Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule no 29 - Témoignages du 30 novembre 2017
OTTAWA, le jeudi 30 novembre 2017
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit à huis clos aujourd’hui, à 11 h 15, pour étudier un projet d’ordre du jour (travaux futurs), puis en séance publique pour étudier le projet de loi C-25, Loi modifiant la Loi canadienne sur les sociétés par actions, la Loi canadienne sur les coopératives, la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif et la Loi sur la concurrence.
La sénatrice Carolyn Stewart Olsen (vice-présidente) occupe le fauteuil.
(La séance se poursuit à huis clos.)
(La séance publique reprend.)
[Traduction]
La vice-présidente : Merci, chers collègues. Je vais répéter, à l’intention du ministre et de nos autres invités, qu’il y a des membres du grand public qui suivent la présente séance du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce soient ici même dans la salle ou par l’entremise du Web.
Je m’appelle Carolyn Stewart Olsen et je suis vice-présidente du comité. Je remplace notre président, le sénateur Black, qui ne peut malheureusement pas être des nôtres aujourd’hui.
Le 28 septembre 2016, le ministre de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique a déposé le projet de loi C-25, Loi modifiant la Loi canadienne sur les sociétés par actions, la Loi canadienne sur les coopératives, la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif et la Loi sur la concurrence. Le projet de loi, tel que modifié, a été renvoyé à notre comité le 23 novembre 2017.
Pour cette première réunion sur le projet de loi C-25, j’ai le très grand plaisir de souhaiter la bienvenue à l’honorable Navdeep Bains, C.P., député, ministre de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique. Il est accompagné de fonctionnaires du ministère : John Knubley, sous-ministre, et Mark Schaan, directeur général, Direction générale des politiques-cadres du marché.
Avant de vous céder la parole, monsieur le ministre, j’aimerais vous présenter mes collègues membres de ce comité, en commençant à ma droite.
Le sénateur Tkachuk : Sénateur Tkachuk.
Le sénateur Pratte : André Pratte.
Le sénateur Day : Joseph Day, Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Omidvar : Ratna Omidvar, Ontario.
Le sénateur Marwah : Sarabjit Marwah, Ontario.
Le sénateur Wetston : Howard Wetston, Ontario.
Le sénateur Tannas : Scott Tannas, Alberta.
La sénatrice Unger : Betty Unger, Alberta
Le sénateur Down : Percy Downe, Île-du-Prince-Édouard.
[Français]
Le sénateur Maltais : Ghislain Maltais, du Québec.
[Traduction]
La sénatrice Wallin : Pamela Wallin, Saskatchewan.
[Français]
La sénatrice Ringuette : Pierrette Ringuette, du Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
La vice-présidente : Merci, chers collègues.
Monsieur le ministre, je vous demanderais de prononcer vos remarques liminaires. Nous passerons ensuite à la période des questions.
L’honorable Navdeep Bains, C.P., député, ministre de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique : Merci beaucoup, madame la présidente. Avant de commencer, je voudrais profiter de l’occasion pour féliciter le sénateur Black. Je sais qu’il n’est pas présent. Je vous ai demandé, il y a un instant, de lui transmettre mes félicitations pour son élection de président de ce comité.
Je tiens à vous féliciter également pour votre élection à titre de vice-présidente. Merci beaucoup de remplacer votre collègue aujourd’hui, c’est grandement apprécié.
J’ai eu le plaisir de travailler de manière collaborative avec les membres du comité, y compris l’ancien président, le sénateur Tkachuk, ainsi qu’avec l’ancien vice-président, le sénateur Day. J’apprécie toujours la perspicacité et l’attention que vous portez au travail important donc nous sommes saisis.
J’aimerais aussi remercier le sénateur Wetston, qui a parrainé cet important projet de loi au Sénat. Compte tenu de son expertise considérable dans ce domaine, j’ai été ravi — sans vouloir manquer de respect au sénateur Harder — lorsque vous avez accepté, à sa demande, d’en être le parrain.
Honorables sénateurs, j’ai le plaisir de souligner les changements importants proposés dans le projet de loi C-25 et de commenter certains aspects qui ont fait l’objet de débats lors de la deuxième lecture au Sénat.
[Français]
Notre gouvernement est déterminé à faire croître l’économie, à créer des emplois et à renforcer la classe moyenne. Nous voulons établir un marché où l’innovation est mise à profit et où personne n’est laissé pour compte.
[Traduction]
Le projet de loi C-25 apporte des modifications importantes aux lois-cadres qui régissent le marché canadien. Les changements proposés sont le résultat d’un vaste processus de consultation publique qui a débuté en 2014 sous le gouvernement précédent. Comme les sénateurs l’ont noté à juste titre en deuxième lecture, ce projet de loi est un projet de loi non partisan qui représente un ensemble de consensus largement appuyé par les partis politiques et les principaux intervenants. Ils sont ciblés et soutiendront l’investissement et l’innovation sans imposer un fardeau indu aux entreprises.
La principale loi modifiée dans ce projet de loi est la Loi canadienne sur les sociétés par actions. Cette loi énonce les règles qui facilitent les interactions entre les actionnaires, les administrateurs, la direction et les autres parties intéressées impliquées dans la prise de décisions de la corporation.
La Loi canadienne sur les coopératives est la loi-cadre pour les coopératives non financières constituées en vertu de la loi fédérale.
La Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif est la loi-cadre pour les sociétés sans capital-actions.
La Loi sur la concurrence, qui fait partie de ces mesures législatives, est une loi d’application générale qui vise les pratiques commerciales anticoncurrentielles. Elle vise les activités des entreprises susceptibles de nuire à la concurrence sur le marché et prévoit des redressements à leur égard.
Voici le détail des changements proposés :
[Français]
Le projet de loi présente des mesures visant à modifier la façon dont les administrateurs de sociétés sont élus dans les sociétés cotées en bourse.
[Traduction]
Premièrement, il faudra que les sociétés et les coopératives fédérales cotées en bourse tiennent des votes annuels pour l’élection des administrateurs. À l’heure actuelle, la loi autorise les administrateurs à exercer leurs fonctions pendant trois ans avant qu’un vote ne soit nécessaire. C’est un changement important que je tenais à souligner. Le retranchement des conseils d’administration peut entraver la pensée innovante. Ceci empêche trop souvent de nouveaux membres de siéger au conseil.
Deuxièmement, les administrateurs de sociétés cotées en bourse en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions seront élus individuellement et non en tant que liste ou groupe de candidats.
Troisièmement, le projet de loi permettra aux actionnaires de voter explicitement contre un candidat lors d’élections non contestées — lorsque le nombre de candidats est le même que le nombre de postes à pourvoir. L’idée est de donner aux actionnaires une plus grande voix dans la façon dont les entreprises se gouvernent, plutôt que d’accepter simplement le seul choix qui leur est donné.
