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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule n° 11 - Témoignages du 2 décembre 2016


OTTAWA, le vendredi 2 décembre 2016

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, saisi du projet de loi S-4, Loi mettant en œuvre une convention et un arrangement en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et modifiant une loi relative à un accord semblable, se réunit aujourd'hui à 8 h 59 pour l'étudier.

Le sénateur Joseph Day (vice-président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le vice-président : Bonjour. Je suis Joseph Day, le vice-président du comité, et je remplace le sénateur David Tkachuk, de la Saskatchewan, malheureusement empêché.

Nous sommes ici pour étudier le projet de loi S-4, Loi mettant en œuvre une convention et un arrangement en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et modifiant une loi relative à un accord semblable déjà en vigueur.

Même si, en pratique, la plupart des projets de loi émanant du gouvernement sont déposés à la Chambre des communes, ils peuvent l'être aussi au Sénat, et ce projet de loi est l'une de ces exceptions. Le représentant du gouvernement au Sénat l'a lu pour la première fois au Sénat le 1er novembre 2016.

Chers collègues, nous avons reçu le cahier d'information article par article fourni par le ministère ainsi qu'un exemplaire du projet de loi, le résumé législatif et une note d'information des analystes de la Bibliothèque du Parlement. S'il vous manque certains de ces documents, nous en avons des exemplaires supplémentaires ici, pour vous. Veuillez faire signe à la greffière du comité, ce que certains d'entre vous ont déjà fait, et veillez à être munis de tous les documents convenables.

Je suis très heureux de souhaiter la bienvenue à l'honorable François-Philippe Champagne, secrétaire parlementaire du ministre des Finances.

[Français]

M. Champagne est député fédéral de la circonscription de Saint-Maurice-Champlain depuis le 19 octobre 2015. Il a été nommé secrétaire parlementaire du ministre des Finances le 3 décembre 2015. Merci d'avoir accepté de vous joindre à nous.

[Traduction]

Monsieur Champagne, pouvez-vous présenter les personnes qui vous accompagnent, puis bien vouloir nous faire entendre votre exposé. Ensuite, nous passerons aux questions.

L'hon. François-Philippe Champagne, secrétaire parlementaire du ministre des Finances : Je vous remercie, monsieur le président ainsi que les membres du comité.

[Français]

Je suis accompagné ce matin de Brian Ernewein, directeur général, Direction de la politique de l'impôt, et de Mme Stephanie Smith, chef principale, Division de la législation de l'impôt, Direction de la politique de l'impôt, qui m'aideront à répondre à vos questions. J'aimerais vous présenter le sujet à l'ordre du jour dans une courte déclaration, ensuite je serai heureux de répondre aux questions des sénateurs.

Je vous remercie de m'offrir l'occasion ce matin de prendre la parole devant le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce afin de discuter avec vous du projet de loi S-4. Comme vous le savez sans doute, le Canada compte sur l'un des réseaux de conventions fiscales les plus étendus au monde. Nous avons 92 conventions qui sont actuellement en vigueur. Le réseau de conventions fiscales que le Canada a conclues avec des administrations étrangères doit être constamment mis à jour et modernisé. En modernisant nos conventions fiscales et en élargissant notre réseau, nous faciliterons le commerce international et favoriserons les investissements au Canada par nos partenaires de convention, ce qui aidera notre économie et nos entreprises et renforcera évidemment la classe moyenne au pays.

Comme vous le savez, il n'y a jamais eu de meilleur moment pour investir au Canada. Notre pays occupe une position unique dans le monde grâce à notre capacité et à notre volonté d'investir dans les gens, et grâce à notre ouverture au commerce et à des investissements qui assureront la croissance de notre économie d'une manière avantageuse pour l'ensemble de la population canadienne. Nous apporterons également notre soutien aux entreprises canadiennes qui exercent leurs activités à l'étranger.

[Traduction]

Voici ce que se propose de faire le projet de loi S-4 : la première partie est une convention entre le gouvernement du Canada et l'État d'Israël en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu.

La deuxième partie est un arrangement entre le Bureau commercial du Canada à Taipei et le Bureau économique et culturel de Taipei au Canada en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu.

Le projet de loi modifie aussi la Loi de 2013 sur l'accord fiscal Canada-Hong Kong pour y ajouter une disposition interprétative confirmant une interprétation courante.

Sachez d'abord qu'il n'existe pas, entre le Canada et Taiwan, d'arrangement en vigueur sur les doubles impositions. Taiwan est un important partenaire commercial du Canada, le cinquième en importance dans la région de l'Asie-Pacifique et le douzième dans le monde, en 2015.

En 2015, la valeur des exportations canadiennes vers Taiwan a été de 1,46 milliard de dollars, tandis que celle des importations se situait à 5,46 milliards, ce qui porte à plus de 6,91 milliards la valeur des échanges entre les deux pays. Inutile d'insister davantage sur l'importance de conclure ce type de convention avec un partenaire comme Taiwan.

Conformément à la politique canadienne d'une seule Chine, l'arrangement avec Taiwan sur les doubles impositions a été conclu entre le Bureau commercial du Canada à Taipei et le Bureau économique et culturel de Taipei au Canada, au lieu d'être un accord entre pays souverains.

Une fois mis en œuvre, ce projet de loi constituera l'équivalent fonctionnel d'une convention fiscale.

[Français]

De plus, le projet de loi S-4 permet la mise en œuvre d'une convention révisée en matière de double imposition avec l'État d'Israël qui viendra remplacer la convention fiscale actuelle, laquelle remonte à 1975. La convention révisée en matière de double imposition a été mise à jour en fonction de la politique actuelle du Canada en matière de conventions fiscales. Comme l'économie du Canada est de plus en plus intégrée à l'économie mondiale, l'élimination des obstacles fiscaux au commerce et aux investissements internationaux a gagné en importance. Comme je l'ai mentionné plus tôt, la convention et l'entente en matière de double imposition faciliteront le commerce transfrontalier, les investissements et d'autres activités entre le Canada et chacune des administrations signataires. Nos conventions fiscales sont toutes fondées sur deux objectifs généraux.

