Aller au contenu
NFFN - Comité permanent

Finances nationales

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales

Fascicule n° 11 - Témoignages du 7 juin 2016 (Séance du 9h30)


OTTAWA, le mardi 7 juin 2016

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui, à 9 h 30, pour examiner la teneur complète du projet de loi C-15, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 22 mars 2016 et mettant en œuvre d'autres mesures.

Le sénateur Larry W. Smith (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bienvenue au Comité sénatorial permanent des finances nationales. Chers collègues et membres de l'assistance, nous avons pour mandat d'examiner des questions relatives au budget fédéral en général de même qu'aux finances publiques.

Je suis Larry Smith, sénateur du Québec et président du comité. Permettez-moi de présenter les autres membres de notre comité.

À ma gauche se trouve le sénateur Mitchell, de l'Alberta; plus loin à gauche, vous avez Larry Campbell, de l'île Galiano, qui est vice-président du comité et ancien maire de Vancouver.

À ma droite, vous avez le sénateur Lang, du Yukon.

La sénatrice Eaton vient de Toronto, en Ontario. J'ai rencontré des gens à l'occasion de la conférence sur le jour J à Hudson, au Québec, qui ne tarissaient pas d'éloges à votre sujet.

La sénatrice Eaton : Mes proches?

Le président : Eh bien, certains d'entre eux étaient pratiquement dans un autre monde.

Plus loin à ma droite se trouve la sénatrice Elizabeth Marshall, de Terre-Neuve.

Nous poursuivons aujourd'hui notre examen de la teneur du projet de loi C-15, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 22 mars 2016 et mettant en œuvre d'autres mesures. Nous l'appelons parfois le projet de loi d'exécution du budget.

[Français]

Ce matin, nous poursuivons notre étude de la teneur du projet de loi C-15. C'est avec plaisir que nous accueillons Alexandre Laurin, directeur de la recherche de l'Institut C.D. Howe, et Douglas Cumming, professeur à la Schulich School of Business de l'Université York.

[Traduction]

Nous allons consacrer les 45 premières minutes de la séance à nos deux témoins. L'honorable Darrell Pasloski, premier ministre du Yukon, nous rejoindra brièvement par vidéoconférence entre 10 h 20 et 10 h 40.

Nous recevrons ensuite Monique Moreau, directrice des affaires nationales de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante.

Monsieur Laurin, nous allons commencer par vos remarques liminaires.

Alexandre Laurin, directeur de la recherche, Institut C.D. Howe : Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie. C'est un plaisir d'être ici ce matin. La greffière a mis en évidence cinq ou six mesures budgétaires que vous voulez que j'aborde aujourd'hui. Je ne pense pas avoir le temps en cinq minutes de parler de chacune des mesures, mais je vais commencer, et arrêtez-moi quand le temps sera écoulé. Nous pourrons ensuite en discuter.

Commençons par l'âge d'admissibilité, qui passe de 67 à 65 ans. Je suis d'avis qu'il s'agit d'une réponse globale à un problème ciblé. Quel est ce problème? On a décidé d'annuler l'augmentation de l'âge de la retraite pour protéger de la pauvreté une minorité de personnes âgées à faible revenu, étant donné qu'ils devaient attendre deux années de plus avant d'être admissibles à la Sécurité de la vieillesse, ou SV.

Or, la décision ne tient pas compte de la réalité globale voulant que l'espérance de vie soit plus longue, et de la tendance actuelle visant à prendre sa retraite plus tard. D'ici 2030, il est probable qu'environ 40 p. 100 des personnes âgées de 65 ans travailleront tout en recevant la pension de la SV.

L'âge normal de la retraite joue un rôle symbolique important, et envoie un signal aux travailleurs qui planifient leur retraite. Je reconnais que ce qui est considéré comme normal est tout à fait subjectif, mais l'âge d'admissibilité à la SV contribue à enraciner notre croyance culturelle quant à la durée normale de la retraite, ce qui influence notre planification.

Les bienfaits économiques et fiscaux du fait de travailler plus longtemps sont clairs. En allégeant le fardeau démographique du marché du travail et du régime de retraite, un âge plus élevé de départ à la retraite pourrait jouer un rôle majeur dans notre capacité future à supporter le coût fiscal et social de la population vieillissante.

Permettez-moi de passer à une mesure qui pourrait être une bonne nouvelle, soit l'augmentation de la prestation complémentaire maximale du Supplément de revenu garanti, ou SRG, de 947 $ par année pour les pensionnés célibataires. Il s'agira d'une bonne aide financière pour les aînés seuls qui, contrairement à ceux qui sont en couples, ne bénéficient pas d'économies d'échelle relatives à la vie à deux. La pauvreté chez les aînés qui vivent seuls est plus fréquente que chez ceux qui sont en couples.

Une personne âgée célibataire sans autre source de revenus devrait actuellement recevoir environ 16 000 $ de la SV et du SRG ensemble. Si on ajoute à ce montant les prestations complémentaires provinciales du SRG, étant donné que les gouvernements provinciaux rajoutent eux aussi des montants, ainsi que d'autres avantages fiscaux, un couple d'aînés de la Nouvelle-Écosse sans autre source de revenus reçoit quelque 17 000 $, et s'il vient de la Saskatchewan ou de l'Alberta, il touchera jusqu'à environ 20 000 $.

Grâce à l'augmentation proposée de la prestation complémentaire du SRG, un aîné célibataire recevrait 947 $ de plus, ce qui équivaut à une augmentation de 5 p. 100 de son revenu disponible. C'est donc une augmentation notable.

En revanche, le montant complémentaire sera réduit d'un taux de 25 cents pour chaque dollar d'autre revenu imposable, dont le Régime de pensions du Canada, ou RPC, le régime de retraite, le revenu de travail ou quoi que ce soit d'autre. Cette récupération fiscale s'ajoute aux 50 cents qui sont retirés des prestations ordinaires du SRG. Par conséquent, le taux de récupération total sera de 75 p. 100, et le revenu imposable passera de 2 000 à 8 500 $.

Ainsi, un aîné célibataire qui reçoit une prestation moyenne du RPC, qui est d'environ 6 500 $ à l'heure actuelle, se ferait retirer les deux tiers de ce revenu dans les provinces à l'est de l'Ontario, et plus de 80 p. 100 en Ontario, en Alberta et en Saskatchewan, étant donné que ces provinces offrent des programmes pour les aînés.

Bref, la mesure sera excellente pour lutter contre la pauvreté chez les aînés, ce qui est l'objectif. Or, elle dissuadera davantage les gens à revenu moyen d'économiser avec report d'impôt, y compris au moyen du RRPO proposé, qui est le régime de retraite de la province de l'Ontario, ou de l'éventuelle bonification du RPC.

