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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule n° 16 - Témoignages du 9 mars 2017


OTTAWA, le jeudi 9 mars 2017

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 10 h 34, pour étudier et produire un rapport sur la création d'un corridor national au Canada afin d'améliorer et de faciliter le commerce et les échanges intérieurs.

Le sénateur David Tkachuk (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour et bienvenue aux sénateurs, ainsi qu'aux membres du public qui suivent aujourd'hui les travaux du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, que ce soit ici même ou sur le Web. Je suis David Tkachuk, et je suis le président du comité. Nous en sommes à la 13e séance de notre étude sur la création d'un corridor national au Canada afin d'améliorer et de faciliter le commerce et les échanges intérieurs. Pendant la première partie de notre réunion, nous accueillons avec plaisir John McCauley, directeur général du Secteur des opérations régionales à l'Agence canadienne d'évaluation environnementale. Merci d'être là aujourd'hui, monsieur McCauley. Veuillez nous présenter votre exposé, après quoi nous passerons aux questions et réponses.

John McCauley, directeur général, Secteur des opérations régionales, Agence canadienne d'évaluation environnementale : Je suis ravi d'être ici aujourd'hui et de vous aider dans votre étude du concept de corridor national.

J'ai un bref document de présentation qui vous a été distribué, je crois, et je vais concentrer mes observations sur la façon dont l'évaluation environnementale peut être utilisée pour faire avancer la conception de ce corridor. Je vais mettre les choses en contexte pour ceux d'entre vous qui ne connaissent pas mon organisation. L'Agence canadienne d'évaluation environnementale relève directement de la ministre de l'Environnement et du Changement climatique. Elle produit des évaluations environnementales de grande qualité qui contribuent à la prise de décisions éclairées à l'appui du développement durable. Notre agence est l'une des trois organisations qui, en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, réalisent des évaluations environnementales, les deux autres étant l'Office national de l'énergie et la Commission canadienne de sûreté nucléaire, pour les projets respectivement réglementés par ces deux organisations. Nous gérons le processus d'évaluation environnementale des projets. Nous avons aussi un programme qui offre du soutien et des fonds dont le but est d'aider le public à participer à l'évaluation environnementale. Notre organisme agit à titre de coordonnateur de la consultation auprès des groupes autochtones pendant le processus d'EE des projets que nous gérons. Nous avons un programme de conformité et d'application qui garantit que les mesures d'atténuation sont effectivement mises en œuvre et qu'elles produisent les effets voulus. Nous travaillons de concert avec nos collègues d'autres ressorts à l'échelle du pays, afin de veiller à ce qu'il y ait de la coopération et de l'uniformité dans la façon dont l'évaluation environnementale se fait et, enfin, nous travaillons de concert avec nos homologues à l'étranger afin de nous échanger les meilleures pratiques en matière d'évaluation environnementale.

La deuxième diapositive comporte des énoncés généraux sur l'évaluation environnementale. Monsieur le président, comme vous le savez peut-être, l'EE se fonde sur le principe selon lequel il est plus rentable et prudent d'apporter des modifications aux projets en fonction des enjeux environnementaux avant que la construction soit entreprise et que des dommages soient causés à l'environnement.

L'EE est un outil de planification qui est utilisé partout dans le monde, et je crois qu'il est important de garder cela à l'esprit dans votre étude de son utilisation et de son applicabilité au concept de corridor nordique.

Au Canada, c'est sous la forme d'une Directive du Cabinet de trois pages, émise en 1974, que le processus a pris naissance. Depuis ce temps, on a normalisé les exigences sous la forme de lois et règlement, et on les a rendues plus précises, mais aussi, plus complexes. Cependant, l'objectif fondamental de tenir compte des aspects environnementaux dès le début de tout processus de planification en demeure un élément essentiel. L'évaluation environnementale permet aussi à toutes les parties intéressées et touchées de faire entendre leurs points de vue d'une manière coordonnée au cours du processus. Enfin, le gouvernement du Canada intègre dans toute la mesure possible la consultation des peuples autochtones au cours du processus d'évaluation environnementale.

Vous trouverez sur la troisième diapositive certaines des lois sur l'EE qui pourraient s'appliquer au concept du corridor nordique ou du corridor national, ainsi qu'à tous les projets qui pourraient prendre forme avec le corridor. Pour relever les lois qui s'appliqueraient vraisemblablement, nous avons consulté le document produit par l'Université de Calgary et CIRANO au sujet de ce concept. Il n'est pas étonnant, dans ce cas, compte tenu de la nature de la proposition, des multiples territoires traversés à l'échelle du Canada et de la grande étendue géographique du corridor, que de multiples niveaux d'évaluation environnementale soient requis pour les projets qui pourraient se réaliser le long du corridor. La Loi canadienne sur l'évaluation environnementale (2012), ou LCEE 2012, énonce les exigences en matière d'EE pour les projets qui ont des effets mettant en jeu la compétence fédérale.

Son application est limitée au nord du 60e parallèle, car on y a adopté des mesures législatives fédérales qui découlent des ententes sur les revendications territoriales, comme la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie, qui énonce des exigences en matière d'EE.

Il n'est pas surprenant que toutes les provinces aient des processus d'évaluation environnementale comportant des normes et des exigences également. L'un des objectifs de la LCEE 2012 est de promouvoir la collaboration des gouvernements fédéral et provinciaux et la coordination de leurs activités en matière d'évaluation environnementale. Nous consacrons beaucoup de temps à travailler avec nos collègues des provinces et territoires au moyen d'ententes bilatérales et d'accords sur des projets particuliers afin de veiller à la réalisation d'évaluations coopératives. C'est une manière de réduire le chevauchement tout en respectant les pouvoirs établis par la Constitution et les responsabilités légales de chaque ordre de gouvernement.

La quatrième diapositive énonce les éléments qui pourraient soutenir la conception d'une approche stratégique à la réalisation du concept de corridor nordique. Bien que la LCEE 2012 soit dans une grande mesure axée sur l'examen des éléments néfastes d'une proposition en particulier, par exemple, une mine prévue dans un emplacement donné, certaines dispositions permettent l'examen des effets d'activités existantes ou futures dans une région donnée. C'est ce qu'on appelle les dispositions sur les études régionales, qui autorisent le ministre à constituer un comité et à le charger d'étudier les effets des activités concrètes actuelles ou futures dans un secteur ou une région en particulier. Le comité peut être établi conjointement avec d'autres instances et peut donner au public l'occasion de participer à l'exécution de cette étude régionale.

