Aller au contenu
BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule n° 20 - Témoignages du 17 mai 2017


OTTAWA, le mercredi 17 mai 2017

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit à huis clos aujourd'hui, à 16 h 17, pour étudier une ébauche de rapport sur la création d'un corridor national au Canada afin d'améliorer et de faciliter le commerce et les échanges intérieurs, puis en séance publique pour poursuivre son étude de la teneur des éléments des sections 3, 8, 18 et 20 de la partie 4 du projet de loi C-44, Loi portant exécutionde certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 22 mars 2017 et mettant en oeuvre d’autres mesures.

Le sénateur David Tkachuk (président) occupe le fauteuil.

(La séance publique reprend.)

[Traduction]

Le président : Bonjour et bienvenue, chers collègues, invités et membres du grand public qui regardent la réunion d'aujourd'hui du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, soit, ici, dans la salle, ou sur le Web. Je suis le sénateur David Tkachuk, président du comité.

Nous commençons aujourd'hui notre examen de la teneur du projet de loi C-44, Loi no 1 d'exécution du budget de 2017, la LEB, et plus particulièrement les sections 3, 8, 18 et 20 de la partie 4 du projet de loi. Comme les honorables sénateurs le savent, le comité doit produire un rapport sur ses constatations à l'intention du Sénat d'ici le mercredi 7 juin 2017.

Durant la première partie de la réunion, nous accueillons des représentants des divers ministères responsables des différentes sections du projet de loi, le tout coordonné par le ministère des Finances du Canada. Je vous remercie.

Nous allons procéder à notre étude dans l'ordre suivant : la section 3, Stabilité du secteur financier; la section 8, Loi sur Investissement Canada; la section 20, Loi sur Investir au Canada; et la section 18, Loi sur la Banque de l'infrastructure du Canada.

Il s'agira d'une séance très instructive, et j'espère aussi que, avec un peu d'organisation, elle se déroulera de la façon la plus harmonieuse possible. Je vous rappelle que nous avons beaucoup de choses à faire. Par conséquent, posez les questions les plus claires et brèves possible. Je demande aussi aux témoins de formuler des réponses qui le sont tout autant.

Nous allons commencer par la section 3, et, une fois que nous aurons terminé, nous souhaiterons rapidement la bienvenue aux témoins responsables de la section suivante, et on procédera ainsi dans l'ordre que j'ai mentionné.

Encore une fois, nous commençons par la section 3, Stabilité du secteur financier. Je suis heureux de souhaiter la bienvenue à Mme Lisa Pezzack, directrice, Division des systèmes financiers, Direction de la politique du secteur financier; à M. Justin Brown, chef, Division des systèmes financiers, Direction de la politique du secteur financier; à M. Manuel Dussault, chef principal, Politique-cadre, Division des institutions financières, Direction de la politique du secteur financier; et à Mme Liane Orsi, conseillère principale, Division des institutions financières, direction de la politique du secteur financier.

Nous accueillons aussi M. Greg Cowper, directeur général, Politiques, assurance et nouveaux risques, Société d'assurance-dépôts du Canada.

Je vous demande maintenant de nous présenter vos déclarations préliminaires, après quoi, nous passerons à la période de questions et réponses.

Lisa Pezzack, directrice, Division des systèmes financiers, Direction de la politique du secteur financier, ministère des Finances Canada : Merci beaucoup.

La proposition vise à renforcer davantage le régime de règlement bancaire du Canada grâce à la désignation officielle de la Société d'assurance-dépôts du Canada comme autorité de règlement pour ses membres et en exigeant que les plus grandes banques du Canada élaborent et maintiennent un plan de règlement.

La proposition aurait aussi pour effet de préciser que le surintendant des institutions financières peut établir des critères quant à la façon dont les banques d'importance systémique nationales doivent respecter l'obligation de maintenir une capacité minimale d'absorber les pertes.

La Société d'assurance-dépôts du Canada est responsable d'offrir une assurance-dépôts pour les banques canadiennes depuis sa création au titre de la Loi sur la Société d'assurance-dépôts du Canada, en 1967. Après la crise financière et conformément à l'élaboration des normes internationales, les pouvoirs et les outils de la SADC ont été élargis pour faciliter le règlement ordonné de ses institutions membres en cas de défaillance. Les modifications proposées auraient pour effet de désigner officiellement la SADC comme l'autorité de règlement pour ses institutions membres.

Dans ce rôle, la SADC a réalisé un certain nombre d'initiatives pour être fin prête à composer avec toute faillite d'une banque. L'une des initiatives concerne l'élaboration de plans de règlement, qui décrivent de quelle façon une banque d'importance systémique nationale pourrait faire l'objet d'un règlement de façon ordonnée tout en assurant la continuité de ses services financiers essentiels et en protégeant la stabilité financière.

En 2015, on a demandé aux banques d'importance systémique nationale de travailler en collaboration avec la SADC afin de préparer des plans décrivant de quelle façon elles pourraient faire l'objet d'un règlement de façon à assurer la stabilité financière dans l'improbable éventualité de leur défaillance.

Les changements proposés exigeraient des principales banques du Canada qu'elles élaborent un plan de règlement. Il s'agirait d'une exigence législative, et la SADC obtiendrait ainsi le pouvoir d'établir le cadre de ces plans dans un règlement administratif.

Ensemble, les changements proposés fourniraient une transparence accrue relativement aux activités de la SADC en tant qu'autorité de règlement de ses membres, ce qui faciliterait la façon dont la SADC s'acquitte de son rôle pour soutenir la stabilité du système financier.

Cette proposition viendrait aussi préciser que le surintendant des institutions financières peut établir des critères quant à la façon dont les banques d'importance systémique doivent respecter l'obligation de maintenir une capacité minimale d'absorber les pertes. Une telle obligation imposée aux banques d'importance systémique est établie par le surintendant et respectée au moyen de fonds propres réglementaires supplémentaires et de dettes que l'on peut convertir en actions ordinaires en cas de défaillance en exerçant le pouvoir de recapitalisation interne de la SADC.

Greg Cowper, directeur général, Politiques, assurances et nouveaux risques, Société d'assurance-dépôts du Canada : Bonsoir à tous.

Comme vous le savez, la SADC est une société d'État qui encourage la stabilité du système financier canadien. Nous protégeons les dépôts dans plus de 80 institutions canadiennes membres en cas de faillite. Nos membres incluent des banques, des coopératives de crédit, des coopératives de crédit fédérales, des sociétés de prêt et de fiducie et des associations de détail autorisées en vertu de la Loi sur les associations coopératives de crédit.

Depuis 1967, année de création de la SADC, nous avons géré 43 défaillances, touchant environ 2 millions de Canadiens. En outre, en près de 50 ans d'exploitation, pas un seul dollar de dépôt bénéficiant de la protection de la SADC n'a été perdu.

La SADC possède un certain nombre d'outils pour composer avec la défaillance d'un membre. Quelques-uns de ces outils, comme la liquidation et le remboursement des dépôts, existent depuis la création de la société. D'autres se sont ajoutés plus récemment, y compris le pouvoir de mettre sur pied une banque-relais, en 2008, et le renforcement de la capacité de la SADC de prendre le contrôle d'une grande banque en faillite, ce qui est entré en vigueur tout juste l'année dernière.

Les modifications que vous avez devant les yeux aujourd'hui visent à désigner officiellement la SADC comme l'autorité de règlement pour tous ses membres. En outre, ils nous donneront le pouvoir d'exiger des banques d'importance systémique du Canada qu'elles élaborent, présentent et maintiennent des plans de règlement. La SADC se réjouit de ces initiatives parce qu'elles sont conformes aux normes internationales et renforceraient le cadre de règlement du Canada.

Nous agissons à titre d'autorité de règlement du Canada depuis plusieurs années déjà. Le fait d'attribuer légalement cette responsabilité à la société est une pratique exemplaire qui solidifiera le fondement juridique de nos pouvoirs élargis et qui renforcera notre capacité d'agir en tant qu'autorité de règlement des banques canadiennes.

De plus, depuis 2015, les six plus importantes banques du Canada ont travaillé en collaboration avec nous pour mettre au point leur propre plan de règlement, et nous sommes heureux de voir qu'elles ont pris cet exercice au sérieux. Nous examinons actuellement les premières ébauches. Cependant, sans les modifications incluses ici, les banques, essentiellement, se conforment à l'exigence volontairement. À mesure que nous définirons des critères, qui établiront les attentes liées aux plans de règlement et que nous envisagerons les révisions nécessaires, il sera important pour nous d'avoir la capacité d'établir les règlements administratifs nécessaires pour nous aider à encadrer le processus.

En résumé, les changements apportés renforcent les activités que la SADC a déjà entreprises depuis un certain nombre d'années et ne représentent pas un changement fondamental de la façon dont nous faisons actuellement les choses.

Nous croyons que les mesures aideront à promouvoir la stabilité financière et à protéger les déposants canadiens.

Merci beaucoup.

La sénatrice Ringuette : Je comprends et j'admets que les membres de la Société d'assurance-dépôts du Canada ont besoin de tout ça, mais je suis membre du Comité des banques depuis 12 ans maintenant et nous avons interagi à de nombreuses occasions avec le surintendant des institutions financières. Il est expliqué ici que, à compter de maintenant, le surintendant des institutions financières — malgré son important pouvoir de surveillance — n'a pas établi de critères quant à la façon dont le capital ainsi que les actions et les éléments du passif visés par le règlement des banques d'importance systémique nationale — les six banques — seront évalués en vue de respecter l'exigence des banques de maintenir une capacité minimale d'absorber des pertes. Cela n'est-il pas déjà prévu dans la loi et ne relève-t-il pas déjà des pouvoirs du surintendant?

Mme Pezzack : Je vais commencer, puis je céderai la parole à Liane, parce que c'est davantage elle, l'experte.

L'année dernière, nous avons mis en place un nouveau cadre lié à ce qu'on appelle la recapitalisation interne. Si une banque d'importance systémique a des difficultés, elle doit posséder de nouveaux genres de capitaux et de dettes pouvant être convertis en actions ordinaires. C'est ce que nous appelons le régime de recapitalisation interne. C'est la méthode que nous utiliserions pour venir à la rescousse d'une banque d'importance systémique défaillante. Nous ne croyons pas que cela se produira, mais, si c'est le cas, c'est le plan et c'est ainsi que les choses se passeraient.

En mettant en place la loi, l'année dernière, puis en travaillant sur la réglementation pour mettre en place toutes ces mesures, il est devenu apparent qu'il y avait une certaine confusion ou un certain manque de précision quant aux pouvoirs et à la capacité du surintendant de faire ces choses.

Liane Orsi, conseillère principale, Division des institutions financières, Direction de la politique du secteur financier, ministère des Finances Canada : Oui, les modifications apportées l'année dernière précisaient que le surintendant a le pouvoir de définir le niveau de cette exigence précise. Les modifications sont fondées sur les pouvoirs législatifs actuels du surintendant relativement aux capitaux et aux liquidités.

Les modifications qui ont été apportées à la Loi sur les banques l'année dernière ont confirmé que le surintendant a le pouvoir discrétionnaire de définir le niveau de cette exigence, mais n'indiquaient pas explicitement que le surintendant a aussi le pouvoir discrétionnaire d'établir les critères pour déterminer de quelle façon les banques peuvent se conformer à l'exigence. L'objectif de cette modification est de préciser les choses.

L'exigence est essentielle au fonctionnement du régime de capitalisation interne, parce qu'on peut ainsi s'assurer que les banques ont une capacité d'absorption des pertes suffisante pour assurer une recapitalisation en cas de défaillance et s'assurer qu'elles n'ont pas à fermer leurs portes.

La sénatrice Ringuette : Cette organisation est de la partie parce que le programme de la Société d'assurance-dépôts du Canada vise ces six principales banques. Les Canadiens qui ont fait des dépôts dans ces six banques que vous dites d'importance systémique...

Mme Orsi : Des banques d'importance systémique.

La sénatrice Ringuette : Oui. La protection que le gouvernement fédéral offre aux déposants vise ces banques, et ces dernières relèvent de votre compétence dans le cadre du programme.

Mme Orsi : Mais tout ça n'est pas touché, parce que ces dépôts assurés échappent à la portée du régime de recapitalisation interne. Les actions et les éléments du passif visés par le règlement qui sont assujettis à la conversion au titre du pouvoir de recapitalisation interne incluent des formes de capitaux et des dettes à long terme non garanties qui ne sont pas assurables par la SADC.

Le sénateur Wetston : J'ai un commentaire d'ordre général. Je suis très favorable à cette disposition, soit dit en passant. Je crois que c'est important, mais c'est une réaction à la crise financière et aux travaux du Conseil de stabilité financière.

Est-ce que vous rattrapez tous les travaux qui ont été réalisés par le Conseil de stabilité financière au cours des sept ou huit dernières années en ce qui a trait aux dispositions de recapitalisation interne, la capacité totale d'absorption des pertes, c'est ce dont il est question, ici, le régime de règlement? En outre, dans l'affirmative, en quoi est-ce différent ici? Comme vous le savez tous, aucune de nos banques n'est considérée comme une IFIS. De toute évidence, elles ont une importance systémique au Canada, mais il ne s'agit pas d'IFIS si l'on s'en tient à ce que le Conseil de stabilité financière a défini comme étant des institutions financières d'importance systémique.

Pouvez-vous me dire quel est le lien avec les travaux qui ont été réalisés? Le Canada est un membre du G20, et le BSIF a participé de façon importante aux travaux des comités du CSF au cours des dernières années. Pouvez-vous m'aider à comprendre?

Mme Pezzack : Je vais commencer par parler des changements apportés à la SADC, puis je céderai la parole à Liane.

Le président : J'ai eu cette discussion avec d'autres membres du comité des banques. Parfois, quelqu'un utilise un acronyme, et nous avons honte de poser la question. Qu'est-ce qu'IFIS peut bien vouloir dire?

Mme Pezzack : Institution financière d'importance systémique. Au Canada, nous avons ce qu'on appelle des BISN, des banques d'importance systémique nationale, les six grandes banques. Nous avons aussi des banques d'importance systémique mondiale, BISM.

Le sénateur Wetston : Je suis désolé, monsieur le président.

Le président : C'est comme une autre langue.

Mme Pezzack : C'est une tout autre langue.

Une voix : Mais si le mot « systémique » n'était pas là, que feriez-vous?

Mme Pezzack : Nous n'aurions pas à nous en mêler.

Essentiellement, le Conseil de stabilité financière et le G20 consacrent des efforts afin que l'on n'ait plus à s'inquiéter des banques qui étaient précédemment considérées comme étant trop importantes pour défaillir et qui devaient être renflouées. On a donné au cours des dernières années les pouvoirs et les outils à la SADC de façon à ce que, en cas de défaillance d'une entité, la Société puisse régler le problème. Cependant, tout ça n'a pas été enchâssé officiellement dans la loi. C'est ce que nous réglons.

Pour ce qui est de la recapitalisation interne, comme je l'ai dit, nous avons mis en place ce régime l'année dernière. On tente ici de peaufiner le cadre, si vous me permettez l'expression. Au niveau international, nous n'avons pas beaucoup de retard, je crois que nous sommes pas mal à égalité.

La notion de capacité totale d'absorption des pertes est relativement nouvelle. C'est très compliqué. Beaucoup de personnes tentent encore de comprendre de quelle façon on peut opérationnaliser cette notion.

Mme Orsi : Je vais compléter les explications que Lisa vient de donner.

En 2011, le Conseil de stabilité financière a produit des normes appelées Key Attributes for Effective Resolution Regimes for Financial Institutions, et ces normes s'appliquent à toutes les institutions financières d'importance systémique, quelle qu'en soit la forme, comme les compagnies d'assurances et les banques. Ces normes concernent les institutions qui ont une importance systémique à l'échelle internationale et à l'échelle nationale.

La façon dont on détermine si une entité a une importance systémique consiste à déterminer si les conséquences de la défaillance de l'institution auraient une incidence néfaste profonde sur l'économie nationale ou l'économie internationale dans son ensemble.

Ces normes ont été mises en place en 2011, et les administrations ont mis ces normes en pratique. Certaines de ces normes s'appliquent seulement aux institutions d'importance systémique mondiale, et d'autres s'appliquent à toutes les entités, y compris celles qui ont une importance systémique nationale. Au Canada, nous avons seulement des institutions d'importance systémique nationale en ce moment.

L'exigence sur la capacité totale d'absorption des pertes mentionnées par le sénateur Wetston ne s'applique pas aux banques d'importance systémique nationale, mais nous la mettons tout de même en place parce que nous considérons qu'elle est essentielle au fonctionnement du cadre de recapitalisation interne. Sans cette capacité, il n'y aurait pour ainsi dire rien à recapitaliser en cas de défaillance de la banque.

C'est essentiel, ici, et nous y sommes très favorables. Je vois que la sénatrice Ringuette me regarde et je crois que je sais quelle question elle va me poser. Sans cette exigence, les banques n'auraient pas des capitaux suffisants ou n'auraient pas de capacité de requalification des créances suffisantes aux fins de recapitalisation, et les contribuables seraient ainsi exposés à des pertes si l'une des banques devait avoir des problèmes plutôt que les créanciers des dettes de recapitalisation et les actionnaires.

Le président : Monsieur le sénateur Wetston, je vous demande de vous en tenir à une question, puis une question supplémentaire, parce que nous sommes nombreux, ici.

Le sénateur Wetston : Pas d'acronymes, je le promets.

Encore une fois, je crois que cette approche découle de la crise financière, et je crois que la réaction est logique.

Quel est le rôle de la Banque du Canada dans tout ça? La Banque du Canada reste le prêteur de fonds de dernier recours. Quelle est la relation entre le régime de règlement et la Banque du Canada, qui est le prêteur de dernier recours, le cas échéant? Je comprends le rôle du BSIF, et, pour dire les choses simplement, le Bureau peut appuyer sur la détente et devra élaborer les critères et définir les pourcentages en fonction des normes quelconques qui seront mises en place. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet?

Mme Pezzack : La Banque du Canada — et ce n'est vraiment pas mon domaine d'expertise — est responsable d'aider en faisant des prêts d'urgence, au besoin. Il y a tout un processus de prévu, et nous travaillons en collaboration par l'intermédiaire du Comité de surveillance des institutions financières, qui est présidé par le BSIF, et, du côté politique, par le comité consultatif principal présidé par le sous-ministre des Finances.

Tous les intervenants pertinents du secteur financier ainsi que les organismes de réglementation du secteur financier se réunissent et participent à ces discussions. Au besoin, de telles décisions peuvent être prises.

Je ne sais pas si vous avez d'autres précisions à faire au sujet de la banque.

M. Cowper : J'ajouterais que le gouverneur de la Banque du Canada est un membre du conseil de la SADC. Par conséquent, lorsque nous formulons une recommandation au ministre quant à l'outil de règlement approprié, il ou elle participera à la prise de décisions à ce moment-là et à la formulation de la recommandation.

La banque défaillante aurait probablement besoin d'un soutien en matière de liquidités, et la banque a la possibilité, sous réserve d'une garantie suffisante, de fournir une telle assistance en temps de besoin.

Le sénateur Black : Pour ce qui est du modèle que vous avez utilisé pour élaborer les plans de règlement, pouvez- vous nous dire ce que vous avez consulté en fait de précédent?

M. Cowper : Il y a des normes internationales et des lignes directrices internationales en matière de plans de règlement en tant que tels, alors c'est ce que nous avons utilisé, à la base, en plus de participer aux programmes internationaux à mesure qu'ils sont mis de l'avant. Ce programme est en cours d'élaboration depuis un certain nombre d'années aussi, alors il y a eu plusieurs versions des plans de règlement, la dernière version attribuant la responsabilité pour leur préparation aux BISN elles-mêmes, parce que ce sont elles qui connaissent le mieux leurs opérations. Elles peuvent associer nos principes à leur situation particulière et établir un plan extrêmement détaillé et qui, au bout du compte, est crédible.

Le sénateur Black : Lorsque vous élaborez ces plans, discutez-vous avec des représentants des banques d'importance systémique?

M. Cowper : Oui, absolument.

Le sénateur Black : Donc ils sont présents à la table?

M. Cowper : Oui.

Le sénateur Black : Y a-t-il une opposition à la disposition dont nous discutons, ici, aujourd'hui?

M. Cowper : Nous avons bénéficié d'une très bonne coopération de la part des BISN jusqu'à présent. Je crois que la notion qu'une grande banque pourrait être défaillante est relativement nouvelle, très franchement, et c'est une situation avec laquelle les gens, pas seulement au Canada, mais à l'échelle internationale, ont dû composer depuis la dernière crise financière. Il est évident qu'un changement de culture a eu lieu. On peut dire sans se tromper que tout le monde reconnaît l'importance de la planification des règlements et reconnaît aussi que de telles mesures constituent une base de connaissances extrêmement utile, de façon à ce que, si jamais on se retrouve dans une situation à laquelle personne d'entre nous ne veut penser, au moins nous aurons quelque chose sur quoi nous appuyer. Jusqu'à présent, le processus a été pris très au sérieux à l'échelle de l'organisation.

Le sénateur Black : Merci à vous tous.

