Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule n° 7 - Témoignages du 15 juin 2016
OTTAWA, le mercredi 15 juin 2016
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, auquel a été renvoyé le projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur (accès des personnes ayant des déficiences perceptuelles aux œuvres ou autres objets du droit d'auteur protégés), se réunit aujourd'hui, à 16 h 15 pour examiner le projet de loi.
Le sénateur David Tkachuk (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour et bienvenue au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Je m'appelle David Tkachuk, et je suis le président du comité. Aujourd'hui, nous nous penchons sur le projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur (accès des personnes ayant des déficiences perceptuelles aux œuvres ou autres objets du droit d'auteur protégés).
Comme on peut le lire dans le sommaire du projet de loi, les modifications proposées dans le projet de loi C-11 visent à faciliter l'accès des personnes ayant des déficiences perceptuelles au matériel protégé par le droit d'auteur, tout en assurant une protection adéquate des intérêts des titulaires du droit d'auteur. Je sais que le projet de loi a reçu le consentement unanime à l'autre endroit, et nous sommes ravis que ce soit maintenant à notre tour de l'examiner.
Chers collègues, vous avez reçu le cartable d'analyse article par article, produit par le ministère, ainsi qu'une copie du projet de loi, accompagnée du résumé législatif et d'une note d'information préparée par nos analystes. S'il vous manque un document, veuillez en faire part à la greffière, qui s'occupera d'ajouter la pièce manquante à votre cartable.
Je suis très heureux d'accueillir maintenant, pour la deuxième fois devant notre comité, l'honorable Navdeep Bains, député de Mississauga-Malton, qui a été nommé ministre de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique le 4 novembre 2015. Ministre Bains, merci de comparaître devant nous pour parler de votre projet de loi.
Le ministre est accompagné de ses collaborateurs du ministère de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique : Paul Halucha, sous-ministre adjoint délégué, Secteur de la politique stratégique, et Robert Dupelle, conseiller principal en politiques, Direction générale des politiques-cadres du marché.
Monsieur le ministre, vous pouvez commencer votre déclaration préliminaire, après quoi nous passerons à la période des questions et réponses.
L'honorable Navdeep Bains, C.P., député, ministre de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique : Merci beaucoup, sénateurs. Je suis très heureux de vous revoir.
Sur une note personnelle, qui n'a rien à voir avec la discussion d'aujourd'hui, je tiens à vous remercier de votre travail sur le commerce intérieur et de votre rapport qui arrive à point nommé. Nous vous en sommes reconnaissants. Comme vous le savez, à l'autre endroit, nous avons eu quelques discussions intéressantes sur l'importance de stimuler le commerce intérieur. Je collabore étroitement avec mes homologues provinciaux et territoriaux à ce sujet. Bref, je remercie personnellement votre comité du travail qu'il a accompli pour faire avancer ce dossier que nous jugeons important, surtout dans le contexte actuel d'une faible croissance économique; il est donc urgent d'agir. Votre contribution est vraiment bien accueillie.
Le sénateur Massicotte : Ferez-vous ce qui s'impose?
M. Bains : Le rapport est certes utile à cet égard, et c'est ce que nous visons.
Aujourd'hui, comme vous le savez, je suis ici pour vous parler du projet de loi C-11, qui permettra au Canada d'adhérer au Traité de Marrakech visant à faciliter l'accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d'autres difficultés de lecture des textes imprimés aux œuvres publiées.
[Français]
Je suis accompagné de deux représentants de mon ministère, soit M. Paul Halucha, sous-ministre adjoint délégué, Secteur de la politique stratégique, et M. Robert Dupelle, conseiller principal en politiques, Direction générale des politiques-cadres du marché, qui a dirigé la délégation canadienne lors de la conférence diplomatique de 2013 pour la conclusion du Traité de Marrakech.
[Traduction]
Tout d'abord, j'aimerais souligner tous les efforts qui ont été déployés, dans un esprit de collaboration, en vue de faire avancer rapidement les travaux liés à ce projet de loi. L'adoption de ce projet de loi est une étape importante pour que notre pays puisse devenir l'un des 20 premiers pays au monde à adhérer au traité. Pour l'instant, 17 pays l'ont ratifié. Si le projet de loi est adopté sans tarder, le Canada deviendra, nous l'espérons, le 18e.
Je voudrais également profiter de l'occasion, monsieur le président, pour remercier ma collègue, l'honorable Carla Qualtrough, ministre des Sports et des Personnes handicapées, qui a joué un rôle central pour faire progresser cette mesure législative à la Chambre des communes. Lundi, elle a également fait une annonce importante, à savoir un financement de 2 millions de dollars accordé à l'INCA pour favoriser la publication d'ouvrages supplémentaires. Nous sommes très emballés non seulement par cette mesure législative, mais aussi par les ressources que nous fournissons au secteur sans but lucratif pour lui permettre de faire avancer ces initiatives.
J'en profite également pour remercier mes collègues de la Chambre. L'honorable Pierre Poilievre, qui est également ici, a été d'un grand soutien et il s'est montré déterminé à voir ce projet de loi adopté. Je salue également M. Brian Masse, qui comprend l'importance de cette mesure législative et qui a fait preuve de leadership en lançant un appel à la collaboration à tous les députés pour l'adoption du projet de loi. Enfin, je tiens à remercier le sénateur Peter Harder d'avoir accepté de parrainer le projet de loi au Sénat.
Je suis heureux de reconnaître l'esprit de collaboration incroyable qui a permis au projet de loi C-11 de franchir toutes les étapes de lecture à la Chambre des communes et au Sénat. Ces modifications étaient attendues depuis longtemps par les personnes aveugles ou ayant une déficience visuelle et par celles qui ont des difficultés de lecture des imprimés. L'adoption de cette mesure législative permettrait au Canada de devenir un champion mondial en matière d'accessibilité.
Je suis fier d'être ici aujourd'hui pour discuter du projet de loi C-11 et pour reconnaître le fait que près d'un million de Canadiens vivent avec une perte complète ou partielle de la vue. De plus, près de trois millions de Canadiens éprouvent des difficultés à lire des imprimés et des livres. Cela représente presque 1 Canadien sur 10 — et ce nombre devrait croître avec le vieillissement de la population.
Plus tôt cette semaine, lors d'un événement organisé par l'Institut national canadien pour les aveugles, l'INCA, j'ai été touché en entendant l'histoire d'une de mes collègues et les difficultés qu'elle rencontre en tant que personne aveugle au sens de la loi. L'entendre parler de son expérience et des nombreux obstacles qu'elle a dû surmonter m'a convaincu davantage de l'importance de ce projet de loi. Quand elle m'a expliqué qu'elle avait besoin de livres en formats accessibles pour pouvoir lire des histoires à ses enfants, cela m'a fait encore mieux comprendre l'importance de ce dossier. Étant père de deux jeunes filles, âgées de huit et cinq ans, je comprends un peu ce dont elle parle.
De nombreux Canadiens ayant des difficultés à lire des imprimés n'ont pas un accès suffisant à l'information dont ils ont besoin en raison d'une pénurie de livres en formats accessibles, ce qui les empêche de participer pleinement à notre société. C'est pour cette raison précise que le Traité de Marrakech a été créé. Le traité vise à contrer la pénurie mondiale de documents de lecture pour les personnes incapables de lire des imprimés. Le traité établit des normes internationales qui faciliteront l'échange transfrontalier d'œuvres publiées à l'échelle mondiale, et ce, en formats accessibles.
Conformément au traité, le projet de loi C-11 prévoit des modifications aux lois canadiennes sur le droit d'auteur. Les modifications proposées élargiraient les exceptions actuelles qui sont prévues dans la Loi sur le droit d'auteur pour les personnes ayant des difficultés de lecture des imprimés, offrant ainsi une plus grande souplesse aux utilisateurs. Le projet de loi élargit la diversité d'ouvrages pouvant être exportés; il permet la production de livres imprimés en gros caractères; il offre une plus grande souplesse pour contourner les serrures numériques afin d'offrir un accès aux ouvrages; enfin, il apporte une certitude juridique accrue aux organismes sans but lucratif qui souhaitent envoyer des exemplaires à l'étranger.
Le Canada soutient déjà depuis quelque temps qu'il compte adhérer au Traité de Marrakech, et les parties intéressées ont pu amplement évaluer les modifications proposées touchant la mise en œuvre. Le projet de loi C-11 a reçu un appui solide des parties intéressées : l'Association des bibliothèques de recherche du Canada, l'Association canadienne des professeurs d'université, le Conseil canadien des aveugles, la National Federation of the Blind et, bien entendu, l'INCA.
Je suis également au courant des inquiétudes soulevées par les sénateurs quant à certaines mesures de protection, notamment les limites de disponibilité commerciale et un pouvoir de réglementation que l'on pourrait dorénavant exercer afin d'exiger le paiement de redevances. J'aimerais profiter de l'occasion pour répondre à ces préoccupations.
Les limites de disponibilité commerciale feront en sorte que les exceptions ne s'appliquent pas lorsque des exemplaires en formats accessibles sont déjà disponibles sur le marché selon des conditions raisonnables. À bien y penser, c'est ce que souhaite le secteur sans but lucratif; il a besoin de l'aide et du soutien du secteur privé.
Ces limites sont d'importantes mesures de protection pour les auteurs et les éditeurs, et elles offrent les mesures incitatives nécessaires au développement de produits commerciaux qui répondent aux besoins des personnes ayant une déficience. Selon les discussions que nous avons eues avec eux, les organismes sans but lucratif s'en réjouiraient, comme je l'ai dit, pour combattre la pénurie de livres sur support accessible.
Des limites de disponibilité commerciale sont en place depuis l'introduction, dans les années 1990, des exceptions accordées aux personnes ayant une déficience perceptuelle dans la Loi sur le droit d'auteur. Lorsque des modifications à ces exceptions ont été apportées en 2012, notamment l'ajout d'une nouvelle exception concernant l'exportation, elles étaient accompagnées de limites semblables. Nous avons donc un bon bilan à cet égard.
Le projet de loi C-11 modifie ces limites afin d'offrir une certitude juridique accrue aux utilisateurs.
Au paragraphe 1(5) du projet de loi, une précision est apportée quant à la limite de disponibilité commerciale qui s'applique à l'exception relative à la production et à la présentation d'exemplaires en format accessible au Canada. La modification permettrait de préciser que, comme condition d'application de la limite, un livre devrait être offert sur un support accessible qui répond aux besoins de l'utilisateur visé, et non pas dans n'importe quel format accessible; par exemple, si l'utilisateur a besoin d'un livre en braille, le fait que celui-ci soit offert sur le marché en format audio n'est pas suffisant.
En vertu du paragraphe 2(1) du projet de loi, les modifications permettraient aux organismes sans but lucratif d'exporter des exemplaires en format accessible en faisant porter au titulaire du droit d'auteur le fardeau de déterminer si un ouvrage est déjà offert sur le marché, de même qu'en limitant les mesures de réparation pouvant être demandées à l'encontre d'organismes sans but lucratif qui sont de bonne foi.
Au chapitre des exportations vers les pays membres du Traité de Marrakech, pour que la limite de disponibilité commerciale puisse s'appliquer, il incombera au titulaire du droit d'auteur — et c'est l'élément clé — de démontrer que l'ouvrage offert sur un support accessible est disponible sur le marché étranger à des conditions raisonnables. Même si le titulaire du droit d'auteur peut démontrer qu'un ouvrage est déjà disponible sur le marché dans le pays de destination, les mesures de réparation demandées à l'encontre d'un organisme sans but lucratif se limiteront à une injonction — par exemple, l'ordonnance d'un tribunal interdisant à l'organisme de fournir d'autres exemplaires de l'ouvrage visé dans le pays en question.