Le concept de comité correspondrait très vraisemblablement à la façon dont les commissions d'examen fonctionnent en vertu de la loi. Il s'agit de groupes de spécialistes nommés par le ministre de l'Environnement et possédant un certain degré de connaissances pertinentes concernant les effets des projets qui pourraient être réalisés. D'après nous, il y a divers avantages stratégiques à miser sur les dispositions visant les études régionales, pour faire avancer le projet de corridor national ou nordique. Elles fournissent un cadre général pour développer le concept et pour obtenir l'appui des collectivités touchées. L'étude régionale permettrait un examen stratégique, transparent et par étapes des options de tracé possibles. Il est possible de faire un examen préliminaire des types d'enjeux environnementaux qu'il faudra gérer et des stratégies qui pourraient servir à gérer ces enjeux. Enfin, c'est aussi un moyen de permettre la collaboration avec les autres instances qui pourraient être intéressées ou touchées par le concept. Les dispositions sont relativement nouvelles — elles ont été adoptées en 2012 et n'ont pas encore servi —, mais la notion de l'examen fondé sur une évaluation environnementale a déjà été mise en œuvre. Vous vous souviendrez peut-être de la commission Seaborn qui, vers la fin des années 1990, s'est penchée sur le concept de l'élimination des déchets nucléaires. C'était un concept technique. Il n'y avait pas d'emplacement précis, mais c'était plutôt la nature conceptuelle de la proposition. On a donc acquis de l'expérience avec cela.

La cinquième diapositive décrit certains des facteurs qui sont importants d'après nous, compte tenu de l'expérience acquise, pour la réalisation d'une étude régionale efficace et pour l'examen du concept d'un corridor nordique. En général, nous traitons d'un projet unique et d'un promoteur unique. Pour un concept comme le corridor nordique, il serait important d'avoir un défenseur du projet qui agirait à titre d'organisation convocatrice et qui ferait avancer la proposition.

De plus, il sera important de veiller à ce que les ressources soient suffisantes pour que le comité puisse accomplir son travail, que le public puisse participer et que les données scientifiques et l'expertise du gouvernement fédéral servent à soutenir le travail du comité. Enfin, compte tenu de la nature de la proposition, il sera important que des instances partenaires soient prêtes à collaborer.

La sixième diapositive décrit certains des liens entre une possible étude régionale et les EE subséquentes visant des projets particuliers qui seraient requises. Il est important de penser à la façon dont l'étude régionale serait structurée afin qu'il soit possible de tirer pleinement profit de la façon dont elle pourrait servir de complément aux EE subséquentes relatives à des projets particuliers.

Entre autres bienfaits, une étude stratégique régionale jetterait les bases en vue de l'approbation d'autres projets au fur et à mesure. Il produirait l'information nécessaire pour l'exécution des évaluations et la détermination des tracés possibles, des zones écosensibles à éviter et des liens possibles avec les autres éléments d'infrastructure. Il sera aussi possible de regrouper des projets pour simplifier l'évaluation environnementale grâce à l'information et l'analyse contenues dans une étude régionale.

Cela faciliterait la coordination et la collaboration entre les instances qui s'intéressent aux projets et au corridor lui- même, ce qui éviterait le chevauchement. Il est important de noter que, pour tout éventuel projet de pipeline dans ce corridor, la LCEE 2012 précise qu'il incombe à l'Office national de l'énergie de réaliser les EE pour ce genre de projets. Cependant, l'Office national de l'énergie pourrait utiliser les résultats de l'étude régionale pour éclairer leurs évaluations environnementales des projets de pipelines.

Nous en sommes à la septième et dernière diapositive. Comme vous le savez peut-être, la ministre de l'Environnement et du Changement climatique a confié à un comité d'experts la tâche d'examiner les processus d'évaluation environnementale. Le rapport du comité est prévu pour la fin de mars. Vous serez intéressés de savoir qu'il y a eu diverses interventions avant que ce comité demande un plus grand recours aux approches stratégiques, comme celle que vous examinez pour le corridor nordique, et comme celles qui font partie des dispositions sur les études régionales de la loi. Il y a donc de l'intérêt pour ce genre d'approche, sur le plan stratégique régional.

Pour terminer, je veux vous rappeler que l'évaluation environnementale n'est pas la dernière étape à franchir pour démarrer des projets. Sur ce, je serai ravi de répondre à toutes vos questions.

Le sénateur Tannas : Merci beaucoup de votre présence. C'est formidable. J'ai deux questions simples. Étant donné qu'il s'agirait d'un corridor multifonctionnel, est-ce que cela donne lieu d'après vous à des problèmes insurmontables pour le processus d'évaluation environnementale? C'est ma première question. Voici ma deuxième. Nous allons devoir prendre une décision à savoir s'il faut recommander ou pas l'étape suivante de l'étude, en matière de faisabilité. Des groupes des Premières Nations qui travaillent à des projets importants nous ont formulé des observations; l'Université de Calgary a souligné, naturellement, qu'elle voudrait que son étude passe au niveau suivant.

Voyez-vous cela comme une autre étude préliminaire — comme une étape de plus, mais quand même rigoureuse —, et estimez-vous qu'il conviendrait de réaliser une évaluation environnementale à ce moment-là ou plutôt attendre encore un peu?

M. McCauley : En réponse à votre première question concernant le caractère multifonctionnel du corridor, je dirais que le processus d'évaluation environnementale peut convenir à cela, en particulier si vous vous prévalez des dispositions sur les études régionales. L'étude régionale peut être structurée comme un plan d'aménagement du territoire, qui par définition couvre les multiples usages. Il faut travailler avec les autres instances intéressées, pour cela.

Je vous encouragerais à adopter une perspective très large, en ce sens qu'il y a peut-être des possibilités, du point de vue de la protection de l'environnement, d'utiliser le corridor pour créer des liens entre les zones protégées, par exemple. Je ne pense pas que le caractère multifonctionnel du corridor soit un problème insurmontable. Il est possible d'adapter les choses.

En ce qui concerne votre deuxième question et le moment de la prochaine activité, l'un des avantages des dispositions sur les études régionales, c'est qu'elles sont très ouvertes. Vous avez donc de la latitude concernant leur conception et leur cadre de référence. Une telle étude peut servir d'étape suivante et, comme je l'ai dit dans mon exposé, l'un des enjeux est de savoir qui est le défenseur de cette activité, qui serait le représentant auprès du comité et qui aiderait le comité à comprendre le fonctionnement.

Plus la définition sera précise, plus les dispositions sur les études régionales conviendront, et plus il sera possible d'adapter les dispositions aux besoins particuliers.

