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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule no 43 - Témoignages du 14 juin 2018


OTTAWA, le jeudi 14 juin 2018

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd’hui, à 10 h 29, pour étudier les enjeux nouveaux et émergents pour les importateurs et exportateurs canadiens dans les marchés nord-américains et mondiaux, et à huis clos, pour pour étudier un projet d’ordre du jour (travaux futurs).

Le sénateur Douglas Black (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour et bienvenue à mes collègues ainsi qu’aux membres du grand public qui suivent aujourd’hui les délibérations du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce ici, dans la salle, ou sur le Web.

Je m’appelle Doug Black. Je suis un sénateur de l’Alberta et je préside le comité.

Les autres sénateurs auraient-ils l’obligeance de se présenter aux témoins?

Le sénateur Marwah : Sabi Marwah, de l’Ontario.

La sénatrice Ringuette : Pierrette Ringuette, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Neufeld : Richard Neufeld, Colombie-Britannique.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.

Le sénateur Dalphond : Pierre Dalphond, du Québec.

Le sénateur Day : Joseph Day, du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.

Le président : Merci beaucoup.

Aujourd’hui, notre comité poursuit ses audiences sur les enjeux nouveaux et émergents pour les importateurs et exportateurs canadiens dans les marchés nord-américains et mondiaux. Parmi ces enjeux, notons l’avenir incertain du commerce entre le Canada et les États-Unis et les changements récents apportés au régime fiscal fédéral des entreprises, aux États-Unis. Le comité souhaite en apprendre davantage sur les effets potentiels qu’ils pourraient avoir sur les importateurs et exportateurs canadiens, leur compétitivité et la façon dont les importateurs et exportateurs canadiens, ainsi que le gouvernement fédéral peuvent y réagir.

Pour la première partie de la séance, j’ai le plaisir d’accueillir, par vidéoconférence de l’Oklahoma, Wayne Garnons-Williams, président de l’International Inter-Tribal Trade and Investment Organization.

Monsieur Garnons-Williams, je vous remercie infiniment de vous être rendu disponible aujourd’hui. Je vous prie de nous présenter votre exposé, que je vous demanderai de limiter à cinq minutes, après quoi il y aura une période de questions. Je vous souhaite la bienvenue et vous remercie infiniment.

Wayne Garnons-Williams, président, International Inter-Tribal Trade and Investment Organization : Merci beaucoup. Je salue tous les sénateurs.

S’il y a un grand message clé que je peux transmettre au comité aujourd’hui, c’est qu’une véritable réconciliation avec les Autochtones implique la reconnaissance des droits économiques des Autochtones, notamment celui de faire des échanges et du commerce internationaux et intertribaux. Je demande au comité de recommander une loi habilitante pour le commerce autochtone international et l’établissement de zones d’échange autochtones.

Qu’est-ce que l’IITIO, c’est-à-dire mon organisation, l’International Inter-Tribal Trade and Investment Organization? L’IITIO existe depuis quatre ans. Il s’agit d’une organisation à but non lucratif, dont le siège social canadien est situé à Ottawa. Tous les six mois, nous organisons une mission et une conférence sur les échanges autochtones. L’événement a lieu en alternance aux États-Unis et au Canada. Étant donné le manque de temps, je renvoie les membres du comité à notre site web, où ils trouveront notre mandat, notre histoire et tout ce qui nous distingue.

Du point de vue historique, il n’est plus à prouver que les Autochtones commerçaient entre eux avant l’arrivée des Européens. L’histoire démontre aussi que le Canada et les États-Unis ont été fondés grâce au commerce avec les peuples autochtones originaux d’Amérique du Nord et entre eux.

Une consultation sérieuse, complète et riche est la clé. Comme vous le savez bien, le projet de loi C-262, Loi visant à assurer l’harmonie des lois fédérales avec la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, a été adopté à la Chambre des communes le 30 mai dernier, avec un résultat de 206 « pour » et 79 « contre ». En date du 1er juin 2018, le projet de loi en était à l’étape de la deuxième lecture au Sénat du Canada.

Je vous recommanderais aussi de jeter un coup d’œil à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, et plus particulièrement à l’article 19, qui porte sur le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause; au paragraphe 29(1), qui porte sur le droit à la préservation et à la protection de l’environnement; ainsi qu’au paragraphe 20(1), qui concerne le droit de conserver et de développer des institutions et activités économiques.

N’oubliez pas non plus les 10 principes qui sous-tendent la relation entre le gouvernement fédéral et les Autochtones depuis juillet 2017, et je mets particulièrement l’accent sur le principe 6, soit sur l’appui au consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, ainsi que sur l’article 8, qui prévoit une relation financière renouvelée, un partenariat économique et le développement des ressources.

Dans les versions précédentes de l’ALENA, il y avait un article pour protéger et préserver les peuples autochtones, l’article 800. Les peuples autochtones n’étaient pas présents lors des négociations, mais le Canada a ajouté un libellé particulier (« des mesures non conformes »), qui exempte des secteurs de l’application de l’ALENA pour protéger les droits des peuples autochtones.

