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NFFN - Comité permanent

Finances nationales

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales

Fascicule n° 8 - Témoignages du 11 mai 2016


OTTAWA, le mercredi 11 mai 2016

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui, à 18 h 45, pour procéder à l'étude sur le programme de plusieurs milliards de dollars du gouvernement fédéral pour le financement des infrastructures.

Le sénateur Larry Smith (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Chers collègues, distingués invités, bonsoir et bienvenue à la séance du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Je m'appelle Larry Smith, sénateur du Québec et président du comité. Permettez-moi de présenter les autres membres du comité. L'un d'eux, le sénateur Mockler, du Nouveau-Brunswick, arrivera bientôt. À ma gauche se trouve le sénateur Pratte, un Québécois bien connu qui a autrefois travaillé à La Presse et qui est un formidable atout pour notre comité. À ma droite se tient la sénatrice Ataullahjan, qui nous prête gracieusement main- forte en l'absence de la sénatrice Eaton. Vous trouverez à sa droite le sénateur Fabian Manning, activiste politique de longue date originaire de Terre-Neuve qui se considère lui-même comme une légende. On l'appelle « the Moose ». À sa droite se tient la sénatrice Beth Marshall, ancienne vérificatrice générale de la province de Terre-Neuve-et-Labrador et excellente membre de notre équipe des finances.

Nous poursuivrons ce soir l'étude de la conception et de la mise en œuvre du programme de plusieurs milliards de dollars du gouvernement fédéral pour le financement des infrastructures.

[Français]

Ce soir, nous recevons deux organisations qui ont produit des rapports ou des travaux de recherche sur les infrastructures.

[Traduction]

Pour traiter du sujet et répondre à nos questions, Glen Hodgson, premier vice-président et économiste en chef, du Conference Board du Canada, ainsi que Clark Somerville, premier vice-président, et Brock Carlton, chef de la direction générale, de la Fédération canadienne des municipalités, comparaissent aujourd'hui. M. Carlton était un formidable joueur de basketball à l'université.

Je crois comprendre que chaque organisation a un bref exposé à faire. Nous tiendrons ensuite une période de questions. Commençons par M. Hodgson.

Glen Hodgson, premier vice-président et économiste en chef, Conference Board du Canada : Je vous remercie, monsieur le président et distingués sénateurs. Je suis enchanté de comparaître de nouveau devant vous. Avec la sénatrice Marshall, j'ai tenté de compter le nombre de fois où j'ai témoigné devant le Sénat depuis que je travaille au Conference Board, et c'est moins de 50, mais plus de 20.

Je voulais traiter de cinq points simples dans mon exposé. Je m'appuierai sur les nombreuses recherches que nous avons effectuées au fil des ans. J'ai maintenant le plaisir d'écrire un billet dans le Globe and Mail toutes les deux semaines, et j'ai écrit quelque chose sur ce sujet à deux ou trois reprises. J'ai donc réuni mes réflexions dans un bref exposé.

Tout d'abord, nous sommes sans doute des décennies en retard. Nous sommes en mode rattrapage sur le plan des investissements publics en infrastructure. C'est probablement davantage le résultat d'une négligence bénigne que d'une campagne activiste, mais il est évident qu'il est pressant d'investir plus de fonds publics dans les infrastructures du pays.

De plus, il ne faut pas que ce soit un stimulus à court terme. En 2009, nous avons avait valoir au gouvernement fédéral les avantages qu'il y a à utiliser les investissements à court terme en infrastructure pour stimuler l'économie. La récession a sans doute été bien plus courte grâce aux investissements en infrastructure et à un programme que j'aime beaucoup : le Crédit d'impôt pour la rénovation domiciliaire.

Mais ce n'est pas le contexte actuel. Nous avons un besoin structurel. Je me fie aux membres de la FCM comme point de référence, mais nous accusons un retard de centaines de milliards de dollars au chapitre des investissements dans nos infrastructures physiques et sociales.

Un problème structurel appelle une solution structurelle. Ce problème ne se réglera pas du jour au lendemain. Les investissements en infrastructure doivent devenir un élément permanent des budgets fédéraux pour les décennies à venir.

En outre — et nous avons écrit sur le sujet —, nous devons envisager la question de manière holistique en faisant intervenir les trois ordres de gouvernement dans un plan pluriannuel. Comme nous l'avons indiqué dans le Globe and Mail, nous considérons que ce plan devrait être transparent et ouvert, et prévoir un examen indépendant des priorités et des procédures. Ce n'est pas qu'au gouvernement d'agir; il faut mobiliser d'autres intervenants au sein de la population.

Les trois ordres de gouvernement devraient prendre part au processus de planification. Il ne faudrait pas que tout tourne autour du gouvernement fédéral. Les organismes fédéraux, toutes les provinces et le plus grand nombre de municipalités possible, avec vous comme représentants, doivent mettre l'épaule à la roue. Il faudrait vraiment inciter les municipalités à comprendre leurs priorités et à contribuer à l'établissement des priorités dans le cadre du processus.

Le plan doit être intrinsèquement cohérent et harmonisé plutôt que d'être un ensemble de mesures ponctuelles et disparates. Le concept consiste à établir un cadre qui oriente la prise de décision.

De plus, je voulais parler brièvement de la facette économique des projets. J'ai l'avantage d'avoir travaillé pendant 10 ans à Exportation et développement Canada à titre de vice-président des politiques. EDC finance des projets et possède une vaste expérience du financement continu des projets d'infrastructure. Il s'agit entièrement de projets réalisés à l'étranger, mais il pourrait y en avoir au Canada également.

Je pense qu'il est juste de dire que sur le plan des investissements en infrastructure, un large éventail de projets et d'initiatives pourraient être considérés comme étant purement des actifs publics qui n'ont aucun potentiel de rendement financier, alors que des projets plus commerciaux pourraient nettement avoir un rendement économique.

Il importe donc, selon moi, de faire la distinction entre les projets qui ont un rendement économique, qui sont bénéfiques pour l'économie, et ceux qui pourraient avoir un rendement financier, mais peut-être pas. Ce ne sont pas tous les projets d'infrastructure qui généreront des revenus, mais certains le pourraient, et il faut développer une certaine optique et examiner les possibilités, car cela mène ensuite aux options de financement.

Je pense en outre que nous en sommes à un point où il faudrait envisager de recourir à la tarification pour l'utilisation des ressources publiques. Je fais partie de ce qui s'appelle l'Ecofiscal Commission, un groupe d'universitaires et d'économistes qui travaillent ensemble. Nous croyons fermement que le système de tarification et les signaux de prix contribuent à modifier le comportement des gens et ont un effet incitatif au fil du temps.

Nous effectuons actuellement des recherches. Nous avons réalisé l'an dernier une excellente étude sur le recours à la tarification pour atténuer la congestion routière, une solution que certaines de nos grandes villes envisagent sérieusement, particulièrement lorsqu'elles réfléchissent à l'utilisation des très rares voies de circulation.

Vous avez eu vent du débat sur l'autoroute Gardiner, à Toronto, par exemple. Est-ce qu'une voie réservée sur la Queen Elizabeth Way constituerait une manière d'utiliser les ressources? Ce concept a du bon et du mauvais. Mais je pense que nous devrions envisager l'idée de recourir à la tarification et de tirer des revenus des projets. Ayons au moins cette flèche dans notre carquois d'options stratégiques.

Le dernier point dont je voulais traiter concerne le financement et l'ouverture à toutes les possibilités. Je pense que les investissements directs effectués dans le budget ne constituent qu'une approche parmi tant d'autres, celle sur laquelle on se rabat trop souvent. Peut-être devrions-nous y recourir en dernier plutôt qu'en premier.

Nous devons considérer de fournir davantage de financement aux communautés, aux municipalités. Nous avons appuyé le Fonds de la taxe sur l'essence quand le gouvernement l'a instauré il y a quelques années.

Dans nos écrits, nous avons proposé de permettre aux communautés d'avoir accès aux revenus tirés des taxes de vente provinciales. Imaginez si nous réservions un point de pourcentage de ces revenus et, plutôt que ce soient les provinces qui gèrent ces fonds de manière centralisée, nous les répartitions entre les communautés afin de leur conférer des outils qu'elles pourraient utiliser pour prendre leurs propres décisions de financement.

Que diriez-vous de faire appel au secteur privé? Nous recourons aux partenariats public-privé bien plus souvent que nous ne faisions il y a 10 ou 20 ans. Je peux me souvenir d'avoir participé à de nombreuses réunions à Ottawa, quand je travaillais à EDC, afin de parler des avantages des PPP. Ces partenariats nous ont permis de concevoir d'excellents projets d'infrastructure.

Nous devrions également réfléchir à la manière d'accéder aux capitaux privés. Notre pays compte de formidables investisseurs institutionnels, comme des fonds de retraite et diverses institutions, qui, ironiquement, effectuent d'excellents investissements à l'étranger, mais éprouvent des difficultés à investir dans des projets au Canada. Voilà qui donne un autre point de vue et crée un paradigme différent pour étudier les options de financement.

Le dernier point dont je voulais traiter — et dont j'ai parlé l'été dernier dans le Globe and Mail —, c'est le fait qu'il est peut-être temps d'envisager la possibilité de créer une banque nationale en matière d'infrastructure. Cette solution a des avantages et des inconvénients. Ce serait très difficile à gérer, mais cette solution pourrait, selon moi, offrir trois avantages.

Elle vous permettrait certainement d'enlever une partie du financement nécessaire des bilans. Plutôt que de recourir au financement de base du gouvernement, envisagez de financer une institution qui constituerait ses propres fonds.

Cette solution vous permettrait en outre de réellement établir un centre d'expertise permanent. Au cours de ma carrière, j'ai travaillé pour EDC et BDC. J'ai collaboré étroitement avec elles pendant un certain nombre d'années. Ce sont d'excellentes institutions, car elles possèdent leur propre expertise dans leurs rangs. Elles peuvent choisir et évaluer des projets, déceler les risques, jouer un rôle de surveillance et proposer des solutions de financement novatrices.

Cela permettrait certainement d'offrir du financement à moindre coût, même si les choses se compliquent parce que si un projet ne peut s'autofinancer, il faudrait obtenir des contre-garanties. La gestion pourrait s'avérer très complexe, mais je pense que nous devons au moins nous montrer ouverts aux options quand nous examinons la manière de financer l'établissement du programme d'infrastructure, entreprise qui pourrait prendre une décennie.

Sur ce, monsieur le président, je vais clore mon propos. Je répondrai à vos questions avec plaisir.

[Français]

Clark Somerville, premier vice-président, Fédération canadienne des municipalités : Je suis très heureux d'être parmi vous ce soir.

[Traduction]

Je voudrais commencer en vous remerciant de m'avoir invité ce soir à traiter du rôle crucial que la FCM et le secteur municipal joueront dans le nouveau programme d'infrastructure du gouvernement.

Je vous transmets les salutations les plus sincères du président Raymond Louie, qui nous regarde ce soir, puisqu'il accomplit son devoir de conseiller municipal à Vancouver.

Je m'appelle Clark Somerville, conseiller régional de la ville de Halton Hills et de la région de Halton. J'ai également le grand honneur d'être vice-président de la Fédération canadienne des municipalités. Je suis accompagné de Brock Carlton, chef de la direction générale, à qui je demanderai de vous donner un bref aperçu de la FCM et du travail que nous accomplissons.

[Français]

Brock Carlton, chef de la direction générale, Fédération canadienne des municipalités : Bonsoir à tous. La Fédération canadienne des municipalités (FCM) est la voix nationale du secteur municipal au Canada.

Les 2 000 municipalités qui sont membres de la fédération représentent 90 p. 100 de la population du Canada, et proviennent de toutes les provinces et de toutes les régions. Elles représentent tant les grandes villes que les localités rurales et les collectivités nordiques et éloignées.

Le conseil d'administration de la FCM est composé d'élus municipaux de toutes les régions et de tous les types de collectivités au pays. Il constitue une base d'appui très représentative pour transmettre le message du secteur municipal au gouvernement du Canada.

La période actuelle est très emballante pour les municipalités, et nous sommes heureux de nous joindre à vous ce soir pour discuter des moyens que peuvent prendre les divers ordres de gouvernement pour mieux collaborer entre eux et ainsi offrir aux Canadiens les infrastructures cruciales, sociales, vertes et de base qui leur sont nécessaires.

[Traduction]

M. Somerville : Comme vous le savez, le gouvernement fédéral a promis, dans sa plateforme électorale, d'investir 60 milliards de dollars sur 10 ans dans des projets d'infrastructure dont le pays a cruellement besoin. La première phase de ce plan, soit un investissement de 11,9 milliards de dollars en nouveaux fonds destinés aux infrastructures, a été annoncée en mars dans le cadre du budget.

En qualité de premier vice-président de la FCM, je peux vous dire que ce plan ambitieux produira des dividendes pour les municipalités et le pays. Nous avons là une occasion de transformer la manière dont nos communautés sont construites, de faire croître notre économie de manière durable, de créer des emplois locaux, d'améliorer la qualité de vie de l'ensemble de la population et de travailler ensemble, tous à titre d'ordres de gouvernement égaux, pour nous attaquer aux problèmes et aux défis que les Canadiens affrontent au quotidien.

Nous savons déjà que les investissements en infrastructure sont bénéfiques pour l'économie et pour le Canada. Chaque dollar investi en infrastructure génère jusqu'à 1,64 $ en croissance économique. Chaque milliard de dollars investi permet de créer 18 000 emplois. Nous savons que ces investissements sont très nécessaires.