Le sénateur Black : Si le défenseur, comme vous le dites, était le gouvernement du Canada, recommanderiez-vous cela comme étant dans l'intérêt du Canada? Est-ce que cela a une incidence sur votre façon de voir le processus?

M. McCauley : Je dirais que non. La loi prévoit que le gouvernement pourrait être le promoteur de projets, par exemple, et cela s'est produit dans le passé. Nous sommes indépendants, en ce sens que nous relevons directement de la ministre de l'Environnement et que nous lui donnons des conseils, mais d'autres ministères ou entités pourraient mener des projets.

Le sénateur Black : Je vais poursuivre dans la même veine que le sénateur Tannas. Si c'était le cas, il faudrait manifestement qu'il se tienne beaucoup de conservations préliminaires. Votre agence peut-elle participer à de telles conversations?

M. McCauley : Oui, je le crois, et c'est pertinent, en ce qui concerne la façon d'établir le mandat du comité et le cadre de référence de l'étude.

Le sénateur Black : Vous pourriez participer au travail préliminaire.

M. McCauley : Selon la loi, l'agence doit offrir du soutien aux comités quand ils sont créés, alors oui.

Le sénateur Black : C'était un formidable exposé. Merci.

La sénatrice Galvez : Je suis vraiment ravie de voir que l'agence reprend certaines de ses activités du passé. C'est très rafraîchissant. Pendant 20 ans, j'ai donné le cours sur l'évaluation environnementale à l'Université Laval, à Québec. L'année dernière, je l'ai enseigné à 300 étudiants en génie civil.

En ce qui concerne l'évaluation environnementale de multiples projets, je me préoccupe entre autres des effets cumulatifs. Comme vous l'avez dit, le promoteur arrive, et c'est l'évaluation de son propre projet et de son propre corridor. La zone d'étude est très étroite. Cependant, avec ce corridor, ce que je lis, c'est que les fonctions seront très nombreuses. Allez-vous vous préoccuper de superviser ou de surveiller les effets cumulatifs du corridor?

M. McCauley : C'est une excellente question, et puisque vous avez enseigné l'évaluation environnementale, j'ai tout intérêt à répondre avec grand soin.

La raison d'être des dispositions — l'une des principales raisons —, c'est qu'on a reconnu que gérer les effets cumulatifs est très difficile, sinon impossible, si on le fait par projet. Les dispositions ont été adoptées pour que l'approche soit régionale, ce qui offrirait une façon plus efficace de gérer les effets cumulatifs.

Une étude régionale peut englober la gestion et l'évaluation des effets cumulatifs. C'est l'une des raisons pour lesquelles les dispositions existent, et nous avons entre autres un rôle de conformité et d'application, quand nous en arrivons à l'évaluation des projets. Nous devons veiller à ce que les mesures d'atténuation soient mises en œuvre conformément aux engagements de l'évaluation environnementale et à ce qu'elles produisent les résultats voulus.

Selon la procédure, la ministre publie une déclaration de décision qui comporte des conditions juridiquement contraignantes que le promoteur doit respecter. Nous surveillons donc le rendement du promoteur en fonction de ces conditions.

La sénatrice Galvez : Les changements climatiques touchent intensément le Canada, mais c'est encore pire dans le Nord. Le pergélisol disparaît, et les pipelines et routes devront être conçus en fonction de tous ces changements.

Nous savons tous que quand il est question de coûts, il vaut mieux planifier que d'attendre les mesures d'atténuation, car celles-ci sont plus coûteuses. Comment allez-vous tenir cela en compte?

M. McCauley : C'est une excellente question. À l'échelon fédéral, pour une évaluation environnementale, nous avons l'obligation explicite de ne pas examiner que les effets du projet sur l'environnement, mais aussi les effets de l'environnement sur le projet. Nous nous penchons effectivement sur les facteurs qui peuvent avoir des incidences sur le projet, notamment les changements climatiques et les changements relatifs aux feux de forêt. Cela fait partie de l'évaluation environnementale, en effet, et nous en tenons compte.

Le sénateur Enverga : Je vous remercie de votre exposé. En ce qui concerne votre approche stratégique relative aux conditions de réussite, vous avez dit qu'il serait nécessaire de fournir du financement au comité qui serait constitué par la ministre de l'Environnement et du Changement climatique. A-t-on établi une échéance à cet égard? Quand ce comité sera-t-il constitué? Quand le financement sera-t-il accordé? S'agira-t-il d'un comité fédéral qui supervisera toutes les mesures prises pour concrétiser ce projet?

M. McCauley : C'est une bonne question. Les dispositions de la loi donnent à la ministre la souplesse nécessaire pour constituer un comité lorsqu'il y a seulement des compétences et des intérêts fédéraux en jeu. Toutefois, elles lui donnent également le pouvoir de constituer un comité conjointement avec d'autres administrations lorsque plusieurs intérêts ou administrations sont concernés. Le comité peut être formé de représentants de tous les participants ou de toutes les administrations qui pourraient être touchées par le projet.

Si je parle des ressources, c'est parce que la loi ne contient aucune disposition visant à recouvrir les coûts engendrés par les travaux du comité. Mon organisme n'a pas les ressources nécessaires pour accomplir ces travaux, même si c'est notre responsabilité et que nous nous efforcerions manifestement d'appuyer le comité de notre mieux. Si un comité est créé, il sera important de veiller à demander les ressources nécessaires pour permettre à ses membres de faire leur travail, au public de participer et aux experts du gouvernement fédéral de fournir leur expertise et leurs connaissances scientifiques.

Le sénateur Enverga : Prépare-t-on des mesures législatives visant à concrétiser cela?

M. McCauley : Comme je l'ai dit, la ministre a mis sur pied un groupe d'experts pour examiner les processus d'évaluation environnementale, et ces experts doivent formuler des recommandations à la fin du mois. La question des approches régionales a été soulevée. Je n'ai aucune idée de ce qu'ils recommanderont, mais étant donné que des gens ont soulevé cette question pendant leurs délibérations, nous nous attendons à ce que ces experts prodiguent quelques conseils.

Le sénateur Gold : Je vous remercie d'être ici. En ce qui concerne un projet de cette envergure et le rôle que jouera votre organisme dans le cadre de réglementation général, quelles sont vos principales préoccupations et quelles devraient être nos principales inquiétudes?

M. McCauley : Je dirais que l'envergure du projet me préoccupe. Il s'agit toujours d'une idée conceptuelle, et je pense qu'il faut s'efforcer davantage de la préciser. Autrement, on peut dépenser beaucoup de temps et d'argent sans obtenir de résultats. J'encouragerais donc les efforts en vue de préciser cette notion et de déterminer ce qu'elle est et ce qu'elle n'est pas, car cela m'inquiète.

