Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule no 51 - Témoignages du 20 février 2019
OTTAWA, le mercredi 20 février 2019
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd’hui, à 16h 15, afin d’examiner, pour en faire rapport, les avantages et les défis éventuels inhérents au système bancaire ouvert pour les consommateurs canadiens de services financiers, en mettant l’accent sur le rôle réglementaire du gouvernement fédéral.
Le sénateur Douglas Black (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Mesdames et messieurs, bonjour. Bienvenue à nos collègues et aux membres du public qui suivent aujourd’hui les délibérations du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce dans cette salle ou par Internet. Je m’appelle Doug Black, et je préside ce comité.
Je tiens à souhaiter à tous mes collègues un bon retour après la pause et, bien sûr, la bienvenue dans ce nouvel édifice splendide du Sénat du Canada. J’encourage tous les Canadiens qui se trouvent à Ottawa à venir le visiter. C’est incroyable. Nous nous réunirons deux fois par semaine dans cette salle, qui a subi d’extraordinaires améliorations par rapport à ce que nous avons connu ces dernières années.
Avant de passer la parole à nos experts, je demanderais à mes collègues de se présenter.
Le sénateur Klyne : Marty Klyne, Saskatchewan.
La sénatrice Griffin : Diane Griffin, Île-du-Prince-Édouard.
Le sénateur Duffy : Mike Duffy, Île-du-Prince-Édouard.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.
[Traduction]
La sénatrice Stewart Olsen : Je suis Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, Terre-Neuve-et-Labrador.
La sénatrice Martin : Yonah Martin, Colombie-Britannique.
La sénatrice Frum : Linda Frum, Ontario.
Le président : Je vais profiter de cette occasion pour rappeler au comité que Linda Frum est désormais un membre permanent. Ayant eu le privilège de servir avec Linda pendant six ans au Sénat, je vous assure que nous y gagnons beaucoup. Merci d’avoir accepté de siéger à ce comité.
Nous avons un nouveau sénateur. Sénateur Wetston, voudriez-vous vous présenter?
Le sénateur Wetston : Merci. Je me sens très jeune, tout d’un coup. Howard Wetston, Toronto.
Le président : Aujourd’hui marque la première réunion de notre étude sur les avantages et les défis éventuels des services bancaires inhérents au système bancaire ouvert pour les consommateurs canadiens des services financiers, en mettant l’accent sur le rôle réglementaire du gouvernement fédéral. J’ai le plaisir d’accueillir nos témoins du premier groupe, Christopher C. Nicholls, professeur et titulaire de la chaire en droit des sociétés W. Geoff Beattie, Faculté de droit, Université de Western Ontario ainsi que Dan Dickinson, vice-président principal et chef du service numérique de la Banque Équitable.
Monsieur Nicholls, je vous demanderais de nous présenter votre allocution. Nous entendrons ensuite M. Dickinson, puis je suis sûr que les sénateurs auront des questions à vous poser.
Christopher C. Nicholls, professeur et titulaire de la chaire en droit des sociétés W. Geoff Beattie, faculté de droit, Université de Western Ontario, à titre personnel : Merci, monsieur le président et honorables sénateurs.
Ces cinq dernières années, on a beaucoup parlé, partout dans le monde, des services bancaires ouverts. Ici au Canada, le Comité consultatif sur un système bancaire ouvert du gouvernement fédéral a publié son document de consultation le mois dernier. Il y définit ainsi les services bancaires ouverts : « Le système bancaire ouvert est un cadre où les consommateurs et les entreprises peuvent autoriser des tiers fournisseurs de services financiers à avoir accès aux données sur leurs opérations financières au moyen de canaux sécurisés en ligne. » Il est entendu que ces canaux nécessiteraient l’utilisation d’interfaces de programmation d’applications ouvertes normalisées, ou API.
Certains pensent que l’ouverture des services bancaires pourrait révolutionner la prestation des services financiers et la structure des entreprises de services financiers. Un banquier britannique, par exemple, a affirmé que les services bancaires ouverts sont « les plus grands changements apportés au système depuis l’invention du chéquier ».
Je vais brièvement présenter trois observations. Premièrement, un système bancaire ouvert pourrait vraiment avantager les consommateurs canadiens et l’économie du pays. Deuxièmement, vu les progrès rapides du système bancaire ouvert dans le monde, il est urgent que les législateurs et les organismes de réglementation canadiens élaborent un cadre efficace pour que notre pays puisse adéquatement profiter des avantages et des possibilités qu’offrira le système bancaire ouvert. Troisièmement, bien qu’il soit important pour le Canada d’agir aussi rapidement et prudemment que possible, il faudra résoudre d’importantes questions juridiques, réglementaires et structurelles afin que le régime canadien de services bancaires ouverts que l’on établira soit parfaitement sûr et procure les grands avantages nets promis au public canadien.
Parlons maintenant des avantages. Un système bancaire ouvert pourrait renforcer la concurrence dans le secteur des services financiers, par exemple en permettant aux consommateurs de comparer les prix et les services pour passer facilement d’un fournisseur de services à un autre. Il pourrait étendre la gamme des produits et services de gestion des finances et des placements offerts aux consommateurs. Il améliorerait aussi les processus de demande de crédit et créerait de nouvelles options de paiement en remplaçant les cartes de crédit, de débit et d’autres méthodes traditionnelles. De façon plus générale, il faciliterait le démarrage des entreprises, il dégrouperait les services que fournissent habituellement les institutions financières et il pourrait s’appuyer sur les plateformes bancaires traditionnelles pour fournir une vaste gamme de services financiers novateurs et utiles. Il développerait la littératie financière, ce qui préviendrait l’exploitation des emprunteurs vulnérables. Il permettrait surtout d’offrir des services bancaires et financiers à de nombreuses personnes qui, à l’heure actuelle, n’y ont pas accès.
Le développement du système bancaire ouvert a récemment fait des pas de géant dans le monde, particulièrement dans Union européenne à la suite de l’adoption de la deuxième directive sur les services de paiement, ou PSD2, en novembre 2015, ainsi qu’au Royaume-Uni. Les événements survenus au Royaume-Uni sont particulièrement dignes de mention. En 2016, l’AMC, ou U.K. Competition and Markets Authority, a créé un organisme de mise en œuvre pour gérer le processus de passage à un environnement bancaire ouvert. Cet organisme, l’OBIE, est financé par les neuf plus grandes banques et sociétés de construction du Royaume-Uni, qui sont désormais tenues de rendre certaines données accessibles par l’intermédiaire du système bancaire ouvert.
En janvier 2019, la U.K. Financial Conduct Authority du Royaume-Uni comptait 71 fournisseurs tiers réglementés ainsi que 33 fournisseurs de comptes inscrits à des services bancaires ouverts. Il s’agit essentiellement des neuf plus grandes banques et sociétés de construction du Royaume-Uni ainsi que d’un certain nombre d’autres établissements qui y participent volontairement.
Des développements importants ont également facilité l’établissement d’un système bancaire ouvert en Australie, au Japon, à Hong Kong, à Singapour et ailleurs.
Certains intervenants canadiens craignent que notre pays ne prenne du retard dans la course internationale à la position de chef de file mondial dans le secteur bancaire ouvert. Par exemple, dans son récent indice d’ouverture des possibilités bancaires, Ernst & Young a classé le Canada au huitième rang des pays du monde disposés à tirer parti des services bancaires ouverts. Le Royaume-Uni était au premier rang. Soulignons que le Canada se classe au dernier rang de la catégorie de l’environnement réglementaire de l’index EY.
Pour qu’un régime bancaire ouvert soit efficace, il faudra bien sûr résoudre un certain nombre de questions juridiques et réglementaires importantes. Il s’agit notamment de préoccupations relatives à la protection de la vie privée et des données ainsi qu’à la propriété des données, à la cybersécurité. Le comité a étudié récemment l’importance de la cybersécurité. Je tiens à souligner le sous-titre très pertinent du rapport que vous avez publié en octobre 2018, Les cyberattaques : elles devraient vous empêcher de fermer l’œil. C’est tout à fait vrai. Les autres préoccupations comprennent la lutte contre le blanchiment d’argent, l’identification numérique, diverses questions en matière de responsabilité, la réglementation des valeurs mobilières, les défis liés au développement d’une expertise et d’une capacité réglementaires suffisantes ainsi que les répercussions qu’un tel régime aura sur le système de paiement, sur la stabilité et sur la structure du marché des services financiers.
En conclusion, le système bancaire ouvert offre des avantages considérables et se développe rapidement ailleurs dans le monde. Si le Canada décide de l’adopter, les législateurs et les organismes de réglementation devront élaborer et mettre en œuvre un cadre qui permette aux entreprises et aux consommateurs canadiens de profiter des avantages considérables qu’il offre. Ils devront s’attaquer à une série de défis bien précis tout en s’efforçant d’anticiper les risques.
Je remercie les membres du comité de m’avoir invité à comparaître aujourd’hui, et c'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
Le président : Merci, monsieur Nicholls. Votre allocution nous sera extrêmement utile.
Monsieur Dickinson, à vous la parole.
Dan Dickinson, vice-président principal et chef du service numérique, Banque Équitable : Merci, monsieur le président. Bonjour, mesdames et messieurs. Je suis vice-président principal et chef du service numérique de la Banque Équitable. Établie à Toronto, mais exploitée partout au pays, la Banque Équitable occupe le neuvième rang des grandes banques canadiennes indépendantes de l’annexe 1. Nous sommes très fiers de notre banque audacieuse qui, bien qu’étant de taille intermédiaire, stimule l’innovation tout en se concentrant sur les besoins de ses clients. Nous investissons continuellement pour développer notre infrastructure et nos capacités technologiques afin de demeurer à l’écoute des besoins changeants de nos clients.
L’un de ces changements qui, selon nous, sont très prometteurs pour les Canadiens, est l’ouverture des services bancaires. Je tiens à remercier le comité de nous avoir invités à lui présenter nos réflexions sur les avantages et sur les défis découlant d’un système bancaire ouvert.
Je tiens avant tout à souligner que, bien que je siège également au conseil d’administration de Paiements Canada, je ne vous présente ici que mon point de vue personnel et celui de ma banque.
Une partie de mon rôle à la Banque Équitable consiste à trouver de nouvelles façons d’aider nos clients à se prévaloir des progrès technologiques. Je suis aussi responsable de suivre l’évolution de la réglementation dans d’autres marchés pour y trouver des idées qui pourront profiter à nos clients si nous les mettons en œuvre.
Le système bancaire ouvert s’applique à mes deux fonctions. Nous sommes convaincus qu’un tel système avantagera les Canadiens en leur permettant d’accéder à leurs données financières à tout moment et dans tout lieu. Nous croyons fermement que les clients sont les vrais propriétaires de leurs données bancaires.
Dès que nous avons constaté, dans le budget de 2018, que le gouvernement s’engageait à étudier la notion de services bancaires ouverts et quand le ministre Morneau a créé un groupe consultatif à cet effet, nous, les employés de la Banque Équitable, avons commencé à défendre publiquement et avec enthousiasme l’ouverture des services bancaires au Canada. Nous avons également été encouragés par l’excellent document de consultation que le ministère des Finances a publié le mois dernier, où il décrit clairement les avantages qu’en retireraient les Canadiens. Il affirme que :
[…] un système bancaire ouvert pourrait accroître l’efficacité du secteur financier en favorisant un écosystème plus dynamique et diversifié de fournisseurs de services financiers. Ainsi, le secteur pourrait devenir davantage utile pour les Canadiens en offrant des services novateurs et pratiques aux consommateurs et aux petites entreprises à un faible coût.
Nous sommes tout à fait d’accord avec lui.
La Banque Équitable ne cherche pas à répondre à tous les besoins de tout le monde. Nous offrons des produits différenciés, de meilleurs tarifs et une expérience hors pair là où nous estimons que les Canadiens ne sont pas bien servis. Nous sommes un chef de file en matière de prêts hypothécaires alternatifs et en prêts de la SCHL, par exemple. Nous sommes l’une de deux banques qui offrent des prêts hypothécaires inversés, et notre branche numérique, EQ Bank, s’est classée parmi les 10 meilleures banques numériques au monde dans la revue Financial IT.
Il existe cependant un grand nombre de produits et services que nous n’offrons pas, parce que les Canadiens sont déjà bien servis par d’autres institutions. Nous pensons qu’à l’avenir, les Canadiens s’attacheront à un petit nombre de fournisseurs pour créer le portrait financier qui leur convient le mieux et qu’on leur offrira les outils pour établir leur configuration idéale. Voici donc les avantages généraux des services bancaires ouverts : ils permettront aux Canadiens d’examiner et de gérer facilement les finances de leur famille, aux petites entreprises de trouver et d’obtenir plus facilement les services bancaires dont ils ont besoin à des taux et à des prix qui les aident à croître, et à la communauté canadienne des technologies financières de croître, de s'épanouir, de créer des emplois et de répondre à divers besoins. Une concurrence accrue fera en sorte que l’argent durement gagné par chaque Canadien obtienne le meilleur rendement possible.
Dans son document de consultation, le ministère des Finances décrit également les risques que pourra poser ce système. Nous sommes certainement conscients de ces risques — en fait, la prise en compte et la gestion du risque font partie intégrante de notre ADN bancaire —, mais nous ne croyons pas que les risques l'emportent sur les avantages. D’ailleurs, le gouvernement pourra atténuer ces risques en fixant des normes et des principes, surtout dans les domaines de la protection de la vie privée, du consentement et de la protection des consommateurs. Il pourra, par exemple, établir des normes sur le consentement au partage de données qui exigent une certaine clarté et de la simplicité pour les clients afin de remplacer le jargon juridique complexe. Il pourra aussi protéger toutes les parties en établissant un mécanisme clair de responsabilisation des intervenants tiers ainsi que des lignes directrices sur l’audit de ces tiers.
Enfin, parlons de la cybersécurité. Bien qu’elle constitue une préoccupation constante dans notre structuration et notre exploitation des services bancaires — et je peux vous assurer qu’elle m’empêche souvent de fermer l’œil —, nous sommes convaincus que les services bancaires ouverts ne posent pas plus de risques à la cybersécurité que les services bancaires actuels. En fait, nous croyons qu’il est possible de réduire les risques inhérents à la capture de données d'écran, par lequel des tiers non réglementés stockent les justificatifs bancaires des clients des banques canadiennes. Nous comprenons que les Canadiens désirent utiliser cette technologie de capture de données d’écran. Ils souhaitent avoir une vue d’ensemble de leur situation financière pour mieux la comprendre. Nous sommes convaincus qu’un régime bancaire ouvert et bien géré leur offrira ce service en toute sécurité.