Il y a un certain nombre de mesures de protection pour faire en sorte que le processus d’élection ne perturbe pas indûment les décisions de l’entreprise, et je crois comprendre que le comité pourrait en entendre davantage sur la question.
[Français]
De plus, le projet de loi C-25 modernise les communications avec les actionnaires. Il permet aux entreprises et aux coopératives de donner accès aux documents d’entreprise en ligne plutôt que d’avoir à les envoyer par la poste.
[Traduction]
C’est un changement qui est accueilli favorablement par les entreprises dans l’environnement numérique moderne dans lequel elles opèrent. Il était temps, selon moi. Il clarifie également les délais pour les propositions d’actionnaires lors d’une assemblée générale.
Madame la présidente, le prochain sujet dont j’aimerais parler est la diversité. Il s’agit d’un autre aspect clé du projet de loi. Tous ces changements sont importants, mais les modifications qui ont le plus retenu l’attention sont, sans aucun doute, les mesures visant à améliorer la diversité des conseils d’administration et des postes de haute direction.
L’intérêt généré par ces modifications est justifié parce qu’elles représentent des changements importants pour le Canada. Le projet de loi obligera les sociétés cotées en bourse à divulguer à leurs actionnaires la composition de la diversité de leurs conseils et de leurs cadres supérieurs. Ces mesures invitent les sociétés à indiquer à leurs actionnaires comment elles entendent faire la promotion de la diversité au niveau de la haute direction.
La sous-représentation de certains groupes dans la société n’est pas seulement une question d’équité. Cela peut aussi affecter les résultats financiers.
[Français]
Cette divulgation assurera une conversation ouverte entre les sociétés et leurs actionnaires sur la question de la représentation au sein des conseils d’administration et des postes de haute direction.
[Traduction]
Avec ce projet de loi, notre gouvernement s’est engagé à s’attaquer à la sous-représentation des femmes, des minorités visibles, des Autochtones et des personnes handicapées, ainsi que d’autres groupes sous-représentés au plus haut niveau de leadership des entreprises. Le gouvernement considère l’innovation inclusive comme une valeur canadienne. C’est pourquoi nous avons passé du temps à consulter les Canadiens sur notre plan d’innovation et de compétences afin de recueillir des idées sur la façon dont nous pouvons aider le Canada à devenir un centre mondial d’innovation.
Comme le premier ministre l’a souvent dit, et c’est réellement notre proposition de valeur, notre diversité à cet égard est vraiment notre force. Ce n’est pas seulement une valeur sociale; c’est aussi une valeur économique. Lorsque nous nous réunissons dans notre communauté, sur le lieu de travail ou au sein d’un conseil d’administration, notre diversité et nos expériences sont ce qui apporte des idées uniques à la table de discussion. L’engagement de notre gouvernement envers la promotion de la diversité va permettre aux Canadiens de tous les horizons de devenir des membres productifs de la société.
Dans la salle du conseil d’administration, comme dans la vie, de multiples perspectives entraînent une réflexion novatrice et de meilleurs résultats. L’innovation se nourrit de nouvelles idées et de nouvelles perspectives. Les meilleures idées peuvent provenir de tout le monde et de partout.
Les recherches ont aussi démontré que les leaders qui adoptent la diversité dans leurs organisations et qui sont exposés à des voix diverses sont plus susceptibles de voir leurs employés contribuer à leur plein potentiel.
D’autres nous ont exhortés pour que le projet de loi inclue dans ces modifications des quotas rigoureux sur les sexes ou des objectifs fixes sur la diversité pour les postes de direction et du conseil d’administration. Il ne s’agit pas de mesures que nous sommes prêts à adopter en ce moment, et j’ai hâte qu’on en discute plus tard pendant la période des questions et réponses. Une approche unique dans ce domaine risque de nuire aux conditions mêmes de l’innovation que nous espérons établir avec ces mises à jour.
Nous savons également que les progrès peuvent prendre du temps, mais nous encourageons les entreprises canadiennes à relever le défi, car nous savons que l’accroissement de la diversité est logique sur le plan des affaires.
Comme je l’ai dit publiquement, si les mesures contenues dans le projet de loi C-25 ne permettent pas de réaliser une évolution marquée de la composition des conseils d’administration et des équipes de la haute direction, au besoin, nous prendrons des mesures supplémentaires. Nous sommes donc ouverts, à l’avenir, mais nous croyons pouvoir réaliser des progrès avec ces dispositions.
[Français]
Ce que le projet de loi C-25 vise à faire, c’est de faciliter une conversation entre les sociétés et les personnes à qui elles rendent directement des comptes, leurs actionnaires. Nous avons confiance dans le secteur des affaires pour qu’il fasse preuve de créativité et de leadership dans ce domaine.
[Traduction]
Nous suivrons les progrès de la diversité au sein des conseils d’administration et de la haute direction. Si les progrès sont là, des mesures plus fortes seront envisagées par notre gouvernement.
Les règlements qui suivront l’adoption du projet de loi feront en sorte que les sociétés cotées en bourse et constituées en sociétés par actions fédérales doivent divulguer des données sur la diversité au sein de leur conseil d’administration et de leurs cadres supérieurs. Elles rendront également compte de la teneur de leur politique pour encourager la diversité. Si elles n’ont pas une telle politique, elles devront expliquer pourquoi à leurs actionnaires.
Nous savons que la Loi sur l’équité en matière d’emploi est un point de départ nécessaire pour réfléchir et rendre compte de la diversité. Les quatre groupes désignés qui seront spécifiquement mentionnés dans les règlements seront les femmes, les personnes handicapées, les peuples autochtones et les minorités visibles.
Nous reconnaissons également que, pour surveiller les progrès en matière de diversité au sein des conseils d’administration et de la haute direction, des statistiques doivent être rendues publiques. J’ai eu une excellente conversation hier devant le comité du Sénat sur la modernisation de la Loi sur la statistique et l’importance de renforcer son indépendance. J’espère que cette tendance se poursuivra aussi dans les entreprises canadiennes.
Afin de respecter l’esprit du projet de loi, le règlement devra prescrire les renseignements requis par Corporation Canada pour assurer la transparence de l’information. Nous croyons qu’il s’agit de la ligne directrice que les sociétés recherchent sur la façon d’aborder la diversité, sans la définir spécifiquement.
Les groupes d’équité en matière d’emploi deviennent le point de départ nécessaire, tout en laissant la place à d’autres formes importantes de diversité, que ce soit la région, la culture, l’orientation sexuelle, le statut économique ou l’expérience appliquée. Avec ces données, nous pouvons aussi éclairer le débat public, permettant une discussion plus riche et fondée sur des données probantes entre les actionnaires, les dirigeants et les administrateurs des sociétés, mais aussi les Canadiens.
[Français]
En conclusion, les modifications que nous proposons permettront aux lois-cadres du Canada de mieux refléter les façons modernes de faire des affaires et de favoriser la croissance et la réussite des entreprises.
