Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule no 33 - Témoignages du 8 février 2018
OTTAWA, le jeudi 8 février 2018
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd’hui, à 10 h 30, pour procéder à l’étude article par article du projet de loi S-237, Loi modifiant le Code criminel (taux d’intérêt criminel).
Le sénateur Douglas Black (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour, chers collègues. Nous sommes ici aujourd’hui pour effectuer l’étude article par article du projet de loi S-237 présenté par la sénatrice Ringuette.
Pour ceux qui nous regardent à la maison, je crois qu’il est utile que les sénateurs se présentent. Je m’appelle Doug Black.
Le sénateur Marwah : Sarabjit S. Marwah, de l’Ontario.
La sénatrice Galvez : Rosa Galvez, du Québec.
Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l’Alberta.
[Français]
La sénatrice Ringuette : Pierrette Ringuette, du Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Maltais : Ghislain Maltais, du Québec.
Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.
[Traduction]
La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Tkachuk : David Tkachuk, de la Saskatchewan.
Le président : J’ajoute que nous bénéficions de l’aide précieuse de notre greffière et de nos analystes.
Avant que nous commencions, on me dit qu’il est important de rappeler certaines choses aux sénateurs.
Si, à un moment ou à un autre, vous ne savez plus trop où nous en sommes dans le processus, et cela vaut aussi pour la présidence, n’hésitez pas à demander des précisions. Je tiens à faire en sorte que chacun d’entre nous sache en tout temps où nous en sommes.
En ce qui concerne la procédure, je tiens à rappeler aux sénateurs que, lorsqu’on propose plus d’un amendement pour un même article, les amendements doivent être proposés en suivant l’ordre des lignes du texte à modifier.
Par conséquent, avant que nous n’examinions un amendement à un article, je vérifierai si d’autres sénateurs avaient l’intention de proposer un amendement modifiant une ligne précédente du même article. Si c’est le cas, ils auront l’occasion de le faire.
Une petite précision : si un sénateur s’oppose à un article en entier, je vous rappelle que la procédure normale en comité n’est pas d’adopter une motion pour supprimer l’article au complet, mais plutôt de voter contre le maintien de l’article dans la mesure législative.
À ce propos, je vous renvoie à la citation 698(6) de l’ouvrage de Beauchesne, qui précise qu’un amendement est irrecevable :
[…] s’il ne vise qu’à supprimer un article, puisqu’il suffit dans ce cas de voter contre l’article en question.
J’aimerais également rappeler aux sénateurs que certains amendements proposés peuvent avoir des répercussions substantielles sur d’autres parties du projet de loi. Je renvoie les sénateurs à la citation 698(2) de Beauchesne, qui se lit comme suit :
Un amendement ne doit pas aller à l’encontre ou s’écarter des dispositions du projet de loi adopté jusque-là par le comité, ni contredire une décision que le comité a rendue au sujet d’un amendement antérieur.
Si l’on se fie à cet énoncé, il serait très utile qu’un sénateur qui propose un amendement indique au comité quels sont les autres articles du projet de loi sur lesquels son amendement pourrait avoir une incidence. Autrement, il pourrait être très difficile pour notre comité de demeurer conséquent dans ses décisions.
Notre personnel s’efforcera de consigner les endroits où des amendements subséquents doivent être proposés et nous les signalera.
Puisqu’il n’est pas nécessaire de donner un préavis pour proposer des amendements, il peut évidemment ne pas y avoir eu d’analyse préliminaire des amendements pour déterminer ceux qui peuvent avoir des répercussions sur les autres articles.
Si des membres du comité ont une question concernant le processus ou le bien-fondé de quoi que ce soit, ils devront certes invoquer le Règlement. La présidence écoutera les arguments, décidera du moment où nous aurons assez discuté de la question de procédure et rendra une décision.
Bien entendu, le comité est le maître de ses travaux dans les limites établies par le Sénat, et un sénateur peut interjeter appel d’une décision de la présidence devant le comité en demandant si la décision doit être maintenue.
À titre de président, je ferai de mon mieux pour m’assurer que tous les sénateurs qui souhaitent prendre la parole puissent le faire. Cependant, je vais devoir compter sur votre coopération et je vous demande à tous de vous en tenir aux faits et de parler le plus brièvement possible.
Enfin, je tiens à rappeler aux sénateurs que s’ils ont le moindre doute quant aux résultats d’un vote par oui ou non, ou d’un vote à main levée, la façon la plus harmonieuse d’intervenir, c’est de demander un vote par appel nominal, qui aboutira à des résultats clairs. Les sénateurs savent qu’en cas d’égalité des voix, la motion sera rejetée.
