Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule n° 13 - Témoignages du 9 février 2017
OTTAWA, le jeudi 9 février 2017
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, auquel a été renvoyé le projet de loi S-224, Loi sur les paiements effectués dans le cadre de contrats de construction, se réunit aujourd'hui, à 10 h 32, pour l'étude du projet de loi.
Le sénateur David Tkachuk (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour, et bienvenue, chers collègues, invités et membres du public qui suivent les délibérations d'aujourd'hui du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, ici même, dans la salle, ou sur le Web.
Je m'appelle David Tkachuk, et je suis président du comité.
Nous tenons aujourd'hui notre troisième séance d'étude du projet de loi S-224, Loi sur les paiements effectués dans le cadre des contrats de construction. Le projet de loi a été étudié en première lecture au Sénat le 13 avril 2016, et il a été renvoyé à notre comité le 28 novembre.
J'ai le plaisir de souhaiter la bienvenue, durant la première partie de notre séance, à Steven Mackinnon, député de Gatineau, au Québec, et secrétaire parlementaire de la ministre des Services publics et de l'Approvisionnement depuis janvier 2017.
Avant son élection au Parlement en 2015, M. MacKinnon a été vice-président principal d'un cabinet-conseil mondial où il a été directeur de pratique en matière de fusions, d'acquisitions et de communications financières. En fait, Bloomberg a attitré sa pratique en matière de fusions et acquisitions comme étant la plus importante au Canada, et sa firme a été récipiendaire du prix or du Conseil d'affaires Canada-Chine.
Monsieur MacKinnon, merci de comparaître devant nous aujourd'hui, en compagnie de vos fonctionnaires de Services publics et Approvisionnement Canada : Kevin Radford, sous-ministre adjoint, Direction générale des biens immobiliers; et David Schwartz, directeur général, Direction générale des approvisionnements, Secteur de la gestion des approvisionnements commerciaux et alternatifs.
J'ai cru comprendre que vous souhaitiez formuler certaines observations liminaires, monsieur MacKinnon, après quoi nous passerons à une période de questions et réponses. Étant donné que vous avez certaines responsabilités dont vous devez vous acquitter à la Chambre des communes, j'ai cru comprendre que vos fonctionnaires resteraient parmi nous si vous deviez nous quitter avant la fin de la période de questions et réponses.
Veuillez nous présenter vos observations liminaires, après quoi nous passerons aux questions.
[Français]
Steven MacKinnon, député, secrétaire parlementaire de la ministre des Services publics et de l'Approvisionnement : Merci, monsieur le président. C'est la première fois que je comparais devant un comité sénatorial. Vous me pardonnerez si j'enfreins vos protocoles, qui ne sont pas les mêmes à l'autre endroit. Je dois partir à 11 heures pour rejoindre la ministre dans d'autres fonctions.
Monsieur le président, chers membres du comité, je vous remercie de me donner l'occasion de prendre la parole devant vous aujourd'hui pour discuter du projet de loi S-224, Loi sur les paiements effectués dans le cadre de contrats de construction. Nous reconnaissons tous que le paiement sans délai est une bonne chose pour l'industrie de la construction et nous sommes tous d'accord avec l'esprit et les principes du projet de loi.
Hier, des témoins ont mentionné aux membres du comité certaines répercussions que peuvent avoir les retards dans les paiements. Il est important de souligner que les petites et moyennes entreprises sont essentielles pour garantir la santé économique du Canada. Nous savons que ces entreprises sont le plus à risque lorsque les paiements ne se rendent pas aux niveaux inférieurs de l'industrie. En effet, les paiements en retard ou une absence de paiement peuvent créer un important fardeau et entraver leurs capacités financières. Même un léger retard dans le paiement d'une ou de deux factures peut faire peser une pression financière sur les plus petites entreprises. Cela signifie que des emplois et des moyens de subsistance sont à risque et que des familles pourraient être confrontées à des difficultés indues.
Nous pouvons prendre des mesures pour nous conformer à l'esprit et à l'intention de ce projet de loi.
[Traduction]
Toutefois, nous devons reconnaître en même temps le progrès que réalisent nos provinces, auxquelles est dévolue la compétence en la matière, et avec lesquelles nous collaborons étroitement afin de veiller à ce que ces pratiques exemplaires puissent se développer.
Premièrement, j'aimerais expliquer les mesures prises par Services publics et Approvisionnement Canada pour favoriser les paiements sans délai. Notre gouvernement inclut déjà certaines mesures dans ses marchés qui favorisent des pratiques de paiement sans délai. Par exemple, les entrepreneurs et fournisseurs qui font affaire avec le gouvernement fédéral doivent être payés dans les 30 jours suivant la réception de la facture. Les factures qui ne sont pas payées à l'intérieur de ce délai obligatoire portent des intérêts.
[Français]
À l'heure actuelle, les ministères fédéraux paient 90 p. 100 de leurs factures à temps. Ce taux est encore plus élevé pour Services publics et Approvisionnement Canada, qui traite un peu plus des trois quarts de l'ensemble des services de construction acquis par le gouvernement fédéral. Le ministère paie 96 p. 100 des factures dans les 30 jours. Quant aux 4 p. 100 restants, la grande majorité des factures, soit 80 p. 100, sont payées dans les 31 à 60 jours. À Services publics et Approvisionnement Canada, nous affichons un excellent bilan en ce qui a trait aux paiements versés à nos entrepreneurs, mais nous voulons également nous assurer que les autres intervenants dans la chaîne de paiement sont traités équitablement.
Il y a aussi des obligations claires à respecter à cet égard. En ce qui concerne les contrats de construction gérés par Services publics et Approvisionnement Canada, les entrepreneurs principaux sont tenus d'accompagner chaque facture d'une déclaration statutaire selon laquelle ils ont satisfait à toutes leurs exigences légales relatives au paiement.
Pour les contrats de construction de plus de 100 000 $, le ministère exige également des garanties contractuelles, par exemple un cautionnement de paiement de la main-d'œuvre et des matériaux, qui contribue à protéger les sous-traitants en cas de non-paiement.
[Traduction]
Ces exigences jouent toutes un rôle essentiel pour favoriser les paiements sans délai dans le cadre de contrats de construction, et elles ont établi la norme en matière d'approvisionnement dans ce domaine. Nous avons une fondation solide en place qui nous permet de faire affaire des manières les plus efficaces et rentables possibles tout en protégeant l'intégrité du processus contractuel.
SPAC a également une bonne réputation pour ce qui est de collaborer avec l'industrie et les intéressés à régler les problèmes qui peuvent surgir en matière de contrats et d'approvisionnement. Au printemps de 2016, la ministre Foote a donné instruction à SPAC et ses fonctionnaires de collaborer étroitement avec l'industrie à tenter de trouver des façons d'améliorer les modalités et les pratiques de paiement à tous les niveaux de la chaîne d'approvisionnement.
Ces discussions initiales ont évolué en un groupe de travail mixte gouvernement-industrie dirigé par Services publics et Approvisionnement Canada, Construction de Défense Canada et l'Association canadienne de la construction. Afin de veiller à recueillir toutes les observations de tous les intervenants susceptibles d'améliorer les pratiques de paiement sans délai, nous avons également consulté la National Trade Contractors Coalition of Canada, que j'ai eu le plaisir de rencontrer l'autre jour, ainsi que les provinces et les territoires. La responsabilité à l'égard de cette question est partagée entre l'industrie et le gouvernement, et il est essentiel que nous adoptions une démarche concertée et intégrée pour trouver des solutions qui puissent être mises en pratique.
Le groupe de travail a concentré ses efforts sur la recherche de solutions envisageables qui amélioreraient la ponctualité des paiements d'un bout à l'autre de la chaîne et répondraient aux besoins de l'industrie. À mesure que des solutions sont cernées pour améliorer les pratiques de paiement sans délai, la ministre a donné instruction à SPAC de prioriser leur mise en œuvre rapide dans les processus de notre ministère. Les résultats aideront à décider si certaines de ces solutions peuvent être utilisées ailleurs, par exemple, dans les marchés de construction accordés par d'autres ministères.
[Français]
Le groupe de travail convient qu'il faut améliorer la transparence, en particulier pour ce qui est de l'information relative aux contrats de construction et aux paiements. Dans cette optique, le ministère envisage de divulguer publiquement la date de versement des paiements aux entrepreneurs principaux, ce qui permettrait aux échelons inférieurs de savoir à quel moment ils peuvent s'attendre à recevoir un paiement ou exercer leurs droits contractuels respectifs.
[Traduction]
Bien que j'applaudisse ces efforts visant à améliorer les pratiques de paiement sans délai, il y a certaines difficultés. Premièrement, en vertu de la Constitution canadienne, les contrats de construction relèvent de la compétence provinciale en matière de propriété et de droits civils. Cela peut donner lieu à des conflits de compétences et à des contestations judiciaires relativement à la loi proposée. De plus, le projet de loi S-224 ne prévoit aucune sanction imposable aux entrepreneurs et sous-traitants qui manquent aux dispositions du projet de loi. Il pourrait s'ensuivre des recours en justice contre le gouvernement fédéral pour ne pas avoir forcé un entrepreneur à s'acquitter de ses obligations.
De plus, il n'y a aucun mécanisme permettant au gouvernement de connaître l'identité de toutes les entreprises qui travaillent sur un projet ni de connaître les modalités et conditions des contrats aux échelons inférieurs de la chaîne de sous-traitance. Il n'est donc pas possible pour le gouvernement d'assurer le paiement sans délai d'entreprises avec lesquelles il n'a aucun lien contractuel.
[Français]
Bien que nous appuyions entièrement l'intention et l'esprit du projet de loi, nous ne pouvons pas obliger la Couronne à entretenir une relation avec des sous-traitants et à assumer de nouvelles responsabilités là où il ne devrait pas y en avoir. Pour cette raison, notre gouvernement ne peut pas appuyer le projet de loi S-224.
Une énergie et une mentalité nouvelles animent notre collaboration avec nos collègues de l'industrie, des provinces et des territoires, et je suis persuadé qu'ensemble, nous pourrons améliorer toute la chaîne de paiement. Elles témoignent de notre engagement à être plus réactifs et soulignent l'importance du paiement sans délai, en particulier pour les petites et moyennes entreprises.
Alors que nous tentons de régler ce problème par divers moyens, la ministre poursuit ses communications avec ses homologues provinciaux et territoriaux. Un rapport récent commandé par le gouvernement de l'Ontario, qui a fait l'objet d'une discussion devant ce comité, si je comprends bien, propose diverses solutions pour les sous-traitants qui réclament des paiements à l'entrepreneur principal. Il s'agit d'un modèle de loi sur le paiement sans délai.
Je comprends également que les gouvernements de l'Ontario et du Québec ont l'intention de mettre en œuvre une loi ou un règlement sur le paiement sans délai en 2017. Les activités fédérales et provinciales doivent être soigneusement harmonisées afin d'éviter les chevauchements, l'incompréhension, une fausse interprétation ou des infractions juridictionnelles. Des communications continues permettront de faire en sorte que nos initiatives respectives puissent s'appuyer sur l'information et les données les plus récentes.