La prochaine mesure consiste à maintenir le taux d'imposition des petites entreprises à 10,5 p. 100. L'argument économique invoqué pour maintenir un taux d'imposition inférieur pour les petites entreprises est d'aider les jeunes et les petites entreprises à investir et à croître. Cependant, on constate que le taux d'imposition des petites entreprises peut avoir des conséquences inattendues, de sorte qu'il est peu rentable. Je recommande donc la mise en place d'un meilleur régime.

Plus l'écart est important entre le taux général d'imposition des sociétés et le taux d'imposition des petites entreprises, plus on incite les entreprises à rester petites, ce qui va à l'encontre du but initial de l'avantage fiscal.

Un écart important peut également encourager les travailleurs autonomes à se constituer en personne morale pour des raisons purement fiscales, dans le but d'avoir accès au taux d'imposition réduit. Cette crainte vient d'ailleurs d'être renforcée par la hausse récente du taux d'imposition du revenu des particuliers à 33 p. 100.

Voilà qui augmente le coût du taux préférentiel des petites entreprises, ce qui doit être financé en augmentant le taux d'imposition des autres sociétés plus productives. La mesure a donc un effet néfaste sur l'économie.

Il serait préférable de privilégier un régime qui établirait une distinction entre les entreprises jeunes et axées sur la croissance et les petites entreprises dont le désir de croissance des propriétaires est limité ou inexistant, qu'on appelle des entreprises liées au mode de vie.

Je vais maintenant parler du remplacement de la Prestation fiscale canadienne pour enfants, de la Prestation universelle pour la garde d'enfants et du crédit relatif à la baisse d'impôt pour les familles par la nouvelle Allocation canadienne pour enfants.

Ce nouveau programme serait une très bonne nouvelle pour les familles à revenu faible ou moyen qui ont des enfants, étant donné qu'il augmenterait sensiblement la valeur de leurs prestations. C'est une augmentation substantielle.

Un autre avantage, c'est que cette mesure permettrait de réduire les taux de récupération des prestations chez les familles à plus faible revenu, des taux qui sont actuellement très élevés. Pour une famille typique de quatre à faible revenu — deux parents et deux enfants —, le taux d'imposition réel, qui est un taux d'imposition implicite — je pourrai vous donner plus de détails plus tard si vous voulez en savoir plus... Le taux d'imposition réel du salarié secondaire de cette famille peut facilement atteindre à l'heure actuelle jusqu'à 70 p. 100 pour certaines fourchettes de revenu. Le taux va jusqu'à 80 p. 100 au Québec pour certains revenus, alors qu'il va jusqu'à 65 p. 100 dans d'autres provinces. Ce peut être très élevé pour les revenus faibles.

Cette nouvelle Allocation canadienne pour enfants permettra de réduire les taux d'imposition réels des familles, de sorte qu'il soit plus avantageux pour le salarié secondaire de la famille d'intégrer la population active et le marché du travail. La mesure a donc également une incidence économique bénéfique. La politique entraînera un coût, mais des retombées économiques avantageuses aussi.

Le président : Nous pouvons nous arrêter ici, et nous poserons plus de questions tout à l'heure.

Monsieur Cumming, avez-vous une déclaration liminaire avec laquelle vous souhaitez commencer?

Douglas Cumming, professeur, Schulich School of Business, Université York, à titre personnel : Je vous remercie de me donner l'occasion d'être ici aujourd'hui. Je vais commencer par aborder d'autres mesures. Alexandre et moi n'avons pas coordonné nos présentations, mais je suis ravi qu'il ait eu la parole avant moi puisque cela me permet de m'attarder à des éléments dont il n'a pas encore eu l'occasion de parler.

Pour commencer, ceux qui me connaissent savent que je suis une personne axée sur les données empiriques, et que je crois beaucoup à l'élaboration de politiques à partir de données semblables. Je vais aborder quelques-unes des mesures en faisant référence aux données qui ont été rédigées par des gens qui n'ont aucun intérêt direct dans l'issue du changement de politique.

Je vais commencer par le crédit d'impôt relatif à une société à capital de risque de travailleurs. Tout ce qui a été écrit sur ce programme — et pas seulement par moi, mais par d'autres chercheurs aussi — indique sans exception qu'il s'agit d'un programme extrêmement inefficace qui coûte très cher. Selon l'année dont il est question, le coût fiscal direct des pertes de revenu est normalement de l'ordre du demi-milliard de dollars et même plus pour certaines années.

Ce programme de crédit d'impôt finance les gestionnaires de fonds de capital-risque dont les structures d'investissement sont inefficaces et les engagements prévus à la loi, inappropriés. Le programme fait en sorte que les fonds réalisent un grand nombre d'investissements sans les encourager à faire preuve de diligence raisonnable, et donne lieu à un grave problème d'antisélection quant au choix des investissements qui vont de l'avant.

Les ratios des frais de gestion, ou RFG, de ces fonds sont parmi les plus élevés au monde, et pas seulement au Canada. En effet, plus de 5 p. 100 sont exigés, alors qu'un fonds commun de placement normal qui est géré activement demanderait beaucoup moins que la moitié de ce taux. À partir de leur création, ces fonds obtiennent en moyenne un taux de rendement à peu près nul. Ils n'offrent donc généralement aucun avantage économique, et il n'existe aucun cas particulier de fonds qui rendrait ces structures valables.

L'autre problème, c'est que ces structures d'investissement supplantent les placements privés de capital de risque en faisant monter les prix et baisser les taux de rendement, tout en continuant d'attirer un volume impressionnant de capitaux chaque année au moyen du crédit d'impôt. Les investisseurs se contentent donc de verser de l'argent dans ces fonds sans penser au rendement économique, ce qui aggrave les inefficacités économiques. Le programme est très coûteux, et d'après les données, non seulement il n'a entraîné aucune retombée économique, mais en plus, il a nui au rendement économique et à l'efficacité du secteur canadien du capital de risque. À vrai dire, notre secteur est une risée par rapport à ce qui se fait ailleurs en raison du programme. Si je dis « risée », c'est parce que les décideurs d'autres pays rient parfois littéralement lorsque je discute du programme avec eux.

La deuxième mesure dont je veux parler est le crédit d'impôt pour exploration minière. Un excellent article de Vijay Jog, de l'Université Carleton, qui a été publié par l'Institut des politiques de l'Université de Calgary, parle d'inefficacités économiques très similaires entourant ce genre de crédits d'impôt pour les actions accréditives. En moyenne, le taux de rendement de ces programmes coûte environ 50 p. 100 aux détenteurs, qui perdent donc approximativement la moitié de leur argent.