Il s'agit donc de déterminer, si nous nous engageons dans cette voie, ce que nous souhaitons accomplir par l'entremise de l'étude régionale. Cela peut être énoncé dans le mandat du comité et ses membres peuvent accomplir le travail nécessaire. Étant donné que la proposition s'étend à l'échelle du Canada et qu'elle touche un très grand nombre de régions et de collectivités du pays, il sera important d'établir un processus qui donnera l'assurance aux gens que leurs points de vue seront représentés, qu'ils auront la chance de participer et que leurs problèmes seront identifiés et traités.

Le sénateur Gold : Étant donné l'envergure du projet et le temps qu'il faudra inévitablement consacrer à l'organisation de tous ces processus — et à leur mise en œuvre —, on aura le temps de vivre des changements de gouvernement dans de nombreuses provinces. Êtes-vous préoccupé au sujet de la durabilité d'un projet de ce type en raison de l'environnement politique en évolution?

M. McCauley : Selon moi, une critique fréquemment formulée à l'égard des dispositions liées aux études régionales, c'est qu'elles incitent toujours à agir rapidement, car les projets doivent avancer. Cette notion fournit l'occasion de planifier à plus long terme, afin de mettre en place les conditions qui appuieront le développement des projets — pas dans un avenir immédiat, mais à moyen et à long terme. Il faut tenir compte de cela.

Je ne peux pas prévoir si un changement de gouvernement aura une incidence sur l'appui manifesté à l'égard de ce concept. Si on constitue un comité et qu'on lui donne un mandat, on s'attendra à ce que ses membres travaillent jusqu'à ce qu'ils remplissent ce mandat.

Le président : Vous avez abordé la question du corridor national, mais vous avez également parlé d'un corridor régional. Lorsque vous dites « corridor régional », que voulez-vous dire exactement? Relie-t-il deux provinces? Parlez- vous de l'Ouest ou de l'Est?

M. McCauley : Je fais référence à un corridor national. J'utilise le mot « régional », car c'est un mot qui se trouve dans notre mesure législative. J'ai remarqué que dans l'étude menée par l'Université de Calgary, il y a une ramification vers la vallée du Mackenzie et une autre vers Churchill. Il faut considérer l'ensemble de la proposition.

La sénatrice Ringuette : Tout d'abord, j'aimerais vous remercier chaleureusement. Je pense que vous nous avez redonné espoir. Vous dites que vous avez besoin de ressources, et je pense que lorsque le comité tente d'étudier un projet de pipeline, les ressources nécessaires pour mener cette étude doivent être fournies par le promoteur du projet. Toutefois, cette situation est différente.

Dans votre cadre législatif, serait-il possible qu'Infrastructure Canada agisse à titre de promoteur général du projet et fournisse les ressources nécessaires au comité?

M. McCauley : Rien n'empêcherait cela.

La sénatrice Galvez : Je suis heureuse de constater que nous planifions à long terme, car c'est très important. Le changement climatique nous permettra sûrement de construire de plus en plus au nord. Cela générera beaucoup d'activités dans le secteur de la construction.

Nous savons que RNCan a élaboré un code du bâtiment et qu'il s'agit d'un code élémentaire que les provinces, selon leurs convictions, choisissent d'adopter ou d'améliorer, selon leurs besoins.

Étant donné que ces projets nécessiteront beaucoup de travaux de construction, devriez-vous parler aux gens responsables de ce code du bâtiment et commencer à réfléchir aux règles qui devront s'appliquer aux travaux de construction dans le Nord dans le contexte du changement climatique?

M. McCauley : Il sera important de mener des discussions à plusieurs niveaux sur une série d'enjeux comme celui-ci tout au long de la progression du concept. Étant donné que le corridor et sa mise en œuvre s'inscrivent dans une vision à long terme, nous devrons certainement tenter de déterminer les normes qui seront en vigueur d'ici deux ans.

Le sénateur Smith : Quelle rétroaction, le cas échéant, avez-vous reçue des provinces en ce qui concerne le projet Cercle de feu de l'Ontario et le Plan Nord du Québec? Les représentants provinciaux vous ont-ils précisé ce qu'ils souhaitaient accomplir? Dans le cadre de notre étude sur ce projet d'envergure dont la mise en œuvre réussie entraînerait d'énormes changements, je demande toujours si l'ensemble du projet sera exécuté en une seule fois ou s'il sera divisé en plusieurs étapes. Dans ce cas-ci, il semble y avoir trois parties. Relie-t-on ensuite le projet aux priorités commerciales? Si la priorité actuelle consiste à se concentrer sur l'Asie, surtout dans le secteur agricole, on pourrait peut-être décider qu'il serait bon de privilégier les occasions offertes par l'Ouest. Quel type d'interaction, le cas échéant, avez-vous eu avec les provinces? Manifestement, il faudra que les représentants provinciaux s'engagent fermement à devenir des participants actifs — et les Autochtones aussi, bien sûr.

M. McCauley : Je suis d'accord avec vous. Je crois que les provinces joueront un rôle clé dans la façon de faire avancer le projet et dans la forme sous laquelle il se présentera. À ma connaissance, nous n'avons pas discuté avec les représentants provinciaux de ce concept ou des régions particulières de leur province qu'ils aimeraient lier au concept.

Nous avons toutefois des évaluations de projets actifs en cours dans certaines de ces régions, mais ces évaluations ont été menées par projet plutôt que dans le cadre d'une approche régionale.

Le sénateur Smith : Comment stimuleriez-vous les choses? Qui inciterait les provinces à participer?

M. McCauley : Je crois qu'il y a probablement deux ou trois possibilités. Il faudrait notamment identifier le champion de la promotion de ce concept. C'est donc une possibilité.

Pour ce qui est de la réglementation en matière environnementale, nous échangeons régulièrement avec un comité d'administrateurs des EE des provinces. Nous pourrions commencer à mobiliser un certain nombre de comités fédéraux-provinciaux-territoriaux si cette proposition allait de l'avant et qu'il y avait une volonté d'essayer quelque chose pour l'étude régionale ou l'évaluation environnementale.

Le sénateur Smith : De par la nature du concept, bien sûr, ce devrait être une initiative nationale. Donc quel serait le principal ministère fédéral compétent pour la diriger, d'après vous?

M. McCauley : Je n'en suis pas certain. À première vue, je dirais Infrastructure Canada.

Le sénateur Smith : Permettez-moi de vous poser la question sous un autre angle. Pouvez-vous me nommer deux ou trois options possibles pour cela, question de ne pas trop braquer les projecteurs sur vous en vous demandant une réponse directe?

