Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule no 39 - Témoignages du 25 avril 2018
OTTAWA, le mercredi 25 avril 2018
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd’hui, à 16 h 19, pour étudier la situation actuelle du régime financier canadien et international.
Le sénateur Douglas Black (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour et bienvenue à mes collègues et aux membres du public qui assistent à cette séance du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, que ce soit en personne ou sur le Web.
Je m’appelle Doug Black. Je suis un sénateur de l’Alberta et je suis président du comité. J’invite mes collègues à se présenter.
La sénatrice Wallin : Pamela Wallin, de la Saskatchewan.
[Français]
La sénatrice Ringuette : Pierrette Ringuette, du Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
Le sénateur Marwah : Sarabjit Marwah, de l’Ontario.
La sénatrice Unger : Betty Unger, de l’Alberta.
Le sénateur Wetston : Howard Wetston, de l’Ontario.
Le sénateur Tkachuk : David Tkachuk, de la Saskatchewan.
La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Frum : Linda Frum, de l’Ontario.
Le président : Merci beaucoup, chers collègues. Comme je le mentionne toujours, nous profitons de l’aide inestimable de notre greffière et de notre analyste.
Je suis très heureux, bien entendu, de souhaiter de nouveau la bienvenue à notre comité au gouverneur Poloz et à la première sous-gouverneure, Carolyn Wilkins. Notre dernière réunion avec eux remonte au 1er novembre, lorsque nous avons discuté du Rapport sur la politique monétaire de l’automne.
Je vous remercie donc beaucoup de votre présence parmi nous. Nous sommes impatients de prendre connaissance de votre mise à jour d’avril 2018 du Rapport sur la politique monétaire, qui a été publié la semaine dernière. Monsieur le gouverneur, vous avez la parole.
Stephen S. Poloz, gouverneur, Banque du Canada : Monsieur le président, distingués membres du comité, je suis ravi d’être ici. La première sous-gouverneure, Mme Wilkins, et moi sommes heureux d’être de retour devant vous pour discuter du Rapport sur la politique monétaire que nous avons publié la semaine dernière.
Lors de notre dernier témoignage au début de novembre, nous avons fait état de signes indiquant que l’économie canadienne ralentissait, après avoir connu un premier semestre exceptionnellement vigoureux. Cette modération a finalement été plus prononcée et a duré un peu plus longtemps que nous ne l’avions prévu. Malgré cela, il convient de rappeler que l’inflation maintient le cap et que l’économie tourne près de son potentiel, ce qui témoigne en soi des progrès considérables enregistrés par l’économie au cours de la dernière année.
Deux éléments importants peuvent expliquer la croissance plus lente qu’escomptée au premier trimestre. D’abord, au quatrième trimestre de 2017, les marchés du logement ont devancé certaines transactions, en réaction aux annonces concernant les nouvelles règles hypothécaires et les autres mesures de politique. Nous avons donc eu un trimestre solide dans le secteur de l’habitation, mais la situation a entraîné un ralentissement au premier trimestre qui devrait s’inverser naturellement.
Ensuite, les chiffres des exportations ont été inférieurs aux attentes durant ce trimestre, en raison surtout de la congestion des infrastructures de transport. Cependant, les exportations devraient elles aussi se redresser partiellement au fil de l’année. Ainsi, après avoir manqué de vigueur au début de 2018, la croissance devrait rebondir fortement au deuxième trimestre. Tout compte fait, nous prévoyons que l’expansion de l’économie s’établira à 2 p. 100 cette année et à un taux légèrement supérieur au rythme d’accroissement de la production potentielle au cours des trois prochaines années, à la faveur des politiques monétaires et budgétaires mises en œuvre.
[Français]
La composition de la croissance devrait changer pendant cette période, dans la mesure où la contribution des dépenses des ménages devrait diminuer et celle des investissements des entreprises et des exportations devrait augmenter.
L’inflation devrait demeurer légèrement au-dessus de la cible de 2 p. 100 cette année. Elle sera en effet stimulée par des facteurs temporaires, comme les prix plus élevés de l’essence et les hausses du salaire minimum dans certaines provinces. L’effet de ces facteurs devrait se dissiper naturellement au fil du temps, ce qui ramènera l’inflation vers 2 p. 100 en 2019.
Bien entendu, plusieurs risques importants pèsent sur ces prévisions et de grandes incertitudes continuent d’assombrir les perspectives, comme c’était le cas en novembre.
[Traduction]
Les quatre principales incertitudes entourant les perspectives d’inflation sont les mêmes qu’il y a six mois, mais des progrès appréciables ont été accomplis relativement à certaines d’entre elles.
Premièrement, en ce qui a trait au potentiel de l’économie, notre examen annuel nous a amenés à conclure que notre économie dispose actuellement d’une capacité plus importante que nous le pensions et que celle-ci croît à un rythme plus rapide que prévu. La demande a donc un peu plus de marge pour croître avant que des pressions inflationnistes commencent à apparaître. Cela dit, certaines entreprises, en particulier des sociétés exportatrices, approchent des limites de leur capacité, mais hésitent à investir. Cette hésitation est peut-être attribuable à l’incertitude entourant les échanges commerciaux, à la congestion des infrastructures de transport, à la pénurie de travailleurs qualifiés ou à d’autres facteurs. Peu importe les raisons, cette situation limite la croissance de nos exportations et de la capacité de notre économie.
La deuxième source d’incertitude porte sur la dynamique de l’inflation, mais les données récentes sont rassurantes. Les mesures de l’inflation, y compris nos diverses mesures de l’inflation fondamentale, ont évolué conformément à nos prévisions et d’une manière caractéristique d’une économie affichant une très faible marge de capacités excédentaires. Cela a renforcé notre confiance dans l’efficacité de nos modèles d’inflation.
La troisième source d’incertitude concerne les salaires, et les données en la matière sont elles aussi encourageantes. L’expansion des salaires s’est fortement redressée au cours des 18 derniers mois, avoisinant 3 p. 100, un taux auquel on peut s’attendre dans une économie qui tourne quasiment à son plein potentiel. Cependant, les plus récents chiffres ont été poussés temporairement à la hausse par les majorations du salaire minimum dans certaines provinces.
La quatrième source d’incertitude est la sensibilité accrue de l’économie à une hausse des taux d’intérêt vu le niveau élevé d’endettement des ménages. Nous craignons qu’à mesure que les taux d’intérêt augmentent, la part du revenu des ménages consacrée au service de la dette augmente elle aussi, ce qui leur laisserait moins d’argent à dépenser pour d’autres biens et services et exercerait des pressions à la baisse sur l’inflation. Il faudra plus de temps pour évaluer cette question, surtout parce que les nouvelles règles hypothécaires ont actuellement des répercussions sur le marché du logement et le crédit hypothécaire. Toutefois, la croissance des emprunts des ménages ralentit, ce qui donne à penser que les consommateurs commencent à s’ajuster aux taux d’intérêt plus élevés et aux nouvelles règles hypothécaires.
Comme vous pouvez le constater, des progrès ont été réalisés relativement à ces quatre grandes sources d’incertitude, en particulier la dynamique de l’inflation et de la croissance des salaires. Ces progrès renforcent l’opinion du conseil de direction selon laquelle des taux d’intérêt plus élevés seront justifiés avec le temps, quoiqu’une certaine détente monétaire soit probablement encore nécessaire pour que l’inflation maintienne le cap. La Banque du Canada continuera à surveiller la sensibilité de l’économie aux mouvements des taux d’intérêt et l’évolution des capacités économiques. Dans ce contexte, le conseil de direction continuera à faire preuve de circonspection au moment d’envisager de futurs ajustements à la politique monétaire et sera guidé par les nouvelles données.
Sur ce, monsieur le président, la première sous-gouverneure Wilkins et moi nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.
Le président : Merci, monsieur le gouverneur. Chers collègues, nous avons une liste. Je vous demande de vous en tenir à une question, et nous ferons ensuite un deuxième tour, car le sujet suscite beaucoup d’intérêt. Nous allons commencer par la vice-présidente, la sénatrice Stewart Olsen.
La sénatrice Stewart Olsen : Merci, monsieur le président, et merci au gouverneur et à Mme Wilkins d’être ici. Je m’intéresse à votre tableau plutôt idyllique de la situation économique au Canada. Je dois vous dire que ce n’est pas l’impression que j’ai, surtout au Nouveau-Brunswick où des magasins ferment, où les centres commerciaux se retrouvent l’un après l’autre à moitié désert et où le marché du travail est difficile.
Votre Rapport sur la politique monétaire était très intéressant. À la page 23, vous dites que « […] la capacité limitée des oléoducs [et du réseau ferroviaire] pour acheminer le pétrole hors de l’Ouest du Canada [pourrait] décourager les investissements à long terme dans les sables bitumineux. » Pouvez-vous nous donner une idée de la mesure dans laquelle les problèmes liés à la capacité des oléoducs et du réseau ferroviaire nuisent à l’économie canadienne?
M. Poloz : Quand nous décrivons l’économie de façon idyllique, comme vous le dites, c’est davantage pour dire que c’est enfin positif. C’est une affirmation macroéconomique générale pour dire que les ajustements liés au choc pétrolier sont derrière nous, même si nous observons encore un ralentissement dans plusieurs régions du pays. Nous n’avons pas tous le même rendement. Les ajustements structuraux se poursuivront pendant plusieurs années sous la surface. C’est tout simplement le reflet de la diversité de notre économie, à savoir que les choses ne bougent pas toutes au même moment. Dans l’ensemble, nous sommes plutôt encouragés, certainement plus que nous l’étions la dernière fois que nous avons témoigné ici.