[Traduction]
Elles contribueront également à positionner les entreprises pour l’avenir à mesure que le marché évolue dans l’économie mondiale fondée sur le savoir.
Une fois encore, je tiens à vous remercier, sénateurs, pour vos commentaires mûrement réfléchis, et j’ai hâte de recevoir vos contributions sur cette importante mesure législative. Je vous remercie.
La vice-présidente : Merci, monsieur le ministre.
Nous allons entamer notre période des questions, mais j’aimerais, si cela ne vous dérange pas, tenter de définir quelques règles de base. J’aimerais commencer par le parrain de ce projet de loi, le sénateur Wetston. Étant donné que notre porte-parole est absent aujourd’hui, nous procéderons ensuite aux questions comme d’habitude.
Je demanderais à tous les collègues de s’en tenir à l’essentiel et d’éviter les longs préambules. Comme nous avons un groupe assez important, je tiens à m’assurer que tous ceux qui souhaitent poser une question au ministre puissent le faire. Si vous avez des éléments supplémentaires faisant suite aux questions des autres membres, je vous demanderais de les garder pour la deuxième période.
Sénateur Wetston, vous avez la parole.
Le sénateur Wetston : Merci, monsieur le ministre. J’aimerais vous poser une question sur le vote majoritaire. On a laissé entendre qu’une élection annuelle aurait lieu, relativement à la disposition des trois ans qui figure actuellement dans la LCSA. Si vous le pouvez, j’aimerais que vous nous donniez davantage de renseignements sur le motif qui justifie le choix d’un an par rapport à trois ans.
M. Bains : Merci beaucoup, une fois encore, pour votre leadership dans ce domaine et pour votre question.
L’un des aspects clés des avantages que représentent les élections annuelles est la question de la diversité. Si nous voulons assister à un renouveau des administrateurs et nous souhaitons favoriser la diversité, nous devons nous assurer de donner aux sociétés par actions l’occasion de le faire annuellement plutôt que d’avoir à attendre trois ans. C’est là aussi un élément clé.
Dans l’ensemble, comme vous le savez, l’objectif de ce projet de loi est de favoriser la démocratie et la participation actionnariales. En se réunissant chaque année, les actionnaires seront davantage mobilisés et participeront davantage à la sélection des administrateurs. C’est une bonne chose pour l’actionnariat, et nous pensons que c’est une bonne chose pour promouvoir la diversité et pour s’assurer que les administrateurs soient tenus de rendre des comptes.
Le sénateur Wetston : J’aimerais aborder l’autre aspect qui, je crois, a suscité un certain nombre de discussions sur la diversité.
On a beaucoup discuté — et je sais que le ministère et vous-même avez fait beaucoup de recherche sur le sujet — de l’approche selon laquelle il faut « se conformer ou s’expliquer », que vous avez adoptée et avec laquelle je suis d’accord. Vous vous êtes aussi penché sur la question des cibles et des quotas. De nombreuses recherches ont été effectuées et des efforts considérables ont été consacrés à cela dans le monde.
Tenant compte de ce qui se passe au Canada et des différentes façons dont il est possible d’adopter l’enjeu de la diversité, je pense que vous comprenez aisément que la majeure partie de la littérature, de la recherche et des analyses portait sur la diversité des sexes sans avoir été étendue à l’aspect plus large de la diversité tel qu’il est reflété dans votre projet de loi. Une fois encore, je me demandais si vous pouviez m’aider à comprendre la raison pour laquelle vous allez au-delà de la diversité des sexes en élargissant l’application du projet de loi à la diversité plus généralement.
M. Bains : Merci de la question. Il n’y a pas de vraie définition commune de la diversité. Les gens ont différents points de vue. Fondamentalement, selon moi, il s’agit de la diversité des idées, des perspectives et des pensées, comme je l’ai dit dans mes remarques.
Nous estimons, de toute évidence, qu’il est important que plus de femmes siègent aux conseils d’administration, et je peux vous expliquer pourquoi. Les femmes constituent 48 p. 100 de la main-d’œuvre, mais n’occupent que 13,1 p. 100 des postes au sein de conseils d’administration. Nous tentons de régler un problème. Nous voulons que les décideurs soient plus à l’image de notre société. Non seulement est-ce une question d’équité, mais c’est aussi bon pour les sociétés et les résultats financiers.
Nous voulions aller plus loin. Nous avons eu recours à la Loi sur l’équité en matière d’emploi — et j’ai décrit d’autres dimensions de la diversité relativement aux minorités visibles, aux personnes handicapées et aux communautés autochtones — pour mieux orienter les sociétés. Ensuite j’ai parlé d’autres dimensions comme les régions, l’orientation sexuelle, et cetera. On va beaucoup plus loin que l’expérience vécue. En ayant cette perspective, nous croyons encourager les sociétés à réfléchir davantage lorsqu’elles élaborent leurs politiques en matière de diversité. De plus, elles seront incitées à recueillir des données pour faire un suivi et surveiller leur progrès.
[Français]
Le sénateur Maltais : Bonjour, monsieur le ministre. Bien sûr, le projet de loi C-25 apporte de nombreuses modifications qui sont nécessaires et qu’on apprécie. Dans la partie qui traite des coopératives financières, on a eu beaucoup de discussions concernant le fait que les banques refusent de désigner les caisses et les sociétés de crédit comme des entités offrant des « services bancaires ». Est-ce une directive qui émane de votre part, monsieur le ministre, ou plutôt de la part du commissaire?
M. Bains : Je suis désolé, j’ai un problème avec mon appareil d’interprétation. Ça va. Continuez, s’il vous plaît.
Le sénateur Maltais : Nous avons reçu le commissaire aux services financiers qui nous a parlé des directives qu’il s’apprêtait à adopter, entre autres, celle selon laquelle les institutions comme les coopératives de prêts, les caisses populaires ou les caisses de crédit ne pourront plus porter le nom de « services bancaires », et cela semble occasionner des problèmes pour ces institutions.
Est-ce que la directive émane de votre ministère ou tout simplement du commissaire aux services financiers?
M. Bains : C’est une bonne question, sénateur. Il faut confirmer cela auprès du ministre des Finances, qui est responsable de cette directive.
Le sénateur Maltais : C’est donc le ministre des Finances qui prend la décision?
M. Bains : Puisque le ministre des Finances est responsable, c’est lui qui peut confirmer le changement.
Le sénateur Maltais : Alors, on compte sur vous pour que le ministre confirme le changement.
[Traduction]
Le sénateur Downe : Je me demande comment le gouvernement s’en tire en matière de diversité. Aux élections de 1993, le Parti libéral a fait la promesse, qu’il a honorée après son arrivée au pouvoir, de mettre en place une pratique voulant que les nominations soient accordées en priorité à quatre groupes distincts, que vous avez nommés — les femmes, les personnes handicapées, les Autochtones et les minorités visibles — lesquels avaient tous un taux de participation inférieur à celui du marché du travail, qui était un point de référence. Des rapports trimestriels ont été rédigés et rendus publics, et tous ces objectifs ont été atteints, sauf pour les personnes handicapées.