Selon le Bulletin de rendement des infrastructures canadiennes de 2016 publié en janvier par la FCM et une poignée d'organisations partenaires, le tiers des infrastructures municipales du Canada nécessitent des réparations immédiates. Il s'agit de routes, de ponts, d'usines de traitement des eaux usées et de centres communautaires dont les Canadiens dépendent chaque jour. Autrement dit, le temps presse. Il faut toutefois se demander quelle est la meilleure manière de s'attaquer à ce défi et comment tirer le meilleur parti de cette occasion.

Les gouvernements locaux possèdent environ 60 p. 100 des infrastructures publiques du pays; nous sommes donc des partenaires naturels et très efficaces. Les dirigeants municipaux sont reconnus pour mettre en œuvre des projets d'infrastructure rapidement, équitablement, de manière transparente et en faisant preuve de la plus grande responsabilité. Voilà pourquoi nous sommes des alliés de confiance du gouvernement fédéral depuis bien des années.

Nos villes, agglomérations et villages ne manquent pas de projets qui sont non seulement prêts à démarrer, mais qui méritent de se concrétiser. Qui plus est, nous possédons l'expérience et l'expertise pour choisir les projets qui sont les plus nécessaires et qui permettront d'obtenir le meilleur rendement des investissements. Pour dire les choses simplement, la manière la plus efficace de nous assurer que l'agent est bien investi dans les infrastructures consiste à conférer aux dirigeants municipaux les outils et la souplesse nécessaires pour faire ce qu'ils font le mieux : prendre des décisions éclairées en fonction des réalités et des besoins locaux. C'est ce que le gouvernement a fait dans le budget de 2016.

Le secteur municipal est impatient de travailler avec le gouvernement fédéral pour peaufiner les détails des investissements en infrastructure annoncés en mars, et nous serons heureux de travailler avec nos partenaires fédéraux à la conception et à la mise en œuvre de la phase 2 du plan d'infrastructure du gouvernement. En fait, nous avons déjà commencé à mobiliser et à consulter nos 2 000 membres.

Les investissements forts et intelligents en infrastructure nous offrent une occasion en or de faire en sorte que nos villes de calibre mondial soient plus viables et plus concurrentielles, et d'assurer l'épanouissement de nos communautés rurales et du Nord. La FCM et les dirigeants municipaux du Canada sont prêts à s'associer au gouvernement fédéral pour y parvenir.

Merci beaucoup.

Le président : Merci beaucoup, messieurs. Sénatrice Marshall?

La sénatrice Marshall : Je commencerai par interroger M. Hodgson, du Conference Board.

Vous avez évoqué la banque d'infrastructure. Nous avons entendu le ministre et d'autres témoins, et l'infrastructure semble englober bien des choses, comme l'infrastructure sociale, les garderies et des choses de ce genre. Quand vous parlez d'infrastructure, faites-vous référence aux éléments matériels, comme les routes et les ponts, ou faites-vous référence à la garde d'enfants? Je veux m'assurer que nous parlons le même langage.

M. Hodgson : Dans le cas présent, nous faisons en fait référence aux infrastructures physiques, c'est-à-dire le genre de chose dont M. Somerville a parlé.

La sénatrice Marshall : Il s'agirait de routes et de ponts.

M. Hodgson : Il peut s'agir d'actifs appartenant aux gouvernements provinciaux et fédéral; cela inclut donc les ports. Il est frappant que nous ayons trouvé un moyen de décentraliser nos aéroports. Ils n'ont pas été privatisés, mais on a pu y adopter un modèle d'utilisateur-payeur, et nous voyageons maintenant d'un bout à l'autre du pays et nos aéroports sont, bien franchement, dans un état magnifique. Mais quand nous en sortons et les comparons à l'état des infrastructures municipales ou provinciales, la différence est absolument frappante. Je fais donc référence aux infrastructures physiques.

Je devrais probablement ajouter le transport en commun à cette liste, et un formidable projet dans ce domaine est en cours au centre-ville d'Ottawa, à un coin de rue d'ici. Nous devons probablement l'ajouter également à la liste, car dans nos grands centres urbains...

La sénatrice Marshall : Incluez-vous les stades et les piscines dans cette liste?

M. Hodgson : Vous pourriez les ajouter, mais il faut fixer les priorités et tenter de déterminer les critères qui seront utilisés pour choisir les projets les plus importants.

La sénatrice Marshall : Dans votre exposé, vous avez parlé d'une banque d'infrastructure parce qu'elle faisait partie de la plateforme électorale libérale; il n'en est toutefois pas question dans le budget. Le concept semble vous plaire, ce qui m'a quelque peu horrifiée.

M. Hodgson : J'espère un peu que les libéraux m'ont chipé mon idée, car j'ai écrit quelque chose à ce sujet l'été dernier. Comme je l'ai indiqué, sénatrice, j'ai eu la chance de travailler au sein d'une excellente institution financière du secteur public pendant une décennie. J'y ai vu du bon et du mauvais, car j'ai beaucoup travaillé avec des pays étrangers.

La situation ne se corrigera certainement pas du jour au lendemain. La tâche ne sera peut-être pas facile, mais cette banque pourrait faire partie de notre arsenal d'options. Pour certains projets, il pourrait être possible de faire appel à une institution financière distincte pour choisir les projets, les évaluer et mobiliser les ressources, mais cela ne résoudra pas tous les problèmes.

La sénatrice Marshall : Il faut y réfléchir et en discuter. Comment pensez-vous que cela pourrait fonctionner? Le gouvernement fédéral emprunterait-il l'argent? Est-ce ainsi qu'on procéderait? Le gouvernement fédéral empruntera des fonds et les déposera dans cette banque, pour ensuite en prêter aux municipalités et aux diverses organisations?

M. Hodgson : Avant de sauter à la fin, je pense qu'il faut commencer par des principes vraiment simples. S'agirait-il d'une institution fédérale ou nationale? Par exemple, on pourrait aisément créer une institution dont le gouvernement fédéral, mais aussi les provinces et même des communautés posséderaient une partie des actions. Sur le plan conceptuel, donc, c'est possible.

Il faudrait avoir un capital de base. Toutes les institutions financières en ont un, et j'ai participé à l'élaboration de toute la stratégie d'EDC. Vous vous adresseriez ensuite au marché privé pour emprunter des fonds, peut-être en présentant une garantie fédérale ou collective. Les choses deviendraient très complexes. Il pourrait être nécessaire d'obtenir une contre-garantie des communautés.

L'essentiel serait toutefois de posséder de l'expertise en conception de projets, de faire tout ce que vous pouvez au chapitre de la structure financière et d'obtenir des fonds à moindre coût pour les communautés. C'est là, à mon avis, la vraie difficulté.

Si une petite communauté comme Halton Hills peut emprunter des fonds à 100 ou 150 points de base de moins auprès d'une institution, alors que les taux d'intérêt sont actuellement de 3 ou de 1,5 p. 100, l'économie est substantielle. On économise essentiellement la moitié des intérêts sur toute la durée du projet. À titre d'économiste, je trouve intéressant d'avoir collectivement accès à des fonds à moindre coût.

La structure du gouvernement est peut-être trop complexe. C'est peut-être un des facteurs qui nous mettront des bâtons dans les roues. Si l'intention consiste à obtenir des fonds à moindre coût, nous savons que, dans nos fonds d'épargne-retraite, par exemple, l'investissement collectif permet de nous faire économiser entre 100 et 150 points de base. Pouvons-nous appliquer le même concept aux emprunts effectués pour les infrastructures?

La sénatrice Marshall : Le seul point qui me préoccuperait, c'est que nous empruntons de l'argent et espérons pouvoir l'obtenir le moment venu. D'après mon expérience, le gouvernement a de la difficulté à mettre la main sur l'argent qui lui est dû.

M. Hodgson : C'est peut-être l'avantage d'avoir une entité indépendante du gouvernement qui a la capacité de faire respecter les contrats et d'arranger les choses si elles ne vont pas comme prévu. C'est ce que font un grand nombre de banques et de prêteurs, en fait. Le problème, ce n'est pas le contrat, mais ce qui se passe quand il n'est pas respecté et ce qu'on fait pour rectifier la situation.

La sénatrice Marshall : Je sais que la fédération possède une certaine expérience des programmes qui prêtent de l'argent. Je sais que dans le budget, il y a trois sources de fonds que la fédération semble avoir la responsabilité de surveiller : le Fonds municipal vert, les pratiques exemplaires en matière de gestion des actifs et le fonds pour les changements climatiques.

Pourriez-vous nous dire si vous êtes prêts à commencer à mettre ce programme en œuvre et quand vous pensez obtenir les fonds? Expliquez-nous simplement un peu où vous en êtes rendus à cet égard.

M. Carlton : Nous en sommes actuellement à l'étape des négociations. Pour ce qui est de dire si nous sommes prêts, sachez que nous mettons en œuvre des programmes de renforcement des capacités depuis 27 ans à l'échelle internationale.

La sénatrice Marshall : Oui, je sais.

M. Carlton : Le Fonds municipal vert existe depuis l'an 2000, et nous avons donc des systèmes de gouvernance et des systèmes de gestion des programmes. Le fonds comprend un vaste processus d'examen par les pairs. Nous avons tous ces mécanismes en place.

Nous sommes très heureux d'arriver à la fin des négociations et nous sommes prêts à exécuter ces programmes pour créer le cadre nécessaire, verser les fonds appropriés et gérer le renforcement de la capacité de gestion en guise de complément à ces fonds au profit des municipalités.

La sénatrice Marshall : Savez-vous quand vous obtiendrez l'argent? La saison de la construction approche. J'essaie seulement de prévoir à quel moment vous serez dans le feu de l'action.

M. Carlton : Nous participons actuellement aux négociations. Il est important de comprendre que ces fonds ne seraient pas nécessairement liés au cycle saisonnier de la construction, car le Fonds municipal vert — le document budgétaire indique que 125 millions de dollars supplémentaires y seront versés — est un programme permanent qui prévoit des plans et des études ainsi que des subventions et des prêts. Cela se fait indépendamment de la saison de la construction.

Le montant de 50 millions de dollars destiné à la gestion des actifs vise le renforcement des capacités, ce qui ne se rapporte pas à des cycles saisonniers, et c'est la même chose pour ce qui est des 75 millions de dollars pour lutter contre les changements climatiques. Ces sommes sont destinées à des plans et à des études, à des études de faisabilité et à des projets pilotes, ce qui n'est encore une fois pas lié à la saison de la construction.

La sénatrice Marshall : Avez-vous des ressources internes pour exécuter tous ces programmes?

M. Carlton : Nous avons des capacités internes et de l'expérience. Ces programmes nous donnent d'autres ressources pour faire le travail supplémentaire.

La sénatrice Marshall : Merci.

Le sénateur Pratte : Monsieur Hodgson, à propos de la tarification, plus particulièrement de la tarification de la congestion et des routes — ce que j'ai fait valoir sans aucun succès dans mes éditoriaux pendant des années —, j'ai entre autres lu — et c'est ce que la recherche a toujours indiqué — que la tarification fonctionne mieux pour les nouvelles infrastructures que pour les infrastructures existantes. Les gens acceptent difficilement la tarification d'une chose qui existe déjà, mais si vous construisez quelque chose de nouveau, comme un nouveau pont, ils vont peut-être l'accepter.

C'est ce que l'ancien gouvernement a essayé de faire pour le nouveau pont Champlain à Montréal. Il a dit : « Eh bien, nous allons construire un nouveau pont, mais vous devrez en payer une partie en acquittant un péage. » Cela s'est avéré extrêmement impopulaire, au point où les libéraux ont fait campagne contre cette mesure et ont dit non au péage du nouveau pont après avoir été élus. D'un point de vue économique, c'est très sensé, mais il y a de nombreux exemples de cas où c'est extrêmement difficile sur le plan politique.

Avez-vous vu des études ou d'autres documents qui révèlent des cas où cela devient politiquement possible, où c'est logique tant sur le plan économique que sur le plan politique?

M. Hodgson : Nous avons examiné la question il y a un an dans notre étude de la Commission de l'écofiscalité, qui portait, par exemple, sur des cas de tarification de la congestion à Londres. Il y a également le projet pilote de mise à l'essai de la tarification qui avait été annoncé à Stockholm. L'opposition publique était forte au début, mais, après une année, les gens y étaient favorables.

Je dirais que ce n'est pas seulement ce qu'on fait qui compte vraiment, mais comment on le fait. La Colombie- Britannique, par exemple, a tenu un référendum qui a permis aux gens de voter contre un péage sur certains de leurs ponts, où il y a de réels goulots d'étranglement. De toute évidence, il doit y avoir un solide leadership politique; les gens doivent croire que c'est la bonne chose à faire.

Le recours à un projet pilote semble un moyen de montrer au public que la tarification de la congestion, par exemple, peut être avantageuse. Si votre petite entreprise possède une flotte de camions, vous payerez volontiers 2 $ pour pouvoir utiliser une voie rapide à Montréal, à Toronto ou à Vancouver afin de rentabiliser vos activités en laissant les banlieusards utiliser la voie lente à défaut de payer. Dans ce pays, on s'est servi d'un projet pilote de pont à péage pour en montrer les avantages.

Vous avez parfaitement raison, car si vous ne faites que l'imposer aux gens — l'opposition vient de là —, il est fort probable que vous vous heurterez à une résistance.

Le sénateur Pratte : Ma prochaine question est pour les représentants de la Fédération canadienne des municipalités. Je n'ai pas lu tout le bulletin de rendement des infrastructures, mais quelques pourcentages m'ont sauté aux yeux dans le résumé que j'ai lu. Il est indiqué que 62 p. 100 des grandes municipalités possèdent un plan officiel de gestion des actifs, comme 56 p. 100 des municipalités de taille moyenne et 35 p. 100 des petites municipalités. Je ne suis pas étonné que la proportion de petites municipalités qui possèdent un plan officiel de gestion des actifs soit plus faible, mais je suis surpris que seulement 62 p. 100 des grandes municipalités en aient un. Qu'entend-on par « grandes municipalités »? À quel point sont-elles grandes?