Le sénateur Massicotte : Je m'adresse à la SADC. Je n'ai aucun problème avec les modifications proposées, mais j'ai toujours pensé que c'était la responsabilité de la SADC — ce que vous proposez de faire —, et votre note indique que, en pratique, c'était déjà la responsabilité de la SADC. Je suis tout simplement curieux. Quelque chose a dû se produire pour que vous disiez : « Nous devons changer la loi pour confirmer la pratique actuelle. » Qu'est-ce que c'est? Qu'est-ce qui est arrivé?

Mme Pezzack : Je dirais simplement que c'est pour avoir plus de certitude. Comme Greg l'a mentionné, les six grandes banques ont déjà produit leur plan de règlement volontairement. Habituellement, le travail de la SADC est régi par des règlements administratifs, et la SADC ne peut pas prendre de règlement administratif sans une modification législative indiquant qu'elle peut le faire et qui dirait : « Les six grandes banques doivent préparer et présenter un plan de règlement. »

Le sénateur Massicotte : Y a-t-il une banque qui refuse de préparer un tel plan en raison du manque d'autorité de votre part?

Mme Pezzack : Non.

Le sénateur Massicotte : Il n'y a donc pas de problème, de contradiction ou de conflit avec qui que ce soit?

Mme Pezzack : C'est une de ces choses qu'on fait pour plus de certitude. La planification des règlements est un processus qui sera itératif : nous allons le faire maintenant et nous allons avoir des plans, mais les organisations changent, et les gens aussi. C'est tout simplement une bonne chose que ça soit couché sur papier. Tout est clair de cette façon. Il y a plus de transparence.

Le sénateur Massicotte : Par conséquent, ce que vous faisiez avant n'était peut-être pas légal.

Mme Pezzack : Ce n'est pas que ce n'était pas légal, puisque les banques le faisaient volontairement.

Le sénateur Enverga : Nous parlons d'institutions financières d'importance systémique, et vous avez mentionné les six banques. Quelle est la place du Groupe Desjardins? C'est une importante société financière. N'est-il pas censé aider le public en général?

Mme Orsi : Desjardins n'est pas une entité réglementée par le gouvernement fédéral, elle est réglementée à l'échelon provincial par l'Autorité des marchés financiers, l'AMF. Ils ont donc désigné Desjardins comme une banque d'importance systémique au Québec et ils ont appliqué des dispositions très similaires à celles qui s'appliquent aux six banques d'importance systémique nationale réglementées par le gouvernement fédéral. Cependant, puisque la coopérative ne relève pas de la compétence fédérale, elle n'est pas assujettie au régime, même si l'AMF, je le redis, a mis en place un certain nombre de dispositions équivalentes aux exigences qui s'appliquent aux six BISN.

Le sénateur Enverga : Desjardins n'a-t-il pas des succursales un peu partout au Canada? Ou est-ce simplement au Québec?

Mme Orsi : Non, le groupe n'en a pas.

La sénatrice Marshall : Je veux être sûre de comprendre les modifications. Le terme « banque d'importance systémique nationale » renvoie uniquement aux six grandes banques?

Mme Pezzack : Oui. Le Bureau du surintendant des institutions financières a le pouvoir de nommer une banque lorsqu'elle atteint une certaine taille et un certain niveau de complexité.

La sénatrice Marshall : Si j'ai bien compris, au départ, l'idée était de se conformer à des normes internationales.

Mme Pezzack : Oui.

La sénatrice Marshall : Y a-t-il d'autres normes internationales auxquelles il faudra se conformer?

Mme Pezzack : Eh bien, les normes évoluent continuellement. Je crois que le travail est pas mal fait, mais, à mesure que les normes continuent d'évoluer, nous devons...

La sénatrice Marshall : Par conséquent, une fois ces modifications apportées, vous serez à jour, puis vous dites qu'il faut s'attendre à d'autres choses?

Mme Pezzack : Lorsque le cadre de recapitalisation interne sera peaufiné et qu'il sera enfin en vigueur.

Mme Orsi : Comme je l'ai mentionné tantôt, un certain nombre de normes s'appliquent uniquement aux banques d'importance systémique mondiale. Par conséquent, nous appliquons ces normes sur une base plus sévère à nos institutions parce qu'on les considère comme des banques d'importance systémique nationale, c'est-à-dire que leur défaillance aurait des répercussions sur l'économie canadienne et le système financier du Canada plutôt que des répercussions plus globales. Par conséquent, nous appliquons des exigences plus strictes que ce serait normalement le cas.

La sénatrice Marshall : Merci.

La sénatrice Moncion : Je vais ajouter quelque chose par rapport à ce que vous avez dit. Certaines de ces banques ont des bureaux ailleurs, à l'extérieur du Canada. Dites-vous que les modifications s'appliqueraient seulement au Canada?

Mme Pezzack : Par exemple, lorsqu'une banque prépare un plan de règlement, elle le fait pour l'ensemble de son organisation. Les banques peuvent aussi, dans certains cas, être assujetties à la surveillance d'autres administrations, et, par conséquent, celles qui ont pignon sur rue aux États-Unis sont assujetties à une surveillance américaine. Elles ont déjà fait une partie du travail parce qu'elles ont dû le faire en tant qu'institution américaine.

Mme Orsi : Je peux fournir des précisions. Ce que je veux dire, c'est que leur défaillance aurait principalement un impact sur l'économie canadienne plutôt que sur l'économie internationale. Cela signifie non pas qu'il n'y aurait pas d'impact à l'extérieur du Canada, mais seulement que la plupart des répercussions seraient concentrées au pays.

La sénatrice Moncion : J'ai deux questions. Vous avez parlé du fait que des contribuables au Canada, seraient exposés à des pertes. La SADC est censée avoir des fonds afin de ne pas toucher à l'argent des contribuables canadiens. De quelle façon est-ce que cela entre en ligne de compte?

Mme Orsi : Le cadre de recapitalisation interne est défini de façon très précise afin de seulement s'appliquer aux détenteurs d'obligations subordonnées ordinaires, aux actionnaires privilégiés et aussi à certains créanciers de rang supérieur. Cela ne s'applique pas aux dépôts, et les déposants sont protégés par la Société d'assurances-dépôts du Canada, la SADC. Ils ne sont donc pas assujettis aux régimes de recapitalisation interne. Cela signifie que, si une banque devait s'effondrer et que la SADC était autorisée par le Cabinet à convertir des dettes et des actions visées pour recapitaliser la banque en faillite, les déposants ne seraient pas touchés, ils sont protégés parce qu'ils ne sont pas assujettis au cadre de recapitalisation interne. La banque ayant fait faillite serait recapitalisée dans l'objectif qu'elle puisse poursuivre ses opérations comme entreprise.

La sénatrice Moncion : Les contribuables ne seraient pas touchés par cette mesure. Ce serait le...

Mme Orsi : C'est l'objectif, oui.

La sénatrice Moncion : Et quel est le rôle des IFRS 9, ici?

Mme Orsi : En fait, je ne crois pas qu'une norme entrerait en jeu du tout.

La sénatrice Moncion : Parce que, en raison de cette disposition qui entrera en vigueur au début de 2018, les banques auront de plus importantes réserves pour les mauvais prêts. Si vous ajoutez à cela d'autres mesures qui réduiront leur capacité de prêter... Nous avons constaté au cours des dernières années que les banques ont réduit leur risque de crédit. Ce qui se produit, c'est que moins de prêts risqués sont accordés, et l'économie ralentit en conséquence. C'est une opinion personnelle.

Je me demande tout simplement si vous avez tenu compte du fait que ces mesures entrent en vigueur en même temps que d'autres nouvelles mesures, surtout en ce qui a trait aux capitaux et aux réserves.

Mme Pezzack : Je crois que tout ça constitue une partie du cadre de surveillance du surintendant des institutions financières. L'organisation sait très bien que toutes ces choses doivent cohabiter. Nous parlons de la façon dont elles s'imbriquent ensemble lorsque nous regardons les politiques.

Cela ne change rien au fait que, au bout du compte, le régime de recapitalisation interne est là pour protéger les contribuables, parce que la solution de rechange à la mise en place d'un tel régime, si une banque majeure s'écroule et que cela a une incidence sur toute l'économie canadienne, c'est le recours à un plan de renflouement, qui exige d'utiliser beaucoup d'argent des contribuables. Le cadre de recapitalisation interne auquel nous mettons actuellement la dernière main est la solution de rechange au fait d'utiliser l'argent des contribuables pour sauver une banque qui s'effondre.

Mme Orsi : Vous avez raison. Il y a un certain nombre de réformes en cours. Tandis que nous envisageons de mettre en œuvre ces réformes, nous tenons compte de ces répercussions sur les banques. L'exigence que nous mettons en place, la capacité totale d'absorption des pertes, ou CTAP, cette exigence, ne sera pas imposée immédiatement aux banques lorsque le cadre entrera en vigueur. Elles auront un certain temps pour respecter l'exigence, et on procède ainsi pour tenir compte des répercussions de certaines de ces autres réformes.

De plus, nous voulons aussi tenir simplement compte du transfert de leur financement de rang supérieur, parce que nous ne voulons pas nécessairement leur rendre la vie plus difficile qu'il le faut. Nos banques ont une forte dépendance envers les fonds de gros et ce sera leur apport de fonds futurs sous forme d'emprunts. Nous avons tout à fait confiance en leur capacité de respecter cette exigence rapidement, même si ces autres réformes sont aussi en cours.

Le président : Il y a une assurance. Je crois que l'assurance s'élève à 100 000 $. Depuis quand ce montant de 100 000 $ est-il en place?

M. Cowper : Depuis 2005.

Le président : Et qu'y avait-il avant?

M. Cowper : Avant, 60 000.

Le président : Envisage-t-on d'augmenter ce montant?

M. Cowper : C'est la question éternelle. On réalise actuellement un examen du cadre d'assurance-dépôts. Les consultations qui ont eu lieu à l'automne dernier portaient sur certains des résultats et des enjeux connexes. La conclusion à ce moment-là était que la limite de 100 000 $ répondait aux besoins de la plupart des Canadiens. Je crois que, à la lumière de notre analyse des données, plus de 95 p. 100 des comptes canadiens sont sous la limite de 100 000 $, et la conclusion était donc que cela est suffisant pour répondre aux besoins.

Le président : Est-ce qu'un organisme de réglementation considérait les six banques comme étant trop grosses pour faire faillite?

Mme Pezzack : Oui, c'était la décision du surintendant des institutions financières lorsqu'il les a désignées comme étant des banques d'importance systémique nationale.

Le président : C'est essentiellement ce que cela signifie?

Mme Pezzack : Oui.

Le président : Elles sont donc en sécurité et elles peuvent agir avec une totale insouciance.

Mme Pezzack : Non. C'est la raison pour laquelle nous mettons en place le cadre de recapitalisation interne.

Le président : Eh bien, elles sont toutes trop grandes pour faire faillite.

Mme Pezzack : C'est la raison pour laquelle on met en place le cadre de recapitalisation interne, afin que, si une banque fait faillite, ce sont ses créanciers et actionnaires qui seront responsables de régler le problème plutôt que les contribuables.

M. Cowper : Je crois que l'objectif qui sous-tend une bonne partie de ces réformes, qu'on parle de planification du règlement ou de recapitalisation interne, par exemple, c'est de fournir une option de règlement plutôt que de se tourner vers un renflouement.

Le sénateur Wetston : Pour poursuivre sur la lancée de la question de la sénatrice Moncion, qui, selon moi, est importante, ce que vous faites avec la recapitalisation interne, c'est de vous assurer que les pertes ou les pertes potentielles, si on devait en arriver là, n'incombent pas aux contribuables ni au public. Vous réduisez le danger moral et transférez le risque sur les épaules des actionnaires. C'est la raison pour laquelle la conversion des obligations en capitaux est nécessaire. Vous confirmez que c'est ce qui doit se produire.

Mme Orsi : C'est exact. C'est un fardeau imposé non seulement aux actionnaires, mais aussi à certains créanciers.

Le sénateur Wetston : Oui, en raison de la conversion. Merci. Je voulais simplement le confirmer.

Ensuite, en ce qui a trait aux commentaires concernant la crise financière au sein des banques canadiennes, de toute évidence, elles s'en sont bien tirées et elles n'ont pas essuyé d'immenses pertes exigeant un renflouement d'autres banques et d'autres compagnies d'assurance, parce qu'elles — vous nous confirmerez si c'est le cas — devaient respecter des exigences supérieures en matière de fonds propres que les autres institutions financières d'importance au moment de la crise financière. Elles jouissaient aussi d'un effet de levier inférieur et avaient des liquidités de meilleure qualité. C'est peut-être une des raisons — je le demande, vous me le confirmerez — pour lesquelles nos banques s'en sont bien tirées après la crise financière ou durant cette période. Bien sûr, le défi que nous avons dû relever au Canada tenait au PCAA, mais c'est une autre question et, de toute évidence, cela a principalement été réglé par le secteur privé canadien. Pouvez-vous me le confirmer?

Mme Orsi : Les raisons que vous mentionnez ont toutes été soulignées par de nombreux auteurs qui ont énuméré certaines des raisons pour lesquelles le système financier canadien s'en est assez bien tiré comparativement aux autres administrations durant la crise. Par conséquent, je suis d'accord avec vous.

Le président : Je tiens à remercier les témoins d'être venus présenter leur exposé. Merci, chers collègues.

Nous allons maintenant passer à la section 8 du projet de loi C-44, sur la Loi sur Investissement Canada. Je suis heureux de souhaiter la bienvenue à Mme Patricia Brady, directrice générale, Direction générale de l'examen des investissements, et Jonathan DeWolfe, directeur, Politiques et sensibilisation, Direction générale de l'examen des investissements de Innovation, Sciences et Développement économique Canada.

Veuillez présenter votre déclaration préliminaire, après quoi nous passerons à la période de questions et réponses.

Patricia Brady, directrice générale, Direction générale de l'examen des investissements, Innovation, Sciences et Développement économique Canada : La section 8 de la partie 4 propose d'apporter deux changements à la Loi sur Investissement Canada. Le premier changement, à l'article 192, vise à augmenter le seuil déclencheur d'examen de l'avantage net d'une acquisition étrangère du contrôle d'une entreprise canadienne à 1 milliard de dollars. Actuellement, l'acquisition du contrôle par un non-Canadien d'une entreprise canadienne évaluée à 800 millions de dollars ou plus doit faire l'objet d'un examen au titre de la Loi sur Investissement Canada pour qu'on puisse en déterminer l'avantage net pour le Canada. En outre, l'acquisition doit être approuvée par la ministre d'Innovation, Sciences et Développement économique avant de pouvoir avoir lieu.

Il y a déjà une annexe dans la loi qui prévoit l'augmentation du seuil à 1 milliard de dollars le 24 avril 2019. La modification de l'article 192 accélérerait l'augmentation afin que le seuil passe à 1 milliard de dollars au moment de l'entrée en vigueur de la Loi d'exécution du budget, soit environ deux ans avant la date déjà prévue.

Le seuil plus élevé d'un milliard de dollars s'appliquera seulement aux investissements faits par des investisseurs du secteur privé. Il y a un seuil inférieur pour les investissements faits par des entreprises appartenant à l'État. Le seuil est actuellement établi à 379 millions de dollars, et il ne changera pas du fait de la modification.

De plus, cette modification ne modifiera pas le pouvoir du gouvernement d'examiner les investissements à des fins liées à la sécurité nationale. Il n'y a pas de seuil financier ou économique lié aux examens associés à la sécurité nationale. Tout investissement peut faire l'objet d'un examen pour cette raison, et la modification n'y changera rien.

Le deuxième changement proposé de la Loi sur Investissement Canada figure à la clause 193, et il s'agit d'exiger un rapport annuel sur l'administration des dispositions concernant les examens relatifs à la sécurité nationale de la Loi sur Investissement Canada. Actuellement, le ministre de l'Innovation doit produire un rapport annuel sur l'administration des examens de l'avantage net, mais la partie de la loi qui concerne l'examen lié à la sécurité nationale est explicitement exemptée de cette exigence redditionnelle. Cette modification permettrait d'éliminer l'exemption et d'exiger un rapport annuel sur la façon dont les dispositions associées aux examens relatifs à la sécurité nationale ont été appliquées durant l'année visée.

Voilà pour ce qui est de l'aperçu des deux modifications. Nous serons heureux de répondre à vos questions.

Le sénateur Wetston : Pouvez-vous tout simplement me dire quel est le lien — je soupçonne qu'il y en a un — entre les modifications de la Loi sur Investissement Canada et les dispositions de préavis de la Loi sur la concurrence?

Mme Brady : Il n'y a pas de relation directe entre les deux. Les exigences sur les préavis au titre des dispositions de la Loi sur la concurrence sont assujetties à leurs propres seuils. Ce n'est pas mon domaine d'expertise, mais il y a le seuil de valeur lié à la partie fusionnante et aussi un seuil de valeur de transaction. Ce seuil augmente d'une certaine façon chaque année en fonction de l'inflation, mais, ce qui importe, c'est que l'examen des fusions au titre de la Loi sur la concurrence est un processus totalement indépendant au titre de cette loi. C'est au bout du compte le commissaire à la concurrence qui prend les décisions et qui peut transférer des dossiers au Tribunal de la concurrence, tandis que, dans le cas des examens de l'avantage net dans la Loi sur Investissement Canada, c'est le ministre de l'Innovation qui a le pouvoir exclusif, conformément à un critère législatif différent.

Le sénateur Massicotte : Je crois que nous comprenons tous cette augmentation — nous avons beaucoup lu sur ce sujet —, mais y a-t-il quelque chose de particulier qui soit lié au choix du montant? Est-ce simplement politique? Est-ce que des investisseurs refusent de venir parce que le seuil n'est pas assez élevé? Quelle est la logique précise?

Mme Brady : Le calendrier prévu pour l'augmentation des seuils a été mis en place en 2010, en réaction aux recommandations du Groupe d'étude sur les politiques en matière de concurrence dirigé par Red Wilson, un groupe d'experts qui a examiné toutes les politiques et tous les cadres liés à la concurrence au Canada, y compris la Loi sur Investissement Canada, dans le but de formuler des recommandations sur la façon dont le Canada pourrait accroître sa compétitivité à l'échelle internationale.

À ce moment-là, le groupe a recommandé d'augmenter le seuil lié à l'examen de l'avantage net à 1 milliard de dollars pour aider le Canada à compétitionner et attirer des investissements directs étrangers, parce qu'il a été déterminé qu'il fallait l'augmenter. Et puisqu'on a déterminé que l'examen de l'avantage net, le simple fait qu'il y ait cette exigence explicite d'examen économique pouvait être désavantageux pour le Canada, parce que la plupart des pays avec qui nous faisons concurrence pour obtenir des investissements directs étrangers n'exigent pas la tenue d'un tel examen économique en cas d'investissement étranger. De façon générale, les autres pays s'en tiennent exclusivement à des examens liés à la sécurité nationale.

En 2010, on a formulé la recommandation d'augmenter le montant à 1 milliard de dollars. Le montant a lentement augmenté afin de se rendre là, et l'objectif qui sous-tendait la proposition d'accélérer l'augmentation, c'était de soutenir les autres initiatives du gouvernement visant à attirer plus d'investissements internationaux au Canada.

Le sénateur Massicotte : Que font les États-Unis, le Royaume-Uni et la France?

Mme Brady : Les États-Unis examinent seulement les investissements en fonction des préoccupations liées à la sécurité nationale et le Royaume-Uni réalise un examen sur la concurrence et un examen sur la sécurité nationale, même si c'est moins explicite.

Le sénateur Massicotte : Quel est le seuil qu'utilisent les Britanniques?

Mme Brady : Il n'y a pas de seuil, parce qu'il n'y a pas d'examen économique.

Le sénateur Massicotte : Merci.

La sénatrice Ringuette : Quel est le lien entre cette augmentation et l'éventuelle mise en place d'une banque de l'infrastructure?

Mme Brady : Je ne crois pas qu'il y a un lien direct, parce que cet examen au titre de la Loi sur Investissement Canada s'applique seulement aux acquisitions de contrôle des entreprises canadiennes, et pas aux investissements dans des banques canadiennes, par exemple.

La sénatrice Ringuette : La mesure s'appliquerait si le projet d'infrastructure incluait une entreprise canadienne, n'est-ce pas?

Mme Brady : Si un non-Canadien procédait à une acquisition du contrôle d'un projet d'infrastructure, et si la valeur du projet canadien était supérieure à 1 milliard de dollars, alors la transaction ferait l'objet d'un examen de l'avantage net.

La sénatrice Ringuette : Alors, oui, il y a un lien.

Le sénateur Day : Je devrais pouvoir répondre moi-même à la question en regardant la loi actuelle. Nous accélérons l'augmentation pour en arriver à 1 milliard de dollars. Prévoit-on accroître encore plus le montant? Le seuil de 1 million de dollars entrerait en vigueur immédiatement après la sanction royale du projet de loi. Par conséquent, l'augmentation arrive deux ans plus tôt, si j'ai bien compris. Par étapes, on se serait rendu là dans deux ans.

Mme Brady : Exactement.

Le sénateur Day : Qu'est-ce qui se passe maintenant? Va-t-on augmenter le montant chaque année?

Mme Brady : Une fois le seuil à 1 milliard de dollars, il augmentera par la suite chaque année conformément à la croissance moyenne du PIB nominal. C'est la formule prévue dans la Loi, mais on ne parle pas ainsi d'augmentations importantes.