Comment le gouvernement réussit-il à ce chapitre? Rend-il publique l’information sur ses propres nominations à des conseils d’administration?
M. Bains : Excellente question. Si nous voulons que les sociétés canadiennes emboîtent le pas, nous devons faire preuve de leadership. Comme vous le savez, lorsque le premier ministre Trudeau a formé le gouvernement en 2015, le Cabinet s’est démarqué parce qu’il comptait autant d’hommes que de femmes, en plus d’assurer la diversité en général pour ce qui est des régions représentées, des perspectives différentes et des antécédents.
De toute évidence, ce n’est pas le cas partout. Je peux vous donner des exemples précis des organismes qui relèvent de moi.
Le sénateur Downe : Je ne veux pas vous interrompre, monsieur le ministre, mais le gouvernement compte jusqu’à 3 000 nominations par le gouverneur en conseil. Les objectifs et les résultats sont-ils rendus publics?
M. Bains : Nous n’avons pas d’objectif précis sauf améliorer la diversité. On peut le constater de par les nominations effectuées qui sont rendues publiques, et cette information est aussi publiée. Au fur et à mesure que des nominations sont effectuées, on peut clairement voir qu’elles tiennent compte de la diversité. Il y a plus de femmes, plus de minorités visibles, et cetera.
Le sénateur Downe : Mais si vous n’avez pas de point de référence — le point de référence étant normalement le taux de participation au marché —, comment pouvez-vous savoir qu’il y a de l’amélioration?
M. Bains : Les données sont meilleures qu’au départ, monsieur. Les données de départ sont très basses. Actuellement, les minorités visibles et les femmes sont sous-représentées au sein des conseils d’administration; voilà notre référence. Les postes actuels au sein des conseils sont notre point de départ. À partir de là, nous tentons de faire des améliorations considérables, et c’est justement là que nous constatons des améliorations considérables. Nous n’avons pas de quotas ou de cibles précis.
Le sénateur Downe : Comment la mesurez-vous si vous n’avez pas de point de référence? La faible participation est le point de référence, mais il me semble que le point de référence de base devrait être la participation au marché du travail des différents groupes et que vous devriez au moins tenter d’obtenir cette information.
M. Bains : Bien sûr. Je l’ai aussi dit dans mon exposé.
Le sénateur Downe : Est-ce que ce sera rendu public?
M. Bains : Qu’est-ce qui sera rendu public?
Le sénateur Downe : Le succès de votre démarche à ce sujet.
M. Bains : Bien sûr. Tout ce dont j’ai parlé est rendu public. Désolé, j’ai mal compris la question.
Oui, nous voulons que nos nominations reflètent la société; oui, les renseignements sont rendus publics; et oui, nous apportons des améliorations.
Le sénateur Downe : Rendez-vous les pourcentages publics?
M. Bains : Toutes les données sont rendues publiques.
La sénatrice Wallin : J’aimerais revenir sur le sujet des élections annuelles. J’ai encore des réticences à ce sujet. J’en ai parlé avec le parrain de ce projet de loi.
Vous avez soulevé le fait que les listes de candidats ne seraient pas permises et qu’il serait possible de contester un candidat élu sans opposition. On obtient donc une démocratie des actionnaires. Cependant, le changement n’est pas toujours une question de diversité, mais vous dites que c’est ce qui justifie ces mesures. Parfois, les actionnaires sont motivés par d’autres enjeux, comme, par exemple, la fluctuation de la valeur des actions.
À défaut d’imposer des quotas ou d’autres mesures similaires, qui se heurtent encore à beaucoup de résistance, qu’allez-vous faire d’autre?
M. Bains : Je crois que la justification du modèle « se conformer ou s’expliquer » est très simple. Si on examine l’expérience de l’Australie ou du Royaume-Uni, on voit par exemple que le nombre de femmes a doublé sur une période de cinq ans grâce au modèle « se conformer ou s’expliquer ». Cette mesure a donc connu un certain succès à l’échelle internationale.
L’idée est aussi que si les intervenants sont davantage mobilisés, ils constateront que la diversité est en fait bonne pour les affaires. Elle est aussi bénéfique pour les résultats financiers.
Vous avez raison : la motivation n’est pas qu’une question de justice sociale ou d’équité, il s’agit aussi d’une bonne mesure sur le plan financier.
Si des actionnaires constatent qu’une société comme la leur ou des concurrents qui investissent dans la diversité obtiennent de meilleurs résultats, ils voudront aussi que de tels résultats se reflètent sur leurs conseils d’administration. Nous croyons que c’est vraiment cela qui changera les comportements. Les gens constateront que les avantages de la diversité vont au-delà des questions de justice sociale ou d’équité.
La sénatrice Wallin : Mais s’agit-il d’un enjeu différent de celui des élections annuelles plutôt que triennales?
M. Bains : Comme je l’ai indiqué précédemment, les élections annuelles visent à accroître la participation des actionnaires et à offrir aux gens de tous les horizons plus d’occasions de participer. Parmi les commentaires reçus, on nous a dit : « Oui, nous pouvons apporter des changements, mais il faudra un peu de patience », car si le mandat d’une personne est renouvelé pour deux mandats, six années pourraient s’être écoulées. Ainsi, selon la durée des mandats, on pourrait devoir attendre de trois à six ans avant d’avoir l’occasion de songer à changer la composition du conseil d’administration de manière significative. Nous voulons changer la situation et faire en sorte que les élections soient plutôt annuelles. Voilà l’une des raisons qui sous-tend cette mesure.
La sénatrice Ringuette : Vous nous avez dit que vous surveillerez et examinerez la réglementation et la législation. Quel est votre échéancier à cet égard?
M. Bains : Je dirais entre trois et cinq ans. Si nous ne constatons pas des progrès appréciables, nous devrons réévaluer nos outils afin de pouvoir changer les choses.
Le sénateur Pratte : Nous observons dans les plus récentes données concernant le nombre de femmes qui siègent à des conseils d’administration que les sociétés qui ont établi des cibles obtiennent de bien meilleurs résultats que celles qui n’en ont pas. Je comprends très bien l’hésitation d’adopter des quotas ou d’imposer des cibles aux sociétés parce que chaque situation est différente, mais le gouvernement ne pourrait-il pas au moins exiger de la part des sociétés qu’elles établissent des cibles sans leur dire ce qu’elles devraient être? Exiger dans la loi que les sociétés fixent des objectifs?
M. Bains : Je pense que cela fera partie de la politique sur la diversité que les sociétés présenteront à leurs actionnaires. Elles ont manifestement besoin de données et d’objectifs. Je suis persuadé que cela fera partie des discussions qu’elles auront avec leurs actionnaires relativement à leurs politiques.
