t-il aussi loin?

Le sénateur Sinclair : Non, je ne pense pas. Un autre amendement suivra. Le sénateur Patterson et moi avons discuté de la question de la langue de service. C’est une obligation imposée au gouvernement. Essentiellement, le gouvernement est tenu de reconnaître que les droits des peuples autochtones comprennent le droit de communiquer dans leur langue et de ne pas être privés de ce droit.

Si cela avait été un droit à l’époque, ils n’auraient pas pu faire ce qu’ils ont fait dans les pensionnats indiens, par exemple, en raison d’actions du gouvernement, et non de celles de quelqu’un d’autre.

Le sénateur Tannas : Exactement.

Le sénateur Sinclair : Je ne suis pas sûr qu’on puisse remettre en question la reconnaissance de ce droit par le gouvernement. S’il s’agissait d’un droit exécutoire à l’égard de tous, il serait plus facile de dire que tout Autochtone au Canada a le droit de communiquer dans la langue de son choix et le droit de ne pas en être privé. Ce serait alors exécutoire à l’égard de tout le monde, mais dans cet amendement, il est question d’une obligation imposée au gouvernement.

Le sénateur Patterson a peut-être quelques idées à ce sujet.

Le sénateur Patterson : Je pense que c’est un amendement audacieux, et c’est tout à votre honneur.

Le sénateur Sinclair : Dans une de nos réunions de la semaine dernière, j’ai dit que vous étiez séduisant, alors je vous remercie de me complimenter en retour.

Le sénateur Patterson : C’est ce que vous avez dit, en effet. Donc, en fait, c’est mieux qu’être qualifié de « séduisant »... ou peut-être pas.

J’ai une question. Si un locuteur d’une langue autochtone qui préfère s’exprimer dans sa langue maternelle souhaitait communiquer avec un ministère, disons le ministère des Services aux Autochtones, cet amendement lui donnerait-il le droit de communiquer dans la langue autochtone de son choix et le droit de ne pas être privé de ce droit?

Vous avez dit que c’est une obligation pour le gouvernement. Aux termes de cette disposition, le gouvernement serait-il tenu de fournir les services d’un interprète aux personnes qui choisissent de s’exprimer dans la langue autochtone de leur choix?

Le sénateur Sinclair : C’est possible, en effet.

Le sénateur Patterson : Merci de la réponse.

Le sénateur Sinclair : Les fonctionnaires souhaitent-ils répondre?

Mme Laurendeau : J’aimerais souligner que, du point de vue de la portée, si l’on examine l’objet de la loi, on pourrait vraisemblablement penser que la portée est plus large. C’est mon commentaire. Je tenais simplement à le souligner.

La présidente : Sommes-nous prêts à mettre la motion aux voix? Ceux qui appuient la motion sont priés de lever la main.

Le sénateur Patterson : D’accord.

La présidente : D’accord. La motion est adoptée.

Le sénateur Patterson : On peut dire qu’elle est adoptée avec dissidence.

La présidente : Avec dissidence.

Le sénateur Patterson : Je veux simplement votre bien.

La présidente : L’article 6 modifié est-il adopté?

Des voix : D’accord.

La présidente : Adopté.

Nous passons maintenant à l’amendement du sénateur Patterson.

Le sénateur Patterson : Madame la présidente, l’amendement se lit comme suit :

Que le projet de loi C-91 soit modifié, à l’article 7, à la page 6 :

a) par substitution, à la ligne 1, de ce qui suit :

« 7(1) Le ministre consulte divers gouvernements autoch- »;

b) par adjonction, après la ligne 7, de ce qui suit :

« (2) Au présent article, le financement adéquat et stable est établi en fonction de la conciliation des facteurs que sont le nombre de locuteurs d’une langue autochtone dans une région, la spécificité de ce groupe linguistique et l’objectif de réappropriation, de revitalisation, de maintien ou de renforcement, de façon équitable, de toutes les langues autochtones du Canada. ».

Voilà l’amendement.

La présidente : Très bien; et maintenant, vos explications.

Le sénateur Patterson : Madame la présidente, on a parlé plus tôt du témoignage de Mme Claudette Commanda, la directrice générale de la Confédération des centres éducatifs et culturels des Premières Nations. Lors de sa comparution du 3 avril, elle a déploré le manque de précisions en matière de financement en ces termes :

Le projet de loi ne contient pas la reconnaissance des langues des Premières Nations comme étant les premières langues, les langues originales. Il ne contient pas une disposition prévoyant la quantité de financement devant être investie dans les langues. Il ne contient pas une disposition sur la protection des langues. Il ne contient pas une disposition sur la protection du financement. Essentiellement, le projet de loi C-91 ne contient pas une disposition qui oblige le gouvernement à financer de façon permanente les langues autochtones.