J'essaie de vous donner un exemple. L'année dernière, le seuil pour les acquisitions par une entreprise appartenant à l'État s'élevait à 375 millions de dollars, et il a augmenté conformément à la croissance moyenne du PIB nominal pour passer à 379 millions de dollars cette année. On prévoit de légères augmentations au fil des ans, mais le saut à 1 milliard de dollars est la dernière étape de l'augmentation importante.

Le sénateur Day : Un grand pas vers l'avant.

Mme Brady : C'est exact.

Le sénateur Wetston : Madame Brady, je crois que vous avez indiqué qu'il n'y a pas de changement des seuils dans le cas des acquisitions par des entités étrangères appartenant à l'État. C'est exact?

Mme Brady : C'est exact.

Le sénateur Wetston : Je crois savoir pourquoi on procède ainsi, mais pouvez-vous nous dire pourquoi ce montant n'est pas augmenté?

Mme Brady : J'imagine que la raison pour laquelle, au départ, le seuil était plus bas, c'est parce que nous considérons qu'il est important de s'assurer que les entreprises appartenant à l'État seront motivées sur le plan commercial au Canada et respecteront les normes canadiennes en matière de gestion corporative. C'est la raison pour laquelle un seuil plus bas a été établi initialement et j'imagine que c'est la raison pour laquelle il le reste.

[Français]

Le sénateur Carignan : Est-ce qu'il y a un mécanisme d'alerte? Même si la transaction est de moins de 1 milliard de dollars, en ayant un seuil plus bas, cela nous aide à nous interroger en ce qui a trait à la sécurité. S'il y a des transactions dont le seuil est plus élevé sur le plan financier, est-ce qu'il y a un mécanisme d'alerte qui permettra d'informer les députés, les sénateurs ou le public en général, de sorte que nous puissions aborder les questions qui pourraient toucher la sécurité? Lorsque le seuil financier est plus bas, on a l'occasion de s'interroger et de déterminer s'il y a aussi un enjeu en matière de sécurité, mais si le seuil est plus haut, il y aura peut-être plusieurs éléments ou des transactions qui pourront passer sous le radar, comme on dit. Il n'y aurait pas lieu nécessairement de remettre en question la sécurité, parce que ces éléments auront passé sous le radar. Je ne pense pas que le vendeur pourrait soulever un enjeu de sécurité, en disant, par exemple, qu'il est au courant d'un secret qui pourrait être vendu à l'étranger. Comment fonctionne ce mécanisme de surveillance ou d'alerte dans le cas d'un seuil qui est plus bas que le montant couvert par la loi?

Mme Brady : C'est une très bonne question, merci.

[Traduction]

Il y a une exigence liée au dépôt d'un avis au titre de la loi actuelle pour tout investissement inférieur au seuil déclenchant un examen de l'avantage net. Les investisseurs doivent produire un avis administratif, un avis de la transaction. Le gouvernement reçoit ces documents et les évalue et les examine pour découvrir s'il y a des préoccupations liées à la sécurité nationale.

Nos organismes du renseignement s'occupent des travaux liés aux renseignements et à la sécurité et peuvent cerner un investissement potentiel pouvant être une source de préoccupations. En outre, nous avons le pouvoir d'agir dès qu'on nous informe d'une telle situation.

On peut aussi être informé grâce à la consultation de sources ouvertes, l'analyse de bases de données sur les activités de fusion et d'acquisition, ce que nous faisons régulièrement.

Mais vous avez raison. Il y a une disposition sur la notification obligatoire des investissements inférieurs au seuil, et cette obligation ne changera pas avec la modification.

Le sénateur Woo : Puis-je obtenir des précisions sur ce qui est visé par le nouveau seuil? Vous avez dit qu'il concerne les examens des investissements de plus de 1 milliard de dollars en vue d'importantes acquisitions de contrôle. On ne parle pas ici d'un contrôle majoritaire, mais d'acquisitions d'une partie quelconque du contrôle de l'entreprise cible. C'est exact? Ou parlez-vous d'un contrôle majoritaire?

Mme Brady : De façon générale, on parle d'un contrôle majoritaire.

Le sénateur Woo : Par conséquent, un investissement de plus d'un milliard de dollars qui n'entraîne pas un contrôle majoritaire ne serait pas assujetti à l'examen?

Mme Brady : Pas à l'examen de l'avantage net, non. Ce genre d'examen est prévu lorsqu'un étranger acquiert le contrôle d'une entreprise canadienne.

Le président : C'est un peu confus pour moi.

Le sénateur Massicotte : Vous utilisez le mot générique « contrôle ». Dans la Loi de l'impôt sur le revenu — et dans de nombreuses autres lois — « contrôle » signifie contrôle. Cela ne signifie pas nécessairement posséder 51 p. 100 des actions ordinaires. On peut acheter une débenture convertible et avoir le contrôle. Par conséquent, si je suis un étranger et que j'achète Bell et que je dépense 10 milliards de dollars et que j'utilise une débenture qui est convertible sans pour autant avoir le contrôle opérationnel, il n'y aura pas de problème et pas d'examen?

Mme Brady : Si vous ne faites pas l'acquisition du contrôle opérationnel de l'entreprise canadienne, il n'y a pas d'exigence. Un investissement d'un milliard de dollars ou plus dans une entreprise qui n'entraîne pas une modification du contrôle de l'entreprise n'est pas assujetti à un examen de l'avantage net.

Le sénateur Massicotte : Nous parlons ici de l'utilisation du mot « contrôle ». La façon dont vous le dites, selon moi, sous-entend le contrôle opérationnel. Je n'ai pas besoin de posséder 51 p. 100 de l'entreprise. Si tous les autres actionnaires sont des actionnaires minoritaires qui possèdent chacun 100 000 dollars et que j'ai 10 millions de dollars, j'ai le contrôle. Je n'ai peut-être pas 51 p. 100 de l'entreprise. De quoi s'agit-il? De 51 p. 100 ou du contrôle?

Mme Brady : Il y a des règles assez détaillées et assez complexes dans la Loi sur l'établissement du contrôle des sociétés cotées en bourse. Une participation majoritaire constituerait un contrôle au titre de la loi. Ce n'est pas seulement le fait d'avoir 51 p. 100 des actions.

Le président : Je crois que c'est maintenant plus clair.

Le sénateur Day : Je tiens à mentionner la présence de M. DeWolfe pour le compte rendu aussi. Merci d'être là.

Pouvez-vous me dire où vos bureaux sont situés et combien de personnes font ce genre de travail? Je crois savoir qu'il pourrait y avoir entre 10 et 18 examens à faire.

Dites-moi, qui s'en occupe et où êtes-vous situés?

M. DeWolfe : Nous sommes situés dans l'édifice C.D. Howe, au 235, rue Queen. Nous comptons, à tout moment, entre 12 et 18 employés à temps plein chargés de réaliser, comme vous l'avez dit, environ 20 examens de l'avantage net par année.

Le sénateur Day : Vous vous occupez uniquement des examens de l'avantage net?

M. DeWolfe : Nous administrons aussi les dispositions de la loi sur les examens relatifs à la sécurité nationale en coopération avec le ministère de la Sécurité publique.

Le sénateur Day : Ces gens se trouvent-ils physiquement au même endroit que vous?

M. DeWolfe : Non, nous ne partageons pas les mêmes bureaux.

Le sénateur Day : Et vous relevez d'Innovation?

M. DeWolfe : Innovation, Sciences et Développement économique.

Le président : Cette petite publicité étant terminée, je vous remercie beaucoup.

Je tiens à remercier Mme Brady et M. DeWolfe d'être là.

Chers collègues, nous allons passer à la section 20, soit la Loi sur Investissement Canada. Je suis heureux de souhaiter la bienvenue à M. Louis Marcotte, directeur général, Investissement et Innovation, Développement du commerce international, investissement et innovation, et M. André LeBlanc, conseiller exécutif, Équipe de transition, Développement du commerce international, investissement et innovation, et Geneviève Pellerin, conseillère juridique, Services juridiques, d'Affaires mondiales Canada.

Louis Marcotte, directeur général, Investissement et Innovation, Développement du commerce international, investissement et innovation, Affaires mondiales Canada : Merci, monsieur le président, bonsoir à vous tous.

La Loi d'exécution du budget contient la loi habilitante du carrefour Investir au Canada annoncée dans l'Énoncé économique de l'automne de 2016. Cette nouvelle entité fédérale travaillera à l'échelle internationale, en partenariat avec les ministères fédéraux ainsi qu'avec les bureaux d'attraction des investissements provinciaux et municipaux, pour s'assurer que le Canada tire pleinement parti de chaque occasion d'attirer des investissements étrangers et de créer les emplois qui s'ensuivent.

Les investissements directs étrangers sont une contribution importante à l'économie canadienne qui crée des emplois très bien rémunérés, favorise l'innovation et accroît les échanges commerciaux. Les entreprises multinationales contrôlées par une entité étrangère au Canada ont employé 1,9 million de Canadiens en 2015, soit 12 p. 100 des emplois au Canada et 30 p. 100 des emplois dans le secteur manufacturier. Ces entreprises sont responsables de 49 p. 100 de nos exportations de marchandises et de 37 p. 100 de nos dépenses d'affaires en recherche et développement.

Dans son rapport d'octobre 2016, le Conseil consultatif en matière de croissance économique a souligné que le Canada a vraiment beaucoup à gagner en attirant plus d'investissements directs étrangers.

La loi habilitante que vous examinez détermine, premièrement, le statut de l'organisme et, deuxièmement, son mandat et son fonctionnement pour créer les partenariats requis afin de tirer parti de tout ce que le Canada a à offrir : la marque Canada en tant que destination d'investissement de choix, la prestation d'un guichet unique pour aider les investisseurs à naviguer dans le paysage des investissements; et la possibilité de poursuivre activement des projets d'investissement phares et de fournir des services de suivi de calibre mondial.

Troisièmement, la loi habilitante détermine le cadre de gouvernance du nouvel organisme, où le ministre fournit l'orientation, le conseil d'administration gère la société et le PDG s'occupe des opérations quotidiennes.

Enfin, la loi détermine les pouvoirs généraux et les pouvoirs précis concernant les politiques administratives ainsi que le régime de ressources humaines d'une entité.

De façon générale, la loi habilitante permet la création d'une organisation capable d'interagir efficacement avec les entreprises tout en étant assujettie aux mesures de surveillance et de responsabilisation qui s'imposent.

[Français]

Le sénateur Carignan : Hier, le ministre Champagne nous a dit qu'on procédait déjà au recrutement d'un PDG pour cet organisme qui n'a pas encore été créé. Pouvez-vous faire état du processus de sélection du PDG d'un organisme qui n'existe pas encore?

Deuxièmement, vous parlez de l'exemption aux règles du Conseil du Trésor. Pourquoi exempte-t-on un organisme du respect des règles du Conseil du Trésor? Quand j'ai posé la question au ministre, j'ai cru comprendre que c'est parce qu'il voulait attirer les meilleurs candidats. J'ai trouvé cette réponse inquiétante.

M. Marcotte : En ce qui concerne le PDG, le processus n'est pas lancé officiellement. Il sera lancé de façon régulière dans le cadre du processus de nomination et de recrutement des gens qui sont nommés par le gouverneur en conseil, mais ce processus n'est pas encore lancé officiellement.

En ce qui concerne les règles du Conseil du Trésor, dans le projet de loi dont vous êtes saisis, les dispositions incluses sont celles de l'Agence du revenu du Canada, qui permettent plus de flexibilité dans le recrutement de personnel spécialisé, par exemple dans le domaine des ventes ou dans le recrutement d'investisseurs étrangers, du côté des ressources humaines, mais également du côté des dispositions administratives. Donc, le projet de loi ne crée pas de précédent ici. Ce sont des choses qui sont déjà en cours au sein d'autres établissements publics.

Le sénateur Carignan : On prévoit également la possibilité d'organiser des événements. Il y a beaucoup d'éléments de commandite qui sont prévus pour ce nouvel organisme. Est-ce que l'organisme sera soumis aux règles du Conseil du Trésor pour effectuer ces commandites, ou plutôt aux règles habituelles en matière de finances?

Deuxièmement, comment cet organisme jouera-t-il son rôle en parallèle avec les missions économiques existantes, qui font un excellent travail? Comment fera-t-il son travail tout en évitant d'empiéter sur le travail des autres?

M. Marcotte : Il n'y a pas spécifiquement de plan de commandite. Le plan qui a été mis de l'avant vise à faire la promotion du Canada à l'étranger. Cela pourrait vouloir dire participer à une foire commerciale afin de donner de la visibilité au Canada. Ce n'est pas de la commandite, mais plutôt un contrat de service avec un organisateur de foire commerciale pour obtenir de l'espace et de la visibilité.

En ce qui a trait aux missions économiques à l'étranger, nos ambassades et consulats généraux attirent activement de l'investissement au Canada, effectivement. Cependant, l'agence sera située exclusivement au Canada. Puisqu'elle n'aura pas de personnel à l'étranger, elle fera appel à nos délégués commerciaux pour entrer en contact avec les investisseurs étrangers sur les marchés. Ils travailleront de façon très étroite afin d'éviter le dédoublement d'efforts.

Le sénateur Carignan : Donc, ils feront la promotion d'investissements étrangers à l'intérieur du Canada?

M. Marcotte : Ils seront en contact avec les investisseurs et se rendront à l'étranger pour les rencontrer, de concert avec les délégués commerciaux déjà sur place. L'une des fonctions importantes de cette entité, c'est d'agir en tant que guichet unique. Un investisseur qui songe à investir au Canada souhaitera obtenir de l'information sur le crédit d'impôt sur la recherche et le développement scientifique. Il voudra de l'information sur l'obtention des visas pour le personnel de haut niveau et souhaitera avoir accès au programme incitatif d'une agence de développement régional.Tout cela, évidemment, est très compliqué quand on est à l'étranger; il faut parler à un ministère, ensuite à un autre, et cetera. L'agence servira de guichet unique pour accéder à toute l'information d'ordre fédéral pour les investisseurs potentiels.

[Traduction]

Le sénateur Wetston : Merci d'être là.

Je ne remets pas en question le besoin de cette loi, même si je ne connais pas tout à fait sa justification. Les dispositions ne m'apprennent pas grand-chose sur la justification stratégique de cette mesure. Je croyais que ce travail revenait à Affaires mondiales, aux bureaux que nous avons à l'échelle internationale et aux agents qui travaillent dans ces domaines. Je soupçonne que, si on pouvait leur fournir plus de ressources et d'occasions, ils pourraient faire une bonne partie de ce travail et ils sont dans le domaine et dans ces endroits. Vous pourriez peut-être nous expliquer le besoin.

Ensuite, la conception institutionnelle m'intéresse. Je sais que le projet de loi crée un agent de la Couronne, ce qui aide grâce à l'immunité de la Couronne et d'autre chose. Cependant, cela ne prémunit pas contre certaines responsabilités, évidemment. J'aimerais mieux comprendre les arrangements de gouvernance que vous mettez en place, le niveau d'indépendance et d'autonomie d'une entité et les autres directives du gouvernement, du Cabinet et du ministre relativement à certaines de ces activités.

Monsieur Marcotte, pouvez-vous me fournir certains de ces renseignements?

M. Marcotte : Je serai heureux de le faire.

En ce qui concerne les besoins, nous avons des délégués commerciaux à l'étranger qui s'occupent d'attirer des investissements directs étrangers ici. Cependant, il n'y a pas un guichet unique au pays vers lequel ils peuvent aiguiller les investisseurs potentiels pour s'en occuper de façon appropriée et leur présenter une proposition de valeur exhaustive.

Au cours des 10 dernières années, nous avons vu de nombreux autres pays accroître de 50 p. 100 le nombre d'organismes de promotion des investissements qui offrent ces types de service. Actuellement, le Canada n'offre pas de tels services aux investisseurs. Par conséquent, les investisseurs sont confus par la multiplicité des intervenants, la multiplicité des gens avec qui ils doivent parler afin de prendre la décision d'investir au Canada. L'objectif, ici, c'est de simplifier le processus et de faire en sorte qu'il soit plus facile d'investir au Canada.

En ce qui a trait à la gouvernance, c'est ce qu'on appellera un établissement public, et non une société d'État. Un établissement public, par définition, est plus près de l'administration publique centrale. L'objectif, ici, c'était que, puisque cette entité devra coordonner d'autres ministères et travailler avec eux, il serait préférable qu'elle soit plus proche de la fonction publique plutôt qu'agir indépendamment, comme une société d'État.

L'entité relèvera d'un ministre. Il y aura un PDG qui possédera le grade et les pouvoirs d'un sous-ministre, afin qu'il puisse interagir facilement avec ses collègues au sein des ministères fédéraux. Cependant, l'entité possédera aussi un conseil d'administration qui supervisera la gestion de l'organisation et s'assurera que les politiques sont appliquées afin de s'assurer que les fonds sont utilisés de façon appropriée.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Quand je suis arrivé ici, je me demandais pourquoi il était toujours aussi compliqué et bureaucratique de travailler à Ottawa. Maintenant, je le comprends un peu mieux. Cependant, je ne comprends pas pourquoi on a besoin d'un projet de loi pour créer un organisme qui agirait à titre de guichet unique. Pourquoi est-ce aussi compliqué, pourquoi faut-il un président et un conseil d'administration? Moi, j'ai l'expérience d'avoir géré plusieurs boîtes, et pour créer quelque chose, il n'était pas nécessaire de faire des projets de loi. Pourquoi la bureaucratie, pourquoi la lourdeur d'une structure avec un président, et cetera? Et on parle de combien de gens? Pour offrir un guichet unique et des connaissances, il suffirait de quatre ou cinq personnes, mais non, le conseil d'administration à lui seul en comptera davantage. Je ne comprends pas le besoin. Je crois à l'objectif du projet, mais je ne comprends pas pourquoi il faut passer par la bureaucratie d'une loi et par toute cette lourdeur.

M. Marcotte : L'idée était de créer une entité indépendante, c'est-à-dire indépendante des ministères qui fera le lien avec les autres ministères. Or, pour créer une société d'État, il faut une loi habilitante.

Le sénateur Massicotte : Encore une fois, je ne comprends pas. Le premier ministre n'a-t-il pas l'autorité de créer un organisme à guichet unique, de demander à ses gens de s'organiser avec les ministères ou les agences de développement économique, d'embaucher les quatre ou cinq personnes nécessaires et de s'assurer que ce sera fait? Cela me semble tellement évident, et je suis surpris qu'on ne l'ait pas déjà fait.

M. Marcotte : Cela aurait pu être fait à l'intérieur d'un ministère, mais il y a une volonté de créer quelque chose qui allait être indépendant et visible à l'extérieur d'un ministère pour que les investisseurs reconnaissent que ce n'est pas une fenêtre unique perdue à l'intérieur du ministère des Affaires mondiales, mais bien une fenêtre unique qui s'adresse seulement aux investisseurs.

Le sénateur Massicotte : On parle de combien d'employés?

M. Marcotte : Le gouvernement a annoncé un investissement de 218 millions de dollars sur cinq ans. Ce ne sera pas une énorme entité. Ce genre de choses n'a pas encore été annoncé.

Le sénateur Massicotte : Il s'agit de 40 ou de 50 millions de dollars par année.C'est tout de même une centaine de personnes. Si la moyenne salariale est de 100 000 $, c'est quand même beaucoup.

M. Marcotte : Cela ne servira pas seulement à créer des salaires; on a parlé de promotion à l'étranger, de campagnes de relations publiques, et cetera. Donc, cela fait partie du budget.

Le sénateur Massicotte : En surplus du travail qui est déjà fait par nos ambassades et nos consulats généraux.

M. Marcotte : Oui.

[Traduction]

Le président : C'est comme une société d'État du Conseil du Trésor, non? Est-ce que les salaires seront assujettis aux mêmes règles que la fonction publique ou seront-ils à l'extérieur de ce cadre?

M. Marcotte : Ils seront à l'extérieur du cadre, mais ils seront examinés par le président du Conseil du Trésor.

Le président : Donc, le président peut obtenir plus d'argent que, peut-être, s'il travaillait au sein d'un ministère? Est- ce l'objectif?

M. Marcotte : Le PDG de l'organisation?

Le président : Oui.

M. Marcotte : Ce serait quelqu'un nommé par décret, et les salaires dans ces cas-là sont déterminés dans le cadre du processus.

Le président : Est-ce que c'est une société d'État du Conseil du Trésor plutôt qu'une entité de la fonction publique qui fait le même travail, qui, comme certains sénateurs l'ont souligné, est tout à fait capable de promouvoir le Canada et de promouvoir le Canada aux investisseurs par l'intermédiaire des ministères et de toutes les ambassades que nous avons à l'échelle du pays, à l'échelle du monde? Je ne vois pas exactement pourquoi nous avons besoin d'une société d'État distincte.

M. Marcotte : Permettez-moi de rajuster le tir; ce n'est pas une société d'État. C'est un établissement public. Vous m'excuserez, mais la distinction est importante.

Le président : Oui, c'est vrai.

M. Marcotte : Si vous voulez avoir une certaine crédibilité lorsque vous vous entretenez avec une entreprise étrangère à propos des grappes industrielles au Canada et de notre capacité à attirer, à accepter et à intégrer des investissements, vous allez avoir besoin d'une vaste expertise spécialisée. Ce n'est pas nécessairement qu'il n'y a pas d'expertise au sein du gouvernement — ce n'est pas ce que nous disons —, mais il y en a davantage dans le secteur privé.