Le problème est très sérieux. Pour vous donner une petite idée, 59 p. 100 d’entre eux n’ont toujours pas de politique écrite sur la diversité. Je parle ici des conseils d’administration. Nous supposons qu’il s’agit tout simplement de gros bon sens, mais les chiffres sont ahurissants. Quarante-cinq pour cent des entreprises figurant sur la liste n’ont même pas une femme dans leur conseil d’administration. C’est un problème sérieux, mais nous sommes persuadés que notre approche permettra de réaliser des progrès considérables.
L’autre défi entourant les objectifs et les quotas est que si nous établissons un quota, disons de 50 p. 100, à ce moment-là la société, et je peux me tromper, risque de mettre l’accent uniquement sur l’atteinte de cet objectif de 50 p. 100 de femmes. Mais à ce moment-là, elles ne se concentreront plus sur les peuples autochtones, ni même sur les minorités visibles. C’est comme si un groupe excluait l’autre. C’est pourquoi nous avons élargi la définition de la diversité pour affirmer que les femmes en sont un élément clé. Nous voulons, par exemple, accroître le nombre de femmes, mais nous voulons aussi assurer la diversité et faire en sorte que d’autres secteurs de la société soient aussi représentés.
Si l’on examine les quotas et les objectifs qui ont été imposés ailleurs, malheureusement ils n’auront pas permis d’améliorer la situation. Le nombre de femmes pourrait augmenter, mais les minorités visibles ne sont pas plus représentées et la situation n’est guère meilleure pour ce qui est des personnes handicapées. Alors, comment faire pour intégrer toutes ces personnes? C’est pourquoi notre approche est plus vaste.
Pour répondre plus directement à votre question, je suis convaincu qu’en établissant un cadre où les sociétés se font concurrence relativement à leurs politiques de diversité, nous verrons qu’elles commenceront rapidement à formuler des plans avec des objectifs précis.
Le sénateur Tkachuk : Les conseils d’administration représentent-ils les actionnaires en ce qui touche la diversité ou sont-ils représentatifs du pays? En outre, pensez-vous que les membres du conseil d’administration devraient détenir des parts dans ces sociétés?
M. Bains : Selon moi, les directeurs représentent les actionnaires, et c’est très clair. Ils rendent des comptes aux actionnaires et doivent tenir compte des préoccupations de ces derniers.
Le sénateur Tkachuk : Je ne sais pas s’il existe des données scientifiques à cet égard, mais lorsque des femmes sont nommées PDG, les conseils d’administration sont-ils alors plus diversifiés sur le plan sexospécifique? Comptent-ils plus de femmes?
M. Bains : C’est une bonne question. Je vais devoir vérifier s’il existe des données.
Si vous me le permettez, j’aimerais savoir pourquoi vous posez cette question, sénateur Tkachuk.
Le sénateur Tkachuk : Je pose tout simplement la question.
M. Baines : Je pensais que vous tentiez d’établir une corrélation.
Le sénateur Tkachuk : Non, je n’essaie pas d’établir une corrélation, mais cela n’empêche pas qu’elle pourrait exister. Quand vous connaîtrez la réponse, peut-être que l’information nous serait utile.
M. Bains : Absolument. Notre gouvernement est axé sur les données.
Mark, avons-nous des données là-dessus?
Mark Schaan, directeur général, Direction générale des politiques-cadres du marché, Innovation, Sciences et Développement économique Canada : Nous examinons le nombre de sociétés qui sont dirigées par des femmes, mais les données sont généralement regroupées de sorte qu’il faudrait examiner les sociétés une par une pour voir si elles ont plus de femmes qui siègent à leur conseil d’administration.
Nous savons que les entreprises qui abordent la diversité sous un angle plus large enregistrent de meilleurs résultats et qu’elles ont tendance à obtenir une meilleure productivité de leurs employés, ce qui est généralement dû à leur capacité de mettre à profit leur diversité.
Le sénateur Tkachuk : Parlez-vous de la diversité au sein des conseils d’administration ou au niveau des employés?
M. Schaan : Les deux.
M. Bains : Aussi bien au niveau de la haute direction que du conseil d’administration. Nous ferons de notre mieux pour nous procurer ces données. Comme vous pouvez le voir, il nous reste du travail à faire pour avoir des données société par société. J’ai donc un peu de travail à faire dans ce dossier.
Le sénateur Tkachuk : Parfait.
Le sénateur Day : J’ai deux questions à vous poser et nous pourrions peut-être les traiter ensemble.
Vous nous avez parlé de documents disponibles en ligne et vous nous avez dit voir ce changement d’un bon œil pour tenir compte de la technologie numérique moderne. Y a-t-il des choses précises sur lesquelles vous aimeriez attirer notre attention relativement au monde numérique actuel et, plus particulièrement, en ce qui concerne l’assemblée annuelle et l’accès qu’on y a?
M. Bains : Mark peut vous répondre au sujet des amendements techniques, mais en fin de compte, il était intéressant de voir que, dans le contexte des lois actuelles, cela nécessitait beaucoup de papier. Cela ralentissait les choses et pose maintenant problème, car les gens communiquent en format numérique et préfèrent recevoir l’information en ligne et apporter une tablette à une réunion du conseil. Il s’agissait donc simplement de moderniser les processus et d’y apporter des changements pour tenir compte des méthodes de communication modernes. Bien des sociétés privées s’y sont attelées.
Lorsque je siégeais à des conseils d’administration, je n’apportais jamais de classeur; tout était sur une tablette. Les renseignements étaient fournis au moyen de portails et par courriel. C’est ce que cela reflète réellement.
S’il y a d’autres amendements techniques, Mark pourra vous en parler.
M. Schaan : Conformément à la LCSA, les sociétés doivent prévoir un lieu donné pour tenir l’assemblée annuelle, mais cela n’empêche pas les gens d’y participer par d’autres moyens. Nous avons donc rendu possible l’environnement numérique, tout en permettant aux actionnaires de venir pour voter en personne, s’ils désirent le faire.
Le sénateur Marwah : Merci, monsieur le ministre, d’être parmi nous. Je tiens à vous féliciter pour tous ces changements apportés à la LCSA. Je crois qu’il y a longtemps qu’ils auraient dû être faits, et on peut dire qu’ils relèvent tous de la bonne gouvernance.
Toujours au chapitre de la bonne gouvernance, un des éléments clés en est le poste de président ou de présidente indépendant. En séparant ainsi les responsabilités du PDG de celles du président ou de la présidente, on peut de manière indépendante refléter la volonté des actionnaires. Y a-t-il une raison précise pour laquelle vous n’avez pas voulu vous y atteler dans cette ronde de modifications? S’agissait-il d’une mesure trop radicale?
J’ai cru comprendre que cela prendra du temps et qu’il faudra prévoir une période de transition plus longue pour tout mettre en œuvre au fil des ans et qu’il risque d’y avoir certaines exceptions pour les sociétés privées. L’indépendance du président ou de la présidente semble être un pilier fondamental de la bonne gouvernance. Y a-t-il une raison précise pour laquelle vous avez reculé devant cette mesure? S’agit-il d’une idée à laquelle vous seriez ouvert?