En ce qui a trait au paiement de redevances, en vertu des exceptions en vigueur en matière d'accessibilité, il n'existe aucune disposition qui oblige les organismes sans but lucratif à payer des redevances. Aux termes de la Loi sur le droit d'auteur, les organismes sans but lucratif ne sont tenus de rembourser des redevances que si un pouvoir de réglementation est exercé. Ces dispositions sont maintenues dans le projet de loi C-11 afin d'assurer la souplesse voulue pour s'adapter aux circonstances futures. Les processus réglementaires exigent des consultations publiques, et toute décision éventuelle d'exercer ou non ce pouvoir doit tenir compte des répercussions sur les organismes sans but lucratif et les utilisateurs, y compris leur capacité de profiter pleinement des exceptions prévues dans la loi.
[Français]
Le Canada a maintenant l'occasion d'exercer une influence positive à l'échelle internationale en contribuant à la mise en œuvre du traité à court terme. À cette fin, j'espère pouvoir être utile au comité aujourd'hui.
[Traduction]
Merci encore de me permettre de vous parler de ce sujet important. Je répondrai avec plaisir à vos questions.
Le président : Nous passons maintenant aux questions.
Le sénateur Black : Avec votre permission, monsieur le président, j'ai quelques questions à poser sur le projet de loi C-11, mais ensuite, j'aimerais interroger le ministre au sujet de notre rapport, paru cette semaine, sur le commerce interprovincial.
Le président : Je voudrais qu'on s'en tienne au projet de loi.
Le sénateur Black : Très bien. J'ai justement voulu soulever ce point pour que vous n'ayez pas à me rappeler à l'ordre.
Monsieur le ministre, en ce qui concerne l'esprit du projet de loi, j'appuie sans réserve l'initiative. Je veux toutefois comprendre la protection des droits, comme vous l'avez dit, du point de vue des auteurs et des éditeurs.
Prenons un exemple pratique que les téléspectateurs comprendront peut-être. Alice Munro, la grande écrivaine canadienne, compte à son actif toute une série de nouvelles extraordinaires. Quels droits peut-elle revendiquer, de pair avec son éditeur, pour recevoir ce qui lui est dû en reconnaissance de sa créativité? Ce processus pénalise-t-il quelqu'un? Si oui, s'agit-il des éditeurs et des auteurs?
M. Bains : Non, et vous soulevez là un argument valable. Les modifications proposées favorisent l'inclusion et elles maintiennent un juste équilibre entre les intérêts des titulaires de droit d'auteur et ceux des utilisateurs, tout en permettant aux organismes sans but lucratif d'utiliser efficacement les ressources nécessaires pour créer une communauté mondiale.
En ce qui concerne les individus, ils seront entièrement protégés. Tout matériel qui est imprimé en vertu du Traité de Marrakech et aux termes des dispositions législatives sera conçu uniquement par l'entremise d'organismes sans but lucratif à l'intention de personnes malvoyantes ou aveugles.
Si jamais leurs intérêts sont compromis, je crois qu'il existe des recours pour régler le problème. M. Halucha pourra peut-être en parler.
Paul Halucha, sous-ministre adjoint délégué, Secteur de la politique stratégique, Innovation, Sciences et Développement économique Canada : J'ajouterai quelques précisions à ce que le ministre vient de dire. Dans la mesure où l'éditeur décide de ne pas publier une version adaptée aux personnes ayant une déficience visuelle — par exemple, une version en braille ou un livre audio destiné aux malvoyants —, alors une fois que le Canada aura ratifié le traité, il sera possible pour un organisme — disons une ONG comme l'INCA — d'adapter l'ouvrage et de le mettre à la disposition de ces personnes.
Le sénateur Black : Cela se fera sans aucun paiement.
M. Halucha : Voilà — sans aucun paiement à ce stade-ci.
M. Bains : L'important, c'est de rendre ces ouvrages accessibles sans aucun paiement. On part de l'idée que la production de ces versions serait principalement appuyée par l'entremise d'organismes sans but lucratif. C'est d'ailleurs l'objet de l'annonce faite par la ministre des Sports et des Personnes handicapées, Carla Qualtrough; comme je l'ai dit tout à l'heure, c'est son ministère qui fournira les ressources nécessaires. Cette responsabilité ne relève donc pas du secteur privé ou des éditeurs; c'est aux organismes qu'il incombe de fournir ce matériel.
Le sénateur Black : Si l'INCA souhaite que l'œuvre de Mme Munro soit mise à la disposition de ceux ayant une déficience visuelle, ce sera à elle ou à son éditeur de s'en occuper.
M. Bains : Elle ne pourrait pas empêcher l'INCA d'imprimer le matériel. L'organisme a le droit de le faire, mais ni elle ni son éditeur n'en assumeront les coûts.
M. Halucha : En effet, il s'agit d'une exception. Les éditeurs décideront de répondre à un besoin du marché s'ils peuvent réaliser un profit suffisant. Le projet de loi, dans sa forme actuelle, nous permet de les encourager à mettre en marché et à vendre les versions adaptées des œuvres. L'exception ne s'applique que dans les cas où ces versions ne sont pas offertes sur le marché.
Pour ce qui est du contexte mondial, le ministre a parlé de la situation dans le Sud où moins de 7 p. 100 des œuvres sont accessibles et où sévit une pénurie en la matière. Il faut absolument combler la lacune sur le marché.
Le sénateur Black : C'est une excellente initiative. Avez-vous consulté l'organisme qui représente les auteurs canadiens ou les associations d'éditeurs? Si oui, pouvez-vous nous faire part de leur point de vue sur le sujet?
Robert Dupelle, conseiller principal en politiques, Direction générale des politiques-cadres du marché, Innovation, Sciences et Développement économique Canada : Nous avons mené des consultations avant les négociations du Traité de Marrakech et même après sa conclusion. Nous avons demandé l'avis des intervenants sur le traité et sur la manière dont il devrait être mis en œuvre; nous avons également voulu savoir ce qu'ils pensaient de notre Loi sur le droit d'auteur, selon leur point de vue de l'époque, c'est-à-dire en 2012. Nous avons parlé aux organismes qui viennent en aide aux aveugles. Nous avons aussi entendu des établissements scolaires, des auteurs et des associations d'éditeurs.
Le sénateur Black : C'est ce que je veux savoir.
M. Dupelle : En ce qui concerne les exceptions actuelles, surtout pour les activités au Canada, comme le ministre Bains l'a indiqué tout à l'heure, une limite de disponibilité commerciale est en vigueur depuis les années 1990, signe que le système fonctionne bien. Si un éditeur ou un auteur souhaitent que des particuliers ou des organismes comme l'INCA rendent quelque chose accessible, ils peuvent accorder une licence à cette fin, à supposer qu'ils détiennent toujours le droit d'auteur pour l'œuvre en question.
Lorsqu'un organisme veut produire un exemplaire, l'exception lui permet d'adapter le matériel à la personne qui en a besoin sans devoir obtenir une autorisation. Toutefois, il y a une limite. Si l'éditeur d'Alice Munro a déjà mis sur le marché un exemplaire adapté de cet ouvrage selon des modalités raisonnables, alors il incombe à l'institution qui vient en aide aux personnes ayant des déficiences perceptuelles d'en faire l'acquisition. En même temps, je tiens à ajouter que l'exception va au-delà des organismes sans but lucratif, car elle permet aux personnes ayant des déficiences perceptuelles de faire un exemplaire adapté pour leur propre usage, à condition, là encore, que le matériel ne leur soit pas offert selon d'autres modalités.
Le sénateur Black : Qu'en pense l'association des éditeurs?
M. Dupelle : Je crois que les éditeurs sont contents de voir que nous tenons compte des intérêts des créateurs. Le droit d'auteur est une question d'équilibre. C'est un sujet compliqué, mais au fond, c'est de cela qu'il s'agit. En regard des dispositions qui existent depuis les années 1990, les modifications apportées en 2012 et celles proposées dans le projet de loi visent toutes à trouver un juste équilibre. Cela vaut aussi pour la négociation du traité : même débat, mêmes objectifs. Il s'agit d'établir un équilibre entre les intérêts des créateurs et ceux des utilisateurs. En l'occurrence, on parle des intérêts d'utilisateurs ayant des déficiences perceptuelles. C'est ce facteur qui doit guider notre quête de l'équilibre à cet égard.
Bref, les auteurs et les éditeurs seront heureux de savoir que le projet de loi prévoit une mesure de protection liée à la disponibilité commerciale afin de protéger les œuvres qui sont déjà disponibles sur le marché.
La sénatrice Wallin : Les livres audio constituent déjà une source de revenus pour les auteurs. Ces produits coûtent cher, mais ils sont déjà offerts sur le marché. Quel est le rapport avec ces dispositions? Que se passe-t-il dans ce cas-là?
M. Halucha : Pour ce qui est des livres audio destinés à ceux d'entre nous qui voient parfaitement bien, sachez que les malvoyants n'utilisent pas le même support. Ils ont un autre système. Il s'agit d'un dispositif audio conçu pour eux afin de leur permettre de parcourir plus facilement le livre et de trouver leurs repères à l'intérieur des chapitres. Ce n'est pas un substitut parfait.
La sénatrice Wallin : D'accord. Les organismes ont donc le droit de produire un exemplaire même s'il existe un produit audio sur le marché?
M. Halucha : C'est exact.
La sénatrice Wallin : Ma deuxième question porte sur la réduction des restrictions à l'exportation de produits non canadiens vers un troisième pays. Qu'advient-il au juste si l'œuvre d'un auteur britannique est disponible ici et que nous voulons exporter ce produit sous une autre forme aux États-Unis?
M. Halucha : Le but du Traité de Marrakech est de créer un réseau dans lequel tout le monde, sous réserve de l'exception et à condition de respecter les règles, peut échanger les exemplaires à l'intérieur du pays.
Songeons à la série de sept volumes de Harry Potter, bien que cet exemple ne soit pas parfait puisque l'œuvre existe déjà sur le marché. Il serait dispendieux pour chaque pays d'en produire une version adaptée. Le coût peut s'élever jusqu'à 5 000 $ ou 6 000 $. Le traité permet de jumeler les efforts dans différents pays et de réaliser un seul exemplaire de l'œuvre pour ensuite l'échanger.
Selon la limite imposée dans la loi actuelle, nous ne pouvons exporter que les œuvres d'auteurs canadiens vers le pays destinataire. Nous éliminons désormais cette restriction pour créer un effet de réseau et profiter des avantages qui s'y rattachent.
La sénatrice Wallin : Voulez-vous intervenir, monsieur Dupelle?
M. Dupelle : Non, je voulais faire valoir le dernier point.
La sénatrice Wallin : Merci. Sachez que j'appuie entièrement le projet de loi.
Le sénateur Massicotte : Merci d'être des nôtres, monsieur le ministre, et merci aux fonctionnaires.
De toute évidence, nous sommes tous conscients des mérites du projet de loi et nous en voyons tous l'utilité. Nous sommes tous enclins à l'appuyer, mais nous voulons nous assurer que c'est juste, ce qui revient à ce que vous avez dit au sujet de l'équilibre.
Dans votre exposé, vous avez mentionné une série d'organismes qui appuient le projet de loi, mais ce sont tous des organismes qui ont profité de l'exception à la Loi sur le droit d'auteur en obtenant un accès aux œuvres d'art, pour ainsi dire, sans devoir payer de redevances. Je reviens à la même question concernant les éditeurs et les auteurs. Vous avez parlé d'équilibre. Je comprends cela, mais ce n'est pas la solution. Que disent-ils au juste? Ont-ils aimé le projet de loi? Pourquoi leur nom ne figure-t-il pas sur la liste des associations qui appuient le projet de loi? Quel est leur problème? Quelle est leur préoccupation? Pourquoi ne sont-ils pas en faveur?
