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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule n° 9 - Témoignages du 17 novembre 2016


OTTAWA, le jeudi 17 novembre 2016

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 10 h 35, pour étudier la création d'un corridor national au Canada afin d'améliorer et de faciliter le commerce et les échanges intérieurs et de produire un rapport connexe.

[Traduction]

Barbara Reynolds, greffière suppléante du comité : En l'absence de votre président et de votre vice-président, c'est mon devoir, en tant que votre greffière, de procéder à l'élection d'un président suppléant. Y a-t-il des mises en candidature?

La sénatrice Ringuette : Je propose le sénateur Greene.

Mme Reynolds : Y a-t-il d'autres mises en candidature?

Une voix : Je vais appuyer cette mise en candidature.

Mme Reynolds : Honorables sénateurs, le sénateur Greene a été proposé par la sénatrice Ringuette. Êtes-vous prêts à adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Mme Reynolds : Je déclare le sénateur Greene président suppléant de la réunion et je l'invite à occuper le fauteuil.

Le sénateur Stephen Greene (président suppléant) occupe le fauteuil.

Le président suppléant : Merci beaucoup. Je vous remercie de l'honneur que vous me faites, et je ferai de mon mieux. Est-ce que je suis président suppléant jusqu'à l'arrivée du président?

Mme Reynolds : Oui.

Le président suppléant : Bonjour et bienvenue. Je m'appelle Stephen Greene. Malgré ce qui est écrit devant moi, je suis le président du comité en ce moment. Il s'agit de notre septième réunion dans le cadre de notre étude sur la création d'un corridor national au Canada afin d'améliorer et de faciliter le commerce et les échanges intérieurs.

Durant la première portion de notre réunion d'aujourd'hui, j'ai le plaisir d'accueillir Sheilagh Murphy, sous- ministre adjointe, Terres et développement économique, et Bruno Steinke, directeur, Unité de la consultation et de l'accommodement, Secteur des traités et du gouvernement autochtone, d'Affaires autochtones et du Nord Canada.

Merci d'être là ce matin. Veuillez nous présenter votre déclaration préliminaire, puis nous procéderons à une séance de questions et réponses.

Sheilagh Murphy, sous-ministre adjointe, Terres et développement économique, Affaires autochtones et du Nord Canada : Je vais présenter ma déclaration préliminaire, puis nous serons très heureux de répondre à vos questions.

Merci, monsieur le président, de me donner l'occasion de vous parler aujourd'hui du concept d'un corridor national, nouvelle emprise multimodale traversant le Nord et le Moyen Nord canadiens.

Comme vous le savez, le gouvernement du Canada s'est engagé à établir un nouveau rapport de nation à nation et à renouveler la relation financière avec les peuples autochtones. Pour ce faire, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux devront inclure les peuples autochtones dans tous les aspects et les faire participer à tous les stades des grands projets d'infrastructure. De même, les besoins et les priorités des collectivités autochtones devront être pris en compte dans les plans et le travail de mise en œuvre.

[Français]

Trop longtemps, les peuples autochtones se sont sentis ignorés, pendant que le Canada élaborait son infrastructure nationale et investissait dans la mise en valeur des ressources, sans pouvoir bénéficier de ces réalisations.

[Traduction]

Cette situation a fait en sorte que les collectivités autochtones, surtout les collectivités nordiques et isolées, sont souvent désavantagées économiquement et socialement par rapport aux collectivités non autochtones.

Dans un rapport produit en 2015, le Conseil national de développement économique des Autochtones conclut que, dans les collectivités autochtones, les niveaux d'emploi, de revenu et d'achèvement des programmes d'études secondaires, collégiales et universitaires sont inférieurs, les taux de dépendance aux transferts gouvernementaux sont supérieurs, et les habitations sont soit surpeuplées ou ont besoin de réparations majeures.

Le Canada doit maintenant veiller à ce que les peuples autochtones participent pleinement au processus et aux institutions qui définissent la réussite sur le plan national.

[Français]

La Couronne fédérale a une obligation de fiduciaire envers les peuples autochtones du Canada. Une consultation et des mesures d'accommodement véritables sont un aspect important de cette obligation.

[Traduction]

Comme vous pouvez l'imaginer, le concept d'un corridor national soulève des questions importantes du point de vue de la mobilisation et de la consultation des Autochtones. Globalement, les questions de mobilisation associées à ce concept sont semblables aux questions soulevées par n'importe lequel des grands projets menés au Canada, dans lesquels les intérêts des peuples autochtones doivent toujours être pris en compte. Cependant, étant donné le nombre de collectivités autochtones susceptibles d'être engagées dans un processus de corridor national, la mobilisation autochtone serait sans aucun doute d'une portée, d'une ampleur et d'une complexité considérables.

La consultation peut promouvoir un dialogue ouvert et continu — favorable à la réconciliation — entre la Couronne et les peuples autochtones. Si elle est bien menée, la consultation renforce les relations et les partenariats avec les peuples autochtones. Elle a pour objectif de rapprocher les parties, ce qui appuie les objectifs généraux de réconciliation.

Le gouvernement du Canada estime que la consultation doit viser à promouvoir un dialogue qui tend vers un juste équilibre entre les droits et intérêts. Une véritable consultation est menée de bonne foi, selon un processus rapide, souple, respectueux, raisonnable et équitable.

Outre l'obligation de consultation, une entreprise d'envergure comme un corridor national devra tenir compte des régimes juridiques applicables aux peuples autochtones dans différentes parties du pays. Par exemple, la plus grande partie du territoire canadien du Nord est visée par des traités modernes, comme l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut et la Convention définitive des Inuvialuit, sans compter les terres visées par les accords conclus avec le peuple tlicho, les Dénés et Métis du Sahtu ainsi que les Gwich'in, dans les Territoires du Nord-Ouest, les terres visées par l'accord avec les Na-cho Nyak Dun et les Vuntut Gwitchin, au Yukon, de même que les terres revendiquées par les Innus du nord-est québécois et de l'ouest du Labrador.

Les traités modernes du Nord sont des conventions ayant force obligatoire, protégées par la Constitution, établies entre le gouvernement du Canada et les peuples autochtones. Les dispositions relatives à l'aménagement du territoire contenues dans les accords sur le règlement des revendications territoriales dans le Nord constituent des obligations juridiques qui doivent être respectées.

Un corridor national pourrait aussi traverser des terres de réserve, où le contexte est aussi différent. Les projets menés dans les réserves peuvent se buter à des obstacles qui peuvent en prolonger les délais et en augmenter le coût. Par exemple, la structure des levés est généralement moins solide dans les terres de réserve, et bien des Premières Nations n'ont pas de plan exhaustif d'utilisation des terres.

Bien sûr, les grands projets peuvent aussi procurer des avantages économiques aux collectivités où ils sont mis en œuvre. Par exemple, l'exploitation des ressources représente un important secteur de développement économique pour les Premières Nations. Plus de 500 collectivités autochtones sont situées à proximité de certains des plus grands projets pétroliers, gaziers, forestiers et miniers du pays.

Ces dernières années, il est apparu de plus en plus clairement que la réussite économique, organisationnelle et politique des grands projets d'infrastructure ou d'exploitation des ressources au Canada exige une participation active des collectivités autochtones à la planification et à la mise en œuvre d'une approche globale et multisectorielle. Il ne suffit pas de solliciter l'appui des populations autochtones; il faut intégrer ces peuples, leurs gouvernements et leurs institutions dans tout le cycle de vie de ces projets et leur permettre de bénéficier de toute la gamme des avantages possibles. Il peut s'agir, par exemple, de l'accès à une infrastructure habilitante, d'une participation financière, de possibilités d'emploi et d'occasions d'affaires, ou d'un rôle permanent dans la gestion du corridor.

De plus en plus, les dirigeants autochtones et le gouvernement perçoivent le développement économique comme la clé d'une plus grande indépendance et de l'autodétermination. Comme participants et bénéficiaires à part entière de l'économie canadienne, les groupes, les entreprises et les peuples autochtones pourront édifier des collectivités plus saines, dotées d'une infrastructure sociale et publique, et promouvoir la relation de nation à nation, qui est un facteur de réconciliation.

[Français]

Je vous remercie encore une fois de m'avoir permis de m'adresser à vous aujourd'hui. Je serai maintenant heureuse de répondre à vos questions.