À notre avis, le gouvernement peut jouer un rôle central non seulement en aidant à atténuer les risques, mais aussi en favorisant l’adoption d’un système bancaire ouvert. Pour offrir avec succès des services bancaires ouverts aux Canadiens, il sera crucial de fixer des principes clairs sur l’interopérabilité, des normes minimales sur la façon de publier les données et sur la quantité que les banques devront en publier et d’exiger la publication d’échéanciers pour l’adoption des services bancaires ouverts.
En terminant, au nom des employés de la Banque Équitable, je tiens à vous remercier une fois de plus de nous avoir invités à présenter notre point de vue. Nous sommes ravis que le gouvernement prenne cette initiative sur les services bancaires ouverts et nous en attendons avec impatience les prochaines étapes. Dans son esprit novateur favorisant les services axés sur la clientèle, la Banque Équitable soutient ardemment l’adoption des services bancaires ouverts au Canada, car ils apporteront autant d’avantages aux clients qu’à la société dans son ensemble. Je vous remercie de nous avoir consacré de votre temps et cela me fera plaisir de répondre à vos questions.
Le président : Merci beaucoup. Les renseignements que vous nous présentez nous seront très utiles.
Avant de passer aux questions, je voudrais vous présenter la sénatrice Verner, qui est aussi membre du comité. Nous pouvons maintenant passer aux questions.
La sénatrice Stewart Olsen : Merci d’être venus et merci pour vos présentations. Si vous me le permettez, j'aimerais revenir à une question rudimentaire. Les gens qui regardent cette séance se demandent peut-être en quoi consiste le système bancaire ouvert. Pourriez-vous nous expliquer brièvement ce terme, qui risque de porter à confusion?
M. Nicholls : Je vais vous l’expliquer rapidement, puis je demanderai à M. Dickinson combler mes lacunes.
Le système bancaire ouvert mettrait directement à la disposition de tiers, en toute sécurité, les données ou les renseignements que votre banque possède sur votre compte. Prenons par exemple une entreprise de technologie financière indépendante. Ce tiers pourrait prendre ces renseignements, avec le consentement du client, pour peut-être les regrouper ou les combiner avec d’autres renseignements et fournir au client un service qu’il ne pourrait pas obtenir autrement. Nous avons là un cas modèle, celui qui a enthousiasmé les gens au Royaume-Uni, où l’ouverture des services bancaires était, en partie, une réaction à la deuxième directive européenne sur les services de paiement et au manque de concurrence dans le secteur bancaire britannique. La Competition and Markets Authority — ou plutôt l’organisme qui l’a précédée — a mené une étude sur le secteur bancaire du Royaume-Uni et n’a pas trouvé de concurrence très solide dans le marché des comptes courants personnels. Essentiellement, un petit groupe de quatre banques contrôlait environ 70 p. 100 de ce marché et, selon leurs données, leurs clients ne changeaient pas de banque, même pour obtenir de meilleurs produits, prix et services. Cette économie était visqueuse, comme on le dit dans ce domaine.
En partie, les gens ne changent pas de banque par manque d’information. Il est très difficile de comparer les banques. D’autre part, il est difficile de changer de banque pour obtenir un meilleur produit. Il faut prendre rendez-vous avec son conseiller bancaire, et pour bien des raisons liées à des causes psychologiques, à un comportement donné, à un manque de temps et autres, les gens ne changent pas de banque.
Le régime bancaire ouvert permettrait à un fournisseur de services unique de vous offrir, avec votre consentement, un produit qui vous permettrait de voir en même temps tous les comptes que vous avez dans des banques. En un seul clic, vous pourriez transférer vos comptes d’une banque à une autre sans devoir le demander à votre conseiller bancaire. Si ce régime existait, nous pourrions nous attendre à une concurrence vigoureuse sur le marché des comptes courants personnels. C’est en fait ce qui a motivé l’initiative du Royaume-Uni. Cependant, je ne vous présente ici que l’exemple le plus simple des services bancaires ouverts.
Je suis sûr que M. Dickinson pourra vous donner une foule d’autres avantages qui s’offriront à vous quand des entreprises technologiques novatrices tierces pourront accéder directement à vos données bancaires, avec votre consentement, afin d’y ajouter de la valeur.
Je vais laisser M. Dickinson vous en dire davantage.
M. Dickinson : J’ai grandi dans une ferme, dans une région rurale de la Nouvelle-Écosse. Il y a une succursale bancaire à 20 minutes de route, et cet établissement a été la seule source de produits bancaires pour ma famille pendant des années. Mon père est agriculteur et il a peut-être des besoins plus complexes que ceux auxquels répond le compte bancaire moyen. Il s’est donc adressé à cette banque pour satisfaire à ses besoins. En théorie, dans un monde bancaire ouvert, vous pourriez, en fait, avoir un outil créé par une tierce partie impartiale qui serait là pour servir les agriculteurs et qui leur dirait : « Parlez-moi de votre ferme, parlez-moi de vos flux de trésorerie et des différentes choses qui vous concernent. » Cela se ferait, encore une fois, avec leur consentement.
Il serait alors facile de saisir ces renseignements et d’examiner l’ensemble des options de services financiers existants à l’échelle du pays — il n’est pas nécessaire que ce soit local — pour leur proposer celles qui leur conviennent le mieux.
Avant de parler du changement de banque et des autres questions, l’accès à l’information est un élément clé d’un système bancaire ouvert. Aujourd’hui, mon père, qui est un homme très occupé, devrait consulter les sites web ou appeler chacune de ces banques individuellement pour savoir ce qui est le mieux pour lui, même pour cette simple raison. J’estime que cela a une grande valeur, surtout dans les collectivités comme celle où j’ai grandi.
La sénatrice Stewart Olsen : À votre avis, qui en profiterait le plus et le Canada est-il prêt?
M. Nicholls : Encore une fois, je vais m’en remettre à M. Dickinson pour ce qui est des considérations économiques. Cependant, je crois que cela existe déjà au Canada. Autrement dit, les entreprises qui y ont recours le font déjà sans système bancaire ouvert, et M. Dickinson en a parlé dans ses observations. À l’heure actuelle, certaines entreprises procèdent à la capture de données d’écran — je ne sais pas d’où vient le terme, mais il fait référence à l’idée que vous, le client de la banque, remettez à un tiers vos détails d’authentification pour qu’il puisse ouvrir une session dans votre compte. Cela ne se fait pas à la légère, mais de façon à protéger ces données. Néanmoins, ce n’est pas la façon la plus sûre de fournir ces renseignements.
Quoi qu’il en soit, cela se fait actuellement au Canada et ailleurs. En fait, encore une fois, l’un des moteurs de la réforme du système bancaire ouvert dans de nombreux pays est la reconnaissance du fait que la capture de données d’écran a déjà cours. Il faut donc trouver une façon meilleure et plus sûre de fournir les services que les gens désirent sans recourir à une méthode non sécuritaire, ou moins sûre, comme la capture de données d’écran, pour transférer l’information. Quant à savoir qui en profiterait, nous ne le savons pas parce que, dans un sens, il n’y a pas de limite.
Parmi les exemples évidents qui ont été mentionnés, les gens des régions éloignées pourraient avoir accès à une plus grande gamme de services. On a laissé entendre que les petites et moyennes entreprises pourraient profiter de processus de demande de crédit améliorés qui ne leur sont pas offerts dans le cadre de notre régime actuel. Quant à savoir qui en profiterait le plus, c’est discutable, et je pense que les personnes les mieux placées pour vous en parler sont les gens de l’industrie et les groupes de consommateurs.
La sénatrice Stewart Olsen : Merci.
M. Dickinson : À mon avis, une concurrence accrue ne peut être que positive dans ce cas. Je crois qu’il y a des besoins qui sont satisfaits, comme l’a dit M. Nicholls, d’une façon qui n’est pas idéale. Je ne veux pas dénigrer les entreprises qui utilisent ces méthodes de capture de données d’écran, mais ce sont des entités non réglementées. Je pense donc que le fait d’offrir aux clients une façon de voir leurs finances en un seul endroit afin de mieux comprendre leurs paiements par carte de crédit ou le moment des paiements par carte de crédit, d’une façon qui les laisse dans le réseau de confiance des banques qui servent le pays depuis longtemps et auquel ils font déjà confiance, est le principal avantage pour le consommateur canadien moyen.
Les entreprises de technologie financière en bénéficieraient certainement parce qu’elles pourraient offrir des services, même des services spécialisés, qui ne seraient pas rentables pour les autres banques. Les possibilités d’emploi qui accompagnent la croissance des petites entreprises sont évidentes.
Le sénateur Wetston : Merci, monsieur le président. Monsieur Nicholls, j’ai lu quelques-uns de vos livres — du moins quelques-uns, je crois. En avez-vous publié deux ou trois?
M. Nicholls : Six.
Le sénateur Wetston : J’ai parlé à quelques personnes à ce sujet, en examinant les avantages et les inconvénients d’un système bancaire ouvert. La propriété des données me pose un problème. Je ne pense pas que la jurisprudence soit établie au Canada à ce sujet. Je ne pense pas qu’il y ait de loi permettant de dire que le client est propriétaire des données. Vous avez utilisé cette expression, monsieur Dickinson, de sorte que maintenant que vous avez un professeur de droit à votre droite, je vais vous donner l’occasion de répondre à cette question. À qui appartiennent les données?
M. Nicholls : Je vais me prévaloir de la prérogative de nombreux professeurs de droit et ne pas répondre à la question. Passons à autre chose.
Je pense que c’est peut-être une question litigieuse. De plus, la question de savoir qui possède les données ou, en fait, toute question de propriété intellectuelle concernant la technologie moderne, relève d’un domaine du droit très spécialisé, et ce n’est pas mon domaine. Je ne dis pas que personne ne peut en parler, mais je ne peux pas en parler.
Même si vous avez raison, et je soupçonne que vous avez raison, il y a de l’incertitude quant à la propriété des données, ce qui semble exiger une solution législative dans le cadre de la mise en œuvre d’un système bancaire ouvert. Je pense aussi qu’on reconnaît généralement qu’il faut avoir des certitudes quant à la propriété des données.
Il y a d’autres complications liées aux données enrichies. Autrement dit, un client possède certainement les données sur lui-même, mais que se passe-t-il lorsque ces données sont mélangées à d’autres services à valeur ajoutée offerts par sa banque? Ces données sont-elles toujours la propriété du client ou est-ce partagé? Encore une fois, il s’agit de questions complexes liées au droit des biens. Ce n’est pas à moi d’en parler. Vous avez raison, il faut les régler.
Le sénateur Wetston : Monsieur le président, pouvons-nous retenir cette idée et voir si nous pouvons l’explorer dans ce contexte?
Le président : Absolument. Nous voudrons peut-être entendre un témoin à ce sujet.
Le sénateur Wetston : Il y a beaucoup de discussions sur la protection de la vie privée, et nous allons nous pencher sur ce sujet. Vous avez soulevé des questions importantes à ce propos, mais elles semblent surgir constamment. Bien entendu, il y a d’autres problèmes associés à un système bancaire ouvert. Le Royaume-Uni est allé de l’avant avec succès, et les normes doivent être élaborées. Je sais que vous avez examiné les rapports, peut-être ceux du Bureau de la concurrence et du ministère des Finances qui traitent des données et des questions connexes que soulève un système bancaire ouvert. Ma question est la suivante : nous avons un système de réglementation fragmenté au Canada, alors choisissez votre organisme de réglementation. Monsieur Nicholls, vous avez une certaine idée de la question, évidemment, compte tenu de vos travaux. Monsieur Dickinson, vous êtes probablement réglementé par le BSIF. Vous avez probablement aussi des liens avec les organismes de réglementation des valeurs mobilières. C’est peut-être le cas.
M. Dickinson : Pas à ce jour.
Le sénateur Wetston : Vous avez de la chance. Cela pourrait arriver si vous avez un système bancaire ouvert. Pouvez-vous nous aider à définir le cadre réglementaire tel que vous le voyez? De toute évidence, il faudrait tenir compte de cela dans le contexte financier si l’on va de l’avant avec un système bancaire ouvert. Qu’en pensez-vous?
M. Nicholls :
Oui. Il y a trois éléments à cela. Premièrement, la réglementation prudentielle que le BSIF applique actuellement devrait tenir compte de l’incidence des technologies financières, selon ce qu’elles font. Il n’y a aucun moyen de l’éviter. Il est difficile, dans l’abstrait, de dire à quoi cela pourrait ressembler, parce que cela dépend de ce que fait la fintech en question, si ses activités pourraient susciter des préoccupations prudentielles. Il est impossible d’éviter les questions de réglementation des valeurs mobilières. C’est inévitable. J’en ai parlé dans mes remarques, mais selon la nature du produit fourni, s’il y a un produit de gestion financière que la fintech fournit, il est très difficile d’éviter les questions de réglementation des valeurs mobilières. Comme vous le savez très bien, sénateur, notre système est fragmenté et nous ne pouvons vraiment rien y faire. C’est le système que nous avons actuellement.
Il y a aussi des répercussions systémiques, et nous aurons peut-être un nouvel organisme de réglementation systémique qui aura aussi quelque chose à dire à ce sujet. Encore une fois, nous n’avons pas encore cet organisme de réglementation. Il est difficile d’imaginer exactement comment cela pourrait s’ajouter à un nouveau système bancaire ouvert alors que nous n’avons même pas cet organisme de réglementation dans notre système actuel.
Bien sûr, il y a aussi le système de paiement. Un système bancaire ouvert a d’importantes répercussions sur les paiements, encore une fois en fonction des services particuliers fournis par les entreprises de technologie financière.
Il n’y a pas de réponse unique. La réponse dépend de ce que fait chacune de ces nouvelles entreprises, de la façon dont nous réglementons cette fonction et cela de la même façon, quelles que soient les institutions qui l’exécutent.
M. Dickinson : J’aimerais ajouter quelques réflexions. Vous avez tout à fait raison de dire qu’il faut une harmonisation. L’ouverture du système bancaire, si elle devait se concrétiser, mettra en évidence les lacunes dans la réglementation, le fait que les coopératives de crédit réglementent le système à l’échelle provinciale. Toutefois, si un client essaie d’obtenir une vue d’ensemble de sa situation financière, cela pourrait maintenant toucher les deux.
Les dispositions existantes comme les règlements du CANAFE et celles du blanchiment d’argent pour identifier votre client devront s’harmoniser avec le système bancaire ouvert, sans quoi l’efficacité et l’utilité de ce système seraient compromises.
En fin de compte, l’identité numérique est un élément essentiel pour assurer le bon fonctionnement d’un système bancaire ouvert. Je crois pouvoir dire que la question n’est pas encore réglée au Canada. Dans notre réponse au ministère des Finances, nous avons certainement considéré que l’identité numérique, la modernisation des paiements et un système bancaire ouvert formaient un tout.
Pour répondre à la question de la sénatrice Stewart Olsen : le Canada est-il prêt? Il y a de nombreux éléments qui nous permettent d’avancer. Je ne pense pas qu’ils soient encore bien harmonisés. Toutefois, j’espère qu’ils vont dans la bonne direction.