M. Bains : Je vais commencer par fournir une brève réponse, puis je laisserai mes collaborateurs ajouter des précisions. J'ai discuté de cette série de questions avec eux aussi à l'étape de l'examen de la loi et de l'élaboration du projet de loi.
Dans l'ensemble, les auteurs sont partants. Je sais que certains experts du droit d'auteur ont exprimé différents points de vue sur des dispositions particulières, mais, tout compte fait, je n'ai pas rencontré d'artistes ou de producteurs qui s'y opposent de manière significative.
Le sénateur Massicotte : Vous et vos collaborateurs aussi?
M. Bains : C'est là un point à vérifier.
M. Halucha : Je me suis longuement entretenu avec des éditeurs et des groupes d'éditeurs au Canada, ainsi qu'avec des groupes d'auteurs, et ils appuient largement le Traité de Marrakech. Souvent, en matière de droit d'auteur, comme le comité le sait, les détracteurs n'hésitent pas à faire valoir leurs objections. Il est vrai que ces intervenants n'ont pas publié de communiqué de presse à l'appui du projet de loi, mais je crois qu'il ne faut pas nécessairement en déduire qu'ils ont des réserves.
Le sénateur Massicotte : M. Dupelle a fait allusion aux témoignages ou aux commentaires qui ont été recueillis avant 2012, donc avant le projet de loi lui-même. Cela fait bien longtemps. S'agissant de cette modification, les auteurs et les éditeurs ont-ils exprimé une opinion plus récente sur ce qui est proposé, ou nous contentons-nous de nous reporter aux propos qu'ils ont tenus il y a quatre ou cinq ans?
M. Halucha : Non, nous les avons rencontrés pendant l'année civile en cours. Je les ai rencontrés et j'ai discuté avec eux du Traité de Marrakech. Comme je l'ai dit, ils l'approuvent entièrement. Ils reconnaissent...
Le sénateur Massicotte : Qu'est-ce qui les dérange le plus? Vous avez dit que certains n'aiment pas le projet de loi, mais tout bien considéré, c'est positif. Dans ce cas, quel est l'aspect négatif?
M. Halucha : Le ministre a dit que certains experts du droit d'auteur ont soulevé les questions qui reviennent sur le tapis aujourd'hui au comité sénatorial. Par contre, je ne dirais pas que les éditeurs ont soulevé les mêmes questions.
Je crois que leur principale préoccupation concernait plutôt la disposition sur la disponibilité commerciale, car ils tenaient à avoir la possibilité d'exploiter le marché. Par ailleurs, ils voulaient s'assurer que la disposition ne servirait pas de prétexte à un piratage accru. De façon générale, tel est le véritable enjeu pour les œuvres musicales, filmographiques et littéraires.
Quand nous les avons rencontrés, nous avons pris grand soin de leur expliquer qu'en réalité, nous n'affaiblissons pas le droit d'auteur dans les cas où ils produisent des œuvres et les mettent sur le marché. L'exception concerne la disposition sur la disponibilité commerciale, qui, nous l'espérons, les encouragera à percer ce marché. Concrètement, ce n'est pas un marché qui leur apporte beaucoup de profits à l'heure actuelle, et c'est pourquoi ils n'y participent pas très activement, d'où la nécessité d'adopter le traité. Cela permet réellement de combler cette lacune sur le marché.
Ils comprennent qu'ils ne perdent pas leur capacité d'appliquer leurs droits d'auteur. Ils ont la capacité d'entrer sur le marché s'ils choisissent de le faire, de tirer parti des profits qu'ils feraient et d'être innovateurs dans cet espace. Nous espérons vraiment qu'ils innoveront.
Le sénateur Massicotte : J'y suis favorable mais, si j'étais l'éditeur ou l'auteur d'un livre.... J'ai l'impression que cela ne se fera jamais...
Le sénateur Black : Cela pourrait se produire.
Le sénateur Massicotte : Je vais écrire à votre sujet.
Le sénateur Black : Vous ne trouverez pas d'éditeur.
Le sénateur Massicotte : Je dirais qu'en ce qui concerne le fardeau que vous leur imposez, les gens s'inquiètent des exceptions et des abus de ce que sont les intentions, mais même s'il y a abus, cela dit en gros qu'ils ont besoin de prouver que la disponibilité commerciale dépend de ce besoin précis. Même s'ils prennent toutes les mesures, le seul droit qu'ils ont est l'injonction. Il n'y a aucune pénalité à moins qu'il y ait de l'abus. Je soupçonne fortement que bien des gens regarderont de quoi il s'agit et prendront les jambes à leur cou.
Ici, vous dites toutefois — le libellé de la loi est assez bon — que, s'il y a un besoin précis pour ce genre d'ouvrage, vous pouvez manifestement y donner accès à un organisme sans but lucratif pour les aveugles. La loi est assez bonne.
Cependant, vous dites qu'ils peuvent l'exporter vers un autre organisme qui a un besoin semblable. Il pourrait y avoir, en Europe, un autre organisme qui a pour mandat général d'offrir des services à toutes sortes de gens, y compris aux aveugles, mais je trouve le libellé moins précis à cet endroit. Autrement dit, c'est principalement pour les aveugles mais, dans 40 p. 100 des cas, ce peut être pour ces autres membres de l'organisme. Comment traitez-vous ce cas? Comment le gérez-vous? Comment en assurez-vous la surveillance? Lorsque le livre se retrouve dans le monde entier, impossible de le faire. Et l'auteur n'essaiera pas de courir après son livre, oubliez cela.
M. Bains : Encore une fois, comme les fonctionnaires l'ont mentionné, l'idée est vraiment d'établir un lien avec ce réseau.
Le sénateur Massicotte : Je n'ai aucun problème avec l'idée, mais comment faire pour contrôler les abus relatifs aux exportations à des organismes axés sur les aveugles? Pauvre auteur; pauvre éditeur. Tout ce que vous pouvez faire, c'est d'obtenir des injonctions. Il doit se rendre loin. C'est impensable.
M. Bains : Il est clair que la charge de la preuve incombe aux auteurs. C'est ainsi que nous l'avons fait. C'est une des questions qui vous sera présentée à vous aussi. Je ne suis pas certain que vous vouliez en parler, Paul.
M. Halucha : Du point de vue de la conception, vous avez tout à fait raison. Nous avons conçu le projet de loi pour imposer la charge de la preuve aux écrivains et aux éditeurs. Nous l'avons fait car, dans les faits, leurs ouvrages ne sont pas très répandus dans le marché en ce moment. S'ils produisaient des ouvrages adaptés et qu'ils étaient présents dans le marché, je pense que la situation serait différente. Le fait que le monde se soit réuni pour élaborer ce traité montre bien qu'il s'agit d'un besoin important.
La dernière chose que nous voulions faire était d'élaborer un traité imposant pareils fardeaux aux ONG qui, dans les faits, les dissuaderaient de tirer parti de l'exception et d'offrir les ouvrages. Comme le ministre l'a indiqué, c'était la raison de l'inversion du fardeau.
Nous pourrions imaginer des circonstances dans lesquelles nous entendrions des récits, dans deux ans, uniquement de litiges à cet égard. Au lieu d'avoir un traité pour produire de nouveaux ouvrages adaptés, nous aurions des affaires judiciaires. C'est le biais relatif à la conception. Il vise à rendre le traité fonctionnel. Nous sommes à l'aise avec cela.
M. Dupelle : J'aimerais simplement soulever deux petits arguments. D'abord, une chose qu'il ne faut pas oublier est que les limites, en termes d'exportations, et l'inversion du fardeau de la preuve se rapportent aux pays signataires du Traité de Marrakech. Cela concerne le réseau de Marrakech. Pendant les négociations du traité, il est clair qu'on s'est assuré de prendre les mesures de sauvegarde appropriées. Si une copie est envoyée à un autre pays et qu'il est signataire du Traité de Marrakech, vous pouvez vous attendre à ce qu'il y ait des mesures de sauvegarde. Il est possible que chaque pays les mette en place de façons légèrement différentes et qu'ils privilégient différentes approches, mais tous les pays auront certains types de mesures de sauvegarde. Peut-être qu'elles auront quelque chose à voir avec les règles entourant les organismes autorisés qui ont le droit de distribuer des copies, mais il y aura des mesures de sauvegarde.
Un autre point concernant les questions qui sont ressorties des discussions avec les éditeurs et les auteurs est que cela ne se rapportait pas tant à la façon dont nous avons structuré les limites de disponibilité commerciale. Je pense qu'ils se préoccupaient davantage des échappatoires. Paul a mentionné plus tôt la possibilité pour quelqu'un de profiter de l'exception dans un but malveillant. Je peux vous donner un exemple de ce que nous leur avons dit quand nous leur avons expliqué les dispositions et leur fonctionnement. On a soulevé une question concernant une importation. Si vous exportez une copie vers un autre pays et que vous avez une limite de disponibilité commerciale, qu'arriverait-il si cette copie revenait au Canada? Cela ne se produira pas car, la même limite de disponibilité commerciale s'applique autant aux importations qu'aux activités qui se déroulent au Canada.
Une autre de leurs préoccupations se rapportait aux droits moraux. La Loi sur le droit d'auteur protège le droit d'auteur ce qui, dans les faits, englobe des choses comme les copies et l'exécution, mais elle protège aussi les droits moraux, qui se rapportent davantage à l'identité de l'auteur et à sa réputation. Les mesures de protection des droits moraux continueront de s'appliquer malgré l'existence de ces exceptions. Il revient aux organisations sans but lucratif de faire une copie qui continue de refléter l'intégrité du travail, par exemple. C'étaient des choses qu'elles étaient heureuses que l'on protège.
M. Bains : Parce que vous avez soulevé les points, j'aimerais seulement ajouter en ce qui concerne les mesures de sauvegarde que je ne suis pas sûr que vous ayez aussi mentionné la capacité limitée de contourner les serrures numériques. Pouvez-vous aussi en parler?
M. Dupelle : Certainement, et c'est une autre préoccupation réelle des deux côtés. Je pense qu'après ces amendements, la disposition trouverait le juste équilibre entre les deux parties. D'un côté, les utilisateurs se préoccupaient d'une condition de « compromission indue », et ils ont perçu qu'elle créait un effet paralysant, car ils n'ont pas les connaissances techniques nécessaires pour savoir s'ils compromettent indûment la serrure sur le contenu pour pouvoir y donner accès, alors elle a été retranchée.
Cependant, cet endroit contient une exigence très claire selon laquelle ils ne peuvent entreprendre ces activités qu'aux fins d'aider une personne ayant des déficiences perceptuelles. Les titulaires de droits auxquels nous avons parlé en étaient satisfaits, car ils ont vu que le même principe s'appliquait.
Le sénateur Massicotte : Je l'ai manqué. En conséquence, êtes-vous en train de dire que le droit d'exportation ne s'applique qu'aux pays qui ont aussi signé le Traité de Marrakech?
M. Dupelle : Le cadre d'exportation compte deux parties. À l'heure actuelle, au titre de la Loi sur le droit d'auteur, un certain nombre de restrictions s'appliquent, mais il vous serait théoriquement possible d'envoyer la copie vers n'importe quel autre pays. Cependant, un nombre appréciable de restrictions s'y appliquent. Il doit s'agir d'un auteur canadien ou d'un auteur du pays de destination, par exemple.
Afin d'apporter des changements pour trouver le juste équilibre, nous ne voulions pas priver les organismes de la capacité de les envoyer vers des pays non signataires du Traité de Marrakech. À proprement parler, aucun des pays n'est signataire de ce traité puisqu'il n'est pas encore entré en vigueur, mais les pays commencent à déposer leurs instruments de ratification ou d'adhésion et à y adhérer formellement. Ils seront tous membres une fois que le traité sera entré en vigueur.