Dans les négociations de l’ALENA en cours, le chapitre sur les échanges autochtones (faisant partie du programme commercial progressiste du Canada), dont l’IITIO dirige l’élaboration avec Affaires mondiales et plus de 50 titulaires de droits, signataires de traités et autres intervenants, comporte trois sections : la première vise à reconnaître le rôle important des peuples autochtones dans les échanges; la deuxième à faciliter les activités de collaboration entre les parties et la troisième, à créer un comité pour en superviser la mise en œuvre.

Quels sont les obstacles possibles au commerce autochtone? Eh bien, le ministre du Commerce a bien précisé que s’il y a un chapitre sur les échanges autochtones, le gouvernement du Canada n’a pas l’intention pour autant de confiner les Autochtones simplement au chapitre sur les échanges autochtones. Les occasions de contribuer à divers éléments abordés dans l’ALENA et touchant les terres autochtones abondent. Il y a par exemple l’accès au marché, l’agriculture, les règles d’origine, le règlement des différends, le développement durable, l’investissement international, l’approvisionnement, les finances, le travail et les ressources humaines.

Les négociations de l’ALENA ont récemment atteint un point mort, mais le Canada a présenté le chapitre sur les échanges autochtones à d’autres nations aux vues similaires ayant aussi des peuples autochtones. Je vous en donne deux exemples : la Nouvelle-Zélande et le Pérou. Dans les négociations commerciales entre le Canada et les pays du Mercosur, le Pérou a exprimé son intérêt et sa curiosité concernant le chapitre canadien sur les échanges autochtones et dans les négociations de l’Alliance du Pacifique, le Canada a présenté le chapitre de l’ALENA sur les échanges autochtones à la Nouvelle-Zélande. Puis, au cours de la dernière ronde de discussions, la Nouvelle-Zélande a déposé sa propre version d’un chapitre sur le commerce autochtone, ce qui constitue une avancée très prometteuse.

Comment le Sénat peut-il aider à instaurer une prospérité économique menée par et pour les Autochtones? C’est simple, il suffit de recommander des lois habilitantes permettant les échanges internationaux et intertribaux et d’établir des zones d’échange autochtones.

Pour conclure, je vous citerai les mots de Murray Sinclair, dans le Rapport final de 2017 de la Commission de vérité et réconciliation, qui se terminait ainsi :

La réconciliation exige des mesures fédérales, provinciales et territoriales.

La réconciliation exige une intervention nationale.

Notre façon de nous gouverner doit changer.

Les lois doivent changer.

Les politiques et les programmes doivent changer.

La manière dont nous éduquons nos enfants et nous-mêmes doit changer.

La manière dont nous faisons des affaires doit changer.

Notre façon de penser doit changer.

La manière dont nous nous parlons les uns aux autres et dont nous parlons les uns des autres doit changer.

Tous les Canadiens doivent prendre un engagement ferme et durable en faveur de la réconciliation, afin de veiller à ce que le Canada devienne un pays où nos enfants et nos petits-enfants puissent s’épanouir et prospérer.

Une véritable réconciliation implique la reconnaissance des droits économiques des Autochtones, notamment de faire des échanges et du commerce international intertribal. Je demande au comité de recommander une loi habilitante pour le commerce international des Autochtones et l’établissement de zones d’échange autochtones.

Merci. C’était ma déclaration préliminaire.

La sénatrice Stewart Olsen : Je vous en remercie. Je dois vous avouer que je n’en sais pas beaucoup sur le sujet, donc j’ai quelques questions à vous poser sur le fonctionnement. J’ai peu d’espoir que le Canada mette une telle chose en place si vite, puisque nos négociations commerciales ne progressent pas très bien en ce moment et qu’il y a un vide en matière de commerce interprovincial, mais cela semble très intéressant.

Y a-t-il quelque chose de comparable aux États-Unis? Où y a-t-il un accord comparable qui fonctionne et dont nous pourrions nous inspirer?

M. Garnons-Williams : Comme je l’ai dit dans mon exposé, nous accueillons avec beaucoup d’espoir l’élaboration d’un chapitre sur les échanges autochtones par le Canada avec l’IITIO et plus de 50 titulaires de droits, signataires de traités et autres intervenants. Le fait est que le Canada était si fier de son chapitre sur les échanges autochtones qu’il est parti dans le monde à la recherche d’autres États ayant des peuples autochtones prêts à faire du commerce. Les deux que j’ai mentionnés sont les plus prometteurs : la Nouvelle-Zélande et le Pérou.

Il est très prometteur que dans les négociations de l’Alliance du Pacifique, la Nouvelle-Zélande ait proposé sa propre version du chapitre sur les échanges autochtones, ce qui signifie qu’il pourrait y avoir des négociations entre les deux États-nations du Canada et de la Nouvelle-Zélande en vue d’un chapitre commercial qui permettrait aux peuples autochtones de ces deux États-nations de commercer entre eux. Je pense que c’est très prometteur.

La sénatrice Stewart Olsen : Mais vous n’avez pas répondu à ma question. Existe-t-il déjà quelque chose du genre dont nous pourrions nous inspirer? Existe-t-il un genre d’accord commercial intertribal aux États-Unis ou ailleurs, que nous pourrions prendre pour modèle, ou souhaitez-vous que le Canada établisse le modèle à suivre?