M. Somerville : Cela dépend de la région du pays. En Ontario, la gestion des actifs est une chose que la province a commencé à encourager et à exiger il y a un certain nombre d'années. L'Ontario est probablement la province où il y en a le plus, à l'exception de la Colombie-Britannique. Vous devez en tenir compte dans ce cas-ci.

De nombreuses collectivités du Nord et collectivités rurales et éloignées n'ont jamais eu la capacité ou le budget nécessaire pour gérer leurs actifs. Cette capacité ou ce budget les aideraient grandement dans le cadre de leur participation aux programmes d'infrastructure. Cela les aiderait énormément.

Nous devons vraiment veiller à leur donner le cadre nécessaire pour être en mesure d'établir un plan de gestion des actifs. Peu importe le programme utilisé — car il y en a un certain nombre —, cela les aidera à investir plus judicieusement dans les infrastructures et à améliorer leur planification en vue de répondre à leurs besoins.

Il n'y a pas vraiment de réponse facile concernant ce qu'on entend par municipalités de taille moyenne.

Le sénateur Pratte : Dans ce bulletin de rendement, quand vous dites « grande municipalité », faites-vous allusion à un nombre d'habitants ou à autre chose?

M. Carlton : Je ne pense pas qu'il y ait un nombre précis d'habitants. Comme l'a dit Clark, la définition du terme « grande municipalité » varie dans les différentes régions du pays. Je suppose que des municipalités dont la population est supérieure à 150 000 ou 200 000 sont considérées comme étant grandes.

Le sénateur Pratte : Un plan de gestion des actifs est-il un document très bureaucratique de 500 pages?

M. Somerville : Non, pas nécessairement. Dans le cadre de certains programmes, l'ingénieur de la ville ou un membre du personnel pourrait fournir l'information disponible sur l'ensemble des actifs de la ville, et des résultats seraient obtenus. Les démarches ne doivent pas nécessairement être très compliquées; elles peuvent être un peu plus faciles. Une fois de plus, certaines petites municipalités ne peuvent pas se permettre le logiciel et les coûts d'exploitation, et elles ont besoin de personnel.

Le sénateur Pratte : Est-ce le genre de soutien que vous leur donneriez, par exemple, en vous servant des 50 millions de dollars que vous remettrait le gouvernement fédéral?

M. Carlton : Oui. Nous travaillerions avec les associations provinciales et territoriales de partout au pays à l'élaboration de programmes de formation sur la gestion des actifs adaptés aux différents territoires de compétence, car c'est le contexte politique dans lequel une grande partie du travail doit être fait, à l'échelle des gouvernements provinciaux ou territoriaux. Il s'agit de renforcer la capacité et d'élaborer des pratiques exemplaires et des projets pilotes qui peuvent nous servir de modèles que nous pouvons présenter à d'autres.

Le président : Avant de passer au sénateur Manning, je pourrais peut-être poser une question concernant la fiche d'évaluation.

En ce qui a trait aux précédents en matière d'infrastructure, depuis le moment où les conservateurs ont présenté leur plan initial de 33 milliards de dollars en 2006-2007, qui a été suivi d'un montant de 53 milliards en 2014, à quoi ressemblent les fiches d'évaluation de vos membres? Avez-vous mesuré leur réussite? Avez-vous été en mesure de déterminer les effets multiplicateurs ou une certaine forme de quantification de leur réussite? Était-il seulement question de remettre l'argent aux municipalités? Quelle mesure utilisez-vous? De quelle façon procédez-vous?

J'essaie de comprendre. Comme l'a dit la sénatrice Marshall, le ministre a proposé trois objectifs : le fonds vert, qui porte sur l'eau potable, les eaux usées et ainsi de suite; les étapes 1, 2 et 3; et l'infrastructure — c'est-à-dire réparer ce que nous avons déjà.

Lorsque nous examinons le programme et l'étape qui a été annoncée — et je pense, monsieur Somerville, que vous l'avez mentionné plus tôt —, le montant accordé est de 11,9 milliards de dollars à l'étape 1, dont 2,9 ou 3,9 milliards seront remis aux municipalités. Que s'est-il passé lorsque vous avez entendu ces chiffres et pris connaissance des trois domaines sur lesquels le ministre veut mettre l'accent? Comment avez-vous mobilisé vos 2 000 membres pour commencer les démarches?

Dans le passé, qu'avez-vous fait pour mesurer votre réussite? Je remarque entre autres que les gens se préoccupent seulement de recevoir des fonds et de réaliser les projets. Nous avons toutefois entendu aujourd'hui, au caucus du Québec que de nombreuses municipalités n'ont même pas fait de soumission et qu'un montant de 1 milliard de dollars de la dernière tranche de financement n'a jamais été utilisé.

Pouvez-vous situer un peu le contexte? Je sais que je pose deux ou trois questions.

M. Somerville : C'est correct, monsieur le président. Vous pouvez poser autant de questions que vous le voulez.

Le président : Monsieur Carlton, vous pouvez prendre la parole en premier; il est également intéressant d'entendre le point de vue d'un économiste.

M. Somerville : Nous avons déterminé quel était le déficit en matière d'infrastructure en 2007. De nombreuses municipalités ont depuis augmenté le montant qui y est consacré compte tenu des mesures prises pour atténuer les effets des changements climatiques et s'y adapter. C'est notamment ce que nous devons faire dans la région d'Halton, à Halton Hills, pour nous protéger contre les eaux pluviales compte tenu de la hausse spectaculaire des précipitations et des inondations survenues tant à Burlington qu'à Oakville. Nous avons également dû ajuster le tir à cet égard.

Pour ce qui est du montant actuel, je sais que nous tentons encore de l'établir étant donné que beaucoup d'argent a été versé pour relancer l'économie en 2009. De l'argent provenait également du Fonds Chantiers Canada. Il est difficile d'essayer de déterminer à combien se chiffre aujourd'hui, le déficit en matière d'infrastructure au Canada.

Pour ce qui est de la mobilisation, je vais laisser Brock répondre, car je n'étais pas là lors de l'annonce du budget. J'essayais de trouver toutes les bribes d'information possibles. Je sais que Brock était également au premier plan lors du huis clos.

M. Carlton : Nous devons entre autres examiner cette notion de fiche d'évaluation à la lumière du cadre stratégique des fonds fédéraux. Quelques-uns des éléments importants de la fiche ont permis de faire progresser les choses. Ils ont tendance à se rapporter à la mesure dans laquelle les décisions peuvent être prises localement de manière à ce que les ressources soient canalisées pour répondre aux besoins locaux. C'est une pièce vraiment importante du casse-tête de la réussite en matière de conception de programmes.

Le deuxième élément serait la mesure dans laquelle un programme fédéral bénéficie d'un financement à long terme permanent et prévisible de sorte qu'une municipalité puisse profiter des fonds à long terme. On peut ainsi accroître grandement l'efficacité des horizons de planification, l'établissement de budgets d'immobilisations et ainsi de suite. Cela signifie également qu'on a la possibilité de penser à un partenariat public-privé, au genre de financement à long terme stable et prévisible qui procure la stabilité nécessaire pour pouvoir dire qu'un projet peut être réalisé à long terme au moyen d'un partenariat public-privé et que les ressources peuvent être gérées de manière à apporter une contribution, à fixer les horizons de planification et à assurer une prévisibilité, afin que le partenaire privé puisse également voir cette stabilité et participer. La prise de décisions au niveau local et le financement à long terme viable et prévisible sont des éléments de la fiche d'évaluation qui nous permettent de dire que le cadre de financement du gouvernement fédéral s'améliore pour ce qui est des projets locaux d'infrastructure.

D'un point de vue historique, les choses progressent. En examinant le budget de 2016, nous constatons que nous avons fait beaucoup de chemin au cours des 10 dernières années en ce qui a trait à la conception des programmes d'infrastructure.

Un autre élément important du cadre budgétaire actuel est que, pour la première fois, le financement fédéral destiné à l'infrastructure peut servir à l'entretien et aux réparations. Au pays, nous utilisons beaucoup d'infrastructures vieillissantes. Le bulletin de rendement des infrastructures dont on a parlé plus tôt parle de ces infrastructures vieillissantes. Auparavant, le cadre de financement fédéral disait que les infrastructures figurant dans un plan d'immobilisations devaient être nouvelles. Par conséquent, il fallait soudainement créer quelque chose de nouveau pour avoir accès au financement des programmes, tandis que nous avons maintenant un cadre qui dit qu'il est possible d'effectuer de réels et légitimes investissements dans les infrastructures existantes pour les maintenir en bon état de manière à ce qu'elles offrent de solides bases pour l'avenir. C'est vraiment un élément important de la notion de fiche d'évaluation des progrès et de la conception des programmes financés par le gouvernement fédéral.

Ce qui retient maintenant le plus l'attention, c'est que ce budget a été établi comme une sorte de cadre à court terme, de deux ans, alors que nous parlons et élaborons un programme de 10 ans. Ce qui est fascinant, c'est à quoi ressemble cette conversation de 10 ans. Quels sont les nouveaux éléments qui feront avancer les choses et amélioreront les résultats figurant sur la fiche d'évaluation de l'efficacité du financement des programmes?

La sénatrice Marshall : Quand vous parliez de la fiche d'évaluation, vous avez dit avoir établi le montant du déficit en matière d'infrastructure il y a quelques années, et je pense que vous avez mentionné que vous mettez maintenant les chiffres à jour. Quelle est votre impression? Pensez-vous que le déficit a augmenté ou diminué? Avez-vous un pressentiment? Pouvez-vous faire une prévision?

M. Somerville : Si je me fie aux chiffres sur ma propre municipalité qui ont été publiés, le déficit a considérablement augmenté. C'est en partie attribuable au coût des réparations qui ont également augmenté de manière exponentielle.

Le président : Quelle est la taille de votre municipalité?

M. Somerville : Halton Hills compte 65 000 habitants. Son déficit non capitalisé est de 80 millions de dollars.

Le président : Connaissez-vous la taille moyenne de vos municipalités? Vos 2 000 villes membres sont-elles toutes de grandes villes?

M. Somerville : Il s'agit de tout le monde.

Le président : Parmi vos 2 000 membres, quelle est la proportion de grandes, de moyennes et de petites villes?

M. Somerville : Si je me rappelle bien, 80 p. 100 des villes membres comptent 10 000 habitants ou moins. Nous avons également le Caucus des maires des grandes villes, qui représentent 23 des plus grandes villes du Canada par région. La Fédération canadienne des municipalités a aussi le Forum rural, qui regroupe en gros des municipalités de moins de 100 000 habitants, selon des chiffres du gouvernement fédéral. Nous ratissons large.

M. Carlton : Serait-il utile que j'ajoute un petit quelque chose pour répondre à la question sur le déficit en matière d'infrastructure?

Le président : Oui, ce serait utile.

M. Carlton : On a parlé un peu plus tôt du bulletin de rendement des infrastructures, qui est produit par nous, un grand groupe d'intervenants, qui adopte un point de vue différent sur le déficit en matière d'infrastructure. Notre point de vue consiste à ne pas essayer de trouver le gros chiffre étant donné qu'il est élevé au point d'être ahurissant et déprimant.

Grâce au bulletin de rendement des infrastructures, nous en sommes arrivés à penser que la façon qui est peut-être la plus efficace d'en parler n'est pas au moyen d'un montant d'argent, mais plutôt de la qualité des infrastructures. Le bulletin parle de transport en commun, de routes, de ponts, d'immeubles, de centres récréatifs et ainsi de suite. Ce qu'il faut, c'est vraiment se faire une idée de la qualité des infrastructures et des investissements qui seront nécessaires pour la maintenir à un niveau qui permet de donner aux Canadiens le genre de qualité de vie auquel ils s'attendent.

Le Bulletin de rendement des infrastructures fait état que plus de 30 p. 100 des infrastructures à l'échelle municipale au pays sont dans un état où, si elles ne sont pas rénovées assez rapidement, il y aura une incidence sur la qualité de la prestation des services et sur la capacité des infrastructures de répondre aux besoins des collectivités.

C'est une approche qualitative qui nous permet de cibler les points névralgiques dans les infrastructures et de savoir comment optimiser les investissements dans l'entretien et la remise en état des infrastructures existantes afin de pouvoir construire de nouvelles infrastructures plus efficacement à l'avenir.

Le sénateur Manning : Bienvenue à nos invités. C'est certainement une conversation intéressante.

Je vais commencer avec M. Hodgson. Dans votre déclaration liminaire, je n'ai pas compris exactement ce que vous avez dit au sujet de la taxe sur l'essence et de la façon dont les municipalités et les provinces se réjouissent d'avoir ces fonds permanents dans leur budget. Vous avez parlé d'une taxe de 1 p. 100 pour obtenir plus de financement pour les municipalités et les provinces. Pourriez-vous nous donner plus de détails à ce sujet?

M. Hodgson : Certainement, sénateur. Dans certaines de nos publications dans le passé, nous nous sommes interrogés à savoir si les provinces devraient cibler une source de revenu claire pour les municipalités. La solution la plus simple pour nous serait d'instaurer une taxe de vente de 1 p. 100 — ce que toutes les provinces ont sauf l'Alberta, et j'ai soutenu que l'Alberta devrait en avoir une aussi — puis, de remettre l'argent aux municipalités. Vous pourriez établir la formule de transfert que vous voulez appliquer. Je n'aime pas trop l'approche du beurre d'arachide où l'on verse le même montant à tout le monde en fonction du nombre d'habitants. Je pense qu'il faut donner aux communautés l'accès à des fonds en fonction de leurs propres besoins en utilisant une équation différente qui dépend toujours des transferts de fonds par les provinces et le gouvernement fédéral.