[Traduction]

Le sénateur David Tkachuk (président) occupe le fauteuil.

Le président : Avez-vous des commentaires à formuler, monsieur Steinke?

Mme Murphy : Nous sommes ensemble.

Le président : Veuillez excuser mon retard; je participais aux travaux d'un autre comité et nous avions reporté les votes à la toute fin, alors je ne pouvais pas partir. Je crois comprendre que, pendant mon absence, il y a eu une rébellion interne et que mon absence n'a rien empêché; un nouveau président a été nommé.

Bienvenue à notre comité.

Le sénateur Enverga : Merci de votre exposé. Vous avez déjà comparu devant notre comité sur les Autochtones et je comprends qu'il peut être difficile, parfois, de composer avec différents types de collectivités qui ont des ensembles de valeurs diverses et disposent de renseignements différents.

De votre point de vue, l'avez-vous déjà mentionné aux collectivités dans le Nord? Est-ce que c'est dans leur plan? Ont-ils été informés qu'on est en train de planifier quelque chose du genre?

Mme Murphy : Vous parlez de la notion de corridor national?

Le sénateur Enverga : Oui, le corridor national.

Mme Murphy : Je ne pourrais pas vous dire dans quelle mesure les collectivités sont au courant. Je sais qu'il y a eu des discussions, particulièrement avec Ressources naturelles Canada. Je sais qu'elles ont elles-mêmes réfléchi à la possibilité d'utiliser la vallée du Mackenzie pour l'exploitation du pétrole et du gaz et la construction de routes, entre autres, mais je ne peux pas vous dire dans quelle mesure les collectivités dans le Nord sont informées.

En ce qui concerne les Premières Nations et les autres collectivités autochtones, la notion de corridors est bel et bien présente puisqu'elles réfléchissent à la mise sur pied de projets concernant des oléoducs et d'autres choses. Encore une fois, je ne peux pas vous renseigner sur l'objet de votre étude.

Bruno Steinke, directeur, Unité de la consultation et de l'accommodement, Affaires autochtones et du Nord Canada : Je vais ajouter une autre chose. Dans le Nord, au titre des ententes sur les revendications territoriales, des commissions de planification ont été mises sur pied, et c'est peut-être une question sur laquelle elles se sont penchées. En général, cependant, pour revenir sur ce que Sheilagh a dit, il y a toute une gamme d'intérêts particuliers dans le dossier des corridors. Certaines collectivités en ont parlé dans le passé, tandis que d'autres ne se sont peut-être pas penchées sur cette question.

Le sénateur Enverga : Y a-t-il selon vous des obstacles majeurs pouvant empêcher la concrétisation de ce corridor national? Ou y a-t-il des facteurs qui pourraient limiter notre capacité d'intégrer ce corridor national dans le système? Y a-t-il des limites ou des obstacles importants qui vous viennent à l'esprit en ce moment?

Mme Murphy : Je crois que tout dépend de là où vous proposez de le faire passer. Tout dépend du territoire traditionnel qu'il traversera ou des collectivités des Premières Nations, inuites ou métisses pour qui le corridor ferait partie de leur paysage et qui voudraient comprendre ce que cela signifierait pour leurs collectivités.

Dans le cadre de votre étude, je vous recommande d'inviter des organisations autochtones pour parler de l'intérêt du comité à l'égard du corridor national, de son tracé et de leurs intérêts dans ce dossier. Nous avons tenté de définir certains éléments à la lumière des travaux que nous faisons de façon continue auprès des collectivités.

Bon nombre d'entre elles veulent participer au développement. Elles veulent être prospères et elles veulent mettre fin à leur problème de pauvreté. Pour elles, ce sont des occasions, mais elles ont aussi des droits et elles ont aussi intérêt à s'assurer que tout est fait de façon respectueuse, que l'environnement ne sera pas endommagé et qu'elles pourront maintenir leurs pratiques et culture traditionnelles. Il y a donc un ensemble de considérations, et je crois qu'avoir une conversation avec elles est la meilleure façon de déterminer si elles s'opposent ou non à ce que vous voulez étudier et recommander.

Le président : Elles veulent la même chose que tout le monde.

Mme Murphy : Elles veulent des occasions et des collectivités saines.

Le président : Elles ont besoin d'essence, de moyens de transport et de routes.

La sénatrice Wallin : Je vais poser la question du sénateur Enverga d'une façon un peu différente. À la lumière de tout ce que vous savez au sujet des règles et des obligations constitutionnelles et juridiques du gouvernement fédéral et de l'obligation de consulter, qui est souvent interprétée comme un droit de veto touchant la portée des consultations, croyez-vous qu'il y a la moindre possibilité qu'on puisse le faire?

M. Steinke : Pour reprendre la réponse de Sheilagh, d'après notre expérience, lorsqu'on présente aux collectivités l'idée ou une notion de quelque chose comme un corridor, un oléoduc ou une mine, au début, cela peut sembler un défi de taille jusqu'à ce que les discussions commencent et qu'on comprenne leurs intérêts; et leurs intérêts varient. Certaines peuvent avoir un intérêt économique, tandis que pour d'autres, l'important c'est de s'assurer que l'environnement est protégé. Certains autres intérêts peuvent être liés à la culture.

C'est très difficile de connaître quelles collectivités accepteront de tels projets et où elles sont situées au pays. Je crois qu'il est préférable de leur demander directement.

Ensuite, en discutant avec elles, vous connaîtrez leurs intérêts communs. Vous saurez si elles sont intéressées ou non et vous saurez pourquoi.

Il est possible... Vu le cadre juridique du Canada concernant l'obligation légale de consulter et les traités modernes, il est possible de dissiper leurs préoccupations. On peut peut-être s'assurer de protéger l'environnement le long du corridor. La réaction initiale pourrait être négative, mais une fois la discussion bien entamée, il pourrait y avoir du changement en fonction de leurs intérêts.

La sénatrice Wallin : J'imagine que c'est là où nous avons des difficultés. En fait, nous avons consulté beaucoup d'intervenants représentant un large éventail d'intérêts autochtones et indigènes. Le problème pour nous aussi, pour ainsi dire, lorsque nous tentons de tous les mettre dans le même panier, c'est que ce n'est pas un groupe homogène. Il y a là un groupe très diversifié de personnes qui ont des intérêts très différents, comme vous le dites, selon leur emplacement géographique ou leurs prédispositions à l'égard de toute activité de développement. C'est un peu difficile de déterminer quelles doivent être les étapes et avec qui négocier et s'il faut choisir le gouvernement fédéral en raison de son obligation constitutionnelle.

Mme Murphy : Le comité s'appuiera sur tout ce qu'il a entendu et soupèsera tout ça et formulera des recommandations. Ce qui est sûr, c'est que c'est le début d'une conversation plutôt que la fin. C'est le début d'un processus différent dans le cadre duquel il faut continuer l'engagement et les consultations. Si le projet devait commencer à prendre forme, alors il faudrait réaliser un processus d'engagement et de consultation.

Ce que nous avons appris, c'est que plus rapidement on fait participer les collectivités à la conception d'un tel projet et aux réflexions connexes — plutôt d'attendre que tout soit prêt —, mieux on s'en tire. En effet, les Premières Nations peuvent alors communiquer leurs intérêts, et vous pouvez apporter des rajustements et renforcer leur capacité et intégrer leurs intérêts tandis que vous travaillez à la réalisation d'un corridor.

Il faut voir là l'évolution continue et progressive d'un concept. Il ne faut pas nécessairement dire : « Nous ne voulons pas avoir le concept. » Vous devez reconnaître que, pour concrétiser ce projet, il y aura des étapes à franchir en ce qui a trait aux Autochtones, qui devront participer à la planification, la conception et la réalisation du corridor.

La sénatrice Wallin : Hier, nous avons discuté avec Jack Mintz, et il parlait des façons dont les gens peuvent appréhender cette notion et la séparer pour, dans un premier temps, discuter de l'accès grâce à un corridor pour ensuite parler séparément des projets, que ce soit un oléoduc ou quelque chose d'autre.

Selon vous, une telle méthode faciliterait-elle le processus? Selon vous, est-ce une bonne idée, de séparer les négociations liées à ces deux idées distinctes?