Nous continuons de collaborer avec nos collègues des provinces et des territoires sur ces initiatives en vue d'améliorer le paiement sans délai pour les sous-traitants, les gens de métier et les fournisseurs. De plus, nous continuerons d'examiner d'autres mesures administratives et contractuelles dans le but de trouver des façons d'améliorer le paiement sans délai.
Monsieur le président, honorables sénateurs, je vous remercie de votre attention. C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
[Traduction]
Le président : Monsieur le ministre, si ce que vous dites est vrai, à savoir que 90 p. 100 des contrats sont payés par le gouvernement dans les 30 jours, ce projet de loi s'appliquerait en réalité principalement aux entrepreneurs généraux.
M. MacKinnon : C'est exact.
Le président : En quoi ce serait source de préoccupation pour le gouvernement que de demander aux entrepreneurs généraux de payer dans les 30 jours si vous payez dans les 30 jours? En quoi cela serait-il une préoccupation pour vous si ce projet de loi touche essentiellement les entrepreneurs généraux?
M. MacKinnon : Essentiellement pour les deux raisons que j'ai évoquées. La première est que nous craignons que ce projet de loi puisse entrer en conflit avec des dispositions constitutionnelles existantes et puisse mener à des conflits de compétences en matière de droit des sûretés, de droit des contrats et de réglementation générale de l'industrie de la construction.
Deuxièmement, nous craignons, comme je l'ai dit dans mon discours, que les sous-traitants ou les entrepreneurs le long de la chaîne contractuelle, avec lesquels nous n'avons aucune relation contractuelle, fassent exécuter ou cherchent à faire exécuter contre Sa Majesté des dispositions dont nous n'avons aucune connaissance.
Le sénateur Plett : Je suis d'accord avec le président. Je pense que le gouvernement ne saisit même pas ce que cette loi vise à faire. J'ai un document de deux pages qui est en voie d'être traduit pour que tous les sénateurs puissent le lire avant l'examen article par article, qui a été rédigé par un expert en droit constitutionnel, M. Gerald Chipeur, de Miller Thomson S.E.N.C.R.L., s.r.l., qui affirme sans équivoque que ceci est à 100 p. 100 de compétence fédérale. Il s'agit clairement de travaux qui sont réalisés sur des terres de la Couronne et vous ne pouvez pas séparer les deux. Cela, chers collègues, est en cours de traduction, et vous l'aurez avant la prochaine séance.
Vous avez dit que ceci était de compétence provinciale, monsieur MacKinnon. Pourtant, votre groupe de travail a rencontré la National Trade Contractors Coalition lundi et il a clairement affirmé que les provinces avaient laissé savoir que si une loi sur les paiements sans délai était édictée d'abord par le gouvernement fédéral, cela aurait l'effet d'un catalyseur qui inciterait les provinces à commencer à travailler à l'élaboration de mesures législatives dans leurs ressorts respectifs.
Comment conciliez-vous ce que vous nous avez dit aujourd'hui avec les propos de votre groupe de travail lorsqu'il dit que le gouvernement fédéral doit faire cela en premier et les provinces suivront ensuite?
M. MacKinnon : Globalement, nous pensons que le gouvernement fédéral a la responsabilité d'être un chef de file dans ce domaine et de démontrer par ses pratiques contractuelles et autres qu'il peut susciter des changements et des améliorations dans l'industrie. Je ne suis pas au courant de l'avis juridique que vous mentionnez, mais nous sommes inquiets des chevauchements et des conflits de compétences que ce projet de loi pourrait causer. Nous pensons qu'en travaillant en collaboration avec les provinces et en nous assurant que leurs régimes sont mis à jour, nous pouvons en arriver à un régime que nous appuyons tous.
Comme je l'ai aussi mentionné, nous appuyons l'esprit et l'intention de ce projet de loi, mais peut-être que nous ne sommes pas d'accord sur les moyens d'y arriver.
Le sénateur Plett : Ils ne disent pas que vous seriez le chef de file. Ils disent que le gouvernement fédéral doit édicter cette loi. Ils ne sont pas mécontents que vous marchiez sur leurs plates-bandes. Ils pensent que vous devez édicter cette loi.
Vous dites, et peut-être avec raison, que le gouvernement fédéral a une feuille de route raisonnable en fait de paiement ponctuel de ses factures. Travaux publics paie 96 p. 100 de je ne sais combien de milliards de dollars de travaux chaque année. Je ne me vanterais pas de payer environ 96 p. 100 de mes factures sans délai quand cela oblige tout de même une centaine de bonnes entreprises au Canada à fermer leurs portes parce que quelqu'un plus bas dans la chaîne alimentaire ne les paie pas.
Nous ne vous demandons pas de vous assurer qu'ils font cela. Nous demandons un recours permettant aux entrepreneurs de suspendre les travaux et recourir au processus de règlement des différends pour obtenir l'argent qui leur est dû. Nous ne vous demandons pas de payer en double.
Tous les partis, y compris le Parti libéral, appuyaient ces mesures avant que vous preniez le pouvoir. Nous avons un député libéral qui veut promouvoir ce projet de loi dans l'autre chambre. Tous les partis y compris le vôtre, monsieur, ont appuyé ces mesures avant l'élection. Les travaux à cet égard sont en cours depuis trois ans.
Ce projet de loi a été déposé à la Chambre en avril, et aujourd'hui, deux jours avant que nous voulions passer à l'examen article par article, tout à coup, vous découvrez que vous ne l'appuyez pas, alors que la ministre a dit au Sénat qu'elle l'appuyait.
M. MacKinnon : Je ne peux pas parler de tout le passé. Ce que je peux dire, c'est que nous sommes fondamentalement d'accord avec l'esprit et l'intention. Ce sur quoi nous ne sommes pas d'accord, c'est sur les dispositions précises de ce projet de loi. Nous avons des préoccupations d'ordre juridique relatives à des recours contre l'État et à la possibilité d'un empiétement sur la compétence des provinces.
Le sénateur Plett : Mais il n'y a rien dans le projet de loi qui dit que qui que ce soit présentera une demande à l'État.
La sénatrice Ringuette : Je vais commencer par un commentaire. Bien que vous affirmiez que le gouvernement et le ministère ont de bonnes intentions, si la bonne intention de travailler sur cette question existait vraiment, la National Trade Contractors Coalition ferait partie du groupe de travail que vous avez mis sur pied. Peut-être que la première suggestion serait de prendre l'initiative d'inclure les entrepreneurs spécialisés dans la discussion.
Pour ce qui concerne l'autre commentaire au sujet des contrats de fourniture et de services, et ainsi de suite, je ne vois rien dans ce projet de loi qui impose quelque règle ou règlement ou action en justice que ce soit en ce qui a trait aux fournitures et aux services. Ce que nous voyons dans ce projet de loi, ce sont des dispositions qui permettraient à un sous-traitant d'être payé par l'entrepreneur total.
Il n'y a aucune contrainte juridique imposée au gouvernement fédéral. Le projet de loi prévoit seulement un recours permettant aux sous-traitants d'être payés par les entrepreneurs généraux. Je suis embêtée par cela, parce qu'il n'y a aucun accroissement de la charge de travail en ce qui a trait à la passation de marchés par le gouvernement fédéral. Pourriez-vous fournir davantage d'explications, parce que j'ai vraiment beaucoup de difficulté à comprendre cette position?
M. MacKinnon : Pour ce qui concerne votre premier point, je crois comprendre que la NTCCC faisait partie de l'Association canadienne de la construction auparavant et qu'elle n'en fait plus partie. On est pleinement disposé à l'inclure dans les groupes de travail et les séances de travail qui pourraient avoir lieu. En fait, comme je l'ai mentionné, il y a déjà eu des interactions avec elle. Je pense qu'on est pleinement disposé à continuer à travailler avec elle sur cette question.
Pour ce qui concerne votre deuxième point, avant que je cède la parole à M. Radford, je dirais simplement que la codification des comportements dans l'industrie de la construction est généralement reconnue, contrairement à ce qui est le cas au Royaume-Uni, en Nouvelle-Zélande et dans d'autres ressorts qui ont été cités, comme quelque chose qui relève clairement de la compétence des provinces au Canada.
Réglementer les contrats et les conditions entre des parties avec lesquelles la Couronne peut avoir ou non des rapports est quelque chose que je considère comme très problématique. Peut-être que je demanderai à M. Radford d'élaborer là-dessus.
Kevin Radford, sous-ministre adjoint, Direction générale des biens immobiliers, Services publics et Approvisionnement Canada : Pour ce qui concerne le premier point relatif à la NTCCC et à l'ACC, je copréside une réunion régulièrement avec l'ACC.
Le président : Pourriez-vous expliquer le sigle, s'il vous plaît, pour les gens qui écoutent?
M. Radford : Je vous demande pardon. Il s'agit de l'Association canadienne de la construction. Nous avons offert de faire cela ensemble, et j'ai cru comprendre que les deux parties ne voulaient pas le faire ensemble. Nous travaillons avec l'ACC, l'Association canadienne de la construction, officiellement dans le cadre d'un groupe de travail. Nous nous sommes réunis quatre fois. Nous avons ensuite rencontré la NTCCC, mais, dans ce cas, c'était à leur demande. Nous sommes heureux de renouveler l'offre, simplement pour clarifier les choses.
Pour ce qui concerne les aspects juridiques du projet de loi et la charge de travail accrue ou les problèmes pour SPAC, Travaux publics, de notre point de vue, peut-être que je vais prendre un exemple pratique. Disons que nous avons un entrepreneur principal qui travaille sur un établissement donné, disons à Vancouver, qui fournit le terrain, l'établissement et les services d'entretien, nous avons conclu notre contrat avec l'entrepreneur principal. L'entrepreneur principal aurait peut-être ensuite un sous-contrat pour les services de nettoyage. L'entrepreneur principal a une relation avec ce sous-traitant, et ensuite, ce sous-traitant a peut-être un contrat national pour le nettoyage, mais un sous- traitant à Vancouver.
Nous ne savons rien de la relation contractuelle sauf avec notre entrepreneur principal.
La sénatrice Ringuette : C'est exactement ce que je dis. Dans ce projet de loi, il n'y a aucune obligation en ce qui a trait au gouvernement du Canada ou en ce qui a trait à Travaux publics. Les obligations et les dispositions visent le niveau de contrat et la relation entre l'entrepreneur principal et les sous-traitants et peut-être les sous-sous-traitants dans certains cas.
J'ai de la difficulté à comprendre pourquoi vous seriez négligents. Je ne comprends vraiment pas. Cela ne concerne pas vraiment le gouvernement fédéral sauf que c'est dans la description de tâches de Travaux publics. Cela n'exige absolument aucun travail additionnel de la part de Travaux publics. Cela se passe entre l'entrepreneur et le sous- traitant.
Qu'y a-t-il véritablement derrière ce que je perçois comme étant de l'opposition de votre part?
M. Radford : Je vais m'en remettre à notre autorité en matière de contrats.
David Schwartz, directeur général, Direction générale des approvisionnements, Secteur de la gestion des approvisionnements commerciaux et alternatifs, Services publics et Approvisionnement Canada : Les difficultés que nous voyons concernent le gouvernement du Canada, et je vais utiliser l'exemple de SPAC, qui conclut un contrat avec quelqu'un pour exploiter nos établissements. Nous avons décrit la chaîne d'approvisionnement jusqu'au nième degré. Nous ne sommes nullement en cause dans cette transaction commerciale entre ces deux entités privées à l'heure actuelle.