M. McCauley : Je pense que de toute évidence, Infrastructure Canada aurait un rôle à jouer, compte tenu de la nature du projet. D'après ce que je comprends, vous souhaiteriez qu'il comprenne des oléoducs et des lignes électriques. Ainsi, cela ferait probablement intervenir l'Office national de l'énergie, ainsi que Ressources naturelles Canada, pour l'exploitation minière. Je pense que leurs représentants sont déjà venus vous parler de leurs intérêts. Ce sont ceux auxquels je pense.

Le sénateur Smith : À Infrastructure Canada, la Banque de l'infrastructure pourrait être un joueur clé, puisqu'elle est liée aux fonds de pension. Cela pourrait peut-être susciter de l'intérêt et attirer du financement pour le projet.

Le sénateur Black : Pouvez-vous nous aider à comprendre comment nous pourrions recommander ou établir une formule à guichet unique pour les évaluations environnementales, de sorte que le promoteur n'ait pas besoin de s'entendre avec Ottawa, puis avec sept ou huit provinces? Serait-ce possible? Le cas échéant, comment?

M. McCauley : Cela pourrait passer par une entente multilatérale entre les provinces et le gouvernement fédéral, sur l'exécution des responsabilités en matière d'évaluation environnementale. Nous travaillons en collaboration avec les provinces aux évaluations de projet, donc ce pourrait être une possibilité.

Cela dépend aussi en partie des détails de chaque proposition, de l'endroit où le projet aura lieu, de son ampleur et de ce qu'il comprend, mais ce serait probablement un bon point de départ, à tout le moins c'est ce qui me vient à l'esprit.

Le sénateur Black : Il serait donc possible à votre avis que nous recommandions cette formule?

M. McCauley : Oui.

Le sénateur Black : Très bien. Merci, monsieur.

La sénatrice Galvez : Habituellement, dans les études d'impact sur l'environnement, on évalue surtout l'impact d'un projet sur les humains et l'environnement, principalement du point de vue de la sûreté et de la sécurité. On voit toutefois apparaître d'autres critères d'évaluation aujourd'hui, comme les effets des émissions de dioxyde de carbone et de gaz à effets de serre. Nous avons entendu avant vous le président de l'association de l'acier, qui est venu nous dire que l'empreinte écologique de l'acier canadien était beaucoup plus faible que celle de l'acier venant de la Chine ou de la Corée. Pourtant, nous continuons d'utiliser leur acier. Soit dit entre parenthèses, j'ajouterais qu'il est de qualité moindre à celle de l'acier canadien.

Selon votre nouveau cadre d'évaluation environnementale, y aurait-il de nouvelles façons d'évaluer cet impact et d'y intégrer l'analyse de l'empreinte environnementale?

M. McCauley : Selon la loi actuelle, ainsi que la méthode et les principes que le gouvernement a adoptés en janvier dernier, nous tenons désormais compte des émissions de gaz à effets de serre en amont d'un projet. Nous évaluons également les émissions de gaz à effets de serre directes.

Qu'est-ce qui nous attend à l'avenir? Quels changements pourraient être apportés suite aux recommandations du groupe d'experts? Je n'en ai aucune idée, mais je pense que ces questions ont été portées à son attention. Nous attendrons de voir quels conseils il aura à nous donner à la fin mars.

Le président : S'il n'y a pas d'autres questions, je vais vous remercier infiniment, monsieur McCauley. C'était très apprécié.

C'est avec grand plaisir que je souhaite la bienvenue à Robert Ballantyne, président de l'Association canadienne de gestion du fret. Je vous remercie d'être parmi nous aujourd'hui, monsieur Ballantyne, pour participer à notre étude.

Je vous prie de commencer par nous présenter votre exposé, après quoi il y aura une séance de questions et de réponses.

Robert Ballantyne, président, Association canadienne de gestion du fret : Je vous remercie infiniment monsieur le président et honorables sénateurs. C'est toujours un plaisir pour moi de comparaître devant des comités sénatoriaux. J'ai l'habitude de comparaître devant le comité des transports, donc je suis bien content d'avoir l'occasion de rencontrer votre comité. Je suppose qu'on peut dire que j'ai reçu une promotion.

Le président : C'est le premier comité que le Sénat a établi dès la Confédération, c'était le seul à l'époque, en fait. Il comptait alors 50 membres, donc je suis bien heureux que vous ne comparaissiez que devant un nombre limité de sénateurs.

M. Ballantyne : L'Association canadienne de gestion du fret est heureuse de pouvoir présenter au comité son point de vue au sujet du projet de Corridor du Nord. L'AGF représente les opinions des expéditeurs depuis 1916 et s'occupe exclusivement des questions liées au transport des marchandises, en raison de leur incidence sur le succès de l'industrie canadienne sur les marchés nationaux et d'exportation. L'an dernier, les célébrations de notre centenaire ont été un jalon important. Soit dit en passant, je mentionne que je n'étais pas présent à notre toute première réunion.

Les 90 entreprises membres de l'AGF proviennent de toutes les régions du Canada et représentent la plupart des secteurs industriels, notamment l'exploitation minière, les produits forestiers, l'agriculture, la transformation des aliments, la fabrication et le commerce de détail. Elles apportent plus de 100 milliards de dollars à l'économie canadienne et dépensent plus de 4 milliards de dollars en transport des marchandises, que ce soit pour le transport par fret aérien, maritime, ferroviaire, terrestre ou multimodal. Certains sont très connus; une liste des entreprises membres est jointe à la présente note d'allocution.

Au sujet du projet de Corridor du Nord, il constitue une entreprise créative et audacieuse qui exigerait l'unanimité et l'appui de tous les ordres de gouvernement, de la population générale et surtout, des Premières Nations, sans compter celui des intervenants clés du secteur privé au sein de l'économie.

Il est reconnu que les promoteurs présentent un « concept » et proposent un vaste programme de recherche afin d'évaluer la viabilité du projet. Il s'agit en fait d'une première étape nécessaire pour un projet de cette envergure.

Le caractère unique de ce projet est la polyvalence du corridor, qui comprendrait des routes et des chemins de fer, ainsi que des installations de transmission de télécommunications et de transport d'électricité et peut-être même des pipelines pour le transport du pétrole ou du gaz. On envisage un corridor d'une largeur qui pourrait atteindre quelques kilomètres, ce qui faciliterait son utilisation à plusieurs fins.