M. Garnons-Williams : Il est assez intéressant de comparer l’état du droit entre les deux pays à ce sujet. C’est assez simple, et je m’en tiendrai à la base.

Le Canada et les États-Unis ont des relations très similaires avec leurs peuples autochtones et des histoires très similaires aussi, bien qu’il y ait des différences dans les relations entre les peuples autochtones et le gouvernement fédéral. La plus grande, bien sûr, c’est qu’aux États-Unis, très tôt, en 1832, la Cour suprême a reconnu que les peuples autochtones constituent des entités souveraines au sein des États-Unis et qu’à ce titre, ils peuvent exercer divers pouvoirs. Aux États-Unis, il y a beaucoup de commerce national et intertribal entre ces peuples. C’est l’arrêt Worcester v. Georgia (1832) et la trilogie de Marshall.

Quand on établit la chronologie et qu’on compare l’évolution de la jurisprudence dans les deux pays, on voit que le Canada tire en moyenne de l’arrière de 30 ans par rapport aux États-Unis pour ce qui est de la clarté des relations entre les peuples autochtones. Dans les années 1970, le régime de Nixon mettait l’accent sur l’autonomie gouvernementale des peuples autochtones, et aujourd’hui, il y a des tribus américaines très prospères qui font du commerce international, intertribal et national et cherchent des marchés autochtones à l’étranger, dont au Canada. Nous avons donc beaucoup à apprendre de l’expérience des États-Unis dans le domaine, depuis les années 1970 et de toute l’évolution du commerce autochtone et de l’autonomie gouvernementale grâce à l’appui du gouvernement.

Je porte à votre attention la documentation que j’ai fournie dans le cadre du projet Harvard sur le développement économique des Amérindiens, notamment les écrits de Stephen Cornell et son essai Sovereignty and Nation-Building: The Development Challenge in Indian Country Today. Il faut comprendre que dans la relation entre le gouvernement fédéral et les peuples autochtones, toutes sortes de choses ont été essayées dans l’histoire des États-Unis et qu’il y a eu beaucoup de tentatives ratées.

Le président : Je pense que vous avez répondu à la question à la satisfaction de la sénatrice.

La sénatrice Stewart Olsen : Oui, merci beaucoup. Cela aide beaucoup.

Le sénateur Marwah : Merci encore. Je vous félicite de l’engagement des peuples autochtones à l’égard du commerce et des questions liées au commerce. Je pense que c’est très prometteur.

Dans votre exposé, vous avez mentionné l’établissement de zones de libre-échange autochtones. Pouvez-vous nous expliquer davantage à quoi vous pensez? S’agirait-il de zones d’échange sur les terres autochtones ou de zones d’échange entre les peuples autochtones du Canada? Que voulez-vous dire exactement?

M. Garnons-Williams : Si je prends l’exemple des États-Unis, la nation Citizen Potawatomi de l’Oklahoma a été la deuxième à établir une zone de libre-échange tribale, qui présente une occasion triple à des entreprises autochtones canadiennes, par exemple, qui souhaiteraient faire des affaires avec elle. Je prendrai l’exemple d’une entreprise autochtone fabriquant des meubles. L’administration Trump a imposé toutes sortes de tarifs sur les chaises et les meubles. Cette entreprise pourrait toutefois se rétablir en vertu de la Citizen Potawatomi Nation Corporation Act, profiter de prêts à faible intérêt de la nation, s’établir dans la zone de libre-échange et ainsi, se soustraire aux forts droits d’importation qui s’appliquent au produit, jusqu’à ce qu’il soit fabriqué puis exporté de la zone de libre-échange. Il y a des avantages économiques à utiliser la zone de libre-échange et les terres autochtones pour profiter de la souveraineté de la nation Citizen Potawatomi et ainsi bénéficier de prêts à faible taux d’intérêt et de conditions économiques favorables. Enfin, le système bancaire de la nation Citizen Potawatomi lui permet de bénéficier de subventions et de prêts à faible taux d’intérêt.

Le sénateur Marwah : Vous avez mentionné l’élaboration d’un chapitre de l’ALENA sur les peuples autochtones et la possibilité de l’étendre à d’autres pays ayant des peuples autochtones. Pensez-vous à des accords séparés, hors des accords commerciaux en vigueur et qui ne s’appliqueraient qu’aux relations entre peuples autochtones? Parlez-vous d’accords commerciaux qui s’intégreraient à des accords plus vastes entre deux pays ou deux régions?

M. Garnons-Williams : L’idée est de reconnaître le droit économique inhérent des Autochtones au commerce intertribal. Il s’agit en partie de reconnaître qu’il faut rétablir ce lien. Bien avant l’établissement du Canada et des États-Unis, il y avait du commerce en Amérique du Nord, et nous le constatons dans les écrits produits pendant la première guerre d’indépendance. George Washington avait envoyé son juge en chef des États-Unis négocier le Traité de paix et d’amitié. Le juge en chef John Jay était donc parti en Grande-Bretagne négocier un traité, dont l’article 3 dicte essentiellement qu’il y aura une frontière entre le Canada et les États-Unis. Le juge Jay avait alors demandé s’il y avait des échanges de part et d’autre de cette nouvelle frontière et ce qu’elle changera. Eh bien, elle a des répercussions sur beaucoup d’échanges commerciaux en Amérique du Nord.