La sénatrice Ringuette : Oui, exactement.
M. Schwartz : Nous croyons comprendre que le projet de loi proposé nous ferait jouer un rôle là-dedans. S'il y avait un différend entre deux entités du secteur privé, un petit entrepreneur en électricité qui n'est pas payé en temps opportun demanderait l'aide du gouvernement du Canada. Cela serait quelque peu difficile pour nous parce que nous ne sommes pas parties à cette transaction commerciale.
La sénatrice Ringuette : Où voyez-vous dans ce projet de loi qu'un entrepreneur privé chercherait à obtenir quelque forme d'indemnité que ce soit du gouvernement du Canada? Où voyez-vous cela dans ce projet de loi?
M. Schwartz : Pas expressément, mais c'est sous-entendu.
La sénatrice Wallin : Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous pensez que vous êtes maintenant vulnérables aux plans constitutionnel ou juridique? Ce n'est pas écrit dans le projet de loi. Ce n'est pas là. Le projet de loi ne dit pas que le gouvernement fédéral est responsable. Pourquoi pensez-vous cela?
Vous avez cité certaines choses. Il n'y a aucune sanction qui pourrait mener à un recours contre le gouvernement fédéral. Il n'y a aucun mécanisme permettant de connaître les détails relatifs aux sous-contrats, donc nous ne pouvons pas être tenus responsables. Il n'y a aucune réparation dont vous devez répondre. Quels sont les arguments constitutionnels dans votre esprit?
M. Schwartz : Sénatrice, je ne suis pas avocat, mais, selon ce que je comprends de ce projet de loi, celui-ci impose des délais de paiement. C'est là l'objectif. Le gouvernement du Canada donne l'exemple. Nous avons un délai très clair de 30 jours, et nous payons à l'intérieur de ces 30 jours 96 p. 100 du temps. Des autres 4 p. 100, 80 p. 100 de cela est payé.
La sénatrice Wallin : Je pense que personne ne conteste cela.
M. Schwartz : Nous ne sommes pas parties à cette transaction. Selon notre compréhension de ce projet de loi, celui- ci impose des délais de paiement semblables à ceux que le gouvernement du Canada...
La sénatrice Ringuette : Non, il ne le fait pas.
Le sénateur Massicotte : J'aimerais simplement faire un commentaire. Je sais que vous citez un pourcentage élevé relativement aux paiements sans délai, mais j'entends des commentaires en sens contraire au sujet de votre pourcentage. J'entends aussi parler de beaucoup de paiements retardés relativement à des retenues. En fait, j'ai vécu une expérience personnelle dans une vie précédente à celle-ci lors de laquelle il avait fallu quelques années pour obtenir les retenues du gouvernement fédéral. Il ne semble pas y avoir d'urgence, mais peut-être que vous vous êtes améliorés entre-temps en mobilisant des fonds adéquats.
Nous sommes tous en désaccord ou nous avons tous un avis différent au sujet de la loi proposée. Toutefois, l'amélioration la plus importante est le règlement rapide des différends. Tout le monde soutient qu'il pourrait y avoir de véritables différends, et il y en a probablement — c'est la vie; ce sont les affaires — mais il vous faut quelqu'un pour les régler rapidement afin que les gens puissent être payés.
Vous avancez l'argument de la Constitution, mais y a-t-il quoi que ce soit dans la Constitution qui vous empêcherait de créer un mécanisme de règlement rapide des différends? Si vous regardez l'expérience au Royaume-Uni et vous regardez le système américain, ils accordent de l'importance au règlement des différends, et cela semble régler le problème dans une large mesure. Est-ce que l'argument constitutionnel s'applique à cela aussi?
M. Radford : Nous ne sommes pas des avocats constitutionnalistes, d'abord et avant tout. Premièrement, pour ce qui concerne les allusions au Royaume-Uni et aux États-Unis, selon ce que nous comprenons de ce qu'ils ont mis en place au niveau fédéral, cela concerne les délais de paiement de l'ordre de 30 jours. Au niveau du gouvernement fédéral ici nous faisons exactement la même chose.
Deuxièmement, ils ont demandé des déclarations exigées en vertu de la loi qui disent que lorsque le gouvernement fédéral paie l'entrepreneur, il a effectivement effectué ses paiements aussi conformément aux termes de son contrat. Nous faisons cela aussi.
Le troisième élément était dans une large mesure les cautionnements qui sont contractés à des fins d'assurance, de sorte que s'il se produit quelque chose en amont de la chaîne où les paiements sont à risque, ils peuvent recourir à l'assurance. Nous suivons également cette pratique.
Le sénateur Massicotte : Qu'en est-il de ma question au sujet du règlement des différends? Nous convenons tous que cela est très bon. Le contrat est clair et les délais de paiement sont clairs. Il n'y a pas de différend. Le contrat type est très clair. C'est habituellement 30 jours, mais il y a parfois des différends.
Les gens peuvent trouver des excuses pour retenir un paiement parce qu'ils n'aiment pas la couleur ou ce n'est pas ce que disaient les plans ou les devis techniques. Êtes-vous en désaccord avec le règlement des différends? Y a-t-il un argument constitutionnel, qui est au cœur de votre argumentation, concernant le règlement rapide des différends comme on l'observe dans de nombreux pays et aux États-Unis?
M. Schwartz : Nous voulons nous assurer que, plus bas dans la chaîne, les gens qui ne sont pas payés disposent d'un mécanisme pour être payés.
Le sénateur Massicotte : Autrement dit, vous n'êtes pas trop sûr de la réponse à ma question, mais vous n'êtes pas contre le principe.
M. Radford : Non, pas contre le principe.
Le sénateur Massicotte : Est-ce qu'il arrive que le gouvernement fédéral paie des intérêts sur des paiements tardifs? À l'évidence, 10 p. 100 du temps, vous êtes en retard. Payez-vous des intérêts?
M. Schwartz : Nous payons toujours des intérêts.
Le sénateur Massicotte : Quel pourcentage?
M. Schwartz : Il y a un taux régulier.
Le sénateur Massicotte : Dans un contrat type.
M. Schwartz : La même chose existe lorsque nous effectuons des retenues sur un montant contesté, s'il y a un différend entre nous-mêmes et l'entrepreneur général, que nous appelons l'entrepreneur principal. Par exemple, si c'est pour 1 000 $ et il y a 200 $ contestés, nous paierons les 800 $ dans les 30 jours, nous réglerons le différend relatif à ces 200 $, et nous paierons des intérêts sur ces 200 $ parce que nous aurons tardé à payer.
Le président : Ce seront les mêmes intérêts que vous m'imputez lorsque je ne paie pas Revenu Canada, n'est-ce pas?
Le sénateur Black : Je tiens à signaler au greffier qu'il est important que nous entendions un représentant du ministère de la Justice. Il y a indubitablement une bonne raison qui explique pourquoi l'avocat du ministère de la Justice n'est pas ici, mais il est très important que nous entendions un représentant du ministère fédéral de la Justice.
Le président : Ils n'ont fourni aucune raison à leur annulation.
Le sénateur Black : Ce pourrait être le temps qu'il fait.
La sénatrice Ringuette : N'oubliez pas que nous avons le pouvoir d'assignation.
Le sénateur Black : Je vous laisserai le soin d'y voir si vous l'estimez pertinent. Malheureusement, le député à qui j'allais présenter mon résumé est parti. Monsieur Radford, est-ce que je peux vous résumer ce que je pense que j'ai entendu et vous pourrez soit différer votre réponse ou l'exprimer séance tenante selon ce qui vous convient?
Si j'ai bien compris les témoignages, il y a une reconnaissance claire d'un problème ici. Nous reconnaissons tous qu'il y a un problème. La démarche que vous préconisez pour vous attaquer au problème passe par une série de groupes de travail ou peut-être un seul. Est-ce exact?
M. Radford : Plus d'un, oui. Nous travaillons aussi au sein d'un comité. Nous avons un comité qui réunit des représentants fédéraux, provinciaux et territoriaux. Nous abordons le problème entre ordres de gouvernement et nous apprenons les uns des autres en discutant de pratiques exemplaires.
Le sénateur Black : Il s'agirait d'un sujet d'actualité au sein de votre ministère.
M. Radford : Oui.
Le sénateur Black : J'ai entendu le ministre clairement dire qu'il ne croit pas que ce projet de loi aiderait à régler le problème selon la définition que l'on en donne et que, par conséquent, il ne l'appuiera pas. C'est ce que je l'ai entendu dire.
Quand est-ce que les groupes de travail dont vous avez parlé présenteront leurs rapports respectifs? Quelle est votre intention à cet égard? Est-ce que le gouvernement du Canada prêtera la moindre attention aux recommandations qu'ils feront?
M. Radford : Il y a 14 mesures à prendre qui se sont dégagées des groupes de travail avec l'ACC. Nous avons également arrêté et approuvé une stratégie de mobilisation des groupes d'intéressés à tous les niveaux ensemble.
Permettez-moi d'utiliser quelques exemples de communication de renseignements utiles liés aux paiements sans délai. Nous tentons de soumettre une proposition à la discussion avec l'Association canadienne de la construction, et celle-ci appuie notre proposition. Celle-ci consisterait à rendre disponible sur notre site web suffisamment de renseignements pour que les sous-traitants aux échelons inférieurs de la chaîne puissent constater que l'entrepreneur principal a été payé.
Nous sommes prêts à faire cela. Nous avons ajusté notre système de telle sorte que nous serions disposés à faire cela vers le début du nouvel exercice, disons au cours du premier trimestre de l'exercice 2017-2018. Nous tentons de nous assurer que les renseignements que nous affichons sur notre site web le sont avec l'assentiment de tous. Le groupe de travail est vraiment une affaire de collaboration.
Un autre thème majeur sur lequel nous nous sommes penchés est : Quels sont les principes? Tout le monde est d'accord avec les paiements sans délai. Pour revenir à votre point précédent, sénateur, la transparence en matière de paiement sans délai est importante. Même parvenir à un consensus sur le mot, la transparence est importante tout comme notre responsabilité partagée et l'urgence de la mettre en pratique. Ce sont là des principes fondamentaux qui sous-tendent l'ensemble du plan d'action.
Nous avons également examiné la question de l'équité des dispositions contractuelles jusqu'au bas de la chaîne. Je devrais mentionner que Construction de Défense Canada participe également à ce groupe de travail. Je ne l'avais pas dit plus tôt.
Pour tous les contrats que nous instaurons, nous élaborons des modalités et conditions qui font écho aux principes dont nous avons discuté relativement au paiement sans délai. L'industrie examine ensuite les modèles que nous présentons et demande comment ils utilisent effectivement ces modèles en descendant dans la chaîne de manière à pouvoir effectivement en faire des contrats ayant force de loi. C'est là un autre domaine de la relation entre l'entrepreneur principal et le sous-traitant, une chose à laquelle nous n'avons pas accès dans l'état actuel du droit.