Le premier objectif consiste à éliminer les obstacles fiscaux entre les deux administrations dans le but d'encourager le commerce et les investissements bilatéraux. Le second objectif consiste à empêcher l'évitement fiscal et l'évasion fiscale.

Permettez-moi de prendre quelques minutes pour exposer plus en détail chacun de ces objectifs. Tout d'abord, l'élimination des obstacles au commerce et à l'investissement est essentielle dans le contexte mondial actuel. Les investisseurs, les commerçants et autres intervenants qui font des affaires à l'échelle internationale veulent des renseignements clairs sur les répercussions fiscales de leurs activités au Canada et à l'étranger. De même, les Canadiens qui font des affaires ou qui investissent à l'étranger veulent être certains qu'ils seront traités de façon équitable et cohérente sur le plan de l'impôt. C'est l'un des objectifs du projet de loi S-4, soit éliminer l'incertitude qui entoure la situation fiscale des gens d'affaires, des travailleurs et des investisseurs étrangers.

[Traduction]

Ensuite, personne ne veut voir ses revenus imposés deux fois, ce qui risque de se produire faute de convention ou d'arrangement comme le prévoit le projet de loi S-4. Ce projet de loi permettra aussi de réduire la double imposition et favorisera les investissements en réduisant la retenue fiscale. Il prévoit un taux maximal de retenue de 15 p. 100 par Israël et Taiwan sur le portefeuille de dividendes payés aux non-résidents. Pour les dividendes versés par les filiales à la société-mère, le taux maximal de retenues fiscales est abaissé à 5 p. 100, dans le cas de l'État d'Israël, et à 10 p. 100, dans celui de Taiwan.

Le projet de loi limite aussi à 10 p. 100 le taux maximal de retenue fiscale sur les intérêts et les redevances et à 15 p. 100 le taux frappant les paiements périodiques de pensions.

Un élément central des conventions fiscales canadiennes réside dans leurs clauses autorisant l'échange de renseignements utiles à l'application des lois fiscales nationales, pour aider à combattre l'évasion fiscale. Le projet de loi S-4 autorise les autorités fiscales canadiennes à le faire.

Selon les dispositions de la convention et de l'arrangement, le projet de loi prendra effet le 1er janvier de l'année suivant celle où les avis de ratification auront été échangés. Ainsi, monsieur le président, il importe de le promulguer avant la fin de la présente année pour que le Canada puisse envoyer ses avis de ratification. La convention et l'arrangement prendraient alors effet à compter du 1er janvier 2017. Sinon, comme vous le comprenez bien, ce sera partie remise jusqu'au 1er janvier 2018.

Je vous invite à appuyer l'adoption de ce projet de loi pour que nous puissions faciliter les investissements étrangers au Canada et le commerce international et renforcer les familles de la classe moyenne de notre pays.

Monsieur le président, chers sénateurs, je vous remercie. C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.

Le vice-président : Merci, monsieur Champagne. Vous avez dit que l'arrangement avec Hong Kong est modifié et actualisé, mais n'est-il pas aussi vrai que nous avons déjà une convention sur la double taxation avec Israël, qui est actualisée, elle aussi?

M. Champagne : En ce sens, oui. Ce qui est particulier, entre le Canada et Hong Kong, c'est l'interprétation, parce que c'est un arrangement dont il est question avec Taiwan. Il s'y trouve des dispositions particulières. Nous voulions nous assurer que le texte ne donnerait pas lieu à d'autres interprétations que celles que nous entendons. Voilà pourquoi nous précisons que l'arrangement Canada-Hong Kong aurait le même effet qu'un accord entre États souverains.

Le vice-président : Il serait utile aux sénateurs de savoir que les deux textes, la convention avec Israël et l'arrangement avec Hong Kong, sont des actualisations. Est-il survenu quelque chose ou apparu une nouvelle pratique que vous essayez ainsi d'éviter?

M. Champagne : Je cède la parole à M. Ernewein, s'il veut fournir des renseignements de base supplémentaires sur les motifs de ces actualisations, en sus des dispositions interprétatives.

M. Brian Ernewein, directeur général, Direction de la politique de l'impôt : Certainement. Les deux textes, la convention ou l'arrangement, concernent respectivement Israël et Taiwan. La convention avec Israël remplace effectivement le traité de 1975. C'est un traité entièrement nouveau, que nous avons donc présenté comme tel.

Quant à l'arrangement avec Taiwan, il n'en existait pas d'antérieur. Il est inédit. En raison de la situation particulière de Taiwan et du fait que le texte est désigné comme un arrangement plutôt que comme un accord ou une convention entre États souverains, une règle d'interprétation vise à confirmer que nos règles et lois canadiennes qui s'appliquent aux conventions fiscales s'appliquent aussi à l'arrangement avec Taiwan.

Ensuite, on peut se demander si cet arrangement ne conduit pas à certaines conclusions sur notre convention avec Hong Kong, vu, aussi, la relation entre cette région administrative et la Chine. Ayant jugé importante la précision sur l'arrangement avec Taiwan, nous avons ajouté une précision similaire concernant Hong Kong et l'accord en vigueur.

En dehors de cela, c'est la seule modification qu'apporte le projet de loi que vous étudierez aujourd'hui à l'accord de Hong Kong.

Le vice-président : Merci. Ces questions soulèvent des questions.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Merci d'être parmi nous ce matin. Monsieur le président a fait le commentaire qu'il est rare que les projets de loi émanent directement du Sénat dès le départ. C'est une observation personnelle, mais j'ai l'impression que, quand les projets de loi sont très techniques ou compliqués, ils sont présentés au Sénat, au départ. Je ne comprends pas pourquoi.

Cela dit, quant au taux de rétention de 5 p. 100 sur les dividendes, comment se compare-t-il à celui des Canadiens sur ce même type de revenu?

M. Champagne : Peut-être que monsieur Ernewein peut faire la comparaison.

[Traduction]

M. Ernewein : Est-ce que la question portait sur la comparaison avec d'autres traités?

Le sénateur Massicotte : Non. En d'autres termes, le taux de rétention fiscale sur les dividendes payés aux sociétés israéliennes est de 5 p. 100. Comment ce taux se compare-t-il au taux qu'une société canadienne paierait sur le même revenu?