Le président : C’est très intéressant.
La sénatrice Marshall : Ma principale préoccupation concerne la protection de la vie privée, mais si quelqu’un compte aborder cette question, je vais passer à un autre sujet.
Un système bancaire ouvert. Qui en assumera le coût? S’agit-il des diverses institutions financières? Qui en assumera les coûts et comment les recouvrira-t-on? Est-ce en vendant des produits aux clients? Parlez-nous simplement de cela. Parce qu’on ne le fait pas pour le plaisir de le faire; on le fait pour gagner de l’argent.
M. Dickinson : J’y vois presque un autre moyen de distribution, si vous voyez les choses sous cet angle. Cela présente certainement un avantage pour les clients, mais l’ouverture de l’information sur les produits d’une banque à un public plus vaste présente certainement des avantages pour une banque comme la mienne, par exemple. Les banques assumeraient donc les coûts de la publication de ces données, en quelque sorte, mais elles le font déjà aujourd’hui. C’est simplement au moyen de portails contrôlés.
Cela change donc le profil de ces coûts, mais les banques consacrent beaucoup d’argent non seulement à la distribution, mais aussi à la sécurité de cette distribution aujourd’hui. Nous voyons là un autre moyen de faire connaître nos produits aux clients.
La sénatrice Marshall : Si cela se produit maintenant de façon ponctuelle, cela aura-t-il une incidence sur la protection de la vie privée et la sécurité?
M. Dickinson : C’est possible. Je pense qu’il sera plus difficile de s’entendre sur ces problèmes. Je ne sais pas s’ils sont insurmontables. Pour revenir à ce que disait M. Nicholls tout à l’heure, je pense qu’il faut les régler. Ce sera plus facile si nous réglons les questions de protection de la vie privée avant que quiconque commence à construire quoi que ce soit, certainement, et c’est pourquoi nous avons souligné la nécessité d’un rôle central fort à l'échelon gouvernemental.
À notre avis, une approche axée sur le marché serait plus risquée qu’un ensemble de principes centraux solides disant que c’est ainsi que nous protégeons la vie privée des consommateurs et que c’est ainsi que nous assurons un niveau de sécurité de base. Nous croyons que cela doit venir du centre.
La sénatrice Marshall : Sur le plan conceptuel, comment voyez-vous les choses progresser? Une fois que le système bancaire ouvert sera en place, voyez-vous tous les clients d’une institution financière y participer? Un client peut-il dire : « Je ne souhaite pas partager mes données; je connais ma situation financière; je ne veux pas y participer »? Peut-on procéder de cette façon?
M. Dickinson : Du point de vue conceptuel, absolument, et c’est entièrement facultatif. Le client devrait donner expressément son consentement à un niveau précis, presque pour dire : « Cette information pour cet établissement, mais pas cet autre. Je veux communiquer ces renseignements-ci. Je ne veux pas communiquer ces renseignements-là. » Chaque modèle que nous avons vu dans le monde a été un modèle d’adhésion optionnelle. Il faut préciser très clairement ce que vous demandez à l’institution bancaire de communiquer ou non à un tiers. La façon dont ce sera défini fera partie du gros du travail à faire ici, mais je dirais que, comme point de départ, il doit s’agir d’un élément absolument fondamental.
M. Nicholls : Et un droit clair de révocation, qui est l’autre élément.
La sénatrice Marshall : Y a-t-il des exemples de problèmes sur le plan de la protection de la vie privée? Par exemple, dans le domaine des soins de santé, nous entendons dire dans de nombreuses provinces qu’on viole la confidentialité de dossiers médicaux. Cela a-t-il posé un problème jusqu’ici? Quelle a été l’expérience jusqu’à maintenant en ce qui concerne la protection de la vie privée et la sécurité, en ce qui concerne ces deux questions? Est-il trop tôt pour en parler?
M. Nicholls : À ma connaissance, il n’y a pas eu de violation liée précisément au système bancaire ouvert. Pour ce qui est des atteintes à la cybersécurité, les risques dont nous parlons sont les mêmes. Par conséquent, le fait qu’il n’y ait pas d’exemple précis nous permettant de dire que c’est à cause de l’ouverture du système bancaire ne devrait pas nous donner un faux sentiment de sécurité, nous faire croire que c’est quelque chose de spécial.
M. Dickinson : Comme je l’ai dit dans mon exposé, nous ne pensons pas que ce soit sans risque pour la cybersécurité. Nous ne pensons pas que cela change la nature du risque. Nous pensons que le risque de cybersécurité existe déjà. C’est une autre dimension.
La sénatrice Marshall : Le risque serait le même.
M. Dickinson : Il nous faudrait faire preuve de la même diligence en ce qui concerne les données et l’accès des clients, la vérification de l’identité, toutes les exigences que nous avons aujourd’hui.
M. Nicholls : Comme M. Dickinson l’a mentionné plus tôt, on semble avoir insisté sur cette approche dans de nombreux pays, dans la mesure où la cybersécurité sera toujours un risque. Toutefois, la technique de capture des données d’écran, actuellement utilisée, est probablement moins sûre que la technologie API préconisée.
La sénatrice Marshall : Merci beaucoup.
Le sénateur Klyne : J’ai une question qui fait suite à plusieurs autres. En réponse à la question de la sénatrice Stewart-Olsen, vous nous avez donné votre interprétation ou une définition de ce qu’est un système bancaire ouvert. Allons un peu plus loin. Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est une entreprise de technologie financière et peut-être nous donner quelques exemples.
M. Nicholls : Allez-y.
M. Dickinson : Les tierces parties pourraient être des entreprises de technologie financière. Il pourrait s’agir d’une autre banque qui demande l’accès aux données d’une deuxième banque au nom du consommateur. C’est l’intermédiaire qui pose la question. Il pourrait s’agir d’une fintech. Il pourrait s’agir d’une entreprise de technologie. Donc, dans l’exemple que j’ai utilisé, où une entreprise décide d’aider les agriculteurs à trouver les services bancaires qui leur conviennent le mieux, en leur faisant peut-être payer des frais minimes pour ce service, il pourrait s’agir d’un fournisseur de technologies. Ce pourrait être quelque chose qui sort d’un incubateur universitaire. C’est un exemple de fintech.
C’est quelqu’un qui essaie de répondre à un besoin financier en utilisant la technologie au niveau fondamental. Cela couvre tout. Cela pourrait concerner des paiements, l’identité, l’assurance. C’est malheureusement une catégorie très vaste qui s’applique à beaucoup de choses. Je dirais qu’il s’agit d’une entreprise non bancaire, techniquement parlant, qui essaie d’aider les clients à résoudre des problèmes financiers.
Le sénateur Klyne : L’agriculteur recherche-t-il la fintech ou c’est l’inverse?
M. Dickinson : Espérons qu’ils seront, l’un et l’autre, heureux de s’être trouvés. Ce pourrait être l’un ou l’autre.
Le sénateur Klyne : Si l’agriculteur veut faire cela, je ne comprends pas pourquoi il faut un système bancaire ouvert étant donné l’existence d’Internet et la façon dont les quatre piliers du financement diffusent leurs sites web avec tous leurs services et produits. Je ne comprends pas pourquoi une institution financière voudrait partager les données de ses clients avec une autre, à moins que vous ne les vendiez pour gagner de l’argent.
M. Dickinson : Si le client demande ces renseignements. Aujourd’hui, si vous ouvrez une session sur le site web de votre banque, vous pouvez voir toutes vos données. Le client demande donc à obtenir ces données de la banque. Autrefois, c’était au moyen des relevés de compte. Cela pourrait se faire par l’entremise du site web ou de l’application mobile, et c’est déjà le cas aujourd’hui. Le concept de système bancaire ouvert signifie que je pourrais utiliser une tierce partie pour diffuser mes données pour des raisons personnelles. Par exemple, l’application pourrait m’aider à analyser mes transactions et à gérer mes dépenses.
Le sénateur Klyne : C’est le client qui fait le travail ici. Je voyais cela autrement, plus tôt.
M. Dickinson : J’ai donné l’exemple d’un agriculteur qui fait cela. Au lieu d’avoir à consulter les différents sites web, à comprendre les produits bancaires et à faire des calculs précis pour voir quel est le compte d’opérations bancaires qui lui convient le mieux, il pourrait y avoir un outil qui dirait : « J’ai examiné vos données transactionnelles et cette banque vous donnerait des conditions plus avantageuses. »
Le sénateur Klyne : Certaines entreprises de technologie financière peuvent avoir un algorithme : voici trois options pour vous et je recommande l’option A.
M. Dickinson : Exactement.
Le sénateur Klyne : Le gouvernement semble donc ouvert au système bancaire ouvert, qu’il définit comme un cadre au sein duquel les consommateurs et entreprises peuvent autoriser des tiers fournisseurs de services financiers à avoir accès à leurs données sur les opérations financières, au moyen de canaux sécurisés en ligne. Pour que ce soit permis, les clients doivent donner leur autorisation, n’est-ce pas? Toutefois, ils peuvent refuser. Alors, comment les personnes ayant des problèmes de littératie financière peuvent-elles faire ce choix ou donner leur autorisation? Comment leur explique-t-on cela? Lorsqu’elles ouvrent un compte-chèques et qu’un représentant du service à la clientèle se trouve de l’autre côté du comptoir, se contentent-elles de signer pour souscrire à ce service, ou est-ce qu’on leur explique en détail ce qu’elles font, c’est-à-dire qu’elles autorisent des fournisseurs de services financiers tiers à accéder aux données sur leurs transactions? Est-ce ce que nous faisons?
M. Dickinson : Eh bien, c’est le défi ici, d’expliquer clairement au consommateur qui veut s’inscrire ce pour quoi il s’inscrit. C’est le niveau de détail dont nous avons parlé tout à l’heure à propos du droit de révoquer cet accès. Dans un monde parfait, le banquier dirait quelles sont les données auxquelles vous donnez accès, pendant combien de temps et avec quel niveau de détail. C’est l’idée et ce devrait être très clair. Néanmoins, il est difficile de le faire. Il est difficile de le faire complètement, mais simplement.
Le sénateur Klyne : Il y a divers niveaux de littératie financière. Les cinq grandes banques, si vous voulez, formeront leurs représentants du service à la clientèle pour qu’ils expliquent pleinement aux clients, à divers niveaux de littératie financière, à quoi ils s’engagent et ce qu’ils autorisent. Au début, cela pourrait être simple s’ils ouvrent seulement un compte-chèques. Plus tard, ils décideront d’ouvrir un REER, puis de prendre une hypothèque, et ensuite, ils prendront une carte de crédit, tout avec la même banque. Vous pouvez voir comment ce psychographique commence à prendre de l’ampleur, surtout une fois qu’ils ont reçu les renseignements sur les cartes de crédit et qu’ils voient où ont lieu les transactions, dans quels pays et ainsi de suite.
La sénatrice Marshall a parlé de la protection de la vie privée. Cela m’inquiète un peu. Peut-être qu’au début, un client pourrait choisir de participer, mais j’aime avoir l’assurance qu’il peut se retirer ou se soustraire aux sollicitations des spécialistes du marketing ou se faire inscrire sur la liste des abonnés auto-exclus. C’est très intéressant et, encore une fois, je ne vois pas pourquoi les banques partageraient les données sur les transactions de leurs clients à moins qu’elles ne les vendent pour gagner de l’argent.
M. Nicholls : Dans le cas des banques européennes et des neuf plus grandes banques du Royaume-Uni, elles le font parce que le gouvernement les y oblige.
Le sénateur Klyne : Le gouvernement canadien vous oblige-t-il à le faire?
M. Dickinson : Non, pas aujourd’hui. Je crois que si nous estimons qu’il est dans l’intérêt des Canadiens que le système bancaire soit ouvert, il devrait y avoir des lignes directrices et même des dates objectives quant au moment où les banques fourniraient ces données.
Le sénateur Klyne : Est-on prêt à le faire dans l’intérêt du client?
M. Dickinson : En ce qui nous concerne, nous sommes une petite banque. De notre point de vue, cela permet à plus de gens d’en savoir davantage sur nos produits. C’est un autre moyen de distribution. Si je crois avoir un produit concurrentiel qui est intéressant pour les Canadiens, je vois là une façon fantastique de le rendre accessible à plus de gens.
[Français]
Le sénateur Dagenais : J’ai des questions à poser à messieurs Nicholls et Dickinson. Monsieur Nicholls, qu’est-ce qui explique que le Canada met plus de temps que plusieurs autres pays modernes à adhérer à ces systèmes ouverts? On sait qu’au Mexique, en Chine et en Inde, il y a environ 46 p. 100 qui y adhèrent, mais seulement 18 p. 100 au Canada. Doit-on attribuer cela à la réglementation, aux institutions, à la réticence de la clientèle? Qu’est-ce qui fait que, au Canada, on tarde à le mettre en œuvre?
[Traduction]
M. Nicholls : C’est peut-être une combinaison des deux.
Je vais laisser de côté la Chine, même si vous avez tout à fait raison. La Chine est l’une des nations les plus dynamiques au monde en matière d’ouverture du système bancaire. Je vais la laisser de côté parce qu’elle n’y a pas suffisamment d’autres éléments en commun avec le Canada pour en faire une comparaison facile.
L’Union européenne, le Royaume-Uni et l’Australie — en particulier l’Union européenne et le Royaume-Uni — sont en avance sur nous dans deux ou trois domaines différents, pour ce qui est de la protection des données, qui n’a pas reçu la même attention ici. Nombreux sont ceux qui soutiennent que le Règlement général sur la protection des données est plus robuste en Europe qu’il ne l’est actuellement au Canada.
L’Europe était également en avance sur nous pour ce qui est de rendre l’accès aux données obligatoire pour les banques. Le Royaume-Uni a agi de façon très énergique à cet égard, en partie en réponse à la deuxième directive sur les services de paiement et à ses propres recherches qui ont révélé une concurrence problématique à l’égard des comptes courants personnels au Royaume-Uni.
Si ce genre d’étude avait été menée au Canada et que nous avions obtenu des résultats similaires, nous aurions peut-être eu une initiative semblable, mais ce n’est pas le cas. Par conséquent, le Royaume-Uni a agi très rapidement. Nous sommes donc, dans une certaine mesure, en train de faire du rattrapage.
Pour en revenir à tous les arguments qui ont été soulevés ici, ils sont réfléchis et importants. Vous ne pouvez pas agir trop vite. Nous devons avoir l’infrastructure législative et réglementaire en place, sinon nous n’en tirerons aucun avantage. Nous allons entendre toutes les préoccupations que les gens dans cette salle ont soulevées, à juste titre, à savoir la protection de la vie privée, le consentement éclairé et la possibilité de le révoquer, ce travail, et les périodes appropriées.