L'explication du phénomène ressemble beaucoup à celle entourant les programmes de capital de risque de travailleurs. En effet, un problème d'antisélection accompagne ces généreuses subventions à caractère fiscal et donne lieu à des investissements inefficaces qui découlent d'une répartition des capitaux loin d'être judicieuse. De la même façon, c'est un régime très cher qui coûte également un demi-milliard de dollars par année aux contribuables.

Comme les données l'indiquent, ce sont donc des programmes très coûteux qui génèrent très peu de retombées, et qui ont sans doute même des répercussions économiques négatives pour les Canadiens. En plus de perdre l'argent des contribuables avec ces politiques fiscales, nous leur causons du tort.

Étant donné que le sujet est connexe, en principe, je vais faire écho à certaines remarques d'Alexandre en ce qui concerne le taux d'imposition des petites entreprises.

Un article récent publié cette année par le Fonds monétaire international s'attarde aux taux d'imposition des petites entreprises. L'article critique sévèrement les pays qui ont de telles politiques, y compris le Canada, mais sans s'y limiter. Le Canada est l'un des rares cas particuliers de pays qui proposent un traitement fiscal différent en fonction de la taille de l'entreprise. Le régime fiscal est comme tout autre système économique qui offre des incitatifs fiscaux à différentes personnes; il est toutefois étrange d'inciter une personne ou une entité à garder ses activités modestes. À vrai dire, les données démontrent qu'un groupe d'entreprises se trouvent juste sous le seuil.

Pourquoi voudriez-vous encourager une entreprise à rester petite? Il est déconcertant de constater qu'en 2016, les responsables de la politique fiscale n'ont pas encore compris ce principe. Il est stupéfiant qu'on propose de réduire le taux d'imposition des petites entreprises pour qu'il passe de 11 à 10,5 p. 100 — et certains envisagent même de le réduire à 9 p. 100, s'ils peuvent se le permettre.

Nous devrions normalement encourager les mesures qui stimulent la richesse et la croissance économique, comme l'entrepreneuriat, et inciter les gens à faire croître leur entreprise plutôt qu'à garder les opérations modestes. Il y a de bien meilleures façons d'y arriver, plutôt que de proposer une politique fiscale fondée sur la taille. Par exemple, la mesure pourrait reposer sur l'âge, sur l'investissement en recherche et développement, ou sur d'autres choses qui sont faites au Canada et ailleurs.

Nous avons dit que les programmes de fonds de travailleurs et d'actions accréditives coûtent environ un demi- milliard de dollars par année aux investisseurs, en pertes directes de recettes fiscales. Voilà qui totalise environ un milliard de dollars par année, sans compter les inefficacités relatives à la répartition des capitaux, ce qui double probablement la valeur du préjudice économique causé.

Pour ce qui est du taux d'imposition des petites entreprises, on estime que la mesure coûte environ 3,5 milliards de dollars par année aux contribuables en pertes de revenus. Il s'agit donc de programmes très coûteux que nous devons examiner avec lucidité en nous demandant ce que nous sommes en train de faire. Cela n'a pas la moindre logique. Ce n'est pas sorcier à comprendre; il est évident que ces mesures doivent disparaître.

Je pourrais continuer, mais je vois que mon temps est écoulé.

Le président : Je tiens à souhaiter la bienvenue à la sénatrice Andreychuk, de la Saskatchewan, qui participe à la séance d'aujourd'hui. Je vous remercie infiniment de votre présence. Nous sommes aussi en présence du sénateur Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick, qui siège à notre comité de direction. Tout le monde est représenté. Certains ont bronché tandis que vous parliez des secteurs les plus touchés par les éléments négatifs qui découlent du budget.

Vous avez tous les deux soulevé des enjeux parallèles en ce qui concerne le taux d'imposition des petites entreprises et le crédit d'impôt pour exploration minière. Pourriez-vous nous proposer des améliorations à apporter à ces deux mesures? Nous leur reprochons leurs forces et leurs faiblesses. Vous avez dit que chaque mesure coûte un demi-milliard de dollars par année, ce qui totalise un milliard de dollars annuellement. Vous avez mentionné 3 milliards. Pouvons- nous faire quoi que ce soit pour améliorer ces deux programmes?

M. Cumming : Il y a quelques années, on avait annoncé le retrait progressif du crédit d'impôt fédéral relatif aux travailleurs. L'Ontario a été la première province à l'éliminer progressivement de son programme provincial, et elle s'en est débarrassé en 2011. L'annonce du retrait progressif remonte à 2005.

Ils ont remplacé le programme par quelques autres programmes, dont le Fonds ontarien de capital-risque pour lequel le gouvernement a joué le rôle de commanditaire dans une structure de société en commandite où l'on investit dans d'autres fonds gérés par le secteur privé qui fonctionnent de la même façon que les fonds de capital de risque.

Les structures de programme de ce genre ont connu beaucoup de succès dans d'autres pays, dont Israël et l'Australie, et elles fonctionnent beaucoup mieux, de la façon dont devraient fonctionner les marchés du capital de risque.

Je félicite l'Ontario d'avoir cette fois-ci pris position en se débarrassant de ce programme. J'étais très heureux de voir que le gouvernement fédéral allait procéder à la même élimination progressive que l'Ontario, et l'annonce du rétablissement de ce crédit d'impôt m'a donc profondément consternée. Je n'y comprends strictement rien.

Je m'appuie encore une fois sur les données. Je ne donne pas d'opinions. Mes propos s'appuient sur les données empiriques de personnes qui n'ont absolument aucun intérêt financier lié à ce qui sera fait à cet égard; ils veulent seulement qu'une bonne politique publique soit adoptée. On ne parle pas d'une ou deux personnes qui écrivent là- dessus; il y en a beaucoup. Ce sont des principes bien acceptés. Ce programme ne devrait pas être rétabli. Sur le plan économique, il a causé un tort immense aux Canadiens depuis qu'il a été mis en place pour la première fois au début des années 1980 au Québec ainsi qu'à la fin des années 1980 et au début des années 1990 dans les autres provinces. L'Alberta et Terre-Neuve sont les deux seules provinces à ne pas l'avoir adopté.

Le président : Avez-vous quelque chose à ajouter à ce qu'a dit M. Cumming?

M. Laurin : Je suis également favorable à l'élimination du crédit d'impôt relatif aux SCRT. À l'heure actuelle, c'est surtout au Québec, où il y a le Fonds de solidarité de la FTQ et le Fondaction CSN, deux importants fonds de travailleurs, que l'on trouve ce genre de crédits d'impôt. Or, il est question de capital de risque, ce qui devrait servir à promouvoir l'innovation et les changements technologiques ainsi qu'à appuyer les petites entreprises à forte croissance.

Mais ce n'est pas le mandat du Fonds de solidarité, qui est plutôt de créer et de garder des emplois. C'est un mandat louable d'un point de vue politique, mais ce n'est pas à cela que devrait principalement servir le capital de risque.