Je pensais plus précisément à une taxe de vente en tant que source de revenu pour donner aux villes et aux communautés l'accès à une taxe sur la croissance, une taxe qui croît au rythme de la croissance économique, plutôt que de dépendre de votre assiette de l'impôt foncier et d'autres frais et droits, ce que la plupart des communautés doivent faire.

Le sénateur Manning : Merci de cette observation. Vous avez fait une remarque sur laquelle je veux revenir. Vous n'approuvez pas forcément cette formule fondée sur le nombre d'habitants? Quelle solution de rechange recommanderiez-vous?

M. Hodgson : Une formule fondée sur le nombre d'habitants est un point de départ. J'ai eu le bonheur d'être fonctionnaire au cours de ma carrière également. Les fonctionnaires sont bons pour élaborer des cadres assortis de différents critères. Le nombre de personnes est effectivement un critère, mais il peut également y avoir d'autres facteurs comme les besoins et la durée de vie attendue d'un bien. Les infrastructures qui ont dépassé leur durée de vie prévue seraient prioritaires. Vous pourriez créer une sorte de grille pour encadrer l'attribution des ressources.

Le sénateur Manning : Ce raisonnement me plaît. M. Somerville a mentionné que 80 p. 100 de leurs membres ont moins de 10 000 habitants. En fonction du nombre d'habitants, dans ma province de Terre-Neuve-et-Labrador, il faudrait beaucoup de temps. Habituellement, nous sommes des décennies en retard et certains diraient que nous sommes des siècles en retard dans certains cas.

Monsieur Hodgson, vous avez corédigé une brève opinion dans un article intitulé An infrastructure plan can boost our economy — if we get it right. L'idée d'essayer de faire les choses correctement m'intrigue toujours. J'ai travaillé dans les trois ordres de gouvernement et, bien souvent, nous passons notre temps à essayer de faire les choses correctement, mais nous ne réussissons pas toujours. À partir de ce que vous avez constaté, quelles façons de faire suggéreriez-vous au gouvernement d'envisager pour faire les choses correctement?

M. Hodgson : Dans un article, nous avons essayé d'encourager le gouvernement fédéral à voir au-delà des mesures de stimulation à court terme. Pensez aux besoins économiques à long terme, tant aux besoins de nos communautés qu'aux besoins de notre économie, pour nous assurer d'acheminer les produits alimentaires et les services vers les marchés et de faire travailler les gens facilement. Ce serait le type de critères que je mettrais en place pour faire les choses correctement.

Il y a sans contredit des secteurs de notre économie qui sont en récession à l'heure actuelle. Nous savons que l'Alberta et Terre-Neuve-et-Labrador ressentent vraiment les effets de cette récession en ce moment, mais ce n'est pas le cas pour le Québec, l'Ontario et la Colombie-Britannique. Il y a un besoin criant d'instaurer des mesures de stimulation à court terme dans ces provinces, mais il faut probablement aussi mettre en place des ressources à long terme pour continuer d'accroître votre potentiel.

Le sénateur Manning : Monsieur Somerville, et peut-être monsieur Carlton, en ce qui concerne les discussions sur les projets qui seront financés — j'imagine que c'est une façon de coordonner l'examen des projets —, quelle a été votre participation à ces projets jusqu'à présent? La plupart des gouvernements examinent ce que nous appelons les projets « prêts à démarrer » lorsqu'ils veulent lancer des projets. M. Hodgson a fait allusion au fait que certaines provinces en ont besoin maintenant tandis que d'autres adoptent une vision à plus long terme en ce qui a trait aux projets qui seront financés. Pourriez-vous nous parler de la participation de votre organisation à l'élaboration des projets qui seront financés dans un proche avenir?

M. Somerville : Tout d'abord, je veux commencer par faire une observation sur les questions que vous avez posées sur la taxe de vente et sur vos remarques au sujet de la formule fondée sur le nombre d'habitants. L'un des avantages de la taxe fédérale sur l'essence, c'est l'assiette fiscale. Il y a aussi la formule fondée sur le nombre d'habitants, ce qui aide, comme vous l'avez dit tout à l'heure, les plus petites collectivités également.

Avec une mesure comme celle-là, ce qui est important, c'est de veiller à ce qu'il y ait une reddition de comptes concernant la taxe sur l'essence. Par ailleurs, il faut faire preuve de transparence et d'imputabilité. La taxe sur l'essence a vraiment démontré qu'elle peut fonctionner ainsi, en transférant l'argent directement. Dans le cas de l'Ontario, l'argent est remis à l'Association des municipalités de l'Ontario, qui octroie le financement aux municipalités et rend des comptes pour s'assurer que tout est conforme et qu'il y a une transparence.

Brock, je vous demanderais de répondre à la deuxième partie de la question.

M. Carlton : Il est important de comprendre que le mandat de la FCM est fédéral et national. Nous cherchons avant tout à collaborer le plus étroitement possible avec le gouvernement fédéral pour établir une stratégie adéquate au niveau fédéral puis, le gouvernement fédéral négocie avec les provinces les détails entourant le déploiement du programme dans chaque province et territoire.

Le cadre de la FCM prévoit que chaque association municipale dans les provinces et les territoires est membre de notre conseil. Cela fait partie de notre contexte. Pour nous, les questions d'ordre provincial sont gérées par l'entremise de l'association provinciale et territoriale, qui est généralement l'entité qui prend les décisions concernant des projets précis. Dans le cadre du Plan d'action économique de 2008, nous avons participé à l'élaboration de listes de projets prêts à démarrer, mais ce n'est pas ainsi que nous travaillons à l'heure actuelle. Nous ne participons pas à l'analyse de projets précis et au processus de demande. Nous nous intéressons plutôt à la conception fédérale pour aider le plus efficacement possible les municipalités à présenter leur demande et à travailler dans leurs localités.

Le sénateur Manning : En ce qui concerne la répartition du financement pour les projets, nous entendons souvent parler de projets dont le tiers du financement est versé par une source, un autre tiers, par une autre source, et le dernier tiers, par une autre source. Il y a différentes formules qui sont proposées. En ce qui a trait aux formules, comme nous l'avons mentionné tout à l'heure, certaines provinces sont dans une situation différente que d'autres sur le plan économique à l'heure actuelle. Il y a cinq ans, ma province de Terre-Neuve-et-Labrador avait les moyens de mener un projet. À l'heure actuelle, sa situation financière ne lui permettrait probablement pas de mener ce projet, même si on en a besoin, que ce soit pour des routes, des ponts, et cetera.

À Terre-Neuve-et-Labrador, lorsque j'étais député provincial il y a quelques années, nous avions un programme de partage des coûts à parts égales avec les municipalités. En raison du surplus économique au gouvernement provincial et dans les communautés de plus petite taille, le ratio a été réduit à 90 : 10 dans certaines régions, dans les plus petites communautés, dont la mienne. Je me demande simplement comment les formules ont été élaborées. Est-ce possible de les modifier? Comment sont-elles négociées? Comment exprimez-vous les préoccupations de vos membres qui risquent de ne pas avoir les moyens d'assumer le tiers des coûts que le gouvernement fédéral leur demande de couvrir?

M. Somerville : Je ne pense pas avoir assisté à une réunion du conseil pour discuter d'un programme quelconque au cours des 10 dernières années où ce problème n'a pas été soulevé, car c'est toujours une préoccupation. Le ministre parle d'appliquer un seuil de 50 p. 100, ce qui serait un énorme avantage pour les municipalités, un avantage absolument incroyable, et j'espère que les provinces peuvent établir un seuil semblable et qu'elles ne commenceront pas à changer le ratio.

Je me rappelle que l'ancien maire a dit que l'annonce des projets a été une bonne nouvelle mais, quand les prix augmentent, ce sont les municipalités qui assument la totalité des manques à gagner. C'est une préoccupation qu'ont exprimée les municipalités partout au Canada, peu importe leur taille.

Des solutions ont été présentées à la fin de l'automne et au début de l'hiver par les municipalités pour exhorter le gouvernement fédéral à faire preuve de souplesse à cet égard et à travailler avec les provinces pour s'assurer qu'elles tiennent compte des réalités économiques que vous avez mentionnées, monsieur le sénateur, afin que les municipalités et les provinces puissent remplir adéquatement leurs obligations. Nous savons qu'à Terre-Neuve-et-Labrador, le ratio a été changé pour un ratio de 90 : 10 — nos membres qui sont là-bas nous le disent —, ce qui est énorme. J'aimerais bien voir cela.

Le président : C'est bien un ratio de 90 : 10?

M. Somerville : Dans certains cas, oui.

Le sénateur Manning : Dans certaines communautés de plus petite taille.

Le président : Est-ce au fédéral?

Le sénateur Manning : Non, c'est un ratio de 90 : 10 entre la province et la municipalité.

M. Somerville : L'un des avantages de la taxe sur l'essence, qui est directement transférée aux municipalités, c'est que nous sommes en mesure de choisir, au moyen des paramètres que nous avons, les programmes qui profiteront le plus de cet argent. Je sais que dans ma communauté, nous l'avons utilisé pour financer le transport actif, les chemins de fer et des projets que nous voulions mener mais que nous ne pouvions pas mener.

La sénatrice Ataullahjan : Je ne siège pas normalement à ce comité, alors je suis quelque peu fascinée par ce que j'entends. Y a-t-il des critères pour décider des projets que ces fonds appuieront? Assurez-vous une répartition équitable des fonds aux diverses régions et municipalités du Canada?

M. Somerville : Quels fonds? Juste pour que je puisse comprendre votre question, parlez-vous de ce que l'on ferait pour un programme ou pour les fonds existants?

La sénatrice Ataullahjan : Les fonds existants.

M. Somerville : Pour la taxe sur l'essence et les municipalités, elles obtiennent toutes ces fonds, selon l'entente qu'elles ont signée avec les provinces.

Pour ce qui est du Fonds municipal vert, il y a un processus de demande, et à chacune de nos conférences et de nos activités, nous cherchons toujours à amener un plus grand nombre de municipalités à présenter des demandes pour qu'elles puissent profiter des avantages de ce financement.

Je sais qu'en février dernier, nous avions une petite communauté, Marwayne, en Alberta, qui a reçu des félicitations pour avoir nettoyé les stations-service de la ville. C'est une communauté qui compte 700 habitants dans le Nord de l'Alberta. Nous essayons vraiment de faire en sorte que les municipalités de toutes les tailles puissent avoir accès à ces fonds. Elles ont toutes un accès égal, et nous faisons vraiment de la promotion pour que les municipalités, peu importe leur taille, présentent des demandes pour pouvoir mener des projets.

La sénatrice Marshall : Je vais faire suite à la question de la sénatrice Ataullahjan. Qui décide des projets qui seront financés? Comment ces décisions sont-elles prises? Dites-vous, « Bien, nous voulons recevoir les demandes de tout le monde avant le 30 avril puis, nous décidons à qui nous remettrons le financement »? Ou les municipalités présentent- elles des demandes puis, on décide si elles répondent aux critères et on approuve ou rejette les demandes au fur et à mesure? Comment procédez-vous? Quel est le processus? J'ai un peu l'impression que ce n'est pas la fédération qui s'en occupe. Ai-je raison?

M. Somerville : C'est la raison pour laquelle je veux obtenir cette précision. Parlez-vous du Fonds Chantiers Canada ou du Fonds municipal vert?

La sénatrice Marshall : Je parle du Fonds municipal vert. Je parle du Fonds municipal vert que vous avez en place à l'heure actuelle, et pour lequel vous recevez plus d'argent, et des nouveaux, soit le Fonds de gestion des actifs et le Fonds pour les changements climatiques. Quel est le processus?

M. Carlton : Le Fonds municipal vert est géré et régi dans le cadre d'un processus très uniforme. On reçoit continuellement des demandes, et toutes les municipalités au pays qui veulent obtenir des fonds et qui ont une idée de projet peuvent présenter une demande. Nous avons tout un mécanisme en place pour appuyer le processus de demande. C'est un processus d'examen par les pairs, si bien que les experts dans le domaine peuvent examiner les idées des proposants. Nous sommes à la recherche d'idées novatrices.

Ces idées sont soumises à l'étude du conseil. Le conseil du FMV est composé de quatre représentants du gouvernement fédéral, de quatre représentants du secteur municipal et de quatre représentants du secteur privé et du secteur sans but lucratif. Ce conseil examine les demandes en tenant compte de l'évaluation par les pairs. Donc, si un projet ne reçoit pas une note assez élevée dans le cadre de l'examen par les pairs, il doit faire l'objet de procédures supplémentaires. Donc, le conseil examine les projets et fait des recommandations sur ceux qui devraient être approuvés. Ces recommandations sont soumises à l'approbation du Comité exécutif de la FCM, et une fois qu'un projet est approuvé, le processus est enclenché.

Le fonds vise à s'assurer que l'argent est distribué de façon équitable partout au pays et que la répartition est juste en fonction de la taille de la municipalité. Par exemple, à l'heure actuelle, si l'on regarde la façon dont les fonds sont alloués, environ 20 p. 100 des ressources sont versées à des villes rurales et de petite taille au Canada, ce qui est à peu près proportionnel au ratio rural-urbain. Il y a des équilibres relatifs au pays entre la côte Est et la côte Ouest, entre l'Ontario et le Québec, et cetera. Tous ces équilibres font partie d'un mécanisme pour déterminer les projets à approuver.

L'autre aspect important du Fonds municipal vert, un aspect très important, c'est l'apprentissage. L'argent est donc un mécanisme pour renforcer les capacités. Nous versons des fonds ou octroyons des prêts pour des projets, et les promoteurs font le travail, mais ils se servent également des projets pour tirer des leçons dont d'autres peuvent profiter.