Une autre des mesures à prendre concerne le processus de certification des paiements. À l'heure actuelle, le Conseil du Trésor établit la politique pour nous. La politique est aussi en voie de renouvellement en ce moment. Toutefois, comme nous travaillons avec le Conseil du Trésor, nous pourrions peut-être nous pencher sur la politique des 30 jours et peut-être déplacer cela vers la gauche, pourvu que nous puissions tout de même faire notre vérification diligente. Nous devons nous assurer que la peinture est de la bonne couleur — ce qui, je pense, était un des commentaires plus tôt — avant de signer. Il s'agit d'un autre domaine vers lequel nous travaillons.
Je pourrais continuer; il y en a 14. Une autre mesure qui pourrait être d'intérêt est le règlement de différends parce qu'une partie de notre conversation antérieure concernait la question de savoir qu'est-ce qui préoccupait SPAC ou le gouvernement relativement au règlement des différends.
Nous avons un bon processus de règlement des différends. Nous échangeons aussi avec les membres du groupe de travail. L'industrie examine certains de ses documents contractuels actuels pour le compte des membres de l'Association canadienne de la construction et elle étudie les modèles d'ententes particulières entourant la relation entre l'entrepreneur principal et le sous-traitant. Une partie de la responsabilité partagée consisterait à ce que nous commencions à utiliser le même type de contrat afin que nous n'ayons pas le paiement de 90 jours ou le paiement de 120 jours, et cetera.
La dernière est l'éducation. Comment nous assurons-nous que les petites et moyennes entreprises sont au courant de leurs droits et obligations? Comment procèdent-elles en cas de différend? Le groupe de travail examine des programmes de formation pour aider à uniformiser l'information afin que toutes les petites et moyennes entreprises comprennent leurs droits et afin de mieux les outiller soit lorsqu'elles démarrent leur entreprise dans le secteur ou lorsqu'elles se butent à un problème dans le secteur.
Voilà certains exemples sur lesquels nous avons travaillé.
Le sénateur Black : Pourriez-vous laisser ce document au greffier?
M. Radford : Oui.
La sénatrice Moncion : Je comprends comment cela fonctionne au Canada. Étant donné que nous avons des provinces, il y a des lois dans chaque province sur la construction. Ensuite, il y a des lois du gouvernement fédéral.
Notre préoccupation concerne davantage la position du gouvernement fédéral. Je comprends qu'au plan provincial, vous ne pouvez pas réglementer, mais vous pouvez travailler avec les provinces à régler le problème. Je ne suis pas nécessairement certaine que le problème se situe au niveau fédéral. Il se peut que je me trompe. Si vous regardez le Royaume-Uni, la Nouvelle-Zélande et l'Australie, les dispositions législatives sur le paiement sans délai se sont avérées efficaces.
J'ai été prêteuse pendant longtemps, et j'ai prêté à des sociétés de construction. Je comprends comment les choses fonctionnent, les rapports d'étape qui doivent être présentés, et certaines des irrégularités relevées parce que des travaux n'ont pas été exécutés en conformité avec le contrat. Ces genres de différends viennent avec les prêteurs, les paiements et tout cela. Toutefois, je ne comprends pas la position du gouvernement lorsqu'il dit que l'on n'en n'a pas nécessairement besoin.
Je pense qu'il s'agit simplement de donner l'exemple. Ce que nous prévoyons ici, ce n'est pas nécessairement une loi qui est si exigeante pour le gouvernement. Je comprends les choses que vous voulez mettre là-dedans. Je comprends que vous ne pouvez pas aller plus loin en tant que gouvernement fédéral. Vous ne pouvez pas réglementer des contrats qu'il ne vous appartient pas de réglementer parce que les travaux ont été faits, mais quel est l'obstacle? Qu'y a-t-il de mal dans ce que nous proposons qui rend le gouvernement mal à l'aise? Qu'est-ce qui vous fait venir à nous et nous dire que vous n'appuierez pas ce projet de loi?
M. Radford : Encore une fois, je ne suis pas un avocat constitutionnaliste, mais les conseils que nous avons reçus du ministère de la Justice dans le domaine précis comportaient deux volets.
Nous avons cherché de la jurisprudence sur les questions. La question que soulevait le projet de loi était une question de compétence en vertu de la Constitution et de constitutionnalité du projet de loi. En ce qui a trait à la constitutionnalité au regard de la propriété et des droits civils, cet élément relevant de la compétence provinciale, selon les conseils que nous avons reçus, il se pourrait que nous provoquions des conséquences non voulues relativement à la manière dont le la loi serait édictée, la manière dont elle serait exécutée, et cetera.
Peut-être que la meilleure chose est de vous donner un exemple. Je pense qu'il y a une espèce de question sous- jacente, et je tente d'y répondre. J'ai utilisé l'exemple de Vancouver où les nettoyeurs ne sont pas payés. Ils sont un sous-traitant d'un sous-traitant. Ils ont besoin d'être payés. Ils veulent être payés. Peut-être qu'ils ont arrêté les travaux, et cetera.
Tout le monde comprend que nous n'avons aucune visibilité, alors où iraient-ils pour obtenir une réparation? Je vais prendre un exemple concret : Brookfield Global Solutions a un gros contrat de 23 milliards de dollars avec nous. Elle confie beaucoup des réparations d'entretien de cette entreprise aux sous-traitants et aux sous-sous-traitants. Ils sont avec nous depuis maintenant 18 mois. Nous participons à un processus de gouvernance avec eux dans le cadre duquel nous nous rencontrons toutes les quelques semaines. Maintenant, c'est chaque mois. Les choses semblent bien aller. Nous entendions des rumeurs selon lesquelles ils ne payaient pas sans délai. Ils ne veulent pas avoir la réputation de ne pas payer sans délai, alors ils ont pris des mesures. Nous voyions une moyenne de 60 jours. Ils nous ont procuré tous les renseignements.
C'est là où le gouvernement fédéral peut avoir une influence et où nous avons une influence. Après un certain temps, nous avons réussi à ramener ce délai à 45 jours. Maintenant, ils font 82 p. 100 de tous les paiements qu'ils font à leurs sous-traitants dans les 45 jours, ce qui est beaucoup mieux que 60. Nous pouvons voir des améliorations.
Nous suivons également certaines des conduites des sous-traitants. Brookfield fait cela, et elle partage ses observations ouvertement avec nous. Environ 11 p. 100 d'entre eux envoient leurs factures très tard. Parmi les factures comprises entre les 82 et les 100 p. 100, 11 p. 100 des factures arrivent très tard. Nous tentons d'éduquer, si vous voulez, les comportements sur la façon dont ces factures circulent et la façon dont elles sont réglées depuis notre point de vue. Je pense que le principal problème est celui du caractère exécutoire.
Je vais maintenant retourner à l'exemple de Vancouver. Si, dans ce cas-ci, il est demandé à l'entrepreneur principal de payer, mais celui-ci n'est pas satisfait des services de nettoyage qui lui sont fournis dans les faits, comment gérons- nous cela, étant donné que nous ne savons rien de la nature ni de la teneur de leurs rapports?
Le président : Monsieur Radford, le fonctionnaire du ministère de la Justice n'est pas ici parce qu'il a annulé sa comparution. Je suis certain qu'ils vous auraient donné des conseils par écrit, qu'ils n'auraient pas simplement jasé avec vous au téléphone. Pourriez-vous nous présenter cela? Pourriez-vous convenir de nous envoyer les conseils que les fonctionnaires du ministère de la Justice vous ont donnés, dont vous citez des extraits ici, pour voir ce qu'ils disent exactement?
M. Radford : Oui.
Le président : Puisque vous n'êtes ni l'un ni l'autre un avocat et vous ne pouvez pas l'interpréter, je pense que cela serait utile.
M. Radford : Oui. Je l'ai dit plusieurs fois, que le problème concernait vraiment le thème de la constitutionnalité.
Le président : Avez-vous une réponse écrite de Justice sur cette question?
M. Radford : Oui.
Le président : Vous pouvez donc nous communiquer ce document.
M. Radford : Il s'agit de conseils donnés au ministre, qui sont donc protégés par le privilège du secret professionnel de l'avocat. Je ne sais pas si j'ai le pouvoir de renoncer à ce privilège et de déposer ce document.
Le président : Je suis certain que le ministre pourrait y renoncer. C'est important. Soit cela ou vous pourriez amener le fonctionnaire ici. Peut-être que vous pourriez laisser Justice s'expliquer.
M. Radford : Je suis certain que je n'ai pas le pouvoir requis.
Le président : Je sais que vous ne l'avez pas.
Le sénateur Wetston : J'ai une vaste expérience personnelle touchant le droit constitutionnel, habituellement du côté perdant, malheureusement. Toutefois, j'étais en faveur de l'initiative du gouvernement fédéral.
Je vais vous faire part de ce qui suit : bien souvent, lorsqu'on a affaire à des questions fédérales-provinciales au sein de notre fédération, la Constitution semble s'ériger en grande barrière. Je conviens avec le président qu'il serait utile de mieux comprendre la raison d'être puisque nous avons affaire à une loi.
Les témoins nous ont dit que certains entrepreneurs généraux sont tout simplement assis sur l'argent. Je n'ai pas posé la question suivante hier, mais puisque vous êtes des représentants du gouvernement, je vais vous la poser aujourd'hui. Un individu a dit de manière quelque peu facétieuse qu'ils étaient assis sur beaucoup d'argent, qu'ils en tiraient beaucoup d'intérêts et de dividendes, et qu'ils le retenaient. Si vous saviez cela, vous voudriez peut-être y faire quelque chose, si vous le pouviez. Je vous demanderais d'examiner la question. De plus, ils donnaient à entendre qu'ils obtenaient beaucoup de points sur des CPG, et j'allais demander : pourriez-vous me dire de quel CPG il s'agissait?
Plus respectueusement, monsieur Radford, pourriez-vous demander à vos avocats du ministère de la Justice si vous pourriez invoquer ou non vos pouvoirs constitutionnels résiduels pour édicter une loi précise au champ d'application étroit portant sur la lacune qui a été portée à l'attention de notre comité? Pourriez-vous leur demander si cela pourrait porter sur un mécanisme de règlement des différends efficace, rapide, rentable et peu dispendieux qui pourrait permettre de résoudre la lacune qui a été présentée à notre comité? Demanderez-vous à vos avocats du ministère de la Justice de réfléchir à cela? Vous avez peut-être un commentaire, naturellement.
M. Radford : Nous demanderons à notre avocat du ministère de la Justice, comme nous l'avons mentionné. Nous tentons de faire une différence. Je ne veux pas laisser votre comité sur l'impression que SPAC ne tente pas de faire une différence. Au sein des secteurs industriels avec lesquels nous travaillions par l'entremise de notre groupe de travail, ils sont surpris des progrès que nous avons réalisés dans certains des domaines que nous avons mentionnés, parce qu'ils se parlaient depuis 10 ans.
La ministre nous a donné instruction de collaborer et d'aider à régler le problème. Nous avons travaillé énergiquement avec l'industrie dans les domaines que nous avons mentionnés, notamment le règlement des différends, la communication des paiements sans délai et jouer un rôle directeur dans ces espaces. Nous appuyons l'intention de ce projet de loi à 100 p. 100.