Il y a donc, à l’article 3, une disposition reconnaissant et respectant le commerce autochtone qui avait cours à l’époque. Je vous cite l’article 3 du traité Jay :

[…] il sera libre […] aux Indiens, demeurant sur l’un et l’autre côté des lignes de démarcation de passer et de repasser librement, soit par terre, soit par la navigation intérieure, dans les contrées et territoires respectifs des deux parties contractantes, sur le continent de l’Amérique […], de naviguer sur tous les lacs, rivières et eaux de ce pays, et d’effectuer tous les transports nécessaires au commerce et trafic, réciproquement de l’un à l’autre.

Cet aspect a été reconnu dans le Traité de paix et d’amitié conclu entre la Grande-Bretagne et les États-Unis. Il s’agit de rétablir ces liens, parce qu’au moment où la frontière a été établie, certaines nations tribales ont été scindées en deux, alors qu’il y avait et qu’il y a toujours des relations commerciales entre les nations partout en Amérique du Nord. Il s’agit donc de rétablir et de redynamiser ce droit économique, ce qui constituera un gain facile pour le gouvernement du Canada, parce que ce sera rentable.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci, monsieur Garnons-Williams. Je vais tenter de résumer ma question. Vous faites souvent allusion au commerce dans le cadre de l’ALENA. Il est question que l’entente devienne bilatérale, soit entre le Canada et les États-Unis ou entre le Canada et le Mexique. Et il y aura beaucoup de négociations. Quelles objections pourraient être soulevées par rapport à ce genre d’entente? Nous savons, en ce moment, que la question n’est pas réglée et il ne semble pas qu’elle est en voie de l’être. J’aimerais entendre vos observations à ce sujet.

[Traduction]

M. Garnons-Williams : Merci. L’une des objections possibles serait une objection logistique concernant le Mexique, dans le contexte de l’ALENA et du chapitre sur les peuples autochtones. Cela s’explique par le fait que les peuples autochtones du Mexique ne sont pas aussi organisés que ceux du Canada ou des États-Unis. Le Canada a l’Assemblée des Premières Nations et diverses nations très articulées, qui peuvent exprimer leurs intérêts par consultation et négociation. C’est la même chose aux États-Unis, où il y a le Nation Congress of American Indians, mais au Mexique, il n’y a pas d’organisation nationale. Lorsque le gouvernement du Mexique souhaite consulter ses peuples autochtones, c’est un peu difficile. De même, pendant des négociations, le gouvernement du Mexique a affirmé que les peuples autochtones du Mexique représentent 30 p. 100 de la population, ce qui rend d’autant plus la consultation difficile. Il n’y a actuellement pas de définition universelle des peuples autochtones, mais je crois personnellement que s’ils représentent bel et bien 30 p. 100 de la population, ce serait un énorme avantage économique pour le Mexique d’affirmer leurs droits et d’appuyer le chapitre sur les peuples autochtones.

La sénatrice Ringuette : Les États-Unis ont-ils établi des zones de commerce intertribal? Est-ce ce que vous dites? Oui ou non?

M. Garnons-Williams : Tout à fait. Si vous jetez un coup d’œil à la documentation que je vous ai fournie, vous trouverez de l’information sur la zone de libre-échange de la nation Citizen Potawatomi.

La sénatrice Ringuette : Au Canada, il n’y a aucune loi, à ma connaissance, qui interdirait le commerce interne entre diverses communautés autochtones. Vous affirmez que nous devons adopter une loi qui permettrait ce commerce, mais je n’en connais aucune qui l’interdise, donc je ne comprends vraiment pas pourquoi vous faites cette affirmation.

M. Garnons-Williams : Je serai heureux de vous aider. Il faut faire une analyse comparative du droit pour comprendre le problème. Aux États-Unis, comme je l’ai dit clairement, en 1832, la Cour suprême a reconnu la souveraineté des tribus. Ce n’est que récemment, dans l’affaire Williams, que la Cour suprême du Canada a reconnu le droit des peuples autochtones à l’autonomie gouvernementale et à l’administration de leurs propres terres. Il y aura de plus en plus de décisions comparables, et ce sera de plus en plus accepté comme moyen d’exercer l’autonomie gouvernementale.

Mais voici où le bât blesse. Si une Première Nation canadienne veut commercer avec une tribu américaine, il y a une énorme différence entre les pouvoirs de la tribu américaine, qui est clairement considérée souveraine par ses tribunaux, et ceux de la Première Nation canadienne, qui ne sont pas encore pleinement acceptés. Si une loi conférait aux Premières Nations du Canada le droit de commercer avec d’autres tribus, elle pourrait s’adonner au libre-échange avec des tribus des États-Unis ou d’ailleurs dans le monde.

La sénatrice Ringuette : Je vous répète qu’à ma connaissance, il n’y a aucune loi canadienne qui interdise le commerce national ou international intertribal. Je vous remercie beaucoup de votre réponse.