Nous sommes à la recherche de projets novateurs dans le contexte régional. Les habitants du Canada atlantique ont des problèmes, des défis et des possibilités propres à leur région, et les projets qui sont approuvés dans la région de l'Atlantique le sont parce qu'ils offrent des avantages et permettent à d'autres promoteurs de la région d'apprendre des leçons tirées et de reproduire les pratiques exemplaires en quelque sorte dans leurs propres projets.

La sénatrice Marshall : Il n'est indiqué nulle part que 5 p. 100 des fonds doivent être versés à Terre-Neuve.

M. Carlton : Ce n'est pas défini de façon rigoureuse, mais dans la gestion et la gouvernance du programme, on s'assure toujours qu'il y a un équilibre régional efficace et approprié.

La sénatrice Marshall : Votre conseil compte un nombre assez important de membres, et l'ensemble des provinces et des territoires y sont représentés. Arrive-t-il parfois à vos réunions que des provinces ou des territoires ont l'impression de ne pas recevoir leur juste part?

M. Carlton : De temps à autre, le conseil demandera les données et les renseignements liés soit à cette question soit à celle de l'équilibre rural-urbain. Ce n'est donc qu'un élément de notre processus de gestion pour faire en sorte que ces équilibres soient en place.

J'ai été PDG pendant neuf ans, et un conseil n'a jamais rejeté une recommandation du conseil du FMV. Le conseil est donc l'organisme de surveillance pour assurer cet équilibre et ne fait qu'une double vérification.

La sénatrice Marshall : Parvenez-vous à distribuer tous les fonds disponibles? Êtes-vous plutôt dans une situation où vous avez des millions de dollars à allouer, mais que vous n'avez tout simplement pas les demandeurs pour utiliser tout cet argent?

M. Carlton : Il arrive que l'on connaisse des creux et, à ce moment-là, nous avons des moyens de promouvoir le fonds afin d'encourager les gens à présenter une demande.

La sénatrice Marshall : J'ai posé cette question à bon nombre de nos témoins, parce qu'il semble que c'est l'un des principaux objectifs du gouvernement fédéral. Lorsqu'on parle d'infrastructures, on vise une prise de décisions fondée sur les données probantes, à laquelle on parvient à l'aide de conseils d'experts indépendants. Cela se trouve dans la lettre de mandat. Qu'est-ce que cela signifie, selon vous?

M. Carlton : Je ne voudrais pas présumer des intentions du ministre, mais selon nous, cela revient à la question qu'a posée le sénateur Pratt un peu plus tôt au sujet de la gestion des actifs. Nous considérons qu'il est essentiel de gérer les actifs plus efficacement, y compris d'être en mesure de rassembler et d'analyser les données sur l'état des infrastructures et les besoins connexes partout au pays.

La sénatrice Marshall : C'est mon opinion également, mais j'ai l'impression que dans bien des cas, les preuves sont insuffisantes. Tout cet argent va être dépensé. Je sais qu'il y a certains indicateurs, mais nous devons nous pencher davantage là-dessus. Selon vous, a-t-on suffisamment d'indices? Est-ce qu'on ne met pas la charrue devant les bœufs ici?

M. Carlton : Vous voulez dire en investissant dans les infrastructures avant même d'avoir les indicateurs?

La sénatrice Marshall : C'est exact.

M. Carlton : Je ne crois qu'on pas met la charrue devant les bœufs parce que nous faisons tous l'éloge des investissements dans les infrastructures.

La sénatrice Marshall : Je sais, mais théoriquement parlant.

M. Carlton : Ce n'est pas vraiment théorique. Je sais que le gouvernement a été très sage en décidant de s'attaquer aux problèmes immédiats — les emplois, les enjeux économiques et la détérioration des infrastructures —, alors les investissements à court terme consistent à renforcer les infrastructures existantes et, en même temps, parallèlement aux 50 millions de dollars et probablement aux autres ressources de Statistique Canada, grâce à ce programme de gestion des actifs, nous allons nous donner les moyens de rassembler, de comprendre et de gérer les données, de manière à faire des choix plus éclairés quant aux investissements à long terme dans les infrastructures.

Par conséquent, les 50 millions ne se rapportent pas uniquement à la gestion des actifs; ils servent aussi à financer la collecte d'information. Comment obtenir les bons renseignements et en faire la meilleure utilisation possible?

La sénatrice Marshall : Afin de prendre les bonnes décisions.

Monsieur Hodgson, le sénateur Manning a parlé d'un article intitulé An infrastructure plan can boost our economy if we get it right. Je sais qu'il est maintenant question d'infrastructures, mais est-ce réellement la meilleure façon de stimuler l'économie? Qu'en est-il des allégements fiscaux? Ne seraient-ils pas une meilleure solution?

M. Hodgson : Nous avons réalisé de nombreuses analyses pour le compte du gouvernement fédéral, des provinces et des municipalités dans le but d'optimiser l'investissement public, et sachez que les infrastructures figuraient parmi les meilleurs investissements. Si un gouvernement doit dépenser rapidement de l'argent, les investissements dans les infrastructures entraînent de grands effets multiplicateurs, étant donné qu'on emploie des gens au Canada. Une grande partie des intrants sont canadiens. Lorsqu'il s'agit de nos routes, de nos ponts et de nos réseaux d'aqueduc, on n'importe pas beaucoup de produits. Cela a toujours été un moyen efficace de stimuler l'économie.

La sénatrice Marshall : Est-ce plus efficace que d'accorder des allégements fiscaux aux petites entreprises ou aux particuliers?

M. Hodgson : C'est souvent préférable en raison de ce que les économistes appellent les « fuites économiques », c'est- à-dire lorsqu'on commence à importer des produits et que nos dépenses profitent à un autre pays. Dans le cas des infrastructures, on obtient invariablement un rapport de 1,5 ou 1,6. Pour chaque dollar dépensé, on peut s'attendre à des avantages équivalant à 1,20 $. Les retombées sont plus grandes que dans le cas des allégements fiscaux.

Le président : Lorsqu'on parle d'effets multiplicateurs, j'ai oublié de mentionner que le troisième élément de l'allocution du ministre était les investissements sociaux et les infrastructures sociales. Monsieur Hodgson, peut-on établir une distinction entre les différents types d'effets multiplicateurs selon le type d'infrastructures? Dans le programme du gouvernement, on compte sur l'effet multiplicateur en investissant dans les infrastructures; on parle donc ici de projets prêts à démarrer et de choses à réparer. Est-ce que l'effet est le même lorsque l'on répare quelque chose ou lorsque, par exemple, on construit une nouvelle voie pour régler un problème de congestion? Quels sont ces variables ou ces paramètres qui peuvent nous permettre de comprendre les effets multiplicateurs et la valeur?

Vous avez dit que pour chaque dollar dépensé, on récoltait 1,20 $, et un autre témoin a parlé de 1,63 $. On voit déjà que les mesures ne sont pas les mêmes. Il est important pour nous de pouvoir quantifier tout cela. Pouvez-vous nous dire quelles sont ces mesures? Vous avez effectué beaucoup de recherches, et je suis sûr que MM. Somerville et Carlton peuvent également...

M. Somerville : J'en ai quelques-unes.

Le président : Pourriez-vous non seulement nous en parler, mais aussi nous les transmettre par écrit? Nous essayons de colliger ce type d'information.

M. Somerville : Je peux vous en fournir quelques-unes. En ce qui a trait aux infrastructures publiques, on parle de 1,64 $ de croissance économique pour chaque dollar investi. Il est question ici de routes et de ponts. On parle aussi de 18 000 emplois créés pour 1 milliard de dollars d'investissement, dont 60 p. 100 profitent aux municipalités canadiennes. Voilà pour les infrastructures. Du côté du logement, chaque dollar investi génère 1,40 $ de croissance économique.

Le président : Vous parlez du logement social?

M. Somerville : Oui. Treize mille emplois créés par milliard de dollars d'investissement, et 50 p. 100 des locataires consacrent la moitié de leur revenu au logement.

Quant aux transports en commun, chaque dollar investi génère 3 $ d'activité économique.

Le président : Par conséquent, pour chaque dollar investi dans le transport en commun, on obtient 3 $. Et combien d'emplois crée-t-on?

M. Somerville : On a assisté à une augmentation de 21 p. 100 du nombre d'usagers entre 2006 et 2012. Je n'ai pas le nombre d'emplois sous la main, mais je pourrais certainement vous fournir cette information ultérieurement.

Le président : Pourrions-nous avoir d'autres mesures, ou s'agit-il des trois principales?

M. Somerville : Ce sont les trois principales. Toutefois, si nous en avons d'autres qui sont liées à celles-ci, nous vous les fournirons, monsieur le président.

Le président : Messieurs Carlton, Somerville et Hodgson — vous avez certes beaucoup d'expérience dans le domaine —, mais en ce qui concerne votre organisation, la FCM, pourriez-vous nous décrire votre structure organisationnelle? Vous avez parlé des projets et des gens qui doivent se soumettre à un processus, alors j'aimerais savoir quelle est la durée du processus administratif, du début à la fin, jusqu'à ce qu'on obtienne une approbation?

M. Carlton : Pour ce qui est du Fonds municipal vert, qui est...

Le président : S'il y a trois catégories, donnez-nous les trois.

M. Carlton : Le Fonds municipal vert est le fonds que nous gérons à l'heure actuelle qui offre du soutien financier aux municipalités afin qu'elles puissent entreprendre certains projets. C'est un processus d'environ six mois...

Le président : Du début à la fin, c'est-à-dire de la demande jusqu'à l'approbation?

M. Carlton : C'est exact.

Le président : Et combien de temps faut-il pour toucher les fonds une fois que le financement est approuvé?

M. Carlton : Cela dépend du projet. On approuve les ressources financières et, souvent, les projets exigent des ressources qui dépassent le financement qu'on peut offrir, alors on doit regrouper toutes les sources de financement. Cela prend du temps. Puis, cela dépend du calendrier de mise en œuvre du projet.

Le président : Pourriez-vous nous donner une approximation, selon votre expérience?

M. Carlton : Je dirais quelques années pour l'achèvement et la mise en œuvre. Toutefois, ce n'est qu'une estimation sommaire. Dans certains cas, ce sont des prêts pour des projets d'infrastructure majeurs, et dans d'autres cas, il s'agit de subventions pour des études de faisabilité et des projets pilotes. Par conséquent, cela varie énormément selon l'ampleur et la portée du projet. Lorsque je dis « quelques années », c'est très approximatif. Six mois, c'est le temps que cela prend habituellement pour obtenir une approbation.

Le président : Les projets prêts à démarrer dont parle le ministre...

M. Carlton : Ce n'est pas pour le Fonds municipal vert.

Le président : Non, je comprends cela; c'est différent. J'essaie juste de comprendre. Combien de temps cela prendra- t-il pour que les gens obtiennent leur financement? Dans les médias, le ministre a dit que la saison de la construction est amorcée. Nous sommes à la mi-printemps; l'été arrive très bientôt. J'essaie donc de comprendre. Y a-t-il des projets prêts à démarrer qui sont déjà en branle, ou est-ce qu'on avait obtenu du financement au préalable qui va de nouveau être débloqué? Je ne veux pas paraître stupide; je cherche simplement à comprendre.

M. Somerville : En ce qui nous concerne, dans la région de Halton Hills et de Halton, lorsqu'on a présenté le Plan d'action économique, nos budgets avaient déjà été adoptés. Par conséquent, lorsque le nouveau financement a été annoncé, nous avons dû retourner en arrière puis, présenter de nouvelles demandes en raison des projets qui ne faisaient pas partie de nos prévisions d'immobilisations. Si le gouvernement fédéral nous offre du financement dans le cadre d'un projet, nous essaierons d'obtenir notre part et de procéder le plus rapidement possible.

Cela dépend beaucoup de la complexité du projet. S'il s'agit d'un projet prêt à démarrer, cela signifie qu'on a déjà réalisé les études d'ingénierie et les études de l'état des lieux. Tout se fait donc assez rapidement et on est prêt à aller de l'avant. Tout ce qui manque, en fait, ce sont les détails et les appels d'offres. Il faut ensuite suivre toutes les étapes nécessaires avec les entrepreneurs. Cela peut donc se faire assez rapidement dans le cas des projets prêts à démarrer.

Le président : Que disent vos membres à l'heure actuelle, étant donné le discours du ministre et le fait qu'on parle de projets prêts à démarrer? Combien de projets prêts à démarrer vos 10 000 membres anticipent-ils? Combien de projets seront-ils mis en œuvre?

M. Somerville : Nous l'ignorons, parce que nous devons voir de quoi aura l'air le programme une fois qu'il sera mis sur pied. Ce sera le principal facteur. Je ne peux pas vous donner des chiffres pour l'instant. Cela dépend vraiment de la façon dont le programme sera mis en œuvre une fois que nous connaîtrons les détails. C'est pourquoi il est important pour nous d'avoir les détails.

Le président : Ma dernière question porte sur la structure administrative de la prise de décisions. Peut-être que la sénatrice Marshall ou le sénateur Manning pourraient répondre à ma question, étant donné qu'ils ont de l'expérience en la matière. J'aimerais comprendre comment fonctionne le processus de prise de décisions. Combien d'employés avez-vous? Les décisions sont-elles prises par vos membres qui relèvent de vous? J'aimerais comprendre la structure organisationnelle de la fédération. Vous pourriez peut-être nous envoyer un petit organigramme dans sa forme la plus simple pour que l'on comprenne.