À propos de la congestion dont j’ai parlé dans ma déclaration liminaire, nous pensons essentiellement que la capacité ferroviaire limitée était surtout attribuable aux conditions météorologiques. Pendant l’hiver, les trains se déplaçaient plus lentement et en remorquant moins de wagons. Les produits se sont donc accumulés, surtout dans le secteur agricole, et n’ont toujours pas été livrés. C’est également le cas dans d’autres industries comme les industries chimiques, qui dépendent beaucoup du réseau ferroviaire. C’est la partie du problème que nous considérons comme temporaire. À mesure que le temps s’améliore, la vitesse des convois accélère, et ces arriérés seront réglés, espérons-le, au cours du deuxième trimestre, peut-être pas plus tard que cet été. Quoi qu’il en soit, c’est temporaire d’un point de vue macroéconomique.
La question de la capacité des oléoducs est complexe. Nous sommes tous au courant du dossier, et c’est une question délicate. Je ne veux pas trop me prononcer à ce sujet. Ce n’est vraiment pas notre domaine, mais sur le plan macroéconomique, l’aspect le plus important est l’incapacité des oléoducs à répondre aux besoins des producteurs canadiens des champs de pétrole marginaux, la nouvelle source d’approvisionnement. En effet, lorsqu’ils n’arrivent pas à obtenir de droits engagés, ils se tournent vers d’autres moyens de transport, souvent le train. On parle même de camions pour continuer d’acheminer le produit, et ils obtiennent évidemment un prix moins élevé. C’est ce prix qui compte au moment d’envisager de nouveaux projets. On ne prévoit donc pas de hausse des investissements dans le milieu d’ici à ce que la situation évolue.
Dans nos prévisions, nous prenons toujours un prix constant du pétrole tout simplement parce qu’il est très risqué de choisir des prix. En fonction de ce prix constant, qui est considérablement plus faible que celui du West Texas Intermediate, le WTI, notre modèle nous indique qu’il n’y aura pas de nouveaux investissements à partir de maintenant, que le niveau d’investissement sera fixe. Il y en aura encore, mais ils n’augmenteront pas. Je tiens à ce que ce soit bien clair.
Il y a eu d’importants investissements en 2017, surtout pendant le deuxième trimestre lorsque les activités ont repris, et les investissements ont maintenant diminué au cours du premier trimestre. C’est une des raisons pour lesquelles la croissance est plus faible pendant le premier trimestre. La question de savoir ce que nous coûte chaque jour la capacité limitée des oléoducs suscite un vif débat. C’est très compliqué, et je crois que nous ne devons pas penser que ces estimations sont simples à effectuer.
Environ la moitié de la production au Canada n’est pas à l’abri de ce prix inférieur. C’est du pétrole lourd, bien entendu, mais certaines entreprises ont toute l’infrastructure nécessaire en amont et en aval, et elles y sont donc moins exposées. D’autres ont des droits engagés pour le transport par oléoducs, et il arrive parfois que le manque soit comblé en payant un transporteur canadien. Donc, encore une fois, cela reste en partie dans l’économie canadienne, mais ce n’est pas la société pétrolière qui en profite. Comme je l’ai dit, c’est une question très compliquée. Pour nous, c’est surtout l’avenir qui compte, l’effet des investissements.
La sénatrice Wallin : Merci à vous deux d’être ici. Ma question porte sur le passage suivant, à la page 23 :
La diminution continue de la part canadienne des importations américaines de biens non énergétiques n’a pas ralenti malgré la dépréciation du dollar canadien ces dernières années et témoigne des défis sur le plan de la compétitivité auxquels sont encore confrontés certains exportateurs canadiens […]
Au pays, nous avons eu, et vous aussi, une aide financière indirecte, de l’argent vite gagné. La compétitivité est au point mort. Que proposez-vous, mis à part le changement de ces deux autres approches?
M. Poloz : Dans cette observation, nous essayons de comprendre le piètre bilan en matière d’exportations.
Je pense qu’il est important de comprendre, tout d’abord, que la part de marché dont nous parlons ici, la part canadienne des importations américaines, diminue depuis très longtemps. Ce n’est pas un phénomène récent. C’est surtout à cause de la forte croissance de la part de la Chine, mais aussi de celle d’autres pays.
Pour ce qui est des problèmes de compétitivité, nous sommes surtout au courant de ce que nous disent les entreprises dans le cadre de notre enquête et de discussions. Mme Wilkins pourrait peut-être passer en revue une partie de ce que nous avons appris ainsi.
Carolyn A. Wilkins, première sous-gouverneure, Banque du Canada : Nous recourons à différents moyens pour échanger avec les entreprises, y compris notre Enquête sur les perspectives des entreprises, mais il y a aussi des réunions bilatérales et multilatérales. Les commentaires des gens du milieu des affaires que nous recueillons au fil du temps sont uniformes. Cela dépend un peu de l’industrie, mais les thèmes communs se rapportent aux coûts d’exploitation, que ce soit pour l’électricité et la paperasse, ou à cause de l’incertitude associée à l’obtention d’un permis et au temps consacré à ces démarches avant de pouvoir tirer parti de son investissement.
Bien entendu, depuis quelque temps, il y a l’incertitude liée à l’accord commercial avec les États-Unis, l’ALENA. Les entreprises nous disent qu’elles sont très positives quant à la nécessité d’investir, et on le voit dans nos chiffres, mais même s’il y en a quelques-unes qui disent qu’elles iront de l’avant si c’est au pays, car d’autres le font, il y en a beaucoup d’autres qui disent qu’elles attendront ou qu’elles investiront plutôt aux États-Unis, surtout si elles sont déjà présentes là-bas.
Un certain nombre de facteurs freinent l’investissement. Si, en plus, on n’investit pas dans de nouvelles capacités et si la demande existe là, aux États-Unis, impossible d’y répondre, faute de capacités. Un autre problème provient des pénuries locales de main-d’œuvre. Vous pouvez voir dans l’un des graphiques du Rapport sur la politique monétaire que beaucoup de ces entreprises et secteurs exportateurs qui vont bien se situent en fait près des moyennes historiques de leurs capacités. Donc, normalement, ce serait le temps d’investir. Les données montreront dans quelle mesure cela se matérialisera.
Dans les secteurs non énergétiques, nous avons des investissements dans notre collimateur. Ils sont inférieurs à ce qu’ils auraient été, dans un contexte différent, en grande partie à cause de l’incertitude touchant l’ALENA.
Le sénateur Tkachuk : Soyez le bienvenu, monsieur le gouverneur. Dans un discours, il y a quelques mois, vous avez dit :
Si le taux d’activité des hommes dans la force de l’âge est de 91 p. 100, celui des femmes n’est que de 83 p. 100.
Selon les données historiques, cet écart peut rétrécir. Pensons au Québec, où, il y a 20 ans, le taux d’activité des femmes dans la force de l’âge atteignait environ 74 p. 100. Le gouvernement provincial a alors recensé les obstacles empêchant les femmes d’intégrer le marché du travail et a pris des mesures pour les réduire, notamment en réduisant le coût des services de garde et en élargissant les dispositions relatives au congé parental […] Aujourd’hui, le taux d’activité des femmes dans la force de l’âge se situe autour de 87 p. 100 au Québec.
C’est une différence de 4 p. 100 par rapport à la moyenne nationale.
Vous avez ensuite dit :
Si l’on pouvait juste porter le taux d’activité des femmes de 25 à 54 ans du reste du pays au niveau de celui du Québec, cela ferait déjà croître de près de 300 000 personnes la population active du Canada. Le récent budget fédéral introduit un certain nombre de mesures dans ce sens.
Cela me semble avaliser implicitement le plan du gouvernement Trudeau qui, vous l’avez dit, a stimulé l’économie. Ailleurs, on vous a entendu appuyer les dépenses du gouvernement qui creusent délibérément le déficit hors récession quand vous nous avez à peu près conseillé de ne pas nous inquiéter des déficits pour le moment. Vous avez aussi appuyé les dépenses consacrées aux infrastructures. Comme Terence Corcoran l’a écrit : « La classe politique peut désormais considérer Poloz comme une autorité indépendante qui approuve les déficits d’Ottawa et les grosses dépenses des fonds de retraite dans les infrastructures en passant par l’argent consacré au programme de garde des enfants de l’Ontario ».
Autant que je sache, monsieur le gouverneur, votre travail est de cibler l’inflation, la politique monétaire et, surtout, il faut qu’on ait confiance dans l’indépendance de votre fonction. Et je pense que vous risquez de dévier un peu de votre mandat en faisant ces déclarations et en créant l’impression que vous êtes un peu trop proche du gouvernement au pouvoir.
M. Poloz : Je suis désolé, mais y a-t-il une question?
Le sénateur Tkachuk : C’est la question; je voudrais entendre vos commentaires. Je pense que vous allez trop loin.
M. Poloz : Je suis heureux de répondre, et faites-le aussi, si vous avez quelque chose à ajouter.
Notre travail, comme vous dites, consiste à cibler l’inflation. À cette fin, nous devons comprendre l’évolution de l’économie. Nous ne pouvons donc pas, notamment, faire fi des effets de la politique financière. Par exemple, quel est l’effet de la participation au marché du travail? Dans quelle mesure les nouvelles politiques influent-elles sur cette participation? Il faut des réponses à ces questions très objectives pour faire notre travail. Nous n’hésitons donc pas à discuter publiquement de l’effet de ces facteurs sur les perspectives économiques et, par conséquent, de leur intervention dans notre processus de décision.