M. Garnons-Williams : Je vous citerai la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Mitchell, qui fait malheureusement autorité. Je pourrai vous la fournir aussi.

Le sénateur Day : J’aimerais creuser un peu votre concept d’une zone de libre-échange économique. Serait-elle limitée aux terres et aux réserves autochtones ou s’appliquerait-elle aux Autochtones d’une région en général, qu’ils vivent à l’intérieur ou à l’extérieur des réserves?

M. Garnons-Williams : Le plus simple serait de cueillir le fruit le plus mûr, ce qui signifierait de cibler les réserves fédérales et la Loi sur les Indiens, puis de l’adapter pour que les réserves fédérales, qui sont exclusivement de compétence fédérale, puissent devenir des zones de commerce intertribales, si le chef et le conseil tribal le souhaitent. Il y en a qui seraient naturellement propices à cela, d’un point de vue géographique, notamment celles qui ont la chance d’être situées près de la frontière ou des grandes villes. D’autres, plus isolées géographiquement, pourraient utiliser des moyens plus créatifs de favoriser le commerce intertribal.

Le sénateur Day : Nous avons eu maintes occasions d’entendre des gens d’affaires autochtones de l’Ouest canadien, qui participent à l’économie en général sans chercher l’établissement de zones de libre-échange économique spéciales ni d’accords de libre-échange spéciaux.

Il y a deux séries de négociation en cours, dont l’une suscite un peu plus les passions que d’autres. Les discussions sur l’ALENA pourraient finir par se limiter au Canada et aux États-Unis, encore une fois, et il y a la question du commerce interprovincial, qu’a mentionnée ma collègue. À l’heure actuelle, il est plus facile de faire du commerce international que du commerce national au Canada.

Qui fait valoir votre point de vue, le point de vue des peuples autochtones et vos aspirations? Vous ne faites pas partie des négociations, mais discutez-vous avec les négociateurs des divers pays?

M. Garnons-Williams : Oui. Quand Affaires mondiales a décidé de favoriser le commerce progressiste, il a décidé de miser sur un chapitre sur le commerce autochtone. Grâce à un processus collaboratif et consultatif, plus de 50 titulaires de droit, signataires de traités et autres intervenants ont participé, pendant sept mois, aux efforts déployés pour créer le chapitre sur les échanges autochtones. Les voix de ces titulaires de droit, signataires de traités et autres intervenants ont permis d’élaborer le chapitre sur les échanges autochtones.

Le sénateur Day : Merci.

Le président : Monsieur, j’aurais une question à vous poser, et j’espère qu’elle pourra guider ma réflexion sur ce que vous nous présentez aujourd’hui. En gros, le comité est actuellement chargé de veiller à ce que le Canada demeure concurrentiel en Amérique du Nord. Nous voulons faire en sorte que le Canada demeure concurrentiel en Amérique du Nord. Comment votre organisation et vous pouvez-vous nous aider à atteindre cet objectif?

M. Garnons-Williams : Pour aider le Canada à rester concurrentiel, ma bataille est celle du développement économique autochtone, donc du strict point de vue du développement économique autochtone, comment pouvons-nous veiller à ce que les peuples autochtones du Canada demeurent concurrentiels? Comment pouvons-nous les aider à participer au commerce mondial? Comment pouvons-nous les aider à réussir?

Encore une fois, je vous renvoie au document de Stephen Cornell, que je vous ai remis. Il a étudié, dans le cadre du projet Harvard sur le développement économique toutes les possibilités, les idées et les positions stratégiques favorisant le développement économique autochtone. Il a conclu que l’argument le plus puissant en faveur du développement économique est celui de la souveraineté tribale pour aider les peuples autochtones à devenir des nations souveraines au sein du Canada.

Rien d’autre ne semble créer les conditions politiques nécessaires pour stimuler le développement économique. Rien d’autre ne permet de réussir et de briser le cycle de dépendance envers le système fédéral comme la souveraineté, conjuguée à des institutions tribales compétentes. En fournissant des outils souverains aux Premières Nations…

Le président : Je comprends. Merci, monsieur.

Si les sénateurs n’ont pas d’autres questions à poser, je souhaite vous remercier infiniment d’avoir comparu devant nous aujourd’hui et du travail évident que vous faites au nom de cette initiative très importante qui est la vôtre.

Mesdames et messieurs les sénateurs, comme vous le savez, nous avons déterminé que pour examiner les questions de concurrence qui nous sont soumises, nous devions entendre des témoins autochtones pour bien comprendre les enjeux. Les sénateurs doivent comprendre que nous avions invité à témoigner des représentants du Conseil canadien pour le commerce autochtone et du Conseil national de développement économique des Autochtones, en plus du témoin que nous avons entendu aujourd’hui. Malheureusement, les représentants de ces deux organisations ne pouvaient être avec nous aujourd’hui. Je voulais simplement le préciser aux sénateurs pour les mettre en contexte.

Honorables sénateurs, M. Mercury, partenaire et vice-président de Bennett Jones, qui devait comparaître aujourd’hui par vidéoconférence de Calgary, est malheureusement retenu pour des raisons familiales ce matin, donc il ne se joindra pas à nous, mais nous nous organiserons pour l’entendre au début de l’automne.