Selon les promoteurs, « une telle approche globale est plus viable qu'une série d'étapes multiples, car elle peut mieux répondre aux besoins d'intérêts divers ». Cette réflexion est très intéressante, mais elle ne pourra être vérifiée qu'après avoir été mise en application. L'opposition que connaissent les grands projets d'infrastructure donne à penser qu'un tel projet ne fera pas exception. Les préoccupations concernant le franchissement de cours d'eau, la mise en péril du pergélisol et d'autres zones fragiles et la perturbation des voies migratoires des animaux seront étudiées dans le cadre des évaluations environnementales officielles et seront aussi une source d'inquiétudes pour les militants écologistes et certains groupes des Premières Nations.

Voici maintenant mes commentaires sur la proposition. Mes commentaires sont surtout limités à ses impacts potentiels sur les expéditeurs, mais voici d'abord quelques commentaires généraux.

La construction du chemin de fer Canadien Pacifique, à partir de 1881, est sans doute le dernier projet d'une envergure semblable au Canada. Il s'agissait d'un projet visant l'édification de la nation : il y avait des raisons stratégiques importantes d'aller de l'avant, outre le fait qu'il favorisait le développement commercial. En effet, c'était une condition pour que la Colombie-Britannique accepte de se joindre à la Confédération; et le développement d'une infrastructure était nécessaire pour accéder à l'Ouest et empêcher les expansionnistes américains de se tourner vers le Nord.

Des considérations stratégiques ont influencé le tracé du CFCP. Le gouvernement voulait que le chemin de fer soit le plus près possible de la frontière états-unienne, ce qui a mené à l'utilisation du trajet très difficile du col Rogers, à travers les Rocheuses, plutôt que du col Yellowhead, par où passe le chemin de fer Canadien Pacifique. En raison des difficultés liées au col Rogers et de l'augmentation de la circulation durant les années 1970 et 1980, le CFCP a entrepris son dernier projet d'infrastructure majeur dans les années 1980, soit le projet Mount McDonald, afin d'améliorer le tracé pour les trains se dirigeant vers l'ouest. Les actionnaires du CFCP ont financé le projet en totalité, qui a coûté 800 millions de dollars. Le gouvernement n'y a investi aucun sou.

Je mentionne cet exemple puisqu'il semble que le Corridor du Nord proposé soulève des considérations stratégiques semblables, d'après les promoteurs, et que ces considérations pourraient avoir une incidence sur le tracé, qui pourrait ne pas être le plus approprié du point de vue de l'ingénierie.

À titre d'ancien ingénieur civil dans le domaine ferroviaire, je dois souligner que la faible résistance des roues en acier sur le rail d'acier est la raison pour laquelle les chemins de fer sont écoénergétiques. L'inconvénient, c'est qu'il faut garder les pentes à un minimum, habituellement à 1 p. 100, ce qui signifie que pour des raisons d'ingénierie, les chemins de fer pourraient ne pas pouvoir suivre le tracé des routes, pipelines, et cetera qui partageraient le corridor et dont le tracé n'est pas assujetti à des exigences aussi restrictives en matière de pente.

Du point de vue de l'expéditeur, la croissance de l'économie du Canada et du reste du monde nécessite que les infrastructures de transport et les installations puissent répondre à la demande. Le vaste territoire canadien est une grande source de richesse pour notre pays, mais il est aussi un obstacle considérable pour les producteurs canadiens qui cherchent à faire parvenir leurs produits sur les marchés mondiaux dans des délais rapides et à prix concurrentiels.

Comme les promoteurs le signalent, les échanges entre le Canada et l'Asie s'accroissent considérablement. Vu la signature de l'AECG, on s'attend à ce que le commerce entre le Canada et l'Union européenne augmente aussi de façon significative. La croissance du commerce international entraînera plus d'importations et d'exportations. Puisque beaucoup de biens de consommation proviennent de l'Asie et que la population du Canada grandit, la demande en biens de consommation provenant de l'étranger continuera d'augmenter.

La viabilité du Corridor du Nord proposé dépendra du volume d'activité. On s'attend à ce qu'une grande partie des activités commerciales dans le corridor soient liées aux industries forestières et minières qui pourraient voir le jour dans les régions situées près du corridor. Or, le corridor pourrait aussi représenter des avantages pour les exportateurs et les importateurs au sud, dans les régions les plus développées du Canada. Un bon exemple est l'accroissement du trafic au port de Prince Rupert. Les capitaines des navires transportant des conteneurs ont constaté qu'ils économisaient du temps en déchargeant leurs marchandises à Prince Rupert, qui pouvaient être acheminées rapidement par le CN jusqu'à Chicago et vers d'autres marchés du Midwest des États-Unis et du Sud de l'Ontario.

En résumé, l'AGF comprend que les promoteurs demandent maintenant un financement allant jusqu'à 800 000 $ pour la phase 1 du programme de recherche proposé, afin de déterminer si le corridor est viable et nécessaire. Les « trois piliers » de la phase 1 proposée semblent raisonnables, soit les aspects physiques, c'est-à-dire les considérations par rapport au tracé, à l'emplacement et aux techniques d'ingénierie; les aspects financiers, c'est-à-dire l'analyse des coûts et avantages et les options de financement; puis les questions relatives à la propriété, c'est-à-dire l'engagement de la communauté et les questions de gouvernance.

Bref, cette première étape semble raisonnable, la somme est relativement modeste et l'AGF recommande au Sénat de soutenir la demande des promoteurs pour un financement par le gouvernement fédéral.

Je vous remercie et c'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.

Le président : Merci, monsieur Ballantyne.

Le sénatrice Galvez : Vous avez bien raison de dire que les questions liées au franchissement de cours d'eau et à la mise en péril du pergélisol, entre autres, sont délicates. Cela ne fait aucun doute. Cependant, nous utilisions le même genre de conception et de paramètres linéaires à l'époque, parce que les humains apprennent de leurs erreurs. Nous avons payé cher pour apprendre de nos erreurs. Nous avons fait passer des trains près des villes, d'où la tragédie de Lac-Mégantic. Nous avons donc acquis de l'expérience qui devrait nous pousser à changer nos façons de faire.

Faites-moi part de votre impression. J'espère que cela viendra changer la façon dont les nouveaux projets sont conçus, en ce sens que leur présentation, les plans et les matériaux seront choisis selon des critères différents. Voici ma question sur le code du bâtiment : échangez-vous avec les gens du milieu de la construction?

M. Ballantyne : Il y a beaucoup de choses qui se passent avec les gens de la construction, et il y a beaucoup de groupes, de personnes et d'experts qui sont mis à contribution.