Le sénateur Wetston : Plus tôt, vous avez mentionné l'importance de la conception institutionnelle pour ce qui a trait à la reddition de comptes et aux nouvelles responsabilités qui échoient à un président-directeur général et non à un sous-ministre. Pour ma part, je ne vois pas d'inconvénient à ce qu'on essaie de créer, disons, un guichet unique. C'est ce qu'ont fait un grand nombre de gouvernements; c'est sans doute logique.

Je vais continuer sur la lancée du sénateur Massicotte à propos du coût et des besoins en question. À dire vrai, j'ai l'impression que vous voulez créer, comme vous l'avez dit plus tôt, une nouvelle organisation au sein du ministère — une agence ministérielle, pas une société d'État — avec son propre conseil d'administration. Cela crée des difficultés et impose des responsabilités au ministre, au conseil et au président-directeur général. Devant le fait accompli, je suis sûr que vous allez dire : je vous l'avais bien dit, quoique peut-être pas.

J'aimerais comprendre le raisonnement derrière tout ça. Pourquoi ne pas créer à la place une agence toute simple qui suit les lignes directrices du Conseil du Trésor, qui relèvera du sous-ministre et qui s'occupera de remplir ces fonctions au nom de la Couronne. On pourrait atteindre notre objectif ainsi.

Je ne comprends toujours pas très bien pourquoi vous voulez utiliser ce genre de conception institutionnelle, même s'il est possible qu'elle fonctionne parfaitement. L'envers de la médaille, c'est qu'on risque de créer d'autres problèmes.

M. Marcotte : Ce qu'on veut, c'est atteindre un équilibre qui assurera une intendance flexible des fonds tout en nous permettant d'acquérir les connaissances et les compétences existantes qui pourront avantager les activités de l'organisation.

Imaginez-vous un conseil d'administration responsable de gérer sainement les fonds, de mettre en œuvre les politiques, et cetera, et qui, en outre, saura attirer des investissements étrangers qui nous permettront de tisser des liens et de renforcer nos connaissances. Concrètement, le conseil pourra même prendre certaines décisions stratégiques pour l'agence elle-même.

Le sénateur Day : Dans les pièces de Shakespeare, il y avait souvent une deuxième pièce à l'intérieur de la première. C'est un peu la même chose ici; il y a un projet de loi distinct à l'intérieur du premier projet de loi.

Qui a pris la décision de ne pas déposer durant le Parlement ce projet de loi en tant que texte législatif distinct afin que nous puissions l'étudier?

M. Marcotte : Ce n'est pas ma décision. Dans les faits, le gouvernement a d'abord exprimé son intention de créer cette agence dans l'Énoncé économique de l'automne. Il a réitéré son intention dans le budget de 2017, en vue de mettre sur pied l'agence d'ici la fin de 2017 et ainsi respecter son engagement. C'est pourquoi c'est compris dans la Loi d'exécution du budget.

Le sénateur Day : Donc, si je vous comprends bien, nous avons un budget qui traite d'un millier de choses différentes, vous jetez tout dans le même baril et vous vous attendez à ce qu'on se démêle avec tout ça?

M. Marcotte : Ce n'était pas ma décision, monsieur.

Le sénateur Day : Non, vous n'avez pas à répondre.

J'essayais de trouver un exemple d'un établissement public que vous avez utilisé comme modèle. Je crois que je viens de le trouver dans mes notes. Un des modèles était la Commission des champs de bataille nationaux.

M. Marcotte : Honnêtement, il y a davantage de similitudes avec l'Agence du revenu du Canada. Il y a aussi le Conseil national de recherches et l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Le gouvernement fédéral dispose d'un grand nombre d'établissements publics.

Le sénateur Day : Disposent-ils tous des mêmes caractéristiques et des mêmes pouvoirs?

M. Marcotte : En ce qui concerne l'ARC, oui. Ce n'est peut-être pas le cas pour les autres. Cela dépend de ce dont ils ont besoin dans le cadre de leurs activités et afin de remplir leur mandat.

Le sénateur Day : C'est l'aspect de surveillance qui me préoccupe. On va accorder 218 millions de dollars à cet établissement public, et malgré la Loi sur la gestion des finances publiques, Investir au Canada n'est soumis à aucune réglementation ni exigence émanant du Conseil du Trésor.

Est-ce la même chose pour les autres exemples qui ont été mentionnés?

M. Marcotte : Oui, dans le cas de l'ARC. Mais elle a son propre conseil d'administration qui gère et qui surveille ses activités.

Le sénateur Day : Ce sera la même chose pour ce groupe?

M. Marcotte : Le conseil d'administration sera responsable de la gestion et de la surveillance des activités de l'organisation.

Le sénateur Day : D'après ce que je vois, il n'y a aucune exigence selon laquelle il faut rendre des comptes à un ministère donné. Nous le savons bien pour l'instant. On dit que le ministre « peut » exiger — et non « exige » — qu'Investir au Canada lui fournisse un rapport.

M. Marcotte : En fait, puisqu'il s'agit d'un établissement public, il devra se conformer aux règles imposées par le Parlement, il aura à produire un rapport annuel et à le présenter au Parlement.

Le sénateur Day : Que comprend le paragraphe (4)?

M. Marcotte : Je ne suis pas sûr. Je crois qu'il vise essentiellement à faire en sorte que le ministre puisse demander à l'établissement public de lui fournir de l'information, quelle qu'elle soit; on veut qu'il puisse surveiller l'établissement public, puisqu'il en est responsable, et qu'il puisse poser des questions et obtenir des réponses au sujet de n'importe quelle activité ou de quelque aspect de la gestion financière de l'organisation.

Le sénateur Day : Êtes-vous certain — parce que je ne l'ai pas trouvé, mais si vous me dites que c'est là-dedans, je ne vais pas chercher — que le Parlement sera mis régulièrement — annuellement, peut-être — au courant des activités de l'établissement public?

M. Marcotte : Comme n'importe quel autre établissement public, celui-ci devra produire un rapport annuel et le présenter au Parlement, comme le font l'ACIA, l'ARC, les ministères... C'est la même chose. Il va falloir qu'un rapport annuel soit présenté au Parlement.

Le sénateur Day : Nonobstant le fait que l'établissement public est exempté de toutes les règles et de tous les règlements découlant de la Loi sur la gestion des finances publiques?

M. Marcotte : C'est exact. C'est une question de gestion financière, et l'établissement public ne peut pas se soustraire à la réglementation liée à la gestion des finances.

Le sénateur Enverga : Avez-vous prévu des mesures d'incitation financières afin d'attirer des investissements?

M. Marcotte : Non. L'établissement public est seulement mis en place afin de favoriser et de promouvoir l'investissement. Il peut tirer parti des programmes incitatifs en vigueur dans certains ministères fédéraux, mais il ne prendra pas de mesures d'incitation lui-même.

Le sénateur Enverga : Allez-vous proposer aux investisseurs étrangers potentiels d'investir dans la Banque de l'infrastructure? Est-ce que cela va être exigé?

M. Marcotte : Pas vraiment. On veut surtout qu'Investir au Canada attire ce qu'on appelle des investissements en installations nouvelles, c'est-à-dire les entreprises étrangères qui viennent ici pour y construire une usine, ouvrir un bureau ou créer directement des emplois. Le but de l'organisation est d'attirer les investissements directs étrangers, et pas d'attirer des capitaux.

Le sénateur Enverga : Ça n'aura rien à voir avec la Banque de l'infrastructure?

M. Marcotte : L'organisation pourra collaborer avec la Banque de l'infrastructure afin de promouvoir le Canada auprès de certaines régions du monde pour les intéresser à investir, mais les deux mandats sont très différents.

La sénatrice Wallin : J'ai deux ou trois questions. Vous avez attiré mon attention sur un autre sujet. Le but visé est d'attirer non pas des capitaux, mais des projets. Ensuite, une fois qu'on a attiré des projets, on crée un contexte propice aux investissements en capital?

M. Marcotte : Je vais essayer d'être plus clair.

Le but n'est pas d'attirer des investisseurs qui vont se contenter d'investir de l'argent dans des entreprises canadiennes. Ce n'est pas ça, notre objectif. Notre but, ce n'est pas d'attirer des capitaux. Ce que nous voulons, c'est attirer des entreprises qui vont s'implanter au Canada pour créer des emplois, fabriquer des produits, mener des activités de conception, de recherche et de développement, mettre sur pied un laboratoire — par exemple — ou élargir le secteur d'activités dans lequel elles œuvrent afin de confier à leur filiale canadienne un mandat international. Voilà le genre de projet d'investissement que nous voulons.

La sénatrice Wallin : J'ai déjà travaillé dans un consulat, avec votre collègue, et je comprends donc pourquoi vous dites que vous voulez l'expertise du secteur privé et pas seulement des délégués commerciaux et ce genre de personnes pour ce genre d'activité... Et puisqu'il s'agira de personnes du secteur privé et non pas de fonctionnaires, cela ne soulève-t-il pas les mêmes problèmes en matière de crédibilité?

M. Marcotte : Leur crédibilité va reposer davantage sur leurs connaissances de l'économie canadienne et des secteurs du Canada que sur le statut de fonctionnaire.

L'idée est de recruter des gens qui connaissent bien l'économie et les secteurs du Canada et qui pourront présenter de bons arguments de vente à propos de ces secteurs à l'étranger.

La sénatrice Wallin : Comment est-ce qu'on lance tout ça? Vous êtes dans votre bureau à Ottawa... Ou plutôt, ce groupe de personnes. Elles communiquent avec les ambassades, les consulats, et cetera. Comment vont-elles convaincre quelqu'un de prendre un vol pour se rendre en Indonésie?

M. Marcotte : Ce qui est prévu, c'est que les employés vont travailler sur le concept avec les provinces, les territoires et les municipalités afin de déterminer à qui on pourrait faire une proposition de valeur. Le but est qu'ils soient intéressés à investir dans un écosystème donné du Canada.

Une fois que vous avez votre cible, vous montez votre proposition de valeur, puis vous allez la présenter avec des délégués commerciaux et peut-être aussi avec des représentants d'un gouvernement provincial ou d'une administration municipale.

Le sénateur Massicotte : Je vais devoir me faire à l'idée que je ne comprendrai pas la question au bout du compte. Je ne comprends tout simplement pas pourquoi nous créons quelque chose d'aussi compliqué si nous voulons créer un mécanisme appliqué de prospection. Vous en avez long à dire sur la qualité des gens et leur compétence. Vous avez besoin de personnes très compétentes, et ça ne change rien qu'elles viennent du secteur privé ou du gouvernement. Vous n'avez pas besoin d'une organisation avec un conseil d'administration pour attirer ces gens.

On parle de beaucoup d'argent... J'abandonne. Je n'ai plus de questions. J'ai écouté toutes les réponses que vous avez données, je ne comprends pas.

Le président : Vous n'avez pas à répondre. Puisque le sénateur Massicotte laisse tomber, la parole va au sénateur Carignan.

[Français]

Le sénateur Carignan : J'ai une question quant au texte législatif. Je suis avocat, je m'excuse.

M. Marcotte : Je vous en prie.

Le sénateur Carignan : Parfois, cela vient teinter mes questions.

Au paragraphe 4(2), il est indiqué :

(2) Investir au Canada est mandataire de Sa Majesté du chef du Canada.

Aux alinéas 7(1)a) et 7(1)b), particulièrement 7(1)b), Pouvoirs de Investir au Canada, il est indiqué ce qui suit :

b) conclure des contrats, ententes ou autres accords avec Sa Majesté comme si elle n'en était pas mandataire;

Est-elle mandataire ou ne l'est-elle pas?

Geneviève Pellerin, conseillère juridique, Services juridiques, Affaires mondiales Canada : Elle est mandataire et, en fait, c'est pour permettre à l'agence de conclure des ententes contraignantes avec d'autres entités gouvernementales comme si elle n'était pas mandataire. Normalement, entre la Couronne et la Couronne, il n'y aurait pas de contrats contraignants; donc, à l'aide de cette disposition qui se retrouve également dans d'autres lois, cela permet à l'entité de conclure des contrats qui peuvent être contraignants, des ententes contraignantes avec d'autres entités gouvernementales.

Le sénateur Carignan : Parfait. Ma deuxième question concerne la mission de l'agence. À l'alinéa 6a), on peut lire ce qui suit :

a) d'élaborer et de mettre en œuvre une stratégie nationale visant à attirer les investissements directs étrangers au Canada;

C'est Investir au Canada qui va faire le plan stratégique et qui décidera comment et de quel endroit on attirera les investissements étrangers. Qu'est-ce qui arrive si les priorités ne sont pas les mêmes que celles du gouvernement, si le gouvernement décide qu'il veut attirer des investissements européens alors qu'Investir au Canada a comme stratégie d'attirer des investissements chinois? Comment envisage-t-on de favoriser la cohérence avec les politiques gouvernementales?

M. Marcotte : C'est l'une des raisons pour lesquelles il s'agit d'un établissement public et non pas d'une société d'État, c'est-à-dire que le ministre conserve un pouvoir de direction, et peut ainsi diriger l'organisation et s'assurer qu'elle suit les priorités gouvernementales, par exemple. Puisque le président-directeur général sera au niveau de sous- ministre, évidemment, il fera partie de la communauté des sous-ministres et pourra aligner les activités de l'agence sur celles du reste du gouvernement.

Le sénateur Carignan : Dans ce cas, quelle est la nécessité d'avoir une agence, alors qu'il y a déjà des missions commerciales qui peuvent suivre les orientations du ministre?

M. Marcotte : L'objectif — et ceci pourra peut-être répondre aux préoccupations du sénateur Massicotte — est de s'assurer qu'on coordonne les joueurs canadiens, du moins à l'échelle fédérale, et qu'on amène avec nous les joueurs à l'échelle provinciale et municipale dans une approche concertée d'attraction des investissements. En ce moment, nos agents à l'étranger le font sur une base individuelle. Si vous êtes en Inde, vous tentez d'attirer les investisseurs indiens vers le Canada, mais il n'y a personne au Canada qui peut déterminer quels investisseurs exactement on veut attirer dans la région de Montréal, par exemple, et comment travailler avec Montréal International pour trouver les investisseurs qu'on veut attirer pour travailler ensemble, y compris avec les délégués commerciaux.

Le sénateur Carignan : Vous savez que vous ne pourrez pas faire cela.

M. Marcotte : Pourquoi?

Le sénateur Carignan : Parce que Montréal International est une corporation qui tire son budget de la province de Québec et, en vertu d'une loi québécoise, Montréal International ne pourra pas conclure une entente directement avec cet organisme sans passer par Québec.

M. Marcotte : Ma compréhension de la chose, c'est que Montréal International reçoit aussi des fonds fédéraux. On travaille déjà de façon très étroite au ministère des Affaires mondiales avec des institutions comme Montréal International, comme Toronto Global, comme HQ Vancouver et d'autres, et on partage de l'information, on s'entend sur des cibles et on va de l'avant ensemble. Évidemment, l'objectif ici, c'est que cette agence intègre l'offre fédérale dans les propositions qui sont présentées aux investisseurs, en collaboration avec les provinces et avec les entités municipales.

[Traduction]

La sénatrice Ringuette : Avant tout, je dois dire que je suis assez surprise de voir qu'on se sent obligé d'établir cette organisation. Nous avons 1 500 délégués commerciaux aux quatre coins du monde; ne croit-on pas qu'ils ont l'expertise et la crédibilité nécessaires pour convaincre les investisseurs étrangers d'investir au Canada? Je trouve que c'est passablement troublant.

Donc, on établit un établissement public avec une chambre de commerce qui va se charger de la création et de la gestion des politiques. Vous avez mentionné Montréal International, Toronto Global et la Vancouver Economic Commission. Nous avons actuellement de grands besoins en matière d'investissement, monsieur, que reste-t-il donc pour la région de l'Atlantique du Canada? Rien ne garantit qu'il y aura quelqu'un du Canada atlantique qui va siéger au conseil d'administration pour élaborer les politiques et les orientations de l'établissement public.

[Français]

Comme on le dit souvent, serons-nous encore les enfants pauvres du pays? Comment pouvez-vous m'assurer, à titre de citoyenne de l'Atlantique, que la région de l'Atlantique recevra la même considération que toutes les autres régions du pays?

[Traduction]

M. Marcotte : Puisque je suis moi-même délégué commercial, sénatrice Ringuette, je suis bien mal placé pour dire que je ne crois pas en leur expertise. Je suis un des leurs.

Je voulais surtout parler des connaissances en ce qui concerne l'économie canadienne et les secteurs au Canada. Personne n'est mieux placé que quelqu'un qui a évolué dans un secteur donné. C'est cette personne qui doit en faire la promotion à l'étranger. Même si nos délégués commerciaux à l'étranger sont très bien formés pour ce qui est de pressentir des investisseurs potentiels, quand il est question d'entrer dans le détail d'une proposition de valeur, c'est préférable que la personne qui s'en charge ait évolué dans ce secteur au Canada, qu'elle ait vendu ces produits ou ces services.

[Français]

En ce qui concerne le Canada atlantique, je peux vous assurer qu'on travaille de façon très étroite déjà, à Affaires mondiales, avec un groupe comme Halifax Partnership.

[Traduction]

C'est un organisme municipal de croissance économique. Il est compris dans nos tournées de présentation à l'étranger. Nous faisons la promotion de Halifax, de la Nouvelle-Écosse et des régions avoisinantes comme endroits où investir, par exemple.

En outre, nous entretenons de très bonnes relations avec chacune des provinces, puisque toutes ont un intérêt à attirer les investissements. Nous savons que même les petits investissements peuvent avoir une importance dans les petits écosystèmes du pays. Je ne parle pas seulement des provinces atlantiques, il y a aussi le Centre du Canada, la région des Prairies et la côte de la Colombie-Britannique.

La sénatrice Ringuette : D'après ce que je vois, je crois que le conseil d'administration sera constitué de 8 à 10 membres.

M. Marcotte : C'est exact.

La sénatrice Ringuette : Nous voulons que le Canada atlantique participe pleinement à la gestion, à l'élaboration des politiques et à l'étude des grappes d'investissement dont le Canada atlantique a besoin. Donc, ce que vous me dites, c'est que vous allez veiller à ce que deux administrateurs — un homme et une femme, un francophone et un anglophone — siègent au conseil?

M. Marcotte : Personnellement, ce n'est pas un engagement que je peux prendre. Il y a tout un processus pour la nomination des administrateurs à ce genre de conseil, et cela vaut pour tous les établissements publics du Canada.

Néanmoins, je peux vous assurer que le PDG qui sera chargé de l'établissement public voudra travailler avec l'ensemble des provinces et des municipalités. Dans le secteur de l'attraction des IDE, l'attraction des investissements directs étrangers, on sait que les investissements se font à l'échelle locale. Ce n'est pas au Canada qu'on investit, c'est à Brampton, à Fredericton. C'est là qu'on investit. Donc, qui est mieux placé que des gens de Fredericton pour promouvoir Fredericton?

En conséquence, le PDG devra travailler en étroite collaboration avec ses homologues provinciaux ainsi qu'avec les administrations municipales dans tout le pays.

Le président : Merci, monsieur Marcotte, madame Pellerin et monsieur LeBlanc.

Nous allons maintenant passer à la section 18, la Loi sur la Banque de l'infrastructure du Canada. Nous allons procéder de façon légèrement différente. Nous avions invité M. Mintz, et il devait venir pour un souper de toute façon, mais puisque son souper commence à 19 heures, nous allons nous adapter, vu que M. Mintz est un ami du comité et un excellent témoin qui est déjà venu témoigner devant nous.

Avant tout, je tiens à remercier M. Campbell de sa patience et d'avoir accepté que M. Mintz passe en premier. Nous ferons ensuite venir les représentants officiels.

Monsieur Mintz, vous avez la parole. Je ne sais pas combien de temps nous aurons pour les questions. J'imagine que cela va dépendre de ce que vous avez à dire.

Jack Mintz, boursier du recteur, École de politique publique de l'Université de Calgary, à titre personnel : Merci beaucoup, monsieur le président, et merci de m'accommoder. À dire vrai, le souper commence à 18 heures, mais je leur ai dit que j'allais venir à 19 heures. C'est donc moi qui me suis adapté aux besoins du comité, dans les faits. Je voulais seulement souligner que j'avais bien fait tout ce qui est en mon possible pour vous.

Le président : Je comprends.

M. Mintz : Je vais vous parler tout particulièrement de la Banque de l'infrastructure du Canada. Commençons avec quelques commentaires. Comme vous le savez, je ne m'embarrasse pas de nuances quant à certaines choses. Vous parlez de certains aspects de la Banque de l'infrastructure du Canada qui ont suscité chez moi de grandes préoccupations.

L'idée de créer une banque de l'infrastructure combinant des fonds gouvernementaux et des fonds du secteur privé a déjà été proposée par plusieurs pays, y compris l'Australie et les États-Unis, mais elle n'a pas vraiment été retenue, puisque ses avantages demeurent nébuleux.

Le fait que l'on combine les intérêts du secteur public et du secteur privé peut également rendre problématique la gouvernance de l'organisation. Pendant les années 1970, beaucoup de gouvernements dans le monde ont établi des sociétés mixtes publiques-privées afin d'augmenter le rendement des organisations gouvernementales et des sociétés d'État. Le raisonnement sous-jacent était qu'une telle entité serait avantagée par l'expertise et la discipline des personnes du marché. Nous avons également participé à l'expérience consistant à combiner des intérêts privés et publics, avec la Corporation de développement du Canada — je parle non pas de la Corporation de développement des investissements du Canada, mais bien de la Corporation de développement du Canada —, mais au bout du compte, elle a échoué.