Le sénateur Massicotte : Là où je veux en venir est que vous avez mentionné plus tôt que nous devrions puiser un certain réconfort dans le fait que l'exportation se fait vers un pays signataire du Traité de Marrakech, mais ce n'est pas nécessairement le cas?
M. Dupelle : C'est exact. Il s'agit essentiellement d'un cadre en deux parties. Nous ne voulions pas empêcher l'envoi de copies vers des pays qui ne sont pas signataires du Traité de Marrakech, si bien qu'une limite de disponibilité commerciale s'applique, mais le fardeau continue de peser sur l'organisme sans but lucratif. Maintenant, s'ils exportent vers un pays signataire du Traité de Marrakech, nous nous attendons à ce que des mesures de protection soient mises en place dans ces pays. L'idée est de créer un réseau sécuritaire pour échanger des copies, et le fardeau est maintenant placé sur les titulaires de droits.
Le sénateur Enverga : Merci, monsieur le ministre, d'être venu aujourd'hui. Je suis vraiment très favorable à ce projet de loi, surtout après avoir entendu vos réponses aux questions qui sont ressorties de mon allocution.
Vous venez de nous dire que le gouvernement n'a aucune intention de réglementer les redevances. Est-ce le cas?
M. Bains : C'est exact, oui.
Le sénateur Enverga : Pouvez-vous nous dire pourquoi vous l'avez inclus dans ce projet de loi, au paragraphe 2(4)? Vous avez aussi mentionné la souplesse; pouvez-vous fournir de plus amples détails à ce sujet, s'il vous plaît?
M. Bains : Encore une fois, ils peuvent expliquer plus précisément comment elle sera surveillée mais, comme je l'ai mentionné dans mes remarques, nous n'avons nullement l'intention de verser la moindre redevance, mais cette disposition existe et pour une raison précise. Paul peut en parler.
M. Halucha : En fait, il ne s'agit pas d'un nouvel ajout à la Loi sur le droit d'auteur. Il fait partie de l'amendement de 2012, si bien qu'il existe depuis au moins quatre ans. À cette époque, le Traité de Marrakech était toujours en cours d'élaboration, alors nous faisions des hypothèses sur ce qui pouvait y être intégré et sur ce dont on aurait besoin pour se conformer au traité; le pouvoir de réglementation a donc été ajouté à ce stade. Il ne s'agit pas d'un nouvel ajout.
Comme le ministre l'a fait remarquer, la prise d'un règlement requiert toujours une publication et des consultations exhaustives sur la teneur de cette réglementation. Si un futur gouvernement décidait de prendre ce règlement, il lui faudrait tenir des consultations.
La Loi sur le droit d'auteur prévoit d'autres pouvoirs de réglementation que nous ne mettons pas en œuvre à ce stade, comme le régime d'avis. Il nous autorisait aussi à prendre des règlements. Le gouvernement a décidé de l'édicter sans utiliser ses pouvoirs de réglementation, mais nous n'avons pas retranché le règlement des livres à ce stade en reconnaissance du fait qu'il est très difficile de prédire comment l'environnement évoluera, comme c'est le cas maintenant. En particulier, nous espérons qu'il y aura beaucoup plus d'activité de marché dans cet espace, et je pense que ce serait merveilleux si, à un moment donné, il y avait suffisamment de profits dans cet espace et suffisamment de pénétration du marché et de service sur les marchés qu'on envisagerait quelque chose comme des redevances.
M. Dupelle : La disposition relative au paiement des redevances figure dans le projet de loi en raison de modifications corrélatives. Il ne s'agit donc pas d'une nouvelle disposition, comme Paul vient de le mentionner.
Le sénateur Enverga : Il a aussi été question de souplesse. Qu'est-ce que cela signifie? Pouvez-vous donner des détails à ce sujet? En quoi consiste la souplesse?
M. Bains : Je ne comprends pas la question. La souplesse à propos de quoi?
Le sénateur Enverga : La souplesse à propos des redevances.
M. Bains : Encore une fois, nous n'avons aucune intention à cet égard. Comme Paul l'a mentionné, ce pourrait être une possibilité en cours de route s'il y a un scénario dans lequel nous rehaussons le niveau des publications, mais je ne prévois cela à aucun moment dans un avenir proche. Voilà pourquoi la disposition existe toujours, parce qu'elle faisait partie de lois déjà en place.
Le président : Juste pour être certain, si l'éditeur offre un produit sur le marché — disons le marché des aveugles — et qu'il est facilement disponible sur le plan commercial, alors il n'y a pas d'exception parce qu'il se trouve déjà sur le marché.
M. Bains : C'est exactement cela. Si vous l'examinez, c'est ce que les organismes sans but lucratif veulent aussi, car ils savent qu'ils n'ont pas la capacité de publier à ce rythme. En ce moment, je pense que le chiffre mondial se situe à 7 p. 100.
Le président : Alors l'éditeur ne perd pas d'argent, car les aveugles n'achètent pas le livre de toute façon. Si le fait de les aider à utiliser le livre gagne en popularité, il pourrait encourager les éditeurs à se dire « Peut-être que nous devrions l'offrir sur le marché ». Je ne vois vraiment aucun perdant ici.
Le sénateur Enverga : Merci, monsieur le président. Les gens m'ont aussi dit qu'ils se préoccupaient du libellé de la section intitulée « Disponible dans le pays de destination », et la partie qui dispose que :
. . . s'il est possible de se [le] procurer [...] dans le pays de destination, à un prix et dans un délai raisonnables, et de le trouver moyennant des efforts raisonnables.
Selon vous, qu'entend-on par « raisonnable » et comment détermine-t-on ce qui l'est? Je suis certain que les trois usages connexes sont pour le type, le prix et l'effort. Le ministre pourrait-il éclairer le comité sur la façon dont cela doit être déterminé? Quel rôle jouez-vous dans cette détermination?
M. Bains : Nous pouvons tous penser à l'exemple dans lequel un livre qui se vendrait 500 $ ne serait pas raisonnable, n'est-ce pas? Alors nous comprenons où se situerait le seuil. Les fonctionnaires pourraient peut-être vous parler de la façon dont le caractère raisonnable de quelque chose est établi en fonction des discussions tenues à ce sujet en particulier. Vous avez tout à fait raison de dire que cela peut être interprété différemment d'un pays à l'autre. La question a fait l'objet de nombreuses discussions, et je crois que Robert peut en parler.
M. Dupelle : Certainement. La loi ne donne pas la définition de disponibilité commerciale, mais aux fins de ces exceptions, sa formulation est très semblable. Le livre doit être disponible dans un délai raisonnable, à un prix raisonnable et se trouver moyennant des efforts raisonnables; ces types de concepts.
Je crois que le caractère raisonnable fonctionne bien en tant que concept indéfini. Je pense qu'il reviendrait à un tribunal de déterminer, en fonction d'un groupe de faits, ce qui est raisonnable, en gardant à l'esprit que le besoin de personnes ayant des déficiences perceptuelles est très particulier. Je pense que c'est quelque chose qu'un tribunal prendrait en considération.
Je pense qu'il serait dangereux d'essayer de le qualifier de façon trop stricte, surtout compte tenu du fait que la norme du caractère raisonnable peut être une norme neutre sur le plan technologique.
Le sénateur Black : J'ai quelques points à soulever. Premièrement, à la base — j'affirme que mes collègues et moi abondons dans le même sens sur ce point — il s'agit d'une politique sociale. On a déterminé que les besoins légitimes et économiques des personnes ayant un handicap visuel devraient être respectés, et c'est une des choses qui doivent être faites en ce sens. C'est à l'origine de tout cela, c'est bien cela?
M. Bains : C'est exact. Je dirais que l'accent devrait justement être aussi mis sur son aspect économique. Imaginez seulement que les gens soient incapables d'atteindre leur potentiel à cause du handicap avec lequel ils vivent.
Le sénateur Black : Oui. Ce faisant — et je pense que c'est là où le sénateur Massicotte et moi-même voulions en venir avec nos questions — à quoi ressemble cet équilibre? En fait, il ressemble à une balançoire à bascule où une extrémité est tout en haut et l'autre, tout en bas : une extrémité représente les éditeurs et les auteurs, et l'autre, la communauté dont nous parlons. Cependant, on a déterminé pour des raisons de politique sociale que c'est correct. C'est ce que je crois comprendre quand je vous écoute.
M. Halucha : C'est aussi pour des raisons économiques.
Le sénateur Black : Je comprends, et ma question le reflète. Dites-mois si on penserait, peut-être, à une communauté de personnes handicapées qui ont des problèmes à conduire. Devrions-nous nous attendre à vous voir traiter la question? Pourrions-nous nous attendre à voir une mesure législative visant les fabricants de meubles qui ont besoin de s'assurer que les tables sont conçues différemment? Ma question n'est pas du tout discriminatoire. Elle demande simplement : avez-vous envisagé jusqu'où cela pourrait aller?
M. Bains : La réalité est que, chaque année, moins de 5 p. 100 — et je me suis déjà trompé de chiffre auparavant — des ouvrages sont produits dans le format dont les handicapés visuels ont besoin. Si nous intervenons, c'est que le marché a clairement été incapable de combler cette lacune. Voilà pourquoi nous intervenons.
En ce qui concerne les meubles et les autres aspects, je crois que le marché joue un rôle beaucoup plus dynamique.
Le sénateur Black : C'est une excellente réponse. Y a-t-il d'autres membres du G7 qui seront signataires du Traité de Marrakech?
M. Bains : Nous serions le premier pays du G7 à ratifier le traité. C'est pourquoi je dis que nous allons faire preuve de leadership sur la scène mondiale pour ce qui est de l'accessibilité des œuvres. Il y a de nombreux pays signataires, et il est également question de l'Australie. Je dirais que nous serons le premier pays du G7, si jamais le projet de loi est adopté, à faire partie des 20 pays nécessaires pour ratifier le traité.
Le sénateur Black : Vous pourriez peut-être nous fournir une liste de ces pays.
M. Bains : Absolument. Je le ferai avec plaisir.
Le sénateur Black : Quelle est la position des États-Unis?
M. Halucha : À l'heure actuelle, ils sont en train d'étudier la mise en œuvre.
Le président : Mais sont-ils signataires du Traité de Marrakech?
M. Dupelle : Ils ont manifesté leur intérêt à ratifier le traité. D'après ce que je comprends, ils se demandent comment le mettre en œuvre.
M. Bains : Monsieur le président, on nous a demandé quel était le point de vue des éditeurs sur ce projet de loi. J'ai reçu une lettre aujourd'hui — c'est mon équipe qui vient tout juste de m'en faire part — selon laquelle le Canadian Publishers' Council appuie également le projet de loi C-11. Lorsque j'ai énuméré tous ceux qui étaient favorables à ce projet de loi, je n'en ai pas parlé, parce que j'ai seulement reçu la lettre aujourd'hui. Je voulais donc attirer l'attention des membres du comité sur cette lettre.
Le sénateur Greene : Selon vous, y a-t-il un risque pour le Canada si les États-Unis ne signent pas le Traité de Marrakech?
M. Bains : Je ne crois pas qu'il y ait de risque. J'entrevois plutôt une occasion de faire preuve de leadership dans ce dossier. Cela créerait un avantage unique pour nos citoyens et les autres pays qui adhèrent au Traité de Marrakech. Ce sont davantage les États-Unis qui courraient un risque en ne desservant pas bien leur population. Encore une fois, cela nous placerait dans une position beaucoup plus solide pour répondre aux besoins d'une population marginalisée. Nous serions mieux placés que nos homologues aux États-Unis.