M. Ernewein : Je suis désolé. Permettez-moi de poser une autre question : voulez-vous dire le taux qui serait payé au Canada sur le même revenu?

Le sénateur Massicotte : Oui.

M. Ernewein : D'une manière générale, aucun impôt supplémentaire ne serait payé sur ce revenu. Très succinctement, notre loi distingue essentiellement les dividendes provenant de sources étrangères et découlant d'investissements passifs des dividendes provenant de sources étrangères et découlant de revenus de l'exploitation d'une entreprise. En général, nous imposons immédiatement le revenu passif, dès qu'il est gagné, sans attendre son rapatriement avant d'imposer les Canadiens qui possèdent ou contrôlent l'entité étrangère qui l'a gagné, ou nous pouvons l'imposer quand il est envoyé, si nous n'avons pas de participation majoritaire. Mais, sinon, si c'est un revenu tiré d'une entreprise, il n'est absolument pas frappé d'un impôt supplémentaire.

Le sénateur Massicotte : Comparons le comparable. Une société canadienne obtient des dividendes d'un investissement dans la Great-West ou dans Power Corporation, mais le même revenu est imposé par une société israélienne qui investit dans des actions de Power Corporation. La société israélienne paie une retenue fiscale de 5 p. 100 et peut obtenir un crédit dans son propre pays. C'est secondaire. Combien la société canadienne paie-t-elle, quel est le taux d'imposition sur les dividendes de revenus passifs payés par Power Corporation?

M. Ernewein : Au Canada, les dividendes que se versent des sociétés entre elles ne sont absolument pas imposés. Si nous les imposions, nous aurions une imposition en cascade. En fait, il existe une exemption pour les dividendes intersociétés, c'est-à-dire absolument aucune imposition. L'impôt transfrontalier équivaut vraiment à la taxe payée au niveau de l'actionnaire, pour lequel nous prélevons 5 p. 100.

Le sénateur Massicotte : Qu'en est-il des particuliers? Un particulier qui obtiendrait un dividende. À combien serait-il imposé?

M. Ernewein : Les dividendes d'une société canadienne payés à un particulier résidant au Canada seraient imposés à hauteur d'environ 30 p. 100.

Le sénateur Massicotte : Y compris par la province.

M. Ernewein : Oui. Le particulier visé par le traité serait assujetti à une retenue fiscale maximale de 15 p. 100 par le Canada.

Le sénateur Massicotte : S'il est citoyen d'Israël, à combien serait-il imposé? Il n'est pas citoyen canadien.

M. Ernewein : Un résident israélien?

Le sénateur Massicotte : Un résidant de son propre pays, pas d'ici.

M. Ernewein : Ses dividendes de Power Corporation seraient assujettis à une retenue fiscale maximale de 15 p. 100, conformément au traité, et nous appliquons une retenue fiscale de 15 p. 100 conformément à nos lois canadiennes.

Le sénateur Massicotte : Pour quelle raison l'étranger paierait-il moins d'impôt qu'un Canadien sur le même revenu?

M. Ernewein : Les taux d'imposition varient partout dans le monde. Nous essayons de produire une clause modèle qui nous permet d'appliquer partout un taux commun d'imposition. Dans ce cas-ci, nous appliquons uniquement le taux d'imposition du pays d'origine. Ça ne nous dit rien sur le taux d'imposition appliqué dans ce pays, ce qui lui donne la latitude de prélever de l'impôt en sus des 15 p. 100, comme vous l'avez déjà fait observer, qui peut accorder un crédit pour ce que nous prélevons. De même, lorsque des dividendes sont payés à un Canadien par une société étrangère établie dans un pays ayant signé un traité avec le Canada, cet autre pays ne pourrait les frapper que d'un taux maximal d'imposition de 15 p. 100. Notre impôt serait lui aussi en sus.

Le sénateur Massicotte : Ce qui m'amène à cette question. Ça m'incite, moi le Canadien, à déménager aux Bahamas, qui n'imposent pas les revenus et où, si j'habite là-bas, l'impôt maximal que je paie sur ces dividendes est de 15 p. 100. En attendant, si je vis ici, je paie un tiers.

[Français]

Vous nous dites qu'il y a deux objectifs. Le premier, c'est l'efficacité et la compétitivité du marché. Je suis d'accord, car il est important d'éviter la double imposition.

Il y a un problème mondial relativement à l'évitement fiscal qui n'est pas nécessairement illégal. Beaucoup de corporations ont investi des milliards ailleurs pour payer un taux d'imposition réduit en faisant peut-être du chalandage fiscal. Vous dites que cette convention, qui correspond à la norme mondiale, permettra de minimiser cet impact. Est-ce que vous pouvez nous donner plus de détails? Quels seront les résultats? Est-ce que nous partagerons plus d'information avec tous les gens qui le demanderont? Comment va-t-on éviter tout cet aspect-là? Il y a eu, je crois, cette semaine une annonce de l'OCDE selon laquelle une centaine de pays visent à signer une nouvelle entente qui fera en sorte de minimiser cet impact-là. Est-ce que nous pourrions avoir plus d'information sur la façon de régler ce problème?

M. Champagne : Comme vous l'avez dit, il y a deux objectifs. L'un est de favoriser le commerce, et que ce soit avec Israël, Taïwan ou Hong Kong, nous sommes tous d'accord pour dire que c'est la bonne chose à faire. L'autre chose, quand on parle de la modernisation de nos traités, c'est que nos traités fiscaux incorporent maintenant les clauses modèles de l'OCDE qui favorisent l'échange d'information entre les états respectifs pour apporter plus de clarté aux éléments dont vous avez fait mention.

Nous modernisons nos traités pour nous assurer d'être en accord parfait avec l'OCDE et les nouvelles clauses modèles qu'elle a mises en œuvre. Nos traités reprennent la clause modèle de l'OCDE en ce qui a trait au partage de l'information. Par exemple, dans le cas d'un non-résident, d'un état à l'autre, sur une base réciproque, l'Agence du revenu du Canada pourrait obtenir des autorités étrangères l'information dont elle a besoin pour s'assurer qu'il n'y ait ni évasion ni évitement fiscal.