Il serait singulier que je fasse fi de la politique financière, par exemple, en essayant de comprendre comment l’économie se comportera dans les quelques années à venir relativement à notre objectif d’inflation. Nos modèles doivent l’intégrer.
Revenons à votre citation. J’aurais avalisé un plan du gouvernement. J’ai plutôt calculé ses impacts sur l’économie et son écart, par défaut ou excès, par rapport à l’objectif fixé pour l’inflation. Il ne sert qu’à cela.
Alors, si l’Allocation canadienne pour enfants a fait augmenter de près de 1 p. 100 le PIB du Canada dans la première année, c’est ce que je crois avoir dit — 0,5 p. 100, la première année —, c’est un facteur important dans notre compréhension de l’économie. Je ne donne pas mon soutien, mais je fais une observation sur exactement le rôle que nous croyons que l’allocation joue.
Même chose pour les infrastructures, dont l’effet se fait sentir plus lentement qu’on l’a d’abord annoncé, mais qui exerce néanmoins un impact sur l’économie. Il est important de les inclure. Il serait bizarre de ne pas en tenir compte. Les gens ont le droit de comprendre comment tous ces facteurs interagissent.
Je pense, vu que notre analyse privilégie l’offre économique du Canada, notre capacité, que, bien sûr, cela obéit à une combinaison de l’investissement et de la croissance du marché du travail. À long terme, c’est une valeur relativement faible. Nous l’avons désormais relevée à une croissance tendancielle de 1,8 p. 100. Il y a quelques mois, le taux était d’à peine 1,4 ou 1,5 p. 100. C’est donc une augmentation par rapport aux données les plus récentes de Statistique Canada, ce qui n’est pas très bon, mais qui reste inférieur, tendanciellement, à 2 p. 100.
Comment corrigerions-nous cette ligne de tendance? La politique monétaire n’y joue aucun rôle, elle est incapable de la corriger. Comment la modifier? Une façon significative serait d’augmenter la représentation de divers groupes sur le marché du travail, mais l’écart le plus important entre la participation actuelle au marché du travail et un taux éventuel révélé par des développements précis dans des marchés particuliers découle des femmes.
Une observation faite dans ce discours visait à montrer les possibilités économiques offertes par différents ensembles de politiques structurelles. Le Québec offre un exemple de l’augmentation possible du marché du travail. Par extrapolation à l’ensemble du pays, un taux semblable d’augmentation entraînerait la création de 300 000 emplois, soit, comme par magie, l’équivalent de deux années de croissance.
Bien sûr, les médias sont libres de voir des appuis dans ces observations. Comme vous pouvez le constater, je rejette très catégoriquement leur interprétation, parce que je prends bien soin d’éviter de me comporter de la sorte. J’espère donc que vous nous écoutez plutôt que Terence Corcoran.
Le sénateur Tkachuk : Je vous écoute bien. Encore une question. Je pense que j’en ai deux?
Le président : Au prochain tour, mais ne perdez pas le fil.
Le sénateur Marwah : Soyez le bienvenu, monsieur le gouverneur. Dans votre rapport sur la politique monétaire, vous avez esquissé divers risques pour les perspectives économiques, et je pense, le retour du protectionnisme, les incertitudes causées par l’inflation et la sensibilité de l’économie aux taux d’intérêt, mais vous en dites très peu sur le dollar canadien. Dois-je en conclure que vous êtes heureux du poste de négociation où il se trouve maintenant?
L’une des conséquences de l’augmentation des taux aux États-Unis est l’écart qui augmente entre les taux canadiens et américains. Nous soumettons le dollar à des pressions par les goulots d’étranglement énergétiques. Est-ce que cela vous inquiète? Ou, au contraire, avez-vous l’impression que c’est seulement un sous-produit de vos autres politiques, puis advienne que pourra?
M. Poloz : C’est un autre sujet sur lequel nous n’exprimons jamais notre satisfaction ou notre déception. En fait, nous essayons d’expliquer, au mieux de notre capacité, les comportements observés.
Le fait marquant des cinq ou six dernières années est la baisse des prix du pétrole, qui sont passés d’environ 100 $ à quelque chose comme 60 $, disons, pour le WTI, 65 $, dernièrement. Voilà donc le principal facteur de la dépréciation du dollar, qui est passé de la parité à quelque chose comme 75 ou 80 cents; il fluctue dans ces parages. À court terme, toutes sortes de facteurs influent quotidiennement sur le dollar, par exemple les différences entre les taux d’intérêt, comme vous dites, et, ce qui est important, les attentes à l’égard de ces différences, peut-être plus encore que les différences réelles.
Nos modèles n’éprouvent donc aucun problème à expliquer les fortes fluctuations du dollar comme je viens de les décrire, qui deviennent simplement un intrant dans notre analyse de l’économie.
Pour la compétitivité, des renseignements supplémentaires sont peut-être nécessaires. Un économiste ramènerait habituellement les coûts d’exploitation d’une entreprise en coûts unitaires de main-d’œuvre ajustés en fonction du taux de change pour déterminer s’il en coûte plus, ou moins, pour fabriquer un produit au Canada qu’aux États-Unis, par exemple. C’est une comparaison un peu simpliste, parce que, habituellement, un troisième pays concurrent vient toujours la compliquer, mais, surtout, la compétitivité est une notion beaucoup plus large, comme le disait Mme Wilkins. Elle ne se résume pas seulement au coût de la main-d’œuvre et, par conséquent, au taux de change qui en change la valeur; elle englobe tous les intrants de la liste comme l’électricité, la paperasse, la réglementation, tous ces éléments du calcul. Ils varient d’une entreprise à l’autre. Ce n’est pas un concept de macroéconomie, mais de microéconomie. Vous voulez intervenir?
Mme Wilkins : Seulement pour ajouter la notion de temps, quand il s’agit de la compétitivité. Les fluctuations du dollar, dans un calcul, font voir une différence dans le comportement des coûts unitaires de la main-d’œuvre au Canada par rapport à ceux des États-Unis. Bien sûr, ce sera visible. Toutefois, au quotidien, ce n’est pas ainsi que pense l’entreprise. Elle pense aux tendances à long terme du taux de change ainsi qu’aux perspectives à long terme du climat de concurrence. À quoi ressemble le climat des investissements? En fait, la décision ne se prend pas quotidiennement. Souvent, les mandats d’investissement ou de production, particulièrement dans les grandes sociétés, sont quinquennaux ou décennaux.
Donc, le comportement du dollar à plus court terme, par rapport aux tendances à plus long terme touchant les pays importateurs de tels produits ou services, est, à mon avis, davantage une question structurelle à long terme que toute fluctuation quotidienne du dollar, ce qui en dit long sur les perspectives à long terme du dollar canadien.
Le sénateur Wetston : Merci d’être ici. Je me suis un peu amusé avec votre calculateur. Vous savez celui de la Banque du Canada, qui est assez sympa? J’ignore si vous l’avez essayé, mais il est assez intéressant. Par contre, j’ai une question plus intéressante.
J’ai remarqué qu’un panier de produits et de services qui valait 100 $ en 2016 en vaudrait aujourd’hui, en 2018, 103,91 $. Je n’ai pas la date précise. Le taux de variation est de 3,91 p. 100. Je pense que c’est assez spectaculaire, en deux ans, mais c’est peut-être subjectif.
Si j’en parle, c’est que, visiblement, la lutte contre l’inflation est un rôle important, déterminant, de votre banque. J’ai examiné les risques entourant les perspectives d’inflation que vous énumérez à la fin de votre rapport, et je pense qu’il y en a cinq. Je les trouve intéressants, et je suis sûr que vous pourriez le faire, mais, de mon point de vue, je ne vois pas comment vous les pondérez. Comment le faites-vous d’une façon particulière? Pourrais-je leur accorder un taux constant de 20 p. 100 pendant ce processus? Est-il même possible de le faire comme un risque pour vos perspectives d’inflation?
M. Poloz : C’est plus complexe, malheureusement, et cela ne touche vraiment qu’un petit nombre de tous les risques possibles dont le prévisionniste tient compte et que nous essayons de comprendre.
Nous essayons de mettre en relief ceux qui sont les plus visibles sur ce plan, en les examinant à tour de rôle, pour montrer l’ambivalence de certains d’entre eux, que nous avons essayé de tirer au clair. Des risques jouent donc sur les deux membres de l’équation.
Parlez de vos préférés.
Mme Wilkins : C’est très intéressant. Je souris parce que nous en parlons beaucoup. Ces risques représentent simplement l’incertitude qui entoure nos perspectives. Nous avons révélé ce que nous croyons être le plus probable puis, en guise de conclusion, nous affirmons que, en réalité, ces gros risques pourraient agir différemment, la difficulté, quand on fait la part des choses, c’est qu’on serait très subjectif.