Deuxièmement, en regardant ces deux fonds, vous constaterez qu'environ la moitié des investissements sont publiquement négociables et ne sont pas dans des instruments de capitaux propres d'entreprises privées, ce qui ne représente que 30 p. 100 des investissements. Ces fonds investissent ainsi parce qu'il y a des droits de rachat. Des personnes arrivent au point où elles peuvent retirer leur argent. C'est un produit destiné à la vente au détail, et il faut donc conserver des liquidités pour pouvoir satisfaire à ses obligations. C'est une contrainte opérationnelle, mais l'argent n'est pas investi dans du capital de risque.

Troisièmement, nous avons publié, à l'Institut C.D. Howe, l'étude de M. Cumming sur les fonds de capital de risque de travailleurs. Nous avons publié une autre étude sur le capital de risque qui cherche à déterminer quel est le meilleur fonds pour promouvoir l'innovation en matière de brevets. Lorsque l'innovation est mesurée en fonction de la création d'innovations brevetées, les SCRT occupent le dernier rang. Ces sociétés n'influencent pas la création d'innovations brevetées, contrairement au capital de risque qui a généralement une grande influence, surtout sur les fonds privés et les fonds institutionnels. Le capital de risque est très efficace, mais pas les SCRT, ce qui s'explique probablement par les raisons que j'ai mentionnées. C'est pourquoi nous avons appuyé l'Ontario lorsque la province a éliminé le crédit d'impôt et le gouvernement fédéral lorsqu'il l'a progressivement éliminé Je comprends pourquoi nous le rétablissons maintenant, mais ce n'est pas vraiment pour favoriser le capital de risque et promouvoir l'innovation dans les entreprises de technologie à haut risque ainsi que leur croissance. C'est un programme d'emplois.

La sénatrice Eaton : Vous êtes préoccupé par certaines choses. Je me rappelle, alors que je siégeais au comité sénatorial des finances l'année dernière, avoir discuté de la hausse de l'âge de la retraite de 65 à 67 ans. L'Institut du Dominion nous a dit que lorsque la pension a été créée, le Canadien moyen vivait jusqu'à l'âge de 66 ans. Il arrêtait donc de travailler, touchait sa pension et décédait, ce qui était bien commode.

De nos jours, les gens décèdent en moyenne dans la soixante-dizaine avancée, près de la quatre-vingtaine. On disait que l'âge ne devait pas passer à 67 ans, mais probablement à 74 ans.

Si l'on tient compte de ce qui se fait dans d'autres pays, comme l'Allemagne, l'Australie, les États-Unis et la France, qui font tous passer l'âge d'admissibilité à une pension à 67 ans, ne commettons-nous pas une terrible erreur en revenant à 65 ans?

M. Laurin : Je pense que c'est une erreur. C'est une erreur parce que les gens considèrent l'âge d'admissibilité à la Sécurité de la vieillesse comme l'âge normal de la retraite. Si l'âge d'admissibilité à la Sécurité de la vieillesse est de 65 ans, nous allons alors tous nous préparer à prendre notre retraite à l'âge de 65 ans; c'est un signal.

Dans son rapport, le Bureau de l'actuaire en chef affirme que 8 milliards de dollars pourraient être économisés chaque année en faisant passer l'âge de la retraite à 67 ans. De toute évidence, des économies sont réalisées, mais il y a quelque chose d'encore plus important à retenir. La retraite coûte cher. Si tout le monde prévoit prendre sa retraite à l'âge de 65 ans plutôt qu'à l'âge de 67 ans, elle devient beaucoup plus difficile à financer.

Or, ce n'est pas la réalité. Ce que nous voyons maintenant, c'est que cela commence déjà. L'âge moyen de la retraite au Canada a énormément augmenté. Les gens prennent maintenant leur retraite quatre ans plus tard qu'ils le faisaient dans les années 1990, et cette tendance se poursuivra. Nous devons donc adapter le régime de pension à cette réalité.

S'il y a un problème de pauvreté chez les aînés, il pourrait être réglé de manière beaucoup plus ciblée.

La sénatrice Eaton : Pouvez-vous nous donner un exemple de mesure ciblée?

M. Laurin : On pourrait faciliter l'accès au système d'aide sociale ou faire quelque chose de différent à cet égard. Je ne sais pas. Les décideurs sont vraiment brillants quand il s'agit de trouver des solutions à des problèmes ciblés.

La sénatrice Eaton : Je suis d'accord. Je digressais.

Puis-je vous poser une question concernant le fractionnement du revenu? Vous avez dit que lorsqu'une famille compte deux travailleurs à faible revenu, le deuxième travailleur est imposé à un taux très élevé. Était-ce une erreur de mettre fin au fractionnement du revenu ou à la possibilité que les gens y aient recours?

M. Laurin : C'est une question politisée.

La sénatrice Eaton : Donnez-moi tout simplement les faits.

M. Laurin : Je vais donner les faits.

En 2011, j'ai publié avec le professeur Kesselman une étude sur le fractionnement du revenu. Elle portait sur la proposition initiale du programme électoral des conservateurs de 2011.

La sénatrice Eaton : Donc, vous nous dites être en situation de conflit d'intérêts, n'est-ce pas?

M. Laurin : L'étude portait sur le fractionnement pur du revenu, et nous nous y sommes opposés pour un certain nombre de raisons. L'une des raisons était que cela incitait le second titulaire de revenus à ne pas intégrer le marché du travail. Une autre raison était que la structure du crédit d'impôt avantageait surtout les familles très bien nanties.

Pour résumer, la nouvelle proposition était très différente. L'allégement fiscal pour les familles n'est pas un fractionnement pur du revenu, car il s'agit maintenant d'un crédit et pas d'une déduction d'impôt, et c'est limité à 2 000 $. Ces changements règlent en majeure partie ce que nous reprochions à la proposition initiale. L'effet dissuasif qui incitait le second titulaire de revenus à ne pas travailler a pratiquement disparu étant donné qu'il peut dorénavant gagner jusqu'à 25 000 $ avant d'être imposé à un taux élevé. La forte concentration des avantages chez les gens qui gagnent le plus cher n'est plus aussi problématique compte tenu de la nouvelle limite de 2 000 $.

Il est beaucoup plus difficile de critiquer le nouvel allégement fiscal pour les familles de la même façon que nous avons critiqué la proposition initiale, mais il y a encore des problèmes qui y sont associés. C'est une dépense fiscale complexe. Nous ne souscrivons peut-être pas à l'objectif, qui est d'égaliser le fardeau fiscal des différents types de familles. Certains croient qu'il y a une inégalité horizontale. D'autres ne sont pas de cet avis. C'est plus subjectif.