Dans le dernier budget, nous avons prévu 444 millions de dollars en faveur de l'Agence du revenu du Canada pour trois raisons, entre autres pour prévoir les systèmes, les équipes et la technologie qui nous permettront d'être en mesure de suivre l'évolution de ces dossiers, qui évoluent rapidement. Il y a aussi un groupe de travail qui se penche sur différents enjeux avec différents pays, pour voir comment nous pourrions en faire plus, plus rapidement, pour nous assurer d'être à la fine pointe, de sorte que le Canada soit un leader dans ce domaine.

Je pense que cela passe beaucoup par la transparence et l'échange d'information, lequel est sujet aux mêmes règles de confidentialité qui sont en vigueur pour l'Agence du revenu du Canada, soit la protection des renseignements confidentiels, mais il s'agit aussi d'un échange qui permettra au Canada de jouer un rôle de chef de file en matière d'évitement fiscal.

Le sénateur Massicotte : Jusqu'à quel point peut-on partager? Et de quelle information s'agit-il? Vous avez tout de même une obligation vis-à-vis des citoyens. Lorsque je produis ma déclaration de revenus annuelle qui contient beaucoup d'information personnelle, quelle information pouvons-nous partager avec les pays étrangers pour satisfaire cet objectif?

M. Champagne : De nombreuses discussions se sont tenues avec les autorités, même au Canada, pour que l'information réponde au même standard que celui de l'agence lorsqu'il s'agit d'obtenir des renseignements confidentiels. Pour bien répondre à votre question, sénateur Massicotte, sur la nature de l'information, je me tourne vers mes collaborateurs.

[Traduction]

M. Ernewein : Essentiellement, l'information qu'on peut communiquer est de l'information fiscale concernant les impôts recouvrés grâce au traité en question ou de la convention en question sur l'échange de renseignements fiscaux. En général, nous pouvons communiquer les renseignements touchant l'impôt sur le revenu qui sont utiles au système fiscal de l'autre pays. L'Agence du revenu du Canada doit aussi posséder ces renseignements ou ces renseignements doivent lui être accessibles.

Le sénateur Massicotte : Ça signifie que les Canadiens devraient savoir que, si ces renseignements sont généraux à ce point, même s'ils croient les fournir à titre confidentiel à l'Agence du revenu du Canada, l'agence peut les communiquer à un État étranger sur sa seule promesse qu'il les considérera comme confidentiels. Je présume que si un tribunal ou une agence de recouvrement entrent dans le portrait, ces renseignements seront probablement communiqués aux tribunaux à l'étranger et qu'ils deviendront donc publics.

Autrement dit, les Canadiens trouvent rassurante la promesse de l'Agence du revenu du Canada de traiter ces renseignements comme confidentiels, mais ils constatent désormais qu'elle peut les communiquer à un État étranger. Les États étrangers n'agissent pas tous de manière responsable, et, en cas de litige, ça se retrouvera devant les tribunaux internationaux.

M. Ernewein : Réglons d'abord la question de la confidentialité. C'est une condition essentielle à respecter pour communiquer ces renseignements, et l'Agence du revenu du Canada s'emploie très soigneusement, avec les autres autorités fiscales, à protéger les renseignements confiés à un autre État et à limiter leur utilisation à des fins uniquement fiscales.

Je précise ensuite que ces dispositions n'ont rien d'inédit. Le Canada et d'autres pays s'échangent des renseignements dans le cadre de leurs conventions fiscales presque depuis qu'elles existent. Je ne dis pas qu'il ne se présentera jamais de problème quant à leur divulgation, mais, comme je l'ai dit, les autorités fiscales canadiennes et étrangères s'emploient très sérieusement à protéger ces renseignements tout en reconnaissant les risques existants.

Enfin, si ces renseignements risquent d'être divulgués aux tribunaux canadiens, à la faveur d'une affaire de fiscalité, ils courent aussi le même risque quand ils sont communiqués à des autorités fiscales étrangères.

Le sénateur Greene : Merci beaucoup. Je suis très heureux de vous rencontrer.

Bien sûr, nous sommes coincés par le temps. Vous voulez que la Chambre ratifie ces textes avant la fin de l'année. Vu l'importance de Taiwan dans nos relations économiques et nos échanges culturels et économiques, pourquoi avoir attendu jusqu'ici pour cet arrangement, vu que nous en avons conclu avec 92 autres pays?

M. Champagne : Très respectueusement, je vous répondrai qu'il existe un processus d'actualisation de ces 92 conventions, et je suis dans l'impossibilité de vous donner plus d'explications, particulièrement sur l'arrangement avec Taiwan.

Nos fonctionnaires nous ont dit que c'est un processus en constante actualisation. Je pense que le sénateur Massicotte a fait allusion aux dispositions modernes et à l'échange de renseignements. Nous essayons toujours de moderniser nos traités, au fil du temps. Je pense que c'était la marche à suivre normale.

Mais je vous suis très reconnaissant de votre observation, et nous sommes redevables au Sénat de faire ce qu'il peut pour accélérer le processus, dans l'intérêt des Canadiens, devrais-je préciser, parce que si nous ne faisons pas parvenir nos avis avant la fin de l'année, que ces textes ne pourront pas prendre effet le 1er janvier 2017.

Nous le faisons pour aider les entreprises canadiennes et les Canadiens qui tiennent à des échanges commerciaux entre le Canada et Taiwan. Comme vous l'avez fait observer, Taiwan devient un partenaire très important dans l'APEC, la Coopération économique Asie-Pacifique. J'ai assisté à son sommet. Un certain nombre d'initiatives existent. Les Canadiens y gagneront beaucoup si nous pouvons respecter ce délai.

Le sénateur Oh : Merci, monsieur le ministre. Un nombre important de détenteurs du passeport canadien, de citoyens canadiens vit à Taiwan. Comment l'entrée en vigueur du traité les touchera-t-il?