Je pense qu’une difficulté plus importante découle du fait que ces risques ne surviennent pas d’eux-mêmes. Certains sont comme déjà ici. On peut, par exemple, concevoir qu’un ralentissement économique aux États-Unis pourrait interagir avec le risque touchant le marché de l’habitation. D’autre part, vous pouvez croire que si les esprits animaux s’éveillent aux États-Unis, ils augmenteront d’autres risques au Canada. Voilà pourquoi nous examinons les scénarios sous le prisme de notre cadre de gestion des risques. Dans quelle position voulons-nous nous retrouver si le monde évolue dans telle ou telle direction? Cela peut nous conduire à des décisions qui modifieront le rythme de réalisation de nos plans ou nous confirmer que c’est maintenant le moment d’agir.
Cela peut sembler technique, mais, à ces risques, nous appliquons notre jugement dans notre cadre de gestion des risques.
La sénatrice Ringuette : Monsieur le gouverneur, veuillez comprendre que le Sénat, dans ses 150 années d’existence, ne s’est pas encore donné un comité permanent des ressources humaines pour discuter de façon éclairée de ces questions. Cela étant dit, je fais partie de ce comité depuis plus de 12 ans, et nous avons entendu vos prédécesseurs et ainsi de suite.
Pour la première fois, j’entends parler de goulots d’étranglement dans les transports. Plus tôt, vous avez parlé de trains et d’oléoducs. Qu’en est-il des routes, des ponts, des aéroports, des ports maritimes et des passages frontaliers? Quel est le niveau de détail de vos données sur la cause de ces goulots d’étranglement? En fin de compte, il est question, pour la prochaine décennie, d’investissements d’un milliard de dollars.
Quel est donc le niveau de détail des données dont vous disposez sur cette gêne pour notre économie?
M. Poloz : Eh bien, je pense que toute infrastructure qui se révèle insuffisante limite notre croissance et notre capacité de faire croître notre économie, et c’est la raison pour laquelle il est assez facile pour un économiste ou pour le directeur d’une banque centrale d’affirmer que l’augmentation des infrastructures favorisera la croissance de l’économie. Cela ne s’explique pas seulement par les dépenses consacrées aux emplois, par la création d’infrastructures, mais plutôt par le résultat qui facilite la croissance de telle ou telle entreprise.
La sénatrice Ringuette : Mais vous parlez de goulots d’étranglement. Il y a donc des priorités.
M. Poloz : Nous n’avons pas de données micro détaillées à cet égard. Dans les faits, nous avons observé, dans le cycle qui vient de se terminer, que les exportations dans plusieurs catégories avaient beaucoup diminué par rapport aux prévisions. On peut donc s’interroger et découvrir ce qui se passe. La réponse immédiate de Statistique Canada est que, en fait, les grains étaient bloqués, à cause du mauvais temps, et nous savons que les trains se déplaçaient plus lentement. Un récit commence à prendre forme. Nous la confirmons par notre enquête et par des conversations avec les entreprises qui sont en relation avec nous.
Cela devient donc un récit sur les goulots d’étranglement. Ils nous aident à observer… D’accord, cela explique pourquoi il y a eu une telle faiblesse et cela signifie que nous pouvons être sûrs que ce n’est pas fondamental et que cela ira en s’améliorant si les goulots d’étranglement s’ouvrent. Par contre, les goulots d’étranglement des pipelines exigent l’augmentation des capacités pour se relâcher. Ce n’est pas comme le mauvais temps qui ralentit les trains.
Dans ces deux domaines, nous possédons des renseignements anecdotiques fournis par les entreprises qui correspondent avec nous. Nous les traduisons et les intégrons dans notre récit macro, mais nous ne possédons pas de données micro sur la fourchette de goulots d’étranglement dont vous parlez. Tout s’éclaire si les données semblent bizarres d’une certaine manière et si nous les interrogeons plus en profondeur.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Je vous poserai des questions techniques comme mes collègues l’ont fait. Je tiens à vous féliciter de la façon dont la politique monétaire est dirigée. Elle est alignée sur le mandat qui figure dans le préambule de la Loi sur la Banque du Canada. On dit que la politique monétaire « doit être conduite de façon générale pour favoriser la prospérité économique et financière du Canada ».
Depuis 1991, vous ciblez particulièrement les taux d’inflation. Pour l’instant, la conduite de la politique monétaire semble aller de pair avec la vigueur du marché du travail et la réduction du taux de chômage. Dans vos modèles actuels, la courbe de Phillips qu’on utilisait pour gérer la politique monétaire est-elle plate? La sensibilité de la baisse du taux de chômage à l’Indice des prix à la consommation est très réduite. Peut-on espérer que cela se maintienne?
M. Poloz : C’est une excellente question, et vos commentaires me vont droit au cœur. D’abord, nous avons confiance dans nos modèles d’inflation. Il s’agit d’une courbe de Phillips traditionnelle. Elle est peut-être plus plate qu’auparavant, cela est fort possible. En même temps, il est difficile de déterminer si c’est vraiment une courbe. C’est plutôt un graphique linéaire. Il y a des évidences concernant la courbe de Phillips des salaires. Il y a une courbe, mais elle est moins évidente dans le contexte de l’inflation.
Selon nous, il s’agit d’un risque d’inflation qui peut s’accélérer légèrement. Bien entendu, pour le moment, l’économie est près de son plein potentiel. L’an dernier, nous étions plus nerveux concernant les prévisions inflationnistes parce que nos mesures spéciales étaient en dessous de la cible. Elles étaient presque à 1,2 ou 1,3, et cetera.
Nous avons analysé très attentivement ces données et nous avons conclu que c’est temporaire. On peut expliquer parfois les choses temporaires. Il y a un taux d’inflation. Nous avons tenté d’autres hypothèses. Nous n’avons pas trouvé de preuves pour d’autres hypothèses. Enfin, pour les prévisions de 2018, nous souhaitions avoir un taux d’inflation de 2 p. 100. Ce sont les modèles que nous avions établis dans nos prévisions. Comme je l’ai mentionné dans mon introduction, nous avons gagné plus de confiance durant cette période.
Voulez-vous ajouter un commentaire?
Mme Wilkins : Non, vous avez bien répondu.
[Traduction]
La sénatrice Unger : Merci d’être ici. Je me demande si vous modélisez des problèmes comme le suivant, et je cite Tim McMillan, président et directeur général de l’Association canadienne des producteurs pétroliers :
Nous avons aujourd’hui, dans le monde, la réputation d’un pays qui ne peut pas terminer ce qu’il entreprend. Je rencontre certains de nos membres, des entreprises étrangères et d’autres, pour qui le Canada serait un lieu possible d’investissement, et ils me feront remarquer que notre pays n’arrive pas à réaliser ses projets.
Je suis d’accord avec ce que dit le sénateur Tkachuk, car cela semble cadrer avec les politiques du gouvernement actuel. Le projet Northern Gateway a été annulé après qu’il eut été approuvé. Le projet Énergie Est a été annulé avant même que le processus réglementaire ait été commencé et à la suite des commentaires formulés par le conseil d’évaluation en matière d’énergie. Le projet d’usine de GNL, dans le nord-ouest du Pacifique, a été annulé. Le projet Aurora GNL… La liste est longue.
Dans votre document, vous dites également : « Les investissements dans les nouveaux projets sont freinés par la perte de compétitivité […] », mais que « […] la Banque prévoit que les investissements diminueront en 2018 et qu’ils resteront à peu près stables par la suite. »
Donc, vous avez fait une croix sur les industries qui ont été le moteur économique du pays pendant plus d’une décennie?
M. Poloz : Si vous me le permettez, je vais répondre à la dernière partie de votre question, car c’est une question importante, et évidemment, la réponse est non. Ce que nous faisons dans le cadre de notre perspective, c’est de dire qu’avec les rabais dont jouissent actuellement les sociétés d’énergie et producteurs de pétrole, il est peu probable qu’il y ait une augmentation des investissements dans ce secteur. Toutefois, ce secteur continue d’apporter une contribution importante à l’économie. Bien entendu, il y aura des investissements en entretien, mais il est peu probable que de nouveaux projets voient le jour avec ce genre de prix.
Les commentaires que vous citez ne concernent pas uniquement le secteur de l’énergie. Nous entendons ce genre de commentaire de la part des entreprises avec lesquelles nous nous entretenons. Nous n’ignorons certainement pas la situation, mais il est plus difficile de l’inclure dans les prévisions et, par conséquent, d’effectuer l’analyse nécessaire pour en tenir compte, car ce n’est pas le genre d’information que l’on recherche. Il ne s’agit pas de données. C’est plutôt un sentiment. Nous pouvons vous expliquer un peu plus en détail le processus que nous utilisons pour officialiser ces anecdotes.
Mme Wilkins : Nous effectuons une analyse plutôt détaillée de différents secteurs d’exportation, car il existe certains facteurs communs dans leurs préoccupations économiques, que ce soit en matière d’investissement ou de rendement à l’échelle internationale, mais il y a également d’autres facteurs propres à chaque industrie.
Nous avons déjà parlé abondamment du secteur de l’énergie. Je dirais que c’est dans des secteurs autres que le secteur de l’énergie que nous anticipons une certaine croissance de l’investissement au cours de la période de projection et cela découle du fait que de nombreuses industries, à la foi des industries nationales et des industries axées sur l’exportation, fonctionnent à plein rendement. Elles ont déjà tous les incitatifs pour investir, et elles nous le disent. Ce que j’ai dit plus tôt, c’est que nous avons tout de même revu nos prévisions à la baisse par rapport à nos modèles, car il faut également tenir compte de leur capacité à obtenir un rendement du capital investi. Donc, en ce qui a trait au progrès, une des choses que disent les entreprises, par exemple dans le secteur des pêches ou minier, c’est que le moment choisi pour faire approuver un projet, par exemple, et obtenir les permis nécessaires est important en raison du taux de rendement possible comparativement à ailleurs dans le monde. Ce sont des informations que nous prenons en considération et nous nous fions à notre jugement. Il n’existe aucun modèle pour cela, mais nous examinons plusieurs secteurs différents.