Mme Murphy : Ce serait lié à un corridor ou à un quelconque projet. Ce que nous avons appris, tandis que nous participons à des processus comme des examens environnementaux avec les collectivités de partout au pays, c'est qu'il y a un réel désir de ne pas procéder projet par projet, mais d'adopter un point de vue régional, de façon à ce qu'on puisse examiner les répercussions environnementales, sociales et économiques cumulatives.

La notion de corridor permet de penser de façon stratégique au développement d'un plus grand territoire, ce qui permet de réfléchir au développement régional, à la planification régionale et aux répercussions cumulatives tout en permettant d'intégrer les projets pouvant être réalisés le long du corridor dans un contexte plus général, quelque chose que les collectivités autochtones ont demandé.

Nous constatons que certaines des demandes des collectivités sont liées à cette notion : plutôt que d'aller construire une mine, puis de construire un oléoduc, puis quelque chose d'autre à tel ou tel endroit, pourquoi ne pouvons-nous pas regarder la région dans son ensemble et réfléchir à la façon dont elle est développée et gérée globalement?

Selon moi, vous devez intégrer les projets dans cette notion de corridor. Il y aura peut-être des négociations distinctes, mais il faut comprendre dès le départ l'ensemble de ce qu'on veut réaliser dans ce corridor. Les collectivités et les promoteurs seront mieux outillés pour concevoir quelque chose qui fonctionne globalement, plutôt que d'y aller à la pièce. C'est ce que notre expérience nous apprend.

La sénatrice Wallin : Il dit qu'il y aura toujours des projets, évidemment. Ces projets ne sont pas tous mis en chantier simultanément.

Ne pourrait-on pas obtenir l'accès? Prenons un corridor, voilà à peu près où il passera. Déterminons si c'est possible en raison des cours d'eau, des terres traversées, de l'environnement, des ours polaires, peu importe. On peut ensuite dire bon, d'accord voilà un corridor, négocions maintenant. Vu les coûts dont on parle, c'est cinq milles d'oléoducs et deux milles de routes. Ces choses ne seront peut-être pas contiguës. Il tentait de séparer les choses de cette façon.

Mme Murphy : Cette approche a du mérite. Vous saurez ainsi si le corridor est possible en raison de considérations géographiques et liées aux droits, et vous pourrez ensuite parler des projets.

Évidemment, rien ne sert de travailler sur un projet si vous ne savez même pas si l'endroit où vous voulez le réaliser est approprié.

Le sénateur Lang : J'aimerais revenir sur la question de la sénatrice Wallin au sujet des consultations. C'est peut-être la question qu'il faudrait poser : qu'est-ce que cela signifie au juste? Parce qu'on semble interpréter cette notion de façon différente selon la région du pays et en fonction du projet dont il est question et si, oui ou non, les Premières Nations dans cette région sont prêtes à participer.

D'entrée de jeu, je tiens à dire que le verre est à moitié plein, pas nécessairement à moitié vide. Si l'on jette un coup d'œil à l'échelle du pays — et j'aimerais savoir ce que vous en pensez —, il y a beaucoup de membres des Premières Nations qui travaillent dans le secteur forestier. J'ai vu, l'autre jour, qu'il y en avait 16 000. Pour ce qui est de l'industrie minière partout au pays, il y a des milliers de familles autochtones qui assurent leur subsistance grâce aux secteurs des ressources. Je crois que c'est vrai, qu'on soit en Saskatchewan, au Yukon ou à Terre-Neuve.

Il faut commencer à regarder l'histoire qu'on nous raconte et à parler de certaines des choses positives. La meilleure chose que nous pouvons faire pour les collectivités des Premières Nations — et, en fait, pour toutes les collectivités du pays — c'est de leur fournir des emplois. C'est la première chose.

Je veux revenir à la question des consultations. C'est très difficile pour les représentants de la fonction publique de prendre certaines décisions parce qu'on ne sait jamais exactement si assez de consultations ont été menées, si les choses ont été présentées comme elles devaient l'être et si toutes les parties ont accepté de façon appropriée.

Que pensez-vous de cette idée que, peut-être, l'heure est venue pour le Parlement de définir ce que signifie « consultation », de définir les conditions des consultations, afin qu'il y ait une définition claire, d'un point de vue national à l'échelle du pays, afin que nous puissions nous y conformer pour faire avancer les choses pour tous les Canadiens?

M. Steinke : Je vais répondre en vous disant, de façon générale, comment nous abordons les consultations, puis, pour terminer, j'en viendrai au cœur de votre question sur le besoin de définir davantage le processus de consultation.

Pour nous, au sein du gouvernement fédéral, il est nécessaire de nous assurer que le processus de consultation est significatif. Est-il adapté? Les collectivités peuvent-elles participer au processus? Est-ce qu'elles comprennent le processus? Est-ce qu'elles comprennent ce dont on parle?

L'une des préoccupations soulevées par les membres des collectivités lorsque nous les consultons, c'est qu'ils ne comprennent pas nécessairement parce que nous arrivons avec nos documents très techniques, s'il s'agit d'une décision réglementaire, et ils ne comprennent pas l'ensemble du libellé. Nous devons nous assurer de mettre en place un processus significatif dans le cadre duquel ils pourront participer activement.

Ensuite, est-ce que notre processus est à l'écoute de leurs préoccupations ou des problèmes qu'ils soulèvent? Parfois, c'est là où nous échouons en cours de route, parce que, parfois, nous entendons leurs préoccupations. Nous retournons et nous disons, d'accord, nous pouvons poursuivre. Nous ne croyons pas que c'est significatif. Parfois, il faut être plus réactif lorsqu'on retourne voir les collectivités. Il faut leur dire que nous avons compris leurs préoccupations et leur expliquer pourquoi nous y avons donné suite ou non dans le cadre de notre projet ou de l'activité. S'agit-il de ressources naturelles? Est-ce qu'une décision plus globale a été prise par le gouvernement? Il faut être réceptif à l'égard des collectivités quant à la façon dont nous, en tant que gouvernement, procédons.

Au bout du compte, nous tentons d'obtenir un consensus. Si on consulte les collectivités, c'est parce qu'on essaie de comprendre leurs préoccupations, et nous faisons de notre mieux pour les dissiper. Il n'est pas toujours nécessaire de dissiper leurs préoccupations, mais il faut faire de son mieux. C'est l'objectif même des consultations.

Nous obtenons beaucoup de directives de la Cour suprême et d'autres tribunaux au sujet de l'obligation légale de consulter. C'est vraiment une question de trouver un juste équilibre entre les intérêts généraux de la société et les intérêts des Autochtones. Les ministres prennent régulièrement des décisions quant à savoir s'il faut réaliser telle ou telle activité ou tel ou tel projet. Il faut tenir compte de toutes ces choses et trouver le juste équilibre.

Il n'y a pas un gagnant et un perdant, il faut trouver le juste équilibre. C'est un aspect clé de là où nous en sommes en tant que pays et de la façon dont on envisage les traités dans le contexte des traités modernes. Nous négocions ensemble, et nous nous entendons sur ce qu'ils feront et ce que nous ferons en tant que gouvernement fédéral ou gouvernement territorial. C'est cet équilibre que nous tentons de trouver.

Pour ce qui est d'approfondir cette question et de définir cette notion, d'après mon expérience, lorsque j'ai travaillé en collaboration avec mes collègues de tout le gouvernement fédéral, souvent, on peut se présenter dans une collectivité, et les gens diront : « Voici ce que nous voulons. » Quelqu'un dira : « Pour ce type de projet, vous pouvez nous envoyer une lettre, et ce sera parfait pour nous. Une lettre sera suffisante pour nous parce que nous voulons simplement être informés de ce qui se passe. » Du point de vue de notre évaluation, en tant que gouvernement fédéral, lorsque nous réfléchissons aux consultations, nous pouvons déterminer que l'impact sera similaire dans les deux collectivités. Mais la deuxième pourra dire : « Non, nous voulons des consultations plus poussées parce que, selon nous, l'impact sera plus important », et nous devons poursuivre le processus de façon respectueuse.

C'est toujours une question de trouver un juste équilibre et de tenir compte du point de vue de l'autre partie. Ce n'est pas juste une partie qui doit décider : « Voici les règles, et c'est tout. » Il faut comprendre les préoccupations de l'autre partie, même dans le cadre du processus utilisé pour prendre connaissance des préoccupations. Certaines collectivités comptent des experts des pêches et d'autres domaines et elles peuvent répondre rapidement. Un membre de la collectivité peut regarder le projet et dire : « Il n'y aura pas d'impact sur le poisson, c'est correct. » Ce ne sera peut-être pas le cas dans une autre collectivité, et c'est la raison pour laquelle les gens veulent une conversation plus approfondie avec les représentants fédéraux.