M. Champagne : Si j'ai bonne mémoire, l'ayant lu quelque part, 50 000 ou 60 000 résidents de Taiwan ont la nationalité canadienne. C'est manifestement pour éviter la double imposition. Dans la mesure où ils recevraient des revenus de là-bas ou d'ici, ils profiteraient visiblement du traité. Ceux qui ne s'adonnent pas à des activités commerciales, que ce soit à titre de particuliers ou de sociétés, ne seront pas touchés, mais les sociétés d'ici ou de là-bas qui importent ou exportent des marchandises en profiteront certainement, sur le plan de la prévisibilité. Ils sauront exactement quelles règles fiscales s'appliquent, et les retenues d'impôts seront certainement réduites. Nous nous attendons à ce que la clarification des règles et la réduction des retenues fiscales favorisent l'intensification du commerce entre nos deux nations.

Le sénateur Oh : S'ils vivent actuellement à Taiwan, doivent-ils déclarer annuellement leurs revenus?

M. Champagne : M. Ernewein vous donnera plus de détails à ce sujet.

M. Ernewein : Le traité n'aura aucune conséquence à ce sujet. Si le contribuable est un expatrié, un Canadien qui s'est établi à Taiwan et y a acquis le statut de résident taïwanais, il n'est pas assujetti à l'impôt, sauf pour les revenus de source canadienne. Comme l'a laissé entendre le secrétaire parlementaire, s'il arrive qu'ils conservent des investissements canadiens et qu'ils en tirent des revenus, ils pourraient, à un certain point, être assujettis à des retenues fiscales, mais au taux réduit prévu dans le traité. En dehors de ça, ils ne seront pas obligés de remplir une déclaration de revenus, à cause ou non de ce traité.

Le sénateur Oh : Monsieur le ministre, je pense que le nombre de détenteurs du passeport canadien vivant à Taiwan est beaucoup plus élevé que les 50 000 que vous avez dit.

M. Champagne : D'après nos estimations, de 50 000 à 60 000 Canadiens vivent à Taiwan. C'est le nombre qui nous a été communiqué dans le cahier d'information d'Affaires mondiales Canada. Il peut y avoir des écarts.

Ce que nous visons, c'est d'éviter de surcharger le contribuable, mais, plutôt, de favoriser le commerce entre nos deux nations, ce qui, vous serez d'accord, est bon pour la nation commerçante qu'est le Canada qui, grâce aux pays de l'APEC, cherche à stimuler ses exportations et à créer plus d'emplois sur son sol.

Le sénateur Enverga : Comme le sénateur Greene, je vous demande pourquoi il a fallu tant de temps? Ça aurait dû être fait il y a longtemps. Je sais que, déjà, 92 traités sont en vigueur. Comme tous les autres traités ou tous les autres accords, avez-vous éprouvé des difficultés par rapport aux autres traités? Sont-elles résolues dans ce traité particulier avec Taiwan et Israël?

M. Champagne : Je ferai quelques observations générales, après quoi je demanderai à M. Ernewein ou à Mme Smith de vous donner de plus amples détails. Comme nous l'avons dit, 92 traités ont été signés depuis les années 1970, il y a toute une série de règles, qui sont mises à jour périodiquement, comme l'a souligné le sénateur Greene.

Nous révisons divers traités. Si nous le faisons, pour revenir aux propos du sénateur Massicotte, c'est pour nous assurer d'intégrer à nos traités les dernières dispositions de l'OCDE et de les mettre en œuvre, particulièrement à l'égard de l'évitement fiscal et de l'évasion fiscale. À titre de chef de file mondial, nous voulons non seulement favoriser le commerce, mais nous positionner en première ligne de la lutte à l'évasion et à l'évitement fiscaux.

Nous sommes constamment en train de mettre nos traités à jour et de veiller à ce que les Canadiens bénéficient des meilleures dispositions possible, d'où la révision périodique des 92 traités, comme vous l'avez dit. Vous verrez donc d'autres révisions vous être soumises, au fur et à mesure que nos négociateurs essaient d'intégrer à nos traités et conventions les meilleures dispositions récentes. Dans cette convention, vous verrez que nous intégrons les dernières dispositions modèles de l'OCDE pour être à la fine pointe du commerce, tout en nous assurant que les gens paient leur juste part d'impôts.

Stéphanie Smith, chef principale, Division de la législation de l'impôt, Direction de la politique de l'impôt, ministère des Finances du Canada : Il y a, par exemple, quelques dispositions relatives à une très ancienne convention signée avec Israël en 1975; il y a en particulier une réduction des taux de retenue d'impôt, conformément aux pratiques canadiennes les plus récentes dans nos négociations sur les retenues d'impôts. En général, les taux prévus dans la convention avec Israël étaient de 15 p. 100 et vous pouvez voir qu'ils sont maintenant rabaissés à 5 p. 100 et à 10 p. 100 dans différentes dispositions, si des dividendes sont payés par une société à la société mère. Le taux de retenue maximal a été abaissé à 10 p. 100, sur les intérêts et les redevances, conformément aux dispositions qu'on trouve dans nos autres traités.

C'est après la signature de la convention avec Israël que le Canada a décidé d'imposer une taxe de départ, qui est considérée comme une disposition présumée de tout bien en immobilisations quand une personne quitte le pays ou y entre. Dans la convention avec Israël, nous avons veillé à ce qu'il n'y ait pas de double imposition et à ce que l'autre État reconnaisse la majoration de la base de coûts de manière à ne pas double-imposer la somme lorsqu'il y a disposition réelle du bien en immobilisations. Nous inscrivons toujours une disposition de ce genre dans les traités quand notre pays partenaire accepte une telle majoration de l'assiette fiscale. Nous en avons donc intégré une à la convention avec Israël afin de la moderniser et de tenir compte des règles en vigueur au Canada sur l'impôt sur le revenu.

Dans les traités, nous prévoyons également une mini-règle anti-évitement fiscal pour les dividendes, les intérêts et les redevances, afin d'éviter le magasinage de traités. Si une personne essaie de se prévaloir de cette convention alors qu'elle n'est pas vraiment résidante du pays — dans cet exemple-ci, Israël —, il y a une disposition dictant que si les dividendes sont versés depuis le Canada, le taux prévu dans la convention ne s'applique pas.