Le sénateur Day : Nous avons parlé d'avocats du ministère de la Justice. Ils sont vraisemblablement détachés à votre ministère. Ce sont des avocats qui demeurent payés par le ministère de la Justice, mais qui travaillent à temps plein sur des questions au sein de votre ministère. Est-ce exact?
M. Radford : C'est exact. En matières constitutionnelles, nous nous fions énormément à eux.
Le sénateur Day : Savez-vous pourquoi l'avocat du ministère de la Justice ou l'avocat détaché n'a pas pu se présenter aujourd'hui?
M. Radford : Non.
Le sénateur Plett : J'ai besoin de faire quelques commentaires. Je tiens à corriger quelque chose. Je ne suis pas certain si c'est M. Radford ou M. MacKinnon qui l'a dit, mais l'un d'eux a dit que la NTCCC ne faisait plus partie de l'ACC.
Afin que cela figure au dossier, la NTCCC n'a jamais fait partie de l'Association canadienne de la construction. Je ne sais d'où ils tiennent qu'elle n'en fait plus partie. Elle n'a jamais été membre de l'ACC. Différents membres de la National Trade Contractors Coalition sont membres de l'Association canadienne de la construction, mais l'organisme, quant à lui, ne l'est pas.
Vous dites, monsieur, que vous appuyez l'intention à 100 p. 100, mais seulement que vous n'appuyez pas à 100 p. 100 la solution. J'imagine que c'est là où est le problème. J'aimerais déposer pour valoir comme ayant été récité au long le commentaire final de Gerald Chipeur. Comme je l'ai dit plus tôt, monsieur le président, le document intégral sera distribué. Le Parlement a compétence pour adopter le projet de loi S-224.
Le président : Vous allez distribuer cela de toute façon.
Le sénateur Plett : Oui.
Le président : Si vous avez une question, sénateur Plett, alors vous pouvez distribuer le document.
Le sénateur Plett : D'accord. Je vais le distribuer, mais je voulais vraiment le lire pour qu'il soit consigné au dossier.
Le président : Il sera dans le dossier s'il est distribué.
Le sénateur Plett : Ce projet de loi, monsieur, n'a pas été présenté sur un coup de tête. Il ne s'agit pas de la première solution proposée. On y travaille depuis des décennies. Tous les groupes de travail, toutes les études — le rapport Reynolds et la Commission Charbonneau — et à peu près tous les pays dans le monde occidental sont arrivés à la même conclusion : des mesures législatives constituent la seule solution à ce problème.
Comme un témoin l'a dit hier, si ce n'est pas exécutoire, ce n'est pas une solution. Constituer encore un autre groupe de travail n'est pas la solution. Des entrepreneurs partout au pays continueront de devoir se retirer des affaires pendant que votre groupe de travail s'affairera à en arriver finalement au même constat.
Mises à part les questions de compétences et les questions constitutionnelles, y a-t-il quelque autre raison pour laquelle le gouvernement n'appuierait pas cela? Il s'agit de la seule raison que l'on me donne. Si nous parvenons à régler cette question, est-ce que vous appuieriez le projet de loi à l'étude?
M. Schwartz : Je vais clarifier le commentaire que j'ai fait plus tôt. Selon ce que je comprends de l'intention de ce projet de loi, c'est qu'il crée une obligation à la charge du gouvernement et des entrepreneurs de payer dans un délai précisé.
Le sénateur Plett : Mais il ne le fait pas.
M. Schwartz : Je vous demande de me pardonner si j'ai mal compris. Le projet de loi est problématique en ce qu'il n'énonce pas clairement quel rôle jouerait le gouvernement pour ce qui est de faire la police — et je vous prie de me pardonner si j'emploie ce terme de manière libérale — ou de voir à l'exécution forcée lorsqu'il y a un désaccord entre deux entités du secteur privé.
Le président : J'ai maintenant le plaisir de souhaiter la bienvenue à nos prochains invités : Yonni Fushman, premier vice-président et suppléant de l'avocat général du Groupe Aecon Inc.; et, à titre personnel, Ted Betts, associé, chef du secteur Infrastructure et construction de Gowling WLG (Canada) S.E.N.C.R.L., s.r.l.
Yonni Fushman, premier vice-président et suppléant de l'avocat général du Groupe Aecon Inc. : Bonjour, mesdames et messieurs les membres du comité. Je suis le premier vice-président et suppléant de l'avocat général du Groupe Aecon Inc.
Le président : Si je comprends bien, le Groupe Aecon Inc. est un entrepreneur général?
M. Fushman : Oui.
Le président : Je tiens à vous féliciter d'être venu ici aujourd'hui.
M Fushman : Nous sommes aussi connus comme les forces des ténèbres, d'après ce que je comprends.
Le sénateur Massicotte : Vous êtes soit très intelligent ou naïf.
M Fushman : Je sens que nous allons nous amuser.
Le président : Je suis désolé. Veuillez procéder, monsieur Fushman.
M. Fushman : C'est un plaisir pour moi de m'adresser à vous aujourd'hui au nom d'Aecon. Nous vous remercions sincèrement de l'invitation à comparaître devant vous sur cette très importante question.
Aecon est un des plus grands entrepreneurs au Canada. Nous sommes fiers d'être Canadiens, et notre entreprise a été créée il y a 140 ans. Aecon exécute des ouvrages partout au Canada, au niveau fédéral et au niveau provincial, dans presque tous les domaines de l'industrie.
La semaine dernière et hier, le comité a entendu des témoignages au sujet des problèmes liés à la lenteur des paiements dans l'industrie de la construction. Le comité a entendu plusieurs fois que le problème de la lenteur des paiements effectués aux sous-traitants était au cœur du problème des entrepreneurs généraux qui abusent de leur pouvoir et refusent à tort d'effectuer des paiements en temps opportun à des sous-traitants.
En tant que représentant du milieu des entrepreneurs généraux, j'aimerais vous présenter un autre point de vue. Les entrepreneurs généraux sont tout aussi intéressés que nos partenaires les entrepreneurs spécialisés à ce que les paiements soient effectués sans délai parce que les entrepreneurs généraux sont la viande dans le sandwich entre le propriétaire qui bénéficie de l'ouvrage et les entrepreneurs spécialisés qui l'exécutent.
Je crois que je parle pour la majorité des entrepreneurs généraux lorsque je dis que les entrepreneurs généraux sont absolument en faveur des paiements sans délai, mais, pour reprendre les paroles de la sénatrice Ringuette la semaine dernière, il faut que les choses soient faites « de la bonne façon ». Le milieu des entrepreneurs généraux s'est opposé au projet de loi 69 de l'Ontario parce que le projet de loi ne faisait pas les choses de la bonne façon, et nous avons constamment appuyé le rapport de Bruce Reynolds parce que ses propositions équilibrées le faisaient.
Je m'adresse à vous aujourd'hui dans le but de signaler certaines dispositions du projet de loi qui n'atteignent peut- être pas encore la cible et de proposer certaines solutions envisageables.
Il importe de poser le problème en reconnaissant à quel point l'industrie canadienne de la construction est vaste et variée. La valeur des projets varie entre des milliers et des milliards de dollars, et ces projets sont réalisés dans le cadre d'un éventail extrêmement varié de formes de contrats, depuis la construction seulement jusqu'au contrat prévoyant la conception, la construction, le financement, l'entretien et l'exploitation du projet. Il importe de reconnaître, lorsqu'on légifère à grands traits, à quel point les contours de la toile sont fins dans la réalité.
Nous croyons qu'il y a certains aspects du projet de loi S-224 qui balayent peut-être trop large par inadvertance. Puisque je suis pressé par le temps, je traiterai seulement de trois de ces questions ce matin.
Mon premier commentaire vise une pierre angulaire du projet de loi, soit les délais de paiement fixes de 30 jours. Ce concept était un des éléments du projet de loi 69 de l'Ontario qui a suscité le plus de résistance de la part du milieu des entrepreneurs généraux parce qu'il s'agit d'une solution unique qui ne conviendra pas à toutes les situations. Nous inviterions le comité à songer à suivre la recommandation de Bruce Reynolds selon laquelle la démarche la plus équilibrée consisterait à permettre aux parties de convenir du moment des factures et que la loi exige qu'à compter de la date à laquelle une facture est présentée convenablement en conformité avec le contrat, le paiement est alors dû dans les 30 jours suivant cette date.
La distinction est importante. Après que deux parties ont convenu de modalités de facturation, il est tout à fait sensé que la loi donne force obligatoire à ces modalités et exige que le paiement soit effectué dans les 30 jours suivant la présentation d'une facture en bonne et due forme. Étant donné la diversité des contrats dans l'industrie, il semble inévitable que des conséquences imprévues et indésirables puissent résulter d'une règle qui exige que tous les contrats soient assujettis à un cycle de facturation rigide de 30 jours. J'ai bon espoir que cette suggestion ne rencontrerait pas d'opposition de la part des entrepreneurs spécialisés qui semblent disposés à l'accepter en Ontario.
Un des autres irritants du projet de loi 69 était qu'il ne comportait aucune disposition du tout sur les paiements d'étape. Je suis heureux de constater que les rédacteurs de ce projet de loi ont aménagé une place aux étapes en permettant que les modalités concernant des étapes dans le contrat principal se répercutent sur les sous-traitants. Dans le cas de ce que j'appellerais des projets conventionnels, cela pourrait bien être suffisant, mais le gouvernement fédéral participe aussi à certains projets d'infrastructure de très grande envergure.
Dans le cadre de projets d'infrastructure majeurs, cette restriction apparemment simple imposée aux paiements d'étape aurait en fait comme conséquence d'accroître considérablement le profil de risque et, partant, le coût de ces travaux. Indépendamment de la structure de paiement prévue aux termes du contrat principal, il est de pratique très courante dans les grands projets d'infrastructure de négocier des paiements d'étape hautement particularisés entre l'entrepreneur général et les divers types d'entrepreneurs spécialisés avec lesquels il sous-traite.
La raison de cette pratique n'est pas d'améliorer la gestion de la trésorerie de l'entrepreneur général, mais plutôt sa gestion du risque. En liant un paiement au parachèvement d'un certain bloc de services plutôt que simplement à la quantité de travail accompli dans un mois, l'entrepreneur général parvient à aligner les motivations des sous-traitants sur les engagements que l'entrepreneur général a pris envers le propriétaire. Ce point peut paraître technique, mais il est important du point de vue de l'intérêt public, parce que moins un entrepreneur général a de souplesse pour gérer convenablement le risque, plus le coût de ce risque est susceptible d'être intégré aux prix des propositions et d'être répercuté sur les contribuables.
Une solution envisageable consisterait à ce que les projets qui correspondent à un certain profil soient soustraits à l'application de tout ou parties du projet de loi. Une autre solution plus directe consisterait encore une fois à suivre le rapport Reynolds et à permettre aux parties de convenir des modalités de facturation, y compris des modalités de paiement d'étape, et à centrer la loi sur l'exécution forcée de ces modalités.
Le troisième et dernier commentaire que j'aimerais faire est que ce projet de loi comporte beaucoup de détails qui n'ont pas encore été définitivement et convenablement fixés. Par exemple, dans le libellé actuel du projet de loi, un entrepreneur général serait réputé accepter la facture d'un sous-traitant cinq jours avant que le propriétaire soit tenu d'aviser l'entrepreneur que le propriétaire conteste la facture du sous-traitant.