Nous entendrons donc maintenant Sara P. Sandford, avocate au cabinet Garvey Schubert Barer. Elle comparaît de Seattle.

Maître Sandford, je vous prie de nous présenter votre exposé, après quoi les sénateurs auront des questions à vous poser. Merci et bienvenue parmi nous.

Sara P. Sandford, avocate, Garvey Schubert Barer, C.P. : Bonjour, sénateurs. C’est pour moi un honneur et un privilège de comparaître devant vous aujourd’hui.

Je comprends que le sujet d’aujourd’hui, c’est les enjeux nouveaux et émergents pour les importateurs et exportateurs canadiens dans les marchés nord-américains et mondiaux. J’ai été invitée à témoigner à titre d’avocate américaine qui travaille fréquemment avec des clients américains accédant au marché canadien. C’est de ce point de vue que je m’exprimerai ce matin.

Bien que la discussion sur toutes les modifications qui pourraient être apportées à l’ALENA vous occupait probablement déjà l’esprit quand vous avez lancé votre étude en janvier 2018, je présume que les événements de la dernière semaine vous préoccupent particulièrement aujourd’hui, tout comme ils préoccupent de nombreux Américains s’intéressant aux questions transfrontalières d’un point de vue juridique et commercial.

En tant que citoyenne et avocate américaine, je suis depuis longtemps d’avis que le libre-échange devrait être notre objectif global collectif. Cette position est attribuable en partie aux changements technologiques qui accélèrent de plus en plus la mondialisation.

Aujourd’hui encore plus qu’au cours des décennies précédentes, les citoyens des pays en développement sont à même de constater de quoi ils sont privés dont les citoyens des pays développés bénéficient. Nous assistons à une montée des mouvements violents dans bien des pays, en partie en raison de cette disparité. Cela s’ajoute souvent à un profond ressentiment à l’encontre des États-Unis, un pays qui, à tout le moins selon l’image télévisuelle projetée, incarne la richesse et le confort, qui sont souvent considérés comme ayant été acquis au détriment des autres.

À l’inverse, la générosité et l’ouverture du Canada envers les moins nantis, même s’il demeure un fort allié des États-Unis, confèrent au Canada une réputation bien plus enviable, selon moi, aux yeux des citoyens du monde. C’est ainsi même si dans les faits, le niveau de vie peut souvent être inférieur aux États-Unis à celui qui s’observe dans d’autres pays développés.

Bien que cette observation puisse avoir l’air d’une grossière simplification d’une réalité bien plus complexe, et bien que je ne cherche pas à prendre politiquement position dans mon témoignage d’aujourd’hui, je crois qu’il y a un impératif économique, de même que social, à accroître l’accès aux marchés mondiaux pour tous. Il faut accroître l’égalité pour contrer la guerre, les conflits et la violence dans le monde. J’exprime essentiellement ce point de vue pour que vous sachiez de quelle perspective je m’exprime aujourd’hui.

Je suppose aussi que je n’ai pas beaucoup d’enjeux nouveaux et émergents à vous mentionner aujourd’hui que vous n’ayez déjà étudiés, mais j’espère tout de même vous aider un peu grâce à mes brèves réflexions sur les thèmes que mes clients abordent avec moi quand nous discutons des enjeux commerciaux transfrontaliers.

Le premier que je souhaite mentionner est celui de l’harmonisation. Presque tous les clients sont frustrés, dans leurs transactions transfrontalières, par la complexité accrue des multiples exigences juridiques qu’ils doivent respecter. Plus les volumes commerciaux augmentent, plus c’est difficile. De plus, dans des pays comme le Canada et les États-Unis, où les États, les provinces et les territoires sont nombreux, il est particulièrement difficile pour les nouveaux investisseurs de comprendre la pléthore des obligations juridiques auxquelles ils sont assujettis.

Plus le Canada pourra harmoniser les exigences d’une province et d’un territoire à l’autre, et harmoniser les lois du Canada à celles d’autres pays, plus les entreprises pourront commercer efficacement. L’un des domaines où l’harmonisation pourrait être bénéfique, c’est celui des lieux d’inspection en agriculture. D’après ce que je comprends, les agents agricoles canadiens de l’ACIA inspectent les plantes à leur destination finale. À l’inverse, les inspecteurs du Département de l’agriculture des États-Unis mènent leurs inspections aux points d’entrée, à la frontière. Cela peut créer des problèmes d’emballage des plantes, au point de rendre impossible l’inspection au bon endroit, ce qui peut causer un rejet de plantes à la frontière des États-Unis.

Il y a aussi l’exemple de l’importation de cannes de bambou de la Chine. Le Canada permet que la fumigation du bambou se fasse en Chine, à condition que le produit s’accompagne d’un certificat pour l’utilisation au Canada. Pour leur part, les États-Unis exigent que la fumigation se fasse après que la cargaison soit parvenue à un port américain. Par conséquent, les États-Unis ne permettront pas que des plantes du Canada entrent au pays en présence de cannes de bambou sans nouvelle fumigation.