M. Bains : Vous avez tout à fait raison. Lorsqu’il s’agit de bonne gouvernance, le Canada peut jouer un rôle d’avant-garde. C’est un enjeu qui est assez fréquent pour les entreprises, à l’heure actuelle. Nous avons déjà vu ce problème par le passé. La bonne gouvernance est cruciale si l’on regarde les retombées qu’elle a sur l’économie. Si l’on a plusieurs mauvais joueurs et plusieurs mauvaises sociétés, cela entraîne des conséquences extrêmement négatives pour bien des employés, notamment.
Nous sommes fiers d’avoir apporté ces changements et nous allons continuer à jouer un rôle de leader dans ce domaine au niveau international.
Pour ce qui est des présidents des conseils d’administration indépendants, nous avons jugé pour le moment que ce serait trop prescriptif et interventionniste. Nous pensons qu’il se fait pas mal de travail au niveau des conseils d’administration pour comprendre l’importance de choisir un président indépendant. Nous constatons déjà des progrès à cet égard. Nous ne sommes pas sûrs que le problème soit aussi grave au Canada, et c’est pourquoi nous n’avons pas apporté de modifications à cet effet.
La sénatrice Unger : Merci, monsieur le ministre.
Tout d’abord, en tant que femme, j’ai des réserves au sujet de ce projet de loi. Est-ce que les femmes cherchent activement à devenir membres de conseils d’administration? Dans l’affirmative, avez-vous des statistiques à cet effet qui s’appliqueraient à tous les groupes que vous avez identifiés?
En Alberta, le modèle « se conformer ou s’expliquer » est en vigueur depuis près d’un an et de nombreux actionnaires albertains ne sont pas impressionnés. Ils estiment que les gens investissent dans des sociétés pour obtenir un rendement sur leur investissement et que la meilleure solution est de nommer des membres des conseils d’administration en fonction du mérite. Qu’en pensez-vous?
M. Bains : Sauf votre respect, je ne suis pas d’accord avec vous sur le dernier point. Lorsque vous parlez de « nominations fondées sur le mérite », cela donne l’impression que les femmes ne sont peut-être pas qualifiées. Ce n’est peut-être pas ce que vous vouliez dire, mais c’est ainsi que je l’ai interprété.
Au début de votre intervention, vous avez demandé s’il y a des femmes dans des postes de haute direction et des femmes qualifiées pour être membres des conseils d’administration et à cela je réponds absolument; cela ne fait aucun doute. Si vous prenez l’Institut des administrateurs de sociétés, il a un bassin de centaines de femmes très qualifiées qui cherchent activement à devenir membres de conseils d’administration.
Comme vous le savez, nous essayons, avec ce projet de loi, de modifier en profondeur la culture des conseils d’administration. Dans cette culture, les administrateurs constituent un club exclusif dont les membres travaillent ensemble, se fréquentent, font du sport et socialisent peut-être. Traditionnellement, c’est ainsi que se composaient les conseils d’administration. Nous essayons de nous éloigner de ce modèle parce que, tout d’abord, il ne reflète pas la société; deuxièmement, il n’est pas bon pour les affaires; et, troisièmement, il y a des gens talentueux qui souhaitent participer.
Donc, la réponse à votre question c’est que oui, il y a des femmes qualifiées qui cherchent activement à participer.
Le projet de loi est un ensemble de mesures consensuelles. Nous y travaillons activement depuis 2014. L’ancien gouvernement avait engagé le processus, et nous l’avons poursuivi.
Ces modifications reflètent le consensus que nous avons entendu ici et là au pays et de la part de divers organismes. Si vous le souhaitez, je peux vous en donner quelques exemples.
Ces modifications s’imposaient depuis longtemps. Cette loi a été modifiée la dernière fois en 2001, et bien des choses ont changé depuis lors. Nous avons parlé de technologie, et nous avons également parlé de société et du fait que les chiffres sont très décourageants. Comme je l’ai mentionné, il n’y a que 13 p. 100 des membres des conseils d’administration qui sont des femmes, et seulement 19,1 p. 100 dans le cas des 500 plus grandes sociétés financières. Il s’agit de sociétés financières prospères qui ont une bonne image de marque, une bonne reconnaissance et qui comptent seulement 20 p. 100 de femmes au sein de leurs conseils d’administration. Il est évident qu’il y avait un problème, et nous voulions le régler. C’est pourquoi nous avons proposé ces modifications.
La sénatrice Unger : En tant que femme — et, comme vous le voyez, je ne suis pas jeune —, je ne serais pas fière de moi si je savais que j’ai obtenu un poste simplement parce que je suis une femme.
M. Bains : C’est pourquoi nous encourageons les politiques, un changement de culture, des occasions de mentorat et l’élimination des obstacles, plutôt que de nous confiner à un objectif fixé.
Le sénateur Tannas : Je vous remercie, monsieur le ministre, d’être avec nous aujourd’hui.
Vous avez parlé des 13 p. 100 qu’on a aujourd’hui. Nous entendons parler de deux ensembles de nombres. Nous entendons parler du nombre de femmes qui siègent à des conseils d’administration, mais le nombre dont on entend rarement parler est le nombre progressif : les postes vacants et le nombre de femmes qui prennent ces postes lorsqu’ils deviennent vacants.
J’ai cru comprendre que Watson Wyatt compile ces données et que le TSX est à 40 p. 100.
Ceux d’entre nous qui œuvrent dans le monde des affaires penseraient qu’il serait absurde que, à l’occasion d’une réunion du conseil d’administration, le PDG ou le président du conseil dise : « Bob, nous sommes désolés. Nous vous aimons beaucoup et vous apportez une merveilleuse contribution. Il n’y a pas de problème en fait, mais nous devons vous remplacer par une femme .» C’est le type de scénario qui scandalise tout le monde, n’est-ce pas?
Je veux y revenir : lorsque vous examinerez le prochain ensemble d’outils, qui provoqueront ces situations complètement farfelues si vous devez passer à ce prochain niveau, quels types de résultats positifs ou négatifs rechercherez-vous lorsque vous direz : « Dois-je accroître les enjeux? » Je vous proposerais d’examiner le taux de vacance — et j’espère en fait que c’est ce que vous me répondriez que vous feriez. La transition pourrait se faire à mesure que les gens quittent leur poste.
Je siège à des conseils d’administration. Nous sommes en voie d’élaborer nos déclarations sur la diversité. Devrons-nous fixer les objectifs que nous devrons atteindre d’ici l’an prochain, ou le ferons-nous pendant la transition, au fur et à mesure que les membres de nos conseils d’administration prennent leur retraite, à la fin de leur « vie utile » au conseil d’administration? Nous ne pouvons pas, en tant que hauts dirigeants, aller dire à ceux qui sont à mi-carrière : « Désolé, votre temps avec nous est terminé, car nous avons besoin de quelqu’un de différent pour répondre à tous les critères .»