Nous n’avons pas encore ces choses en place. Ce sont toutes des conditions préalables pour aller de l’avant avec un système bancaire ouvert aussi rapidement que d’autres pays l’ont fait. D’autres pays — je ne parle pas de l’Europe maintenant — n’ont peut-être pas accordé autant d’attention à certaines de ces choses. Au bout du compte, cela pourrait leur poser des problèmes.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Quelle est la réaction des institutions financières quand vous leur dites que leurs clients auront accès à des données comparatives et à des panoplies d’options? Comme il n’y a rien de gratuit dans la vie, j’imagine qu’il doit y avoir des coûts cachés. Par exemple, aujourd’hui, dans une banque canadienne, si vous transférez un REER d’une institution à une autre, on ne vous le dit pas, mais il y a des frais de 100 $ qui sont facturés lors du transfert. Personne ne vous le dit, mais vous l’apprenez à la suite du transfert. Est-ce qu’il y a des coûts cachés? Selon moi, ce n’est pas gratuit.
[Traduction]
M. Nicholls : Pour ce qui est de la rentabilisation, ce dont vous parlez vraiment, je vais devoir m’en remettre à mon collègue qui travaille dans ce secteur.
Je suis tout à fait d’accord avec cette préoccupation. Si l’on demande à une institution d’engager des frais, vous pouvez être certain qu’elle fera valoir qu’elle doit pouvoir recouvrer ces coûts et cela de façon durable. Les grandes institutions sont très efficaces à cet égard.
Je n’ai parlé à aucune banque de son point de vue à ce sujet. Nous n’avons que l’expérience des autres pays.
M. Dickinson : Je dirais que les intervenants qui témoigneront plus tard et qui ont fait des études dans d’autres marchés où cela se produit auront de meilleures données que moi à ce sujet.
Il faudrait surveiller ces autres marchés pour voir s’ils l’ont fait, comment les banques l’ont fait. Je ne pense pas que le système bancaire ouvert envisage le recouvrement des frais, mais je pense que nous allons surveiller les exemples à l’échelle internationale pour voir comment cela a été fait.
[Français]
Le sénateur Dagenais : On sait qu’on a un très bon système bancaire canadien qui est rigoureux, même plus que dans bien d’autres pays. Je pense que les consommateurs sont très bien protégés au Canada, mais en contrepartie, les banques ne se gênent pas pour imposer des frais. Où sont les économies possibles pour les consommateurs? Ce n’est pas toujours évident de magasiner avec un banquier; tôt ou tard, il y a des frais à payer.
J’imagine que c’est M. Dickinson qui parlera des frais.
[Traduction]
M. Dickinson : Ma banque ne facture rien. Les banques canadiennes sont solides et les consommateurs sont bien protégés. L’incitatif pour les consommateurs d’ici serait d’être mieux renseigné sur les offres concurrentes qui seraient offertes. Il pourrait s’agir de trouver un meilleur tarif ou un régime sans frais.
Le sénateur Klyne a soulevé un bon point. Cette information existe, mais nous avons aussi un problème de littératie financière. Parfois, je pense que ces deux choses sont contradictoires. Si un système bancaire ouvert peut nous amener à fournir des renseignements plus clairs quant à l’établissement des prix comme certaines entreprises de technologie financière ont essayé de le faire et à dire : « Voici la différence entre un taux d’intérêt courant et un taux promotionnel. Le taux promotionnel disparaîtra », si des tiers impartiaux font comprendre ce genre de choses ou apportent de la transparence et de la clarté à ce sujet, cela peut être utile.
Ce ne sera pas une solution magique. L’ouverture du système bancaire ne créera pas un environnement concurrentiel parfait, mais nous croyons que c’est un pas dans la bonne direction.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Merci beaucoup, messieurs.
[Traduction]
La sénatrice Griffin : J’ai deux questions. Le gouvernement du Canada dispose de deux types d’outils qu’il peut utiliser pour influencer le comportement, l’économie ou tout ce qui a trait à l’économie. L’un de ces outils est la réglementation, et l’autre, les instruments économiques.
Dans le cas de notre discussion d’aujourd’hui, quels sont les outils dont dispose le gouvernement du Canada qui pourraient servir un système bancaire ouvert? Que peut faire le gouvernement pour favoriser l’ouverture du système bancaire et devenir ainsi plus compétitif sur la scène internationale?
M. Dickinson : Nous sommes convaincus qu’il faut avoir un ensemble de principes et de lignes directrices concernant la protection des renseignements personnels et les options attendues. Si le Canada décidait d’adopter un système bancaire ouvert, à quoi s’attendrait-on des banques, des coopératives de crédit et des autres fournisseurs de ces données, et quand, et quelle en serait la richesse? Il est important d’exiger que ces données aient une certaine utilité. Comme je l’ai dit, toute la clarté et les exigences entourant la clarté du consentement, la capacité de révoquer, le fait d’essayer de donner au client le plus de compréhension possible de ce qu’il fait s’il choisit de le faire.
Il y a aussi l’approbation des tiers. Bien que cela puisse encourager et stimuler le marché, il y a une question en suspens dont le professeur Nicholls a parlé, à savoir qui peut avoir accès à ces données même si le client l’approuve.
Je ne parlerai pas au nom de toute l’industrie, mais je ne crois pas que l’idée soit que tout le monde puisse avoir accès aux données. Je pense qu’il y aurait une sorte de processus d’approbation. Donc, qu’il s’agisse de règlements, de lignes directrices ou de principes de fonctionnement, je pense qu’il est crucial d’avoir une force directrice pour guide.
M. Nicholls : Je suis d’accord sur ce point et je dirais qu’il y a deux façons d’harmoniser les intérêts des clients, des consommateurs et de l’industrie. Pour renforcer un système bancaire ouvert, il faut accroître la confiance des consommateurs à l’égard de la communication de leurs renseignements, alors qu’ils peuvent, à juste titre, s’en préoccuper.
Pour établir cette confiance, l’industrie fera tout ce qu’elle peut du point de vue commercial. Mais dans la mesure où vous avez une réglementation rigoureuse concernant la protection de la vie privée, la cybersécurité, les fournisseurs tiers de confiance — par exemple, au Royaume-Uni, pour que les entreprises de de technologie financière aient accès à des fournisseurs tiers, elles doivent s’inscrire auprès de l’Autorité de conduite financière. Ce n’est pas n’importe qui. Il existe un système de réglementation ou d’enregistrement.
Tous ces éléments qui renforcent la confiance, qui se gagnent en améliorant réellement la protection de la vie privée, en améliorant réellement la protection de la cybersécurité, en ayant un système d’enregistrement solide pour les fournisseurs tiers et en s’assurant que les parties participantes sont des institutions crédibles, protégeront les consommateurs et permettront aux entreprises en démarrage d’entrer plus facilement dans ce secteur d’activité et de concurrencer les entreprises titulaires parce que le grand avantage que les entreprises titulaires ont dans chaque marché est la confiance. Il y a beaucoup de méfiance et de cynisme, mais les gens font davantage confiance à ces institutions qu’à des entreprises en démarrage dont ils n’ont jamais entendu parler ou dont ils viennent de recevoir un courriel. Ce sont les principales choses que le gouvernement peut faire.
La sénatrice Griffin : C’est surtout de nature réglementaire. C’est intéressant. Que se passerait-il si le Canada n’adoptait pas un système bancaire ouvert? Quels défis cela poserait-il aux banques et aux entreprises de technologie financière?
M. Dickinson : Je ne sais pas si cela poserait des défis particuliers aux banques dans leur réflexion d’aujourd’hui. Nous donnons tous accès à nos clients aujourd’hui. Ils peuvent tous consulter leurs transactions et faire des transactions bancaires avec nous au besoin.
Je pense que la communauté de la fintech serait mal servie de ne pas avoir cela. Il serait difficile de créer une gamme complète de solutions de technologie financière pour les Canadiens sans avoir une approche normalisée des données. Nous envisageons d’établir des partenariats ponctuels avec chaque établissement, ou nous nous fions au concept de la capture de données d’écran. Cela signifie qu’il réplique une ouverture de session comme si c’était le client qui ouvrait la session, mais ce n’est pas le cas. C’est un ordinateur qui le fait pour le client dont le nom d’utilisateur et le mot de passe sont stockés par cette tierce partie non réglementée.
Je me risquerais à dire que le client ne sait pas clairement à quoi il renonce lorsqu’il accorde ce droit pour avoir accès à ce service. En l’absence de système bancaire ouvert cela pose un défi, et crée un risque indu pour la cybersécurité.
[Français]
La sénatrice Verner : Nous discutons d’un secteur bancaire ouvert en ce qui a trait aux banques à charte fédérale. Je suis du Québec et, comme vous le savez, il y a un important réseau de caisses populaires qui ne fonctionne pas sous charte fédérale. Comment cet important réseau pourrait-il participer à un système bancaire ouvert?
[Traduction]
M. Dickinson : C’est l’une des questions en suspens que nous avons soulevées plus tôt. Il n’est pas clair comment un système bancaire ouvert qui peut être géré ou non au niveau fédéral s’applique à Desjardins, par exemple, ou à d’autres coopératives de crédit. C’est l’une des choses en suspens qu’il faudrait déterminer : comment harmoniser les divers règlements qui existent aujourd’hui. Je n’ai malheureusement pas de réponse à vous donner.
M. Nicholls : Je pense que c’est exact. Dans la mesure où les organismes de réglementation du Québec croyaient qu’un système mis en place au niveau fédéral devait s’appliquer aux institutions réglementées au Québec parce que c’était avantageux pour la population du Québec. Je suppose qu’ils pourraient essayer de l’harmoniser, mais M. Dickinson a raison; c’est certainement une question ouverte.
Le sénateur Duffy : En écoutant cette discussion aujourd’hui, on se rappelle l’argument de la déréglementation des compagnies aériennes et téléphoniques. Ces deux choses ont fait baisser les coûts pour les consommateurs. À l’heure actuelle, je peux aller sur votre site web à partir de mon téléphone, je peux aller sur le site de Ratehub, et j’aurai, gratuitement, une comparaison de tous les taux hypothécaires dans la région. Si je veux comparer, les outils existent déjà.
Qu’est-ce que le consommateur en retire? Je peux comprendre que les banques, et surtout les nouvelles institutions financières, veuillent entrer dans le jeu. Toutefois, il me semble terriblement dangereux de donner aux entreprises que vous ne connaissez pas la possibilité de fouiller dans votre compte bancaire.
M. Dickinson : Je souligne que l’intention n’est pas de travailler avec des entreprises que vous ne connaissiez pas. Vous vous adresseriez à une entreprise qui pourrait vous offrir le service parce qu’elle répond à un besoin précis.
Ratehub est donc un excellent exemple; nous connaissons très bien Ratehub. Ce service permet de voir clairement si un taux est avantageux ou non. Il obtient les taux manuellement, et il y a un délai.
Si vous savez ce que vous cherchez, Ratehub est un excellent exemple d’un service qui peut vous aider. Si vous avez des besoins plus complexes, si vous êtes propriétaire d’une petite entreprise et que vous ne savez pas de quels produits vous avez besoin, il est très difficile pour un client d’aller plus loin qu’une compilation des taux, qui peut s’obtenir assez facilement. Ratehub est un excellent exemple du point de départ vers lequel nous pourrions nous diriger pour les services globaux qui pourraient être offerts en dehors des services bancaires.
Si vous prenez l’ensemble de la situation financière des Canadiens, l’assurance en fait partie, tout comme la planification de la retraite. Cela va au-delà des placements et de l’assurance offerte par les banques. L’avantage potentiel, c’est d’avoir quelque chose qui peut vous donner une vue d’ensemble de votre situation financière, pour la simplifier et la consolider au besoin.
M. Nicholls : Un système qui ne met pas l’accent sur le fait que vous mettez vos données uniquement à la disposition des entreprises de votre choix... C’est un principe à la base du système bancaire ouvert, partout où il a été mis en place. Vous avez raison. Si n’importe qui y avait accès, ce serait très préoccupant.
L’autre point que certaines personnes ont fait valoir — et je ne suis pas en mesure de l’évaluer —, c’est que, dans un système bancaire ouvert, il serait possible de fournir, de façon anonyme, les données de vos transactions aux fournisseurs de prêts hypothécaires qui ne savent pas qui vous êtes, mais qui peuvent s’engager envers vous en fonction des données fournies afin de vous offrir le meilleur taux hypothécaire. Ce n’est pas quelque chose que vous pourriez faire vous-même. Autrement dit, cela n’est possible que si quelqu’un a accès à vos données de transaction avec votre consentement, et non pas de son propre chef.
Le sénateur Duffy : Je veux parler de Google et de Facebook, mais êtes-vous en train de dire que ces tierces parties seront en mesure d’aller voir non seulement le solde de votre compte, mais aussi la façon dont vous dépensez votre argent pour prendre la décision de vous accorder ou non une hypothèque? Ajoutons-nous de nouveaux renseignements à cette feuille qu’elles remplissent lorsque vous demandez un prêt hypothécaire?
M. Nicholls : Ce serait l’idée, avec votre consentement.
Le sénateur Duffy : Elles sauraient tout ce que vous achetez, à quoi vous consacrez votre argent, ainsi que votre revenu annuel brut, en fonction de ce qui se trouve dans votre compte bancaire.
M. Nicholls : Oui, avec votre consentement. L’idée est qu’avec ce tableau beaucoup plus détaillé, elles pourraient vous offrir un taux qui serait meilleur que celui que vous pouvez obtenir lorsqu’elles doivent prévoir un coussin supplémentaire parce qu’elles ne savent pas grand-chose de vous.
Voilà l’argument. Je ne fabrique pas ces produits. On me dit que la technologie pourrait être mise au point ou l’a été, et l’une des conséquences serait que l’on pourrait sans doute obtenir de meilleurs taux parce que la personne qui vous les propose a une bien meilleure idée de votre santé financière que si vous lui donniez simplement vos renseignements.
La sénatrice Frum : C’était une excellente série de questions. Je ne suis pas sûre de pouvoir faire mieux.
J’ai aussi de la difficulté avec cette idée. Vous avez parlé de tierces parties impartiales. Dans un contexte commercial, je ne vois pas comment une société peut être impartiale. Elle a des incitatifs et des motivations pour être sur le marché. Pouvez-vous expliquer ce que signifie cette expression?
M. Dickinson : Pour être plus précis, ils ne seraient pas enclins à privilégier tel ou tel produit bancaire. Ils pourraient facturer des frais pour cela, il pourrait s’agir d’une entreprise indépendante qui vous propose, moyennant des frais raisonnables, de vous aider à trouver le meilleur plan financier. Dans cet exemple, cela ressemble beaucoup à ce que fait un courtier en hypothèques : je vous facture des frais et je vous aide à trouver le meilleur prêt hypothécaire. Ils devraient être indépendants de la banque dont ils examinent les produits. Je voulais simplement dire sans parti pris à l’égard des produits de telle ou telle banque.