Nous avons posé cette question aux représentants d'Infrastructure Canada. Nous voulons pouvoir dire : « En 2007, il y avait 33 milliards de dollars. En 2014, il y avait 53 milliards de dollars. En 2016, on alloue 120 milliards de dollars sur 10 ans. » Nous voulons connaître le nombre de programmes, les sommes disponibles, le processus de prise de décisions, les priorités nationales, les programmes de construction nationaux, les programmes provinciaux majeurs et les principaux programmes municipaux à différents niveaux. Ensuite, comment allons-nous mettre tous ces plans à exécution?

C'est peut-être irréaliste de ma part, mais si ce financement s'échelonne sur 10 ans, quelqu'un quelque part doit effectuer une planification stratégique. Est-ce que cela se fera uniquement à l'échelle municipale ou au sein des trois ordres de gouvernement? Il y a toutes sortes d'enjeux que nous devons comprendre, parce que c'est tout nouveau pour nous, et ce sera tout nouveau pour d'autres aussi.

M. Somerville : À l'échelle municipale, nous établissons nos budgets et nos prévisions. Pour ce qui est du financement stable, prévisible et à long terme, dans le cadre de nos prévisions budgétaires que nous établissons chaque année, nous pouvons élaborer des prévisions décennales relativement aux projets que nous aimerions mettre en œuvre. Nous le faisons déjà au sein des municipalités et nous planifions déjà des projets pour les 10 prochaines années. Si nous savions à combien s'élèvent les niveaux de financement et la part que nous pouvons utiliser, cela nous aiderait grandement.

En ce qui a trait à la structure organisationnelle, je vais demander à Brock de répondre.

M. Carlton : Je souris parce que nous sommes dans un pays extrêmement compliqué.

Je tiens à mettre les choses au clair : nous parlons ici de deux choses différentes. Il y a le Fonds municipal vert de la FCM, qui a une structure organisationnelle distincte que je peux vous transmettre. Je vous l'ai déjà décrit, mais je peux facilement vous envoyer un organigramme.

Il y a ensuite tout ce dont vous parlez : les 33 milliards, les 53 milliards et le Nouveau Fonds Chantiers Canada, et ainsi de suite. C'est une tout autre chose. Nous n'avons rien à voir avec les décisions concernant ces projets.

De façon générale, la structure de prise de décisions consiste à ce que le gouvernement fédéral conçoit un programme, engage des fonds dans un certain cadre de programmes puis, négocie avec chaque province et territoire. C'est exactement ce qui se passe en ce moment avec le Nouveau Fonds Chantiers Canada — pas l'ancien, mais le nouveau — où le gouvernement fédéral et ses homologues provinciaux et territoriaux négocient la forme que cela prendra à Terre-Neuve-et-Labrador par opposition à la Saskatchewan. Dans le cadre de ces négociations, on décide de la prise de décisions pour des projets à l'échelle locale.

De façon générale, la municipalité — on ne parle pas ici de la taxe sur l'essence, mais bien du programme des infrastructures — pourrait avoir un projet d'école, par exemple. Elle va donc élaborer une proposition, qui sera ensuite soumise à un mécanisme de prise de décisions auquel prennent part la province et, dans une certaine mesure, le gouvernement fédéral, et la décision sera prise. Le promoteur du projet peut donc gagner le gros lot ou pas. C'est ainsi que cela fonctionne.

Tout à l'heure, nous avons parlé de la fiche d'évaluation et de la façon dont les choses avaient évolué au fil des années. L'une des choses dont il faut tenir compte, selon nous, c'est la mesure dans laquelle le gouvernement fédéral est disposé à dire à la province ou au territoire qu'un programme d'infrastructure fédéral qui connaît du succès consacrera une certaine partie de cet argent à des projets municipaux. Si le gouvernement fédéral est prêt à faire cela et à entreprendre des négociations avec la province, à ce moment-là, peu importe les sommes d'argent dont il est question à l'échelle provinciale ou territoriale, un certain pourcentage sera destiné aux projets municipaux. Toutefois, ce n'est pas nécessairement le cas. Cela dépend de chaque négociation. Cela dépend également de la volonté du gouvernement fédéral de dire : « Il s'agit de notre argent, et une certaine partie va être investie dans tel projet. »

Si ce n'est pas le cas, les municipalités vont généralement présenter une demande auprès de la province. La province a une réserve de fonds — une combinaison de fonds provinciaux et fédéraux — et elle déterminera les projets qui seront financés dans le cadre du Fonds Chantiers Canada. Je ne peux pas être plus précis que cela, parce que la situation est différente au sein de chaque gouvernement à l'échelle provinciale ou territoriale.

Le sénateur Pratte : J'aimerais adresser une question à M. Hodgson. Dans l'article dont on a parlé plus tôt, il est question de transparence, d'un processus consultatif ouvert et d'un examen indépendant du financement.

Ma question fait suite aux questions de la sénatrice Marshall. Pour chaque nouveau programme d'infrastructure, le gouvernement a dit qu'il veillerait à ce que l'argent soit bien dépensé et à ce qu'on choisisse bien les programmes, mais au bout du compte, on se rend compte que les choses ont mal tourné, et on l'apprend habituellement dans le rapport du vérificateur général.

A-t-on déjà — peut-être dans d'autres pays ou dans une autre province — conçu un système qui permet de rendre le processus de mise en œuvre du programme transparent? Un système qui permet de vérifier, pendant la mise en œuvre du programme, si les projets ont été bien choisis, si l'argent a été dépensé de façon appropriée, si les résultats attendus seront probablement atteints? Est-il possible de vérifier tout cela pendant la mise en œuvre du programme ou doit-on attendre la publication du rapport du vérificateur général un ou deux ans après la mise en œuvre du programme — lorsqu'il est déjà trop tard?

M. Hodgson : J'avais une bonne réponse à votre question précédente sur les projets pilotes et leur fonctionnement. Malheureusement, je n'ai pas de bonne réponse à cette question, car nous n'avons pas trouvé de solution magique qui nous permettrait d'exercer une surveillance en temps réel. Le VG est donc l'option par défaut. En raison des complexités décrites par M. Carlton, il se peut que ce soit l'option par défaut. Si on a 10 projets légèrement différents, et que chacun a une saveur locale, le vérificateur général devra peut-être mener une évaluation après les faits. Il s'agit vraiment de déterminer la rentabilité, et c'est le travail du vérificateur général. Malheureusement, il n'y a pas de solution toute prête pour améliorer la transparence. On pourrait toutefois créer, par exemple, un groupe consultatif ou avoir recours à la participation des citoyens dans chaque province, mais à notre connaissance, cela ne s'est jamais concrétisé.

M. Somerville : Tous nos projets à l'échelon local et municipal font également l'objet d'un audit, car nous devons subir des audits annuels. Tout dépassement des coûts, peu importe le projet, est soumis à l'évaluation du conseil. Je crois que les conseils exercent une bonne surveillance des projets pendant leur mise en œuvre.

Le sénateur Pratte : Il ne s'agit pas seulement de savoir s'il y a eu dépassement des coûts. Par exemple, l'une des questions que j'ai posées, et je crois que la sénatrice Marshall l'a posée aussi, concerne l'infrastructure sociale — c'est en quelque sorte une nouvelle notion, et elle est très large. Pendant plus de 10 ans, on a dépensé je ne sais combien de milliards de dollars pour l'infrastructure sociale, et on peut se demander si les multiplicateurs seront ceux auxquels on s'attend. Les multiplicateurs économiques et sociaux en vaudront-ils la peine? Aura-t-on pris la bonne décision? Plutôt que de poursuivre les dépenses pendant sept autres années, nous pourrions peut-être évaluer la situation après trois ans. C'est mon opinion. Il ne semble pas exister de processus concret à cet égard, et je trouve cela un peu inquiétant.

Le président : N'oubliez pas que le ministre nous a dit que 20 milliards de dollars étaient prévus pour chacune des trois catégories. Nous savons donc que ce sera 20 milliards, 20 milliards et 20 milliards de dollars. Le fonds vert recevra 20 milliards de dollars et l'infrastructure sociale 20 milliards de dollars; les routes forment la troisième catégorie.

M. Carlton : Il y a deux idées connexes dans ce cas-ci. Tout d'abord, le Nouveau Fonds Chantiers Canada, tel qu'annoncé par les conservateurs — c'est de plus en plus une question théorique, mais tout de même — s'étalait sur 10 ans avec une évaluation après cinq ans, ce qui permettait d'exercer cette surveillance. Nous n'avons pas travaillé avec eux sur l'élaboration d'indicateurs pour cet examen de cinq ans, mais l'intention était de nous arrêter après cinq ans pour vérifier si nous étions sur la bonne voie et si nous faisions les choses correctement. On avait donc prévu d'évaluer périodiquement les progrès accomplis.

Mais surtout, ce que vous dites reflète directement l'importance d'être efficace dès l'étape de la conception. Les membres de la FCM sont heureux que le gouvernement accepte de collaborer avec eux sur ce point, afin que dans la mesure du possible, la conception du programme soit réalisée de façon efficace et appropriée en tenant compte des décisions en matière d'infrastructure locale, et cetera. Il est essentiel de prendre le temps de franchir cette étape.

Le troisième point que je tiens à faire valoir, c'est qu'on doit discuter de ce que nous tentons d'accomplir pendant l'étape de la conception. Je pense au moment où la taxe sur l'essence a été introduite par le gouvernement de Paul Martin. Cette taxe était liée aux Plans intégrés pour la durabilité de la collectivité. En gros, si on voulait obtenir l'argent des taxes, il fallait établir un Plan intégré pour la durabilité de la collectivité, et l'argent perçu pouvait être utilisé pour répondre aux besoins énoncés dans ce plan.

Ce gouvernement n'a pas duré très longtemps. Nous n'avons jamais vécu avec ce processus assez longtemps pour être en mesure de comprendre ses répercussions sur les décisions de cette nature. Toutefois, c'est un exemple intéressant, car un gouvernement fédéral prend une décision et offre un projet sans condition précise, mais auquel sont liés des objectifs, des directives et des principes ambitieux pour aider la prise de décisions à l'échelle locale, afin qu'on progresse vers une série d'objectifs plus élevés à l'échelon national. On n'a rien vu de semblable depuis l'introduction de cette taxe sur l'essence et l'élaboration de ces Plans intégrés pour la durabilité de la collectivité.

J'aimerais également ajouter, en ce qui concerne votre réflexion et votre question, qu'il ne faut pas seulement s'attarder à la conception, mais également établir des objectifs, des principes et des directives qui reflètent l'impératif national, afin que les municipalités, les provinces et les territoires puissent prendre des décisions qui respectent cet impératif.

Le sénateur Mockler : Certains de vos commentaires m'intriguent, et j'aimerais obtenir quelques éclaircissements ou précisions. Lorsqu'on parle de projets prêts à être entrepris, mais également dignes de l'être, comment cela se traduit-il pour les municipalités du pays?

M. Somerville : Je répondrai en premier. Les projets « prêts à être entrepris » sont les projets qui peuvent être lancés immédiatement, c'est-à-dire que les études techniques ont été menées et l'étape de la conception est terminée. Ces projets sont prêts; ils peuvent être lancés rapidement.

Les projets « dignes d'être entrepris » sont les projets qui seront les plus profitables. Ils peuvent être un peu plus longs à réaliser. Par exemple, nous savons qu'un pont doit être remplacé dans ma municipalité. Ce projet ne sera peut- être pas lancé cette année, mais nous avons effectué des travaux préliminaires. Toutefois, s'il s'agit d'un meilleur projet, c'est ce que nous appellerons un projet « digne d'être entrepris », car il pourrait réduire la congestion routière et les embouteillages et contribuer à améliorer les corridors de transport pour les gens qui se rendent au travail et pour le transport de marchandises. C'est ma définition de ces types de projets.

M. Carlton : C'est parfait.

M. Somerville : J'ai bien répondu à celle-là. C'est toujours agréable à entendre.

Le sénateur Mockler : Il ne fait aucun doute que la différence entre un projet prêt à être entrepris et un projet digne de l'être dépend de l'infrastructure ou de la main-d'œuvre dont dispose une municipalité, c'est-à-dire la façon de préparer les projets. Les projets dignes d'être entrepris exigent plus de temps pour les préparatifs et la présentation des demandes et, comme le président l'a dit plus tôt, il faut harmoniser le tout et obtenir les fonds plus rapidement ou plus tard. Les projets dignes d'être entrepris prennent-ils beaucoup plus de temps que les projets prêts à être entrepris?

M. Somerville : Pas nécessairement. Selon les prévisions des dépenses en immobilisation d'une municipalité, il se peut qu'un projet soit prêt et que toutes les études techniques soient terminées, mais que les fonds nécessaires ne soient pas disponibles cette année-là et qu'il devienne donc une priorité pour l'année suivante. Ce projet devient prêt à être entrepris et nous pourrions le lancer assez rapidement, pourvu que notre municipalité dispose de la capacité nécessaire. Chaque année, il y a des projets que nous aimerions beaucoup réaliser, mais notre budget nous force à attendre à l'année suivante.

Le sénateur Mockler : J'aimerais m'adresser au représentant du Conference Board du Canada. Nous avons lu le document que vous avez coécrit, monsieur Hodgson. Je suis un parlementaire. Pourrait-on envisager que l'avantage politique ne soit pas le moteur des projets d'infrastructure publique? Le gouvernement fédéral doit plutôt établir les bonnes priorités en matière d'investissement dans l'infrastructure en vue de produire le rendement le plus élevé possible. J'aimerais obtenir des éclaircissements à cet égard, surtout en ce qui concerne les écrits de M. Savoie.