Le président : Merci, monsieur le ministre.
Dans le cadre de notre étude du projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur (accès des personnes ayant des déficiences perceptuelles aux œuvres ou aux autres objets du droit d'auteur protégé), je suis heureux d'accueillir l'honorable Pierre Poilievre, C.P., député de Carleton, Ontario. Je sais que ce sujet vous passionne depuis un certain temps et que vous avez travaillé sans relâche à ce projet de loi. Je vous remercie de comparaître aujourd'hui. Je vous invite donc à faire votre déclaration liminaire, après quoi nous enchaînerons avec une période de questions.
L'honorable Pierre Poilievre, C.P., député de Carleton, Ontario, Chambre des communes, à titre personnel : Merci beaucoup, sénateur et membres du comité, de m'avoir permis de comparaître aujourd'hui. Si je suis ici, c'est parce que j'étais ministre de l'Emploi et du Développement social lorsque ce projet de loi a été déposé, lors de la dernière législature, par mon collègue, l'honorable James Moore, ministre de l'Industrie à l'époque. Évidemment, il y avait un chevauchement de portefeuille et, depuis ce temps, je défends ce projet de loi du côté de l'opposition. J'aimerais remercier le ministre Bains, la ministre Qualtrough ainsi que Rob Oliphant, député de Don Valley-Ouest, qui ont tous parrainé ce projet de loi. Le projet de loi que vous avez devant vous aujourd'hui est réellement le fruit d'un effort de collaboration.
Certains membres du comité pourraient se demander pourquoi un conservateur qui défend aussi vigoureusement la libre entreprise s'intéresse à ce projet de loi. J'aimerais donc vous expliquer pourquoi j'encourage les gens à partager mon point de vue et aussi le Sénat à adopter rapidement cette mesure législative. Habituellement, lorsqu'un projet de loi vise à aider un groupe, tout le monde doit en payer le prix. Lorsqu'on met en place un programme qui exige des deniers publics, on doit puiser dans les poches des contribuables qui les ont durement gagnés. Cela me rappelle l'une des grandes citations de Winston Churchill, qui va comme suit : un pays qui essaie de trouver le chemin de la prospérité en augmentant les impôts est comme un homme debout dans un seau qui essaierait de se soulever en l'air en tirant sur l'anse.
Ce projet de loi est différent et unique, en ce sens qu'il permettra à 250 millions de personnes aveugles de partout dans le monde d'avoir accès à 250 000 livres additionnels sans coût supplémentaire pour les contribuables ou les utilisateurs. Monsieur le président, si cela semble défier les lois de la physique, c'est parce que c'est le cas, d'une certaine manière. Il n'est plus question des lois traditionnelles de la physique dans l'économie numérique moderne. Si j'avais un livre et que vous en aviez un également et qu'on se les échangeait, on aurait tout de même un seul livre chacun. Toutefois, dans le monde numérique, si chacun a une copie numérique et la partage, on se retrouve avec deux livres chacun. C'est le merveilleux pouvoir de la multiplication que préconise ce projet de loi.
Les pays qui adhèrent au traité modifient leurs lois sur le droit d'auteur en permettant aux personnes ayant une déficience visuelle et aux groupes qui les desservent de rendre accessible un livre sous forme audio, par exemple, et de partager ces exemplaires tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des frontières. Un livre enregistré à Londres, en Angleterre, pourrait être accessible à un lecteur aveugle de London, en Ontario, et vice versa. Ce projet de loi est très important, compte tenu de la pénurie actuelle de livres pour les personnes ayant une déficience visuelle. Seulement 7 p. 100 des ouvrages publiés sont traduits dans un format qui leur est accessible.
En adoptant ce traité et le projet de loi qui le met en œuvre, nous permettrons aux Canadiens malvoyants d'avoir accès à plus de 270 000 publications et livres produits à l'étranger en éliminant l'obstacle juridique qui empêchait auparavant le partage de ces ouvrages. En même temps, les livres produits ici au Canada, par exemple dans les locaux de Don Valley de l'Institut national canadien pour les aveugles, seront accessibles aux personnes ayant une déficience visuelle partout dans le monde.
Les sénateurs Black et Massicotte ont soulevé des questions importantes. Je suis un grand défenseur des droits de propriété. Ces droits sont essentiels non seulement pour notre économie, mais pour la civilisation dans son ensemble. La raison pour laquelle nous avons des droits d'auteur, une forme de droits de propriété, c'est parce que personne ne paierait pour quelque chose qu'il peut obtenir gratuitement.
Je crois que le ministre a conçu ce projet de loi avec circonspection afin d'éviter le problème des resquilleurs. Il est clair que personne ne voudra payer pour quelque chose qu'il peut se procurer gratuitement, mais on parle ici de livres auxquels le lecteur n'a même pas accès. Ils ne sont pas disponibles en format accessible. Ce n'est pas comme si on allait empêcher une vente de livre en offrant le livre gratuitement. Le livre n'est tout simplement pas accessible, et c'est pourquoi le traité me permet d'y avoir accès en tant que lecteur malvoyant.
Si l'éditeur ou l'auteur décide de produire la publication dans un format accessible, à ce moment-là, il n'y aurait plus d'exemption relative aux droits d'auteur. Monsieur le président, comme vous l'avez indiqué dans votre question, ce projet de loi va en fait inciter les éditeurs et les auteurs à faire ce qu'il faut et à rendre ces œuvres accessibles aux personnes ayant une déficience visuelle. Ce faisant, ils toucheront des profits, parce que nous parlons ici d'un quart de milliards de gens partout dans le monde — soit un marché énorme qui, au fil du temps, favorisera la commercialisation de ces produits.
Entre-temps, cela ne devrait pas nous empêcher d'aller de l'avant avec un traité qui comblera une lacune dans les publications, et ce, à l'échelle mondiale.
Si vous doutez de l'importance de ce projet de loi, vous n'avez qu'à réfléchir aux paroles de la directrice générale de l'Union mondiale des aveugles, Mme Penny Hartin, qui a dit à Ottawa l'autre jour : « Il s'agit de la plus grande percée de l'alphabétisation pour les aveugles depuis l'invention du braille ».
Si nous ratifions ce traité en adoptant ce projet de loi dans votre chambre avant l'été, nous serons le dix-huitième pays à le faire. Cela nous amènera ensuite au chiffre magique de 20, à partir duquel le traité entrera en vigueur. Ce faisant, monsieur le président, nous mettrons fin à cette pénurie de livres à laquelle font face les personnes qui ont une déficience de lecture des imprimés et qui sont avides de lire.
Je vous encouragerais donc à travailler ensemble afin d'atteindre cet objectif avant la pause estivale.
Le président : Merci.
J'aimerais faire rapidement le point sur la situation actuelle au Sénat. Jusqu'à présent, neuf sénateurs ont pris la parole, et la liste des sénateurs change constamment. Évidemment, il nous reste encore beaucoup de temps, alors je ne crois pas que ce sera un problème. Je voulais simplement vous en informer; vous n'avez pas à vous en faire, sénateur Enverga.
Le sénateur Black : Je vous remercie de votre initiative. Comme nous l'avons entendu tout à l'heure, nous reconnaissons tous qu'il s'agit d'une initiative de politique sociale, et je pense que c'est tout à fait louable. Selon moi, vous avez si bien décrit la teneur de ce projet de loi que je serais surpris qu'on ne l'appuie pas.
N'empêche qu'il faut reconnaître qu'il y a des coûts rattachés à cette initiative. J'aimerais vous poser quelques questions. Dans vos observations, vous avez indiqué que ni les personnes souffrant d'une déficience visuelle ni le gouvernement n'auraient à débourser quoi que ce soit, mais vous devez tout de même reconnaître que quelqu'un devra assumer le coût de cette politique, et ce « quelqu'un » se trouve à être les éditeurs. Je ne dis pas que c'est une bonne ou une mauvaise chose, mais c'est la réalité. Êtes-vous d'accord?
M. Poilievre : Je ne suis pas d'accord, parce que le ministre a rédigé le projet de loi de façon à créer une exemption pour les œuvres qui sont déjà disponibles à un prix raisonnable en format accessible. Si un éditeur a produit les ouvrages de J.K. Rowling et qu'ils sont disponibles à un prix comparable, comme c'est le cas pour le reste du public, à ce moment-là, le lecteur devrait payer le prix du marché. C'est seulement dans les cas où l'éditeur ne vendrait pas le produit de toute façon. L'éditeur ne subira pas de perte de revenus. Il n'y aurait pas eu de vente, car le produit n'est pas disponible.
Le sénateur Black : Je comprends, mais pour obtenir le produit dans ce format, il y a forcément un coût.
M. Poilievre : Ce n'est pas l'éditeur qui assumera les coûts liés au format demandé, mais bien les organismes à but non lucratif comme l'INCA. Ces coûts sont déjà prévus, puisque le gouvernement du Canada finance déjà l'INCA pour qu'il y ait des studios d'enregistrement, une narration, des formats numériques de braille et des gros caractères. On a déjà ces coûts.
Ce que je dis, c'est qu'il n'y aura pas de coûts additionnels si on rend accessibles ces 270 000 ouvrages qui circuleront à travers les frontières.
Le sénateur Black : C'est très utile.
Prenons par exemple la série Harry Potter. Si le Royaume-Uni n'est pas signataire du Traité de Marrakech, aurons- nous accès à ces livres?
M. Poilievre : C'est une bonne question. Il faudrait la poser...
Le sénateur Black : J'aurais tendance à penser que non.
M. Poilievre : Le Royaume-Uni a déjà signé le traité.
Le sénateur Black : Le Royaume-Uni sera-t-il signataire?
M. Poilievre : Il est signataire, mais quant à savoir s'il va ratifier le traité, cela reste à voir.
Le sénateur Black : C'était la raison pour laquelle je vous avais posé la question concernant les pays du G7, parce que les grands éditeurs de ce monde se trouvent au Royaume-Uni et aux États-Unis. Si ces pays n'adhèrent pas au traité, alors le traité a beaucoup moins de valeur, évidemment.
La sénatrice Wallin : Il y avait une exception à cet égard. Le ministre en a parlé.
Le sénateur Black : Ah oui?
La sénatrice Wallin : On dit : « À l'heure actuelle, le Canada impose des restrictions aux exportations de documents en fonction de la nationalité de l'auteur » et cetera. Maintenant, on a indiqué que tout pays qui a entrepris cette initiative sera autorisé à le faire.
Le sénateur Black : D'accord. Je ne sais pas comment ils vont s'y prendre, mais c'est formidable.
La sénatrice Wallin : Je l'ignore également.
Le sénateur Black : Je vous remercie de votre réponse.
Le président : Sénateur Black, nous ne pouvons pas contrôler ce que font les autres pays; nous pouvons uniquement contrôler ce que nous-mêmes nous faisons.
Le sénateur Black : Je suis d'accord. J'essaie simplement de voir dans quelle mesure cela sera efficace.
Le président : C'est ce que nous essaierons de faire, et nous verrons ce qu'il adviendra.
Le sénateur Enverga : Je sais que c'était en quelque sorte votre bébé au cours de la dernière législature.
M. Poilievre : Je dirais que c'est James Moore qui a pris l'initiative. Je l'ai appuyé, parce que je travaillais pour un ministère connexe à l'époque.
Le sénateur Enverga : Je sais que vous avez une petite idée de la forme que tout cela prendra, mais est-ce réellement le projet de loi que vous aviez envisagé au départ? Est-ce le projet de loi que vous souhaiteriez qu'on adopte, si vous étiez ministre?