Chers collègues, lors de l’étude de ce projet de loi, nous avons maintes fois entendu qu’on craignait de renoncer aux vagues dispositions relatives au financement qu’il contient. Certains diront peut-être que le paragraphe 5d) stipule clairement que le financement doit être à long terme et doit être utilisé :

[...] en ce qui touche la réappropriation, la revitalisation, le maintien et le renforcement des langues autochtones;

Toutefois, Mme Tracey Herbert, la présidente-directrice générale du First Peoples’ Cultural Council, qui a aussi comparu le 3 avril, a très clairement indiqué que ce libellé n’était pas suffisant. Elle a ajouté :

On nous demande tout le temps si nous avons une idée de ce que signifie l’engagement de fournir un financement adéquat, durable et à long terme. Le budget fédéral a été produit le 19 mars, et on peut y lire ce qui suit :

Pour appuyer la mise en œuvre de la Loi concernant les langues autochtones proposée, le budget de 2019 propose d’investir 333,7 millions de dollars au cours des cinq prochaines années, à compter de 2019-2020, et 115,7 millions de dollars par année par la suite.

Je peux vous dire que ce financement n’est pas adéquat vu le travail à faire.

Une recommandation royale a été formulée dans la foulée du rapport sur l’étude préalable, grâce à l’excellent travail de ce comité. Donc, comment pouvons-nous définir ce qui est adéquat et durable? Je pense que la solution serait d’utiliser un libellé semblable à celui de la Loi sur les langues officielles pour le français et l’anglais. Ainsi, dans l’établissement du financement, le gouvernement devrait tenir compte de divers facteurs : le nombre de locuteurs d’une langue autochtone d’une région; la spécificité de ce groupe linguistique, à savoir s’il a une langue autochtone comme langue maternelle; la proportion de cette population par rapport à la population totale de la région.

Bien que cette approche en matière de financement ne soit pas fondée sur les différences, elle pourrait bien servir certaines régions, comme l’Inuit Nunangat, où les quatre régions comptent une forte concentration d’Inuits et où l’inuktitut est la langue maternelle de cette population majoritaire.

Utiliser un libellé tiré de la Loi sur les langues officielles serait la moindre des choses. S’il convient pour les francophones et les anglophones, nous devrions l’utiliser pour les locuteurs de langues autochtones. Ces critères assureront une application raisonnable lorsque le nombre de locuteurs est important. Voilà l’amendement.

La sénatrice McCallum : Je comprends ce que vous voulez dire. J’appuie l’amendement, mais le passage sur les « locuteurs d’une langue autochtone dans une région » me préoccupe. Au Manitoba, il y a beaucoup de régions différentes. Il y a des populations isolées et les populations de Thompson, de Brandon et de Winnipeg. Je ne vois pas comment cela pourrait fonctionner.

Il faudrait définir la région, puis les caractéristiques particulières. Il faudrait définir cette population, puis déterminer sa proportion par rapport à la population totale.

Souvenez-vous qu’il a été question du manque de données. On n’a pu déterminer le nombre de personnes vivant hors réserve et dans les réserves. Ensuite, il y a des gens qui partent et d’autres qui arrivent. C’était un de nos problèmes pour la prestation des services. Les mouvements de population étaient très fréquents. Un moment donné, il y avait 28 personnes, puis lorsqu’on y allait, on voyait un autre groupe de personnes qui déménageait. Il y a une grande mobilité.

Vous avez dit avoir examiné ce qui a été fait pour le français et l’anglais. Il existe de nombreux dialectes différents, même en langue crie. J’y suis favorable, mais je ne sais pas comment nous pourrions mettre cela en place. Les gens sont dépassés. Comprenez-vous ce que je veux dire?

Le sénateur Patterson : Oui. Madame la présidente, la question est un peu difficile, parce que le financement serait déterminé par l’intermédiaire d’un processus de réglementation. Des règlements seront élaborés, et on m’a dit que le ministère s’est engagé à le faire en consultation avec des représentants des groupes linguistiques autochtones.

Ce processus de réglementation, qui est identique au processus utilisé pour l’affectation de fonds importants aux minorités francophones et anglophones, représente une occasion d’entendre les observations des responsables des langues des communautés autochtones. Un avis devra être donné, avec la possibilité de participer au processus.

Lorsque nous aurons déterminé qui obtiendra du financement et quelles régions sont concernées, nous pourrons établir dans le cadre du processus de réglementation des critères équitables et nous prononcer sur les régions ciblées par le gouvernement. Toutefois, je ne pense pas que nous en ayons la possibilité dans le projet de loi.