Tiendrez-vous compte des nouvelles nominations pour calculer les progrès accomplis plutôt que de vous fier simplement à ces 13 p. 100 et de dire : « Oh, l’année prochaine ce sera peut-être 15, mais ce n’est pas suffisant »? Si vous regardiez ce nombre sous un autre angle, ce serait beaucoup plus encourageant.
M. Bains : Les conseils d’administration se préoccupent vivement de la planification de la relève. Vous avez décrit un scénario où on dirait à Bob que, bien qu’il fasse un bon travail, il doit partir. Dans mon scénario, on pourrait plutôt dire : « Bob, vous siégez à notre conseil d’administration depuis 20 ans. Je pense qu’il est temps de changer. »
Tout dépend de la perspective que l’on adopte. Je peux vous dire que trop souvent on a : « Bob, vous siégez à notre conseil d’administration depuis 20 ans » et « Bob, nous devons vous laisser partir, car nous devons recruter une femme .» Je pense que c’est l’exception. J’ai, en fait, rarement entendu cela. Ce n’est pas toujours le cas, mais je connais bon nombre de Bob et d’autres qui siègent à un conseil d’administration depuis si longtemps que ce n’est pas bénéfique pour leur croissance personnelle ou l’entreprise. Je pense que les actionnaires de l’entreprise voudraient avoir mieux.
La sénatrice Omidvar : Je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir accepté de nous rencontrer.
Nous connaissons la réputation du Canada en tant que leader en matière de bonne gouvernance et nous connaissons sa réputation au chapitre de la diversité, mais ce n’est pas un leader au chapitre de la diversité dans les postes de dirigeant. J’ai été heureuse de vous entendre dire que vous avez endossé les définitions d’équité en matière d’emploi dans la réglementation. Toutefois, l’équité en matière d’emploi et ses définitions se trouvent dans la législation.
Puisque nous nous dirigeons vers l’équité en matière de gouvernance, je me demande pourquoi nous n’envisagerions pas d’avoir recours à la même recette éprouvée qui avait été utilisée pour l’équité en matière d’emploi dans les années 1970. Cette stratégie avait été fort contestée à l’époque, mais regardez à quel point on a fait avancer les choses au cours des 30 dernières années. Il a fallu du temps, mais nous avons réussi à avancer, car cette mesure se trouvait dans la loi.
Pourquoi ne pas emprunter ce même chemin et enchâsser les définitions dans la loi, tout en leur donnant une certaine souplesse pour qu’elles puissent résister à l’épreuve du temps et qu’il ne soit pas trop facile de les modifier?
M. Bains : Je vous remercie de votre question et de tout le travail que vous avez fait en matière de diversité. J’ai eu l’honneur par le passé de travailler avec vous à la question de la diversité à Ryerson, et je sais que vous avez fait beaucoup de travail sur ce sujet au préalable. J’apprécie énormément votre expertise et votre rétroaction.
Vous avez raison : en ce qui a trait à la gouvernance, nous voulons assumer un rôle de chef de file mondial. Nous n’y sommes pas encore, mais nous sommes fiers de notre diversité, alors nous avons le potentiel nécessaire pour y arriver. Notre gouvernement mise là-dessus. Comme j’ai dit dans mes remarques liminaires, la diversité est bonne tant pour les affaires que pour l’innovation. Nous voulons aussi être un chef de file mondial en matière d’innovation.
En ce qui a trait à la Loi sur l’équité en matière d’emploi, nous avons déjà une législation à ce titre. D’ajouter le tout à une autre mesure législative serait répétitif. C’est le premier point que je voulais faire valoir.
Deuxièmement, nous voulons l’inscrire dans la réglementation afin de fournir des conseils aux sociétés. Comme je l’ai mentionné tout à l’heure, cela ira encore plus loin. Nous voulons aller plus loin que la dimension féminine. Comme je l’ai dit, si l’on ne met l’accent que sur un aspect de la diversité, cela peut se faire aux dépens d’autres aspects. C’est pour cela que nous avons dit, comme point de départ et pour fournir des conseils, qu’il fallait se rapporter à la Loi sur l’équité en matière d’emploi. Cela s’inscrira dans la réglementation sous la forme de conseils qui sont conformes à la Loi sur l’équité en matière d’emploi en ce qui a trait aux femmes, aux minorités visibles, aux Autochtones et aux personnes handicapées.
La vice-présidente : Nous allons maintenant passer au deuxième tour de table. Il nous reste 15 minutes.
M. Bains : J’essaierai d’être plus succinct.
La vice-présidente : Merci.
Le sénateur Wetston : Bien que cela soit un peu difficile, monsieur le ministre, j’aimerais vous poser une question sur la gouvernance des sociétés. Il me semble que le FMI a déjà indiqué que le Canada est un chef de file mondial en matière de gouvernance des sociétés, et ce, avant même que l’on ne procède à une éventuelle modification législative.
Essayons de remettre cela en contexte. La bourse TSX est une bourse importante dans laquelle toutes les sociétés distributrices ne sont pas forcément des sociétés régies par la LSCA, bien que nombre de très grandes sociétés y soient cotées. Pour ce qui est du vote à la majorité, la bourse TSX exige déjà que ces sociétés tiennent des élections annuelles et un vote à la majorité.
Cette loi rendra obligatoires les votes annuels et les votes à la majorité. Une des meilleures raisons de le faire est d’éviter qu’il y ait des conseils d’administration renouvelables par tranche au Canada, ce qui n’est déjà pas permis au sein des sociétés inscrites à la bourse TSX. Cela crée néanmoins une certaine fragmentation, car nous avons 13 lois sur les sociétés au Canada — en fait, nous en avons 14 si l’on tient compte de la LSCA. Je me trompe toujours dans mes chiffres.
M. Bains : Bienvenue à la fédération.
Le sénateur Wetston : C’est cela. Je voulais précisément vous parler de la fédération.
Tout en mettant en œuvre ce projet de loi, que j’appuie, il ne faut pas perdre de vue le fait qu’il ne s’appliquera pas à un nombre important de sociétés. Cela voudrait dire — et je peux affirmer ceci sans crainte — que toutes les sociétés inscrites à la bourse TSX qui sont des émettrices assujetties dans les provinces qui ont adopté le modèle « se conformer ou s’expliquer » respectent déjà l’engagement inscrit dans le projet de loi.
Imaginons que des quotas soient adoptés. On créerait ainsi une situation délicate au Canada, car il y aurait des quotas pour les entreprises assujetties à la LCSA et pas…
La vice-présidente : Sénateur Wetston, pourriez-vous en venir à votre question?
Le sénateur Wetston : C’est une question importante, madame la présidente.