[Français]

D'ailleurs, il ne fait aucun doute dans mon esprit que vous le connaissez. Il a écrit un livre très intéressant, et les municipalités du Nouveau-Brunswick suivent son travail de très près. Le titre de l'ouvrage est le suivant :

[Traduction]

Quelles sont les forces du gouvernement? J'aimerais connaître votre avis à cet égard.

M. Hodgson : Tout d'abord, il y a longtemps, j'ai appris à ne pas répondre aux questions posées dans l'autre langue officielle.

[Français]

J'ai une bonne connaissance de la langue française, mais...

[Traduction]

C'est plus efficace de répondre en anglais.

Le sénateur Mockler : Mais nous avons un service d'interprétation.

M. Hodgson : Oui, c'est à votre avantage. Le gouvernement réussit probablement très bien à utiliser les données analytiques pour établir des priorités et élaborer des cadres de travail. Les réponses de mes collègues me rassurent, car le cadre que vous avez élaboré semble rigoureux. La répartition par province m'inquiète un peu, mais en ce qui concerne le Fonds vert, vous faites les choses comme il se doit. Le gouvernement maîtrise probablement l'art d'utiliser les données probantes pour élaborer un cadre rigoureux et répartir ensuite des ressources limitées. Nous ne souhaitons certainement pas que cela devienne un enjeu politique, mais il est important, pour le potentiel de croissance à long terme du Canada, de bien répartir les fonds.

J'aimerais répondre aux commentaires de M. Carlton sur l'importance d'effectuer les travaux préliminaires. Il faut mener des discussions et établir des critères dès maintenant. Il faut aussi élaborer les cadres de travail. J'aime également l'idée de mener un examen après trois ou cinq ans pour vérifier si on est sur la bonne voie. Le gouvernement peut probablement y arriver sans problème. Puisque vous savez que les besoins en financement s'étendront sur une décennie, il faut faire les calculs et établir les cadres de travail maintenant et, au besoin, être prêt à corriger le tir en cours de route.

Le sénateur Mockler : Que voulez-vous dire par enjeu politique?

En ce qui concerne l'infrastructure, depuis 1867, différents gouvernements canadiens ont investi dans les services de transport aérien, ferroviaire et maritime. Aujourd'hui, nous devons livrer nos ressources naturelles sur les marchés. Des programmes d'infrastructure sont en place. Les petites collectivités font face à des défis. M. Somerville et M. Carlton ont pu s'en rendre compte, surtout dans des régions comme le Canada atlantique, où une municipalité de seulement 200 habitants a toujours besoin d'un système de traitement des eaux et d'un système d'égout. Des investissements ont été effectués dans les services de transport aérien, ferroviaire et maritime; le gouvernement devrait-il maintenant investir dans le transport de nos produits par pipeline, par exemple?

M. Somerville : Il est important de livrer tous nos produits sur les marchés. Nous ne devons pas oublier que tous les échanges commerciaux effectués au Canada commencent à l'échelle locale. Il s'agit de connaître l'étendue de cette échelle locale. C'est la différence.

Par exemple, le sud de l'Ontario fait face à d'énormes problèmes de congestion routière qui nuisent à l'économie. Si on faisait des investissements importants dans l'infrastructure de transport en commun, on pourrait réduire ce problème, ce qui libérerait les routes pour le transport de marchandises; cela favoriserait la croissance de l'économie, car notre secteur de la fabrication entrerait en jeu.

En ce qui concerne les pipelines, la FCM ne s'est jamais prononcée sur la question. On a formé un groupe dont les membres se pencheront, au cours des prochaines semaines, sur les principes dont devraient tenir compte les municipalités en ce qui concerne les pipelines. Il s'agit surtout de respecter davantage l'autonomie municipale. Il y a également des propositions comme celle-là, mais nous ne nous sommes jamais prononcés là-dessus.

Notre organisme englobe des municipalités de toute taille et de toutes les régions du pays, et la croissance économique est très importante, mais nous devons également veiller à respecter l'autonomie locale et les pouvoirs municipaux.

Le président : Avant de donner la parole au sénateur Manning, je tiens à préciser qu'à la fin des témoignages, j'aimerais que chaque témoin nous résume, en trois ou quatre minutes, les recommandations qu'il formulerait à l'égard de notre étude pour nous aider à cerner les éléments principaux des efforts que nous souhaitons déployer en vue d'aider le gouvernement à mettre en œuvre le programme d'infrastructure. Nous souhaitons faire les choses correctement dès le départ.

Le sénateur Manning : Nous parlons de très grosses sommes d'argent dans ce cas-ci, à savoir de 120 à 130 millions à l'échelle du pays. Les contribuables canadiens souhaitent certainement qu'un examen indépendant de ce financement soit mené, et qu'il s'agisse d'un examen ouvert et transparent. Nous ne sommes pas naïfs; nous savons que la politique joue toujours un rôle dans ce genre d'initiative.

M. Hodgson, selon le rapport annuel du Conference Board du Canada de 2014-2015, le Conference Board a publié 496 rapports, organisé 37 conférences et a 13 000 organismes et 300 000 particuliers dans sa base de données sur la clientèle. Je trouve que cela fait de très nombreux groupes de discussion.

La conversation est certainement en cours dans les plus grandes villes, mais pas tellement dans ma ville natale, qui compte 400 habitants — lorsque tout le monde est présent. J'aimerais avoir une conversation sur le rôle du secteur privé, sur les PPP, qu'il s'agisse de régimes de retraite généraux ou d'autre chose. À votre avis, comment pouvons-nous les utiliser pour les principaux besoins en infrastructure du pays? Dans d'autres pays, une grande partie de l'infrastructure a été mise en place dans le cadre de PPP. Dans certains endroits, cela fonctionne très bien.

Pour revenir aux commentaires du sénateur Pratte relativement au pont québécois, nous payons des taxes assez élevées. La plupart des Canadiens ne veulent plus payer d'autres taxes, qu'il s'agisse d'une taxe sur un pont à péage ou d'un autre type de taxe.

Je suis sûr que cette conversation a eu lieu dans les consultations que vous avez menées auprès de tous ces gens. Vous pourriez peut-être suggérer deux ou trois façons dont le secteur privé pourrait participer, d'une façon qui convient aux Canadiens, à certains de ces grands projets gouvernementaux.

M. Hodgson : Sénateur, je sais très bien que je peux courir, mais que je ne peux pas me cacher. Je constate que vous avez fait vos recherches sur le Conference Board.

Il y a probablement 15 ou 20 ans, lorsque je travaillais pour le gouvernement fédéral, je faisais la promotion des PPP. Depuis environ une décennie, nous avons fait beaucoup de chemin à cet égard. Par exemple, en Ontario, la plupart des écoles et des hôpitaux sont maintenant construits dans le cadre d'un modèle de PPP.

L'important, dans les PPP, c'est de déterminer la contribution de chaque partie. Il se peut qu'au bout du compte, les risques liés au projet doivent être assumés par l'État, mais si on peut améliorer la conception du projet, améliorer sa mise en œuvre ou même obtenir du financement du secteur privé, il s'agit visiblement d'un pas dans la bonne direction. On peut souvent réaliser un projet plus rapidement et même à un meilleur prix, même si le risque financier, c'est-à-dire le risque lié à la construction, est assumé par les gouvernements.

Nous avons fait beaucoup de chemin, mais il reste encore du travail à faire. Je crois que la question de savoir si on est prêt à faire payer la population pour les services publics doit faire partie de la conversation. Il y a des leçons à tirer de cela.

Honnêtement, ce que je trouve incroyable, c'est que nous avons maintenant de fabuleux fonds communs au pays, par exemple des caisses de retraite, l'OIRPC, et cetera. Ils achètent même des actifs à l'échelle mondiale. Ils possèdent des aéroports en Australie et en Europe, mais nous ne pouvons pas trouver le moyen d'investir dans ces actifs chez nous. Je crois qu'il faut orienter la conversation sur cette situation.

Nous avons la capacité d'ingénierie et les compétences en gestion de projet nécessaires. C'est la base actuelle pour le fonctionnement des partenariats public-privé. Pouvons-nous maintenant passer à l'étape suivante et chercher des moyens de mobiliser des capitaux privés? Cela ne sera certes pas chose facile, et cette solution n'est assurément pas envisageable pour tous les projets. Un modèle de partenariat public-privé ne convient pas à toutes les municipalités. Il se peut fort bien que la plupart des projets doivent être pris en charge par les instances gouvernementales et financés à même l'assiette générale de revenus. Le modèle du partenariat public-privé devient toutefois intéressant si l'on peut adopter une formule de financement par l'utilisateur, ne serait-ce que partiellement, car cela permet d'attirer des investissements privés.

Le sénateur Manning : Il suffit de penser au pont à péage de l'Île-du-Prince-Édouard.

M. Hodgson : C'est un excellent exemple, car ce pont a pris la place d'un service de traversier. Je travaillais à Finance Canada lorsqu'on en a fait l'annonce. Le choix était facile à faire : subventionner un traversier à jamais ou consentir un investissement ponctuel. C'est une voie à péage qui s'autofinance dans une large mesure, ce qui témoigne de la grande efficacité de cette formule.

La situation de l'autoroute 407 est différente. Son parcours a été modifié à deux ou trois reprises. Cependant, M. Somerville, qui habite la région du Grand Toronto, pourrait vous confirmer que cette autoroute est très utile durant les heures de pointe et que les gens n'hésitent pas à acquitter les droits de péage pour ne pas avoir à emprunter la 401. C'est différent d'une situation à l'autre.

Le président : Vous avez discuté des partenariats public-privé avec le sénateur Manning. Y a-t-il un lien avec le projet de banque pour les infrastructures?

M. Hodgson : Une banque pour les infrastructures procurerait selon moi une valeur ajoutée d'abord et avant tout au chapitre des coûts de financement pour les ordres de gouvernement aux niveaux inférieurs. Si vous pouvez économiser 50 points de base sur un prêt d'une durée de 25 ans, cela vous rapporte beaucoup d'argent. Il y a toute une expertise qui s'acquiert en matière de montage financier, un peu comme le font actuellement EDC, la BDC et Financement agricole Canada. Les partenariats public-privé sont peut-être une façon différente d'arriver à ses fins, mais une banque pour les infrastructures pourrait de toute évidence jouer un rôle, notamment quant aux efforts déployés pour attirer des investissements privés.

Le sénateur Manning : Il est actuellement question d'un tunnel pour rejoindre Terre-Neuve. Nous sommes toujours à la recherche de moyens d'intéresser les investisseurs.

M. Hodgson : Je crois, sénateur, que si le câble électrique peut être installé, ce sera un pas dans la bonne direction.

Le sénateur Manning : Nous pourrons certes en discuter à un autre moment.

Quelles mesures incitatives le gouvernement fédéral pourrait-il offrir au secteur privé pour stimuler les investissements dans les infrastructures publiques?

M. Hodgson : C'est mon point de vue d'ancien employé du ministère des Finances qui va ressortir. J'ai travaillé 10 ans à Finance Canada. J'estime qu'il faut renoncer aux subventions versées à même les fonds publics en guise de mesures incitatives. Je pense qu'il convient plutôt de miser sur des éléments comme le partage des risques, la création des conditions propices à la réalisation du projet et une définition précise des attentes quant à la contribution de chacune des parties.

Comme vous le comprendrez sans doute, tout système de mesures incitatives est problématique du fait qu'il est très difficile de s'en affranchir une fois qu'on a mis le doigt dans l'engrenage. Je pense qu'il est de loin préférable de fixer des prix justes et de laisser le marché décider de l'affectation des capitaux, plutôt que d'établir un régime permanent d'incitatifs financiers. J'estime nettement plus efficace de miser sur une mesure comme la taxe sur l'essence avec transfert des ressources aux municipalités. C'est davantage une formule de partage de la base de revenus qu'une mesure incitative.

Le sénateur Manning : Monsieur Carlton, est-ce que votre organisation a son mot à dire dans l'élaboration de la structure pour la phase 2 quant à la situation actuelle et aux objectifs visés?

M. Carlton : Il est trop tôt pour affirmer que nous allons participer à l'élaboration de la structure de la phase 2. Cependant, nous sommes assurément partie prenante aux discussions concernant les idées soulevées, les possibilités évoquées et l'éventualité d'une banque pour les infrastructures. Au fur et à mesure que les différentes suggestions commencent à prendre forme, nous avons certainement notre mot à dire et sommes très heureux que le débat soit aussi ouvert et accessible.

Nous savons que tout cela va prendre forme à l'intérieur d'un cadre plus précis au cours des prochains mois, et nous avons bon espoir de pouvoir participer activement à la concrétisation des idées mises de l'avant.

Le sénateur Manning : J'ai déjà fait partie d'un conseil municipal et je sais que ce sont parfois les gens sur place qui sont les mieux placés pour mener les projets à terme. Il peut arriver que certaines municipalités ne soient pas prêtes à se heurter à toutes les complications bureaucratiques qui peuvent les attendre à Ottawa. Je me demandais donc ce que votre organisation peut faire à cet égard.

Vous avez parlé tout à l'heure des voies réservées pour les entreprises de camionnage ou pour ceux qui souhaitent pouvoir transporter des marchandises plus rapidement. Est-ce que cela existe déjà au Canada? Je sais qu'il y a des routes à péage dans certains endroits. Pourriez-vous nous dire ce qu'il en est? Je n'ai jamais entendu parler de ces voies réservées.

M. Hodgson : D'après ce que j'ai pu comprendre, il est actuellement question en Ontario de convertir des voies pour véhicules multioccupants, notamment sur l'autoroute Queen Elizabeth, en voies réservées que les gens paieraient pour emprunter. Je crois toutefois qu'il faut compter un an ou deux pour mettre en place la technologie de lecture de puce nécessaire pour pouvoir aller de l'avant. Quoi qu'il en soit, on discute déjà activement, surtout dans le sud de l'Ontario, de cette possibilité de désigner des voies de circulation pour permettre notamment aux véhicules commerciaux, moyennant un droit de péage de trois ou quatre dollars, de réduire de deux heures leur temps de trajet. À mon sens, les véritables économies viendraient ainsi de l'évitement des bouchons de circulation pour les véhicules commerciaux, plutôt que des sommes que les usagers les mieux nantis seraient prêts à verser.