Je dirais que le secteur des services, notamment les services de TIC, se porte relativement bien. Il est donc très important de ne pas mettre dans le même panier toutes les industries axées sur l’exportation.
La sénatrice Unger : Le gouverneur n’a pas vraiment répondu à ma première question, qui était, à mon avis, plus importante. Je disais que le Canada n’a plus une bonne réputation en matière d’investissement, car nous ne sommes pas en mesure d’accomplir le travail.
M. Poloz : Je peux vous confirmer que ce sont des choses que nous disent les entreprises dans le cadre de nos sondages. Mme Wilkins vous a expliqué comment nous essayons de tenir compte de cette information pour établir nos perspectives en matière d’investissement pour l’économie. Nos prévisions pour les investissements canadiens sont beaucoup moins élevées qu’elles ne le seraient sans ces facteurs. Le facteur qui revient le plus souvent, c’est l’incertitude qui entoure la renégociation de l’ALENA. Il s’agit d’une crainte très répandue. Cependant, il y a aussi les goulots d’étranglement, les processus d’approbation et l’incapacité à faire approuver des projets, notamment.
Donc, cela résume le risque associé au permis, disons. Les gens en parlent. Nous avons tenté de saisir ce sentiment, mais, même en tenant compte de tout cela, le secteur des affaires continue d’entretenir un sentiment très positif en matière d’investissement. Tout ce que nous disons, c’est que ce sentiment n’est pas aussi fort qu’il le serait sans ces questions et que ce sont toutes les données que nous avons.
Le président : Si vous me le permettez, monsieur le gouverneur, avant d’amorcer notre deuxième série de questions, j’aimerais vous poser une question. Bien entendu, j’ai lu avec intérêt votre déclaration du 18 avril et il y a une chose que je ne comprends tout simplement pas. Je sais que vous pourrez m’éclairer. Vous dites dans cette déclaration, comme vous l’avez répété aujourd’hui, que de nombreuses entreprises fonctionnent à plein régime ou au-delà de leur capacité, mais qu’en raison de l’incertitude entourant la renégociation de l’ALENA, comme vous l’avez souligné, des goulots d’étranglement et de la pénurie de travailleurs qualifiés, dont vous avez également parlé, elles hésitent à investir dans de nouvelles capacités. Vous dites également :
Cette réticence à prendre de l’expansion contribue pour sa part à limiter la croissance de nos exportations.
Il est impossible que cette situation représente un changement structurel au sein de l’économie canadienne, et la résolution de cet enjeu dépasserait la compétence de la politique monétaire.
Que voulez-vous dire?
M. Poloz : C’est une excellente question. Dans la première partie concernant les exportations, nous présentons une situation où, en raison des contraintes en matière de capacité et des incertitudes avec lesquelles les entreprises doivent composer, la croissance en matière d’investissement et des exportations est limitée par une sorte de plafond, semble-t-il pour la même raison sous-jacente. De nombreuses conversations avec les entreprises viennent confirmer cette information.
Pour savoir comment croît l’économie, on calcule la consommation plus les investissements et les exportations. Si les investissements et les exportations stagnent pour une raison quelconque, cela entraîne deux conséquences, pas seulement une. Lorsque cette situation survient, nous l’interprétons comme étant une baisse de la demande comparativement aux prévisions. Si la demande baisse comparativement aux prévisions, cela ferait normalement baisser le taux d’inflation. Autrement dit, il y a un risque à la baisse des perspectives de l’inflation, comme c’est le cas en ce moment, et ce serait un argument pour expliquer pourquoi les taux d’intérêt devraient être plus bas qu’ils ne le sont actuellement ou même rester au niveau où ils sont plus longtemps que prévu. C’est ce qui nourrit la décision stratégique.
La deuxième ligne sert en quelque sorte à lancer un avertissement selon lequel si la situation persiste pour une longue période, il y aura non seulement un impact sur la demande, mais également sur l’offre. Donc, dans la mesure où les entreprises ne réinvestissent jamais comme elles l’avaient prévu, le potentiel du Canada sera moins élevé que les prévisions. Donc, la combinaison d’une baisse de la demande et de l’offre aurait des répercussions ambiguës sur les perspectives de l’inflation. Il pourrait même n’y avoir aucun impact, mais il faudrait beaucoup d’analyses pour deviner quel serait l’impact net. L’important, c’est que, s’il y a un changement structurel, l’économie aura fondamentalement rétréci en raison d’une baisse de l’investissement dans la capacité et la même raison expliquera la baisse de la demande. Au bout du compte, il n’y a aucun impact sur les perspectives de l’inflation, ce qui signifie qu’il ne s’agit plus d’un problème pour la cible de l’inflation. Donc, ce n’est pas la politique monétaire qui serait modifiée pour réagir à la situation, puisque la cible de l’inflation ne changerait pas. Il serait alors uniquement question de ce que l’on appelle des politiques structurelles, soit les enjeux concurrentiels qui mènent à ces décisions.
Le président : Ce que je retiens de tout cela, c’est que notre économie risque de ralentir.
M. Poloz : La croissance de l’économie serait moins élevée que prévu. L’économie ne serait pas nécessairement à la baisse, mais, oui, par rapport aux perspectives à long terme, la croissance potentielle, que nous avons établie à 1,8, pourrait s’établir à 1,6, par exemple, en raison de tels changements. Cela voudrait dire que les perspectives de l’inflation ne seraient pas vraiment touchées, car l’offre et la demande seraient toutes les deux à la baisse en même temps.
Le président : Merci beaucoup, gouverneur. Le plaisir se poursuit. Nous allons maintenant amorcer notre deuxième série de questions.
La sénatrice Wallin : J’aimerais parler des dettes et des déficits et de la récente déclaration de l’ancien directeur parlementaire du budget selon laquelle la dette pour laquelle nous devons payer des intérêts atteint maintenant, pour la première fois, 1 billion de dollars pour une économie de 2 billions de dollars. Est-ce que cela vous inquiète?
M. Poloz : Vous voulez parler de la dette financière?
La sénatrice Wallin : Oui.
M. Poloz : Je ne vais pas m’exprimer de façon positive ou négative au sujet de la dette, mais je vais vous expliquer comment celle-ci fonctionne dans l’économie. Selon les normes internationales, la dette fédérale est plutôt modeste. Cela ne change rien à l’arithmétique à laquelle vous faites référence, soit qu’un taux d’intérêt plus élevé signifie que l’on doit augmenter le service de la dette. L’autre façon de voir la situation, c’est qu’en raison des faibles taux d’intérêt, il a été plus facile au cours des 10 dernières années d’assurer le service de la dette. Si, comme nous le prévoyons, les taux d’intérêt reviennent à la normale, le service de la dette augmentera à un niveau semblable à ce que nous avons connu par le passé.
La dette fédérale s’élève à environ 30 p. 100 du PIB, ce qui, comparativement à d’autres pays, est plutôt modeste et j’ajouterais que si l’économie ralentie, nous avons une marge de manœuvre financière.
Le sénateur Tkachuk : J’aurais une question complémentaire à vous poser. Si je ne m’abuse, en 2014 la croissance du PIB était de 2,6 p. 100; en 2015 elle était de 0,9 p. 100; en 2016 elle était de 1,5 p. 100; et, enfin, je crois que l’an dernier elle était d’environ 3 p. 100. Selon vos prévisions, pour cette année elle sera de 2 p. 100 ou moins. Pendant ce temps, le gouvernement finance par voie de déficit.
Quelle partie de tout cela attribueriez-vous à ce que vous considérez être des politiques positives de financement par voie de déficit? Autrement dit, si le gouvernement n’avait pas dépensé cet argent et qu’il avait équilibré le budget, est-ce que cela aurait eu un impact important sur la croissance? Est-ce que la croissance serait à ce point différente?
M. Poloz : Oui, absolument. En 2016 — il faudrait que je me rafraîchisse la mémoire. Peut-être que Carolyn pourrait nous trouver nos prévisions de l’époque. Voici comment je regarde habituellement la situation. Étant donné le ralentissement de l’économie attribuable à la crise du prix du pétrole à la fin de 2014 et au début de 2015, vous vous souviendrez que nous avons baissé les taux d’intérêt en deux étapes jusqu’à 0,5 p. 100. Environ à la même époque, une mesure de stimulation a été introduite, soit l’Allocation canadienne pour enfants. Cela a entraîné une augmentation considérable de la consommation au pays.
Je ne voudrais pas refaire tous les calculs dans ma tête, mais je crois que cette mesure de stimulation nous a évité d’avoir à baisser davantage le taux d’intérêt — à zéro ou même plus bas. Vous vous souviendrez peut-être que, en 2016, dans le cadre d’une déclaration, j’ai expliqué l’impact que pourraient avoir sur l’économie canadienne des taux d’intérêt négatifs, une situation que nous ne voudrions jamais vivre, évidemment. Cela voudrait dire que notre économie est dans un piteux état. Heureusement, nous n’avons pas eu à aller jusque-là et la baisse des taux d’intérêt s’est arrêtée à ce niveau. Depuis, les taux d’intérêt ont augmenté.