L'entrepreneur général serait alors tenu en vertu de la loi de financer lui-même un paiement au sous-traitant, alors que le propriétaire a retenu ce paiement à bon droit et il se pourrait même qu'il ait un motif juridique valable de ne jamais payer. Ce serait la codification législative du problème de la viande dans le sandwich auquel les entrepreneurs généraux sont déjà confrontés. Je suis certain que les rédacteurs du projet de loi n'ont pas souhaité ce résultat, mais c'est tout de même le résultat auquel aboutirait le projet de loi.
Il serait facile de résoudre ce problème précis au moyen d'une simple rectification du libellé que j'ai suggéré à M. Banfai. J'ai relevé plusieurs autres exemples de problèmes techniques et de problèmes de fond, et je serais heureux de travailler avec M. Banfai et votre comité afin d'y apporter des solutions.
Je n'ai toutefois pas la prétention d'avoir cerné tous les pépins techniques et les iniquités, et j'exhorterais le comité à mobiliser autant de groupes d'intéressés que possible pour sonder tout l'éventail des points de vue. Il serait peut-être avantageux de suspendre ce processus jusqu'à ce que l'Ontario fasse connaître son projet de loi ce printemps, puis de travailler en collaboration avec l'Ontario à harmoniser les deux projets de loi. Cela constituerait une première étape importante relative à une démarche intégrée et cohérente à l'égard des paiements sans délai à l'échelle du Canada.
En résumé, nous demandons au comité de reconnaître, premièrement, que le paiement sans délai est un problème complexe et qui ne se résume pas à un problème d'entrepreneurs généraux qui abusent de leurs pouvoirs aux dépens des sous-traitants; deuxièmement, toute mesure législative devrait servir l'intérêt public en réduisant le coût des projets de construction; et, troisièmement, les recommandations de Bruce Reynolds, qui ont été formulées après de vastes consultations menées auprès de 30 groupes d'intéressés de tous les horizons de l'industrie de la construction, devraient servir de modèle à tout projet de loi sur les paiements sans délai.
Au nom du Groupe Aecon, nous apprécions grandement l'occasion de participer à ce processus, et je serais heureux de répondre à toute question que vous pourriez avoir.
Ted Betts, associé, chef du secteur Infrastructure et construction de Gowling WLG (Canada) S.E.N.C.R.L., s.r.l. (à titre personnel) : Bonjour et merci de m'avoir invité à assister à cette importante séance sur la Loi canadienne sur le paiement sans délai.
Je m'appelle Ted Betts. Je suis associé au sein du cabinet d'avocats Gowling WLG Canada. Je suis le chef canadien de notre secteur Infrastructure et construction, une des plus grandes pratiques de droit de la construction au pays et, depuis notre fusion transnationale l'année dernière, aussi une des plus grandes au monde.
Je suis aussi secrétaire de l'exécutif de la section Droit de la construction et infrastructure de l'Association du Barreau de l'Ontario, section au sein de laquelle je copréside le Comité sur la réforme de la Loi sur le privilège dans l'industrie de la construction de l'ABO et j'ai été président et auteur du mémoire de l'ABO au gouvernement provincial ontarien sur son projet de loi 69, la Loi de 2013 sur les paiements rapides de l'Ontario. Toutefois, je devrais préciser que je suis ici à titre personnel et je ne représente pas l'ABO aujourd'hui.
Au sein de notre groupe de la construction chez Gowling, nous agissons pour des acteurs de tous les niveaux de la pyramide. Nous avons agi pour le compte de propriétaires, de gouvernements, de sociétés travaillant sur des projets 3P, d'entrepreneurs, de fournisseurs, de corps de métiers, de cautions, de compagnies d'assurance et de prêteurs — n'importe qui. Pour que cela figure au compte rendu, je les ai d'ailleurs tous appelés, et ils m'ont tous confirmé qu'ils paient tous rapidement. Nous avons vraiment une liste de clients de premier ordre.
J'aimerais traiter de deux aspects généraux du projet de loi, sur chacun desquels vous avez eu passablement de discussions au cours de la dernière semaine, et qui sont tous deux liés à des recommandations clés de l'Examen d'experts de la Loi sur le privilège dans l'industrie de la construction de l'Ontario. En faisant cela, j'espère que je pourrai aider votre comité à s'attaquer aux vrais problèmes qui sous-tendent les retards de paiements.
Nous avons cité plusieurs fois le Rapport de l'Examen d'experts de la Loi sur le privilège dans l'industrie de la construction de l'Ontario, rédigé par mes estimés collègues Bruce Reynolds et Sharon Vogel. Ils ont vraiment fait un excellent travail. Si vous ne l'avez pas lu entièrement, je le repasserais et je le lirais plusieurs fois.
Lorsqu'ils ont établi leur rapport, l'objectif déclaré de M. Reynolds et Mme Vogel était d'établir un équilibre entre les nombreux intérêts divergents dans l'industrie de la construction. S'agissant de la rapidité des paiements, cela signifie concilier les intérêts des entrepreneurs spécialisés et le principe très important de la liberté de contracter, ou, comme M. Reynolds et Mme Vogel l'ont écrit dans leur rapport, l'« inviolabilité des contrats ».
Une des raisons de cette inviolabilité est que le marché peut s'adapter à des circonstances nouvelles et changeantes, à des structures de projet différentes, à de nouvelles méthodologies et à de nouvelles approches bien plus rapidement que la loi. Si le projet de loi 69 en Ontario avait été adopté il y a deux décennies, il aurait empêché les PPP et d'autres modèles non conventionnels d'obtention de financement de ne jamais évoluer. Cela n'aurait pas été du tout dans l'intérêt du public, et nous devons nous demander quel est le prochain modèle de livraison de projet auquel nous pourrions penser.
La Loi canadienne sur le paiement sans délai a appliqué bon nombre des leçons du projet de loi 69. Ses auteurs ont vraiment bien écouté la réponse du marché au projet de loi 69, mais le Rapport de l'examen d'experts est allé encore plus loin et plus en profondeur pour s'attaquer au vrai problème qui est à la racine des retards de paiements. Le rapport adopte une démarche plus nuancée et suit de plus près les lois fédérales américaines et les lois des États américains sur le paiement sans délai.
Ces lois comportent quelques différences importantes par rapport à la Loi canadienne sur le paiement sans délai. Je me bornerai à en souligner quelques-unes brièvement.
Premièrement, comme Yonni vient tout juste de le mentionner, l'élément déclencheur pour le paiement est la soumission d'une facture adéquate. La loi a tendance à permettre aux parties contractantes de définir les exigences à l'intérieur de certains paramètres, notamment quand des factures peuvent être soumises. Si la facture n'est pas adéquate, elle est renvoyée et le compteur est remis à zéro.
Deuxièmement, le moment du paiement par l'entrepreneur général au sous-traitant est lié au paiement par le propriétaire à l'entrepreneur général, et non à la date de soumission de la facture du sous-traitant, comme c'est le cas dans le projet de loi S-224. L'établissement du délai de l'obligation d'un payeur à partir de la réception de son propre paiement est non seulement équitable et équilibré, mais c'est aussi dans l'intérêt public pour les projets fédéraux puisque cela met la pression là où elle devrait être, c'est-à-dire que c'est le gouvernement fédéral qui est pressé de payer sans délai. Autrement, on ne fait que transférer le problème de prise en sandwich financier à une partie différente, on ne tente pas de résoudre ce problème, et l'on augmente la probabilité de différends.
Le rapport Reynolds note également, et cela s'accorde avec la loi fédérale aux États-Unis et ailleurs, que la plupart des lois sur le paiement rapide préservent le droit d'un payeur de compenser des paiements et de faire des retenues sur des paiements, à la condition qu'un avis soit donné. Il s'agit d'un autre droit important établi de longue date qu'ont les parties en droit des contrats et en common law et dont l'examen d'experts de l'Ontario a recommandé la préservation.
Comme nous le savons des études indépendantes qu'ont fait circuler des associations d'entrepreneurs spécialisés, les délais de paiement rallongent dans le cadre des projets, mais ces études ne nous disent pas pourquoi.
Par exemple, il n'est pas clair qu'une distinction est faite entre, d'une part, les paiements qui sont retardés parce que le payeur retient tout simplement l'argent et tarde ou s'arroge contractuellement le droit de payer dans des délais plus longs, et d'autre part, les paiements qui sont retardés en raison de différends au sujet de travaux qui ont été exécutés ou au sujet des montants réclamés. Il s'agit là d'une distinction importante.
La question n'est pas claire non plus de savoir si les lois sur le paiement rapide ont entraîné des économies de coûts ou ont produit les résultats que l'on avait espérés. Comme le notait le rapport de M. Reynolds et Mme Vogel, les renseignements sont limités au sujet des avantages réels des paiements rapides. Il se peut même que les coûts des projets aient augmenté en raison de fardeaux administratifs accrus, d'un nombre accru de différends, et ainsi de suite. Cela n'est évidemment pas dans l'intérêt public.
J'entends souvent des gens dire que c'est seulement dans l'industrie de la construction que les créanciers ne sont pas adéquatement protégés contre le non-paiement. En fait, c'est le contraire. Les entrepreneurs de la construction ont plus de protection que dans toute autre industrie. Ils ont des privilèges, des fiducies, des procédures sommaires en cour, des priorités rattachées à leurs sûretés, et ainsi de suite.
Je dis cela non pas pour essayer de prétendre que la protection des paiements n'est pas nécessaire, car elle l'est tout à fait, mais plutôt que même avec toute cette protection ou toutes ces sûretés, les liquidités demeurent un problème, et ce de plus en plus. Peut-être qu'imposer une bonne conduite par voie législative n'est pas la panacée que nous avions espérée.
Nous savons qu'il y a des retards de paiement, mais d'après mon expérience en tant que praticien dans l'industrie de la construction depuis maintenant plus de 20 ans, le problème n'est pas simplement les propriétaires ou les entrepreneurs qui retiennent des fonds le plus longtemps possible et qui tirent un profit de la rétention des fonds. La véritable cause des retards de paiement, c'est les paiements contestés et le temps qu'il faut pour régler les différends.
Un de mes collègues a déjà comparé les lois sur les paiements rapides à l'emploi d'un marteau-piqueur pour enfoncer un clou. C'est de l'excès. Je ne suis pas d'accord avec cela. Je pense que ce n'est pas la bonne métaphore. Pour moi, c'est davantage comme tenter d'utiliser un marteau sur une vis. Vous pouvez certainement l'enfoncer à coups de marteau, mais ce n'est pas le bon outil. À mon avis, le bon outil, c'est le règlement plus rapide des différends par le mécanisme approprié.
Le projet de loi S-224 propose le concept de règlement des différends, mais on dirait presque un ajout plutôt que la pièce maîtresse pour faire en sorte que les paiements soient effectués en temps opportun et que les projets bénéficient d'un flux de trésorerie sain.