M. Poilievre : Tout à fait. Je pense que le ministre et le gouvernement actuels l'ont rédigé en établissant les exceptions appropriées et, selon moi, ils ont pris toutes les mesures nécessaires pour protéger les droits d'auteur. Si nous étions au pouvoir aujourd'hui, je pense que le projet de loi serait très semblable à celui dont vous êtes saisis aujourd'hui.
Le sénateur Enverga : Excellent. Merci.
Le président : Cela dit, s'il n'y a pas d'autres questions, je vous remercie de votre présence, monsieur Poilievre.
Pour notre troisième groupe de témoins, je suis ravi d'accueillir Mme Diane Bergeron, directrice exécutive, Relations stratégiques et Engagement, au sein de l'Institut national canadien pour les aveugles, ainsi que M. Thomas Simpson, spécialiste, Opérations et Affaires gouvernementales. Nous accueillons ensuite Mme Victoria Owen, membre du Comité sur les politiques publiques de l'Association canadienne des bibliothèques; ainsi que Mme Susan Haigh, directrice générale de l'Association des bibliothèques de recherche du Canada.
Si je ne me trompe pas, Mmes Bergeron et Owen ont toutes les deux une déclaration liminaire à faire. Nous enchaînerons ensuite avec une période de questions. M. Simpson et Mme Haigh sont ici pour aider à répondre aux questions, au besoin.
Madame Bergeron, allez-y, je vous prie.
Diane Bergeron, directrice exécutive, Relations stratégiques et Engagement, Institut national canadien pour les aveugles : Honorables sénateurs, je vous remercie infiniment de m'avoir invitée à comparaître aujourd'hui.
J'aimerais développer certaines observations qui ont été faites par des témoins précédents.
En fait, sachez que seulement 7 p. 100 des ouvrages publiés dans le monde sont traduits dans un format accessible aux aveugles, aux déficients visuels et aux personnes ayant d'autres difficultés de lecture des textes imprimés. Dans les pays en voie de développement, ce pourcentage chute à 1 p. 100, ce qui explique pourquoi seulement 10 p. 100 des enfants dans ces pays ont accès à l'éducation.
Au Canada, le taux de chômage chez les aveugles s'élève actuellement à 70 p. 100. La majorité des 30 p. 100 qui ont un emploi sont sous-employés en fonction de leur éducation.
Le fait de pouvoir consulter ces œuvres publiées permet à ces gens de bénéficier d'un accès à l'information, à l'éducation, à la culture et à leurs collectivités. Combien de fois par jour lisez-vous quelque chose ou écoutez-vous la télévision? Les personnes ayant des déficiences perceptuelles aux œuvres n'ont pas accès à cette information au quotidien.
Vous parliez plus tôt de la série Harry Potter. J'aimerais vous expliquer comment cela fonctionne. Les livres Harry Potter ont été reproduits en braille, en format audio et en format DAISY. On peut avoir accès à de nombreux formats, et cela s'explique uniquement par le fait que l'auteure, J. K. Rowling, a donné son autorisation. Au Canada, nous avons accès à ces livres, parce qu'ils ont été enregistrés à maintes reprises. Le Canada a fait une copie, tout comme le Royaume-Uni et les États-Unis. Huit exemplaires du premier livre d'Harry Potter ont été créés en format audio, coûtant à chacun des organismes entre 1 500 et 2 000 $ par exemplaire.
Grâce au Traité de Marrakech et aux modifications apportées à cette loi sur le droit d'auteur, le Canada, les États- Unis, le Royaume-Uni et d'autres pays pourraient se rencontrer et déterminer que le Canada enregistrera le premier livre, les États-Unis, le deuxième, le Royal National Institute for the Blind au Royaume-Uni, le troisième, et ainsi de suite, et tous ces livres seraient distribués. Plutôt qu'avoir huit versions du même livre, nous aurions huit livres pour le prix d'un.
Cela ne change pas le coût ou les versements faits au titulaire du droit d'auteur, car même s'il est question d'offrir gratuitement ces livres à des personnes aveugles, ils ne m'appartiennent pas. J'obtiens mes livres à la bibliothèque. Je dirais que beaucoup de personnes dans la salle en font autant. Vous ne payez pas le titulaire du droit d'auteur lorsque vous empruntez un livre. Vous vous rendez à la bibliothèque et vous l'obtenez gratuitement, pendant un certain temps, pour vous permettre de le lire. Le livre ne vous appartient pas. C'est la même chose pour les personnes aveugles ou atteintes de cécité partielle.
Les gens qui produisent ces livres font partie d'organisations comme l'INCA. On les considère comme des entités autorisées ou des intermédiaires dignes de confiance. Seuls les intermédiaires dignes de confiance peuvent le faire, et ils offrent les livres par l'entremise du réseau de bibliothèques de leur pays. Les livres n'appartiennent pas aux personnes aveugles.
Lorsque je décide d'acheter un livre, je dois l'acheter en braille ou en version audio, s'il est en vente et que c'est ce que je veux.
Je voulais également parler de ce que signifie l'« accessibilité sur le marché » dans le sens d'usage par la personne qui en fait la demande.
Je peux écouter un livre; à vrai dire, j'aime beaucoup Audible.com et j'écoute beaucoup de livres, habituellement pour le plaisir, mais ces livres ne disposent pas des systèmes de navigation d'un livre DAISY. Contrairement aux livres DAISY, on ne peut pas marquer de passages. Si je lis un livre et que je veux revenir à divers endroits et souligner des passages, comme je le ferais dans un livre imprimé, je dois l'avoir sur d'autres supports, et ces livres audio ne m'aideront pas.
Les livres audio n'aideront pas une personne sourde et aveugle. Cette personne a besoin d'une version en braille. Lorsque je lisais à ma fille quand elle était jeune, je lisais des livres dans lesquels il y avait des caractères normaux et du braille : des caractères et des photos d'un côté, et du braille de l'autre, car ma fille est voyante. Je lisais en braille, et elle voyait les caractères. C'est de cette façon que je l'ai aidée à apprendre à lire. C'est très important pour les personnes aveugles qui ont une famille.
Il existe une organisation appelée l'Accessible Book Consortium, ou ABC, qui a été mise sur pied par des intermédiaires dignes de confiance et des entités autorisées de partout dans le monde. Ils ont uni leurs efforts et créé un catalogue de livres disponibles par l'entremise de leurs organismes et de leurs bibliothèques. À ce jour, ils ont obtenu auprès d'auteurs la permission de créer environ 45 000 livres qui pourront être distribués partout dans le monde, mais il y a encore 250 livres pour lesquels ils n'ont pas encore obtenu de permission.
C'est entre autres parce qu'ils doivent toujours communiquer avec le titulaire du droit d'auteur, obtenir sa permission et procéder ainsi. L'adhésion au Traité de Marrakech changerait cette réalité, et tous ces livres seraient alors à notre disposition. Nous pourrions passer de 7 p. 100 à 20 ou 50 p. 100 — imaginez la quantité de livres que nous pourrions obtenir et lire.
Je veux aussi parler un peu du fait que, dans la société d'aujourd'hui, nous légiférons à bien des égards. Si quelqu'un veut construire un immeuble, il ne peut pas le faire à moins qu'il ne soit accessible aux personnes handicapées. Les sites web et les livres ne sont toutefois pas assujettis à la même exigence. Ce projet de loi aide à changer cette réalité.
L'INCA fait preuve de diligence raisonnable, comme tous les autres intermédiaires dignes de confiance. Quand une personne nous demande un titre auquel elle n'a pas accès, nous essayons de le trouver. Nous déterminons s'il est offert sur le marché sur un support qu'elle peut lire. Dans l'affirmative, nous nous adressons à l'éditeur pour en obtenir un exemplaire. Sinon, nous allons de l'avant et nous enregistrons le livre, en gardant à l'esprit que six mois pourraient être nécessaire.
Donc, six mois plus tard, nous offrons le livre à nos clients et à nos membres, ainsi que par l'entremise du Centre d'accès équitable aux bibliothèques. Pendant cette période de six mois, il est possible que le titulaire du droit d'auteur ait créé une version du livre sur un support accessible, exactement comme nous l'avons fait. Il y a une autre chose que nous déterminerons avant d'envoyer le livre dans un autre pays. Nous nous servons d'un système de diligence raisonnable à deux volets pour nous assurer que nous ne distribuons pas de livres déjà offerts sur un support que les gens que nous servons peuvent lire et obtenir.
Je ne vois pas en quoi cela pénalise sur le plan monétaire les éditeurs ou les titulaires du droit d'auteur. Je pense qu'il est important que nous nous rappelions, comme l'a mentionné M. Poilievre, que je n'achète pas de livres imprimés. Ce que je fais, c'est lire un livre que j'ai obtenu à la bibliothèque, et j'en parle ensuite à tous mes amis clairvoyants qui vont ensuite l'acheter, ce qui est une bonne chose. Je suis donc d'avis que les titulaires du droit d'auteur en profitent, car je fais la publicité de leurs livres.
Pour terminer, j'aimerais dire que lorsque j'ai perdu la vue dans mon enfance, je ne lisais pas beaucoup. Je n'avais pas accès aux livres disponibles. Même si nous parlons aujourd'hui d'une proportion de seulement 7 p. 100 de livres disponibles, ces livres ne l'étaient pas lorsque j'ai grandi, mais ils le sont de plus en plus. J'ai maintenant accès à un plus grand nombre de livres et, en tant que grand lecteur, j'en lis environ cinq par semaines. J'aurais aimé avoir accès à autant de livres dans mon enfance. Merci.
Le président : Merci, madame Bergeron.
Victoria Owen, membre, Comité sur les politiques publiques, Association canadienne des bibliothèques : Bonjour, et merci de me donner l'occasion de vous parler du projet de loi C-11, qui rendra possible la ratification du Traité de Marrakech.
Je suis bibliothécaire en chef à l'Université de Toronto, à Scarborough, et je suis ici pour vous parler au nom de l'Association des bibliothèques de recherche du Canada et de la Fédération canadienne des associations de bibliothèques. Je suis accompagnée de Susan Haigh, directrice générale de l'ABRC, et de Valoree McKay, directrice générale de l'ACB.
Avant d'occuper mes fonctions à l'Université de Toronto, j'ai été pendant 12 ans directrice des services bibliothécaires à la bibliothèque de l'INCA. En 2013, en tant que présidente du comité consultatif sur les droits d'auteur et d'autres questions juridiques de la Fédération internationale des associations bibliothécaires et des bibliothèques, j'ai représenté la communauté des bibliothèques en tant que déléguée à la conférence diplomatique tenue à Marrakech, où le traité a été négocié.
Les bibliothèques canadiennes sont heureuses de voir que le Parlement du Canada considère la ratification du Traité de Marrakech de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle comme une priorité puisqu'il a préparé cette mesure habilitante, le projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur.
Compte tenu des fonctions que j'ai occupées à la bibliothèque de l'INCA, je connais bien les difficultés et les défis auxquels nous faisons face en vue d'offrir aux Canadiens incapables de lire les imprimés un accès équitable aux ouvrages protégés par un droit d'auteur. Nous voulons changer la proportion de livres à la disposition de ces personnes, en la faisant passer de 5 ou 7 p. 100 à 100 p. 100. Notre loi doit nous rapprocher de cet objectif, corriger le déséquilibre et éliminer les obstacles inutiles à l'accès.
En tant qu'un des premiers 20 pays à ratifier le Traité de Marrakech, le Canada sera à l'avant-garde de la législation rendant possible un accès équitable. Nous pouvons en être très fiers et féliciter le Parlement de l'appui multipartite accordé à ce projet de loi.
Or, l'Association des bibliothèques de recherche du Canada et la Fédération canadienne des associations de bibliothèques exhortent le Parlement à faire un pas de plus en éliminant deux obstacles inutiles se trouvant dans le projet de loi : l'accessibilité sur le marché et les redevances.