Bien entendu, les choses changent et auraient changé différemment si la trajectoire financière et des taux d’intérêt avait été différente. Il faudrait effectuer une simulation de l’ensemble du modèle afin d’avoir une idée de la contre-hypothèse. Bien entendu, les taux d’intérêt auraient été modifiés différemment dans une économie plus faible et ils ne seraient pas restés au même niveau qu’ils le sont actuellement. C’est ce qui fait que la question est si difficile à répondre.
La sénatrice Ringuette : Il y a quelques années, le comité a mené une étude plutôt importante sur le phénomène du bitcoin. Nous avons conclu, notamment, qu’il s’agissait d’une technologie prometteuse. À l’époque, je me souviens que la Banque du Canada avait dit examiner comment elle pourrait se servir de cette technologie. J’aimerais savoir où en est la Banque du Canada sur cette question.
M. Poloz : C’est une excellente question. La bonne nouvelle, c’est que j’ai à mes côtés une spécialiste de renommée mondiale dans le domaine. Donc, à vous la parole.
Mme Wilkins : J’ignore quoi répondre à cela. Vous y allez un peu fort, mais merci.
Nous avions le même point de vue. Le bitcoin, c’est une chose, mais en raison de la technologie sous-jacente et des gains en efficacité possibles, de la sécurité accrue et de la résilience du système, c’est une technologie qu’il valait la peine d’explorer. Du point de vue de la Banque du Canada, étant donné le rôle que nous jouons dans les systèmes de compensation et de règlement des paiements, et le système financier en général, nous avions conclu que la meilleure approche pour nous était de procéder à des expériences directes, car c’est la meilleure façon d’apprendre exactement comment le tout fonctionne. Les gens parlent de chaînes de blocs, mais c’est davantage comme des livres; il y a différents volumes. À moins de lire attentivement quelques livres, on ne sait pas vraiment ce qu’il en est.
Nous avons déjà mené quelques expériences avec Paiements Canada et les six banques canadiennes afin de voir si ce système pourrait remplacer notre Système de transfert de paiements de grande valeur actuel, où tous les gros paiements sont effectués, avec quelques versions de technologies de registres distribués. Nous avons ensuite publié un rapport pour signaler que cela pourrait fonctionner et qu’un tel système pourrait satisfaire nos normes au fil des ans, mais aucune analyse de rentabilisation n’a été effectuée. Ce système n’était pas plus efficace que celui que nous avons et il y a beaucoup de questions relativement aux risques qu’il faudrait analyser.
Parallèlement, nous avons conclu qu’il serait peut-être plus avantageux de créer des processus de paiement là où il y a vraiment des manques d’efficacité. Notre Système de transfert de paiements de grande valeur actuel est déjà efficace. Toutefois, lorsqu’il est question du commerce et des valeurs mobilières — donc, vous achetez des actions et la transaction se règle en quelques jours et une tierce partie conserve votre argent pendant quelques jours. En passant, ces tierces parties font des profits sur votre argent. C’est ce qu’on appelle de l’argent flottant.
Nous avons pensé travailler avec le Groupe TMX pour examiner la possibilité d’avoir un système de livraison plutôt qu’un système de paiement. Donc, le paiement et la livraison se feraient le même jour grâce à une nouvelle version de ce système. C’est une possibilité.
Nous menons actuellement une autre expérience avec les autorités monétaires de Singapour dans laquelle nous examinons les paiements transfrontaliers. C’est un autre volet des paiements où il y a beaucoup d’intermédiaires qui touchent chaque fois leur part.
Le but de ces expériences, c’est d’apprendre et non de mettre en marché un produit. Toutefois, ces expériences portent leurs fruits à bien des égards, en ce sens que nous accumulons des connaissances et que nous aidons le secteur privé à comprendre quelles seraient les inquiétudes d’un joueur important comme une banque centrale dans le système financier.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Je vais vous amener ailleurs vers quelque chose de plus prospectif. En 2015, les Nations Unies ont adopté le Programme 2030, avec 17 objectifs dans les domaines environnemental, social et économique. Ces 17 objectifs sont interreliés. Si tous les pays participent simultanément à cette initiative, il y aura des investissements dans les énergies vertes, en éducation et en santé. Cependant, on ne sait pas ce que pensent les banques centrales de ce programme. C’est très optimiste, mais est-ce que les banques centrales essayeront d’accommoder ce programme ou mettront-elles plutôt le pied sur le frein?
M. Poloz : C’est une question intéressante. On accepte le monde comme il est. Peut-être que Mme Wilkins pourrait approfondir davantage la question.
Mme Wilkins : C’est un programme très important. Certains de ses objectifs se rapprochent de la mission de la Banque du Canada, soit de favoriser le bien-être économique et financier du Canada. Évidemment, nous faisons notre devoir tous les jours en matière d’inflation. En général, les gens croient que la notion de prospérité, c’est très loin. En fait, c’est la base de la stabilité économique et de la stabilité financière. Si on se penche sur la recherche en cours à ce sujet, on note que depuis que nous avons commencé à cibler l’inflation, l’économie est plus stable, et ce, même en tenant compte de la crise financière. Lorsque l’on subit une récession, ce sont les gens à faible revenu qui sont les plus touchés. C’est normal, parce que, habituellement, leurs emplois sont moins sûrs. C’est donc là une des façons dont nous apportons notre contribution de façon quotidienne.
Notre rôle en ce qui a trait à la stabilité financière est également très important, puisque nous apportons une contribution tant en partenariat avec le gouvernement fédéral qu’avec les provinces en ce qui touche la réglementation.
Une autre facette de notre travail peut sembler éloignée de notre mandat, mais elle est tout de même importante et elle concerne la distribution des revenus et ce qui pourrait arriver avec la numérisation et les changements dans le marché du travail. Il est certain qu’il ne relève absolument pas de notre mandat de nous occuper de la distribution des revenus, puisque cela relève des politiques du gouvernement et des élus. Cependant, il est toutefois très important que nous comprenions la nature de ces changements, puisqu’ils influent sur la performance économique, la sécurité financière, ainsi que la transmission de la politique monétaire. Nous menons donc des projets de recherche qui nous permettent de mieux comprendre ces enjeux.
Au début du mois de février dernier, j’ai d’ailleurs prononcé un discours dans le cadre du G7 pour parler des effets de la numérisation; comme vous le savez, il s’agit d’une des priorités du G7 cette année.
[Traduction]
La sénatrice Stewart Olsen : Je comprends que c’est un vrai jeu d’équilibre pour vous, et je ne suis pas convaincue que les Canadiens le comprennent. Vous dites depuis un certain temps maintenant que les taux d’intérêt vont augmenter. Je m’inquiète un peu du fait qu’en raison des faibles taux d’intérêt actuels, la dette des Canadiens atteint des niveaux plutôt élevés.
Je sais que vous ne pouvez pas me le dire, mais je vais lancer un avertissement et dire que ce serait peut-être une bonne idée d’être un peu plus ferme avec les Canadiens et de leur rappeler que les taux d’intérêt vont augmenter et qu’ils ne peuvent pas maintenir un tel niveau de dette personnelle.
C’est une question qui m’inquiète beaucoup.
M. Poloz : Vous avez tout à fait raison. C’est une question qui nous préoccupe beaucoup également. D’ailleurs, les taux d’intérêt hypothécaires peuvent augmenter même si la Banque du Canada maintient son taux directeur, car les taux d’intérêt augmentent ailleurs, notamment aux États-Unis. Le graphique par point est clair. Le marché des obligations agit à sa guise et nos taux d’intérêt hypothécaires sont plus étroitement liés à ces marchés qu’ils ne le sont aux taux à court terme sur lesquels la Banque du Canada a un certain pouvoir.
Il est vrai que les gens doivent être prêts à payer des taux d’intérêt supérieurs. C’est pourquoi le Bureau du surintendant des institutions financières a créé des tests de résistance pour les nouveaux prêts hypothécaires, de sorte que tout le monde soit admissible à un taux 2 p. 100 supérieur à celui qui sera réellement payé, que l’hypothèque soit assurée ou non. J’ai déjà dit publiquement que cette pratique me semble toujours être souhaitable pour quiconque, que ce soit obligatoire ou non. Pourquoi vouloir essayer d’échapper à cette règle alors que les taux d’intérêt risquent d’augmenter?
Comme nous l’avons annoncé il y a tout juste une semaine, nous sommes de plus en plus confiants. Tout d’abord, il y a six mois, nous craignions que l’inflation soit encore inférieure à la cible et que nos indicateurs ne soient pas au rendez-vous. Notre modèle disait que le taux devrait maintenant être à la hausse, et c’est arrivé. Cela nous a convaincus que nous y sommes et que l’économie est suffisamment près de son potentiel. C’est maintenant davantage une question de temps et du rythme auquel les taux d’intérêt évolueront vers des niveaux plus normaux.
Ce rythme sera bien sûr déterminé par les données et la performance de l’économie. Il est important que les gens comprennent qu’il y a bel et bien des risques à aller trop vite. Puisque les gens ont beaucoup de dettes, nous analysons attentivement la sensibilité de l’économie aux taux d’intérêt supérieurs. Nous avons les problèmes de capacité que j’ai mentionnés précédemment et l’incertitude de l’ALENA; nous sommes exposés à tous les risques que le sénateur Wetston a mentionnés.