Les représentants fédéraux doivent respecter des lignes directrices fédérales lorsqu'ils procèdent à des consultations. Ils sont formés relativement à ces lignes directrices, puis chaque ministère possède ses propres outils pour aider ses représentants — selon l'activité réalisée —, lorsque l'obligation légale de consulter s'applique, afin que ces processus soient respectés. C'est assez bien défini au niveau national, mais aussi au sein des ministères. En général, c'est une approche très habilitante, parce qu'elle est aussi souple. La façon de composer avec une préoccupation liée à l'utilisation des terres peut être différente de la façon dont on compose avec une préoccupation liée à un enjeu réglementaire, à un oléoduc ou à un corridor national.

Le président : Pour revenir sur la question du sénateur Lang, lorsque vous menez des consultations, commencez- vous par parler au chef et au conseil de bande? Est-ce suffisant, ou devez-vous consulter directement les citoyens? De quelle façon le processus fonctionne-t-il et qui décide ce qu'il faut faire? Est-ce que le chef dit : « Maintenant, c'est bon pour nous », et c'est tout, ou est-ce que le conseil de bande doit approuver? Ou encore, devez-vous parler à toute la collectivité?

M. Steinke : C'est une bonne question, monsieur le sénateur.

Habituellement, nous nous tournons vers les détenteurs de droits. Dans le contexte des Premières Nations, c'est habituellement le chef et le conseil qui parlent au nom des détenteurs de droit, c'est donc habituellement notre approche d'extension. Disons que nous menons des consultations dans une zone minière et que nous parlons au chef et au conseil, mais nous savons qu'il y a un chasseur dans la collectivité qui chasse dans cette zone. C'est là où se trouve son sentier de trappeur. Nous n'avons peut-être pas l'obligation légale d'inclure le chasseur dans les consultations, mais c'est un peu comme si on voulait faire des travaux de construction dans la ville d'Ottawa. On n'a peut-être pas à parler à la collectivité locale, mais on veut s'assurer que les gens sont au courant du projet potentiel qui s'en vient. Nous communiquons avec les leaders, habituellement le chef et le conseil. Puis, en fonction de cette consultation, nous incluons aussi d'autres intervenants, si nous jugeons que c'est nécessaire, et parfois cela inclut les chasseurs et les trappeurs locaux, des femmes, ainsi de suite, qui participent au processus. Nous mettrons en place un processus pour que ce dialogue ait lieu. Les tribunaux ont dit clairement que ce sont les détenteurs de droits à qui nous devons parler, les familles individuelles. Ce sont les détenteurs des droits que nous consultons. Par conséquent, le processus varie selon la structure des collectivités, et nous rajustons notre processus de consultation en conséquence.

Le sénateur Lang : Pouvez-vous nous fournir les lignes directrices dont vous venez de parler?

M. Steinke : Oui, elles sont sur notre site web.

Le sénateur Lang : Ce serait important. Pour poursuivre dans cette ligne de pensée au sujet de ce à quoi nous sommes confrontés ici, la réalité, c'est que le système ne fonctionne pas bien lorsqu'il s'agit d'autoriser des projets d'intérêt national, comme des oléoducs, entre autres. Regardez nos résultats. Qu'avons-nous réussi à faire approuver? Même si nous avons des processus réglementaires en place, il a fallu des années et des années d'audience. Nous avons décidé de formuler certaines recommandations, et aucune décision n'est prise. Cette situation a un impact sur notre pays, et ce qui me préoccupe, c'est le sort de toutes les personnes touchées, qui viennent de petites régions du pays, du Yukon, et — dans le dossier actuel — les collectivités des Premières Nations. Les gens de ces Premières Nations participent totalement. Probablement que de 20 à 25 p. 100 de nos effectifs dans l'industrie minière viennent des Premières Nations. Le fait de ne pas développer les ressources a un impact important sur eux, et pas seulement sur eux, mais sur tous les Canadiens.

Vous n'avez pas vraiment répondu à ma question concernant le modèle général attendu lorsqu'il est question de consultation, parce que vous venez de me dire que c'est différent dans chaque collectivité. Si c'est différent pour chaque collectivité, et sachant de quelle façon le système fonctionne et qu'il y a des organisations et des personnes qui ne veulent d'aucun projet — elles essaient non pas d'apporter des modifications à un projet, mais de s'y opposer —, nous nous retrouvons dans une impasse et, au bout du compte, ceux qui s'opposent à un projet et qui le retardent gagnent. Le dossier du gazoduc Mackenzie l'a prouvé. La possibilité était là, et on ne l'a pas saisie.

Vous n'avez jamais répondu à ma question sur le fait d'essayer de s'entendre au pays sur ce à quoi on s'attend exactement du gouvernement fédéral, sur ce à quoi on s'attend de tous les intervenants, afin que nous puissions comprendre clairement de quelle façon on peut au moins prendre une décision dans le cadre du processus réglementaire, qu'on pourra ensuite juger acceptable et qui nous permettra d'aller de l'avant. Franchement, une décision défavorable, c'est encore mieux qu'aucune décision. J'aimerais qu'on règle la question du besoin de trouver un cadre général parce que, tel que la situation se présente actuellement, le chasseur qui chasse dans une petite collectivité peut dire que tel ou tel projet ne devrait pas être réalisé.

M. Steinke : Monsieur le sénateur, merci de la question. Je vais simplement approfondir ma réponse.

Les tribunaux ont été très favorables à ce que le gouvernement conçoive un processus de consultation. Ils ont permis aux gouvernements — le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et territoriaux — de concevoir un processus de consultation. Il est dans notre intérêt, en tant que gouvernements, de concevoir un processus pour en venir au genre de questions que vous posez.

Donc, nous concevons le processus. Est-ce par l'intermédiaire du processus d'évaluation environnementale? Nous allons sur le terrain et nous réalisons des activités d'extension. Chaque ministère aura une façon différente de le faire, mais il y a certaines similitudes et une certaine uniformité. Nous coordonnons en fait nos efforts de consultation entre ministères. Nous intégrons le tout dans le processus d'évaluation environnementale. Nous nous assurons de suivre les étapes. C'est un processus assez rigide et régulier.

Mon point, c'est que ces processus doivent être adaptés à certains des besoins des collectivités. Je ne dis pas qu'une collectivité peut s'opposer et dire : « Non, nous sommes en désaccord avec ce projet, nous n'en voulons pas. » Si nous avons mis en place un processus juste et raisonnable et que nous avons fait de notre mieux pour trouver un juste équilibre entre les intérêts des Autochtones et les intérêts de la société, nous pouvons décider d'aller de l'avant ou non. L'État peut prendre cette décision, et le gouvernement prend régulièrement de telles décisions. Il faut avoir réalisé un processus raisonnable, et le processus d'engagement des collectivités doit être juste.

Le point que j'essaie de soulever au sujet de la participation et du caractère unique des collectivités, c'est que nous comprenons tous que les Micmacs de la Nouvelle-Écosse peuvent avoir une façon différente de traiter un projet similaire que les Malécites ou les Hurons, et ainsi de suite. C'est une réalité que vous devez comprendre. C'est tout ce que j'essayais de dire. Au bout du compte, c'est un processus d'État, et c'est à lui à définir le processus et à le réaliser.

Souvent, les collectivités veulent avoir leur mot à dire sur le fonctionnement du processus, et il est parfois important que nous portions attention à leur demande parce que, parfois, nos processus ne répondent peut-être pas à leurs besoins ou ne permettent pas de dissiper leurs préoccupations à ce point. Dans le Nord, par exemple, les gens chassent. Nous leur disons : « Nous avons 20 jours pour vous consulter. » Et eux de répondre : « En fait, nous sommes à la chasse durant ces 20 jours. » Il faut être souple parfois, et c'est ce que j'essayais de dire au sujet de la souplesse.