Si vous n’avez pas de questions, nous allons passer à l’objet de notre réunion. Nous sommes saisis de l’étude article par article du projet de loi S-237, Loi modifiant le Code criminel (taux d’intérêt criminel).
Est-il convenu de procéder à l’étude article par article du projet de loi S-237, Loi modifiant le Code criminel (taux d’intérêt criminel)?
Des voix : D’accord.
Une voix : Avec dissidence.
Le président : L’étude du titre est-elle réservée?
Des voix : D’accord.
Une voix : Avec dissidence.
Le président : L’article 1 est-il adopté?
Le sénateur Tannas : Monsieur le président, j’aimerais présenter un amendement. Je propose :
Que le projet de loi S-237 soit modifié à l’article 1, à la page 1, par substitution, à la ligne 14, de ce qui suit :
« Canada majoré de quarante-cinq pour cent si le capital prêté ou… »
Le président : Merci beaucoup. L’honorable sénateur Tannas propose :
Que le projet de loi S-237 soit modifié à l’article 1, à la page 1, par substitution, à la ligne 14, de ce qui suit :
« Canada majoré de quarante-cinq pour cent si le capital prêté ou… »
Comme cet amendement n’a pas besoin d’être appuyé, nous pouvons passer au débat. Sénatrice Ringuette.
La sénatrice Ringuette : Je me demande si le sénateur Tannas pourrait justifier cet amendement.
Le sénateur Tannas : Nous avons entendu un certain nombre d’intervenants ainsi que, bien entendu, des conseillers en crédit et des personnes qui représentent les consommateurs. Tous les représentants qui sont venus témoigner, y compris les associations, ont indiqué que ces prêteurs seraient autorisés à continuer d’appliquer le taux le plus élevé en vigueur. Je crois que nous nous sommes tous rendus à l’évidence qu’il y a beaucoup de travail à faire pour passer en revue les activités.
Je suis à l’aise avec cette position, mais je crains que nous fassions quelque chose qui risque de déstabiliser d’emblée les consommateurs qui se trouvent déjà pris dans un cercle vicieux. Nous ne voulons pas les déstabiliser brusquement et par inadvertance. Nous devons consacrer plus de temps à ce dossier et en faire un examen plus approfondi. Le gouvernement devrait se pencher là-dessus. Ce ne devrait pas être un secteur non réglementé, où règne le chaos total et où ce chiffre constitue la seule restriction imposée à l’ensemble de l’industrie.
Selon moi, en faisant passer à 45 p. 100 ce qui constitue en fait une réduction de 21 p. 100 du taux de 60 p. 100, nous affirmons nettement notre intention de changer la donne.
Le président : Merci, sénateur Tannas.
Y a-t-il d’autres observations sur ce point?
La sénatrice Ringuette : Évidemment, je ne suis pas d’accord parce que nos discussions ont révélé, surtout d’après les propos du sénateur Tannas, que le taux de 60 p. 100 avait été établi dans les années 1980. À la même époque, le taux de financement à un jour de la Banque du Canada était de 18, 19, et cetera. Pour ce qui est de qualifier la situation de chaotique, je suis tout à fait d’accord.
Je n’approuve pas le pourcentage qui est proposé. Je pense que c’est encore relativement trop élevé. Je me suis entretenue avec le sénateur Tannas, et je m’engage à rencontrer les représentants du gouvernement du Québec pour prendre connaissance de tous les arguments sur la situation actuelle et antérieure au Québec qui a abouti à un taux d’intérêt à la consommation de 35 p. 100 dans la province.
Nous pouvons adopter l’amendement avec dissidence et, à l’étape de la troisième lecture, je proposerai un autre amendement à la lumière de l’information provenant du Québec.
Le président : Y a-t-il d’autres observations à ce sujet?
La sénatrice Stewart Olsen : J’aimerais exprimer mon appui pour cet amendement. Je crois qu’il s’agit vraiment d’un point de départ afin que tous les aspects puissent être évalués et examinés, sans causer un grand choc. Je simplifie les choses pour que les gens comprennent.