La sénatrice Frum : Cette idée que des tierces parties soient agréées pour qu’on puisse leur faire confiance, c’est un tout autre niveau de surveillance de la part des organismes de réglementation ou du gouvernement fédéral. Cela suppose également d’avoir accès aux principaux renseignements du client pour que l’organisme de réglementation sache qui pourrait être le tiers fournisseur de confiance. Je dis que c’est un autre niveau d’exposition pour le client, n’est-ce pas? Ce processus d’agrément?
M. Dickinson : Pour le client?
La sénatrice Frum : Le consommateur initial. Pour que l’organisme de réglementation puisse déterminer qui sera la tierce partie de confiance au moyen du processus d’agrément.
M. Dickinson : Il y aurait un agrément, mais ils ne pourraient pas participer au système s’ils ne sont pas agréés, c’est le principe. Ils ne pourraient pas simplement se présenter et avoir accès aux données bancaires. S’il y avait un processus d’agrément, la banque pourrait tout simplement refuser en disant qu’ils ne sont pas agréés.
La sénatrice Frum : Pour que l’organisme de réglementation puisse agréer les fournisseurs, il doit aussi voir l’information.
M. Dickinson : Les renseignements sur le client?
La sénatrice Frum : Oui.
M. Dickinson : Je ne pense pas que c’est comme cela que le régime fonctionnerait... Je ne crois pas que ce serait le cas.
M. Nicholls : J’y ai fait allusion de façon générale dans mes observations, et d’autres personnes le savent aussi. L’une des difficultés est de savoir si nous avons les ressources et l’expertise réglementaires nécessaires. Qu’il s’agisse de la question que vous soulevez ou de la question plus générale de savoir si nous pouvons effectivement réglementer ces nouveaux types de fournisseurs de services de façon efficace. Vous avez raison. Il faut veiller à bien faire les choses.
Le sénateur Wetston : Je voudrais vous donner un exemple de la façon dont on pourrait procéder, et vous pourriez peut-être nous dire ce que vous en pensez. Vous connaissez tous Alibaba et vous savez que c’est une énorme plateforme de paiement, contrairement à Amazon et PayPal. Dans le cadre de ses opérations bancaires ouvertes en Chine et ailleurs, elle offre des fonds du marché monétaire, et les utilisateurs peuvent investir dans un fonds du marché monétaire comme produit complémentaire offert par Alibaba. Je crois que c’est ce qui se passe. Cela semble correct. C’est aujourd’hui le plus important produit d’investissement au monde. Cela ne vous étonnera pas.
La raison pour laquelle je pose cette question est la suivante : pensez-vous que c’est le genre de choses que les services bancaires ouverts pourraient offrir ici aux investisseurs canadiens? Si c’est le cas — pour revenir à la question soulevée par M. Nicholls et la sénatrice Frum, et que j’ai soulevée tout à l’heure —, quel genre de cadre réglementaire mettriez-vous en place au Canada à cet égard?
M. Nicholls : Je ne suis pas certain que l’exemple que vous avez donné — je ne le connais pas. Est-ce qu’Alibaba a accès aux données des comptes des particuliers pour offrir ce produit ou est-ce qu’elle se contente d’offrir le produit?
Le sénateur Wetston : Elle utilise une interface API, et il s’agit d’un système bancaire ouvert; comme vous le savez, ce ne serait pas différent. Elle estime faire partie de la structure et du cadre du système bancaire ouvert. Je ne vous demande pas vraiment de répondre à cette question. J’essaie de vous présenter le genre de choses que, à mon avis, les services bancaires ouverts peuvent offrir, et la question est de savoir si c’est quelque chose que le Canada, sa culture, son système bancaire, seraient en mesure d’accueillir. Les fonctionnaires du ministère des Finances pourraient peut-être répondre à cette question.
M. Nicholls : Sans parler du cas d’Alibaba, la semaine dernière, le 14 février, le Conseil de stabilité financière a publié un rapport sur la situation actuelle dans le domaine des technologies financières. On constate jusqu’ici que l’expansion des entreprises de technologie financière n’a pas eu d’incidence importante sur les institutions financières officielles parce que la plupart des entreprises de technologie financière ne fonctionnent pas dans un espace commercial et à une échelle caractéristiques d’une situation de concurrence. En fait, dans bien des cas, elles travaillent en collaboration. L’aspect le plus intrigant de ce rapport va précisément dans le sens que vous venez de dire, monsieur le sénateur. Le problème à venir ne serait peut-être pas les technologies financières, mais plutôt ce qu’on appelle les grandes entreprises technologiques, comme Alibaba et Google, qui risquent d’entrer dans le système. Si cela devait se produire, on nous dit que cela créerait des perturbations.
Le sénateur Wetston : Ou les entreprises FANG.
M. Nicholls : On utilise parfois un terme différent, les GAFA.
Le sénateur Wetston : Je ne porte pas de jugement, je veux simplement comprendre.
Le sénateur Klyne : Au sujet du cadre de réglementation et de l’agrément, qui va payer une fois que ce sera en place? Je parle des ressources, des services, de l’expertise qui étayent le cadre de réglementation en matière d’agrément.
M. Dickinson : Je n’en sais rien.
Le sénateur Klyne : Il faut le déterminer.
M. Dickinson : Tout à fait. Compte tenu de l’examen de ce qui se passe ailleurs dans le monde, des solutions pourraient être proposées. Je n’ai pas d’opinion à ce sujet.
Le sénateur Klyne : Est-ce qu’il s’agirait d’un organisme de réglementation fédéral?
M. Dickinson : Je suppose que cela fait partie de la discussion.
Le sénateur Klyne : Que se passerait-t-il rétroactivement? Vous avez déjà beaucoup de clients. Est-ce que vous allez maintenant leur demander : nous aimerions que vous autorisiez ceci?
M. Dickinson : Je ne pense pas que cela passerait par un réexamen de toute la base. Si le client a un besoin et s’adresse à un fournisseur, que ce soit une banque ou une tierce partie, quand ce sera en place, il aura le choix d’y adhérer. Je ne demanderais pas aux gens d’y adhérer.
Le sénateur Klyne : Vous n’en feriez pas la promotion auprès de votre clientèle.
M. Dickinson : Peut-être que oui, mais ce serait peut-être simplement sous la forme d’une fonctionnalité. Je ne pense pas qu’un système bancaire ouvert devienne quelque chose à quoi il faudrait adhérer.
Le sénateur Klyne : Est-ce que vous demanderiez à une entreprise de technologie financière d’aller voir d’autres banques et de le leur demander?
M. Dickinson : Dans un environnement bancaire ouvert, les entreprises de technologie financière auraient au moins accès à cette banque et, si elles avaient le consentement du client, elles pourraient obtenir les données utiles. Y compris de ma part.
Le sénateur Klyne : Vous demanderiez l’autorisation des nouveaux clients au fur et à mesure?
M. Dickinson : Je pense que l’autorisation d’avoir accès à ces données serait plutôt fonction des besoins. S’ils demandent quelque chose. Par exemple, dans le cas d’un client qui veut, à partir de son compte bancaire, payer sa carte de crédit à une autre institution. Aujourd’hui, ils doivent accéder à l’autre institution, trouver le solde, le paiement minimum, la date d’échéance, écrire le tout ou s’en souvenir, revenir à mon application mobile et payer. En théorie, on pourrait dire à ce client que, s’il permet ponctuellement qu’on demande ces renseignements à son institution, quand il viendra sur notre site et qu’il voudra payer sa facture, on lui rappellera que ce sont les renseignements de base dont il a besoin, qu’on peut remplir le formulaire à l’avance et lui indiquer la prochaine date de paiement minimum. Ils sont donc moins susceptibles de manquer un paiement si nous sommes leur site principal. Ils pourraient payer à partir de là sans avoir à passer par les étapes supplémentaires.
Ce serait une situation où je demanderais un consentement. Puis-je obtenir ces données? Je ne sais rien d’autre de votre relation bancaire avec cette institution. Je connais ces deux choses au sujet de votre carte de crédit et seulement si vous le demandez, et vous pouvez le révoquer en tout temps.
Le sénateur Klyne : Quand ils s’inscrivent, est-ce qu’ils donnent carte blanche? Est-ce à la carte, est-ce que telle ou telle entreprise de technologie financière peut l’avoir, mais pas tout le monde?
M. Dickinson : On ne parle absolument pas de donner carte blanche. Cela se ferait presque au moment où un client essaie d’utiliser cet outil ou d’accéder à ces données. C’est à ce moment-là qu’on devrait leur demander de consentir à donner accès aux données de l’institution pendant telle durée.
Le sénateur Duffy : L’une de nos préoccupations est la protection du consommateur. Je peux imaginer une situation où des gens se verraient offrir une sorte d’incitatif à confier leurs données à leur institution financière actuelle plutôt que de faire le tour du marché. On accepterait donc d’être lié à une institution, quelle qu’elle soit, et l’on profiterait d’une sorte d’avantage incitatif pour ce faire.
Par ailleurs, je peux aussi imaginer que certains iront à la pêche et essaieront de convaincre les gens d’accepter, parce qu’il y aurait une récompense à la clé. Autrefois, on offrait un grille-pain aux gens qui ouvraient un compte de banque.
Le sénateur Wetston : Maintenant, on vous donne un iPad.
Le sénateur Duffy : Il paraît qu’aujourd’hui on vous donne un iPad. Je constate que la protection des consommateurs va être un problème dans le cas des personnes qui ne sont pas particulièrement informées, les personnes vulnérables.
M. Nicholls : Je suis d’accord. Si je n’avais qu’une chose à vous dire, je dirais ceci : les éléments qui composent la protection des consommateurs — la protection de la vie privée, la cybersécurité, la protection des données et le droit au consentement — doivent figurer en tête de liste. Si ces problèmes ne peuvent pas être résolus de façon satisfaisante, on ne peut pas aller de l’avant. Je suis tout à fait d’accord avec cela.
Toutefois, je ne pense pas que ceux qui sont favorables à un système bancaire ouvert disent le contraire. Je pense qu’ils se rendent compte que, si ces questions ne sont pas réglées à la satisfaction des consommateurs canadiens, aucun système bancaire ouvert ne pourra fonctionner de toute façon parce que les gens n’auront pas confiance. Je suis tout à fait d’accord avec vous.
Le président : Je tiens à remercier les témoins. Nous avons dépassé le temps alloué, mais c’est parce que votre contribution nous a été extrêmement utile. Au début de cette étude, il était important d’avoir une bonne base. Je tiens à vous remercier tous les deux de nous avoir aidés à approfondir les choses. Excellent travail. Nous vous reviendrons peut-être à ce sujet. Nous allons maintenant nous préparer à accueillir notre prochain groupe de témoins. Merci beaucoup à vous deux.
Nous sommes maintenant prêts pour la deuxième partie de cette séance du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Nous poursuivons notre étude des avantages et des défis potentiels des services bancaires ouverts pour les consommateurs canadiens de services financiers en nous intéressant plus particulièrement au rôle du gouvernement fédéral en matière de réglementation.
Je suis heureux d’accueillir le groupe de témoins, qui ont tous déjà comparu à d’autres sujets. Bon retour parmi nous.
Du ministère des Finances Canada, nous accueillons Annette Ryan, sous-ministre adjointe déléguée, Direction de la politique du secteur financier. Elle est accompagnée de Julien Brazeau, directeur principal, Stratégie et coordination, Division des institutions financières, Direction de la politique du secteur financier.
Je suis toujours impressionné par les titres que vous avez à Finances Canada. Au moins, vous savez ce que vous faites. C’est ce que nous savons.
De la Banque du Canada, nous accueillons Grahame Johnson, directeur général, Département de la stabilité financière.
Merci encore d’être parmi nous. Vous nous êtes d'une grande utilité. Nous avons hâte d’entendre vos exposés préliminaires.
Annette Ryan, sous-ministre adjointe déléguée, Direction de la politique du secteur financier, ministère des Finances Canada : Je suis heureuse d’être ici avec vous aujourd’hui dans le contexte de votre étude sur le système bancaire ouvert. J’ai l’intention de vous donner aujourd’hui un aperçu des principes qui orientent la politique du secteur financier au Canada, et de certains renseignements généraux sur l’examen du ministère au sujet du bien-fondé du système bancaire ouvert.
Je donnerai ensuite la parole à mon collègue, Julien Brazeau, directeur principal, Innovation des systèmes financiers, qui dirige le secrétariat du système bancaire ouvert au sein du ministère, et qui discutera en détail de l’examen.
[Français]
La Direction de la politique du secteur financier offre des conseils stratégiques sur le secteur financier du Canada, notamment les cadres de travail des institutions financières à charte fédérale et les secteurs de système financier de compétence fédérale, les emprunts et les investissements fédéraux, ainsi que les questions liées aux marchés de capitaux. Nous collaborons étroitement avec les organismes fédéraux régissant le secteur financier, comme la Banque du Canada et le Bureau du surintendant des institutions financières, l’Agence de la consommation en matière financière du Canada et la Société d’assurance-dépôts du Canada.
Le secteur financier du Canada en est un qui est compétitif, stable et résilient à l’échelle mondiale. Il est soutenu par un cadre législatif qui fonctionne bien et un système de réglementation qui est reconnu dans le monde entier pour sa prudence et son approche équilibrée.
[Traduction]
Le cadre dresse les principes solides de la réglementation des institutions financières, qui s’appuient sur trois principaux objectifs.
Le premier est la stabilité. Le secteur est sûr, solide et résilient en dépit des tensions. Le deuxième est l’utilité. Le secteur répond aux besoins financiers des nombreux consommateurs, et les intérêts des consommateurs sont protégés. Le troisième principe est l’efficience. Le secteur offre des produits et services à des prix concurrentiels, transfère les gains d’efficience aux consommateurs, favorise l’innovation et contribue à la croissance économique.
Le cadre législatif régissant le secteur financier du Canada est également assujetti à une disposition de temporisation prévue par la loi, laquelle garantit que le cadre est examiné régulièrement, pour faire en sorte qu’il demeure efficace et adéquat sur le plan technique.
Le plus récent examen des lois régissant le secteur financier a commencé en 2016. Tout au long de 2016 et de 2017, nous avons participé à des consultations exhaustives avec des intervenants. Pendant ces consultations, nous avons entendu un appui solide pour le cadre actuel régissant le secteur financier, plus particulièrement en ce qui a trait à l’objectif principal visant à assurer la stabilité du secteur en dépit des tensions.
Nous avons également entendu qu’il y avait du travail à faire pour s’assurer que le secteur financier du Canada garde le rythme d’un secteur financier mondial en évolution rapide et qu’il respecte l’évolution des besoins des entreprises et des consommateurs. En plus de certaines mises à jour législatives, les intervenants ont également recommandé que le Canada étudie la possibilité d’adopter un système bancaire ouvert.