Mme Murphy : Permettez-moi d'ajouter une chose. Je crois qu'il est évident que, actuellement, nous vivons un peu de frustration lorsqu'on pense aux décisions qui sont retardées relativement aux oléoducs dans l'Ouest canadien. Il y a à coup sûr un certain nombre de choses en jeu actuellement, et les gouvernements tentent de redéfinir la façon d'intégrer et de consulter les collectivités autochtones afin que les choses puissent avancer.

Mais il y a beaucoup d'autres dossiers qui se concrétisent actuellement. Il y a des projets de mine qui en sont au processus réglementaire, et ces dossiers avancent, et il y a aussi d'autres projets. Il y a, par exemple, en Saskatchewan, le projet de potasse de la nation Muskowekwan qui est en cours de réalisation dans une réserve, et nous élaborons conjointement des règlements avec les Premières Nations afin qu'ils puissent exploiter cette mine et s'en servir pour assurer la prospérité sur les terres de la réserve.

Il y a des occasions. Je crois que certaines choses se jouent actuellement en Colombie-Britannique. Il y a un certain nombre de projets réalisés par une administration, et le processus d'évaluation environnementale est en cours d'examen. Les gens savent que ce n'est peut-être pas le bon processus actuellement. Il manque certains éléments, et on mène donc à ce sujet d'importantes consultations auprès des collectivités autochtones, de l'industrie et d'autres intervenants pour déterminer ce qu'on pourrait changer dans la législation, surtout en ce qui a trait au fait de réaliser plus rapidement des activités d'engagement et de consultation. On verra ce qui en sortira. Espérons que, au bout du compte, on aura jeté plus de lumière sur ces genres de projets.

Il y a d'autres projets dans le cadre desquels les collectivités participent, parallèlement avec l'industrie. L'industrie et les gouvernements ont écouté et apporté des rajustements, et les collectivités voient les avantages. Je n'ai pas la liste exhaustive, mais on parle d'un record, ici, et là où nous avons bien fait les choses, nous avons du succès.

Le président : L'industrie minière de l'uranium est une autre industrie, et les compagnies dans ce domaine ont obtenu de très bons résultats en travaillant auprès des Autochtones de la Saskatchewan et en les employant. Les choses changent, et ce qui est bon pour une personne ne l'est peut-être pas pour l'autre. Avec les groupes environnementalistes, c'est toujours ainsi, et on ne sait jamais vraiment à quoi s'attendre. Les processus changent au fil du temps, et on découvre de nouvelles choses au sujet de l'origine des problèmes. Je crois qu'il faut vivre avec cette situation.

En fait, nous avons approuvé beaucoup d'oléoducs, mais on n'entend jamais parler des projets approuvés. On entend seulement parler des projets qui ne le sont pas. Ce sont ceux qui, habituellement, sont les plus importants parce qu'il y a beaucoup d'argent en jeu.

Je tiens à remercier M. Steinke et Mme Murphy d'être venus aujourd'hui. Merci de nous avoir présenté vos exposés et d'avoir répondu à nos questions. Je remercie aussi le sénateur Greene de m'avoir remplacé.

Juste avant de présenter nos prochains témoins, j'aimerais vous parler du rapport sur les droits d'auteur. Je veux le transmettre à l'équipe des communications, si vous n'y voyez pas d'inconvénient. Si quelqu'un ici a un problème à ce sujet... les gens de la bibliothèque ont le rapport, et j'aimerais le transmettre aux communications afin qu'on puisse commencer à travailler là-dessus. Les employés concernés se sont vu imposer un embargo, et ils seront exécutés si le rapport est communiqué ou si des copies sont faites. Si vous n'y voyez pas de problème, je le transmettrai. Merci beaucoup.

Nous poursuivons notre étude sur la création d'un corridor national au Canada afin d'améliorer et de faciliter le commerce et les échanges intérieurs. Je suis très heureux d'accueillir aujourd'hui le lieutenant-général honoraire Richard Rohmer, des Forces armées canadiennes. Il est aussi président et fondateur de la conférence sur la création d'un couloir médian d'expansion au Canada, de 1968 à 1972.

Général, votre carrière en tant que militaire décoré et votre carrière et vos réalisations dans le domaine juridique sont imposantes, et je ne crois pas que nous aurions assez de temps durant la réunion d'aujourd'hui pour en dresser la liste. Nous avons environ de 45 minutes à une heure. On peut dire sans se tromper que vous êtes probablement le citoyen canadien le plus décoré. En août 1990, vous avez été nommé officier de l'Ordre du Canada. Vous avez reçu la Médaille du jubilé d'argent, la Médaille du centenaire du Canada, la Médaille commémorative du 125e anniversaire de la Confédération du Canada, la Médaille du jubilé de la Reine et la Médaille de la Défense.

Votre présence aujourd'hui nous honore. Veuillez présenter votre déclaration préliminaire. Ensuite, nous passerons à la séance de questions et réponses.

Lieutenant-général honoraire Richard Rohmer, Forces armées canadiennes, à titre personnel : Merci de cette introduction lucide. Ma décoration la plus importante qui n'a pas été mentionnée, c'est ma croix du service distingué dans l'aviation de la Seconde Guerre mondiale. Eh oui, je suis aussi vieux que ça, et lorsque j'ai dit « aussi vieux que ça », je ne blague pas. Je vais bientôt avoir 93 ans. J'ai participé au jour J à l'âge de 20 ans dans un P-51 Mustang, et je me bats encore. C'est ce qui est important.

Je dois aussi dire que je suis très honoré d'être ici en présence d'un groupe aussi distingué de sénateurs. Je suis bien au-delà de l'âge limite, qui est 75 ans. Le sénateur Campbell et moi avons siégé au sein d'un même comité que je ne nommerai pas, mais je suis ravi d'avoir l'occasion de comparaître devant lui.

Permettez-moi de revenir sur l'étude que nous avons réalisée et qui a commencé en 1969, l'étude sur la création d'un couloir médian d'expansion au Canada. C'était mon idée, et j'ai mis tout ça en place. Environ 150 personnes ont participé à la conférence. J'ai fourni au comité une copie du rapport final, qui avait été donné au gouverneur général, qui l'avait commandité, et au premier ministre, en 1972.

Une bonne partie de ce dont je veux parler figure dans le rapport en tant que tel, un document modeste, produit dans les deux langues officielles.

En 1969, 1970 et 1972, j'exerçais le droit principalement dans le domaine de l'aménagement du territoire. Par exemple, j'ai comparu pour les Compagnies des chemins de fer nationaux du Canada, et pour le Canadien Pacifique devant la Commission des affaires municipales de l'Ontario, en 1972, durant des audiences sur six semaines dont l'objectif était de modifier l'utilisation des terrains autour de la gare Union, à Toronto, de la rue Yonge jusqu'à Bathurst, pour que ces terrains des chemins de fer — selon le plan officiel — puissent avoir divers usages, y compris la construction de gratte-ciel et d'installations de divertissements. J'ai obtenu la permission pour construire la tour qui est là. Les audiences ont duré six semaines, et, à la fin, le président de la commission a apposé sa signature et approuvé le changement d'affectation.

Ce qu'on peut voir là-bas, maintenant, à peu près 40 ans plus tard, après 1972, c'est des milliards de dollars en développement; tout est là. Il y a le Centre Air Canada, la tour en tant que telle, qui est devenue une icône, maintenant, et le Centre Rogers. Tout ça... et la croissance se poursuit. On parle de milliards de dollars.

C'est le genre de contexte dans lequel je me trouvais à ce moment-là dans ma carrière dans le domaine du droit. J'ai d'autres professions.

Essentiellement, c'était le premier fondement de la notion d'un plan d'aménagement du sol pour l'ensemble du Canada. Je me souviens d'avoir été à mon bureau à la maison, en 1972, et d'avoir regardé une carte du Canada sur laquelle était tracée une grande bande verte d'un bout à l'autre du pays. J'ai regardé cette bande. C'est un secteur habitable du Canada. Ce sont des forêts, et tout est là. Cette zone a un potentiel qui dépasse l'imagination, très différent des occasions de développement minier et autres. C'est un endroit où les gens peuvent vivre.