Je suis également d’avis que ce taux aurait probablement beaucoup plus de chances d’être examiné et peut-être appuyé par le gouvernement libéral à la Chambre des communes. Selon moi, si nous essayons de prendre une mesure trop radicale, l’enjeu que vous avez mis en exergue risque de ne pas obtenir l’attention qu’il mérite. Je tiens d’ailleurs à vous en féliciter, mais nous ne voulons pas choquer le gouvernement. Nous voulons qu’il se penche là-dessus et nous espérons qu’il appuiera le projet de loi. C’est ce que j’avais à dire.
Le sénateur Tkachuk : J’appuie l’amendement. Comme nous l’avons entendu hier, si cette industrie existe, c’est parce qu’on a permis que les taux d’intérêt soient aussi élevés. Sinon, elle n’aurait pas existé.
Je suis d’accord avec les témoins. Je crois que l’industrie bancaire a essentiellement laissé tomber les gens des couches les plus défavorisées de notre société, et elle ne leur offre pas de services bancaires.
Les années 1980 étaient une époque très différente, et cette industrie n’existait pas alors. Les banques imposaient des taux d’intérêt allant jusqu’à 24 p. 100. Bref, je suis très en faveur. Je pense que cela nous donnera la chance de faire adopter le projet de loi à la Chambre des communes.
Le sénateur Wetston : Nous avons longuement discuté de cette question hier. Vous vous souviendrez que j’étais complètement déconcerté par les observations et les conversations parce que je n’arrivais toujours pas à comprendre les facteurs économiques entre 1980, lorsque le taux d’intérêt au Canada se situait à 18 ou 19 p. 100, et le contexte d’aujourd’hui, où le taux d’intérêt s’élève à 60 p. 100. J’avais du mal à saisir comment nous avions pu maintenir un tel taux pendant toutes ces années, et je ne comprenais pas les arguments invoqués pour expliquer pourquoi les banques ne prêtent plus à ces personnes vulnérables.
Il y a eu la crise financière. Nous avons entendu dire que les taux usuraires sont aujourd’hui trop élevés pour les banques, et ce n’est pas un secteur d’activité auquel elles sont prêtes à participer.
La seule raison pour laquelle je donne ce résumé, c’est parce que je ne comprends toujours pas tout à fait ce dont j’ai besoin pour être en mesure de dire que tel ou tel taux est le bon.
J’ai entendu la sénatrice Ringuette dire qu’elle veut obtenir plus de renseignements, en particulier auprès d’un gouvernement qui a sans doute fait beaucoup de recherches et d’études sur les consommateurs et qui a conclu qu’un taux de 35 p. 100 semble bien fonctionner. C’est, à mon sens, un facteur important à considérer parce qu’il s’agit d’un gouvernement qui a passé beaucoup de temps à réfléchir à cette question. Je peux vous dire que, d’après mon expérience, le gouvernement du Québec s’attarde beaucoup sur les enjeux liés à la protection des consommateurs.
Si vous proposez d’adopter l’amendement avec dissidence, je comprends certes et je respecte votre point de vue à ce sujet, sachant que vous ferez des démarches pour obtenir de plus amples renseignements avant de renvoyer le tout probablement pour une troisième lecture. Je crois que c’est une chose positive à faire. Voilà pourquoi je peux personnellement dire que nous pourrions adopter cet amendement, à condition que vous poursuiviez ce travail parce que je trouve que c’est très important.
Le président : Sénateur Wetston, c’était très utile. Merci.
Le sénateur Marwah : De mon point de vue, je ne suis pas sûr si le taux de 45 p. 100 est le bon chiffre; j’ignore d’ailleurs ce qui s’impose, mais ce que je sais, c’est qu’à mon avis, un taux de 20 p. 100 est beaucoup trop bas.
Je ne pense pas qu’un taux de 20 p. 100 fonctionne dans l’environnement d’aujourd’hui. Dans le cas de bien des fournisseurs de crédit légitimes, les taux d’intérêt sont de l’ordre de 25 à 30 p. 100, ce qui est, selon moi, d’une très grande valeur pour les Canadiens. Par conséquent, entre les deux, je crois qu’un pourcentage de 45 p. 100 est peut-être plus convenable que 20 p 100. Au moins, ce taux donnera des résultats concrets. Voilà pourquoi je compte appuyer l’amendement.
La sénatrice Galvez : Je suis ici en remplacement de la sénatrice Wallin, et j’aimerais tout simplement lire une de ses notes à ce sujet. Elle affirme que le taux d’intérêt proposé dans le projet de loi est trop faible et elle estime que cette disposition touchera un grand nombre de transactions légales.
Le président : Merci beaucoup, sénatrice Galvez.