Nous avons quelques mini-dispositions anti-évitement de ce genre, comme l'a mentionné le secrétaire parlementaire, et nous avons la version la plus à jour de l'article sur l'échange de renseignements, un outil crucial pour l'Agence du revenu du Canada.

Le sénateur Enverga : Question d'argumenter un peu, cette convention s'apparente-t-elle aux 92 autres traités? Accordons-nous un traitement spécial à d'autres pays? Les 92 traités sont-ils tous identiques?

M. Champagne : Si vous voulez une étude comparative, je donnerai la parole à Mme Smith. La convention avec Israël a été négociée en 1975, donc nous la modernisons parce qu'évidemment, les taux de retenue ont changé au fil du temps, comme Mme Smith l'a déjà souligné. Comparativement à l'ensemble des 92 traités, pour répondre plus directement à votre question, je devrai demander à nos fonctionnaires de vous dire s'il y a ou s'il pourrait y avoir des différences.

Mme Smith : Le plus différent des autres est le traité avec les États-Unis, qui témoigne de notre relation très étroite avec ce partenaire commercial important. Il y a des dispositions dans le traité entre le Canada et les États-Unis qui ne se retrouvent nulle part ailleurs dans nos autres traités. En général, cependant, les autres traités sont très similaires et reposent sur des politiques très cohérentes d'un traité à l'autre.

Le vice-président : Pour clarification, monsieur Champagne, vous avez indiqué que la politique consiste à mettre en œuvre, si j'ai bien compris, une disposition modèle de l'Organisation de coopération et de développement économiques. Le gouvernement a-t-il pour politique de l'appliquer dans ces accords? On pourrait alors présumer qu'il y aura un article universellement compris dans le monde, ce qui facilitera les négociations.

M. Champagne : Comme vous l'avez dit, monsieur le président, au fur et à mesure que nous modernisons ces dispositions modèles, nous visons l'uniformisation et faisons la promotion de leur adoption. C'est pourquoi, dans le processus que Mme Smith a décrit, nous cherchons la cohérence, certes, mais nous essayons aussi d'être toujours à l'avant-garde de ce que les dispositions du Modèle de convention fiscale de l'OCDE recommandent, dans la mesure où elles s'harmonisent bien avec nos politiques, dans ce cas-ci en ce qui concerne l'évasion fiscale et l'évitement fiscal. Nous voulons nous assurer de favoriser le commerce, mais conformément à notre politique, comme vous le savez, monsieur le président, nous avons investi presque un demi-milliard de dollars dans cette lutte, donc cela doit transparaître à l'échelle internationale dans nos traités fiscaux. C'est un autre outil de notre trousse à outils pour que nos efforts portent fruit dans le monde.

La sénatrice Ringuette : Ce n'est pas vraiment une question, mais j'aimerais faire deux commentaires.

Premièrement, les États-Unis sont le seul pays au monde qui impose ses citoyens sur la base du statut de citoyenneté. Tous les autres pays les imposent sur la base du statut de résidence. C'est un enjeu de taille, qui nécessite des négociations spéciales, avec lesquelles je ne suis pas d'accord de toute façon, mais c'est une autre histoire.

M. Ernewein pourrait probablement vous confirmer que je le fais rarement, mais je tiens à saisir l'occasion de vous féliciter d'avoir trouvé la bonne terminologie avec le mot « arrangement » pour solidifier notre relation commerciale avec Taiwan. Je vous en suis très reconnaissante.

M. Champagne : Merci, sénatrice.

La sénatrice Ringuette : Comme on le dit, il faut prendre les compliments quand ils passent.

M. Champagne : C'est comme à la Chambre. Quand il y a du positif, on le prend, c'est certain.

Le vice-président : Elle n'est pas si méchante, en réalité.

Y a-t-il d'autres sénateurs qui souhaiteraient poser des questions pendant que le secrétaire parlementaire est ici?

[Français]

Le sénateur Massicotte : On a parlé d'évasion fiscale, mais je présume que les prévisions de l'OCDE concernent aussi toute la question du blanchiment d'argent. Il s'agit tout de même de milliards de dollars qui traversent les pays. On a déployé beaucoup d'efforts en ce sens depuis 30 ans. Pourtant, on constate encore des failles dans le système. J'imagine que ces ententes nous aideront à contrer le blanchiment d'argent dans tous ces pays.

M. Champagne : La transparence fait partie de notre boîte à outils pour mieux comprendre les flux financiers, tout particulièrement entre les sociétés. Nous l'avons fait avec l'île de Man, pas dans le contexte d'aujourd'hui, mais dans le cadre du dernier budget. Nous commençons à mieux comprendre les flux financiers entre certains États. Des accords comme ceux-là qui nous donnent accès à l'information nous servent d'outils supplémentaires pour mieux comprendre les flux financiers et pour prendre des mesures dans les cas où nous pouvons détecter des irrégularités. Nous étudions d'autres initiatives pour déterminer comment nous pourrions jouer un rôle de premier plan à l'échelle internationale afin de contrer l'évitement fiscal et l'évasion fiscale.

Le sénateur Massicotte : Avons-nous conclu ce type d'entente avec des pays comme les Bahamas et les Bermudes? Y a-t-il une clause dans notre traité avec l'OCDE?

M. Champagne : Il faudrait que je pose la question à M. Ernewein ou à Mme Smith. Avons-nous un modèle, madame Smith?

[Traduction]

Mme Smith : Oui, nous avons la disposition modèle de l'OCDE sur l'échange de renseignements, et nous respectons la norme internationale dans la vaste majorité de nos traités. Dans les quelques cas où nous ne la respectons pas, nous prenons des mesures pour réviser nos traités.

L'un des traités qui ne respectent pas la norme internationale est celui que nous avons avec la Barbade. Nous n'avons pas convention fiscale avec les Bahamas, cela ne figure donc pas dans une convention fiscale; cependant, nous avons un accord d'échange de renseignements à des fins fiscales avec les Bahamas, qui se fonde sur la norme internationale.