Le deuxième enjeu ou sujet que je souhaite aborder est celui du risque technologique. La vulnérabilité de pans entiers de nos économies nationales au risque technologique et à la menace de la cybercriminalité a justifié la prise de mesures protectionnistes, mais a aussi sensibilisé le citoyen moyen à l’importance de la protection des renseignements permettant d’identifier une personne. L’intérêt grandissant que suscitent le Règlement général sur la protection des données de l’Union européenne, la Loi sur la protection des renseignements personnels du Canada et la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, de même que la difficulté à s’y conformer inquiètent grandement de nombreux entrepreneurs depuis quelques années. J’ai justement entendu hier, aux nouvelles que certaines entreprises ont dépensé plus de 10 millions de dollars américains strictement pour se conformer au RGPD. Ce n’est donc pas une difficulté négligeable à laquelle les entreprises sont confrontées en ce moment.

Mon troisième thème est celui de la prévisibilité. Nous constatons que les entreprises sont particulièrement touchées par les enjeux commerciaux transfrontaliers lorsqu’elles sont confrontées à un changement de circonstances surprise, souvent lié à des modifications législatives. Comme la technologie accélère le rythme du changement, les efforts de planification des entreprises ne s’inscrivent plus dans le même horizon qu’avant. Tout doit se faire à court terme pour garantir le succès.

Je vous invite donc, vous qui formez le Sénat du Canada, à tenir compte de l’importance de la prévisibilité et de l’échange d’information. Plus vous pourrez offrir des deux, plus les investissements au Canada seront fructueux et nombreux.

L’incertitude qui entoure les relations canado-américaines en ce moment, et plus particulièrement l’effet potentiel de la disparition de l’ALENA et de la guerre tarifaire sur le commerce transfrontalier et l’activité commerciale, refroidit déjà les ardeurs de ceux qui voudraient se lancer dans de nouvelles activités. Les clients sont portés à attendre pour voir ce qu’il adviendra de ce tumulte, et l’activité économique ralentit d’autant.

Quatrièmement, j’aimerais mentionner le thème de l’équité. Quand j’ai appris que j’aurais l’occasion de m’entretenir avec vous aujourd’hui, j’ai consulté certains de mes clients pour savoir ce qu’ils voudraient être certains de m’entendre mentionner. Il y en a deux qui m’ont demandé de vous inviter à remettre sérieusement en question tous les tarifs et à vous demander, dans chaque cas, si la protection de secteurs nationaux justifie vraiment la diminution de l’activité commerciale qui y est attribuable. Cet argument a été évoqué par des clients des secteurs des produits laitiers, du bois d’œuvre, du vêtement et de la chaussure, pour ne nommer que ceux-là. Les raisons données au départ pour justifier certains droits ne valent peut-être plus leur imposition ou la menace de leur imposition, et bien souvent, les groupes les plus durement touchés ne sont pas ceux qui devaient en payer le coût, qui est souvent refilé d’autres.

Il y a par ailleurs un résident d’un autre pays établi depuis longtemps aux États-Unis grâce à un visa de non-immigrant qui m’a fait part d’un autre problème d’équité. Son pays d’origine a des liens forts et durables avec le Canada lui aussi. Il m’a demandé pourquoi il n’avait pas lui aussi accès au système Nexus. Bien sûr, je suis consciente que c’est lié à l’identité des parties signataires des traités avec le Canada, mais je vous exhorte à continuer de chercher des moyens d’offrir les mêmes avantages aux citoyens d’autres pays amis du Canada.

De même, je souligne que certains des efforts déployés dans le cadre de l’ALENA et de la convention fiscale entre les États-Unis et le Canada confèrent des avantages fiscaux injustes à certaines entités. Je pense en particulier aux sociétés par actions à responsabilité limitée des États-Unis, qui ne peuvent tirer parti des avantages fiscaux découlant de cette convention quand ils investissent dans des sociétés par actions à responsabilité illimitée au Canada, ce qui a déjà découragé certains de mes clients d’investir au Canada. Je vous prie donc d’envisager une modification afin de permettre à ces deux formes d’entités communes de bénéficier des mêmes avantages fiscaux en vertu de cette convention.

Je vous remercie de me fournir l’occasion de m’adresser à vous aujourd’hui. Je crois à la relation entre les États-Unis et le Canada et je crois qu’elle survivra aux difficultés actuelles. Comme je l’ai mentionné il y a quelques instants, j’habite moi-même à environ deux heures de route de la frontière canadienne et je vis plus au nord qu’environ les deux tiers des Canadiens. Je me sens culturellement, socialement, économiquement et politiquement plus proche de bon nombre de mes amis canadiens que de beaucoup de mes amis américains qui vivent dans des parties plus éloignées des États-Unis. Nos intérêts comme nos destins sont liés de tellement de façons. Si je pouvais jouer ne serait-ce qu’un infime rôle dans les efforts pour renforcer nos liens aujourd’hui, j’en serai vraiment honorée. Merci.

Le président : Merci infiniment, maître Sandford. C’était très utile.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci beaucoup à notre invitée. Vous avez parlé beaucoup de l’ALENA. Je vais répéter ma question : comment envisagez-vous, à ce moment-là, un ALENA bilatéral, c’est-à-dire une entente entre le Canada et les États-Unis, sans le Mexique?