Ayant cette rétroaction à l’esprit et appuyé par des facteurs comme les cyberrisques engendrés par l’environnement actuel de capture de données d'écran et un élan mondial en faveur de l’adoption d’un système bancaire ouvert, le gouvernement a entrepris un examen du bien-fondé du système bancaire ouvert. Cet examen respecte l’objectif du ministère de s’assurer que le Canada continue d’avoir un secteur financier compétitif à l’échelle mondiale qui encourage le choix des consommateurs, tout en apportant une stabilité financière et une croissance économique. Sur ce, je donne maintenant la parole à mon collègue Julien Brazeau.
Julien Brazeau, directeur principal, Stratégie et coordination, Division des institutions financières, Direction de la politique du secteur financier, ministère des Finances Canada : Merci de me donner l’occasion de vous parler.
Je vais donner certains détails de l’examen, mais tout d’abord, je crois qu’il serait avantageux d’expliquer le terme « système bancaire ouvert », et je sais que cela a été l’objet de la discussion avec les témoins précédents. Dans le cadre de nos tâches bancaires quotidiennes, nous produisons une séquence de renseignements en fonction de nos opérations. Ces renseignements sont conservés et contrôlés par des institutions financières. Le système bancaire ouvert est un cadre qui permet aux consommateurs et aux entreprises d’autoriser des fournisseurs de services financiers tiers à accéder aux données au moyen de voies protégées en ligne.
II s’agit d’un système à option d’adhésion fondé sur le consentement, qui comprend des mécanismes clairs pour gérer les demandes de renseignements et traiter les plaintes. Certains avantages potentiels du système bancaire ouvert comprennent les suivants : la capacité des consommateurs, et des petites entreprises, à accéder à de nouveaux produits et services qui leur permettent de mieux gérer leurs affaires financières; le potentiel d’accroître le contrôle individuel sur les renseignements personnels financiers; la possibilité d’atténuer les cyberrisques existants — ceux qui découlent de la pratique actuelle de capture de données d'écran, dans laquelle les fournisseurs de services stockent centralement les justificatifs d’ouverture de session non chiffrés des clients, les rendant vulnérables aux cyberattaques.
De plus, l’expérience internationale a démontré que le système bancaire ouvert promet également une plus grande inclusion financière et un plus grand accès pour les consommateurs sous-bancarisés et financièrement vulnérables.
Enfin, les systèmes bancaires ouverts exigent que les participants satisfassent à des normes rigoureuses en ce qui a trait à la protection de la vie privée, à la sécurité et à la stabilité opérationnelle. En effet, lorsque nous étudions des exemples d’administrations qui ont mis en œuvre le système bancaire ouvert, y compris l’Australie, le Royaume-Uni et l’Union européenne, nous voyons que ces exigences constituent une composante fondamentale de leurs systèmes respectifs.
Après l’examen législatif des cadres régissant le secteur financier, le gouvernement, au moyen du budget fédéral de 2018, a manifesté son intention d’aller de l’avant avec un examen du bien-fondé du système bancaire ouvert. Depuis, en vue de faciliter cet examen, le ministre a mis sur pied un Comité consultatif dont les membres apportent un ensemble diversifié d’expérience dans les domaines des services financiers, de la technologie financière, de l’innovation et de lois sur la protection des renseignements personnels.
Le comité est appuyé par un secrétariat dont je suis le responsable au sein du ministère. Au début de janvier, le ministère a diffusé un document de consultation, lequel a servi de guide pour le comité dans son engagement avec les Canadiens et pose des questions au sujet d’avantages éventuels, de l’atténuation des risques et du rôle que devrait jouer le gouvernement. La possibilité de fournir une rétroaction a pris fin le 1er février et nous avons reçu 100 mémoires jusqu'à présent. Le comité tient actuellement une série de tables rondes et de réunions bilatérales avec des intervenants à Vancouver, à Toronto et à Montréal. Nous organiserons également une table ronde à Iqaluit.
Après cette consultation et l’examen subséquent, le comité fournira un rapport évaluant le bien-fondé du système bancaire ouvert en se concentrant sur la protection de la vie privée des consommateurs, en s’assurant de la sécurité des opérations financières et du maintien de la stabilité du secteur financier.
[Français]
Le système bancaire ouvert offre un moyen sécuritaire aux consommateurs canadiens, y compris les petites entreprises, de profiter d’un vaste éventail de produits et de services financiers. Ce système pourrait mieux servir les consommateurs et faire croître les entreprises et les marchandises, ce qui contribuerait à la croissance de l’économie canadienne.
Au même moment, afin de réaliser ces avantages éventuels, tout système potentiel doit prévoir une protection appropriée des consommateurs et soutenir la résilience et la stabilité continue du secteur financier. C’est dans cette optique que le comité, appuyé par le secrétariat, entreprend cet examen.
C’est ainsi que je mets fin à mes remarques. Je répondrai avec plaisir à vos questions.
[Traduction]
Grahame Johnson, directeur général, Stabilité financière, Banque du Canada : C’est avec plaisir que je suis de retour devant le comité. Merci beaucoup de l’invitation. Je m’appelle Grahame Johnson, je suis directeur général du service de la Stabilité financière à la Banque du Canada. À ce titre, je serai heureux plaisir de discuter avec vous aujourd’hui des avantages et des difficultés potentiels des services bancaires ouverts pour les consommateurs canadiens de services financiers.
Je vais me concentrer sur ce que cela entraînerait éventuellement du point de vue de la stabilité financière et pour le système financier dans son ensemble. Je vous parlerai des répercussions de l’innovation dans les services financiers et, en particulier, des répercussions du partage de données sur le secteur des services financiers, compte tenu des difficultés et des possibilités que cela suppose.
[Français]
Dans le cadre de notre rôle de surveillant, il est essentiel pour nous de bien comprendre l’effet qu’aura l’échange de données entre les consommateurs et les fournisseurs de services financiers, que ce soit pour la solidité et la résilience des systèmes de paiement ou la stabilité financière.
[Traduction]
Comme la Banque du Canada n’a pas de responsabilités réglementaires quant à la protection des consommateurs, vous comprendrez que je ne serai pas en position de parler des incidences de ce dossier sur la protection de la vie privée. L’économie canadienne, comme nous le savons tous, se numérise rapidement, et l’innovation dans les services financiers, stimulée par les nouvelles technologies, représente une occasion importante.
L’innovation pourrait décupler l’accès aux services financiers, créer plus d’efficience et enrichir l’offre de services financiers utilisés chaque jour par les entreprises et les ménages. Selon les études et les analyses faites par la banque, mais aussi par des organisations internationales comme le Conseil de stabilité financière, il existe un large consensus au sujet des retombées positives que les technologies financières pourraient avoir sur le système financier, du moment que les risques sont adéquatement contrôlés, et c’est une importante mise en garde.
Le système bancaire ouvert peut jouer un rôle important pour stimuler l’innovation dans les technologies financières. Dans ce secteur, un grand nombre de nouveaux services nécessitent un accès aux données des consommateurs. Par exemple, pour les prêteurs, l’analyse de l’historique des transactions aide à déterminer si des emprunteurs potentiels arriveront à rembourser leurs dettes. Cette analyse évite aux deux parties de prendre de trop grands risques. Elle permet aussi d’adapter le crédit à des circonstances particulières, voire de réagir plus rapidement en cas de changement. Les gestionnaires de portefeuilles pourraient se servir des mêmes données pour planifier les décisions d’épargne, et concevoir des stratégies de gestion du patrimoine pour les consommateurs, dont certains pourraient ne pas avoir accès à des services de placement ou ignorer comment les trouver.
Comme on l’a dit à plusieurs reprises, cela se produit déjà aujourd’hui. Dans certains cas, les gens donnent accès à leurs données bancaires manuellement — c’est la capture de données d'écran dont nous avons entendu parler —, et il y a une demande à cet égard de la part des consommateurs. Dans d’autres cas, les banques établissent leurs propres cadres ou leur interface API privée pour faciliter la mise en commun des données. La nécessité de partager des données personnelles continuera de croître à mesure que les technologies financières offriront plus de services aux consommateurs et aux entreprises et que ces clients rechercheront d’autres services plus pratiques et plus rentables que les services qu’ils obtiennent actuellement.
C’est une des raisons qui expliquent à nos yeux toute l’importance de cette consultation sur le système bancaire ouvert. Elle nous donne l’occasion de déterminer quels aspects des changements observés devraient suivre leur cours, et quels mécanismes d’encadrement sont nécessaires pour contrôler les risques et maximiser les bénéfices du partage de données. À la Banque du Canada, où la stabilité financière est une priorité, nous nous intéressons tout particulièrement à deux éléments qui seront touchés par la transformation du système bancaire.
Premièrement, en raison de nos responsabilités en matière de surveillance des systèmes de paiement et de règlement essentiels, nous examinons la façon dont les services bancaires ouverts pourraient influer sur ces systèmes de paiement. Certaines des nouvelles initiatives en matière de technologie financière peuvent bénéficier de l’accès aux données financières et de l’amélioration des processus de paiement en cours d’élaboration, le tout dans un esprit de collaboration. Nous voulons donc nous assurer que les projets de services bancaires ouverts s’harmonisent avec les travaux que Paiements Canada entreprend actuellement pour moderniser l’infrastructure des paiements du Canada.
Deuxièmement, nous sommes en train d’examiner en quoi un système bancaire ouvert et les changements qu’il entraînerait dans la structure du marché des services financiers pourraient influer sur la stabilité financière. Cela comprend la protection de la confiance dans le système financier, ce qui suppose la garantie de la sécurité des données et l’entretien de l’infrastructure. Il faut également veiller à ce que les institutions financières existantes aussi bien que les nouveaux fournisseurs de services respectent des normes rigoureuses de gestion des risques et disposent de modèles de financement résilients.
[Français]
La Banque du Canada soutient les consultations qui sont menées actuellement et les travaux du Comité consultatif sur le système bancaire ouvert. De manière générale, la question de l’incidence d’un système bancaire ouvert sur la stabilité financière et sur le système de paiement et des règlements demeure ouverte.
[Traduction]
La banque continuera d’examiner en quoi un système bancaire ouvert et l’échange de données peuvent contribuer à l’efficacité et à la résilience du système financier, conformément à son objectif de promouvoir la prospérité économique et financière du Canada.
Je vous remercie encore une fois de m’avoir invité à comparaître, et mes collègues et moi-même serons heureux de répondre à vos questions.
Le président : Merci. Voilà qui nous est très utile.
La sénatrice Stewart Olsen : Merci de vos exposés. C’est toujours un plaisir de vous revoir.
J’ai une certaine hésitation devant le document intitulé « Examen des mérites d’un système bancaire ouvert », qui compte 19 pages, dont seulement trois traitent des risques ou des risques potentiels. Cela m’inquiète, parce que les risques potentiels donneront lieu à l’élaboration de règlements. Cela m’inquiète aussi parce que notre pays est au huitième rang et que c’est, entre autres, à cause de notre réglementation. Pouvez-vous me rassurer en me disant que vous allez être en mesure d’établir cette réglementation et de la mettre au diapason du reste du monde, par exemple, où on s’est lancé dans les services bancaires ouverts, et de le faire avant même que nous décidions quoi que ce soit au sujet des services bancaires ouverts?
Mme Ryan : La première question, madame la sénatrice, renvoie à l’équilibre que nous avons établi en expliquant ce que nous considérons comme les mérites potentiels d’un système bancaire ouvert, puis ses risques. La deuxième question, eh bien, est celle de savoir comment nous allons réglementer tout cela si nous empruntons cette voie, n’est-ce pas?
Concernant la question d’équilibre, je dirais qu’il ne s’agit pas d’un processus de consultation classique dans le secteur financier, au sens où nous considérons que la consultation sert à s’assurer qu’un vaste groupe de consommateurs, de particuliers ou d’entreprises peut participer aux consultations en comprenant ce qu’est ce concept. Pour certaines personnes, cela ne dit pas grand-chose : qu’est-ce qu’un système bancaire ouvert au juste?
Cela dit, nous voulions effectivement prendre le temps de parler de la façon dont l’établissement de mesures de protection, de règles de conduite, de garanties et de règlements pourrait faciliter l’innovation pour offrir plus de services qui pourraient aider le consommateur moyen ou la petite entreprise. À cet égard, ce que vous voyez est, à mon avis, peut-être davantage notre effort pour élargir le dialogue et faire en sorte que toutes les parties puissent s’y reconnaître. Nous restons très attentifs aux risques, et je pense que Grahame a parlé en profondeur de la nature des risques que nous percevons. Nous voulons créer ces nouveaux services pour les consommateurs, mais l’idée de protéger la vie privée, de protéger les consommateurs et de veiller à la cybersécurité des dispositions est vraiment au cœur des mots « système bancaire ouvert », qui sont par ailleurs assez opaques. C’est cela, la consultation.
Quant à la façon dont nous allons le réglementer, c’est une question sur laquelle nous devrons revenir, une fois que nous aurons entendu le comité nous dire si les avantages pourraient l’emporter sur les risques potentiels.
J’ai écouté avec intérêt le dernier groupe de témoins et je dirais que l’idée fondamentale qui nous guide est de réglementer la fonction aussi bien que la technologie. Donc, dans la mesure où il s’agit d’un risque pour le consommateur, nous avons des garanties à cet égard. Nous veillerons à ce qu’elles soient mises en œuvre convenablement dans un cadre bancaire ouvert, et de la même façon pour la cybersécurité, la stabilité ou la protection de la vie privée.
Nous n’avons pas toutes les réponses, mais c’est la nature de la consultation et de ce que nous considérons comme notre travail à venir.
La sénatrice Stewart Olsen : Je comprends et j’apprécie le fait que vous exerciez un contrôle très ferme sur nos systèmes financiers. Nous vous en sommes reconnaissants. Ce qui me préoccupe, c’est que je ne veux pas me précipiter sans changer l’environnement fondamental de la gestion de tous ces risques. Je pense que le cadre réglementaire est crucial pour convaincre, en tout cas pour nous convaincre. Pouvez-vous envisager de créer une réglementation et de la mettre en œuvre avant que nous passions à ce système? Je pense à des choses comme le projet de loi sur le vapotage. Il n’y a toujours pas de réglementation, et, franchement, nous sommes dans le pétrin. Je pose simplement la question : est-ce envisageable?
M. Brazeau : C’est une très bonne question. Notre étude s’inscrit dans le contexte d’autres études sur la question de l’économie numérique et de la portabilité des données. Donc, le ministère de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique, qui est responsable des politiques en matière de protection des renseignements personnels, comme la surveillance de la LPRPDE et de la Loi sur la protection des renseignements personnels, est également en train d’examiner ces questions. Nous suivons de près ces consultations et nous travaillons en étroite collaboration avec eux parce que nous constatons que de nombreuses parties intéressées nous disent que leur appui à un système bancaire ouvert est conditionnel à la mise en place de cadres solides pour la protection de la vie privée et la cybersécurité. Nous continuerons de travailler en étroite collaboration avec les ministères pour déterminer l’ordre des choses afin d’assurer le maintien de la confiance des consommateurs.