Le sénateur Massicotte : Sur ce point, puisque vous êtes ici, il importe de souligner que l'OCDE est très efficace pour convaincre les dirigeants de pays à embarquer et à accepter des règles de pleine transparence malgré nos accords.

Toutefois, comme vous le savez, depuis quelques mois, les gens de l'OCDE sont très frustrés, parce que malgré le fait que ces pays se sont tous engagés à coopérer et qu'ils ont signé des accords, ils ne coopèrent pas pleinement. Ils n'ont pas pris les mesures nécessaires pour éviter tout ce blanchiment d'argent et les problèmes fiscaux.

Que faisons-nous? Nous fuyons ces pays. Nous essayons de les forcer à respecter ces normes. Y a-t-il un peu de progrès?

M. Champagne : Assurément, sénateur, peut-être pas dans le contexte de cet accord en particulier, mais de manière plus générale, nous parlons avec les responsables de divers organismes d'application de la loi et des autorités financières de différents pays, pour nous assurer d'apprendre des pratiques exemplaires et déterminer si nous sommes en première ligne de la lutte dans le contexte de l'EIPMF, entre autres.

Les choses évoluent dans l'univers numérique également. Comme vous le savez, il y a divers volets à cela. L'argent circule à un rythme rapide, donc il faut mettre l'accent sur la prévention, la détection, la perturbation et les poursuites.

Il y a beaucoup de choses qu'on puisse faire, mais j'assure l'honorable sénateur que non seulement nous nous demandons comment faire notre part, mais nous parlons avec nos alliés et d'autres parties pour apprendre des façons de faire des autres pour nous assurer d'être en première ligne de la lutte.

M. Ernewein : D'une certaine façon, je conteste la prémisse de cette question. C'est-à-dire qu'effectivement, il reste beaucoup à faire et les choses évoluent, mais dans l'ensemble, il y a eu beaucoup de changements depuis une dizaine d'années environ. Il y a 10 ans, nous avions du mal à convaincre les pays non signataires de traités, qu'on appelle les paradis fiscaux, d'accepter d'échanger des renseignements avec nous. Même certains de nos partenaires membres de traités et de l'OCDE ne s'engageaient pas pleinement à échanger des renseignements dans la réalité.

Il y a une dizaine d'années, les accords d'échange de renseignements à des fins fiscales, les AERF, ont changé la donne. Grâce à beaucoup de pressions du G20, de l'OCDE et de divers pays, tous les pays de l'OCDE, les partenaires du G20 et presque tous les soi-disant paradis fiscaux — les centres financiers extraterritoriaux — ont consenti à échanger des renseignements, ce qui a mené aux longues négociations sur les AERF.

Celles-ci ne portaient que sur les demandes d'information à la pièce, ce qui signifie qu'il fallait déjà se douter qu'un contribuable avait des investissements dans un pays pour poser la question.

Depuis, tout récemment, nous avons établi la Norme commune de déclaration. Celle-ci s'inspire de la FATCA américaine, qui soulève toutes sortes de problèmes relativement à la citoyenneté américaine, mais selon la Norme commune de déclaration, que presque 100 pays et États ont signée, l'information est fournie automatiquement. Cela signifie que nous recueillerons l'information, puis que nous établirons un régime pour pouvoir transmettre automatiquement l'information aux autorités financières de confiance. Nous aurons ainsi accès à de bien meilleurs renseignements.

Ensuite, pour revenir à ce que disait le secrétaire parlementaire, il se fait beaucoup de travail à l'interne au sujet de l'information sur les transferts électroniques de fonds, sur l'information que nous pouvons obtenir sous le régime de la Norme commune de déclaration et d'autres formes d'échanges de renseignements.

Il reste fort à faire pour régir la propriété effective au Canada et ailleurs dans le monde, afin de contrer le blanchiment d'argent et l'évasion ou l'évitement fiscal, mais je vois toutes ces mesures d'un bon œil et je crois que nous sommes en train de changer beaucoup la donne.

Le sénateur Massicotte : Nous sommes toujours en première ligne. C'est bien. Dix ans, c'est peu, mais nous sommes sur le point de réussir à obtenir tous ces renseignements. Chaque fois qu'il y a une fuite, comme dans l'affaire des Panama papers, récemment, on voit qu'il y a encore beaucoup de Canadiens qui croyaient pouvoir éviter de payer de l'impôt, alors que le Canadien moyen n'a pas les moyens d'utiliser ces mécanismes et de se tourner vers d'autres pays. Nous avons encore beaucoup à faire. Comme vous l'avez dit, nous devrions être encouragés par l'amélioration de la coopération.

C'est aussi une course technologique. Je me rappelle que M. Chrétien disait que l'argent n'a pas de nationalité. Il va et vient rapidement.

M. Champagne : C'est la raison pour laquelle vous serez heureux d'entendre que nous avons justement annoncé un investissement de 444 millions de dollars pour nous doter des bonnes équipes, des bonnes technologies et des bons systèmes. Comme vous l'avez mentionné, les technologies se raffinent. Nous avons besoin de bons avocats.

Nous avons divers mécanismes pour poursuivre les gens et perturber leurs activités, mais le mot est lancé. J'ai entendu de l'ARC et d'autres que grâce à l'investissement du Canada, les gens sont au courant que la trappe se referme, pour reprendre les mots de la ministre Lebouthillier. Les gens se rendent compte que le Canada s'attaque activement à l'évasion fiscale. Nous avons commencé par l'île de Man. Je pense que la ministre a annoncé récemment que nos efforts se tournent maintenant vers Guernesey.

Je ne divulguerai pas le nom de nos cibles futures, ce serait bien mal avisé et nuirait à notre travail, mais le monde sait que le Canada combat activement l'évasion fiscale et qu'il y investit les ressources nécessaires. Les belles paroles ne suffisent pas, mais grâce aux ressources que nous investissons (nous avons accordé presque un demi-milliard de dollars à l'ARC pour bien faire les choses) les gens savent que nous sommes sérieux.

Le sénateur Greene : Vous devrez tous cacher tout cet argent un peu mieux.

Le vice-président : Si seulement c'était notre problème.