Sur la planète, il y a très peu d'endroits où les gens peuvent aller vivre. Il fait froid et il y a toutes ces considérations, mais c'est au cœur du Canada. Après avoir jeté un regard rapide sur la carte, j'ai commencé à définir un plan en vue du développement ordonné futur du Canada. Ce que j'ai fait, c'est que j'ai retenu les services de Acres Research and Planning, une excellente firme d'ingénierie, afin qu'elle réalise une étude pour moi. C'est le couloir médian d'expansion au Canada, et l'entreprise a fait un travail formidable. Cette étude a analysé toute la région médiane du Canada. J'ai utilisé cette étude pour créer une conférence appelée la conférence sur la création d'un couloir médian d'expansion au Canada. La première personne qui m'a vraiment appuyé dans le cadre de ce travail à ce moment-là, c'était un homme appelé Buck Crump. C'était le vieux à la tête du Canadien Pacifique, et lui et moi nous sommes bien entendu tout de suite. J'étais tout jeune à l'époque. C'était il y a 45 ans.

Le président : Vous étiez à la période médiane de votre vie alors, monsieur.

Lgén Rohmer : Peu importe ce que j'étais, Buck m'a soutenu. Il a fait venir des gens de Montréal, des banquiers et tout le monde. Nous avons fini par réunir toutes les provinces. Je voulais que toutes les provinces participent à la conférence, et la conférence était très simple. L'objectif était de regarder les occasions de planification. Nous n'avons pas défini de plan. Nous avons constaté le besoin de planification, le besoin d'un développement futur ordonné de la région médiane du Canada. C'est ce que nous avons recommandé.

Tout est dans cet excellent rapport vers la fin. Tout est très simple. Nous avons réfléchi à l'environnement. Nous avons réfléchi aux Autochtones. Nous avons réfléchi aux questions que vous avez posées aujourd'hui. Nous avons conclu qu'il devait y avoir un organisme global.

Voici mon livre le plus récent. J'écris des livres de temps à autre. Celui-ci s'intitule Sir John A.'s Crusade and Seward's Magnificent Folly. C'est un roman de fiction qui raconte la fois où sir John A. Macdonald a quitté le Canada, il y a 150 ans ce mois-ci, pour se rendre en Angleterre et mobiliser les gens qui étaient déjà là, les Pères de la Confédération, dans leurs tractations pour produire ce qui est devenu l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Il est parti, soit dit en passant. Il y a 150 ans, il était ministre de la Milice et de la Défense. Cartier et tous les autres l'attendaient à Londres, mais il n'a pas pu y aller. Il y avait une raison. Il était ministre de la Milice et de la Défense, pas l'autre genre auquel vous êtes habitué. Il n'a pas pu y aller en raison des Féniens. Les Féniens travaillaient à Niagara et à Détroit.

En passant, j'ai grandi en partie à Fort Erie, une grande ville. Les Féniens étaient très actifs, ils traversaient les rivières, attaquaient et semaient la pagaille. Mais il savait que, lorsque la neige arrivait, les Féniens allaient se rendre au pub le plus près, à Niagara ou à Détroit, et on n'entendrait plus parler d'eux. C'est exactement ce qui s'est produit.

En novembre, actuellement, il y a 150 ans, il s'est rendu en train à New York et a traversé l'océan jusqu'à Londres. Il a été bien reçu. Et c'est donc le récit, auquel j'ai réservé un traitement fictif. C'est le seul aspect fictif de ce que Macdonald et tous les autres ont fait. Il y a aussi beaucoup de faits historiques.

J'ai mis sur pied une conférence et frappé à tous les genres de portes et je demandais 5 000 $ par participant. Les principaux environnementalistes de l'époque étaient là, les principaux planificateurs de l'utilisation du sol, les gens qui s'occupaient des Autochtones. Je tiens à souligner que nous comprenions les Indiens. Les Métis sont très différents de ce que nous appelions à l'époque les Esquimaux. Selon moi, ils étaient de type et de tempérament différents. Il faut les traiter différemment. Dans les deux cas, il s'agissait de personnes extrêmement compétentes et extrêmement intelligentes. La façon dont on interagit avec eux est très importante.

Quoi qu'il en soit, la conférence sur le couloir médian du Canada a duré deux ans. Nous sommes allés partout dans la région médiane du Canada jusqu'au Nunavik et à Tuk. J'ai fait installer une station radio à Tuktoyaktuk, qui a maintenant disparu. Notre participation était totale. Nous nous sommes réunis à Montréal pour produire cet excellent rapport. Le rapport couvre tous les aspects qui vous intéressent lorsque vous regardez l'avenir.

Essentiellement, ce que nous avons dit, c'est qu'il est dans l'intérêt national d'établir des politiques et des plans à long terme pour permettre le développement ordonné de la zone médiane du Canada. Boum. C'est ce que nous avons dit. Nous avons formulé toutes les recommandations contextuelles liées à chaque chose que vous devrez régler pour créer un plan.

Un des éléments fondamentaux, c'est que le gouvernement du Canada doit jouer un rôle, qui consiste à fournir le cadre général dont vous faites partie intégrante. Il faut que le plan soit créé par le gouvernement du Canada en collaboration avec toutes les provinces, qui sont ici présentes à la table, dans le but de créer un plan pour le développement ordonné futur de la zone médiane du Canada.

Un de mes anciens associés, en droit, était un homme appelé Roland Michener, et, à l'époque, il était gouverneur général. J'étais son avocat junior dans un cabinet appelé Lang Michener and Cranston, dans les années 1950. Nous sommes restés ensemble, sa vie durant et la mienne aussi, mais c'était lui le patron. Il y a eu une conférence. Lorsqu'il a fallu présenter le rapport de façon élégante dans les deux langues officielles, le gouverneur général a invité le premier ministre Trudeau à dîner ainsi que moi et ma petite équipe de partisans. Nous avons donc dîné. J'ai présenté le rapport au gouverneur général. J'ai une belle photo de l'événement en compagnie du premier ministre.

Ce que je voulais que le premier ministre fasse, c'est de regarder le rapport, puis d'accepter en principe qu'il fallait créer un comité responsable des politiques et des plans à long terme. Ce comité devait être formé par le gouvernement fédéral afin d'encadrer le tout et d'interagir avec tous les organismes en cause dans le but de finir par créer un plan d'aménagement et d'exploitation des ressources à long terme pour le Canada, dans la région médiane du pays, la forêt boréale.

Eh bien, voici ce qui s'est passé : j'étais un ultraconservateur à l'époque, et le premier ministre le savait tout à fait. Lorsqu'il est arrivé, nous nous sommes serré la main, nous avons pris des photos et tout ça. C'était à moi de lui fournir l'information et lui présenter les diapositives et tout ça, et c'est ce que j'ai fait. Puis, il a commencé à poser des questions, et j'ai compris immédiatement qu'il n'avait même pas regardé ce que nous avions fait. Durant le dîner, à l'autre bout de la table, le gouverneur général, notre hôte, était nerveux. Le premier ministre est assis en face de moi, et je lui en voulais, et, lui, m'en voulait aussi, alors vous pouvez imaginer que ça a été un très beau dîner.

Il a fini par accepter que je présente notre proposition générale à un comité spécial composé de sous-ministres. J'adore les sous-ministres, tant que je n'ai pas à interagir directement avec eux, alors quand il a accepté, je savais que c'était fini. Quoi qu'il en soit, c'est la journée où il a été très en colère. Nous sommes allés à la Chambre des communes, et mon très bon ami, le lieutenant-gouverneur de l'Ontario, lui a posé une question. Et c'est ce jour-là que le premier ministre a utilisé pour la première fois l'expression « fuddle duddle » dans la Chambre. Je suis donc un peu responsable de l'expression.

La réalité, c'est que, puisque je n'ai pas réussi à le convaincre, ni lui ni son personnel, qu'il y avait du mérite à se pencher sur la question du couloir médian d'expansion au Canada, rien n'a jamais été fait. On en entendait un peu parler de temps en temps, puis les gens l'ont repris avant que vous en regardiez les tenants et aboutissants.

Ce que je vous recommande aujourd'hui, ce n'est pas mon travail, c'est le travail d'un comité composé de personnes dont le nom figure ici : il y en a 150. Ces personnes constituaient la fine fleur intellectuelle du Canada à l'époque, au début des années 1970, comme les environnementalistes et tous les autres intervenants; les participants venaient de tous les horizons, mais il n'y avait essentiellement pas de politiciens. Je crois que le document contient des choses qui sont aussi valides aujourd'hui qu'il y a 45 ans. Je n'arrive pas à croire que c'était il y a 45 ans, mais, en tout cas, c'est la réalité.