Le sénateur Klyne : J’ai trois petites questions. Tout d’abord, je vous remercie de comparaître de nouveau ce soir.
Dans le processus de consultation, y a-t-il un thème central qui s’est révélé dans tous les groupes que vous avez interrogés et consultés?
M. Brazeau : Il est encore tôt. La semaine dernière, c’était en quelque sorte la fin des réponses écrites, et nous organisons maintenant des tables rondes.
Il y a un thème qui émerge et il a été abordé cet après-midi : c’est que les services bancaires ouverts, ou l’analyse de rentabilisation des services bancaires ouverts, sont déjà là. Beaucoup de consommateurs canadiens utilisent déjà des services de regroupement de données, mais d’une façon qui les met en danger. Ils invalident leur relation avec leur institution financière et s’exposent à une responsabilité. Tous les intervenants — les banques, les entreprises de technologie financière et les groupes de consommateurs — semblent estimer qu’il faut agir sur ce front. Comme je l’ai dit, l’analyse de rentabilisation d’un système bancaire ouvert est déjà à l’œuvre.
Cela dit, pour vous rassurer et pour répondre à la sénatrice Stewart Olsen, les questions de protection de la vie privée et de cybersécurité revêtent une importance capitale pour les parties intéressées, et celles-ci nous font part de leurs points de vue sur ce qui permettrait d’atténuer ces risques dans un éventuel cadre bancaire ouvert. Nous les écoutons attentivement.
Le sénateur Klyne : Nous parlons tout le temps des banques et des institutions financières dans le contexte bancaire, mais est-ce que cela recouvre les quatre piliers de notre système financier, à savoir les banques, les compagnies d'assurance, les sociétés de valeurs mobilières et les sociétés de fiducie? Qu’en est-il des coopératives de crédit, des banques de l’annexe B et des banques étrangères?
M. Brazeau : C’est une excellente question. Dans le contexte du document de consultation, nous avons formulé l’examen en fonction des données sur les opérations financières des institutions financières sous réglementation fédérale. Nous entendons surtout par-là les banques.
Cela dit, les champs de données varient selon les administrations, mais elles ont toutes adopté une perspective semblable en examinant d’abord les données bancaires, en s’assurant que le cadre qu’elles élaboraient était solide, puis en envisageant d’élargir éventuellement la portée des données.
La question des coopératives de crédit est également une bonne question, et elle est compliquée, évidemment, compte tenu de la dynamique fédérale-provinciale. Dans leur grande majorité, les coopératives de crédit souhaitent, dans la mesure où le gouvernement se doterait effectivement d’un cadre bancaire ouvert, participer et être en mesure de participer à ce cadre. La façon dont cela se ferait et les discussions qu’il faudrait avoir avec les gouvernements provinciaux pour assurer une réglementation uniforme restent une question à examiner.
Le sénateur Klyne : Je crois que les compagnies d'assurance auraient le même genre de point de vue, n’est-ce pas?
M. Brazeau : Tout à fait, oui.
Le sénateur Klyne : Comment aborderait-on cette question?
M. Brazeau : Comme je l’ai dit, il s’agirait d’abord d’examiner les données bancaires, mais il pourrait y avoir d’autres applications, dont l’assurance.
Le sénateur Klyne : Les banques de l’annexe B et les banques étrangères —
M. Brazeau : Elles aussi. Prenons l’exemple de l’Australie : elle a commencé à recueillir des données financières et bancaires, mais elle envisage de recueillir aussi des données plus générales. Il serait question des données sur l’énergie et les télécommunications, et les applications potentielles sont donc nombreuses.
Cependant, pour ce qui est de nos consultations, nous faisons un examen plus limité des opérations financières.
Le sénateur Klyne : Qui ou quelle entité est susceptible d’assumer la responsabilité d’élaborer le cadre de référence et, plus tard, le rôle d’approbation?
Le sénateur Duffy : D’exécution.
M. Brazeau : C’est toujours une question ouverte. Nous en sommes à l’étape de l’étude des avantages, après décision, ou du moins avis du comité sur l’éventualité de la mise en œuvre d’un système bancaire ouvert. Aucune décision n’a encore été prise sur la façon dont cela serait mis en œuvre. Il y a effectivement différents modèles. Le modèle du Royaume-Uni consiste en un registre dans lequel les entreprises de la Financial Conduct Authority présenteraient une demande et seraient tenues de respecter certaines normes en matière de protection de la vie privée et de cybersécurité.
Le sénateur Klyne : À qui adresseraient-elles leur demande?
M. Brazeau : À la Financial Conduct Authority du Royaume-Uni. Si nous devions suivre ce genre de modèle au Canada, on pourrait désigner un organisme de réglementation.
Le sénateur Klyne : Pensez-vous que cela relèverait du ministère des Finances?
Mme Ryan : Si vous permettez, monsieur le sénateur, je crois que les questions que vous posez concernent toutes la portée, l’échelonnement et les structures de notre façon de procéder. Étant donné que les services bancaires ouverts ne sont pas une seule chose, ce sont des normes de données, à qui elles s’appliqueraient, dans quel ordre. Est-ce que vous cibleriez d’abord les particuliers? Est-ce que vous vous intéresseriez aux petites entreprises? Les réponses que nous obtiendrons au cours de nos consultations nous aideront à savoir par où commencer et à quelle échelle. Nous pourrons alors dresser une courte liste des organismes de réglementation les mieux placés pour assumer certaines fonctions.
Le sénateur Klyne : J’essayais de savoir qui paie. Est-ce le contribuable qui va payer pour la réglementation?
Mme Ryan : Dans ces pays ou ailleurs, les choix sont financés par les contribuables ou par les institutions elles-mêmes, au moyen de prélèvements.
Le sénateur Wetston : Merci de votre visite. Je voulais vous poser deux questions. La première concerne la portée, les normes et le modèle commercial. Vous en avez un peu parlé, de façon générale. J’aimerais avoir une idée de la direction dans laquelle vous vous engagez. Par exemple, dans le cas des banques, à quels comptes est-ce que vous vous intéresseriez en matière d’accès ouvert aux données? Est-ce que c’est le genre de choses que vous envisagez?
M. Brazeau : Oui.
Le sénateur Wetston : Concernant les données bancaires, est-ce qu’il y a d’autres exemples de ce que vous examineriez?
M. Brazeau : À l’heure actuelle, ce que nous envisageons, du moins du point de vue de la portée initiale, ce sont les données sur les opérations financières et les cartes de crédit.
Le sénateur Wetston : Les normes — juste pour avoir une idée de ce que vous envisagez. Dans quelle mesure les normes seraient-elles normatives? Dans quelle mesure seraient-elles obligatoires? Avez-vous réfléchi à cela dans le cadre des consultations?
M. Brazeau : La question des normes est importante, et elle fait également l’objet de discussions à l’échelle internationale. La volonté du Royaume-Uni d’appliquer des normes est très claire. Quant à l’Union européenne, elle a décidé de ne pas appliquer de normes.
À notre avis, des normes peuvent être avantageuses dans le contexte d’une concurrence loyale. Si vous n’appliquez pas de normes, les institutions sont laissées à elles-mêmes pour mettre au point leur propre technologie et leurs propres plateformes, et les entreprises qui souhaitent avoir accès à ces interfaces API doivent se brancher à toutes ces plateformes.
La question des normes se pose donc du point de vue de la concurrence, mais elles sont aussi l’occasion d’établir des repères en matière de sécurité, de protection de la vie privée et de cyberrésilience.
Le sénateur Wetston : L’Europe a établi des normes pour la protection de la vie privée.
M. Brazeau : Effectivement.
Le sénateur Wetston : Donc, en fait, c’est la même chose d’une autre façon, en quelque sorte, n’est-ce pas?
M. Brazeau : L’Europe a instauré des degrés de protection de la vie privée dans le cadre du RGPD — effectivement —, mais elle n’a pas établi de normes concernant les types de renseignements, la façon dont l’information est traduite et la façon dont la technologie est définie.
Le président : Rapidement, sénateur Wetston.
Le sénateur Wetston : Le modèle commercial correspond à ce que le sénateur Klyne voulait dire. Je ne parle pas de modèles d’autofinancement, même s’ils sont assez intéressants.
Comment les coûts et les responsabilités seront-ils éventuellement répartis? Compte tenu des divers mémoires — avez-vous des réflexions à ce sujet?
M. Brazeau : La question de la responsabilité est cruciale. Les décideurs internationaux du Royaume-Uni et de l’Australie, qui ont été les premiers à agir dans ce domaine, ont réitéré l’importance d’examiner la question de la responsabilité dès le départ. Le Royaume-Uni a traité la question au moyen du RGPD, et il y a eu l’émergence d’un marché de la cyberassurance, où les technologies financières peuvent mettre à jour la cyberassurance. Si on veut protéger complètement le consommateur, cette proposition pourrait coûter cher.
Nous n’en sommes encore qu’au début de notre étude sur ce que supposerait la responsabilité, mais nous examinons ces différents cadres de responsabilité dans différentes administrations pour voir ce qui serait le plus adaptable au Canada.
Le sénateur Wetston : Merci.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Merci à nos invités. Monsieur Johnson, examiner de nouvelles technologies concernant le système bancaire permet d’exposer les risques que courent les consommateurs en ce qui a trait à leur vie privée et à leurs données personnelles, entre autres. Vous nous avez surtout vanté les avantages de cette modernisation pour les institutions. Comme je le disais précédemment, rien n’est gratuit lorsqu’il s’agit des banques. Pouvez-vous nous dire d’où proviendront les fonds pour financer cette modernisation? J’ai bien peur que les consommateurs ne finissent par écoper de la facture au bout du compte.
M. Johnson : C’est une très bonne question, et je vous en remercie. Vous avez bien raison; quelque part, quelqu’un doit payer.
[Traduction]
Il n’est pas nécessaire que ce soit le consommateur. À mon avis, quand la concurrence est renforcée, c’est en fait le consommateur qui tire un avantage net. Il se peut que les « loyers » — et j’emploie ce terme avec précaution — gagnés par les institutions en exercice — des loyers supérieurs à ceux d’un marché parfaitement concurrentiel — soient réduits à mesure que la concurrence s’ouvrira. Je pense qu’il y a de nombreux exemples de ce genre dans le domaine des télécommunications et dans d’autres domaines.
Les facteurs qui ont généralement amplifié la concurrence ont fait en sorte que le consommateur a un meilleur choix à un prix plus bas, et peut-être que certaines des institutions en exercice ayant une plus grande part du marché ont vu les loyers qu’elles ont pu gagner sur ces activités diminuer.
Pour dire les choses carrément, les actionnaires des banques peuvent se retrouver...
[Français]
Le sénateur Dagenais : Les actionnaires vont payer? Oh là là! Madame Ryan, je serais surpris si vous me disiez que vous n’avez pas d’information ou d’exemples concrets à nous soumettre concernant certaines erreurs ou certains aspects négatifs liés à ces nouvelles technologies. J’aimerais que vous nous parliez un peu des pépins que vous avez rencontrés, afin que nous puissions en tirer des leçons et peut-être éviter certains écueils au moment de la mise en œuvre de ces nouvelles technologies.
Mme Ryan : Nous avons parlé des risques cybernétiques et de problèmes d’atteinte à la vie privée. Pour revenir à la question de la capture de données d'écran, pour vous donner un exemple concret, une personne donnerait à une autre entreprise le mot de passe de son compte personnel. Pour une telle personne, le risque de vol de ce mot de passe par un agent malfaisant quelconque annule les contrats qu’elle a avec sa propre institution. Dans la mesure où cela pose un risque de vol d’identité, un risque de fraude, on voit déjà ces implications dans le domaine. Comme Julien l’a mentionné, on en est déjà arrivé là. On voit déjà ce genre de risque, et cela nous encourage à examiner la question de l’approche défensive au lieu d’adopter tout simplement ce concept attrayant.
Le sénateur Dagenais : Est-ce une occasion pour les institutions, les entreprises de technologie financière ou les consommateurs, ou est-ce que tout le monde y trouve son compte?
Mme Ryan : Je pense qu’il y a des avantages pour beaucoup de monde. L’innovation est déjà là. Il y a des gens qui veulent mettre la technologie au service du secteur financier. En fait, tout le secteur est une question de gestion de l’information et de gestion des contrats. La possibilité de faire mieux avec ces technologies est énorme, par exemple pour gérer des budgets personnels ou chercher une hypothèque à meilleur prix. Il s’agit d’établir des règles qui favorisent l’innovation de sorte à offrir plus de services aux consommateurs ou aux entreprises.
Le sénateur Dagenais : Merci beaucoup à nos invités.
La sénatrice Verner : Ma question sera très courte, et je l’ai déjà posée aux témoins précédents.
Monsieur Brazeau, vous avez parlé des consultations qui viennent de se terminer. Vous êtes notamment allé à Montréal. Comme sénatrice du Québec, je me pose la question suivante : étant donné qu’il y a un gros réseau de Caisses Desjardins au Québec, de quelle façon entrevoyez-vous la participation de ce réseau dans un système bancaire ouvert? Y a-t-il de la résistance? Lorsqu’on songe à ce qui s’est passé dans le dossier des valeurs mobilières, je me demande si vous avez déjà envisagé de quelle façon les organisations financières de compétence provinciale pourraient faire partie de ce système.
M. Brazeau : C’est une question complexe, étant donné la dimension provinciale et territoriale. Je vous dirais que le réseau des caisses est mieux placé pour vous le dire que moi. Cela dit, les institutions financières provinciales dans leur ensemble nous ont dit qu’elles s’intéressent vivement à la question des plateformes d’un système bancaire ouvert et qu’elles veulent faire partie de la consultation et des modèles qui seraient utilisés pour en faire la mise en place.
Nous tenons aussi des discussions avec nos homologues des gouvernements provinciaux pour parler davantage du système bancaire ouvert. Dans la mesure où le gouvernement décidait d’aller de l’avant avec la mise en œuvre d’un tel système, nous continuerions cette discussion afin de déterminer comment arriver à un système auquel tout le monde pourrait participer.
La sénatrice Verner : Merci.
[Traduction]
Le sénateur Tkachuk : Merci beaucoup. J’aimerais avoir quelques précisions à ce sujet. Comment le système bancaire ouvert aide-t-il ceux qui sont « sous-financés »? Qu’est-ce que cela signifie d’être sous-capitalisé?