Donc, d'une façon, ce qui reste, c'est un objectif très subjectif, à savoir l'équité horizontale en ce qui a trait à la capacité de payer, et les gens ne s'entendent pas là-dessus. Dans les faits, le crédit a surtout été éliminé parce qu'il coûtait très cher et que le gouvernement avait besoin d'argent pour mettre en œuvre l'Allocation canadienne aux enfants.

Le sénateur Lang : J'aimerais juste donner suite à la question de la sénatrice Eaton à propos de faire marche arrière en faisant passer l'âge de la retraite de 67 à 65 ans. Je pense que je vous ai bien entendu quand vous avez dit que les données démographiques changent radicalement et que l'âge de la retraite des Canadiens a augmenté de quatre ans. Dites-vous que la plupart des Canadiens prennent leur retraite à 69 ans plutôt qu'à 65 ans? Est-ce bien ce que vous avez affirmé?

M. Laurin : Non, car l'âge moyen de la retraite était plus près de 61 ou 62 ans, et il se rapproche maintenant de 65 ans, mais il augmente selon les projections.

Le sénateur Lang : C'est ce que je pensais.

J'aimerais maintenant aborder le sujet de la péréquation et des paiements de transfert aux provinces et aux territoires. Nous parlons du crédit pour enfants et des divers autres incitatifs fiscaux qui ont été mis en place. Avez- vous déjà fait une étude sur la façon dont cela a une incidence sur les paiements de péréquation aux territoires et aux provinces? Je crois comprendre que lorsqu'on fait ce genre de rajustements, ils ont dans certains cas une incidence sur les différentes formules employées pour les provinces. Il arrive parfois que ce soit attribuable à une conséquence inattendue du fait que l'argent ne soit pas versé aux provinces et se retrouve ailleurs. Vous pourriez peut-être formuler des observations à ce sujet.

M. Laurin : Si je comprends votre question, vous parlez de transferts aux personnes?

Le sénateur Lang : Ce que je demande, c'est s'il y a une conséquence imprévue indirecte sur les formules de péréquation utilisées pour les provinces et les territoires, et, par conséquent, un manque à gagner lorsqu'on prend l'argent et qu'on le remet à des personnes. Est-ce bien le cas?

M. Laurin : Non, je n'en étais pas conscient. La formule de péréquation s'appuie sur les différentes assiettes fiscales des provinces. Il est tout simplement question de répartir les paiements en fonction de la moyenne des assiettes fiscales. De toute façon, ces transferts ne sont pas des revenus imposables. Je n'étais pas conscient de cette conséquence.

Le président : C'est peut-être parce que le sénateur Lang a des liens avec les territoires du Nord, qui ont reçu un montant réduit. La réduction provient de Statistique Canada et de la façon dont le ministère s'est penché sur la formule des paiements de péréquation. Je pense que c'est cela le problème. Le gouvernement a effectué des rajustements, mais la question est précisément ce qui est à l'origine du problème. Quels changements Statistique Canada a-t-il apportés à la formule pour changer le montant d'argent remis aux territoires?

M. Laurin : Je ne suis pas un expert des transferts aux territoires. Je ne pourrais pas vraiment répondre à votre question.

Le sénateur Lang : Je tiens à préciser que le premier ministre du Yukon comparaîtra plus tard par vidéoconférence. On m'a dit que la prestation fiscale pour enfants a eu, pour une raison ou une autre, une incidence sur — je ne comprends pas parfaitement ces formules... Je ne sais pas vraiment qui les comprend. De toute façon, il y aura une sorte de manque à gagner considérable dans les transferts, et c'est la même chose pour ce qui est de la déduction pour habitants de régions éloignées. Il y a également une conséquence imprévue sur les transferts aux territoires.

Les paiements de transfert ont donc été touchés, et, dans une période de cinq ans, il y aura un manque à gagner de 100 millions de dollars pour les territoires si ces mesures restent en vigueur. Je me demandais de quelle façon les provinces étaient touchées, car le montant d'argent qui se trouve dans les coffres n'est pas inépuisable. Quand on y prend de l'argent, cela a une incidence ailleurs, ce qu'on pourrait qualifier de conséquence imprévue. C'est peut-être une question sur laquelle vous voudrez vous pencher.

Le président : Nous allons poursuivre avec le sénateur Mitchell.

Le sénateur Mitchell : En fait, j'aimerais poser une multitude de questions. Je m'intéresse à vos observations sur les marchés du capital de risque, et je comprends la question des fonds de travailleurs. Vous avez tous les deux mis l'accent sur la recherche et le développement. Il me semble que c'est là-dessus que devrait être axée la promotion des entreprises. Pourquoi devrait-il en être ainsi? Ce ne sont pas toutes les entreprises qui se consacrent à la mise au point de technologies, certainement pas dans ma province, l'Alberta, où nous mettons évidemment au point certains types de technologie, mais pas dans toutes les petites entreprises.

Deuxièmement, les petites entreprises n'ont-elles pas des problèmes que les grandes entreprises n'ont pas? Je comprends que vous vouliez qu'elles prennent de l'expansion, mais elles ont des problèmes de financement et d'accès aux marchés, de la difficulté à attirer le genre de personnes qualifiées dont elles ont besoin pour mener des activités à plus grande échelle, ainsi que des problèmes de mise en marché, ce genre de choses.

M. Cumming : Oui, je conviens que les petites entreprises sont aux prises avec ces problèmes, mais la solution à ces problèmes ne passe certainement pas par ces stratagèmes qui font en sorte que l'argent est mal investi et qui n'aident pas. Lorsqu'on regarde les différents indicateurs économiques qui portent sur les petites entreprises qui, par l'entremise d'un de ces stratagèmes exploratoires, se procurent du capital de risque sous forme de transferts fiscaux, on constate que les résultats sont bien pires en moyenne que si l'entreprise n'avait pas recouru à ces stratagèmes.

Donc, dans le cas précis du capital de risque, les investisseurs sont censés être des investisseurs actifs à valeur ajoutée qui non seulement exercent une diligence raisonnable avant d'investir, mais qui offrent aussi des conseils financiers et stratégiques ainsi que des conseils en matière de ressources humaines. Ils proposent des régimes d'options d'achat d'actions et font des choses qui aident les petites entreprises à prendre de l'expansion. C'est souvent ainsi dans les industries de haute technologie, mais il arrive parfois que les fonds de capital de risque et les fonds de capital- investissement investissent aussi dans d'autres industries.

Le gestionnaire de fonds de travailleurs type a un énorme portefeuille, et il n'a donc tout simplement pas le temps d'accorder l'attention nécessaire à la croissance des entreprises dans lesquelles il investit, des petites aux grandes. La taille du portefeuille, selon le fonds concerné, peut être deux, trois ou parfois dix fois plus grande que la taille du portefeuille d'un fonds ordinaire de capital de risque, ce qui signifie que la répartition de l'intention est complètement faussée, ce qui est un effet direct du stratagème fiscal. Le temps dont on dispose n'est pas bien réparti.