Dans ce contexte, il existe cependant d’autres risques, comme le fait d’attendre trop longtemps. Si nous sommes trop lents, les pressions inflationnistes ont plus de chances de s’accentuer et, surtout, les risques en matière de stabilité financière, qui se rapportent à la dette, continueront de s’accroître dans les coulisses.
Ce sont donc des observations importantes, bien entendu. Pour revenir au début, c’est l’inflation qui nous intéresse puisque ces autres éléments sont essentiellement secondaires à notre objectif principal. Nous ne pouvons pas contrôler toutes les variables. C’est pourquoi les politiques macroprudentielles telles que le nouveau test de résistance ont été importantes; elles nous assurent que la stabilité ou la fragilité financière vont au moins dans la bonne direction à mesure que nous avançons.
Je sais que c’est beaucoup. Vous avez raison de dire que c’est une recherche d’équilibre; c’est exactement ce dont il s’agit. Ce sont tous des risques qui menacent notre économie. Si l’un d’entre eux se concrétise, nous pourrions atteindre ou rater notre cible d’inflation. C’est la mesure sommaire qui dicte à quel point vous devez prendre chacun au sérieux.
Parallèlement, tout est dans un même espace en ce qui a trait à la stabilité financière et à la cible d’inflation, du moins au stade du cycle économique auquel cela appartient plus ou moins — il reste encore quelques capacités à utiliser, mais nous sommes tout de même très proches de ce que j’appelle notre objectif. Autrement dit, les taux d’intérêt sont susceptibles d’augmenter et de contribuer à régler ces deux problèmes en même temps.
De plus, la dernière chose que nous voulons, c’est d’accroître un risque en matière de stabilité financière en agissant trop rapidement. Nous devons donc soupeser la question du rythme en cours de route.
Le sénateur Marwah : J’aimerais connaître votre point de vue sur de possibles enjeux émergents, et j’en mentionnerai trois. Le premier est la réglementation financière. Récemment, le président Trump a dit s’être engagé à faire une intervention très importante à la loi Dodd-Frank, et nous savons ce qui s’est passé avant l’adoption de cette loi et là où cela nous a menés.
Le Conseil de stabilité financière a mentionné dans son rapport annuel ses préoccupations concernant le système bancaire parallèle grandissant, et le rôle important qu’il a joué dans la transformation en une sorte de système fondé sur le marché. Je pense que la sous-gouverneure Wilkins a elle-même parlé de l’importance des mégadonnées et de la propriété intellectuelle, et je dois admettre que je partage son point de vue. Il est important d’y prêter attention, sans quoi cela représentera à long terme un risque pour le Canada.
Estimez-vous que certains de ces enjeux ou toute autre question sont importants pour le Canada, dans le contexte de la prospérité future du pays, ou s’agit-il simplement d’éléments périphériques dont nous ne devrions pas nous occuper?
M. Poloz : Non, ce sont des questions très importantes. Puisque Carolyn siège au Conseil de stabilité financière pour le Canada, je vais lui céder la parole à propos de la fin de votre question sur les activités bancaires parallèles et le reste.
Commençons par la réglementation financière et la possibilité d’annuler certains des progrès réalisés. Nous avons toujours su qu’une fois que nous aurions un accord international complet, qui est très récent — Bâle III —, nous entrerions ensuite dans la phase de mise en œuvre, de suivi et de réévaluation. C’est un ensemble complexe de changements qui sont mis en place dans tous ces pays. Chaque système financier est légèrement différent, mais il y a beaucoup de points communs en raison de la nécessité d’avoir des règles du jeu équitables.
Nous avons toujours su que lorsque nous parviendrions à ce stade, nous commencerions à observer le fonctionnement de leurs réformes ainsi que leur performance. Voilà qui nous donnerait l’occasion de revenir en arrière pour dire : « Nous avons eu une conséquence imprévue ici », ou « Nous n’attendions pas un tel résultat ». Nous pourrons ainsi modifier toutes les mesures dans la marge si le groupe ou le comité estime que c’est nécessaire.
Nous en sommes à cette étape. Je dirais que les propositions des États-Unis sont assez marginales. Ce ne sont pas des changements de fond. L’essentiel de l’accord demeure intact. À certains égards, les propositions rapprochent encore plus certains éléments du système bancaire européen. En d’autres termes, la loi adoptée n’est pas exactement la même. Il y a plus ou moins de principes acceptés, puis l’adoption peut être différente. Voilà qui peut entraîner des conséquences imprévues et nécessiter un retour en arrière.
Carolyn voudra peut-être commenter. Je simplifie probablement à outrance. Je doute que le choc soit important pour le système. Bien sûr, je ne veux pas que les choses aillent trop loin. Il a été difficile de conclure cette entente globale. Les principes demeurent intacts; nous ne voulons pas que l’entente s’effondre.
Pour ce qui est des services bancaires parallèles, Carolyn pourra commenter. Si vous voulez, vous pouvez corriger ce que j’ai dit à propos des rajustements américains.
Mme Wilkins : Eh bien, nous verrons de quoi il s’agira. Les rajustements portent sur des domaines comme la règle Volcker et certaines applications des règles aux petites banques. Bâle III devait s’appliquer aux banques internationales. Ce qui semble se produire, c’est que nous examinons quelles parties nous voulons appliquer à nos petites banques qui ne sont pas nécessairement internationales. Vous allez devoir attendre de voir ce qui se passera réellement.
En règle générale, c’est vrai qu’il a fallu beaucoup de travail acharné pour arriver là où nous en sommes. Vous pouvez déjà voir les avantages dans la résilience du système. Il serait dommage de reculer, mais en même temps, il serait dommage de ne pas examiner les différents aspects des règles que nous avons mises en place pour voir s’il est possible de les modifier de façon à renverser certaines conséquences imprévues importantes. Je ne voudrais surtout pas laisser croire que tout était parfait lorsque nous avons conclu l’entente. Une véritable évaluation est en cours pour déterminer s’il existe des zones où les règles de levier et de liquidité sont utiles.
En ce qui concerne les services bancaires parallèles, beaucoup de travail remarquable a été réalisé pour intégrer les finances fondées sur le marché, qui ne faisaient pas vraiment partie du cadre de la réglementation, et pour ajouter des garde-fous d’une manière importante qui a été utile, selon moi. Il y a des règles de liquidité pour certains des fonds, par exemple, qui visent à s’assurer que les joueurs ont suffisamment de liquidités, entre autres.
Ce qu’il reste à faire ici est vraiment de surveiller la situation et de tenir le rythme, car les finances fondées sur le marché sont une très bonne chose; elles peuvent compléter les marchés et être plus efficaces. En même temps, c’est souvent là que les risques s’accumulent et nous surprennent. Je pense que nous devons accorder une certaine attention aux nouveaux produits financiers dans deux ou trois domaines, comme les opérations sur la volatilité, par exemple, mais aussi les actifs électroniques ou cryptographiques. Dans le premier cas, il s’agit simplement d’une protection des investisseurs et des consommateurs. Il est important d’avoir confiance dans le système, mais ces éléments peuvent également avoir des conséquences étonnantes sur la stabilité financière s’ils deviennent suffisamment importants et répandus. Nous devons nous tenir au courant.
Pour ce qui est des mégadonnées, puisque vous en avez parlé, le Conseil de stabilité financière a publié un rapport sur la technologie financière auquel j’ai participé. D’un point de vue du système financier, nous devons comprendre les risques associés à l’utilisation des mégadonnées. Ces risques semblent être modestes pour l’instant, mais, si vous pensez à des robots-conseillers ou à l’utilisation des mégadonnées pour le pointage de crédit et à certaines plateformes de prêts, elles sont un peu comme une boîte noire. Elles n’ont pas été mises à l’essai sur un cycle, de sorte qu’il est important de garder un œil là-dessus.
La dernière chose est la cybernétique. C’est un dossier inachevé sur lequel le G20 se concentre vraiment. Le Canada s’y attarde sérieusement. C’est très important, car nous consacrons beaucoup de temps aux risques financiers, alors que les risques opérationnels pourraient être la source de certaines répercussions futures sur la stabilité financière. C’est un problème particulièrement difficile à résoudre, mais nous sommes déterminés à réussir.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Je m’intéresse à l’évolution du dollar canadien et je m’informe de son cours presque tous les jours. Le dollar canadien valait la semaine dernière tout près de 80 cents américains, alors qu’il vaut aujourd’hui tout près de 77 cents américains. C’est préoccupant pour les consommateurs et pour les entrepreneurs qui font affaire à l’étranger.
Selon votre perspective, l’économie canadienne serait-elle en meilleure position avec un dollar canadien plus fort ou plus faible? C’est une question fort simple, mais elle préoccupe beaucoup les Canadiens.
M. Poloz : Il n’y a pas de valeur magique pour le dollar canadien en ce qui concerne l’économie. La valeur du dollar est sensible à beaucoup de facteurs, comme les attentes du point de vue du taux d’intérêt. On observe actuellement une tendance, à savoir que le dollar américain reprend de sa vigueur. C’est un phénomène très récent et il y a beaucoup de raisons potentielles à cela. L’une des possibilités a trait à la volatilité des marchés financiers. C’est souvent le cas, car le dollar américain est une valeur refuge dans une telle situation.
Par exemple, on parle du taux d’obligation de 10 ans du Trésor qui atteint 3 p. 100 pour la première fois depuis environ 4 ans. C’est symbolique, mais nous vivons à une époque différente. Une hypothèse est que les actions sont très valables en ce moment à cause des taux d’intérêt très bas; il y a deux choses en même temps et on constate de la volatilité dans les deux marchés simultanément. Ce n’est toutefois qu’une hypothèse.