J’insiste sur le fait que ce serait délicat si on adoptait un régime en matière de diversité qui ne soit pas le même pour les entreprises assujetties à la LCSA et les autres sociétés. Avez-vous quelque chose à dire à cet égard?
M. Bains : En effet, cela créerait des défis, je suis d’accord avec vous. Si nous choisissons une approche ciblée ou fondée sur des quotas, cela irait à l’encontre de ce que font les provinces.
Permettez-moi de mettre en contexte certains nombres afin d’illustrer la portée de ce projet de loi. S’il y a 310 000 entreprises assujetties à la LCSA, elles ne représentent que 10 p. 100 de toutes les sociétés canadiennes. De plus, elles représentent 40 p. 100 du TSX, c’est-à-dire 600 des 1 500 entreprises pouvant y être inscrites.
Rappelons-nous que ce projet de loi ne concerne que le niveau fédéral et ne représente que 10 p. 100 des entreprises.
Le sénateur Downe : Comme vous le savez, monsieur le ministre, l’évasion fiscale à l’étranger est un enjeu important. L’identification de la propriété bénéficiaire est l’un des problèmes reliés à cet enjeu. Le gouvernement fait-il quelque chose à ce sujet.
M. Bains : Oui, mon collègue, le ministre des Finances, rencontrera ses homologues provinciaux la semaine prochaine afin de discuter de cet enjeu.
Le sénateur Tkachuk : Monsieur le ministre, vous avez dit à plusieurs reprises que la diversité se traduit par un meilleur rendement. Pourriez-vous nous présenter ces études? J’en ai entendu parler, mais les études de l’école de gestion Wharton ainsi que de l’Université Stanford et d’autres universités concluent toutefois que le rendement n’est pas meilleur. La situation n’empire pas, mais elle ne s’améliore pas non plus. En fait, le tout demeure assez stagnant. J’aimerais que vous nous donniez une liste d’une page ou d’une demi-page sur laquelle figurent les études que vous utilisez afin de faire valoir que la diversité améliore le rendement pour que nous puissions les examiner et les lire nous-mêmes.
M. Bains : Bien sûr. Il y a de nombreuses études, mais je m’assurerai de vous présenter celles qui défendent mon point de vue.
En 2017, l’Institut McKinsey a mené une étude intitulée The Power of parity: Advancing women’s equality in Canada. Les études ne manquent pas. Celle dont je viens de parler stipulait qu’une meilleure égalité pour les femmes au Canada pourrait ajouter graduellement 150 milliards de dollars à notre PIB, soit une hausse de 0,6 p. 100.
De plus, une autre étude du même institut démontre que le leadership féminin génère un rendement des capitaux propres de 10,1 p. 100 par année comparativement à 7,4 p. 100 pour les entreprises où il n’y a pas la même diversité au sein des dirigeants. Nous serons ravis de vous fournir ces études.
Le sénateur Tkachuk : J’aimerais bien les voir. Pouvez-vous les envoyer au greffier?
M. Bains : Tout à fait.
Le sénateur Pratte : Les autorités en valeurs mobilières ont instauré un régime fondé sur le modèle « se conformer ou s’expliquer » il y a trois ans. Depuis, les statistiques démontrent que le progrès a été fort lent en ce qui concerne, entre autres, les femmes au sein des conseils d’administration. Je ne suis pas certain de comprendre pourquoi vous estimez que le même système fonctionnera pour les trois, quatre ou cinq années à venir.
M. Bains : C’est une excellente observation. Nous avons étudié la situation et examiné ces données très soigneusement. Nous avons également examiné ce qui s’est fait au Royaume-Uni et en Australie. Nous ne pouvons pas vous garantir à 100 p. 100 que le système aura les résultats escomptés. Toutefois, suite à ce que nous avons observé dans divers pays, nous croyons que ce système pourra changer la situation de façon concrète. Comme je l’ai dit, d’ici trois à cinq ans, si nous n’observons pas de progrès concrets, nous réexaminerons d’autres outils dont nous disposons dans notre boîte à outils.
Le sénateur Day : Monsieur le ministre, j’ai écouté avec attention ce que vous avez dit concernant les rapports sur la diversité. Vous aimeriez qu’ils soient soumis annuellement et préférablement par voie électronique. Mes deux questions se rejoignent.
Pouvez-vous m’aider à mieux comprendre? Vous demandez aux législateurs de déléguer le pouvoir de réglementation en la matière à l’exécutif. Vous voulez que les entreprises aient des politiques pour expliquer la situation à leurs actionnaires et aux parties intéressées. Vous avez affirmé que les renseignements seraient rendus publics, ce qui exercerait des pressions sur ces entreprises. Cependant, dans quelle mesure anticipez-vous qu’il y aura des sanctions? Dans quelle mesure croyez-vous que le gouvernement examinera les rapports sur la diversité pour déterminer si les résultats sont satisfaisants ou non?
M. Bains : Je tiens à le répéter, ce que nous avons créé, c’est le modèle « se conformer ou s’expliquer ». Son objectif est de faire en sorte que si une entreprise n’a pas de politique en matière de diversité, elle doive l’expliquer à ses actionnaires. Il s’agit d’une des fonctions de remise en question de ce modèle.
Ensuite, selon ce que les études et les expériences démontrent, lorsqu’une entreprise n’a pas de politique en matière de diversité alors que ses concurrents et ses pairs en ont une et que ces derniers ont un meilleur rendement, ses actionnaires demanderont à ce que les choses changent. Le modèle « se conformer ou s’expliquer » permet aux actionnaires de demander des comptes à la direction de l’entreprise.
Il n’y a aucune intervention gouvernementale ni aucune sanction. Il n’y a pas de mécanisme pour forcer les entreprises à faire quoi que ce soit. Ce que nous faisons, c’est dire aux entreprises qu’elles doivent avoir une politique en matière de diversité, et que si elles n’en ont pas, elles doivent se justifier auprès de leurs actionnaires. Voilà toute l’étendue de notre intervention.
La sénatrice Omidvar : Monsieur le ministre, envisagerez-vous de colliger tous les renseignements et tous les rapports sur la diversité et de publier un rapport annuel dans lequel les données sur le rendement et la diversité seraient regroupées au sein du gouvernement du Canada?
M. Bains : Je vais regarder ce qu’il est possible de faire et je vous répondrai plus tard. Comme vous le savez, nous avons différents mécanismes de rapport. Nous avons les lettres de mandat, sur lesquelles nous effectuons un suivi. Tous ces renseignements sont publics. Nous étudierons les meilleures façons de publier l’information afin qu’elle soit facilement compréhensible pour les Canadiens. Je pense que c’est à cela que vous faisiez allusion.
La vice-présidente : Je vous remercie, monsieur le ministre, monsieur Knubley et monsieur Schaan.
Chers collègues, je vous remercie d’avoir posé des questions et d’avoir permis à tout le monde d’en poser une et de passer à un deuxième tour de table. Je vous en sais gré.
(La séance est levée.)