Le sénateur Oh : En raison de nos liens diplomatiques avec Taiwan et de la politique d'une Chine unique, la convention sera mise en œuvre par notre bureau commercial à Taipei.

M. Champagne : En effet.

Le sénateur Oh : Ainsi qu'avec le représentant commercial de Taiwan à Ottawa.

M. Champagne : C'est ce que je comprends. Nous parlons là d'un arrangement, mais d'un point de vue législatif, ce sera considéré comme une convention fiscale; c'est pourquoi nous avons prévu une disposition d'interprétation. Cet arrangement a le même effet juridique, au Canada, que notre convention avec Israël. Cette disposition fait en sorte qu'il ait le même statut juridique, parce qu'en raison de notre politique d'une Chine unique, nous utilisons le terme « arrangement ». Nous pouvons ainsi respecter nos engagements à l'égard de la politique d'une Chine unique et nous assurer que sur le plan législatif, compte tenu de la disposition d'interprétation contenue dans l'arrangement avec Taiwan, comme avec Hong Kong, cet arrangement ait le même statut juridique qu'une convention dans d'autres circonstances.

Le sénateur Enverga : J'ai entendu tellement de choses au sujet de la convention fiscale. Pouvez-vous nous éclairer un peu sur les différences entre les coûts et les avantages d'une convention fiscale et ceux de l'échange fiscal de l'impôt payé à l'étranger? Quelles sont les différences entre les deux?

M. Champagne : Je ne suis pas certain de bien comprendre votre question.

Le sénateur Enverga : Quels sont les coûts et les avantages d'une convention fiscale par rapport à ceux d'un crédit fiscal accordé pour l'impôt payé à l'étranger? Vous êtes-vous penché sur la question?

M. Champagne : Je vais vous donner une réponse générale. La disposition dans sa totalité vous fournira une réponse beaucoup plus détaillée. Différents types de revenus sont pris en compte, et leur traitement diffère; il peut y avoir retenue ou échange de renseignements. Je crois que la convention va beaucoup plus loin. Le genre de système dont vous parlez serait plus limité. C'est la raison pour laquelle il faut tant de temps pour négocier ce genre de traités, mais ils sont plus judicieux, parce qu'ils sont beaucoup plus détaillés que des arrangements particuliers comme ce que vous décrivez.

M. Ernewein : Je voudrais seulement dire que ces propositions ne sont pas mutuellement exclusives. Les conventions fiscales comprennent presque toujours un mécanisme de crédit fiscal, de sorte que quand il y a un régime d'imposition partagé, à la fois le pays source et le pays de résidence ont le droit d'imposer le contribuable. Le pays de résidence accordera généralement un crédit pour tout impôt du pays source.

Dans l'exemple donné un peu plus tôt, si un Canadien reçoit des dividendes d'une source étrangère qui sont assujettis à une convention, un taux d'imposition de 15 p. 100 s'y appliquera. Ensuite, selon les lois du pays et la convention, le Canada imposera le revenu de la personne à hauteur de 30 p. 100, disons. Elle aura droit à un crédit, puisque la convention prévoit un crédit pour l'impôt payé à l'étranger, mais la différence sera payable au Canada.

Les conventions ont également pour effet de réduire les taux d'imposition dans les deux pays (à tout le moins c'est possible) pour assurer un meilleur partage ou faire en sorte qu'il n'y ait pas de double imposition fonctionnelle. En gros, quand il y a une retenue d'impôt sur le revenu brut, le taux applicable peut être très élevé par rapport au revenu net de cette source. Le fait d'abaisser la retenue d'impôt contribue à éviter des taux d'imposition s'apparentant à de l'extorsion.

Le vice-président : Comme aucun autre sénateur ne souhaite vouloir poser de questions, j'aimerais vous remercier au nom du Comité permanent des banques et du commerce, monsieur Champagne, madame Smith et monsieur Ernewein. Je vous remercie d'être venus nous aider à comprendre ce projet de loi. Monsieur Champagne, je vous remercie de la confiance que vous nous manifestez en déposant ce projet de loi au Sénat.

M. Champagne : Merci, honorables sénateurs. Je vous remercie de votre compréhension et de nous aider à tout faire pour que cette mesure soit en place pour les Canadiens à compter du 1er janvier 2017. Je vous remercie de votre temps et de vos questions.

Le vice-président : Êtes-vous d'accord, honorables sénateurs, pour que le comité procède à l'étude article par article du projet de loi S-4, Loi mettant en œuvre une convention et un arrangement en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et modifiant une loi relative à un accord semblable?

Des voix : D'accord.

Le vice-président : Merci. L'étude du titre est-elle reportée?

Des voix : D'accord.

Le vice-président : L'étude de l'article 1, qui contient le titre abrégé, est-elle reportée?

Des voix : D'accord.

Le vice-président : D'accord. Prenons maintenant la loi elle-même. L'article 2 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le vice-président : L'article 3 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le vice-président : L'article 4 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le vice-président : Adopté. L'annexe jointe au projet de loi est-elle adoptée?

Des voix : D'accord.

Le vice-président : C'est l'annexe 1; l'annexe 2 est-elle adoptée?

Des voix : D'accord.

Le vice-président : L'article 1, qui contient le titre abrégé et que nous avions réservé, est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le vice-président : Le titre est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le vice-président : Le projet de loi est-il adopté dans sa totalité?

Des voix : D'accord.

Le vice-président : Merci. Je m'excuse d'être aussi répétitif.

Êtes-vous d'accord pour que je fasse rapport du projet de loi, sans amendement, au Sénat à la première occasion?

Des voix : D'accord.

Le vice-président : Honorables sénateurs, ceci vient conclure notre travail sur ce projet de loi. Je vous remercie infiniment de votre coopération. Nous déposerons notre rapport au Sénat dès que je l'aurai reçu.

La sénatrice Ringuette : Serait-il possible que ce soit ce matin, monsieur le président?

Le vice-président : Il semble que ce soit possible. Nous ferons de notre mieux.

La sénatrice Ringuette : Merci.

Le vice-président : Merci beaucoup. La séance est maintenant levée.

(La séance est levée.)

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