M. Brazeau : Il y a eu divers cas d’utilisation dans les pays qui ont adopté le système bancaire ouvert. Si nous prenons l’exemple des gens qui n’ont pas d’antécédents de crédit établis ou les nouveaux citoyens au Canada qui n’ont peut-être pas de cote de crédit avec Equifax ou avec un bureau de crédit, le système bancaire ouvert, en dévoilant leurs données sur les transactions, peut donner aux entreprises du secteur des technologies financières ou aux institutions financières qui veulent leur offrir un prêt la possibilité de voir une foule de transactions qui pourraient éclairer leur décision de leur offrir ou non ce prêt. Elles pourraient voir que ces gens sont rémunérés, qu’ils acquittent le loyer mensuel et qu’ils ont des antécédents de transaction réguliers. Ces gens qui normalement devraient se monter un dossier de crédit pourraient ainsi avoir accès à ce système.
Le sénateur Tkachuk : Si une personne immigre au Canada et qu’elle n’a pas de compte bancaire, mais peut-être un emploi, en quoi le système bancaire ouvert lui sera-t-il utile? Qu’est-ce que cela veut dire?
M. Brazeau : Cette personne aurait un compte bancaire, mais pour obtenir un prêt ou un prêt hypothécaire ou pour faire une demande de crédit, la plupart du temps, il faudrait qu’elle ait des antécédents de crédit et, souvent, les nouveaux venus au pays n’en ont pas. Toutefois, les entreprises du secteur des technologies financières ou les institutions financières, en étant en mesure de montrer l’historique de leurs transactions, pourraient pouvoir plus facilement obtenir des prêts en leur nom.
Le sénateur Tkachuk : J’ai remarqué que, dans votre rapport, vous mentionnez plusieurs obstacles importants auxquels se butent les entreprises du secteur des technologies financières qui veulent s’établir sur le marché des services financiers. Le premier, c’est que les consommateurs ne sont pas assez sensibilisés et que leurs produits ne sont pas assez populaires. En quoi consiste notre travail? Ne devrait-il pas revenir aux entreprises de sensibiliser les consommateurs à l’égard de leurs produits? Pourquoi est-ce un problème pour nous?
M. Brazeau : Dans le contexte du système bancaire ouvert, je ne crois pas que nous essayons nécessairement de favoriser un groupe plutôt qu’un autre et de sensibiliser les Canadiens aux technologies financières. Ce que nous essayons de dire au sujet des technologies financières, c’est que les entreprises de technologie financière au Canada font face à des défis, surtout en ce qui concerne leur envergure, et que celles qui ont connu du succès jusqu’à maintenant sont celles qui ont été en mesure de s’associer à des institutions financières. Sans pouvoir accéder à ces données, la capacité de ces entreprises de prendre de l’expansion et de continuer de croître au Canada et de demeurer une option concurrentielle viable est discutable.
Le sénateur Tkachuk : S’il n’y a pas de demande pour un produit, pourquoi essayer d’en créer une? Ne devrait-il pas revenir aux entreprises de créer la demande? Que fait le secteur bancaire en communiquant des renseignements qui ne lui rapportent rien de toute façon? Je ne comprends pas le modèle d’affaires. Il y a peut-être quelque chose qui m’échappe. Utiliser PayPal est facile, n’est-ce pas? C’est simple. Or, il semble que ce soit beaucoup plus compliqué quand les entreprises de technologie financière ont accès à des choses auxquelles je ne veux pas qu’elles aient accès, et pour quelle raison devrais-je leur permettre d’y accéder? Comment cela aidera-t-il le consommateur? Je ne comprends toujours pas.
Mme Ryan : Je vais peut-être vous donner quelques exemples, sénateur, si cela peut vous aider.
Le sénateur Tkachuk : Oui, cela aiderait.
Mme Ryan : Dans la mesure où il y a des Canadiens à revenu modeste qui travaillent très fort pour payer leurs factures et qui sont peut-être endettés et qui remboursent leur dette, ces personnes risquent de ne pas être conscientes de l’avantage que pourraient leur procurer certaines pratiques budgétaires assez simples. Par exemple, un nombre vraiment surprenant de Canadiens ont un solde permanent sur leur carte de crédit et, parallèlement, un solde d’épargne dans un autre compte. La situation est telle qu’une entreprise de technologie financière pourrait, d’une certaine façon, combiner ou regrouper les renseignements financiers qui les concernent, lesquels sont consignés dans divers comptes ou même dans différentes institutions financières. Leur carte de crédit est émise par une banque et leurs épargnes sont confiées à une autre banque. Cela pourrait procurer un avantage financier tangible à un grand nombre de Canadiens. Or, étant donné qu’il est vraiment très difficile en ce moment de combiner les renseignements financiers et de trouver comment les consommateurs pourraient mieux gérer leurs finances grâce à des techniques de gestion relativement simples, les gens ne sont pas conscients qu’ils pourraient faire mieux.
Je pense que la section du rapport que vous lisez traite de certains des défis que j’ai mentionnés plus tôt. Cette consultation a tout un défi à relever, soit faire comprendre aux gens que la modernisation du système financier dans d’autres pays a permis de constater un avantage pour les citoyens ordinaires qui ont ainsi eu accès à de nouveaux services pour résoudre des problèmes relativement quotidiens.
La sénatrice Marshall : Je pense que ma question sera semblable. Nous venons tout juste de commencer et je veux m’assurer de bien comprendre, parce que cela devient très négatif dans mon esprit.
Je peux comprendre que les institutions financières, les banques et le gouvernement souhaitent un système bancaire ouvert. Or, nous parlons de questions de réglementation, de sécurité et de protection de la vie privée qui doivent être prises en compte. Quelqu’un doit payer pour cela. Si c’est le gouvernement, c’est vraiment le consommateur qui va payer par l’entremise des impôts. Si c’est la banque, elle va refiler la facture en augmentant ses frais. Donc, au bout du compte, c’est le consommateur ou le contribuable qui va payer, quelle que soit la forme que vous lui donnerez. L’un d’entre vous a dit tout à l’heure qu’il y aurait un avantage net pour les particuliers qui font des transactions avec la banque, mais je dirais que ce qu’ils économiseront sera vraiment minime par rapport à ce que les banques leur demanderont et à l’argent des impôts que le gouvernement dépensera pour maintenir ou réglementer le système. Je ne vois pas comment le consommateur pourrait économiser de l’argent, alors quels sont exactement les avantages pour le gouvernement? J’ai travaillé au gouvernement pendant 45 ans; j’en ai donc une vision blasée. Comment savez-vous que c’est ce que veulent les consommateurs? Les banques le veulent. Le gouvernement le veut. Vous nous dites que les consommateurs le veulent, mais j’ai l’impression qu’ils se font duper. Les consommateurs veulent-ils vraiment cela? Je suis une consommatrice et, si je me fie à ce que j’ai entendu jusqu’à maintenant, je n’en veux pas. Je m’enfuirais. Il faut me convaincre que c’est vraiment ce que veulent les consommateurs.
M. Brazeau : Je ne sais pas si je veux nécessairement vous convaincre. C’est une question que nous posons aux Canadiens. Voulez-vous un système bancaire ouvert? Y voyez-vous des avantages?
Ce que nous savons, c’est que près de quatre millions de Canadiens utilisent des services d’agrégation de données et des mécanismes de capture de données d'écran qui invalident leurs relations avec les banques. Ils s’exposent à des risques de responsabilité élevés sans le savoir.
La sénatrice Marshall : Le système bancaire ouvert est-il la seule solution à ce problème?
M. Brazeau : Peut-être pas, mais c’est une solution qui a été proposée, alors nous sommes à l’écoute. Pour revenir à votre question, nous approchons les groupes de consommateurs et faisons de la recherche sur l’opinion publique pour essayer de définir les cas d’utilisation qui pourraient survenir. En réalité, il est encore tôt pour implanter le système bancaire ouvert. Le Royaume-Uni a été un chef de file dans ce domaine depuis environ un an. Il est parfois difficile de prévoir les types de cas d’utilisation qui peuvent survenir.
Un peu plus tôt, nous avons discuté avec le sénateur Dagenais des leçons apprises dans d’autres pays. Nous avons discuté avec des représentants du Royaume-Uni et de l’Australie et ils nous ont dit qu’il est essentiel de faire participer les consommateurs et les petites et moyennes entreprises dès le début du processus d’examen pour déterminer les utilisations qu’ils pourraient, selon eux, faire du système bancaire ouvert. Si on met en place un système bancaire ouvert, il faut, au bout du compte, le concevoir dans l’intérêt des consommateurs et des petites entreprises.
La sénatrice Marshall : La protection de la vie privée et la sécurité sont deux grands enjeux.
M. Johnson : Julien a raison de dire qu’il y a un très grand nombre de Canadiens qui créent effectivement leur propre système bancaire ouvert en s’adressant à des fournisseurs tiers, en remettant des mots de passe et des justificatifs d’identité et en utilisant ces agrégateurs. La demande pour ce type de service augmente. Je vous ai demandé tout à l’heure dans quelle mesure vous laissiez la situation évoluer à partir de la base? Puis dans quelle mesure devez-vous ou est-il approprié de mettre en place une sorte de cadre réglementaire pour protéger le système en question?
Les faits montrent, à plus grande échelle pendant la crise financière, que la réglementation a un coût, mais que ses avantages peuvent l’emporter de loin sur le coût si elle permet de protéger l’ensemble du système. Encore une fois, en parlant de système bancaire ouvert, vous donnez aux consommateurs la propriété de leurs propres données. Ils obtiennent quelque chose; la propriété de ces données. Ils peuvent choisir de refuser de les partager avec qui que ce soit ou de préciser qu’elles leur appartiennent et avec qui ils vont les partager.
Je crois que la demande va augmenter et continuer de croître depuis la base. La question est de savoir dans quelle mesure vous y imposez un modèle descendant, comment et dans quel genre de cadre réglementaire vous le faites? Le système pourrait être très petit, comme c’est le cas aux États-Unis. Il pourrait être beaucoup plus grand, un peu comme en Europe. C’est une question ouverte à laquelle nous réfléchissons. Les consultations menées par le ministère des Finances constituent une première étape utile pour régler ce problème.
Comme dernier point, sans vouloir trop ressembler à un économiste, il peut y avoir des avantages nets à rendre le marché plus efficace, à réduire les frictions. Il y a des frictions dans les services financiers. Les frais de recherche sont assez élevés; la littératie financière est assez faible. Les coûts pour changer d’institution sont très élevés. C’est pourquoi les entreprises du secteur des technologies financières sont en croissance. Elles constatent que les frais de recherche sont élevés et elles mettent en place une application afin de gérer le processus pour les gens. Comme les coûts pour changer d’institution sont élevés, elles créent une application pour faciliter les choses. La littératie financière étant relativement faible, elles mettent au point des trucs comme des robots-conseillers qui offriront assez facilement des conseils de qualité relativement élevée. Toutes ces choses pourraient être beaucoup plus faciles grâce à un système bancaire ouvert.
Pour revenir à ce que je disais, il y a des avantages, des coûts et des risques réels à cela. Il y a beaucoup de travail à faire pour trouver l’équilibre qu’il faut.
La sénatrice Marshall : Après vous avoir écouté, je me demande à quel point cette question suscite de l’intérêt. Si le concept n’intéresse pas beaucoup de gens, vous faudrait-il construire cette grande machine qui doit être soutenue financièrement? En vous écoutant parler, je pense que les gens qui sont renseignés ne voudraient pas d’un système bancaire ouvert. Voilà ma conclusion pour l’instant.
Le président : Si vous me permettez de vous interrompre, je pense que vous posez d’excellentes questions et j’entends les témoins poser les mêmes questions.
M. Johnson : En effet, c’est ce que nous faisons.
Le président : Il faut donc trouver les réponses.
Le sénateur Duffy : Je voulais simplement souligner qu’au Canada, vos renseignements fiscaux sont considérés comme sacrés et inviolables, tout comme les dossiers médicaux et les données génétiques. Où cela va-t-il se terminer? Renseignements pharmaceutiques? Vos ordonnances? Je connais des gens qui prennent 10 ou 12 drogues différentes par jour pour rester en vie. Puisque nous ouvrirons toutes les portes, quelqu’un pourra-t-il voir les ordonnances d’une autre personne et ensuite prendre des décisions lui nuisant? Comment cela pourrait-il toucher d’autres secteurs? Je pense qu’il y a de fortes chances que cela puisse devenir hors de contrôle et causer des dommages à bien des personnes qui ne sont pas au courant des risques en cause ou qui n’en sont pas pleinement conscientes.
Le sénateur Wetston : Pourrais-je me permettre de dire que si nous ne maîtrisons pas la situation, nous serons confrontés à des problèmes semblables à ceux que nous avons maintenant avec la monnaie numérique et la cryptomonnaie? Nous n’avons pas de cadre de réglementation; nous ne pouvons même pas décider de ce que c’est. Vous avez dit très clairement qu’environ quatre millions de Canadiens ont accès à un modèle de service bancaire ouvert et je n’ai aucune raison de ne pas être d’accord avec vous à ce sujet. Il est très important que nous prenions les devants. Si cela doit se produire, nous devons élaborer un cadre pour veiller à ce que certains des risques dont nous avons parlé ne se matérialisent pas.
Il s’agit simplement de s’inquiéter de permettre que cela se fasse sans créer de normes et de cadres. Mon dernier point — et j’étais en train de regarder cela —, est-ce que vous connaissez Butter?
M. Johnson : L’aliment, sénateur?
Le sénateur Wetston : Je tiens à le présenter au comité. Je félicite RBC Ventures parce que c’est un produit de RBC. Vous le savez peut-être, monsieur Brazeau. L’application vous permet de suivre tous vos abonnements. Elle fait le suivi de vos dépenses, donne des alertes intelligentes sur ce que vous dépensez, réduit les dépenses récurrentes pour ces produits et trouve des contrats pour de nouveaux produits et services. C’est une sorte de modèle de système bancaire ouvert et pourquoi est-ce offert et qui en assume les frais? Évidemment, pour la RBC — qui est une banque très prospère et je ne la critique pas — ce qu’elle fait, c’est attirer des clients.
Il se peut que ce soit utile, quelque chose de concurrentiel qui pourrait être fait. Je crois que la même chose pourrait se produire dans un modèle de technologies financières ou de système bancaire ouvert.
Le président : Quand avez-vous l’intention de terminer votre consultation? Quelle est la prochaine étape?
M. Brazeau : Comme je l’ai dit, nous tenons actuellement des tables rondes. La table ronde de Montréal aura lieu demain et nous rencontrons régulièrement les intervenants.
Le comité s’est engagé à présenter son rapport au ministre d’ici le printemps.
Le président : D’ici le printemps?
M. Brazeau : D’ici le printemps qui s’annonce. Cela dit, le rapport sera présenté au ministre à ce moment-là puis ce sera à lui de décider du moment où il le rendra public. Le ministère a toutefois l’intention de continuer à consulter les Canadiens et les intervenants sur ces questions au cours de la période.
Le président : Nous espérons pouvoir être utiles dans ce processus. C’est pourquoi nous sommes ici.
Merci beaucoup, comme toujours, pour vos exposés très éclairés, intelligents et utiles.
(La séance est levée.)