Récemment, il y a eu un renouveau de sociétés mixtes publiques-privées, par exemple Hydro One et un grand nombre d'autres sociétés étrangères à capitaux publics. Nous ne sommes pas encore convaincus que l'établissement de ces organisations a été une réussite. À mon avis, ce n'est probablement pas le cas.

Cela s'explique du fait qu'il est difficile de mélanger les intérêts publics et les intérêts privés. Tout ce qui intéresse les investisseurs du secteur privé, c'est la réussite commerciale, tandis que les gouvernements ont d'autres objectifs qui peuvent nuire aux profits.

Il y a 40 ans — et là, je vais remonter loin dans mon passé —, j'ai prédit dans ma thèse de doctorat sur ce sujet que l'expérience canadienne de sociétés mixtes allait échouer; je m'attendais à ce que les entreprises deviennent soit entièrement privées, soit complètement publiques. C'est ce qui est arrivé à la Corporation de développement du Canada et à d'autres. Je me demande si l'histoire n'est pas en train de se répéter avec la Banque de l'infrastructure du Canada.

Il y a trois avantages qu'on pourrait tirer d'une banque de l'infrastructure. Premièrement, ce n'est pas nécessaire d'avoir une banque de l'infrastructure à cette fin, mais nous aurons besoin d'un flux de rentrées si nous voulons attirer l'intérêt des investisseurs. Cela mènera peut-être à un plus grand recours au principe de l'utilisateur payeur, ce qui est une bonne chose sur le plan économique, en ce qui concerne l'évaluation de la demande. Malheureusement, la plupart des projets d'infrastructure consistent en des quasi-monopoles qui peuvent mener à des prix exagérés pour les utilisateurs, à moins qu'on ne protège l'intérêt du public.

Je devrais mentionner que j'ai déjà travaillé pour la Banque mondiale, il y a de cela des années, sur des projets en Hongrie. Ces gens-là ne se souciaient pas vraiment de l'établissement des prix, et, selon moi, cela s'est avéré être une énorme erreur de leur part lorsqu'ils ont commencé à lancer davantage de projets d'infrastructure privés ou des projets d'infrastructure mixtes publics-privés.

Deuxièmement, les investisseurs pourront proposer eux-mêmes des projets, ce qui veut dire qu'on va devoir utiliser une approche différente pour la sélection des projets que celle utilisée habituellement par les gouvernements. L'expertise des gens du milieu pourrait aider le personnel à sélectionner les meilleurs projets, même si, de l'avis du gouvernement, il serait préférable de faire la sélection à la lumière d'une analyse coûts-bénéfices.

Grâce aux engagements du secteur public, les investisseurs auront peut-être davantage confiance que les projets seront terminés dans les délais raisonnables, vu que le processus d'octroi des permis au Canada est l'un des plus longs au monde, selon la Banque mondiale. À dire vrai, si je me rappelle bien, nous nous classons au 119e rang sur 190 en ce qui concerne les délais d'émissions des permis.

Troisièmement, les bénéfices non répartis réalisés par la banque pourraient être utilisés pour financer d'autres projets. Selon moi, c'est la seule caractéristique unique de la banque. Cela pourrait être le seul avantage qui permettra à la Banque de l'infrastructure du Canada de se distinguer des autres projets d'investissement en infrastructures publics et des organismes d'État en partenariat public-privé. Si on enlève cette caractéristique, je ne vois pas pourquoi on aurait besoin d'une banque de l'infrastructure au lieu d'un organisme d'État en partenariat public-privé.

Cette loi va édifier une banque qui n'est pas un organisme d'État, sauf à quelques égards. Le ministre sera toujours chargé de fournir des conseils quant à la sélection des projets, aux engagements financiers et à la diffusion des données aux gouvernements. Cependant, certains problèmes importants demeurent qui pourraient nuire aux activités de la banque et avoir de graves répercussions. Si le gouvernement assume les risques avec des garanties d'emprunt, cela va entraîner une mauvaise répartition des risques où les contribuables vont devoir assumer les inconvénients tout en ne touchant qu'une partie des avantages. Lorsqu'on répartit les risques de cette façon, les investisseurs privés doivent assumer une part de risque indue, et cela nuit au rendement. Un bon exemple de cela serait le centre de réception des déchets dangereux de Swan Hills. Le gouvernement de l'Alberta a perdu plus de 1 milliard de dollars.

En outre, les investisseurs privés — en particulier les fonds de pension à la recherche d'un meilleur rendement de l'actif — pourraient se retrouver avec un taux de rentabilité inférieur à cause des politiques gouvernementales qui pourraient compromettre les investissements. Par exemple, un gazoduc sous la responsabilité du gouvernement norvégien — avec un taux de participation de 44 p. 100 venant d'investisseurs privés — a perdu 2,1 milliards de dollars, ou 25 p 100 de sa valeur, lorsque le gouvernement norvégien a réduit les tarifs — après 2012 — afin de promouvoir l'exploration pétrolière et gazière dans la mer du Nord. L'Office d'investissement du RPC, avec le fonds souverain d'Abou Dhabi et le groupe d'assurances allemand Allianz, a intenté une poursuite contre le gouvernement norvégien, sans résultat pour l'instant. Au bout du compte, les participants au Régime de pensions du Canada vont perdre de l'argent à cause de l'échec de ce partenariat public-privé.

Ensuite, il y a le fait qu'on espère qu'une importante partie du financement va provenir de fonds de pension. Cependant, comme le montrent les directives récentes des gouvernements en ce qui concerne les fonds de pension publics — comme le cas de l'investissement étranger de la Caisse de dépôt dans le réseau de transport public de Montréal, malgré une rentabilité douteuse —, on en est train d'établir un grave précédent en ce qui concerne l'indépendance des fonds de pension publics. Le gouvernement va-t-il, par l'intermédiaire de la Banque de l'infrastructure, commencer à s'ingérer dans le processus décisionnel autonome du régime de retraite général?

Le financement des infrastructures canadiennes est important, mais nous devrions garder à l'esprit que le secteur privé en assume déjà une grande partie; prenez les pipelines, les chemins de fer, les services à large bande et les lignes de transmission et de distribution électriques.

Le fait qu'on se préoccupe du manque d'investissements en infrastructure découle de notre système de réglementation excessif et d'un manque d'investissements dans nos infrastructures publiques. C'est très difficile de dire si la Banque de l'infrastructure du Canada sera le catalyseur qui provoquera une augmentation de l'investissement en infrastructure au Canada. Ce serait peut-être mieux de se tourner vers la privatisation, comme nous l'avons fait à la suite de l'échec de l'approche mixte publique-privée au cours des années 1970.

Le sénateur Massicotte : Merci beaucoup, monsieur Mintz. Nous vous sommes très reconnaissants de nous avoir présenté votre exposé.

Si je comprends bien ce que vous essayez de nous dire, le risque d'échec est relativement élevé ici, et ce, pour deux raisons en particulier. D'abord, c'est que les intérêts ne concordent pas. En d'autres mots, comme vous l'avez dit, pour les entreprises privées, c'est la réussite commerciale qui compte. Le gouvernement, quant à lui, doit parfois changer de direction, parce que ses intérêts sont beaucoup plus larges. Donc, malgré la structure établie, des désaccords sont possibles.

L'autre commentaire que vous avez fait concernait le rôle du gouvernement, qui demeure, dans une certaine mesure, un rôle politique. Comme cela a été proposé, le gouvernement va se charger de nommer les membres du conseil d'administration et le PDG. Hier, je crois, le ministre des Finances a dit que le gouvernement allait également devoir donner son approbation pour les investissements. Les investisseurs commencent à se dire : « Qu'est-ce que j'ai à faire là-dedans? On joue un jeu très politique, ce n'est pas seulement des affaires. » Peut-être que l'initiative va échouer à nouveau.

Ai-je raison? Ai-je bien résumé votre point de vue?

M. Mintz : Oui. Par « échec », j'entends que le taux de rendement du capital corrigé du risque ne sera pas adéquat.

Le sénateur Massicotte : Pour le gouvernement?

M. Mintz : Oui.

Il y a 40 ans, j'ai travaillé sur des sociétés mixtes, et effectivement, j'ai constaté que les sociétés mixtes s'en sortent mieux que les sociétés d'État, du moins pour ce qui est de réaliser un certain bénéfice, mais lorsqu'on prend certains facteurs en considération, on voit que leur rendement est toujours beaucoup plus faible que celui des entreprises du secteur privé.

Même si la banque agit à des fins commerciales, autant que possible, ce qui me préoccupe, par exemple, c'est la possibilité que le gouvernement, en fin de compte, disposera d'une grande autorité qui lui permettra de prendre davantage de décisions que le conseil d'administration.

Le sénateur Massicotte : L'autre commentaire que j'aimerais faire, concernant une observation que vous avez faite, a trait à ce qui arrive aux projets de PPP ici au Canada. J'appuie fortement le concept de l'utilisateur payeur. C'est quelque chose que j'aime. Je crois que cela mène à plus d'efficience en ce qui concerne l'affectation des capitaux et à de meilleurs services. Si on prend ce qui se passe aujourd'hui, puisque les gens qui utilisent ces services ne veulent pas payer le plein prix, le gouvernement est obligé de fournir beaucoup de fonds sous forme de subventions pour le coût initial ou de verser plus de capital-risque que les autres. Donc, voilà déjà un conflit d'intérêts. Est-ce que cela veut dire que les 35 millions de dollars perdent toute leur valeur, vu que le risque est plus élevé? Même avec les garanties de prêt, je ne suis pas sûr qu'on serait indemnisé, alors on va avoir des difficultés à structurer tout cela. Voilà la clé.

Parallèlement, on nous dit de prendre exemple sur le Royaume-Uni et l'Australie, qui seraient les meilleurs exemples de gouvernance au monde. Que font ces gouvernements de si extraordinaire, à cet égard?

M. Mintz : Je crois que les PPP sont un peu différents. Je ne les mettrais pas dans la même catégorie que la Banque de l'infrastructure. Les PPP fonctionnent bien lorsque c'est l'entreprise privée qui assume tous les risques. De fait, les PPP qui ont fonctionné et dont je suis au courant en Australie, en Colombie-Britannique et dans d'autres endroits sont ceux où les entreprises privées se chargeaient non seulement de la construction pour le projet, mais également de l'exploitation. Elles assumaient également tous les risques liés au projet.

C'est là que je veux en venir au sujet des garanties de prêt. L'échec connu au centre de traitement des déchets dangereux de Swan Hills tenait au fait que c'était comme un partenariat public-privé. Ce qui est arrivé, c'est que le gouvernement a donné un taux de rendement minimum à l'égard du projet, puis a partagé les avantages. Il est facile de montrer que vous allez obtenir un mauvais comportement en retour. Ce que je ne comprends pas clairement, c'est si nous allons avoir une répartition des risques appropriée dans le cas de la Banque de l'infrastructure.

Je pense qu'il est possible de contrôler cela dans le cadre d'un partenariat public-privé, car c'est un aspect contractuel, et le gouvernement choisit encore les projets; il décrit ce qu'il veut du point de vue de la conception et dit à l'exploitant : « Vous le construisez, vous l'exploitez et, si vous ne faites pas du bon travail, vous allez en payer le prix. » Une certaine indépendance est associée à cela.

Hier, j'ai vu un de mes amis qui a déjà administré un régime de pension à Toronto, et il a de sérieux doutes quant au bon fonctionnement de la Banque de l'infrastructure en raison de ce mélange d'intérêts publics et privés à l'échelon du conseil d'administration, ce qui est problématique, comme nous l'avons observé dans de nombreuses situations par le passé.

Le sénateur Massicotte : Quand vous parlez de l'Australie et du Royaume-Uni, je n'ai pas vérifié ce à quoi vous faisiez allusion, mais vous affirmez que c'est un mauvais exemple, car il s'agit d'un partenariat public-privé, et pas d'une banque de l'infrastructure en tant que telle.

M. Mintz : Je ne le mets pas dans la même catégorie.

Le sénateur Wetston : Merci beaucoup de vous être présenté.

Quand vous avez parlé du flux de rentrées, des caractéristiques d'un quasi-monopole, d'un investissement privé dans les projets proposés, cela m'a donné l'impression qu'il s'agit de services publics réglementés — et cela correspond tout à fait du modèle — qui, dans la majeure partie des cas, ont connu beaucoup de succès. Par exemple, ce n'est pas mal que de toucher des taux de rendement des capitaux propres de 9 ou 10 p. 100 dans ces environnements. S'agit-il du modèle qui, selon vous, pourrait bien fonctionner et qui fonctionne déjà bien?

J'ajouterais cela aux réflexions du sénateur Massicotte au sujet des partenariats publics-privés. J'ai l'impression que vous pensez qu'ils sont bien. Nous en avons établi beaucoup de fructueux, au Canada, pourvu que la répartition des risques soit adéquate.

Le troisième volet est lié à l'investissement privé. Vous en parlez et vous appuyez manifestement cela.

Si vous avez toutes ces choses qui fonctionnent bien dans l'environnement des infrastructures, au Canada, êtes-vous d'avis qu'il est inutile de disposer de la Banque de l'infrastructure?

M. Mintz : Oui, il est difficile de comprendre pourquoi on voudrait avoir une banque de l'infrastructure.

Je dois admettre que nous avons fait rédiger un très bon document à l'occasion d'une conférence tenue à l'École de politique publique, il y a plusieurs années, et que, malheureusement, il a été vivement critiqué lors de la conférence. De très bonnes personnes étaient présentes et en parlaient, et je ne veux pas les nommer, mais nous connaissons bien certaines d'entre elles. Le principal problème, c'est qu'on se demandait : quel est le but? Que fait cette banque que nous ne pouvons pas accomplir autrement?

Si on a un service public réglementé, s'il était privé... Au Canada, nous avons beaucoup de compagnies d'électricité qui sont des sociétés d'État, sauf pour l'Alberta, où ce marché est complètement privatisé. Toutefois, nous savons que la réglementation présente certains problèmes. Il y a des problèmes. Certes, elle protège l'intérêt public si une entité a du pouvoir sur le marché parce qu'elle est dans une position de monopole ou d'oligopole. Vous avez besoin de réglementation pour protéger votre intérêt public, dans ce cas-là. Le modèle fonctionne raisonnablement bien.

Les partenariats publics-privés fonctionnent raisonnablement bien, pourvu qu'on fasse très attention à la répartition des risques. Si ce n'est pas fait de façon appropriée, un partenariat public-privé peut être désastreux.

Toutefois, dans le cas de la Banque de l'infrastructure, on ne sait pas vraiment ce que nous accomplissons grâce à elle que nous ne pouvons pas déjà accomplir au moyen d'un organisme travaillant en partenariat public-privé ou de systèmes privatisés et réglementés.

Le sénateur Wetston : Comme vous le savez très bien, et probablement mieux que la plupart des gens, notre fonds de pension connaît beaucoup de succès. Je vais inclure Brookfield là-dedans à titre de régime de pension qui n'est pas tout à fait du même type, mais qui connaît néanmoins beaucoup de succès à l'échelle mondiale.

La possibilité d'investir un peu moins au Canada, peut-être d'investir plus dans le reste du monde, comme vous le savez, de ne pas le faire nécessairement selon un modèle de banque de l'infrastructure dans ces administrations, est-ce que la Banque de l'infrastructure — et je ne parle pas du conflit d'intérêts, dont il est question dans les médias... Si cette banque était en place, est-ce que cela pourrait encourager un plus grand investissement dans les fonds de pension au Canada?

M. Mintz : Je ne le pense pas. Ce dont nous avons besoin, c'est d'élaborer des politiques publiques qui vont encourager davantage d'investissements au Canada. Nous possédons un système réglementaire qui est, surtout dans le domaine des infrastructures, très lent. J'ai rédigé un document à ce sujet il y a un certain temps, c'est-à-dire l'un des sondages qui ont été réalisés, celui de la Banque mondiale sur la façon de faire des affaires partout dans le monde. C'était intéressant.

Le Canada se porte très bien dans certains domaines. D'après mon expérience, je peux dire que nous administrons un très bon système d'imposition du point de vue des coûts liés à la conformité et de choses de ce genre. Toutefois, nous obtenons des résultats médiocres dans certains domaines, comme les infrastructures, l'octroi de permis et l'acheminement de marchandises vers la frontière. Il ne s'agit pas que des pipelines.

On entend des histoires au sujet du temps qu'il faut pour qu'un permis soit octroyé au pays. De fait, la banque a utilisé un sondage. Il était question de construire un entrepôt dans une ville, et le Canada a obtenu un résultat vraiment peu élevé. L'Australie et les États-Unis étaient beaucoup mieux. De fait, parmi les pays de l'OCDE, nous nous situons au milieu du peloton en ce qui a trait au classement général dans cette étude de la Banque mondiale.

Mon argument principal, c'est que les gens vont venir ici si notre système réglementaire est meilleur. Les gens vont venir ici si nous veillons également — et j'ai fait partie de groupes d'experts relatifs à des fonds de pension — à ce qu'ils puissent obtenir un flux de rentrées et si nous sommes disposés à recourir à des droits d'utilisation. En tant que pays, nous sommes réticents à utiliser ces droits, et il s'agit peut-être d'une décision politique. Toutefois, s'ils ne sont pas prévus, la Banque de l'infrastructure ne fonctionnera pas très bien. Peut-être qu'il y a une certaine valeur et que nous en tirerons davantage grâce à la Banque de l'infrastructure. Il s'agit de franchir un obstacle politique qui, j'en suis certain, fera l'objet de beaucoup d'opposition.

Le sénateur Woo : Compte tenu de votre appui des partenariats publics-privés, ces partenariats sont-ils en fait exclus des travaux de la Banque de l'infrastructure du Canada, selon votre interprétation du projet de loi?

M. Mintz : Selon mon interprétation du projet de loi, ils ne seraient pas exclus. À mes yeux, c'est ainsi que fonctionnera la banque, grâce à des intérêts publics et privés, et les intérêts privés proposeront les projets à la banque.

Le sénateur Woo : Est-ce la seule manière dont les projets seront établis? Je crois savoir que le gouvernement peut le faire également.

M. Mintz : Certainement.

Le sénateur Woo : Et, selon mon interprétation, la logique, c'est de rassembler les investissements, autrement dit, de générer des fonds privés pour des projets qui, autrement, ne seraient pas financés.

Estimez-vous qu'il y a des projets d'infrastructure publiquement souhaitables qui font partie de la catégorie de ceux qui ne seraient pas financés autrement et qui, par conséquent, peuvent faire l'objet de ces investissements parce que le gouvernement assume un certain risque, au moyen d'une structure de partenariat public-privé, ou d'une certaine autre structure de financement de projet?

M. Mintz : Je ne vous présenterai pas ma thèse de doctorat de 400 pages sur ce sujet.

Il y a deux arguments en faveur d'une participation du secteur privé, et, encore une fois, je pense que c'est là que fonctionne le modèle de partenariat public-privé. Le premier concerne le capital de risque. Je ne pense pas qu'il s'applique très bien au Canada parce que nous sommes dans un pays avancé et que nos marchés présentent un bon risque. Je ne pense pas que le gouvernement puisse améliorer la diversification du risque et la répartition des risques dans l'économie.

Le sénateur Woo : C'est une question de flux de rentrées.

M. Mintz : C'est un argument pour les pays peu développés.

Le deuxième argument est celui de l'apport d'une expertise. Encore une fois, je pense que les partenariats publics- privés fonctionnent bien parce qu'on dispose d'une certaine expertise apportée par les personnes qui s'occupent des volets construction et exploitation du projet. Ce que pourrait faire la Banque de l'infrastructure, c'est apporter l'expertise privée pour au moins contribuer à la sélection des projets. Ce pourrait être un avantage, mais la question est de savoir pourquoi on a encore besoin de la banque pour faire cela. J'ai encore de la difficulté à le comprendre. C'est peut-être parce qu'on crée à l'intérieur de la banque une catégorie professionnelle qui fera ce genre de chose.

Toutefois, je suis encore préoccupé au sujet du mélange de fonds publics et privés et de la façon dont cette question va finir par être réglée, compte tenu des objectifs très différents qu'ont les gouvernements relativement aux intérêts privés.

[Français]

Le sénateur Carignan : J'essaie de trouver l'objectif de la banque. Est-ce que c'est un organisme à but lucratif ou à but non lucratif? Il est normal que les administrateurs d'un fonds de pension veuillent obtenir un rendement pour leurs clients, selon des objectifs de rendement fixés. Une banque se doit d'avoir un rendement pour ses actionnaires, sinon elle verra le cours de ses actions diminuer. Toutefois, j'essaie de déterminer si l'un des objectifs de la banque est qu'elle soit rentable afin de retourner des dividendes au gouvernement, ou si elle doit prendre des risques et peut-être perdre de l'argent afin de soutenir une entreprise ou un investissement. Ce n'est pas clair pour moi.

[Traduction]

M. Mintz : Quand j'ai lu le projet de loi la semaine dernière, les objectifs n'étaient pas entièrement clairs en ce qui concerne la banque. Ce dont il était question, c'était qu'il y aurait encore une responsabilité ministérielle, et on pourrait faire valoir qu'elle est appropriée dans un gouvernement, en ce qui a trait à la sélection et au financement des projets. Autrement dit, la banque ne va pas faire cavalier seul et ne passera pas de marchés avec divers participants sans l'approbation du gouvernement. Il s'agirait du rôle de la responsabilité ministérielle.