En ce qui concerne le dollar canadien lui-même, il y a des attentes quant aux changements des taux d’intérêt aux États-Unis et au Canada qui sont déjà là. Cela n’aurait donc pas beaucoup d’effet sur le dollar canadien, puisque cela constitue déjà une attente. C’est vraiment le prix du pétrole qui touche la valeur du dollar canadien lors de grandes fluctuations et, pour le moment, le prix du pétrole est plus élevé qu’il y a quelques semaines.
C’est un phénomène que nous pouvons essayer d’expliquer, mais ce n’est pas quelque chose que l’on peut prévoir.
Le sénateur Dagenais : J’écoutais un économiste il y a 15 jours qui prévoyait un dollar canadien à 60 cents; on ne peut pas prédire cela, mais si le dollar devenait plus faible, cela vous obligerait-il à augmenter un peu les taux d’intérêt pour maintenir la valeur du dollar? J’imagine que cela a déjà été fait auparavant.
M. Poloz : On voit souvent des analyses qui ne donnent pas de raison. C’est simplement une hypothèse. Si j’avais à établir des prévisions pour le prix du pétrole, ce serait risqué. Si j’étais en mesure de faire des prévisions, je le ferais, avec une marge d’erreur, en fonction du dollar canadien. Il est difficile de faire les deux ensemble. On ne le fait pas, parce que c’est pratiquement impossible pour la banque centrale, mais on pourrait essayer. J’ai passé beaucoup de temps dans ma vie à faire cela; ce n’est pas juste difficile, c’est pratiquement impossible.
Le sénateur Dagenais : C’est impossible. Merci beaucoup, monsieur Poloz.
[Traduction]
Le sénateur Day : Je me souviens avoir lu récemment un article d’une personne de renommée internationale en visite au Canada, qui disait que les banques ne devraient pas investir dans les sables bitumineux. Je crois toutefois savoir que les banques canadiennes sont probablement plus exposées aux investissements de l’industrie canadienne de l’extraction que d’autres. Certaines banques, notamment aux États-Unis, ont suivi ce mouvement écologique et décidé de ne pas investir davantage dans cette activité. Je pense que le Canada se trouve au sommet de l’activité dans laquelle ces gens n’investissent pas.
Est-ce le genre de risque que vous surveillez? Pouvez-vous nous expliquer le genre de répercussions qu’une telle situation pourrait avoir sur nous?
M. Poloz : C’est un des risques relatifs à la stabilité financière à long terme auquel nous consacrons du temps. J’ai eu vent de commentaires semblables. Sans entrer dans les détails, permettez-moi peut-être de rappeler le contexte de ce genre d’analyse. Dans un environnement où nous sommes exposés aux risques associés aux changements climatiques, par conséquent aux risques que des politiques ou des résultats en découlent, un investissement dans ce domaine pourrait finir par avoir une valeur moindre qu’aujourd’hui au sein d’un nouvel ensemble de politiques. Voilà qui pourrait même devenir ce que nous appelons parfois un actif délaissé, qui n’est soudainement plus utile.
Ces conversations se tiennent le plus souvent dans le cadre du Forum économique mondial. On y parle de l’avenir des pressions exercées sur le système financier mondial. En revanche, ces problèmes rassemblent les gens. Il y a un mouvement non seulement des banques, mais des entreprises aussi visant à accroître la transparence quant à la nature des investissements. La transparence est accrue quant aux risques d’un mouvement vert sur les organisations, ou aux risques d’une modification au profit de politiques vertes. Voilà qui permettrait aux investisseurs de connaître ces risques et de les évaluer eux-mêmes, plutôt que la situation soit noire ou blanche, ou que l’entreprise décide de ne plus investir dans ce domaine. Ils peuvent ainsi soupeser les risques auxquels ils s’exposent. Ce mouvement vers une transparence accrue est utile. Je pense qu’il va gagner en importance, c’est-à-dire que les entreprises et les institutions financières divulgueront de plus en plus les risques liés à leur réglementation verte. Les investisseurs pourront ensuite décider. Ils choisiront les risques qu’ils veulent assumer en tant qu’investisseurs.
Le plus important pour nous, c’est que si personne n’est au courant, le système subira un choc lorsque ces règles changeront. Une entreprise donnée est-elle plus exposée qu’une autre, ou une banque est-elle plus ou moins exposée qu’une autre? Si l’information ne se trouve pas dans leurs rapports annuels, il est impossible de le savoir, et les investisseurs ne pourront pas faire la distinction.
Le président : La sénatrice Bellemare a demandé si elle pouvait poser une petite question, et je pense que c’est possible.
La sénatrice Stewart Olsen : Très brève.
La sénatrice Bellemare : Je ne sais pas si vous pouvez répondre, mais vous avez parlé de taux d’intérêt normaux. À quoi ressemble un taux d’intérêt normal ou un taux d’intérêt réel normal?
M. Poloz : C’est une de nos questions les plus importantes en tant que décideurs, et probablement la plus difficile. Je vais vous dire ce que je peux, après quoi Carolyn pourra peut-être terminer en me corrigeant.
Ce n’est pas un phénomène observable. C’est ainsi que je vais commencer. On ne peut pas simplement le vérifier. Nous avons différentes méthodes de modélisation qui donnent une gamme de possibilités à envisager. Par taux d’intérêt neutre, nous entendons le taux d’intérêt où la politique monétaire ne stimule ou ne contracte plus l’économie. C’est ce que les économistes appellent un équilibre. Tout se place, et c’est le taux qui préserve l’équilibre. C’est un concept important, car, si le taux d’intérêt est inférieur à ce taux, l’économie sera stimulée d’autant. S’il est supérieur, l’économie sera restreinte. C’est donc un repère important.
Nous utilisons différentes méthodes. Nous publierons plus de recherches à ce sujet bientôt. Pour vous donner une idée des possibilités, nous considérons que le taux peut être neutre entre 2,5 et 3,5 p. 100.
La sénatrice Bellemare : Est-ce le taux normal ou nominal?
M. Poloz : Nominal.
Le sénateur Tkachuk : S’agit-il de votre taux d’intérêt ou de celui du consommateur?
M. Poloz : C’est notre taux d’intérêt. Il serait alors considéré comme neutre. Il se situe quelque part dans cette fourchette, en supposant que l’inflation est de 2 p. 100. Si vous soustrayez 2 p. 100, vous obtiendrez le taux réel, qui se situe entre 0,5 et 1,5 p. 100.
C’est là que nous commençons. Cela suppose que toutes les forces sous-jacentes à l’économie ont été équilibrées, et qu’elles sont de retour à la normale. Nous savons bien sûr que ce n’est pas le cas pour le moment. Comment? Eh bien, il faut poser une question assez simple : qu’adviendrait-il si vous rameniez les taux d’intérêt à la normale? Eh bien, l’économie ralentirait beaucoup. Nous le savons. J’ai utilisé une analogie en disant que c’est comme monter une colline à bicyclette. Si vous arrêtez de pédaler, le vélo tombera, et vous devrez recommencer.
Nous savons que ces forces doivent se rétablir avant que nous puissions revenir à un taux complètement neutre. C’est pourquoi nous disons être persuadés que les taux d’intérêt doivent augmenter. Nous ne savons toutefois ni à quel point, en raison de cela, ni à quelle vitesse, compte tenu de ces complications. Votre question est connexe à la longue réponse que j’ai donnée plus tôt, et je ne reviendrai pas là-dessus.
C’est l’essentiel. Un autre point de repère intéressant est le taux d’intérêt réel. Aujourd’hui, avec une inflation de 2 p. 100, ce taux est de moins 0,75 p. 100. Le taux d’intérêt réel est donc inférieur à zéro. C’est un autre point de repère intéressant, car il nous amène en quelque sorte à nous demander quelles sont les forces agissant sur l’économie qui font que le taux est aussi bas.
Ce n’est qu’une autre façon de regarder le même enjeu, qu’il s’agisse du taux réel ou nominal.
J’ignore ce que vous aimeriez ajouter.
Mme Wilkins : Je pense qu’il est important de ne pas oublier une notion à propos de la nature exacte du taux d’intérêt neutre. À vrai dire, il dépend de l’épargne et de l’investissement au Canada. Cependant, puisque nous évoluons dans des marchés mondiaux, il dépend aussi de l’épargne et de l’investissement à l’échelle mondiale. Bien sûr, cela dépend du potentiel de production d’ici et d’ailleurs, de même que des encouragements à l’épargne et à l’investissement.
En ce qui concerne les techniques de modélisation que nous employons, nous avons quatre modèles différents, si vous pouvez le croire. Vous serez donc heureux de lire notre publication lorsqu’elle sera diffusée. Je sais que vous aimez les modèles. Bon nombre d’entre eux estiment un taux d’intérêt neutre mondial et l’ajustent pour le Canada en fonction de la prime de risque. Il est important de comprendre que le taux est influencé par les forces non seulement du Canada, mais du reste du monde aussi.
Le président : Je vous remercie infiniment de cette séance extraordinaire où tous nos sénateurs ont posé de merveilleuses questions. Monsieur le gouverneur et madame la sous-gouverneure, je vous remercie encore une fois d’être venus nous parler et d’avoir été si généreux. Nous vous en remercions et attendrons avec impatience la prochaine visite. Merci beaucoup d’être avec nous.
(La séance est levée.)