Je le recommande à votre équipe. Regardez les recommandations qui figurent dans le rapport. Je vous l'ai envoyé par courriel, et vous pouvez donc en faire facilement des copies et l'examiner.

Nous parlons des Autochtones et formulons des recommandations sur la façon d'interagir avec eux. Il y avait d'éminents représentants autochtones dans notre groupe aussi.

Voilà donc en gros ce qu'était la notion du couloir médian d'expansion au Canada et le rapport.

Depuis cette époque, il n'y a pas eu de plan général. Je crois que c'est l'objectif fondamental et le devoir du gouvernement fédéral, vu sa position centrale dans la structure du pouvoir, de créer un organisme qui examinera toutes ces questions et dans le but de créer un plan. Nous n'avons pas produit un plan, nous avons dit qu'il devrait y en avoir un et c'est ce que je vous recommande fortement.

Il y a un autre corridor dont je veux vous parler, mais d'une façon un peu différente, si vous me le permettez.

Le président : Combien de temps vous faut-il?

Lgén Rohmer : J'ai habituellement besoin de deux minutes.

Le président : C'est parfait.

Lgén Rohmer : J'ai un titre militaire. Je ne l'utilise pas ici, même s'il est utilisé. Je suis lieutenant-général honoraire des Forces armées canadiennes. Je suis très fier de ce titre, mais je ne comparais pas ici en tant que militaire.

Je suis préoccupé par un autre corridor, et j'espère que vous y porterez attention. Ce corridor s'appelle le passage du Nord-Ouest. J'ai préparé une note de service à l'intention du ministère de la Défense et je la lui ai présentée. Et lorsque je communique avec lui, dans mes documents, que vous avez, il y a deux choses.

Premièrement, nous savons que le passage du Nord-Ouest est en train de fondre en raison des changements de température sur la planète. Nous savons aussi que le gouvernement russe procède au déploiement d'armes au nord, dans l'Arctique. Nous savons aussi que les Chinois s'intéressent beaucoup au passage du Nord-Ouest. Ils croient, comme les Russes, que les eaux du passage du Nord-Ouest sont des eaux internationales. Les Américains aussi.

La réalité, c'est que la route du passage du Nord-Ouest, qui est bien définie, est canadienne. Ce que je recommande, c'est que nous reconnaissions le passage du Nord-Ouest comme un corridor de transport et un corridor militaire. Nous devons y accorder une certaine attention, pas seulement en parler, pour protéger nos biens dans les îles de l'Arctique et le passage du Nord-Ouest de façon concrète, plutôt que de seulement en parler.

Je recommande au ministre de vraiment s'efforcer d'envoyer deux choses dans le passage du Nord-Ouest : premièrement, des troupes, un aéronef, et, deuxièmement, la marine et un portail dans le milieu du passage du Nord- Ouest, ce qui fera en sorte que tous les navires qui veulent passer par là doivent traverser le portail. Si vous ne construisez pas le portail, ils vont essayer de passer par là. Il faut y voir.

Je suis un vieux pilote de chasse, et je suis favorable à l'utilisation des F-35B dans le document que j'ai préparé. Les F-35B sont des avions à décollage et atterrissage vertical. Les marines utilisent des avions à décollage et atterrissage vertical, mais avec une telle capacité, il n'est pas nécessaire de construire une grande piste d'atterrissage dans l'Extrême- Arctique aux fins d'implantation dans le passage du Nord-Ouest. Tout ce qu'il faut, c'est une plateforme à certains endroits d'où l'avion peut décoller.

J'ai un autre titre. Je suis chef honoraire des Services paramédicaux de Toronto, en Ontario, et je vous recommande aussi de créer une nacelle qu'on pourrait attacher aux F-35 à décollage vertical, ce que j'appelle une nacelle paramédicale. Cette nacelle peut être installée sous les ailes et offrir de la place pour un ambulancier et un patient. En d'autres mots, il s'agit d'une installation qui n'existe nulle part en ce moment. Et donc, s'il y a un accident, un danger ou quelque chose du genre, nous disposerions d'une machine permettant le transport aérien sécuritaire de personnes qu'il faut évacuer.

Ce sont de folles idées, et j'espère qu'on y jettera un coup d'œil... lorsqu'on pense aux F-35B, qui décollent et atterrissent à la verticale, c'est quelque chose.

Voilà pour l'autre corridor. J'ai parlé pendant deux minutes et demie.

Le président : Merci beaucoup. Assurons-nous de poser des questions liées au sujet de l'étude. Je sais que l'idée du corridor maritime est très intéressante, mais c'est un sujet qui revient à un autre comité. C'est malheureux que le sénateur Lang ne soit pas ici, parce qu'il est président du comité qui pourrait se pencher sur ce corridor. Merci beaucoup. Le rapport nous sera remis, et nous le transmettrons au comité visé. Il nous reste beaucoup de temps.

La sénatrice Wallin : Merci beaucoup d'être là. Je suis heureuse et honorée de vous compter parmi nous. Comme vous nous avez présenté les choses, il est évident qu'il aurait été beaucoup plus facile de réaliser ce projet à l'époque...

Lgén Rohmer : Oui.

La sénatrice Wallin : ... que ce ne le serait aujourd'hui, en raison des coûts, des accords qu'il faut passer et tout le reste, sans oublier le fait que le gouvernement fédéral doit agir à titre de champion.

Mais, outre cela, selon vous, le premier ministre doit-il vraiment devenir le chef des champions? Y a-t-il d'autres personnes qui, à vos yeux, pourraient s'avancer et participer au processus? Croyez-vous encore que tous les premiers ministres et chefs territoriaux doivent être de la partie? Selon vous, où en sommes-nous aujourd'hui si nous voulons nous rendre là où vous en étiez?

Lgén Rohmer : Ce que j'aimerais voir, actuellement... Je crois que la participation du premier ministre est absolument essentielle à toute détermination de l'objectif du point de vue national.

Notre premier ministre est un jeune homme très éloquent qui a d'excellentes capacités de communication. Pour ce qui est de créer des politiques et des plans à long terme — des politiques et des plans à même de réunir tout le monde —, le premier ministre doit être de la partie et dire : « Je soutiens le concept d'une planification générale de la région médiane du Canada et la création d'un organisme de planification qui réunirait des représentants de toutes les provinces et de tous les territoires afin de prendre des décisions et de formuler des plans. » Un tel organisme inclurait, bien sûr, une représentation autochtone appropriée, tant les Métis que ce que j'appelle — parce que je suis vieux — les Esquimaux.

En réalité, selon moi, c'est le genre d'approche qu'il faut. Si le premier ministre n'est pas de la partie — tout comme son gouvernement —, on revivra encore une fois 1972, et oubliez ça.

Vous êtes à une époque vraiment très importante pour notre pays, et je vous félicite de tenter de présenter les choses de façon à ce que les gens acceptent.

La sénatrice Wallin : Si je ne m'abuse, vous avez parlé d'une ancienne relation avec le dirigeant du Canadien Pacifique de l'époque.

Lgén Rohmer : Oui, Buck Crump.

La sénatrice Wallin : C'est peut-être la façon dont il faut procéder : s'il y avait un groupe — des gens du secteur privé qui ont des intérêts directs et de l'argent à mettre sur la table —, et si on mettait sur pied un tel groupe afin de présenter le plan au premier ministre... Je ne sais pas comment on pourrait procéder ou s'il serait nécessaire d'obtenir une approbation d'entrée de jeu. Quel est votre meilleur conseil?

Lgén Rohmer : C'est trop tard. Soit le premier ministre et le gouvernement acceptent l'initiative, soit ils ne l'acceptent pas. S'ils acceptent, vous verrez que les successeurs de Buck Crump et tous les autres intervenants sont prêts à participer. Cependant, le premier ministre, tout le Cabinet et les gens de son bureau doivent superviser le processus et dire : « Nous voulons un plan sur le développement ordonné futur du Canada. » C'est aussi simple que ça... Le Nord, la région médiane du Canada et ajoutez donc l'Extrême-Arctique aussi. Pour moi c'est très simple, il faut ce niveau et ce genre d'engagement.

Le président : L'étude réalisée par l'Université de Calgary a déterminé — il était question de l'oléoduc de la rivière Mackenzie — que le corridor ne serait pas uniquement un corridor est-ouest, mais qu'il y aurait, au nord...