J'avancerais que c'est approprié, d'un point de vue gouvernemental, et pour ce qui est de s'assurer qu'une responsabilité ministérielle est établie.

[Français]

Le sénateur Carignan : La limite du fonds transféré est globalement de 35 milliards de dollars. L'article 23 prévoit que le ministre des Finances peut verser à la banque, sur le Trésor, des sommes ne dépassant pas globalement 35 milliards. L'article 24 prévoit que le ministre des Finances peut consentir des prêts à la banque. Est-ce que les prêts à la banque sont inclus ou exclus dans la limite de 35 milliards?

[Traduction]

M. Mintz : Oui, de fait, je dirais qu'ils pourraient être inclus, compte tenu du libellé, selon lequel ils proviennent du Trésor. La somme pourrait prendre la forme d'un financement par actions ou par emprunt. Je pense que les responsables doivent répondre à cette question. À mon avis, la disposition devrait s'appliquer au total.

[Français]

Le sénateur Carignan : Les experts sont déjà saisis de la question. Ils auront le temps d'y penser.

[Traduction]

Le président : Merci infiniment, monsieur Mintz, comme toujours.

Chers collègues, nous allons accueillir les représentants officiels, puis ce sera tout. Les autres témoins ont gentiment accepté de reporter leur comparution après la pause. Il s'agira de notre dernière occasion d'aborder la question, puis nous allons poursuivre quand nous reviendrons, après la semaine de relâche. Nous tiendrons une séance demain, mais nous allons poursuivre sur le sujet de la Banque de l'infrastructure à notre retour.

Je veux remercier les représentants de la Chambre de commerce du Canada d'avoir la gentillesse de revenir à ce moment-là. Nous leur en sommes très reconnaissants.

Nous étudions encore la section 18. Nous accueillons M. Glenn Campbell, sous-ministre adjoint, Bureau de transition pour la Banque de l'infrastructure du Canada; M. Shawn Grover, analyste principal de la politique, Bureau de transition pour la Banque de l'infrastructure du Canada; et M. Steven Kuhn, directeur principal, Bureau de transition pour la Banque de l'infrastructure du Canada, d'Infrastructure Canada. Nous accueillons également Niko Fleming, chef, Infrastructure, analyste des politiques sectorielles, Direction du développement économique et des finances intégrées, du ministère des Finances.

Glenn Campbell, sous-ministre adjoint, Financement des infrastructures et investissements, Bureau de transition pour la Banque de l'infrastructure du Canada, Infrastructure Canada : Je suis heureux de comparaître de nouveau devant le comité après le dépôt du projet de loi. Nous avons tenu une conversation préliminaire il y a deux ou trois mois.

La section 18 de la partie 4 établirait la Banque de l'infrastructure du Canada, d'abord annoncée dans l'Énoncé économique de l'automne 2016, puis dans le budget de 2017. À titre indicatif, les amendements proposés concernent les articles 403 à 406, qui peuvent être consultés aux pages 236 à 248 du projet de loi.

Veuillez me permettre de commencer en présentant brièvement certaines données contextuelles relativement à la banque proposée, puis je parcourrai le contenu du projet de loi de façon générale. Enfin, je serai heureux de répondre aux questions, y compris à certaines qui ont été soulevées par les témoins précédents.

La Banque de l'infrastructure a pour but de fournir un financement novateur aux fins de nouveaux projets d'infrastructure et de faciliter la construction d'un plus grand nombre de projets, y compris les projets de transformation qui, autrement, n'auraient pas été construits au Canada, grâce à l'attrait d'investissements privés et institutionnels. La banque proposée fait partie du plan général de 186 millions de dollars du gouvernement intitulé Investir dans le Canada. Le soutien fédéral des infrastructures continuerait d'être en grande partie assuré par des modèles d'infrastructure traditionnels, et la Banque de l'infrastructure du Canada représente moins de 10 p. 100 de la totalité du plan.

La banque serait un nouvel outil que les partenaires du gouvernement — en particulier les partenaires municipaux, provinciaux, territoriaux et autochtones — pourraient choisir comme option pour construire davantage de projets d'infrastructure. La banque est un nouveau modèle de partenariat visant à transformer la façon dont les infrastructures sont planifiées, financées et réalisées au Canada. La banque, qui miserait sur l'expertise et les capitaux du secteur privé, permettrait à l'argent public d'aller plus loin et d'être utilisé de façon plus stratégique en mettant l'accent sur les grands projets de transformation, comme des plans régionaux de transport en commun, des réseaux de transport et des interconnexions de réseaux électriques.

La Loi sur la Banque de l'infrastructure du Canada proposée peut être divisée en six catégories principales. Les domaines sont la constitution en société, le mandat, les fonctions et les pouvoirs, la gouvernance, le financement et la responsabilité. Laissez-moi aborder très simplement ces catégories, tour à tour, monsieur le président.

Premièrement, la loi constituerait la banque en tant que société d'État dès la sanction royale.

Deuxièmement, la loi établirait que la banque a pour mandat ou mission de faire des investissements et de chercher à attirer des investissements d'investisseurs du secteur privé et d'investisseurs institutionnels dans des projets d'infrastructures qui généreront des recettes et qui seront dans l'intérêt public.

Troisièmement, le projet de loi décrit les fonctions et les pouvoirs attribués à la banque pour l'aider à atteindre son but. Elle pourrait effectuer des investissements grâce à divers véhicules financiers, y compris le financement par emprunt et par actions. La banque effectuerait ses investissements directement dans le projet d'infrastructure, et ses investissements s'ajouteraient à ceux du secteur privé et des investisseurs institutionnels, de même qu'à ceux de tout autre investisseur gouvernemental. Il s'agirait d'un modèle de co-investissement et de prêts conjoints.

Les projets appuyés par la banque seraient structurés au moyen d'ententes juridiques conventionnelles et solides entre partenaires, conçues pour protéger l'intérêt canadien.

La banque consentirait également des garanties de prêt, sous réserve de l'approbation du ministre des Finances. Une approbation distincte correspond aux exigences générales relatives aux sociétés d'État.

La banque exercerait également d'autres fonctions que celles qui consistent à faire des investissements, notamment agir en tant que centre d'expertise, conseiller d'autres ordres de gouvernement concernant des projets générateurs de recettes et collaborer avec tous les ordres de gouvernement afin de recueillir et de communiquer des données pour orienter les investissements à venir.

Quatrièmement, le projet de loi proposé établit la gouvernance générale de la banque. L'exigence habituelle concernant la gouvernance des sociétés d'État prévue dans la Loi sur la gestion des finances publiques s'appliquerait généralement. Sous le régime du projet de loi proposé, les membres du conseil d'administration et le PDG seraient nommés par le gouvernement, par l'entremise du gouverneur en conseil, et le conseil d'administration jouerait un rôle dans la sélection du PDG.

Le 8 mai, le gouvernement a lancé de façon anticipée un processus de sélection transparent et fondé sur le mérite pour l'établissement de la haute direction de la banque. Tout au long de ces processus, le gouvernement commencerait par élire un président du conseil, et ensuite les autres directeurs et le président-directeur général.

Toute nomination n'entrerait en vigueur que si le projet de loi établissant la banque est adopté par le Parlement et reçoit la sanction royale.

Le cinquième aspect du projet de loi proposé permet au ministre des Finances de verser jusqu'à 35 milliards de dollars à la banque. Il est attendu que les actifs, le passif, les recettes et les dépenses de la banque seront pleinement intégrés au bilan du gouvernement du Canada. Nous nous attendons à ce que des capitaux ne soient transférés à la banque qu'au besoin, au fil du temps, afin qu'on puisse conclure des marchés.

Même si la somme en espèces s'élevait à 35 milliards de dollars au fil du temps, le gouvernement a annoncé que la banque serait autorisée à effectuer, selon la comptabilité d'exercice, des dépenses sur le plan budgétaire pouvant aller jusqu'à 15 milliards de dollars sur 11 ans.

Le sixième aspect permettrait au gouverneur en conseil de désigner l'emplacement de la banque et de nommer un ministre responsable. Le gouvernement a annoncé son intention de désigner Toronto pour l'emplacement de la banque. La ville a acquis une réputation mondiale d'excellence en tant que centre de financement des infrastructures.

La société d'État rendrait des comptes au Parlement d'un certain nombre de manières importantes. Elle devra présenter un résumé de son plan d'entreprise annuel ainsi qu'un rapport annuel. Elle serait assujettie à la Loi sur la protection des renseignements personnels et sur la Loi sur l'accès à l'information, même si les renseignements de nature commercialement délicate concernant des tiers seraient tenus dans la confidentialité. Je parle ici des partenaires commerciaux, et non des projets.

Elle respectera la norme la plus élevée consistant à faire auditer ses livres par le vérificateur général du Canada et par un auditeur du secteur privé, et un examen de la loi sur la banque serait effectué et présenté au Parlement tous les cinq ans.

Laissez-moi conclure. Comme cela a été annoncé dans le budget, le but du gouvernement est de s'organiser pour que la banque soit fonctionnelle à la fin de 2017, soit un an après qu'elle a été annoncée et rendue publique, au départ. Depuis la première annonce, en novembre dernier, le gouvernement a tenu de longues discussions sur la banque proposée avec des intervenants et des acteurs du domaine public. Cela comprend des discussions avec les provinces, les territoires et les municipalités, puisque la banque serait un outil de plus à utiliser pour ces partenaires, s'ils le choisissaient, en plus des programmes de financement habituels.

Dans le cadre du plan général Investir dans le Canada, les provinces, les territoires et les municipalités participent actuellement à la planification à long terme de la façon dont ils vont financer et réaliser les infrastructures. Même si la banque représente moins de 10 p. 100 du plan dans son ensemble, elle offrirait une option supplémentaire qui permettrait aux partenaires gouvernementaux de faire aller plus loin leur argent public au titre d'un nouveau modèle de partenariat.

Ces partenaires gouvernementaux ont déjà manifesté un intérêt précoce à l'égard de l'utilisation de la banque comme catalyseur pour faire avancer leurs priorités en matière d'infrastructure et réaliser davantage d'infrastructures pour leurs collectivités.

Si elle était approuvée par le Parlement, il faudrait un certain temps à la banque pour prendre de la maturité et pour que les discussions se transforment en investissements réels. Un bassin de projets est censé évoluer au fil du temps, et l'institution, en soi, prendra de l'expansion et de la maturité à mesure qu'elle évolue.

La banque pourrait clairement offrir une valeur précoce du point de vue du soutien des partenaires gouvernementaux dans leur planification à long terme grâce à sa fonction de collecte de données, de prestation de conseils et de centre d'expertise, dans le but d'améliorer la capacité de tous les gouvernements d'effectuer des investissements dans des infrastructures fondés sur des données probantes.

Avec mes collègues, je serais heureux de répondre à vos questions.

Le président : Quand vous teniez vos consultations, est-ce que le gouvernement fédéral a retenu les services de KPMG afin de recevoir des conseils au sujet d'une banque de l'infrastructure?

M. Campbell : En mai 2016, le ministère de l'Infrastructure — en tant que l'un des nombreux contributeurs — a communiqué avec KPMG afin de fournir certaines données contextuelles et de tenir des consultations sur les facteurs dont le gouvernement doit tenir compte au moment où il envisage d'établir une banque de l'infrastructure.

Le président : Quelles étaient les recommandations de KPMG?

M. Campbell : Les responsables n'ont pas formulé de recommandations. Ils avaient inclus des considérations dans ce rapport, et ils ont fourni beaucoup de renseignements sur ce que faisaient d'autres pays, d'autres programmes, les considérations générales prises en compte. À l'époque, KPMG ne faisait pas partie du processus décisionnel gouvernemental, et, bien entendu, aucune décision n'a été prise à ce moment-là. Alors, c'était fondé sur leurs recherches et leur analyse.

Le président : Étaient-ils favorables à l'établissement de la banque? Pensaient-ils que c'était une bonne idée?

M. Campbell : Je pense qu'il faudrait qu'ils parlent en leur propre nom. Généralement, ils voyaient les avantages. Le document établissait des considérations quant à la façon dont le gouvernement devrait procéder, en fonction de ses propres critères, à la conception d'une banque de l'infrastructure efficace.

Le sénateur Massicotte : Pourrions-nous obtenir une copie du rapport de KPMG?

M. Campbell : Oui. Nous l'avons récemment fourni — hier — à la greffière du Comité des finances, et nous sommes heureux de faire de même aujourd'hui.

Le sénateur Massicotte : D'accord, je vous en suis reconnaissant.

J'ai lu ce document de nombreuses fois. J'ai lu pas mal d'articles. En ce qui concerne le projet de loi en tant que tel, ce qu'il contient me fait penser au fait que, quand on crée une société, il y a beaucoup de détails standard et de questions touchant la gouvernance d'entreprise, mais ce n'est pas le problème. En tant qu'observateurs, nous devons prendre cette information et dire : « Nous créons des hypothèses concernant la façon dont votre modèle d'entreprise va fonctionner et la nature du plan d'affaires, que nous n'avons pas. » Alors, nous formulons des hypothèses.

Laissez-moi faire deux ou trois suppositions. Je suppose qu'il est question de projets comportant un volet lié à des droits d'utilisation? N'est-ce pas? Le projet doit générer des recettes.

M. Campbell : Oui.

Le sénateur Massicotte : Ai-je raison de dire que, si on regarde l'histoire de ces projets au Canada, dans le cadre de presque tous les projets comportant des droits d'utilisation, une part importante prend strictement la forme d'une subvention gouvernementale, et le solde est essentiellement constitué de droits d'utilisation? S'agit-il d'une bonne supposition à faire également dans l'avenir?

M. Campbell : De façon générale, monsieur le sénateur, oui, ce serait le cas.

Le sénateur Massicotte : Ai-je raison d'affirmer que la banque ne sera pas nécessairement à égalité avec les investisseurs? Ils pourraient assumer un rôle différent et, je suppose, aussi un rôle complémentaire pour rendre le projet faisable. Y a-t-il une forte probabilité que ce soit le cas?

M. Campbell : Il y aurait une forte probabilité, oui.

Le sénateur Massicotte : Si c'est le cas, du point de vue d'un contribuable canadien, si on regarde les 35 milliards de dollars, disons que cette somme est toute dépensée, on pourrait constater qu'une bonne partie de l'argent est assortie à un ratio de risque secondaire plus élevé. Par conséquent, les 35 milliards de dollars pourraient valoir 5 ou 10 milliards de dollars. Cela signifie-t-il que le déficit ou la diminution de la valeur seront comptabilisés comme un déficit de fonctionnement du gouvernement?

M. Campbell : Vous avez soulevé de nombreux éléments dans la dernière question, monsieur le sénateur. Laissez- moi revenir en arrière pour établir le cadre du modèle d'affaires de la banque, car c'est ainsi qu'il faut répondre à votre question.

Premièrement, la banque n'a pas pour but d'être capitalisée au moyen d'une somme d'argent fixe comme d'autres sociétés d'État, où, dans leur cas, le gouvernement dit : « Voici le montant de vos capitaux. Allez-y et menez vos activités, puis vous remettrez au gouvernement un dividende selon les modalités du marché. »

Ce modèle a été clairement conçu comme un mécanisme permettant d'offrir un soutien fédéral aux infrastructures, étant donné que la majorité des infrastructures du Canada — comme vous le dites — ont besoin d'un certain degré de soutien fédéral ou provincial-municipal. Ainsi, il s'agit tout de même d'un mécanisme permettant d'offrir du soutien. Vous étudieriez des projets qui, pour la plupart, sont présentés par une province ou une municipalité. Voilà la prépondérance des projets.

Un projet pourrait avoir autrement été financé entièrement par des subventions gouvernementales, versées par une province ou une municipalité, et il s'agit d'un incitatif — dans le processus décisionnel entre les municipalités, les provinces et le gouvernement fédéral — que d'affirmer que si un projet est jugé convenable aux fins de la génération de recettes et qu'il répond aux critères, alors, il pourrait être mis de l'avant en tant que projet qui exigerait moins de soutien du gouvernement qu'il en exigerait autrement.

Essentiellement, la banque vise à permettre la construction d'un plus grand nombre d'infrastructures en faisant aller plus loin l'argent, en soulageant la pression sur nos partenaires provinciaux et municipaux, afin de transférer le risque au secteur privé, de sorte que le secteur public injecte moins d'argent dans ce projet en particulier qu'il le ferait autrement.

Pour conclure, le rôle de la banque est d'exercer une fonction de gestion des risques, et ses investissements pourraient être subordonnés ou non. La banque contribuerait au transfert des risques entre les deux parties.

Le sénateur Massicotte : D'après vos commentaires, si vous regardez un pont qui coûte 5 milliards de dollars, vous semblez dire que la décision initiale prise par cette banque tient à la somme de la subvention qu'elle doit fournir pour inciter les entreprises privées à fournir le reste. Des 5 milliards de dollars, le gouvernement paierait peut-être jusqu'à 1 milliard de dollars, et les 4 autres milliards proviendraient de fonds de pension ou d'investisseurs. Ai-je raison?

Sans que la banque investisse nécessairement dans le capital de participation à proprement dit, elle se concentrera sur la somme qu'elle doit investir pour faire en sorte qu'il soit intéressant pour des tiers de fournir le reste. Est-ce exact?

M. Campbell : Nous aborderions la question de façon légèrement différente. Une province ou une municipalité se présenterait en disant : « Je veux construire un pont. » Pour revenir à la conversation précédente que j'ai entendue, la province pourrait présenter au gouvernement du Canada le projet comme correspondant à l'une des priorités, et il pourrait être financé par l'un des autres volets du plan Investir dans le Canada; les provinces disposent de leurs allocations bilatérales, et le projet pourrait être financé de cette manière.

Mais, si elles étaient disposées à envisager l'adoption d'un modèle fondé sur les recettes relativement à ce projet particulier, alors, elles pourraient envisager la possibilité de soumettre le projet à la Banque de l'infrastructure.

Elles pourraient ensuite travailler avec la Banque de l'infrastructure pour dire ce qu'elles veulent faire, quelles sont les conditions, quel est le modèle de recettes et combien de recettes s'y rattachent, selon elles, et l'investissement privé correspondrait au risque qu'elles vont prendre et à la somme associée au modèle de recettes.

Ensuite, il se pourrait qu'un certain soutien gouvernemental, dont on aurait besoin et qui aurait autrement été offert dans le cadre de ce projet, se trouve sous la ligne.

Le sénateur Massicotte : Projetons-nous dans 20 ans. Les 35 milliards de dollars auront principalement été dépensés dans le but de rendre des projets faisables, du point de vue des investisseurs privés. Par conséquent, dans 20 ans, en ce qui concerne la population canadienne, ces 35 milliards de dollars ne valent rien. Ils auront été dépensés sous forme d'incitatifs.

M. Campbell : Je redéfinirais les caractéristiques. Tout d'abord, les 35 milliards de dollars figurent au bilan. Les 15 milliards de dollars correspondent à la somme des capitaux pouvant être dépensés. Il y a une marge de 20 milliards de dollars pouvant faire l'objet d'un appariement des passifs et des actifs. Par exemple, la banque pourrait obtenir une participation qui a une certaine valeur, ou bien elle pourrait consentir un prêt aux fins du projet — elle pourrait devenir un organisme de financement par emprunt — à l'égard duquel elle a un actif correspondant et se fait rembourser. Essentiellement, ces stratégies seraient prises en compte dans les 20 milliards de dollars.

Le gouvernement a été très transparent, et vous le constaterez dans le cadre financier, c'est-à-dire qu'il s'attend vraiment à offrir du soutien grâce à la banque à un grand nombre de projets réalisés dans l'intérêt public, lorsqu'il est logique de le faire, car l'actif en question aurait été construit pour le public. Ainsi, le public disposerait de cet actif. Il disposerait du pont, de la route, du réseau de transmission, de l'interconnexion ou de l'installation de traitement des eaux écologique. L'actif serait construit.

Le sénateur Massicotte : La principale fonction de la banque — comme vous l'avez dit plus tôt —, c'est de créer le projet, de susciter l'intérêt et de fournir autant de capitaux que nécessaire, mais pas plus que nécessaire, afin d'inciter des tiers à investir. La banque n'a pas l'impression d'investir, à parts égales, avec le fonds de pension. Elle a tout simplement l'impression d'injecter le plus d'argent possible dans le but de susciter l'intérêt et de faire fonctionner le projet.

M. Campbell : Monsieur le sénateur, selon mon cadre, il s'agirait de la plus petite somme possible, car on ne voudrait pas fournir un dollar de plus dans cette équation. Voilà pourquoi la décision est prise de façon indépendante. Les gouvernements doivent décider de mettre sur pied un actif et aller de l'avant en précisant s'ils veulent que le gouvernement fédéral co-investisse dans le cadre de l'un de ses programmes bilatéraux ou si le projet est un candidat pour faire partie de ce modèle.

S'il est un candidat pour faire partie du modèle, il est ajouté à une liste. La banque reçoit cette liste, et tous les gouvernements concernés savent qu'il y figure. Si la banque attire des investisseurs et parle avec les responsables de l'administration en question, c'est l'administration, qui assure l'intendance de l'actif, qui finit par prendre la décision. Ses responsables doivent présenter l'actif. Ils doivent prendre une décision à l'égard du modèle de recettes. Ils doivent le vendre à leur population, à l'échelon local. Alors, tout le monde connaîtrait les projets sur lesquels la banque travaillerait.