Au lieu de cela, en permettant la suspension et les demandes de dommages-intérêts, le projet de loi S-224 prévoit deux options nucléaires qui sont en porte-à-faux avec l'obtention rapide de paiements et ne sont pas dans l'intérêt public. En essayant d'être protecteur et utile, on crée sans le vouloir un problème différent, mais plus insoluble d'escalade des conflits. C'est ce que l'on commence à constater dans les ressorts qui ont adopté une codification rigide d'obligations de paiement rapide sans mécanisme de règlement des différends.
Par contraste, au Royaume-Uni, le problème des paiements rapides et la tension l'entourant semblent s'être dissipés. Mes associés chez Gowlings en Angleterre, qui ont maintenant 20 ans d'expérience de règlement des différends, me disent que cela est attribuable au règlement des différends qui procure une sorte de justice brève, sommaire et rapide pour régler les différends et faire circuler l'argent dans le cadre d'un projet.
À cet égard, le rapport d'examen d'experts de l'Ontario de M. Reynolds et Mme Vogel a aussi bien fait les choses et a reconnu qu'en atténuant le problème de flux de trésorerie découlant de différends, on s'attaquait vraiment au nœud du problème. Non seulement cela, mais l'expérience britannique démontre que le comportement des parties aux projets s'est adapté et a changé. Il y a résolument moins de différends qui sont portés devant les tribunaux ou renvoyés à l'arbitrage, et les coûts des différends ont donc baissé dans l'ensemble et le flux de trésorerie a accéléré. À mon avis, cela ressemble à utiliser un tournevis pour installer une vis.
En terminant, les recommandations du rapport d'examen d'experts reposent sur une très large consultation de l'industrie, sur des recherches sur de nombreux ressorts, sur les lois fédérales américaines et les lois du Royaume-Uni en particulier, et sur la prise en compte de dizaines et de dizaines et de dizaines de mémoires pour tenter d'établir le juste équilibre.
Certains d'entre nous ne sont pas d'accord avec certaines des recommandations précises du rapport, mais je vous assure qu'il y a un large consensus dans l'industrie de la construction de l'Ontario selon lequel les auteurs du rapport ont trouvé le bon équilibre, à telle enseigne que la province de l'Ontario considère le rapport comme une feuille de route pour réformer les lois sur le privilège de la construction et les paiements en Ontario. C'est un guide. On nous dit de nous attendre à un projet de loi ce printemps, qui comprendra un régime de paiement rapide pour l'Ontario.
Le comité se doit d'examiner attentivement non seulement le rapport de M. Reynolds et Mme Vogel et son approche des paiements rapides et du règlement des différends, mais aussi le projet de loi à venir en Ontario, étant donné l'étendue des recherches et des consultations sur lesquelles ils reposent et la réussite à trouver l'équilibre entre intérêts divergents.
Le président : Monsieur Fushman, après qu'un entrepreneur général a été payé pour un travail pour le gouvernement fédéral ou quoi que ce soit, pourquoi ne paieriez-vous pas les sous-traitants dans les 30 jours?
M. Fushman : Je dirais qu'il s'agit un peu d'une question suggestive qui présuppose que nous ne payons pas dans les 30 jours.
Le président : Je présuppose. Je me fie simplement aux témoignages que nous avons entendus selon lesquels beaucoup d'entrepreneurs généraux ne paient pas dans les 30 jours. Si vous êtes payé, qu'est-ce qui constituerait une raison qui ferait que vous ne paieriez pas un sous-traitant dans les 30 jours?
M. Fushman : Si vous prenez l'exemple le plus simple, il y a un propriétaire, un entrepreneur général et un sous- traitant. Si le propriétaire paie à l'entrepreneur le plein montant que le sous-traitant a réclamé, l'argent devrait parvenir au sous-traitant sans problème. Les complications surgiraient lorsqu'il y a un différend : s'il faut plus de temps pour certifier si l'ouvrage a été réalisé correctement, si soit le propriétaire ou l'entrepreneur ont un différend quant à la façon dont le travail a été facturé, s'il y a des droits dans l'ouvrage, et des choses semblables.
Le président : Un sous-traitant facturerait un travail de plomberie même si le travail n'avait pas été fait correctement. Vous ne sauriez pas si le travail avait été fait correctement. Vous factureriez le gouvernement fédéral pour cela.
M. Fushman : Non, je ne suis pas certain que j'ai dit cela. Il se peut que le gouvernement fédéral ait une opinion divergente. Cela dépend de la nature du travail.
Dans les travaux complexes, il y a encore plus de zone grise et de discrétion quant à savoir : Nous pensons que c'est rouge et vous pensez que c'est rouge foncé, et des choses semblables.
Le président : Je vais laisser à d'autres sénateurs le soin de faire le suivi là-dessus.
Est-ce que votre cabinet, monsieur Betts, aurait un intérêt à ce que ce projet de loi n'aboutisse pas? Cela ne vous donnerait-il pas plus de travail?
M. Betts : Nous sommes des avocats. Nous ferons des affaires à partir de n'importe quoi.
Le président : Je suis certain que vous le ferez, ou vous facturerez.
M. Betts : Nous sommes passablement neutres à l'égard du projet de loi. Nous serions passablement intéressés comme avocats à voir un système et un processus qui fonctionneraient correctement et n'auraient pas de conséquences non voulues et d'erreurs qui ne sont pas fondées sur l'expérience réelle sur le terrain et qui n'exercent pas de pression dans le mauvais sens.
Dans la mesure où le projet de loi prévoit des délais obligatoires par opposition à imposer à un entrepreneur un délai pour payer qui est différent de ce que le propriétaire doit payer à l'entrepreneur, nous avons créé un dilemme dans le cadre du projet. Ce dilemme créera toujours de la tension dans le cadre du projet et, en fin de compte, davantage de différends.
Nous ne voulons pas voir un nombre incessant de différends qui n'ont pas de solution sur le terrain. À mon avis, la solution au Royaume-Uni qui consiste à instaurer un processus de règlement des différends très rapide a vraiment des avantages. Cela peut amener les parties à la table, régler un différend rapidement, et faire débloquer les paiements. Le différend se dissipe, et les gens retournent faire ce qu'ils sont censés faire, c'est-à-dire le travail.
Le sénateur Plett : Monsieur Fushman, le président a posé une question que vous avez qualifiée de suggestive. Le projet de loi dit en fait de payer le travail certifié, non le travail non certifié. Il n'y a pas de différend. Nous ne devrions pas semer la confusion en disant il pourrait y avoir un différend, ou il pourrait y avoir ceci ou cela. Il n'y en a pas. C'est certifié. L'architecte, l'ingénieur ou qui que ce soit qui est responsable a certifié tant de travail. C'est cela que nous demandons. Si 100 000 $ ont été facturés et l'ingénieur certifie 75 000 $, alors l'entrepreneur s'attend à recevoir 75 000 $, pas 100 000 $. Nous devons cesser de dire que nous demandons à quelqu'un de payer pour des travaux contestés. Ce n'est pas le cas.
Vous avez soulevé quelques points concernant des amendements. Je suis au courant de certains d'entre eux, et vous en avez même mentionnés certains. Laissez-moi vous dire, monsieur, que nous sommes très contents de travailler avec des amendements raisonnables à ce projet de loi. Nous sommes contents de vous en parler. Ils peuvent être adoptés lors de l'examen article par article. Ils peuvent être apportés lors de la troisième lecture si vous avez quelque chose de positif qui améliorerait le projet de loi.
Je veux seulement un bon projet de loi. Je pense que nous sommes très près d'y être arrivés. Je ne veux pas retarder ces travaux plus longtemps. Ils sont en cours depuis des années, et nous devons aller de l'avant. Nous sommes heureux de le faire.
Vous avez affirmé, monsieur Betts, qu'il n'y avait aucune preuve. Il y a des preuves. Il y a toutes sortes de preuves de différents pays. Malheureusement, jusqu'à ce que nous mettions cela en œuvre dans notre pays, nous ne pouvons pas avoir de preuves. Vous ne pouvez pas prouver que quelque chose est une réussite jusqu'à ce que vous l'essayiez. D'autres pays l'ont fait. Vous avez mentionné le Royaume-Uni. Permettez-moi de parler du Royaume-Uni et des droits relatifs au règlement des différends.
La sénatrice Ringuette nous a beaucoup aidés à mettre au point certains amendements qui sont maintenant envisagés concernant le règlement des différends avant la suspension des travaux. La partie relative au règlement des différends à laquelle vous faites allusion est en train d'être mise en œuvre dans le projet de loi en ce moment même.
Il y a des aspects provinciaux qui ne s'appliquent pas à cela au plan fédéral. Vous avez parlé de la nécessité d'intégrer les droits liés au privilège au paiement rapide et au règlement des différends. Dieu merci, nous n'avons pas ce problème au plan fédéral.
Le fédéral peut ouvrir la voie, et il devrait le faire. Le groupe de travail a dit ce que j'avais dit à la dernière séance. Les provinces disent au gouvernement fédéral : « Donnez-nous une loi et nous la suivrons. » Nous ne pouvons pas, dans ce cas-ci, mettre la charrue devant les bœufs. Vous avez affirmé que le fédéral devait ouvrir la voie. Vous disiez que peut-être que nous devrions attendre que les provinces aient quelque chose avant que le gouvernement fédéral fasse quelque chose.
Je me suis un peu emporté. Je serais heureux d'entendre vos commentaires.
M. Fushman : Simplement pour clarifier au sujet de la question de la certification, la question qui m'a été posée ne concernait pas la façon dont ce projet de loi fonctionnerait. La question était : Pourquoi un entrepreneur général ne paierait-il pas toujours 100 p. 100? Ce sont là les circonstances actuelles.
Un autre élément de la question visait les commentaires plus généraux de M. Betts. Si nous essayons de remonter à la source du problème de la lenteur des paiements ou de l'étirement des délais de règlement des créances clients, il y a quelques éléments. Notre point de vue ainsi que celui du milieu des entrepreneurs généraux et de M. Reynolds se rejoignent. Une partie du problème tient à l'image du méchant entrepreneur général assis sur un trésor et qui en tire des intérêts. Peut-être que cela existe en théorie. Peut-être que cela existe à certains endroits. Nous ne pensons pas que ce soit le problème généralisé. Ce que nous voyons, d'après notre expérience dans le milieu des entrepreneurs généraux, c'est que le problème, ce sont les différends.
Dans la mesure où l'on parle de fonds certifiés, s'il y a une facture de 10 millions de dollars et 8 millions de dollars sont certifiés et 2 millions de dollars sont litigieux, le problème demeure que quiconque a dépensé les 2 millions de dollars est à court de 2 millions de dollars. Il y a tout de même là un effet sur le flux de trésorerie.
Le président : M. Fushman, si les entrepreneurs généraux sont du côté des anges, pourquoi y a-t-il eu de la réticence de leur part à comparaître devant nous? S'ils paient dans les 30 jours, le projet de loi n'a pas le moindre effet sur eux.
M. Fushman : À comparaître devant ce comité?
Le président : Oui.
M. Fushman : J'ai eu une invitation vendredi dernier et je suis ici jeudi.
Le président : Vous en étiez un. Nous avons demandé à des entrepreneurs généraux et il y a eu de la réticence à ce qu'ils viennent.