Nous sommes préoccupés par l'exception concernant l'accessibilité sur le marché prévue au paragraphe 32(2) de la mesure législative habilitante. Même s'il ne fait aucun doute que les personnes aveugles ou ayant de la difficulté à lire les imprimés se réjouiraient de pouvoir acheter des livres et des ressources dans une librairie ou en ligne comme le font les autres Canadiens, le fait est que les livres en braille et les livres audio consultables en format numérique ne sont pas accessibles sur le marché. Il y aurait autrement un marché développé pour les ressources accessibles. De nos jours, les producteurs peuvent utiliser le format NISO EPUB3 pour les livres électroniques interopérables. Ils ne l'utilisent pourtant pas et empêchent ainsi les personnes handicapées de lire ces livres.
L'étape supplémentaire qui consiste à scruter le marché rend le processus encore plus incertain et nécessite des ressources qui pourraient être consacrées à la production d'ouvrages sur d'autres supports.
De plus, les bibliothèques sont préoccupées par le système de redevances qui pourrait être établi par règlement conformément au paragraphe 32.01(4). L'absence d'un marché viable pour les ressources accessibles fait en sorte que c'est la personne ou l'organisation qui porte le fardeau de la production de ces ressources. Le versement de redevances n'atténue aucune perte associée aux coûts de production, mais nuit au consommateur final qui n'a pas trouvé le produit sur le marché.
Nous croyons que la mise en place d'un système de redevances pour ce qui est des livres en braille, des livres audio dotés d'une fonction de recherche ou d'autres ressources accessibles nuit à l'accès. Le projet de loi C-11 est une exception au droit d'auteur. On devrait avoir l'assurance que les exceptions qui visent à accorder un accès aux personnes aveugles ou incapables de lire les imprimés ne prévoient pas de système de versement de redevances.
Le traité n'exige pas que des redevances soient versées ou que l'accessibilité sur le marché fasse l'objet d'une exception. Nous demandons au Parlement d'envisager l'élimination de ces deux articles, à savoir l'exception concernant l'accessibilité sur le marché et la disposition sur les redevances.
Dans l'ensemble, la communauté canadienne des bibliothèques appuie le projet de loi C-11, car il aura des effets positifs pour les Canadiens, et nous croyons que la ratification du Traité de Marrakech présentera des avantages pour les personnes incapables de lire les imprimés, tant au pays qu'à l'échelle internationale. Je vous exhorte à rendre irréprochable ce projet de loi.
Le président : Merci, madame Owen. Nous allons maintenant poser des questions.
Le sénateur Enverga : Merci de votre exposé, Diane. Comme vous le savez, quand je suis arrivé au Canada il y a plus de 30 ans, l'une des premières organisations pour laquelle j'ai fait du bénévolat était l'INCA. Je suis grandement impressionné par la passion qui anime ses bénévoles. C'est la raison pour laquelle je soutiens, défends et organise le Mois de la santé visuelle ici à Ottawa. En l'occurrence, je vous remercie d'être ici.
Ma question est pour vous, madame Bergeron. Je me réjouis de ce projet de loi et de l'éventuelle ratification du Traité de Marrakech. Cela dit, s'il y a une chose que vous voudriez améliorer dans le projet de loi, quelle serait-elle? Avez-vous quelque chose à ajouter? Que pouvons-nous faire d'autre pour améliorer la situation actuelle?
Mme Bergeron : Dans un monde parfait, nous n'aurions aucunement besoin d'organisation comme l'INCA, et nous n'aurions pas besoin d'exceptions dans la Loi sur le droit d'auteur étant donné que les éditeurs produiraient les livres sur d'autres supports dès le départ. Mais nous n'en sommes malheureusement pas là.
Je dirais que l'article concernant l'accessibilité sur le marché est une chose avec laquelle nous composons. La Loi sur le droit d'auteur sera elle-même revue en 2017. Pour l'instant, nous devons faire adopter ce projet de loi, et nous aurons une année pour mettre ces modifications à l'essai, pour voir s'il y aura des problèmes ou des préoccupations. Mais, à ce stade-ci, il est essentiel de concrétiser ces mesures. L'Accessible Books Consortium déploie des efforts pour que nous soyons prêts à mettre en application le Traité de Marrakech et à le rendre aussi efficace que possible, car c'est l'objectif à atteindre.
Si je peux me permettre, vous m'avez entre autres rappelé que ce projet de loi et l'adhésion au traité changeront énormément de choses pour le Canada et les gens qui viennent d'autres pays. À l'heure actuelle, au Canada, les livres sur d'autres supports sont seulement disponibles en anglais ou en français. L'Accessible Books Consortium produit ses livres dans 55 langues différentes, ce qui signifie que les Canadiens, les gens qui vivent maintenant au Canada, mais qui ne parlent pas anglais auront accès à ces livres dans leur propre langue. C'est énorme. Nous devons le faire maintenant.
Le sénateur Enverga : Merci, madame Bergeron. J'ai une question pour Mme Owen. Sauf erreur, l'ACB, l'Association canadienne des bibliothèques, est sur le point de devenir une nouvelle fédération, n'est-ce pas?
Mme Owen : C'est exact.
Le sénateur Enverga : Vos organisations membres partagent-elles toutes les points de vue que vous avez exposés ici aujourd'hui? Leur opinion évoluera-t-elle, ou restera-t-elle la même?
Mme Owen : Je crois qu'elle ne changera pas. Je témoigne aujourd'hui au nom de l'Association des bibliothèques de recherche du Canada et de la Fédération canadienne des associations de bibliothèques. Nous avons préparé une déclaration commune, et toutes les bibliothèques de la fédération acceptent que les organisations nationales de bibliothèques parlent en leur nom à Ottawa. Donc, oui, il y a un vaste appui. Voulez-vous ajouter quelque chose, Susan?
Susan Haigh, directrice générale, Association des bibliothèques de recherche du Canada : C'est actuellement un comité mixte qui est saisi des questions relatives au droit d'auteur pour la communauté des bibliothèques. L'ACB existera encore pendant une courte période, et Victoria représente un comité mixte. La FCAB participera, mais, pour l'instant, le travail portant sur les droits d'auteur se fait entre l'Association des bibliothèques de recherche du Canada; le Conseil des bibliothèques urbaines du Canada, qui comprend les plus grandes bibliothèques publiques; et l'Association canadienne des bibliothèques, qui est également constituée de membres. Nous parlons au nom de toute la communauté des bibliothèques.
Le sénateur Enverga : Je suis soulagé, et je m'en réjouis. Merci.
Le sénateur Massicotte : Je n'ai qu'une brève question portant sur la technologie. En raison de la numérisation de tout le contenu, approchons-nous du moment où pratiquement tous les livres seront numérisés et facilement convertis, sans occasionner de coûts élevés, en un support que peuvent lire les personnes aveugles? Sommes-nous près d'y parvenir?
Mme Bergeron : Nous sommes sur la bonne voie, mais les coûts sont encore très élevés. Je peux vous donner un exemple. Les livres audio deviennent évidemment plus accessibles. Nous pouvons prendre un livre audio, le numériser dans un format, y compris un format DAISY, et ainsi de suite, et il y a le format EPUD, comme l'a mentionné Victoria.
Ce qui complique un peu les choses, c'est qu'un livre comme mon livre de recettes canadiennes, un livre ordinaire qu'on retrouve dans la plupart des cuisines du pays, prend dans mon cas une tablette au complet dans mon garde- manger parce que la version en braille est énorme et comporte neuf volumes. Cela coûte très cher à produire. Plutôt que de faire une version papier, nous avons créé les documents électroniques en braille, qui sont en format BRF. Ces documents peuvent être envoyés ou téléchargés sur un appareil au moyen d'Internet. Il s'agit en fait d'un afficheur braille dynamique. Je peux lire un livre à l'aide de ce petit appareil, mais celui-ci coûte 3 500 $. Si je faisais partie des 70 p. 100 de personnes sans emploi, ou que j'étais sous-employé, je ne pourrais pas me permettre cet appareil. Par conséquent, bien que la technologie facilite les choses, son coût pour l'utilisateur les rend plus difficiles.
À propos de la publication de livres, on me pose souvent des questions concernant le fait que tous les livres semblent maintenant être offerts dans un format électronique pouvant être lu sur un ordinateur, Kindle et ainsi de suite. Oui, c'est vrai, mais ils sont protégés — il s'agit aussi généralement de documents PDF —, ce qui empêche les lecteurs d'écran de les lire, et ils ne sont donc plus accessibles. Je ne peux pas télécharger comme tout le monde un livre à l'aide d'Internet. Mes lecteurs d'écran ne pourront pas le lire.
Le sénateur Black : Votre témoignage nous est très utile. Je suis heureux que vous fassiez partie du deuxième groupe de témoins, car je pense que nous souhaitons tous vous aider. Ma question est la même que celle du sénateur Enverga, c'est-à-dire que j'aimerais savoir si cela répond à vos besoins.
J'ai entendu des choses qui se contredisent. Madame Owen, vous avez clairement dit que dans le meilleur des mondes, les sénateurs auraient la possibilité de modifier l'article sur l'accessibilité sur le marché et celui sur les redevances. Nous pouvons certainement communiquer cela au Sénat — c'est le processus. Nous pouvons amender le projet de loi, mais il sera ensuite renvoyé à la Chambre des communes, et cela ne sera pas réglé avant l'été. Toutefois, j'entends également Mme Bergeron dire qu'il faut accélérer les choses et se préoccuper des modifications plus tard. Qu'attendez-vous de nous?
Mme Owen : Nous ne sommes pas d'accord, Diane.
Mme Bergeron : En fait, je crois que nous le sommes. Je pense que nous sommes d'accord pour appuyer le projet de loi. Victoria, vous pouvez me corriger si je me trompe, mais je crois que ce que j'entends, c'est que si nous devons décider entre attendre et risquer qu'il ne soit pas adopté, nous devons le faire adopter. Nous vivons sans livres depuis assez longtemps. La privation a assez duré.
Le sénateur Black : Et vous pourriez proposer des modifications plus tard.
Mme Owen : Oui, mais à mon avis, ce serait très difficile. Une fois le processus terminé, c'est comme si le travail était fait, et d'après ce que je comprends, personne ne semble tenir à réexaminer sans cesse la Loi sur le droit d'auteur. J'aimerais donc que les choses soient faites correctement, afin que nous n'ayons pas à vérifier ensuite la question de l'accessibilité sur le marché et que les redevances ne posent pas de problème.
Le président : C'est l'avantage du Sénat. Sénateur Enverga, quel âge avez-vous?
Le sénateur Enverga : J'ai 60 ans.
Le président : Il lui reste encore 15 ans au Sénat, madame Owen. Je ne crois pas que ce sera un problème.
Le sénateur Black : Si vous me le permettez, madame Owen, d'après ce que je comprends, si les redevances sont visées, elles le seront dans les règlements, n'est-ce pas?
Mme Owen : Oui, c'est exact.
Le sénateur Black : Et il vous est beaucoup plus facile de travailler avec le gouvernement pour veiller à ce que les règlements soient appropriés ou, dans ce cas-ci, qu'il n'y ait pas de règlements.
Mme Owen : Oui, c'est vrai. C'est là. Je crois que ce serait...
Le sénateur Black : Mais selon vous, ce ne serait toujours pas la situation idéale.
Mme Owen : Non. J'aimerais avoir un projet de loi convenable. De plus, j'aimerais ajouter qu'aucun de ces éléments n'est exigé par le traité, et je dirais que pratiquement aucun autre pays signataire n'a ces problèmes liés au projet de loi.
Mme Bergeron : À l'exception de l'Australie.