Le sénateur Sinclair : J’aimerais d’abord entendre les commentaires des fonctionnaires du ministère, puis j’aimerais avoir quelques commentaires sur le libellé précis.

Mme Laurendeau : Les commentaires de la sénatrice McCallum sont tout à fait exacts. Si la mesure législative est rédigée de façon plutôt large, c’est en partie pour nous permettre d’élaborer des règlements plus tard, avec des données précises et adéquates.

Si le libellé de la Loi sur les langues officielles était repris dans cette mesure législative, cela poserait problème, car les proportions ne sont pas définies de façon binaire comme elles le sont dans la Loi sur les langues officielles. En raison du manque de données, le projet de loi risque, par inadvertance, de restreindre indûment les modalités de la réglementation.

Nous l’avons envisagé, à ce moment-là, mais après l’évaluation du risque, nous avons opté pour un libellé suffisamment large pour permettre l’élaboration d’un règlement précis fondé sur les distinctions. On parle de règlements et d’ententes. Il va sans dire que ces choses seront en partie définies dans le cadre d’ententes particulières en vertu de l’article 7.

Voilà les explications que je peux vous donner.

Le sénateur Sinclair : Je pourrais poursuivre dans la même veine et souligner que j’ai des préoccupations semblables. Je suis très sensible à cet argument, sénateur. Je comprends ce que vous essayez de faire, mais je pense que cela pourrait en fait avoir l’effet contraire, parce que ce libellé pourrait être interprété de façon à réduire au minimum le montant du financement accordé à un groupe donné. Tout d’abord, en anglais, on emploie « Indigenous language population ». Je suppose qu’on fait référence aux locuteurs. L’un des objectifs du projet de loi est de reconnaître que certains groupes d’Autochtones ne parlent pas leur langue. Il faut en tenir compte et ils seront financés afin de pouvoir se réapproprier leur langue.

L’utilisation de l’expression « locuteurs d’une langue autochtone dans une région » me porte à croire qu’un nombre insuffisant de locuteurs dans une région entraînerait une baisse du financement. On évoque aussi la spécificité de ce groupe linguistique. Je ne suis pas certain de ce que cela signifie. Cette imprécision me préoccupe, parce qu’on pourrait invoquer la spécificité d’un groupe pour faire valoir que si une population ne veut pas apprendre à parler sa langue, alors on pourrait ignorer les besoins des membres du groupe qui souhaitent apprendre la langue.

Le troisième point est la notion de proportion de cette population par rapport à la population totale de la région, car cela risque aussi d’être désavantageux pour les groupes à faible population, comparativement aux groupes plus importants. Les groupes autochtones des régions urbaines s’en trouveront perdants du fait de leur faible proportion dans la population totale de la région. Cela me préoccupe.

À mon avis, ce n’est pas nécessaire, car cet aspect est pris en compte dans le libellé de l’article 7. Je suis persuadé que le ministère devra définir, d’une certaine façon, l’obligation de financer. Je suis prêt à laisser le ministère régler cela par l’intermédiaire des règlements qui relèvent de sa compétence. J’estime que la disposition pourrait être inutile. Cet amendement pourrait avoir l’effet contraire à celui que vous souhaitez.

C’est ma préoccupation. Pour cette raison, je ne pense pas être prêt à appuyer cet amendement.

Le sénateur Francis : Dans la même veine que les propos du sénateur Sinclair... Il a utilisé l’exemple de l’Île-du-Prince-Édouard, où il n’y a pratiquement pas de locuteurs de la langue mi’kmaq. Ma femme est l’une des rares locutrices. Quel effet cette modification aurait-elle sur l’ensemble de la province, géographiquement parlant?

Mme Laurendeau : Je pense que c’est une bonne question. C’était une de nos préoccupations lorsque nous nous sommes penchés sur cet aspect. Nous avons décidé de ne rien changer afin que cela demeure adapté à la situation propre aux diverses langues et régions géographiques.

Le point soulevé par le sénateur Sinclair aurait également une incidence sur la façon de composer avec les populations des milieux urbains, en proportion avec les autres langues.

La présidente : Chers collègues, voulons-nous suspendre la séance maintenant?

Nous sommes autorisés à siéger seulement jusqu’à 18 heures. Nous devons donc lever la séance. Il faudra trouver une autre plage horaire, car nous sommes uniquement autorisés à siéger de 16 heures à 18 heures.

Nous reprendrons cette discussion à notre prochaine réunion consacrée à ce sujet. La séance est levée.

(La séance est levée.)

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