[Traduction]

Mme Sandford : Je crois assurément qu’un accord bilatéral, s’il améliore et renforce le libre-échange, ne serait pas nécessairement une mauvaise option. Je pense que l’ACCAA a été efficace pendant un certain temps et que l’inclusion du Mexique ne fait que créer des marchés encore plus vastes. J’espérerais que la structure de l’ALENA reste en place, bien que je croie que tout accord qui permettra le libre commerce sera un atout.

Le sénateur Wetston : Je vous remercie de votre témoignage, de ces renseignements, quel que soit le mot qu’on souhaite utiliser. Je vous remercie de nous faire part de tout cela.

J’aimerais approfondir un peu la question des tarifs, de la concurrence et du libre-échange. Vous avez de toute évidence des points de vue forts sur le libre-échange et une réduction potentielle des obstacles tarifaires, une mesure qui me semblerait positive pour favoriser la concurrence et le développement des marchés. Pouvez-vous nous en parler un peu plus? Par exemple, vous mentionnez que vos clients ont porté à votre attention la situation dans les secteurs des produits laitiers, de la chaussure et du vêtement. Dans le secteur laitier, il y a des offices de commercialisation, ce qui n’est pas le cas dans le domaine de la chaussure et du vêtement. Pouvez-vous comparer les deux et nous expliquer comment vous conseilleriez vos clients qui font des affaires au Canada?

Mme Sandford : Je ne sais pas si je peux ajouter beaucoup de profondeur à mes observations sur le secteur laitier en particulier. Les observations de mes clients s’inscrivent vraiment dans nos discussions sur les difficultés auxquelles ils sont confrontés. Nous sommes toujours plus à la recherche de solutions que nous ne nous penchons sur les questions commerciales en tant que telles.

Fondamentalement, il faut reconnaître les efforts légitimes de nombreux pays pour préserver certaines industries, mais les mêmes outils sont parfois utilisés avec beaucoup plus de force que nécessaire pour atteindre la cible, ce qui nuit vraiment à la libre circulation des biens, et ce sont finalement les consommateurs, les participants au commerce ou mes clients qui en paient le prix.

Le sénateur Wetston : Je me demande toujours qui en paie le prix. Vous l’avez mentionné. Encore une fois, je pense que vous savez de quoi je parle. Pouvez-vous m’expliquer votre point de vue à ce sujet? Je ne vous interroge pas vraiment sur les externalités ou d’autres choses du genre, mais plutôt sur les coûts directs que doivent absorber des personnes qui ne s’attendaient peut-être pas à en payer le prix. Pouvez-vous nous en parler un peu plus, s’il vous plaît?

Mme Sandford : Je peux vous donner un exemple simple qui a capté mon attention l’autre jour et qui ne vient pas de l’un de mes clients, donc je me sens libre d’en parler.

Un monsieur qui fabrique des produits recouverts de métal aux États-Unis participait à une entrevue et parlait des difficultés que connaît son entreprise en raison des tarifs imposés par les États-Unis sur l’acier et l’aluminium. Il disait craindre devoir licencier du personnel. Il comprend bien qu’il devrait désormais s’approvisionner auprès de fournisseurs nationaux. C’est ce que les tarifs sont censés l’inciter à faire, mais la réalité est telle que les fabricants américains ne produisent pas les matériaux spécialisés dont il a besoin et qu’il devra continuer d’en acheter, en payant les tarifs associés, ce qui fera nécessairement augmenter ses coûts de production ou diminuer sa production. Ce n’est pas comme si cela aidait les producteurs d’acier et d’aluminium des États-Unis ou si cela aidait le consommateur à obtenir des prix plus concurrentiels au bout du compte.

Le président : J’ai une question à vous poser, madame Sandford, si vous me le permettez. Vous dites observer, dans votre pratique, un refroidissement dans les décisions d’investissement des États-Unis au Canada. Est-ce que je vous ai bien comprise?

Mme Sandford : J’ai dit qu’il semble effectivement y avoir un refroidissement. Je ne voudrais pas parler de clients particuliers dans des affaires précises, parce que je suis tenue au secret professionnel dans ma relation avec mes clients, mais j’observe, au fil des ans, que, en période d’incertitude, comme c’est le cas en ce moment, j’entends souvent mes clients dire que comme ils ne savent pas ce qu’il adviendra, ils préfèrent attendre de voir comment la situation évoluera plutôt de courir des risques. Je m’avance sûrement un peu et je fais des généralisations quand je dis que je m’attends à une attitude attentiste en ce moment. Comme je l’ai dit, je ne me sens pas libre de vous parler concrètement des affaires de mes clients en ce moment.

Le président : Non. C’est très utile.

Merci beaucoup, madame Sandford. Je suis certain que tous les sénateurs joindront leur voix à la mienne pour vous remercier sincèrement de tout votre travail, parce que vous aidez le Canada. Votre exposé de ce matin nous a aidés, lui aussi. Merci beaucoup. C’est très apprécié.

Mme Sandford : Merci.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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