Comme il n’y a pas d’autres observations sur ce point, vous plaît-il, chers collègues, d’adopter la motion d’amendement?
Des voix : D’accord.
Des voix : Avec dissidence.
Le président : L’article 1 modifié est-il adopté?
Des voix : D’accord.
Des voix : Avec dissidence.
Le président : Avec dissidence.
L’article 2 est-il adopté?
Le sénateur Tannas : Je voudrais ajouter un nouvel article. Je propose :
Que le projet de loi S-237 soit modifié, à la page 2, par adjonction, après la ligne 15, de ce qui suit :
« 1.1 (1) Tous les cinq ans suivant l’entrée en vigueur de la présente loi, un comité, soit du Sénat, soit de la Chambre des communes, soit mixte, désigné ou constitué à cette fin, procède à l’examen du taux criminel.
(2) Le comité remet au Parlement un rapport, accompagné des modifications qu’il recommande au taux criminel. »
Le président : Merci beaucoup, sénateur Tannas.
Vous plaît-il, chers collègues, d’adopter la motion d’amendement?
Des voix : D’accord.
La sénatrice Ringuette : En raison de l’amendement précédent qui établit un taux de 45 p. 100, lequel me semble trop élevé, je pense qu’un intervalle de cinq ans pour mener un examen est trop long, là encore.
Si nous tenons à ce que cette question continue d’attirer l’attention et si nous voulons déterminer en quoi consiste un taux criminel, je crois que la période d’examen devrait être de deux ans ou d’au plus trois ans. Je trouve qu’une période de cinq ans est vraiment trop longue pour vérifier si, oui ou non, le nouveau taux fonctionne comme il se doit.
Je pourrais peut-être proposer un sous-amendement.
Le président : Écoutons le sénateur Tannas.
La sénatrice Ringuette : D’accord.
Le président : Pardonnez-moi, sénateur Tannas. Sénateur Dagenais?
[Français]
Le sénateur Dagenais : Nous ne nous sommes pas concertés, mais je m’apprêtais à dire qu’un délai de cinq ans me paraît un peu long, étant donné la volatilité des marchés financiers. Je m’apprêtais à suggérer un délai de trois ans. Cela nous permettrait de réviser le taux. Les marchés financiers sont beaucoup plus volatils de nos jours. Le sénateur Tannas propose cinq ans, la sénatrice Ringuette, deux, je vais me poser entre les deux et suggérer trois ans.
[Traduction]
Le sénateur Tannas : J’ai proposé cinq ans parce que, premièrement, aucun examen n’était prévu auparavant. Deuxièmement, puisque la Loi sur les banques et les autres mesures législatives sur les services financiers semblent être examinées tous les cinq ans, j’ai cru bon de proposer le même intervalle que celui applicable au reste de l’industrie des services financiers.
Je pense que la sénatrice Ringuette et le sénateur Dagenais soulèvent de bons arguments. Nous pourrons peut-être passer à cinq ans une fois que nous aurons déterminé un chiffre bien équilibré après une certaine période et que l’industrie se sera un peu calmée et aura repris son cours normal.
J’approuve l’idée d’un examen tous les trois ans. Je crois que ce serait convenable. Je m’en remets à vous, monsieur le président.
Le président : Et moi, je m’en remets à la greffière.
Le sénateur Tkachuk : S’il y a unanimité, nous pouvons tout simplement changer la disposition pour prévoir une période de trois ans, n’est-ce pas?
Une voix : Il s’agit d’un sous-amendement.
Le président : Je crois que nous devons proposer un sous-amendement, à ce qu’il paraît.
Chers collègues, êtes-vous prêts à adopter un sous-amendement pour faire passer la période d’examen de cinq à trois ans?
Des voix : D’accord.
Le président : Je déclare la motion adoptée.
Le président : Vous plaît-il, chers collègues, d’adopter la motion d’amendement?
Des voix : D’accord.
Le président : Merci.
L’article 1.1 modifié est-il adopté?
Des voix : D’accord.
Le président : L’article 2 est-il adopté?
Des voix : D’accord.
Le président : Le titre est-il adopté?
Des voix : D’accord.
Le président : Le projet de loi modifié est-il adopté?
Des voix : D’accord.
Une voix : Avec dissidence.
Le président : Est-ce que le comité souhaite annexer des observations au rapport?
Le sénateur Tkachuk : Pas vraiment.
Le président : Est-il convenu que je fasse rapport du projet de loi modifié au Sénat?
Des voix : D’accord.
Le président : Merci beaucoup.