Les résultats sont extrêmement inefficaces et insuffisants, non seulement pour ce qui est de la création d'innovations brevetées, mais aussi pour autres choses qui tiennent à cœur aux investisseurs, comme la création d'entreprises qui finiront par être achetées ou cotées en bourse, ce qui est beaucoup moins susceptible de se produire à l'aide d'un de ces stratagèmes fiscaux. Il est regrettable de dépenser de l'argent là-dessus.

L'Alberta a bien fait de ne pas avoir eu recours à ce stratagème, comme une seule autre province — Terre-Neuve —, et il est regrettable que l'on envisage de le rétablir à l'échelle fédérale.

Le sénateur Mitchell : L'Alberta et Terre-Neuve éprouvent maintenant des difficultés économiques plutôt graves, qui ne sont pas liées à cela.

Que feriez-vous? Vous ne dites pas que vous accorderiez des crédits d'impôt aux grandes entreprises pour inciter les gens à leur faire prendre de l'expansion. Dites-vous qu'il devrait n'y avoir aucun stratagème ou que nous devrions réduire les impôts de manière générale? Est-ce que tout le monde devrait bénéficier d'impôts moins élevés? Je comprends ce que vous dites au sujet des fonds de travailleurs qui ne fonctionnent pas.

M. Cumming : Si vous voulez mettre en place d'autres programmes d'investissement, vous pourriez procéder comme l'a fait l'Ontario, par exemple, au moyen d'une société en commandite, ce qui a fonctionné dans d'autres pays.

Si vous voulez passer par le régime fiscal, les incitatifs fiscaux qui encouragent les entreprises à demeurer petites ne sont pas la bonne façon de procéder. C'est ce que nous a appris l'étude menée dernièrement par le FMI — pour ne nommer que celle-là —, mais vous pourriez mettre sur pied d'autres programmes destinés aux jeunes entreprises ou aux entreprises en démarrage.

De façon plus générale, nous savons que le taux des entreprises en démarrage est beaucoup plus faible lorsque les taux sont généralement plus élevés, mais le régime fiscal offre d'autres moyens d'encourager les gens à faire croître leurs entreprises plutôt qu'à maintenir leur petite taille.

Il est étrange que les actions accréditives et le crédit d'impôt relatif aux SCRT figurent sur notre liste, car il y a une mesure qui n'y figure pas et dont on n'a pas parlé — peut-être parce qu'elle est très politisée —, à savoir les taux marginaux d'imposition plus élevés des fourchettes supérieures.

Je me contenterai de dire strictement ce que l'on trouve dans les études menées par des universitaires qui ne sont aucunement concernés. À titre d'exemple, dans un article récent publié dans l'American Economic Review par des professeurs de l'Université Harvard, il est estimé que la hausse des taux marginaux d'imposition les plus élevés est proportionnelle à la réduction subséquente du PIB réel. Donc, une hausse d'un point de pourcentage des taux marginaux d'imposition les plus élevés donne lieu, au bas mot, à une réduction d'un point de pourcentage du PIB réel dans les années à venir. Ce multiplicateur, selon ce qui est pris en considération, peut parfois même être plus élevé et atteindre deux ou trois points de pourcentage.

La Brookings Institution a également publié un article à ce sujet. Elle s'est penchée sur la question parce que ces choses ont une incidence directe sur les économies, les investissements et la main-d'œuvre. Si nous combinons cette politique aux autres politiques exécutées par l'entremise de fonds de travailleurs et d'actions accréditives, cela revient à multiplier le tort causé; vous payez donc ces politiques coûteuses au moyen d'une autre politique qui n'est pas nécessairement efficace.

Curieusement, c'est également lié à d'autres questions associées à l'épargne en vue de la retraite et à l'âge de 65 ans pour être admissible à la Sécurité de la vieillesse. Ces questions sont étroitement liées.

La sénatrice Marshall : Je voulais parler du taux d'imposition des petites entreprises. Depuis quelques années, les gens disent que les petites entreprises sont le moteur de l'économie, et il semble que les grandes entreprises aient mauvaise réputation.

Ce que vous aviez à dire à propos des taux d'imposition m'a beaucoup intéressée. Il semble que le gouvernement fasse une bonne chose en ne diminuant pas davantage le taux d'imposition des petites entreprises. Est-ce la conclusion qu'il faut tirer?

M. Cumming : Le problème avec le taux d'imposition des petites entreprises, c'est qu'un simple écart de quatre points de pourcentage par tranche de 500 000 $ de revenu donne un montant de 20 000 $. L'avantage offert à une entreprise n'est pas si considérable, et, comme Alexandre l'a souligné, les organisations qui en profitent, comme les ordres professionnels qui sont destinés à demeurer petits, n'ont peut-être pas nécessairement besoin de ce genre d'avantage.

C'est un programme coûteux dont la portée peut être jugée trop inclusive lorsqu'on connaît les organisations que vous voulez aider et que l'on constate que cela encourage certaines de ces organisations à ne pas prendre d'expansion. Il y a donc un incitatif artificiel à demeurer en deçà du seuil.

Si vous voulez encourager des choses comme la recherche et le développement ou les gens qui démarrent des entreprises, vous pouvez recourir à d'autres programmes fiscaux. L'article récent du Fonds monétaire international, dans lequel sont examinés les programmes de ce genre partout dans le monde pour déterminer lesquels sont bons et lesquels sont mauvais, souligne certains de ces programmes. Dans cette étude, ce qu'on retient du Canada, c'est que le crédit d'impôt pour les petites entreprises n'a absolument aucun sens.

Ce n'est pas comme si nous ne voulions pas aider les petites entreprises; nous voulons les aider avec un programme qui coûtera moins cher aux contribuables et qui donnera les résultats économiques que nous essayons d'obtenir.

La sénatrice Marshall : Est-il vrai que les petites entreprises sont le moteur de l'économie? Qu'en est-il selon les données?

M. Cumming : Toutes les grandes entreprises ont déjà été petites. Des entreprises comme Google ou Apple, toutes ces entreprises célèbres, étaient petites au départ. Ce que nous espérons, c'est que les petites entreprises deviennent grandes et prospères. Nous ne voulons pas d'obstacles qui pourraient nuire à leur croissance, et l'un de ces obstacles au pays fait partie intégrante du régime fiscal. Nous voulons plutôt encourager ces entreprises à devenir grandes et prospères.

Il y a beaucoup d'innovation et d'« intrapreneuriat » au sein des grandes organisations. Une fois de plus, l'idée de base est que le régime fiscal devrait encourager la croissance et décourager les entreprises de petite taille à demeurer ainsi.