Premièrement, je prends bonne note de votre observation. Il faudra respecter les moindres exigences réglementaires pour que le projet puisse aller de l'avant. Elles ont augmenté depuis quelques dizaines d'années.

Je repense à l'époque de l'aménagement de la Voie maritime du Saint-Laurent. Ce projet a pris environ cinq ans à se réaliser. Aujourd'hui, nous ne pourrions même pas effectuer l'évaluation environnementale d'un projet comme celui de la Voie maritime du Saint-Laurent en moins de 15 ou 20 ans. Je ne suis pas sûr que ce soit une amélioration, mais c'est la réalité.

Cette réalité est ce qu'elle est. Les exigences environnementales doivent être respectées. De plus, il y a évidemment du travail d'ingénierie nécessaire sur le plan géotechnique, en fonction des conditions de sol. Quelles sont les choses de cet ordre auxquelles il faut penser? Tout doit se faire selon les exigences de la société. Vous avez tout à fait raison : ces exigences ont radicalement changé depuis.

Je suis moi-même dans le domaine depuis presque 57 ans, et j'ai vu beaucoup de changements s'opérer. J'espère que cela répond à votre question.

La sénatrice Galvez : À la fin de votre exposé, vous avez recommandé que nous accordions 100 000 $. Je suis ici en remplacement de quelqu'un d'autre, donc je ne suis pas au courant du projet pour lequel ces 100 000 $ sont demandés. Parlez-vous du projet de l'Université de Calgary?

M. Ballantyne : Oui.

La sénatrice Galvez : Est-ce vraiment une université qui devrait effectuer ce genre d'étude ou un consortium? Qu'en pensez-vous?

M. Ballantyne : D'après ce que je comprends de la proposition de l'École d'administration publique de l'Université de Calgary, elle a fait cette proposition initiale, que je considère comme une proposition préliminaire, puis propose l'étape suivante, qu'elle appelle la « phase 1 » du projet de recherche. L'université demande 800 000 $ pour ce premier projet de recherche, qu'elle ne décrit que comme la « phase 1 ». On peut présumer que si ce projet va de l'avant, une analyse plus détaillée suivra, sur les utilisations potentielles du corridor, par exemple, les coûts et les avantages, toutes les préoccupations environnementales, dans le détail. Je présume que cette analyse sera réalisée par l'École d'administration publique et son partenaire, une organisation du nom du CIRANO. Il n'y a rien ici qui explique en quoi consiste le CIRANO, donc je ne sais pas trop de quoi il s'agit, mais je crois que c'est lui qui s'occuperait de la suite du projet. Ils ont écrit qu'ils feraient intervenir d'autres universitaires et experts au besoin.

Le sénateur Tannas : Pour votre information, sénatrice Galvez, nous ne sommes pas ici pour nous pencher sur cette étude de 800 000 $, mais pour étudier le projet du Corridor du Nord. L'Université de Calgary nous a présenté ses arguments pour que nous recommandions au gouvernement de financer cette étude, mais nous avons également entendu d'autres parties qui souhaitent être mises à contribution, donc ce n'est pas une proposition à prendre ou à laisser.

Je vous remercie de votre présence ici aujourd'hui. Votre exposé était très clair. Vous travaillez dans le domaine depuis 57 ans. Vous nous avez parlé du chemin de fer. Le chemin de fer n'aurait jamais pu être construit aujourd'hui. Nous ne pourrions jamais aménager la Voie maritime du Saint-Laurent aujourd'hui.

M. Ballantyne : Non, en effet.

Le sénateur Tannas : Si vous deviez gager, croyez-vous que dans 57 ans, un camionneur qui traverse le pays par le Corridor du Nord se dira : « Wow! Il y a quelqu'un quelque part qui a été très perspicace », ou croyez-vous que ce sera une autoroute vide, un éléphant blanc? Si vous deviez gager, quel pari feriez-vous?

M. Ballantyne : Évidemment, il est difficile de prévoir ce qu'il adviendra dans 57 ans. Il est bien plus facile d'analyser ce qui s'est passé il y a 57 ans, pour tout vous dire.

Je serais assez optimiste. Je crois que le pays continuera de se développer. Je pense que les ressources dont nous disposons au Canada sont presque sans pareil dans le monde. C'est de bon augure, à mon avis, pour l'avenir du Canada et du Nord canadien. Je m'attends à ce qu'il y ait au moins une possibilité raisonnable pour que ce soit un peu comme l'histoire du Canadien Pacifique. Ce projet ouvrirait l'accès au pays, ce qui stimulerait le développement en soi. C'est comme pour beaucoup de projets gouvernementaux d'infrastructure, dont la construction de routes. Quand un gouvernement construit une route ou un métro au centre-ville de Toronto ou ailleurs, cela stimule le développement privé. Je serais donc optimiste quant au potentiel de ce projet.

Le sénateur Gold : Le CIRANO est le Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations, et il se trouve à Montréal.

M. Ballantyne : Je vous remercie.

Le sénateur Gold : Nous avons entendu un témoin précédent nous parler de l'importance de rétrécir la portée de ce projet, qui est actuellement au stade de concept, pour qu'on puisse mieux le comprendre et l'évaluer.

À la lumière de votre expertise et des groupes que vous représentez, vous mentionnez à la page 3 de votre mémoire que tout dépendra beaucoup du volume d'activité commerciale dans le corridor.

Selon vous, selon un point de vue d'expéditeur, si vous deviez dessiner le tracé pour en restreindre l'étendue, par où passerait-il?

M. Ballantyne : C'est une question très difficile. Premièrement, il faut souligner que le tracé qui figure dans le rapport est très vague et conceptuel, il passerait quelque part assez près de la frontière nordique des trois provinces des Prairies.

Avant d'établir un tracé définitif, il conviendrait de bien évaluer les débouchés possibles. J'ai entendu une partie de votre discussion avec le témoin précédent, et je crois que vous avez parlé du Cercle de feu, en Ontario. Il est clair qu'il serait bon que le tracé passe par cette région. Je pense que l'un des problèmes de tout projet de développement dans le Cercle de feu, c'est que personne n'est jamais certain du type d'infrastructure qu'il souhaiterait dans la région ni des endroits par où elle passerait. Je pense que ce serait bien utile. Dans d'autres parties du pays aussi, il serait probablement pertinent d'analyser le potentiel en foresterie ou en exploitation minière ou de ressources pour établir le tracé de façon plus détaillée.

Le sénateur Plett : J'aimerais approfondir un peu la question des études environnementales qu'il faudrait effectuer aujourd'hui pour un projet comme celui de la Voie maritime du Saint-Laurent, pour revenir aux propos du sénateur Tannas, qui disait notamment que le chemin de fer ne pourrait jamais être construit aujourd'hui.