M. Fushman : Je serais heureux de vous en ramener cinq ici la semaine prochaine, sincèrement. Ils veulent tous parler.
Le président : Cela serait intéressant.
M. Betts : Il y a eu quelques commentaires. L'un d'eux concernait la preuve de l'effet des paiements rapides. Je n'ai pas fait mes propres recherches. Je citais simplement le rapport Reynolds-Vogel dans lequel ils ont dit qu'il y avait des preuves limitées du succès des paiements rapides. Je suis certain qu'ils ont fait leurs recherches au sujet des paiements rapides parce que je les connais personnellement. Je sais qu'ils ont fait des recherches exhaustives pour l'ensemble de leur rapport, qui va bien au-delà des paiements rapides. C'était une citation du rapport et non mes propres recherches, simplement pour clarifier.
Vous avez dit que les provinces disaient que le fédéral doit ouvrir la voie. Je ne suis pas certain de savoir quelles provinces disent cela. Je travaille avec le procureur général du gouvernement provincial. Je sais que le gouvernement de l'Ontario travaille d'arrache-pied à rédiger un projet de loi sur le paiement rapide. Il fait cela.
Je ne sais pas quel type de consultations ils mènent auprès de votre comité, mais ils se sont essayés sur la question avec le projet de loi C-69. Comme les gens le savent, ou peut-être pas, ce projet de loi a été présenté à titre de projet de loi d'intérêt privé. Lorsqu'il est arrivé à l'étape de la deuxième lecture et a été présenté à l'industrie, il a soulevé un tollé parce qu'il avait été rédigé sans aucune vaste consultation du marché et de l'industrie.
Le processus qui a été entrepris avec l'examen des experts devait faire précisément cela, soit consulter très largement dans la province la plus grande industrie de la construction afin de bien cerner les questions et les problèmes qui résultent des solutions que nous tentons d'amener à la table.
Le président : Le rapport Reynolds ne recommandait pas une loi sur le paiement rapide pour l'Ontario.
M. Betts : Oui. Le gouvernement avait un projet de loi d'intérêt privé qui est mort au Feuilleton, et le gouvernement a entrepris un examen par des experts de la question du paiement rapide qui a débouché sur ce rapport.
Les auteurs du rapport recommandaient le paiement rapide, mais ils le faisaient après avoir mené de très larges consultations et avoir réalisé beaucoup de recherches pendant plus d'un an. Il en est résulté des recommandations à l'automne dans un rapport de 500 pages qui portait évidemment aussi sur d'autres sujets que le paiement rapide. Ce rapport traitait de toute la Loi sur le privilège dans l'industrie de la construction. Les travaux se poursuivent maintenant au sein du gouvernement provincial qui travaille sur un projet de loi attendu à l'automne qui portera notamment sur le paiement rapide et sur le règlement des différends.
La sénatrice Ringuette : Monsieur Betts, j'apprécie vraiment vos commentaires et vos suggestions. J'ai lu le rapport Reynolds-Vogel deux fois. Il faut comprendre le principe fondamental sur lequel repose ce rapport. Lorsque vous dites que vous voulez harmoniser avec une loi ontarienne éventuelle, j'imagine que la portée sera passablement différente. Si vous passez en revue toutes les recommandations contenues dans le rapport de M. Reynolds, il y a tout un éventail de problèmes dans l'industrie de la construction.
Nous tentons de résoudre un problème. Je conviens avec vous qu'au cours des délibérations au sein de notre comité, nous devons nous concentrer davantage sur le mécanisme de règlement des différends et resserrer la même série de recommandations que celles que présentent Reynolds et Vogel. Monsieur Betts, si le Sénat était capable de renforcer la prescription et de nous concentrer sur le processus de règlement des différends du projet de loi, trouveriez-vous cela acceptable?
M. Betts : Pour que ce soit clair, je ne suis pas contre la notion de paiement rapide ni même contre le projet de loi à l'étude.
La sénatrice Ringuette : Trouveriez-vous cela plus acceptable?
M. Betts : Il y a certains aspects techniques du libellé de ce projet de loi qui ne fonctionnent pas correctement. Nous en avons mentionné certains à la table aujourd'hui.
Je crois comprendre que des amendements sont déjà envisagés. Ces questions et ces problèmes ont été examinés encore plus en profondeur lors de consultations très larges menées auprès de l'industrie pour nous assurer d'éviter les conséquences indésirables du fait de prescrire un délai de paiement. Il serait utile de voir les résultats qu'on nous annonce pour le printemps.
La sénatrice Ringuette : Au niveau provincial.
M. Betts : Au niveau provincial. La loi provinciale, comme vous l'avez mentionné, vise un marché plus large. Elle vise encore les sociétés d'État et le gouvernement pour ce qui est de leurs obligations de paiement. Ceux-ci ne sont pas à l'abri du régime de paiement rapide qui s'en vient en Ontario.
Le sénateur Wetston : Je suis un sénateur de l'Ontario, et j'ai beaucoup travaillé avec le gouvernement de l'Ontario. Je sais de quoi vous parlez lorsque vous parlez du ministère du procureur général, ce qu'ils font.
Si l'Ontario adopte ce projet de loi, pensez-vous qu'il lierait les entrepreneurs généraux qui passent des marchés avec le gouvernement fédéral relativement à des ouvrages publics en Ontario? Ou est-ce que vous allez dire que vous ne le savez pas parce qu'il s'agit d'une question constitutionnelle?
M. Betts : Il s'agit d'une question constitutionnelle, et je ne suis pas un avocat de droit constitutionnel. J'ai prêté attention à ce débat parce qu'il est très intéressant. J'ai des clients qui travaillent pour des sociétés d'État, et nous nous retrouvons aux prises avec cette question assez régulièrement.
Ce que j'ai constaté, c'est que, dans la majorité des cas, c'est assez clair, mais souvent, ce ne l'est pas. Nous n'entrerons pas dans les menus détails du débat constitutionnel ici, mais la nature des travaux de construction et le but des travaux réalisés importent même s'il s'agit d'un projet fédéral ou de l'État fédéral. Il y a un chef de compétence qui permet de dire que les lois provinciales s'appliqueraient à certains des travaux, même si le propriétaire final du projet est l'État fédéral.
Ce n'est pas toujours parfaitement clair. Il y a des questions qui doivent être abordées avec soin. Cela ne répond pas à la question, mais l'applicabilité des lois provinciales à un projet fédéral dépendrait de la nature des travaux. Selon ce que je comprends de la jurisprudence en matière constitutionnelle, il y a des travaux qui ne sont pas essentiels à l'entreprise fédérale. S'ils ne sont pas essentiels à l'entreprise fédérale, la compétence provinciale pourrait s'appliquer ou s'appliquerait.
Le sénateur Plett : Monsieur Betts, vous avez dit quelques fois que le rapport Reynolds disait qu'il n'y avait pas assez de preuves. Pourtant, Reynolds pensait de toute évidence qu'il y avait assez de preuves parce qu'il a recommandé le paiement rapide. Il n'a pas décidé qu'il n'y avait pas assez de preuves, mais allons-y quand même.
Reynolds n'a-t-il pas effectivement dit que le paiement rapide avait connu un succès limité aux États-Unis? S'il y a eu un succès limité là-bas, monsieur, c'est parce qu'ils n'ont pas de règlement des différends. Leur loi sur le paiement rapide permet aux différends de bonne foi de suspendre l'obligation de paiement. Vous pouvez deviner ce qui se produit ensuite. Reynolds n'a-t-il pas dit qu'il y avait des preuves limitées de succès aux États-Unis où il n'y a pas de règlement des différends?
M. Betts : Monsieur le sénateur, je citais les preuves limitées du rapport coût-avantages dans ce qu'ils avaient dit.
Le sénateur Plett : Il a dit succès, monsieur.
M. Betts : Dans tous les cas, ce que vous rapportez s'accorderait avec mon point principal. Nous pouvons parler de paiement rapide tant que nous voulons. Je ne pense pas que l'adoption par voie législative et l'application d'un régime de paiement rapide soient une bonne chose. Toutefois, si l'on ne dispose pas d'un mécanisme accéléré de règlement des différends, aucune loi sur le paiement rapide n'aura jamais les répercussions et l'effet que nous voulons qu'elle ait. Elle ne réglera pas le problème.
Le problème tient au fait que les retards de paiements, d'après mon expérience, résultent dans une large mesure de différends concernant des montants. En conséquence, le paiement est retardé. Lorsque les gens ne veulent pas payer, ils peuvent même inventer des différends afin de ne pas payer, mais c'est tout de même un différend. L'avantage d'un mécanisme accéléré de règlement des différends, c'est qu'il balaye cela du chemin et permet à l'argent du projet de circuler.
En fait, c'est ce qui s'est produit au Royaume-Uni, où les gens savent que le mécanisme de règlement des différends réglera rapidement ces différends, de sorte qu'il n'y a aucune raison d'inventer des raisons de contester un paiement. Si le montant est dû et il a été certifié, ils le paieront. S'ils le contestent, la question sera renvoyée au mécanisme de règlement des différends. Ils devront le payer de toute façon, alors pourquoi se donner le mal d'enclencher le processus? Voilà ce qui se passe, d'après ce que me disent mes associés, au Royaume-Uni.
Absolument, je m'attendrais à ce qu'une loi sur le paiement rapide qui ne serait pas assortie d'une forme ou d'une autre de mécanisme accéléré de règlement des différends aux États-Unis ne soit pas efficace. Sans paiement rapide et sans règlement des différends, vous auriez probablement plus de succès.
Le sénateur Plett : Ce que je comprends le plus des témoignages, c'est que les gens à qui l'argent est dû semblent le vouloir et les gens qui tireront des avantages du fait de ne pas l'avoir semblent ne pas en vouloir. Tout le monde qui profitera du fait d'être payé à temps le veut. Ceux qui profiteront de l'existence de différends et d'actions en justice, et ainsi de suite, n'en veulent pas.
M. Fushman : Puis-je répondre à cela?
Le président : Certainement.
Le sénateur Plett : J'aimerais signaler qu'hier, il y a eu autant de témoins qui ont dit que le gouvernement ne payait pas qu'il y a eu de témoins qui ont dit que l'entrepreneur général ne payait pas. Vous devez au moins comprendre que cela n'était pas une chasse aux sorcières visant les entrepreneurs généraux, faite par aucun entrepreneur spécialisé.
M. Fushman : D'accord. J'aimerais préciser que nous ne sommes pas contre ceci. Nous disons essentiellement qu'au fond, il y a un consensus général favorable à la démarche Reynolds. Que cela implique une opération à cœur ouvert ou un limage des ongles du projet de loi, le débat est ouvert, mais, en deux mots, nous appuyons le rapport Reynolds, qui, en bref, préconise un paiement rapide lié à un paiement dans les 30 jours de la présentation de la facture. Les parties peuvent négocier les modalités de facturation et un processus utile de règlement des différends et un contrôle utile des suspensions.
Essentiellement, si vous nous donnez Reynolds, le milieu des entrepreneurs généraux appuiera votre démarche.
Le président : Nous allons suspendre les travaux pendant une seconde pour vider la salle, puis nous nous réunirons à huis clos pendant cinq minutes pour planifier la semaine prochaine.
(Le comité a poursuivi ses travaux à huis clos.)