Le président : D'accord. S'il n'y a pas d'autres questions, j'aimerais remercier les témoins. Nous vous remercions beaucoup de vos témoignages. Nous allons suspendre la séance pendant quelques minutes et nous reviendrons ensuite pour l'étude article par article.
Le sénateur Enverga : Monsieur le président, j'aimerais savoir s'il s'agit d'une « victoire » en ce qui concerne ce projet de loi. Pouvons-nous prendre une photo avec les témoins?
Le président : Pendant la pause. Si vous voulez prendre une photo, prenez-la dès que possible, car nous reprendrons les travaux dans trois ou quatre minutes.
(La séance est suspendue.)
(La séance reprend.)
Le président : Nous reprenons les travaux. Est-il convenu que le comité procède à l'étude article par article du projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur (accès des personnes ayant des déficiences perceptuelles aux œuvres ou autres objets du droit d'auteur protégés)?
Le sénateur Massicotte : Je suis d'accord, mais idéalement, j'aurais beaucoup aimé entendre des éditeurs et des auteurs parmi les témoins. Nous avons entendu beaucoup de gens qui sont pour le projet de loi, mais nous n'avons entendu personne qui s'y opposait. Malgré cela, je suis d'accord, mais dans des circonstances idéales, nous aurions dû entendre des témoins de l'autre camp.
Le président : Nous n'avons refusé personne parmi ceux qui nous ont écrit. Les éditeurs — je ne sais pas si nous avons invité des éditeurs, mais ces derniers savaient manifestement que le projet de loi avait été proposé, et ils auraient pu nous faire signe.
Le sénateur Massicotte : Idéalement, on devrait toujours entendre tous les points de vue.
Le sénateur Day : Monsieur le président, j'appuie également votre proposition, mais avec réticence. Habituellement, j'aime avoir un peu de temps après avoir entendu les témoins et avant de procéder à l'étude article par article. Je crois que cela nous donne la chance de réfléchir, car si nous allons trop vite, nous risquons de faire des erreurs. Nous agissons précipitamment, mais je comprends la situation, et j'appuie donc l'initiative avec réticence.
Le sénateur Black : Monsieur le président, il pourrait être utile, si vous le permettez, de discuter brièvement de cette divergence d'opinions que nous venons d'entendre au sein du dernier groupe de témoins, car il y a bel et bien divergence d'opinions. Approuvons-nous le projet de loi tel que proposé ou tentons-nous de déterminer s'il est pertinent d'apporter des modifications à ces deux dispositions? Nous pouvons le faire pendant l'étude article par article ou nous pouvons en discuter maintenant.
Le président : À mon avis, les utilisateurs sont les personnes ayant une déficience visuelle. Ces gens souhaitent que nous adoptions le projet de loi. Je comprends ce que disent les représentants des associations de bibliothèques, mais on peut toujours apporter des modifications à un projet de loi. C'est mon opinion personnelle.
Le sénateur Black : Nous devrions avoir cette conversation.
Le sénateur Massicotte : Sénateur Black, pourquoi ne partagez-vous pas votre avis? Que pensez-vous de tout cela?
Le sénateur Black : À mon avis, nous devrions écouter, comme l'a dit le sénateur Tkachuk, les voix des membres de la communauté et leur faire savoir que si l'accès ou les coûts créent toujours des problèmes après un an, nous les inviterons à comparaître à nouveau devant le comité pour en discuter.
Le président : Nous pouvons le mentionner dans une observation.
Le sénateur Massicotte : L'autre solution consiste peut-être à adopter le projet de loi, mais vous autoriser à envoyer une lettre au ministre pour souligner ces préoccupations et le prévenir des problèmes potentiels.
Le président : Je suis tout à fait prêt à faire cela.
Le sénateur Tannas : Nous avons entendu dire que l'Australie, un pays qui nous ressemble sur de nombreux plans, a adopté un régime similaire. D'autres pays signataires ne l'ont pas fait, mais peu de grands pays se sont prononcés avant nous, n'est-ce pas? Les États-Unis et la Grande-Bretagne doivent toujours se prononcer et comme quelqu'un l'a dit, c'est là où se trouvent les deux grands éditeurs.
Pourquoi ne demandons-nous pas un suivi des mesures prises dans ces pays? Si nos mesures diffèrent grandement de celles adoptées par la Grande-Bretagne et les États-Unis, nous pourrons les réexaminer. On n'a qu'à nous le signaler.
Le sénateur Massicotte : Notre comité se concentre surtout sur la question à l'étude. Nous ne sommes pas le gouvernement, et nous ne sommes pas l'organe administratif. Il nous est donc difficile de faire un suivi. J'aimerais mieux envoyer une lettre à ce sujet au ministre et m'assurer que son gouvernement et son ministère examinent la question.
Le sénateur Tannas : Nous pouvons formuler cette observation ou cette demande.
Le président : Nous pouvons toujours les rappeler.
Le sénateur Day : Nous pourrions envoyer une lettre, et je crois que c'est une bonne idée. D'une certaine façon, nous devons attirer l'attention du ministre sur la question. Vous vous rappelez peut-être que dans son allocution, il était au courant de ces deux problèmes et il a dit qu'il en parlerait un peu plus. Il est au courant des problèmes liés aux redevances et à l'accessibilité sur le marché. Il sait que ce sont les deux enjeux.
Le sénateur Black : Nous devrions les souligner dans des observations, comme l'a suggéré le sénateur Enverga.
Le président : Souhaitez-vous formuler une observation ou écrire une lettre? Je ne sais pas si nous devrions faire les deux.
Le sénateur Massicotte : Je préfère écrire une lettre, surtout s'il est au courant de ces problèmes.
Le président : Je crois que nous devrions écrire une lettre. Êtes-vous d'accord?
Des voix : Oui.
Le sénateur Black : J'aimerais obtenir une précision sur un point soulevé par le sénateur Tannas. J'ai entendu dire que l'Australie n'a pas prévu ces deux exemptions dans sa loi, mais il se peut que j'aie mal entendu.
Le président : Est-ce que l'un des témoins peut revenir parmi nous pour répondre à cette question? Vous êtes M. Dupelle, n'est-ce pas?
M. Dupelle : C'est exact.
Le président : Pourriez-vous nous aider à résoudre cela?
M. Dupelle : Je ne peux pas parler en toute confiance des lois d'un autre pays, mais d'après ce que je comprends, l'Australie a mis en place un système qui prévoit une limite liée à l'accessibilité sur le marché. Les Australiens ont envoyé une notification à l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle qui supervise le Traité de Marrakech. C'est une exigence prévue par l'article qui permet d'imposer une limite liée à l'accessibilité sur le marché. Il y a une série de dispositions qui visent les personnes avec des déficiences perceptuelles et plusieurs exceptions. Des exceptions générales sont également prévues. La loi exige un permis pour certaines activités.
D'après ce que je comprends, les Australiens envisagent d'apporter des changements supplémentaires, même s'ils ont déjà présenté leurs instruments de ratification à Marrakech. Ils envisagent d'apporter d'autres changements à leur loi. D'après ce que je comprends, on propose de conserver la limite liée à l'accessibilité sur le marché, mais d'inclure les dispositions liées au paiement des redevances dans les exceptions.
Le sénateur Black : C'est intéressant et utile.
Le sénateur Day : L'organe exécutif est responsable de négocier le traité, mais avant que le gouvernement soit en mesure de le faire, il doit adopter le projet de loi pour répondre aux exigences prévues dans les dispositions du traité.
M. Dupelle : Oui, c'est exact. Les modifications proposées dans le projet de loi C-11 doivent recevoir la sanction royale avant que le ministre Dion puisse ratifier les instruments d'adhésion avec l'OMPI. Il faudrait ensuite tenter d'obtenir un décret en conseil pour fournir au ministre Dion le pouvoir de présenter ces instruments.
Le président : Au moins, le projet de loi existe depuis un an. Il a été présenté en juin 2015.
Le sénateur Enverga : Je crois que nous pouvons donc écrire une lettre.
Le président : Je ne suis habituellement pas aussi enthousiaste à l'idée d'adopter un projet de loi libéral, mais aujourd'hui, je fais une exception. Ce projet de loi existe depuis un an.
L'étude du titre est-elle réservée?
Des voix : Oui.
Le président : L'article 1 est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le président : L'article 2 est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le président : L'article 3 est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le président : Le titre est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le président : Le projet de loi est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le président : Êtes-vous d'accord pour que je fasse rapport de ce projet de loi au Sénat?
Des voix : Oui.
Le président : Nous sommes d'accord. Merci, honorables sénateurs. Beau travail.
Le sénateur Black souhaite poser une question avant l'ajournement.
Le sénateur Black : J'ai quelques questions liées au rapport. Nous avons très bien travaillé, et je crois que notre greffière et les rédacteurs ont fait un excellent travail dans la production du rapport. Ils ont produit un très bon document en peu de temps. J'aimerais le souligner.
Cela m'amène donc à soulever un ou deux points. Il serait intéressant de parler avec l'agente des communications la semaine prochaine. Elle pourrait nous parler de la mise en œuvre de l'initiative et nous pourrions en tirer des leçons. En sa qualité d'agente des communications, est-elle satisfaite du public atteint? A-t-on commenté le rapport un peu partout au pays? En parle-t-on dans les journaux? Quelles sont les réactions dans les médias sociaux? J'aimerais obtenir des données à cet égard.
Le sénateur Massicotte : Elle a dit qu'elle nous tiendrait au courant.
Le sénateur Black : Nous pourrions utiliser ces informations dans nos futurs travaux.
Deuxièmement, je suis très heureux de l'attention que nous avons reçue dans la presse. J'aime beaucoup le fait que nous ayons dit qu'il fallait le faire, et que si ce n'était pas fait d'ici le 1er juillet 2017, la Cour suprême interviendrait. J'aimerais inviter le ministre à comparaître et à nous fournir des mises à jour en octobre et peut-être en mars.
Le président : C'est prévu dans notre calendrier.
Le sénateur Black : Il peut revenir et nous brosser un portrait de la situation.
Le président : J'avais l'intention de demander des mises à jour. Pour le moment, nous laisserons le processus suivre son cours. Il semblait enthousiaste. Je l'ai rencontré sur le trottoir, et nous en avons parlé. Il est certainement heureux de la production du rapport, car ce dernier fera également bouger les choses pour les négociateurs provinciaux, surtout avec toute l'attention que nous avons reçue dans les médias.
Le sénateur Day : Je ne suis pas souvent dans mon bureau, mais est-ce que quelqu'un a rassemblé des extraits de la couverture médiatique?
Le président : Je suis sûr que l'équipe des communications l'a déjà fait. Un courriel a été envoyé au sujet d'un résumé des activités de communication du Sénat. Il était assez complet. Nous avons fait du très bon travail.
Le sénateur Day : Très bien.
Le président : J'ai demandé à Robin de vous envoyer l'article du Maclean's, et nous avons au moins cela. Dans l'ensemble, nous progressons dans ce dossier. Continuez. Si vous pensez qu'il serait utile d'appeler certaines personnes dans votre région pour les encourager à en parler dans les médias, n'hésitez pas.
Le sénateur Tannas : Je serai à l'émission de radio de Danielle Smith, en Alberta.
Le président : C'est fantastique.
Demain, nous entendrons d'abord le directeur parlementaire du budget. Ensuite, nous aurons le temps de parler des travaux futurs. Je n'ai prévu aucune réunion la semaine prochaine. Nous verrons comment les choses se dérouleront. Nous avons été très productifs ce printemps, et ce serait bien de terminer demain. Nous n'avons pas à prendre de décision, car nous pouvons en parler pendant l'été et je vais m'assurer que nous le faisons. Nous pourrions tenter de présenter quelques idées pour l'automne. C'est ce qui met fin à la réunion.
(Le comité s'ajourne.)