La sénatrice Andreychuk : Je siège à un autre comité qui examine des moyens d'encourager les PME à mener des activités à l'échelle internationale. Leurs représentants ne parlent jamais du régime fiscal comme étant positif ou négatif. Ce qu'ils disent, c'est qu'il y a trop d'obstacles à la croissance. C'est différent lorsqu'on fabrique un gadget que l'on s'arrache soudainement dans le monde entier. C'est ce que j'entends par croissance.

Ils ont notamment dit que les petites entreprises qui cherchent à soutenir un mode de vie ne prennent pas vraiment d'expansion. Eh bien, c'est là que se trouvent les femmes, et leurs activités gagnent en importance. Il s'agit de bijouteries et de centres de yoga, de choses uniques et innovatrices, et les propriétaires de ces entreprises nous disent qu'ils ne peuvent pas prendre d'expansion compte tenu du nombre trop élevé d'obstacles, notamment en matière de réglementation. Ils ne peuvent pas consacrer suffisamment de temps à leurs petites entreprises à défaut d'avoir les ressources nécessaires. Ils doivent trouver d'autres ressources pour prendre de l'expansion.

Tout le monde parle d'innovation, et ils nous disent que nous ne les aidons pas à innover. Ils ne disent pas grand- chose au sujet du taux d'imposition.

M. Laurin : Le taux d'imposition des petites entreprises est une mesure extrêmement vaste. Elle n'est aucunement ciblée et vise toutes les petites entreprises. Nous savons que certaines entreprises de petite taille ne cherchent pas à prendre de l'expansion; nous le savons. Certaines personnes utilisent même le taux d'imposition des petites entreprises comme un instrument de planification fiscale; nous sommes également au courant de cette pratique.

C'est un crédit d'impôt très coûteux. Nous savons également que les grandes entreprises produisent davantage. Nos dernières études ont montré que cette mesure vaste et coûteuse est inefficace sur le plan économique, car l'avantage fiscal qu'elle procure — dont la portée est beaucoup trop vaste — cause plus de tort que de bien en étant financé par la hausse du taux d'imposition d'autres entreprises qui produisent davantage. Le crédit d'impôt devrait donc cibler davantage les entreprises qui veulent vraiment prendre de l'expansion.

Le président : Merci. Je regrette de devoir mettre un terme à la discussion, car il y a beaucoup d'autres questions que nous voudrions vous poser. Nous vous remercions de votre participation, messieurs. C'est très aimable de votre part, et nous avons hâte de vous revoir.

Je souhaite la bienvenue au premier ministre du Yukon, l'honorable Darrell Pasloski.

Bonjour, monsieur. Comment allez-vous?

L'honorable Darrell Pasloski, premier ministre du Yukon : Bonjour, monsieur le sénateur. C'est un plaisir de vous entendre. Je ne vous vois pas à l'écran, mais je vous entends très bien.

Le président : L'avant-midi a été intéressant jusqu'à maintenant, et nous avons passé les dernières semaines à examiner différents éléments du budget. Nous avons pris connaissance, non seulement par l'entremise des médias, mais aussi grâce au sénateur Dan Lang, de difficultés auxquelles vous êtes confronté.

Voulez-vous commencer par une déclaration liminaire? Combien de temps pouvez-vous nous donner, monsieur?

M. Pasloski : Environ 20 minutes.

Le président : Est-ce bien? Parfait. Si vous voulez commencer, je vous prie de prendre la parole.

M. Pasloski : Bonjour à tous. Je vous remercie de m'avoir présenté, sénateur Smith, et je remercie tous les sénateurs de me donner l'occasion de témoigner. C'est avec beaucoup de plaisir que je me joins à vous ce matin; je suis ravi de comparaître devant le comité sénatorial des finances.

Comme vous le savez tous, le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest sont dans une position unique par rapport à leurs voisins provinciaux, notamment sur le plan économique.

En tant que premier ministre et ministre des Finances, je suis fier de la façon dont notre gouvernement a investi dans nos citoyens et notre territoire malgré les difficultés auxquelles nous faisons face. De nos jours, les Yukonais jouissent vraiment d'une qualité de vie exceptionnelle. De toute évidence, c'est surtout attribuable à leur travail acharné, mais notre gouvernement a également un rôle à jouer.

En avril, j'ai eu le plaisir de présenter notre budget. J'aimerais vous présenter brièvement quelques-unes de nos réussites, et je serai heureux d'en discuter plus en détail pendant les séries de questions qui suivront.

Notre gouvernement appuie les Yukonnais en investissant dans les secteurs où les besoins sont les plus criants, ce qui est avantageux pour l'ensemble de notre économie. Notre budget témoigne de notre engagement à l'égard du bien-être personnel de chaque habitant du Yukon; nous avons investi dans les soins de santé, l'éducation et les infrastructures, en plus d'appuyer les entreprises locales. Nous avons investi dans le secteur de l'environnement et des énergies propres. Nous avons réduit l'empreinte environnementale du Yukon tout en appuyant la création d'emplois grâce à divers investissements, comme ceux consentis pour d'importantes modernisations écoénergétiques.

En ce qui concerne l'exercice 2016-2017, nous sommes fiers de dire que non seulement nous aurons un surplus, mais que nous n'aurons absolument aucune dette nette. Plus important encore, peut-être, nous l'avons fait tout en maintenant des impôts bas pour les contribuables du Yukon.

Ces réalisations ont un fil conducteur : la responsabilité financière. Cette responsabilité financière favorise la stabilité financière, ce qui permet au gouvernement de prendre de meilleures décisions en matière de politiques et d'investissements financiers.

Ces réussites ainsi que la stabilité économique dont nous profitons année après année découlent notamment de notre partenariat continu avec le gouvernement fédéral. La déduction pour les habitants de régions éloignées et les transferts de la formule de financement des territoires — la FFT — versés au Yukon comptent parmi les arrangements qui nous ont aidés à mieux servir les Yukonnais.

Nous misons sur la stabilité et la coopération entre le gouvernement fédéral et les gouvernements territoriaux pour prendre des décisions éclairées et réfléchies. Cette stabilité permet au gouvernement du Yukon de planifier et de prendre des décisions budgétaires éclairées avantageuses pour les Yukonnais, et c'est là-dessus que je vais me concentrer pendant le temps qui me reste.

J'aimerais d'abord parler de la déduction pour les habitants de régions éloignées. Dans le budget fédéral, la déduction pour les habitants de régions éloignées a été augmentée de façon importante, passant de 8,25 $ à 11 $ par jour. La déduction offerte lorsqu'une seule personne d'un ménage en fait la demande est plus élevée; elle est passée de 16,50 $ à 22 $ par jour.