Lgén Rohmer : Et notre corridor se rendait à la Mackenzie, à Inuvik et à Tuktoyaktuk.

Le président : Oui, c'est incroyable.

Le sénateur Campbell : Merci, général, d'être là aujourd'hui. C'est toujours un honneur et un plaisir d'être en votre compagnie.

Selon vous, les relations entre les provinces et le gouvernement fédéral et le changement de la relation avec nos Autochtones font-ils en sorte qu'il est plus facile ou plus difficile de mettre sur pied ce corridor, comparativement à il y a 40 ans?

Lgén Rohmer : Je crois que c'est beaucoup plus facile maintenant. Il y a des accords qui ont été conclus avec les Autochtones, des accords que nous n'avions pas en 1972. En ce qui concerne les Autochtones, les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral ont réalisé de grands progrès en ce qui a trait à l'établissement de relations. Beaucoup des choses qui ont été faites faciliteraient ce que nous proposions exactement de faire alors. Ma réponse, c'est donc que ce serait beaucoup plus facile maintenant.

Le sénateur Campbell : Il y a les provinces aussi. Une des choses que nous avons étudiées, ici, c'est le commerce interprovincial. Si on ne peut pas s'entendre là-dessus, de quelle façon allons-nous pouvoir obtenir leur accord pour construire un corridor d'est en ouest et qui monte vers le nord?

Lgén Rohmer : Je crois qu'il faut tout réunir. Si, à mesure que les choses avancent dans ce dossier, vous avez l'occasion d'obtenir la coopération et la compréhension des provinces et du gouvernement fédéral, votre problème serait en grande partie réglé. Beaucoup de discussions seront nécessaires.

Le sénateur Enverga : Je suis extrêmement honoré de votre présence. Merci d'être là.

Je sais que ce sera difficile de créer un tel corridor national. Suggérez-vous que des provinces aux vues similaires — comme les provinces de l'Ouest — se réunissent afin, peut-être, de créer leurs propres corridors régionaux dans l'espoir que, par la suite, les autres acteurs suivent le pas? Est-ce quelque chose que vous abordez dans votre étude?

Lgén Rohmer : Elles pourraient le faire dans le territoire qu'elles contrôlent. Par exemple, pour ce qui est du grand port de la côte du Pacifique qu'on envisage d'utiliser pour favoriser le développement, le chemin de fer jusqu'en Alberta ou en Saskatchewan pourrait raisonnablement être conçu en utilisant la technique de la ficelle et du globe. La distance est parfaite. Je ne vois aucun problème du tout avec ce genre de difficultés.

Le sénateur Enverga : Selon vous, qu'est-ce qui empêche le gouvernement de bâtir le corridor national? Y a-t-il des difficultés précises qui le dissuadent de le faire?

Lgén Rohmer : C'est simplement une question de définir un concept et un ensemble d'idées cohérents qui peuvent être concrétisés et appliqués. Tout ce dont nous parlons, actuellement, c'est de la création d'une entité ou d'un groupe afin de définir des plans et des politiques dans le but, comme je l'ai dit, de permettre le développement ordonné futur du Canada. À cette étape-ci, ce n'est rien de plus qu'un concept. Et vous êtes en plein dedans.

Le sénateur Smith : Monsieur, nous étudions ce concept que vous avez créé. On y est revenu, j'imagine, deux autres fois au milieu des années 1990 et vers 2002, et ce, sans résultat. Nous allons produire un rapport. Si vous étiez à notre place — et je crois que nous voulons sincèrement essayer de promouvoir ce concept —, que feriez-vous au sein du comité ici même afin d'aider à créer ce mouvement, afin de susciter l'intérêt du premier ministre? Si vous étiez à notre place, que feriez-vous?

Lgén Rohmer : Ce que je ferais est très simple : je prendrais le rapport — qui a 45 ans et qui, selon moi, est encore valide —, je regarderais les recommandations qui ont été formulées, je me les approprierais tout simplement, et je dirais, si j'étais vous : « Nous recommandons au gouvernement du Canada que les constatations de base de cette conférence, les recommandations qui sont formulées très clairement, soient appliquées, qu'un organisme soit créé pour définir les politiques et les plans à long terme, un organisme auquel participeront des représentants du gouvernement fédéral et des provinces. » C'est aussi simple que ça.

Le sénateur Smith : Et que direz-vous de la participation du premier ministre? Vous l'intégreriez?

Lgén Rohmer : Je l'intégrerais. C'est un jeune homme très intelligent, et il sait de quel côté le vent souffle; et il y a assurément pas mal de vent ces jours-ci.

Permettez-moi de vous donner un exemple. Je mets mon nez dans divers dossiers qui m'intéressent. Il y a quelques mois, j'ai écrit au premier ministre et j'ai dit : « Monsieur le premier ministre, je suis un vieil observateur et un planificateur de l'utilisation du sol dans le secteur des oléoducs. Je m'intéresse aux oléoducs parce que nous en avons besoin. » Et je lui ai dit que, de Fort McMurray, il est à peu près impossible de se rendre en Colombie-Britannique. Je lui ai dit qu'il y a un autre trajet, ici, auquel il n'a jamais réfléchi. À partir de Fort McMurray on part en direction du nord-ouest jusqu'à la ligne de... On avait reçu l'approbation d'Inuvik et de Tuk. Donc, il faut utiliser le même trajet jusqu'au coin de la Colombie-Britannique et du Yukon.

Une fois arrivé là, on tourne vers l'ouest sur les routes et on est rendu au Yukon. Il faut donc partir de l'Alberta et se rendre au Yukon, pas en Colombie-Britannique. Puis, on continue vers l'ouest jusqu'à ce qu'on arrive à frontière américaine, et une fois rendu là, on se rend à un endroit appelé Valdez. Il y a des installations excédentaires à Valdez actuellement en raison de la diminution de la production de la baie Prudhoe. Les installations sont déjà là.

Ce qu'il faut faire, c'est éviter la Colombie-Britannique. Vous savez, le Yukon dirait probablement souhaiter avoir l'oléoduc, et il resterait alors à négocier avec les Autochtones.

J'ai donc écrit au premier ministre et je lui ai envoyé ma petite carte et tout. Il l'a fait parvenir à son ministre des Ressources naturelles. J'ai reçu une belle lettre du ministre des Ressources naturelles me disant qu'il ne donne pas suite aux propositions concernant les oléoducs. Les propositions doivent venir d'entreprises privées, comme Enbridge ou je ne sais qui. Ils n'entreprennent pas de tels processus eux-mêmes.

Je lui ai réécrit et j'ai dit : « Monsieur le ministre, il est temps pour vous de comprendre que, si vous voulez construire un oléoduc, vous pouvez le faire. Vous avez créé une entreprise pétrolière il y a de ça des décennies, à l'époque où je travaillais dans le domaine, et vous vous êtes occupé de tout, de l'exploration, des stations-service. Vous pourriez le faire. Dans l'intérêt du Canada, vous devriez dès maintenant créer une société et construire l'oléoduc vous- même afin de pouvoir prendre cela ou quoi que ce soit d'autre. »

Je lui ai donc écrit une lettre un peu impolie. Je n'ai pas eu de réponse. En réalité, c'est ce que le gouvernement du Canada devrait faire. C'est très simple. Il devrait créer une société, la financer et dire : « Voilà où nous allons construire l'oléoduc, et nous allons organiser des audiences et tout le reste. Enlevez-vous de notre chemin. Nous allons le faire. » N'attendez pas qu'Enbridge ou une autre société se présente. Faites-le, et on verra ce qui arrivera.

Je suis sûr que c'est la même chose qu'il y a 45 ans : « Oh, oui, quel est votre nom? J'ai oublié. Qui êtes-vous? »

La réalité, c'est qu'il y a d'excellentes occasions de développement et de planification pour le Canada, et je crois que le gouvernement devrait faire quelque chose qui va exactement dans le même sens que ce dont nous parlons.

Le président : S'il n'y a plus d'autres questions, je tiens à vous remercier beaucoup d'être venu aujourd'hui. Nous sommes honorés de vous avoir accueilli ici, monsieur, et nous avons vraiment apprécié votre exposé et appris beaucoup de choses.

Merci beaucoup.

Chers collègues, la séance est levée.

(La séance est levée.)

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