La majorité des projets arriveront par la voie gouvernementale. Une mention a été faite plus tôt concernant les propositions non sollicitées, lesquelles, selon nous, devraient être minoritaires, et, même dans ces cas, la banque assurera l'interface avec le gouvernement du Canada, mais nous allons tout de même nous attendre à ce que cette partie se présente avec un promoteur public dans le cadre de ce projet.

Le président : Je suis perdu.

Le sénateur Massicotte a posé une question, et vous avez soulevé l'exemple d'une municipalité qui a un pont ou un projet. Disons que c'est un pont. Elle s'adresse à la Banque de l'infrastructure. Qu'est-ce qui arrive, exactement? Recherchez-vous une entreprise qui construira un pont? Cherchez-vous une société qui construira un pont? Est-ce de cela qu'il est question?

M. Campbell : Monsieur le sénateur, la Banque de l'infrastructure est une question de financement en amont d'un actif particulier. En réalité, les décisions au sujet de l'approvisionnement et de la construction sont en aval.

Le président : À qui appartiendra le pont?

M. Campbell : À qui appartiendra le pont? Cela dépend de l'accord de partenariat. Au départ, quiconque est le promoteur public de l'actif en question — si c'est une municipalité — sera encore propriétaire du pont en question. La question est la suivante : au titre d'un modèle de partenariat, le promoteur est-il disposé à co-investir et à être copropriétaire avec d'autres parties, y compris la Banque de l'infrastructure?

Le président : La municipalité et vous vous lancez en affaires ensemble pour la construction d'un pont.

M. Campbell : Pour financer le pont, une fois qu'une entente de partenariat est conclue, si nous décidions qu'il fallait 1 milliard de dollars pour construire ce pont et que la province, la municipalité, la banque et nous décidions d'injecter de l'argent en parallèle avec le secteur privé, alors, le promoteur prendra une décision complètement différente pour des motifs liés aux affaires. Comment va-t-il procéder à la construction et à l'approvisionnement? Aura-t-il recours à un modèle de partenariat public-privé ou à un autre modèle?

Ensuite, par exemple, si le projet était exécuté en Ontario, il s'adresserait à Infrastructure Ontario et utiliserait son modèle de partenariat public-privé pour procéder à la construction. Si on est en Colombie-Britannique, on pourrait avoir recours à Partnerships B.C. Si le promoteur veut utiliser un modèle de partenariat public-privé, la question concerne vraiment le financement d'un actif, plutôt que l'approvisionnement, la construction ou l'exploitation. C'est secondaire.

Le président : Alors, il ne s'agit pas du tout de faire participer le secteur privé à un investissement public dans un pont, un tronçon d'autoroute ou un aéroport. Il ne s'agit pas du tout de cela. Ce n'est que le gouvernement du Canada qui, par l'intermédiaire de la Banque de l'infrastructure, conclut un partenariat avec une municipalité dans le but d'imposer des frais pour l'utilisation d'un pont.

M. Campbell : Je ne suis pas certain qu'il s'agisse d'une description appropriée, monsieur le sénateur.

Le président : Qui est la personne du secteur privé participant à ce projet?

M. Campbell : Ce dont il est question, en ce qui concerne la banque, c'est le bailleur de fonds.

Le président : J'ai compris cela.

Le sénateur Massicotte : Un facilitateur.

M. Campbell : La banque sera l'agent de structuration d'une entente de partenariat, et elle recherchera des partenaires financiers. Elle pourrait aller faire affaire avec le marché et chercher à obtenir du financement par emprunt et par actions. Il faudrait que les acteurs se livrent concurrence pour l'obtenir. Les fonds de pension, nationaux ou mondiaux, ou d'autres gestionnaires d'actifs se livreraient concurrence dans le but d'obtenir une partie de ce projet afin de faire baisser le prix.

Une fois que ces éléments sont acceptés, elle prendra une décision à l'égard de l'entente de partenariat. Nous disposons maintenant d'un financement suffisant pour construire ce pont.

Ensuite, le groupe qui contrôle maintenant l'actif en question est celui qui prend les décisions à l'égard de toutes les options relatives à l'approvisionnement associé à ce pont pour, encore une fois, intégrer d'autres acteurs du secteur privé aux fins de la conception, de la construction et de l'exploitation de cet actif.

Le président : Qui prend le risque?

M. Campbell : Dans le modèle de financement, le risque est...

Le sénateur Massicotte : Cela dépend de l'entente.

Le président : J'essaie de découvrir si la Banque de l'infrastructure assume une partie du risque.

M. Campbell : Elle est conçue pour assumer et gérer le risque.

Par définition, un projet d'infrastructure concerne la gestion du risque et la structure de financement entre les parties.

L'objectif consiste à transférer le risque lié au modèle de recettes vers une partie du secteur privé dans la mesure — fait important — où elle touchera un taux de rendement et, si l'actif n'offre pas un bon rendement, ce rendement diminue ou la partie pourrait perdre son investissement, mais l'actif est construit.

Le président : Le risque est réparti entre le fonds de pension, la municipalité et la Banque de l'infrastructure?

M. Campbell : Il s'agit d'un modèle de risque partagé, selon l'entente de partenariat.

N'oubliez pas, mesdames et messieurs les sénateurs, que nous parlons d'un actif dont la totalité du risque aurait été absorbée par une municipalité ou par d'autres gouvernements, si ces instances avaient fait cavalier seul pour procéder à la construction de ce pont. Elles auraient pu réaliser certaines économies en ayant recours à un partenariat public-privé pour la construction et pour apporter certains gains d'efficience, qui sont bien connus.

Toutefois, pour ce qui est de déterminer qui finance l'actif en question, plus la participation du secteur privé est grande, plus on soulage la pression sur les deux gouvernements qui doivent appuyer cet actif particulier. Ainsi, de l'argent est disponible pour la réalisation d'autres projets, pour la construction de plus d'infrastructures, y compris des infrastructures sociales dans ces collectivités.

Niko Fleming, chef, Infrastructure, analyste des politiques sectorielles, Direction du développement économique et des finances intégrées, ministère des Finances Canada : Pourrais-je poser une question de suivi à celle du sénateur Massicotte?

Vous aviez demandé si la somme de 35 milliards de dollars fournie en espèces pour la Banque de l'infrastructure pourrait être réduite à zéro ou à 5 milliards de dollars. Le gouvernement a fait état dans le budget de la position totale concernant les charges à payer, les dépenses, pour la Banque de l'infrastructure, et il y a un plafond de 15 milliards de dollars à cet égard.

Le sénateur Massicotte : Qu'est-ce que cela signifie?

M. Fleming : Comme l'a dit Glenn, la banque peut fournir du financement en espèces par actions ou par emprunt s'élevant au total à 35 milliards de dollars, mais, dans le cas d'un grand nombre de ces investissements, elle conserverait les actifs dans son bilan. La dépense totale pour le gouvernement qui découlerait, entre autres, d'accords de concession ou de subvention conclus dans le cadre de projets, est plafonnée à 15 milliards de dollars.

M. Campbell : Si le projet « A » requiert un soutien de 200 millions de dollars de la Banque de l'infrastructure, il est tout à fait possible qu'il puisse avoir recours à un mélange de financement par emprunt et par actions. Il commence par l'étape de la construction des nouvelles installations. La valeur de l'actif pourrait chuter. Un risque s'y rattache, et cela pourrait être comptabilisé comme une subvention, un prêt concessionnel, ce qui se refléterait dans le bilan du gouvernement, pour une pleine transparence. Au fil du temps, une fois que la construction de ce pont a commencé, une fois que le projet avance, la valeur de cet intérêt financier pourrait augmenter, alors, il y a un aspect de partage des inconvénients et des gains lié au fait que nous assumons le risque conjointement. Cela signifie que vous pouvez structurer le projet de manière à ce que nous obtenions tous deux les avantages, et je subirai les désavantages.

Du point de vue des dépenses, le gouvernement fédéral et les gouvernements municipaux espèrent pouvoir réaliser davantage de projets tout en injectant moins d'argent public, au bout du compte, dans la construction de l'infrastructure en question, de sorte qu'ils pourront en construire davantage. Ces infrastructures seraient financées dans une certaine mesure selon un système d'utilisateurs payeurs. La majorité des actifs ne seraient probablement pas des candidats aux fins d'un modèle de génération de recettes.

Nous entendons déjà nos partenaires municipaux, territoriaux et provinciaux affirmer qu'ils utilisent déjà des modèles de recettes et en envisagent l'adoption. Ils pensent avoir des candidats. Ils voudraient obtenir un peu d'aide, et il s'agit d'un autre outil qui nous permettra d'aider nos partenaires à atteindre les objectifs qu'ils ont déjà fixés dans leurs plans à long terme.

Le sénateur Woo : Merci, chers témoins, de votre témoignage. J'essaie de comprendre le témoignage précédent. Il est bien que vous soyez là, car vous avez eu l'occasion d'entendre le témoignage de M. Mintz.

Le fond du débat consiste à déterminer si cette banque assurera un investissement supplémentaire du secteur privé dans des projets d'infrastructure qui, autrement, ne seraient pas accessibles.

M. Mintz est d'avis que, en réalité, la vraie contrainte à un investissement supplémentaire dans les infrastructures, c'est la réglementation. Si nous nous débarrassions de toute la réglementation qui fait obstacle à l'octroi de permis, et ainsi de suite, ces projets seraient construits.

Je veux connaître votre point de vue à ce sujet, à la lumière de la conception particulière de la Banque de l'infrastructure du Canada, car il me semble que vous choisissez des projets qui ne seraient pas du tout viables, même si le processus réglementaire était réduit au minimum. Je songe aux projets de transport en commun, par exemple. Aucun projet de transport en commun — ou très peu — ne fournit de recettes qui le rendront viable, en particulier les projets de métro.

Dans la mesure où tous ces projets exigeraient un certain genre de subvention gouvernementale, est-ce que cette structure assurerait l'apport d'un investissement privé qui, autrement, ne serait pas accessible?

M. Campbell : Oui, et laissez-moi expliquer. Vous avez soulevé quelques points.

Le comité sait que j'ai souvent comparu ici, déjà. Je dirigeais autrefois les services bancaires pour le ministère des Finances du Canada. J'ai participé à bon nombre de consultations avant d'arriver à la barre de ce projet réalisé avec le secteur financier, et je peux vous dire que nombre de nos banques commerciales affirment ne pas vouloir faire ce type d'affaires. Elles ne peuvent tout simplement pas les financer. S'il s'agit de financement par emprunts, nous n'allons pas les évincer.

J'ai discuté — en mon nom, non pas au nom du gouvernement — avec presque toutes les entreprises de fonds de retraite, de gestion des actifs et de financement de l'infrastructure du Canada. Elles sont toutes intéressées par cette perspective, étant donné les nombreux projets dans lesquels elles ne peuvent tout simplement pas investir, parce qu'elles ont besoin d'une aide pour le risque. De nombreux partenaires municipaux et provinciaux disent qu'ils aimeraient faire cette expérience et y consacrer de l'argent, si cela a du bon sens, mais ils n'ont pas le véhicule nécessaire pour gérer le risque et gérer le partenariat avec le secteur privé.

Les opinions éclairées de M. Mintz nous éclairent. Nous l'avons entendu dire tout au long des consultations : il faut une bonne gouvernance. Le gouvernement pense être arrivé au juste équilibre entre l'indépendance et la responsabilité, étant donné les exemples qui ont été abordés, dans lesquels les entreprises privées et publiques étaient utilisées ensemble, dans le marché privé.

Il s'agit en réalité de mettre en place une infrastructure publique. Les clients, ce sont les autres ordres de gouvernement ou les entités proches du gouvernement.

C'est pourquoi il est difficile de suggérer de rester complètement indépendant, puisqu'il s'agit en réalité de mettre sur pied l'infrastructure qui servira les intérêts du public.

Dans la mesure où cela peut se faire de façon indépendante, il vous faut un conseil d'administration indépendant, la collaboration d'un PDG indépendant, très professionnel, et une institution à très petit créneau. Le personnel sera chargé des services de conseil, il agira comme un centre d'expertise, et, dans l'intérêt du public, il aidera nos partenaires du gouvernement fédéral à travailler avec des intervenants du secteur privé qui disent avoir suffisamment de capital de risque pour vouloir investir au pays. Ils sont nombreux à investir à l'étranger.

Personne ne dit que ce sera le modèle à suivre, dorénavant, mais il s'applique à des projets sensés, dotés d'un modèle de revenu. Cela veut dire que les autres projets canadiens qui méritent véritablement que le gouvernement y investisse pourront être réalisés; je parle ici des projets qui ne seraient jamais assortis d'un modèle de revenu, les projets d'infrastructure sociale, les projets dans le Nord. Donc, chaque fois que vous arrivez à convaincre une banque de participer à un projet donné, le gouvernement y investira moins qu'il ne l'aurait fait, à défaut de quoi le projet n'aura jamais vu le jour, et, en outre, vous libérez un précieux capital qui pourra servir à combler d'autres besoins en infrastructure.

[Français]

Le sénateur Carignan : Pouvez-vous nous parler un peu des filiales qui pourraient être créées par la Banque de l'infrastructure du Canada, puisqu'elle pourra détenir du capital-actions? Comment va-t-on contrôler les filiales? Est- ce que le vérificateur général aura accès aux livres des filiales? Je prends par exemple une filiale à 75 p. 100 ou à 55 p. 100 qui aurait 10 milliards de dollars dans sa caisse et qui commencerait à dépenser de l'argent public que la banque aurait reçu. Comment va-t-on suivre la trace de cet argent?

Je ne vois pas de disposition dans votre projet de loi qui traite du contrôle sur les filiales, sauf pour les filiales détenues à 100 p. 100. Je connais les trucs; il y aura des filiales à 50 p. 100 ou à 60 p. 100 pour éviter les contrôles, au lieu de filiales à 100 p. 100. Comment peut-on garantir aux Canadiens que des filiales ne tenteront pas de contourner les contrôles?

[Traduction]

M. Campbell : Aux termes de la loi, la mention des filiales réussit très bien à intéresser les investisseurs à un projet. Techniquement, le projet deviendrait une filiale de la banque, sur le plan juridique. Mes collègues du secteur juridique pourront en dire plus à ce sujet.

Le modèle d'affaires a pour objectif, comme nous venons de l'expliquer, de faire de la banque de l'infrastructure un partenaire minoritaire. Nous ne pensons pas que la Banque de l'infrastructure devrait détenir des parts majoritaires dans les filiales.

[Français]

Le sénateur Carignan : À quel endroit est-ce écrit que vous ne pouvez pas aller chercher la majorité?

[Traduction]

M. Campbell : C'est davantage lié au concept des banques. Il se peut qu'une banque investisse en tant que partenaire minoritaire, et, bien sûr, si la valeur de l'actif d'un investisseur est réduite, la banque, le gouvernement du Canada ou la municipalité pourrait se retrouver en position majoritaire. Il s'agit tout simplement de stipuler les clauses selon lesquelles une entité devient la filiale d'une banque. En termes juridiques, cela veut dire que la banque posséderait cet actif, en tant que filiale, en tant que société, et cela devrait se faire — nous nous attendons à ce que cela soit ainsi — en toute transparence, que cela existe nommément dans les plans d'entreprise, les dossiers du vérificateur général, lequel doit lui-même assurer la transparence de ces projets et des méthodes de financement de ces projets.

Les seules dispositions de la loi qui concernent la protection des renseignements personnels ont trait aux intérêts commerciaux des personnes intéressées qui vont peut-être présenter une soumission, et il s'agit de leurs renseignements personnels, des renseignements personnels de la tierce partie. Mais nous nous attendons à une entière transparence dans les projets et dans les actifs de ce projet. S'il y a une filiale, la position d'une banque dans un projet donné devra être connue.

Comme mon collègue l'a dit, tous les projets, au fil du temps, ou encore l'ensemble des projets, devront chaque année faire l'objet d'un exercice comptable qui permettra d'évaluer les actifs de la Banque de l'infrastructure. Si l'actif est négatif, ce sera inscrit dans les données consolidées du gouvernement du Canada.

[Français]

Le sénateur Carignan : Je suis d'accord sur la question de l'évaluation. Pour ce qui est de la question du contrôle, il n'est pas écrit que vous ne détiendrez pas des contrôles majoritaires et que ce sera un contrôle minoritaire qui devra être fait. Ce n'est pas dans le projet de loi. Selon le projet de loi tel qu'il est rédigé, vous êtes d'accord avec moi que vous pourriez avoir une filiale à 80 p. 100, et y déposer 10 milliards de dollars sans que le vérificateur général ait à contrôler cette filiale.

[Traduction]

M. Campbell : Je ne suis pas certain de comprendre la question du vérificateur.

La loi est permissive, dans le sens où elle permet aux banques d'utiliser ces outils innovateurs pour investir dans une structure. Il est difficile de savoir comment ces structures vont évoluer au fil du temps, et la filiale, ce sera un projet dans lequel la banque aura des parts. Souvent, quand la banque détient les intérêts majoritaires, elle exerce vraiment le contrôle. Si elle a des intérêts minoritaires, elle est plus susceptible d'assurer la gérance, pour l'un de nos partenaires municipaux ou provinciaux. Je ne suis pas certain que le vérificateur général n'aura pas la possibilité d'examiner tout cela.

[Français]

Le sénateur Carignan : Je voudrais préciser ceci : il faut être prudent et distinguer entre ce que vous dites aujourd'hui et ce qui est écrit dans le projet de loi. Je comprends votre intention à vous, mais ce n'est pas ce qui est indiqué dans le texte de loi.

[Traduction]

M. Campbell : La loi est claire en ce qui concerne la façon dont les filiales seront traitées puis écartées.

[Français]

Le sénateur Carignan : Lorsque c'est contrôlé à 100 p. 100, d'accord, mais lorsqu'il s'agit de 50 p. 100 ou de 75 p. 100, ce n'est pas le cas.

[Traduction]

M. Campbell : Je crois, monsieur le sénateur, que toutes les possibilités sont offertes aux banques, qui auront toute la marge de manœuvre nécessaire quant à la façon dont elles vont s'occuper des divers projets. Par exemple, si, au bout du compte, la banque s'occupe de 5 ou de 10 projets, elle pourra assortir chacun de ses projets de garanties différentes, dont elle peut se défaire sur le marché. Elle pourrait vendre ses parts. Elle peut les vendre afin de pouvoir financer un autre projet. Cela aura une incidence sur le montant des parts que la banque de l'infrastructure du Canada détiendra dans un projet donné.

Ce sont des mesures naturellement axées sur le marché. Tout comme les partenaires privés pourraient eux aussi acheter ou vendre leurs créances ou leurs investissements dans un projet, nous pourrons faire les choses comme elles se font sur les marchés aujourd'hui.

[Français]

Le sénateur Carignan : Quelle est votre définition du terme « infrastructure »? Je vois les définitions de nombreux titres, de « président », de « projets d'infrastructures », mais je ne vois pas la définition du mot « infrastructure ». En consultant le dictionnaire, je constate que cela pourrait être un bâtiment et même, à la limite, un avion. La banque va-t- elle financer des avions, par exemple? Je ne vois pas de définition du terme « infrastructure ».

[Traduction]

M. Campbell : Monsieur le sénateur, une société de la Couronne recevra, à ce titre, des directives générales quant aux priorités du gouvernement du Canada et du ministre responsable. Ces directives et leur portée se refléteront dans le résumé du plan d'entreprise déposé devant le Parlement.

On discute déjà, entre partenaires du gouvernement fédéral, de ce qui constitue une infrastructure. Par exemple, bon nombre de nos partenaires provinciaux désireraient que le terme désigne certains types d'infrastructures vertes, par exemple l'eau et les eaux usées. Ils envisageraient aussi, par exemple, d'élargir la définition des « connexions rurales », puisque le Canada évolue.

L'objectif respecte toujours les types d'infrastructures énoncés dans le plan Investir dans le Canada, et c'est dans ces domaines que la banque de l'infrastructure du Canada interviendra.

Dans la mesure où la banque s'occupe des projets susceptibles d'être financés, proposés par les gouvernements, il faudra que les priorités stratégiques soient déterminées à l'avance. Nous pensons que ce sera un processus transparent.

M. Fleming : La seule chose que j'ajouterais, c'est que le gouvernement a bel et bien énoncé ses principales priorités, dans le budget, et qu'il a précisé que, en ce qui concerne le financement de la banque, une somme d'au moins 5 milliards de dollars sera consacrée à l'infrastructure du transport en commun, une somme de 5 milliards de dollars, à l'infrastructure verte, et une somme de 5 milliards de dollars, à l'infrastructure liée au commerce et au transport.

[Français]

Le sénateur Carignan : Je comprends que la Banque de l'infrastructure du Canada, avant même d'être créée, reçoit déjà des directives du gouvernement en ce qui a trait aux endroits où investir, mais qu'on n'a pas encore défini la notion d'infrastructure, ce qui pourrait représenter n'importe quoi, selon la volonté du gouvernement.