Le sénateur Manning : J'ai l'impression que c'est une bonne idée, mais je me demandais quels genres de progrès avaient pu être réalisés. Je suis persuadé que bien des entreprises seraient prêtes à débourser ces quelques dollars supplémentaires pour pouvoir réduire de deux heures le temps de transport de leurs marchandises. Ne dit-on pas que le temps c'est de l'argent?

M. Hodgson : Pour revenir à la question posée par le sénateur Pratte, il faudrait surtout s'assurer d'obtenir le soutien public nécessaire de telle sorte que le projet ne soit pas saboté sans avoir eu la moindre chance de réussite. Le projet pilote a produit de bons résultats.

Le sénateur Mockler : J'ai une question pour MM. Carlton et Somerville de la Fédération canadienne des municipalités. Pourriez-vous nous en dire plus au sujet du comité mis sur pied pour se pencher sur les infrastructures comme les pipelines?

M. Somerville : La création de ce comité a été approuvée lors de notre dernière réunion de direction tenue il y a environ une semaine. Cela fait suite aux préoccupations soulevées un peu partout au pays relativement à différents problèmes qui semblent vouloir se poser.

Nous avons imposé des échéanciers serrés à ce comité qui fera son rapport en septembre. Nous aurons ainsi une meilleure idée des principes à respecter si l'on propose d'installer un pipeline dans une municipalité.

Je n'ai aucune idée des conclusions auxquelles ce comité en arrivera. Je ferai moi-même partie du comité en accédant à la présidence dans trois semaines. Le comité pourrait notamment s'intéresser aux évaluations environnementales touchant les corridors de transport. Nous n'avons pas encore défini exactement les paramètres. Le comité n'a pas encore pu se réunir à cette fin. Nous avons établi le mandat du comité, et le président et moi-même allons procéder aux nominations au cours des prochaines semaines. Il s'agit de pouvoir cerner les enjeux municipaux.

Le sénateur Mockler : Est-ce que votre comité pourra compter sur une représentation pancanadienne?

M. Somerville : Il y aura au moins un représentant pour chacune des régions que nous desservons.

Le sénateur Mockler : Quelles sont ces cinq régions?

M. Somerville : Il y a le Canada atlantique, le Québec, l'Ontario, les Prairies et les territoires, et la Colombie- Britannique. Il y aura également au moins un représentant du milieu rural. Nous aurons aussi un membre représentant le Caucus des maires des grandes villes, plus un chacun pour nos trois comités permanents qui s'occupent d'environnement, de finances et de transport. En outre, le président et le premier vice-président seront membres d'office du comité.

Le sénateur Mockler : C'est très important. N'oubliez pas que le pipeline est assurément le moyen de transport le plus sûr pour le pétrole.

M. Carlton : Merci.

Le sénateur Mockler : Comment se passe votre collaboration avec les autres associations municipales au Canada, surtout dans les Maritimes et au Nouveau-Brunswick?

M. Somerville : Il y a 21 associations municipales au Canada. Elles sont toutes représentées par leur président au sein du conseil d'administration de notre fédération. Le président ou un de ses délégués participe à autant de conférences que possible pour prendre la parole et rencontrer les membres. Les présidents se rencontrent également à l'occasion des réunions de notre conseil d'administration. En tant que membre de ce conseil, je peux vous assurer que les échanges sont nombreux, et il y en a peut-être d'autres dont je n'ai pas connaissance.

M. Carlton : Au niveau du personnel, il y a différents points de contact pour toutes les questions d'importance. Il règne un véritable esprit d'étroite collaboration. Au Nouveau-Brunswick, il y a trois associations provinciales qui sont représentées au sein de notre conseil d'administration par leurs présidents respectifs. Nous travaillons avec ces gens-là qui participent activement aux échanges.

Le sénateur Mockler : Je veux vous féliciter pour le leadership dont vous faites montre. L'un des premiers partenariats public-privé au Canada est celui de la route Transcanadienne au Nouveau-Brunswick. Je crois en fait que ce fut le tout premier. C'est essentiellement attribuable au fait que vous avez également participé aux discussions. Je voulais le mentionner pour montrer que vous avez pu exercer du leadership en collaboration avec d'autres associations municipales.

La sénatrice Marshall : Est-ce que le gouvernement fédéral vous transfère directement des fonds pour les trois programmes mentionnés dans le budget, à savoir le Fonds municipal vert, les pratiques exemplaires en matière de gestion des actifs et les mesures de lutte contre les changements climatiques?

M. Carlton : Nous gérons les fonds qui nous sont attribués en vertu d'une entente de contribution ou d'un contrat.

La sénatrice Marshall : Il ne s'agit pas d'une simple approbation. On vous transfère de l'argent.

M. Carlton : Et nous gérons cet argent.

Le président : Messieurs, à ce moment-ci de notre réunion, nous souhaiterions que vous nous résumiez vos interventions. Il nous reste 12 minutes pour vous trois, ce qui donne quatre minutes à chacun. Nous aimerions que vous puissiez nous fournir des bases de compréhension pour nous aider à réussir du premier coup la mise en œuvre de ce programme au Canada.

M. Somerville : Nous sommes vraiment très heureux d'avoir eu l'occasion de prendre la parole devant vous ce soir. C'est un grand honneur pour la Fédération canadienne des municipalités, et nous vous en remercions. Nous voudrions aussi que vous ne perdiez jamais de vue le fait que nous sommes installés à Ottawa. Si vous avez des questions, n'hésitez pas à communiquer avec nous, car le travail en partenariat, c'est notre spécialité.

Nous devons aussi garder à l'esprit le fait que les municipalités sont les mieux placées pour comprendre la valeur à court et à long terme des investissements dans les infrastructures pour les collectivités. Nous avons en outre démontré que nous sommes capables de réaliser des projets qui répondent au besoin et améliorent la qualité de vie de nos concitoyens. Nous avons collaboré étroitement avec le gouvernement fédéral à la conception et à la mise en œuvre d'un plan d'action pour que la vision globale du gouvernement puisse se concrétiser de façon significative.

L'accès prévisible à des moyens de financement stables à long terme comme la taxe sur l'essence nous permet de mieux capitaliser sur la gestion des actifs locaux et notre planification des investissements à long terme, en plus de permettre au gouvernement fédéral d'établir des critères clairs et uniformes pour le programme. En bénéficiant de transferts prévisibles, les municipalités peuvent en outre réagir rapidement et efficacement tout en atteignant les objectifs clairs et mesurables établis par le gouvernement fédéral au bénéfice de nos contribuables.

Les changements majeurs apportés par le gouvernement fédéral à la conception du programme sont tout aussi importants et aideront vraiment les municipalités à investir pour combler les besoins constatés. Parmi ces changements, notons la majoration de la contribution fédérale maximale à un projet qui est portée à 50 p. 100; l'application du nouveau modèle de partage des coûts tant aux projets traditionnels qu'à ceux faisant intervenir un partenariat public- privé; l'élargissement des critères d'admissibilité des coûts pour inclure les services d'ingénierie et de conception; et la suppression de l'évaluation préalable obligatoire pour les partenariats public-privé.

Toutes les municipalités sont disposées à envisager un partenariat public-privé, mais il faut que les projets s'y prêtent. Comme bon nombre de nos infrastructures sont de nature sociale, elles n'offrent pas les perspectives de rentabilité qui incitent à établir un partenariat public-privé, mais c'est tout de même une avenue toujours à considérer pour la réalisation d'un projet. Ce n'est toutefois pas nécessairement une bonne idée d'en faire une condition obligatoire. Il y a des projets pour lesquels c'est la solution logique.

M. Carlton : Pour bien faire les choses d'entrée de jeu, il faut prendre conscience du fait que les administrations municipales ont un rôle essentiel à jouer dans l'édification de notre nation, et qu'elles doivent avoir leur mot à dire dans la conception des programmes et la formulation des idées de telle sorte que les solutions envisagées à Ottawa soient pertinentes pour les différentes collectivités.

Le président : Est-ce le cas actuellement?

M. Carlton : C'est davantage le cas qu'auparavant, mais il y a encore du chemin à faire.

M. Hodgson : Comme j'ai le mot de la fin, je pourrais vous entretenir pendant longtemps de projections économiques, mais ce n'est pas ce que je vais faire. Je vais plutôt réitérer certaines des observations de M. Somerville.

Disons d'abord que votre étude arrive à point nommé, car il est primordial d'établir dès le départ le cadre nécessaire. L'engagement de la FCM et d'autres intervenants auprès du gouvernement fédéral est essentiel pour en arriver aux critères appropriés et au processus qui convient, incluant un examen. Les gouvernements devraient justement être plus efficaces pour cerner les enjeux dès le départ.

Par ailleurs, nous devrions être ouverts à tout l'éventail des options de financement possibles. Plusieurs de ces projets seront réalisés sur le plan financier au moyen de transferts fournissant aux municipalités les capacités requises. Il ne faut toutefois pas écarter la possibilité d'avoir recours à des partenariats public-privé lorsque la situation s'y prête. Nous avons fait beaucoup de progrès à ce chapitre au cours des 15 à 20 dernières années. Sénateur, votre exemple de l'autoroute au Nouveau-Brunswick était tout à fait pertinent. C'était en quelque sorte un projet pilote, mais il a été couronné de succès, ce qui nous a incités à examiner la situation de plus près.

Enfin, j'ai effectivement traité de la possibilité d'une banque pour les infrastructures, mais ce n'est assurément pas une solution à tous les maux. Il peut être avantageux d'avoir une institution distincte, mais cela ne convient pas pour tous les projets. Il est possible d'utiliser le financement hors budget. On peut établir un centre d'expertise en misant sur des gens qui s'y connaissent vraiment dans la détermination des projets structurants. Cela peut même offrir un avantage financier aux emprunteurs qui bénéficieront de toutes sortes de contre-garanties. Il faut établir le modèle de gouvernance approprié pour gagner la confiance des gens. C'est un aspect primordial dans la mise en place d'une banque efficace pour les infrastructures.

Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de vous rencontrer de nouveau.

Le président : Monsieur Hodgson, pouvons-nous vous demander un résumé d'une page? Vous aviez cinq éléments à faire valoir au départ, et j'en ai noté finalement neuf qui étaient tous excellents. Pourriez-vous nous résumer en style télégraphique les éléments dont vous avez traité, y compris la banque pour les infrastructures? Nous vous serions très reconnaissants si vous pouviez le faire d'ici la semaine prochaine. Est-ce que c'est chose possible? Je sais que vous êtes un homme occupé, mais il s'agit de l'une des plus importantes études que nous avons menées pour notre pays.

Messieurs Somerville et Carlton, il nous serait utile que vous puissiez également résumer les principaux défis auxquels vous êtes confrontés dans la mise en œuvre du nouveau programme de financement des infrastructures. Peut- être pourriez-vous traiter dans la même page des leçons tirées des expériences passées, de quelques-unes de vos initiatives qui ont été couronnées de succès et de quelques éléments à améliorer. Nous aurions ainsi une meilleure idée de la situation.

Il est notamment ressorti de nos délibérations que les programmes ont toujours été nombreux. Nous en avions discuté un peu lors de notre première rencontre. Pour dire les choses simplement, s'il existe actuellement 15 ou 20 programmes, combien devrions-nous en conserver?

Voulez-vous faire en sorte que la taxe sur l'essence rapporte des revenus supplémentaires? Je sais qu'elle est indexée par tranche de 100 000 $ par année, ou qu'elle se situe à 2,1 milliards de dollars. Est-ce bien le total annuel pour la taxe sur l'essence? S'agit-il d'une augmentation d'un million par année? Je ne sais plus trop, mais, en tout cas, elle est indexée. Y a-t-il une façon de faire de la taxe sur l'essence la plateforme de financement principale pour les municipalités? Il faudrait alors tenir compte de la taille de la municipalité pour déterminer si le programme peut s'appliquer. Vous pourriez par exemple vous concentrer sur les municipalités comptant moins de 10 000 habitants en laissant à un autre programme, comme le Fonds Chantiers Canada, le soin de s'occuper des projets de plus grande envergure.

Je ne suis pas en train de dénigrer votre travail ou de vous dire quoi faire, mais comment pouvez-vous être plus efficaces dans le cadre de ce programme? Quel genre de programme pourrait vous permettre d'aller de l'avant, d'assurer une mise en œuvre plus efficiente et de veiller à ce que les municipalités en tirent un bénéfice optimal? Peut- être pourriez-vous nous faire un résumé à ce sujet.

M. Somerville : Nous allons le faire en veillant également, comme nous l'avons indiqué précédemment, à vous fournir les chiffres, les effets multiplicateurs. Nous allons vous transmettre tout cela.

Le président : Oui. Il serait bon également que vous nous fournissiez un organigramme, si cela est possible.

M. Somerville : Oui.

Le président : Notre greffière assurera le suivi. Nous vous remercions vivement. Je sais que ce fut une longue soirée pour vous, mais vos témoignages étaient vraiment fascinants. Il faudrait peut-être que nous pensions à vous inviter de nouveau pour nous fournir certaines précisions techniques.

M. Somerville : Certainement. Nous serions très heureux de pouvoir le faire.

Le président : Messieurs, merci beaucoup. Chers collègues, nous avons accompli un excellent travail.

C'est ainsi que prend fin cette réunion.

(La séance est levée.)

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