Bon nombre d'entre nous nous rendons souvent en Chine. Je sais que cette question peut sembler chargée, mais ce n'est pas mon intention. Le sénateur Day et moi avons passablement voyagé en Chine. Nous avons visité le port de Shanghai, qui est le plus grand port de conteneurs au monde, si je ne m'abuse. Les Chinois ont construit une route de 30 ou 35 kilomètres, puis un pont jusqu'au port. Ce pont s'étend sur 32 kilomètres de distance. Ils ont construit le plus grand port de conteneurs au monde, et il leur a fallu un an et demi pour y arriver. N'y a-t-il aucune étude environnementale qui se fait en Chine? De toute évidence, il s'y fait assez d'études pour déterminer que cette infrastructure restera debout. C'est une superbe route, et je suis certain que le pont est solide. Continuerons-nous de perdre du terrain ainsi parce que nous allons trop loin d'un côté, alors que les Chinois vont peut-être trop loin de l'autre? Quelle est la solution?

M. Ballantyne : Vous soulevez des points intéressants. Je me suis rendu en Chine à maintes reprises, mais je n'ai aucune idée de ses mécanismes d'évaluation environnementale. Je présume que s'ils ne sont pas encore très poussés, ils le deviendront, donc je serais porté à croire qu'ils finiront par ressembler davantage aux nôtres.

Je pense que nous pourrions améliorer nos mécanismes d'évaluation environnementale au Canada. Vous parliez avec le témoin précédent du recoupement des exigences environnementales fédérales et provinciales. Je ne comprends pas trop pourquoi il devrait y avoir plus d'un processus d'évaluation environnementale où que ce soit au Canada. Pourquoi n'y aurait-il pas une seule évaluation environnementale pour satisfaire à la fois les exigences fédérales et les exigences provinciales? Je crois que cela aiderait.

Je pense que l'histoire du pont Gordie Howe entre Windsor et Detroit est un bon exemple de la difficulté à réaliser des projets. C'est un petit pont — il n'est pas long du tout —, mais on attend encore la première pelletée de terre sur le terrain, même si on parle du projet et qu'on l'étudie depuis 20 ans.

Il faut trouver une façon d'accélérer les démarches pour répondre aux exigences environnementales, mais aussi la planification et la réalisation de ce genre de projets.

J'ai fait la comparaison entre le pont Gordie Howe et la Voie maritime du Saint-Laurent. C'était un grand projet binational, peut-être le plus grand projet de génie civil en Amérique du Nord du XXe siècle. Tant le Canada que les États-Unis ont réussi à le réaliser et à en terminer la construction en cinq ou six ans. C'est tout simplement incroyable. Nous ne pourrions jamais même nous approcher de cela aujourd'hui, donc je crois que nous avons beaucoup de pain sur la planche.

Le sénateur Plett : Est-ce parce que l'évaluation prend autant de temps et qu'il y a trop de groupes qui interviennent ou parce que chaque fois qu'une évaluation est faite, il y a des groupes qui la contestent, puis il faut tout recommencer?

M. Ballantyne : Tout dépend en fonction des projets; ce ne sera pas exactement la même chose chaque fois. Il y a toute une série de facteurs. Ce n'est pas toujours l'évaluation environnementale qui ralentit le projet. Parfois, il y a d'autres exigences réglementaires à satisfaire aussi.

Dans le cas du pont Gordie Howe, il y avait des exigences de l'État du Michigan qui n'étaient pas nécessairement de nature environnementale. Il y avait des autorisations à recevoir du gouvernement fédéral, un peu comme au Canada.

Nous adoptons tellement de règlements et de lois que les projets doivent respecter que c'est très énergivore, et je pense qu'il arrive aussi que des gens n'approuvent pas certains projets et qu'ils utilisent tous les mécanismes judiciaires à leur disposition pour les freiner. Cela arrive. Je reviens à l'exemple de la Voie maritime du Saint-Laurent. Il y a des villages qui ont été inondés en Ontario. Les autorités ontariennes et le gouvernement fédéral ont réussi à acheter les propriétés privées visées, et il n'y a pas eu tellement de résistance, si ma mémoire est bonne. J'étais encore assez jeune à l'époque, mais je m'en rappelle.

Il y a des choses qui ont été faites qui ne seraient plus acceptables aujourd'hui, comme d'expulser des gens de leurs maisons. De cette histoire est née l'Upper Canada Village. Beaucoup des maisons qu'on y trouve ont été déplacées de ces villages vers l'Upper Canada Village.

Le président : S'il n'y a pas d'autres questions, je vais remercier M. Ballantyne. C'était un témoignage très éclairant et très agréable.

Avant de dire au revoir à M. Ballantyne, je mentionne qu'il y aura une discussion d'environ une heure à huis clos le 30 mars prochain. Nous parlerons alors de notre voyage, de notre budget et de la Commission du droit d'auteur. Vous avez tous vu la lettre que nous avons reçue de la Commission du droit d'auteur. Nous n'avons pas encore reçu de réponse à la question de savoir si elle se penchera sur la question même de la commission pendant son étude du projet de loi. J'aimerais donc que nous en discutions un peu entre nous pour déterminer si nous risquons de nous enliser, si nous voulons faire quelque chose pour l'éviter et si nous voulons tenir une séance ou deux sur la commission elle- même.

C'est ce que nous ferons, et si vous voulez ajouter quoi que ce soit d'autre à la partie de la séance à huis clos, envoyez-moi un mot, puis je l'inscrirai à l'ordre du jour.

Le sénateur Black : La greffière a-t-elle une idée du moment où nous pourrions nous rendre aux États-Unis, pour que nous puissions tout de suite réserver les dates?

Le président : Nous visons la première semaine de mai.

Le sénateur Black : La première semaine de mai, le comité de l'énergie sera au Canada atlantique. C'est la raison pour laquelle j'aimerais...

Le président : Nous en discuterons. Nous n'arriverons jamais à respecter les horaires de tout le monde, donc nous devrons faire de notre mieux pour nous organiser. Autrement, nous n'y arriverons jamais. Nous ferons de notre mieux. Nous en discuterons.

Le sénateur Massicotte : Pourrais-je demander au sénateur Plett où en est rendu son projet de loi?

Le sénateur Plett : Je suis désolé. Il n'est pas sorti hier. Il est prêt, mais il est encore à la traduction, et j'ai bon espoir que vous le recevrez un peu plus tard aujourd'hui.

Le président : Autre chose? Nous nous reverrons après la relâche. La séance est levée.

(La séance est levée.)

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