[Traduction]

M. Campbell : C'est une interprétation trop large, monsieur le sénateur, étant donné que le plan Investir dans le Canada est déjà encadré et que le gouvernement a défini plusieurs catégories auxquelles il a accolé des priorités, et le gouvernement s'est engagé avec nos partenaires bilatéraux à discuter de ce qui serait financé avec les diverses enveloppes de financement. Il y a donc déjà un cadre en fonction duquel nos partenaires déterminent quels projets d'infrastructure ils vont lancer.

Bien sûr, comme pour toute société de la Couronne, les choses doivent se faire en toute transparence et en fonction du mandat déterminé par le gouvernement et présenté au Parlement. Tout ce qui figure dans le plan de l'entreprise et dans l'accord pris avec cette société de la Couronne en particulier respecte le mandat.

En l'occurrence, nous sommes en train de mettre un point un outil, mais ce n'est pas la banque qui effectue l'analyse stratégique. Les autres ordres de gouvernement vont indiquer quels projets d'infrastructure ils voudraient mettre en œuvre. La banque s'appuie déjà sur une liste préapprouvée de projets d'infrastructure qui sont d'intérêt public, et cette liste a été déterminée à la fois par le gouvernement fédéral et par l'un de nos partenaires. Ensuite, elle consultera les bailleurs de fonds pour savoir si le projet peut aller de l'avant et s'il y aura des avantages pour tout le monde. Si ça ne fonctionne pas, les promoteurs renverront leur proposition au gouvernement, où elle attendra, avec d'autres, un financement gouvernemental de 100 p. 100.

La sénatrice Ringuette : Monsieur Campbell, nous nous sommes croisés à maintes reprises. Vous êtes un expert de la vente. J'espère que ma question saura vous plaire.

Pour l'ensemble des projets d'infrastructure, quelle est la contribution fédérale totale à laquelle on s'attend pour les 10 prochaines années? Ai-je rêvé que ce serait 40 milliards de dollars? Ai-je rêvé que ce serait 100 milliards de dollars? Quel est le montant?

M. Campbell : Dans le plan Investir dans le Canada, le gouvernement a indiqué qu'il soutiendrait les projets d'infrastructure réalisés au Canada à hauteur de 186 milliards de dollars sur 11 ans; une tranche de 15 milliards de dollars a été réservée à la création de la banque de l'infrastructure du Canada. L'autre montant de 20 milliards de dollars supplémentaires, dont nous avons parlé tantôt, sera versé en espèces; il sera géré selon une approche axée sur le bilan.

De l'avis du gouvernement du Canada — dans toute sa transparence —, sa contribution à la fédération serait de 187 milliards de dollars.

La sénatrice Ringuette : La contribution fédérale totale... 187 milliards de dollars sur 10 ans?

M. Campbell : Douze ans, excusez-moi. C'est inscrit dans le budget de 2017.

Il y a une réserve; dans la mesure où l'argent de la banque arrive à intéresser le secteur privé, et que les investissements affluent, le montant de 35 milliards de dollars pourrait s'élever à 140 milliards de dollars, dans un ratio éventuel de 4 pour 1. Je voudrais illustrer le fait que, si le gouvernement fédéral verse un soutien au moyen du volet des parts minoritaires assorties d'un financement de 15 milliards de dollars, moins de 10 p. 100 de l'enveloppe totale, il pourrait y avoir un effet multiplicateur qui attirerait davantage de financement et d'argent dans l'infrastructure publique.

La sénatrice Ringuette : Ces 10 dernières années — presque tous les ans —, nous avons appris qu'un ministère ou un autre venait de créer une nouvelle unité. Le Sénat a déposé un rapport qui portait précisément sur la situation des infrastructures, faisant état du fait qu'actuellement il existe 10 unités s'occupant chacune de leur côté de toutes sortes de demandes relatives à des projets d'infrastructure, qu'il s'agisse de projets fédéraux seulement, de projets provinciaux ou municipaux, ou de projets provinciaux-fédéraux.

Cela fait 30 ans que je travaille au Parlement, et je n'arrive pas à croire que, pendant tout ce temps, et vu le nombre des demandes, il n'y ait pas d'expertise quant à l'évaluation des projets prioritaires qu'il faut construire et à la façon dont ils doivent être mis en œuvre.

Nous avons affaire à tout un éventail d'entreprises du secteur privé qui conçoivent et construisent dans le cadre d'appels de soumissions du secteur public; elles conçoivent et elles construisent. Et maintenant, nous avons une autre entité qui devrait fournir une expertise au chapitre de l'évaluation des priorités et tout le reste.

Il y a quatre ans, nous avons entrepris les partenariats public-privé. Essentiellement, c'est ça que vous visez, les partenariats public-privé. Vous avez donc déjà une liste de ces projets.

J'essaie de comprendre; à l'exception de la création de cette nouvelle entité et d'un conseil d'administration et de beaucoup de beaux discours politiques à vendre aux Canadiens, qu'y a-t-il de vraiment différent concernant les projets d'infrastructures construites selon un scénario de PPP et les projets d'infrastructures de fonds privés qui seront réalisés avec l'assistance de cette banque? Nous parlons encore de tirer profit de fonds provenant du secteur privé.

M. Campbell : C'est une question très claire, sénatrice.

Pour revenir à la conversation précédente, il existe une distinction marquée entre les modèles de partenariat public- privé pour l'acquisition d'actifs publics qui sont entièrement financés par les gouvernements, et c'est essentiellement un modèle pour conclure des contrats de conception, de construction, de gestion, de financement et d'entretien. Il s'agit toutefois au premier chef d'un financement par emprunt, ce qui signifie que le financement de cet actif figure entièrement au bilan du gouvernement. Il s'agit d'une dette, et les sommes doivent être remboursées.

Le modèle PPP peut réaliser des gains d'efficacité. Un certain nombre de nos organismes provinciaux ont déjà été établis et fonctionnent très bien. Ils travailleront en partenariat avec la Banque de l'infrastructure. Après le financement d'un actif qui n'aurait pas autrement été créé, on peut encore se tourner vers un de ces organismes et gérer tout l'approvisionnement de tous les joueurs de manière très efficace, sans chevauchement.

Ce qui est nouveau, c'est que ces projets génèrent des revenus et soulagent la pression qui s'exerce sur les bilans publics, et il manque actuellement une pièce dans le marché. Au cours de toutes les conversations que nous avons tenues avec des investisseurs du secteur privé, des municipalités et des provinces, nous avons constaté qu'aucun outil ni aucune expertise n'existe en vue de prendre un engagement de prise de participation afin de structurer les ententes et d'assurer le financement d'un de ces projets.

Le Canada s'en est très bien tiré avec le modèle PPP. Nombre de nos provinces connaissent également du succès, et il y aura plus de projets PPP dans l'avenir parce qu'une grande partie du financement du gouvernement, soit environ 180 milliards de dollars, est destinée au financement de davantage de PPP au Canada. Mais c'est une option transformatrice des projets qui sont susceptibles d'être financés, qui ont un modèle de revenu, mais qui ont besoin d'une structure très complexe de toutes ces parties.

Il s'agira d'une institution à très petit créneau. Nous parlons d'environ 50 à 100 personnes à maturité. Le modèle devrait avoir un grand impact à faible coût pour offrir un service à valeur ajoutée et travailler ensuite avec tous ces organismes partenaires dans les provinces. C'est le choix des responsables. Il s'agit d'un outil facultatif. Ils peuvent choisir de mettre de l'avant un projet; ils peuvent choisir le modèle d'approvisionnement qu'ils aimeraient utiliser, y compris le PPP ou d'autres options. À notre avis, c'est assez clair.

La sénatrice Ringuette : Nous n'avons toujours pas de plan national et de priorités nationales.

M. Campbell : La Banque de l'infrastructure n'effectuera pas la priorisation; ce sera le rôle du gouvernement.

Le sénateur Wetston : Je vais poser une question parce que nous avons abordé beaucoup de sujets, et il se fait tard.

Il me semble, compte tenu de votre dernière réponse, que tous ces projets ont besoin d'être financés. C'est ce qui semble représenter un défi. Vous avez commencé en donnant un peu l'impression qu'il existe d'autres problèmes qui peuvent être de nature politique ou économique, mais les projets doivent seulement être financés, et le financement n'est pas au rendez-vous. C'est seulement un commentaire. Vous serez peut-être d'accord ou en désaccord avec cela, mais vous pouvez dire ce que vous pensez.

Toutefois, à part le bien public, que la banque est censée favoriser, y a-t-il un rendement ou un remboursement du capital investi par la banque dans ce projet? Je veux dire pour le gouvernement, évidemment, ou pour la banque.

M. Campbell : Je crois que le but du modèle en tant que mécanisme, c'est d'offrir du soutien d'une manière très stratégique afin d'investir moins d'argent du gouvernement fédéral qu'on en investirait dans des projets en particulier. L'objectif serait de protéger les intérêts commerciaux de la banque de telle manière qu'elle n'a pas besoin de prendre plus de risques qu'il ne le faut dans le cadre du projet. Au bout du compte, s'il y a un remboursement du capital, ce serait un bon investissement. Mais si son investissement absorbe le risque et que notre province ou territoire obtient la construction d'un actif et que le public l'utilise et qu'il fonctionne très bien, l'argent aura été bien investi parce que l'investissement aurait été inférieur à ce que nous aurions dû investir.

Quant à la dernière partie, sénateur, il y a beaucoup de financement des infrastructures au Canada, mais il s'agit largement de financement par emprunt, que le gouvernement doit rembourser.

Un problème de financement se pose si vous utilisez un modèle utilisateur-payeur. Dans un tel cas, le financement de base de cet actif en plus de la discipline du secteur privé, de la sélection des projets et des gains d'efficience relativement à la gestion de la demande pour encourager les gens à peut-être utiliser le transport en commun au lieu d'autre chose... Il y a beaucoup de gains d'efficience ici.

Le sénateur Wetston : Je comprends la justification, mais j'ai un peu de difficulté à comprendre vu que nombre de ces projets seront utilisés pendant de nombreuses années en ayant recours au principe de l'utilisateur-payeur et généreront des revenus. Je ne comprends pas très bien. Le financement semble poser problème; il s'agit de projets qui ne pourraient autrement être construits. Pourquoi le gouvernement ne chercherait-il pas à obtenir un rendement de l'investissement au cours de cette période au moyen d'un système d'utilisateur-payeur? Je crois que le public pourrait trouver cela très acceptable. Vous utilisez l'argent des contribuables. L'infrastructure ne serait pas construite autrement.

Je ne vous suggère pas de tout réviser, mais c'est juste une pensée. À mon avis, si vous allez agir comme une banque, agissez comme une banque.

M. Campbell : Sénateur, je pense qu'un des buts précis est de regrouper des investisseurs, non pas de les évincer. Si le gouvernement voulait créer une banque commerciale... Nous en avons déjà qui connaissent beaucoup de succès. J'ai fait remarquer plus tôt que nombre de nos institutions commerciales se lancent dans divers domaines — la finance verte et d'autres choses du genre —, mais elles ont clairement affirmé que ce n'est pas un espace pour elles.

Je crois que passer à un modèle où ces institutions cherchent un rendement de l'investissement laisserait entendre que le marché ne présente aucune lacune. Nous tentons de trouver ces projets là où le marché comporte une lacune, où cet outil est particulièrement bénéfique pour l'intérêt public. Il faut regrouper les investisseurs, non pas les évincer. Si des investisseurs privés affirment qu'ils participeraient à ce projet, au moyen d'un financement par emprunt, ou d'un financement par actions, alors la banque, elle, n'investirait pas dans ce projet. S'il est trop risqué, même si c'est dans l'intérêt public, la banque n'y participerait pas. S'il semble qu'on a besoin de trop de soutien... Par exemple, il est très difficile pour tout modèle de revenu de couvrir tout le capital et de gérer divers actifs. Ce serait un trop grand fardeau si les frais d'utilisateur étaient très élevés et qu'il fallait recouvrer les frais.

Beaucoup de facteurs justifient un financement public des actifs. On finance également divers projets pour utiliser un modèle utilisateur-payeur dans une mesure appropriée afin que les Canadiens obtiennent plus d'infrastructures qui répondent à leurs besoins. Voilà le modèle.

La sénatrice Wallin : Vous faites de l'excellent travail ici. Je l'apprécie. Il est tard pour nous tous.

Je veux aborder la question de manière très simple et cerner ce que le contribuable peut y gagner. Nous savons effectivement que nombre de ces projets ne seraient pas réalisés. Les infrastructures, les égouts et les canalisations ne sont pas des projets excitants. Les gens ne font pas la file pour dire qu'ils veulent les réaliser, alors je comprends la mesure incitative que l'institution peut créer. À mon avis, cela existe déjà grâce aux PPP, mais vous le dites d'une autre façon.

Toutefois, du point de vue des contribuables, ils en profiteront si on construit des égouts ou un pont ou peu importe ce dont il s'agit. Mais le contribuable paie également deux fois dans un sens par l'intermédiaire de garanties de prêts d'investissement, quelle que soit leur nature, de solutions de repli s'il y a un problème et ensuite de frais d'utilisateur, selon ce qui est choisi. En tant que consommateur, il paie; en tant que contribuable, il paie également.

Ma deuxième préoccupation est que le premier dirigeant et les membres du conseil d'administration sont nommés par le Cabinet, même pas par le gouvernement, alors cela fait planer des soupçons : des facteurs politiques priment-ils sur les projets nécessaires et, par conséquent, qu'en est-il de l'indépendance de la structure de gouvernance?

Ensuite, en raison des intérêts liés à la protection de la vie privée, il sera très difficile d'avoir accès à l'information afin de déterminer si ces projets ont connu ou non du succès. Je sais que vous n'êtes pas dans une entreprise à but lucratif, mais l'argent est-il, du moins, dépensé judicieusement? Il sera difficile d'évaluer cela pour toutes les raisons que nous connaissons. On aura de la difficulté à obtenir cette information lorsque le gouvernement est assujetti à des restrictions en matière d'accès à l'information.

Je sais qu'il s'agit de trois choses différentes, mais j'examine la question d'un point de vue différent.

M. Campbell : Laissez-moi essayer d'être bref, sénatrice. Merci de votre question.

D'abord, nombre de nos partenaires provinciaux, territoriaux et municipaux utilisent déjà des modèles utilisateur- payeur, des modèles fondés sur les frais d'utilisation, notamment le transport en commun, les réseaux électriques, les tarifs et les frais exigés des utilisateurs d'eau. Alors nous avons une opinion différente quant au fait que les Canadiens paient deux fois, parce qu'ils en obtiennent plus. Dans l'ensemble, ils en obtiennent davantage; plus d'infrastructures sont construites à leur avantage.

Quant à votre troisième point, les gouvernements détermineront dans le cadre de leur propre processus — un conseil municipal, un gouvernement provincial ou territorial ou d'autres à l'échelon fédéral — qu'il s'agit de quelque chose qu'ils veulent accomplir. En disant qu'ils veulent régler un problème de circulation, transporter des marchandises ou déplacer des services — ou des personnes — d'un endroit vers un autre, ils peuvent aller de l'avant et dire : « De quoi avons-nous besoin en matière d'infrastructure et comment pouvons-nous ensuite travailler avec les autres partenaires pour financer le projet? »

Certains des universitaires que nous avons consultés aiment l'idée de davantage de planification intégrée, d'un calendrier plus long et de la possibilité que la banque conseille les provinces à l'égard de solutions de rechange pour divers projets. Je crois que c'est la clé.

Pour ce qui est de la structure de gouvernance, le gouvernement a réussi à établir un équilibre approprié entre l'indépendance et la responsabilisation. Nous discutons du fait que la banque ne participe pas à une entreprise commerciale, en soi. Ce sont les actifs publics qui sont financés, et les partenaires sont ceux qui les présentent. Le gouvernement a déterminé qu'il n'y aura aucun membre du gouvernement, aucun sous-ministre, ni quiconque du gouvernement qui siégera à son conseil d'administration. Un conseil d'administration indépendant fonctionne ainsi : ce sera le conseil qui nommera le premier dirigeant et il n'aura besoin que de l'approbation du gouverneur en conseil.

De la façon dont il est structuré actuellement, le conseil pourrait comporter de 8 à 11 administrateurs et un président. Le gouvernement suit un processus de sélection ouvert et transparent qui est raisonnablement représentatif, pour ce qui est de l'équité. Le ministre a envoyé une note aux provinces pour leur demander de transmettre les noms retenus pour ce processus ouvert afin qu'il soit vraiment représentatif, et vous vous retrouvez avec un conseil d'administration vraiment qualifié pour aider à gérer ce fonctionnement.

Les gouvernements détermineront s'ils présentent ou non un actif. Bien sûr, le gouvernement du Canada en amont, en tant qu'actionnaire de la banque, a le droit de s'assurer que son financement est dirigé vers les projets qui respectent ses critères. La question de l'indépendance est capitale parce que, à un certain stade, toutes les parties, y compris un investisseur dans une municipalité, devront revenir et dire : « Voici les grandes lignes d'une entente; sommes-nous d'accord pour aller de l'avant avec la Banque de l'infrastructure? »

Comme dans le cas d'un fonds de titres de créance, les responsables d'un fonds d'actions devront retourner à leur conseil d'administration pour voir s'ils peuvent aller de l'avant. Ils le feront tous en même temps et, à un moment donné, la Banque de l'infrastructure procédera de manière indépendante et travaillera sur une structure de projet avec laquelle tout le monde est d'accord. C'est censé imiter le comportement du secteur privé lorsque de multiples parties conçoivent un projet.

La sénatrice Moncion : Où vont les projets d'infrastructure actuellement? Qui les finance? Quels ministères les reçoivent?

M. Campbell : La majorité des infrastructures au Canada sont construites par des provinces et des municipalités. Une grande partie du soutien fédéral est fournie par l'intermédiaire d'ententes bilatérales gérées par Infrastructure Canada.

Il existe différents financements que d'autres ministères gèrent. Il s'agit d'autres formes de soutien fédéral aux infrastructures, mais la grande partie de ces infrastructures relève vraiment de nos collègues municipaux, provinciaux et territoriaux, qui en possèdent 95 p. 100.

Avez-vous autre chose à ajouter, Niko?

M. Fleming : Certainement.

D'autres dépenses d'infrastructure, particulièrement les actifs d'infrastructure détenus et exploités par le gouvernement fédéral, tendent à être gérées par les ministères responsables. Par exemple, Défense nationale a un stock important d'infrastructures et en construit de nouvelles et les entretient en même temps.

Pour ce qui est de la Défense et d'autres actifs, Services publics et Approvisionnement Canada aide avec l'approvisionnement.

Comme Glenn l'a mentionné, la majeure partie du financement des infrastructures que détiennent les provinces et les municipalités, ce qui représente la plus grande partie des infrastructures au Canada, passe par le financement d'Infrastructure Canada.

La sénatrice Moncion : Lorsqu'on aura créé la banque, les investisseurs passeront-ils par la banque ou encore par différents ministères?

M. Campbell : Merci de la question. Un processus favorisera la coordination entre les divers ministères qui interagissent avec nos collègues provinciaux et territoriaux et les intervenants qui s'occupent des actifs du gouvernement fédéral. Je crois que l'intention du gouvernement est que le ministre de l'Infrastructure et des Collectivités, à ce que je sache, soit responsable de la banque et, par conséquent, soit le ministre chargé de travailler sur l'ensemble des projets soumis à la banque. Nous aurons donc un mécanisme de filtrage pour faire participer les parties à l'établissement de l'ordre de priorité relatif aux projets qui peuvent convenir à la Banque de l'infrastructure.

Nous avons déjà catalysé les comportements. J'interagis quotidiennement avec nos partenaires provinciaux, territoriaux, municipaux et fédéraux, vu qu'ils s'inquiètent déjà et se disent : « Comment dois-je aborder la situation? Je prépare ma planification à long terme. Quand la banque sera-t-elle prête pour que nous puissions interagir avec elle et qu'elle puisse nous aider à passer par le processus de sélection? » Mon bureau offre de l'aide actuellement parce que nous nous projetons en quelque sorte dans l'avenir et disons : « Voilà comment nous croyons que la banque va fonctionner. » Nous avons déjà réussi à catalyser les comportements de nos partenaires afin qu'ils sachent qu'il existe peut-être une autre option pour réaliser des infrastructures.

La sénatrice Moncion : Est-ce l'intention du gouvernement de tout regrouper sous un seul toit, comme la banque?

M. Campbell : À mon avis, si je parle au nom du gouvernement, on estime que la banque maintiendra son créneau afin de ne pas être un investisseur majoritaire. Elle n'établit pas la norme régissant la façon dont les infrastructures seront réalisées. Elles suivront encore la filière traditionnelle, au bout du compte, qui consiste toujours à suivre un processus décisionnel local pour établir les priorités associées à l'établissement des priorités du gouvernement fédéral.

Seulement les projets issus de ce processus admissibles à du soutien de la banque passeront par la banque. Il y aura un ministre. Bien sûr, le ministre des Finances a également un rôle à jouer dans divers aspects de l'approbation du plan organisationnel. Nous croyons que ce sera bien coordonné avec toutes ces autres sources de financement fédéral.

Le président : Monsieur Campbell, vous devrez revenir. Notre greffière communiquera avec votre bureau afin de prévoir un autre moment pour que nous puissions terminer à temps, préparer notre rapport et l'envoyer à la Chambre. Bon nombre de questions demeurent sans réponse. Il est 20 heures; je perds mes collègues ici, alors je ne veux pas que nous nous retrouvions seuls vous et moi.

Sur ce, merci beaucoup.

(La séance est levée.)

Haut de page