Nous sommes évidemment très favorables à ces changements, car on permet aux Yukonnais de conserver une plus grande partie de l'argent qu'ils ont durement gagné. De plus, ces changements démontrent que le gouvernement reconnaît les difficultés propres aux régions nordiques. On estime que cet ajustement permettra aux contribuables yukonnais d'économiser environ 6,3 millions de dollars annuellement. Il est toutefois facile de négliger certaines subtilités; dans les faits, ces changements se traduisent par un passage à ce qu'on appelle l'assiette fiscale commune.

Les changements apportés par le fédéral à l'assiette fiscale commune, en particulier par rapport à ce qu'on pourrait considérer comme des revenus imposables, ont un effet direct sur toutes les provinces et tous les territoires.

Dans notre cas, près de 2 millions de dollars des 6,3 millions de dollars économisés par l'intermédiaire de la déduction pour les habitants de régions éloignées offertes aux contribuables yukonnais proviendront du trésor public du Yukon. Étant donné l'incidence directe de ces changements sur la situation financière du Yukon, le fédéral aurait dû entreprendre une consultation et un dialogue avec son partenaire territorial. Non seulement cela aurait été bien accueilli, mais c'était la chose à faire, à mon avis. Le dialogue est la pierre angulaire de la collaboration, et c'est grâce à cette collaboration qu'on obtient des résultats pour les citoyens. Et, évidemment, les bons résultats contribuent à la grande qualité de vie des personnes que nous servons.

Le même problème se pose dans le cas des changements apportés à la formule de financement des territoires. Notre gouvernement se fait un devoir d'offrir aux habitants du territoire une stabilité et des services, année après année. Les transferts fédéraux nous aident à offrir cette stabilité.

Comme vous le savez, les changements apportés pour le calcul de la formule de financement des territoires ont eu lieu cette année. Nous avons fait part de nos préoccupations au sujet de l'ampleur des changements au ministre Morneau, et il a été décevant de constater que malgré cela, on n'a fait que des concessions partielles pour atténuer les répercussions. Bien qu'il s'agisse d'une rupture fondamentale par rapport à la collaboration que nous avions habituellement avec le gouvernement fédéral, nous comprenons que c'est la réalité. Nous nous sommes adaptés en conséquence.

Notre gouvernement a fait des efforts considérables pour assainir ses finances, ce qui nous a permis d'absorber les répercussions de ces changements unilatéraux et de gérer les finances du territoire de façon à avoir un surplus. Il est toutefois juste de dire que cette approche est loin d'être idéale. Cela dit, une des principales raisons pour lesquelles notre gouvernement a su prendre des décisions économiques cohérentes, c'est son engagement à collaborer avec son partenaire fédéral. Nous sommes évidemment déterminés à maintenir cette collaboration.

Nous considérons que les discussions actuelles que nous avons avec le gouvernement fédéral concernant de possibles investissements en infrastructures représentent une occasion d'améliorer cette collaboration et d'obtenir des résultats importants pour la population du Yukon.

Je sais pertinemment que le gouvernement du Yukon et le gouvernement fédéral conviennent que les infrastructures peuvent avoir une incidence positive sur l'environnement et l'économie, et sur la vie de monsieur et madame Tout-le- monde. Je suis convaincu que nous tirerons des leçons de nos expériences passées et que nous pourrons travailler ensemble pour investir de façon importante dans les infrastructures. Ce sera avantageux non seulement pour les citoyens du Yukon, mais pour tous les Canadiens d'un océan à l'autre.

Je suis maintenant prêt à répondre aux questions des membres du comité.

Le président : Merci, monsieur le premier ministre.

Le sénateur Lang : Merci. Soyez le bienvenu. Je sais que vous êtes en déplacement et que vous avez pris le temps de témoigner au comité malgré votre horaire chargé.

Il y a quelques semaines, le comité a accueilli divers témoins qui ont répondu à des questions sur les paiements de transfert aux territoires. J'aimerais citer M. McGirr, qui a dit ceci au sujet des réactions aux modifications, malgré les compressions importantes des paiements de transfert : « En gros, elles sont positives. » Puis, il a ajouté ce qui suit :

[...] le premier ministre du Yukon semblait un peu contrarié le jour de l'annonce, mais depuis, nous n'avons entendu aucune plainte. J'en conclus que les territoires voient les modifications de façon positive.

Monsieur le premier ministre, j'aimerais avoir vos commentaires sur cette affirmation. J'aimerais aussi savoir quel sera le manque à gagner pour le Yukon cette année en raison des changements qui ont été apportés. Aimeriez-vous également faire des commentaires dans les deux autres territoires? Si ces modifications demeurent en vigueur, quel sera le manque à gagner pour les cinq prochaines années?

M. Pasloski : Merci, sénateur. Je dois dire que la déclaration faite par le fonctionnaire il y a quelques semaines était inexacte. Dès que nous avons pris connaissance des modifications à la FFT, nous avons entrepris un dialogue avec le gouvernement fédéral, en particulier avec le ministre fédéral. C'est à ce moment-là que nous avons appris que les transferts annuels de 23 millions de dollars étaient réduits de 6,5 millions de dollars.

Suis-je heureux de la situation? Non. Je crois fermement aux principes de la FFT, parmi lesquels on trouve notamment la stabilité et la prévisibilité. Je sais que lorsque des modifications techniques ont été apportées à la FFT dans le passé, le gouvernement fédéral avait l'habitude de nous consulter au préalable.

À mon avis, nous avons réussi à maintenir un surplus en raison de la solidité des finances publiques du territoire, malgré le manque à gagner de 6,5 millions de dollars. Nous considérons toutefois que cette affirmation était inexacte. En fait, je réclame toujours le rétablissement de financement initial, conformément à l'entente sur la FFT.

On estime que cela pourrait représenter une perte se situant entre 30 et 35 millions de dollars pour le gouvernement pour les cinq prochaines années, ce qui est une somme importante pour un petit territoire comme le nôtre.

Je ne peux pas vraiment faire de commentaires au sujet des deux autres territoires. Je sais qu'ils n'ont pas réussi non plus à obtenir le plein rétablissement du financement de la FFT. J'ai pris connaissance de certaines discussions qui ont lieu actuellement dans les Territoires du Nord-Ouest, où un gel salarial a été imposé à la fonction publique, je crois. On envisage aussi des réductions liées aux programmes en raison de la situation, mais je ne peux en dire plus à ce sujet.

Le sénateur Lang : D'autres aspects ont une incidence sur les paiements de transfert. Vous pourriez peut-être présenter vos observations sur les nouvelles déductions de frais de garde d'enfants et nous dire quel effet cela aura sur les transferts au gouvernement du Yukon. J'aimerais aussi avoir vos commentaires, s'il vous plaît, sur le montant de la déduction pour les habitants de régions éloignées. Troisièmement, seriez-vous favorables à ce que le comité recommande que le gouvernement reprenne les négociations et qu'il redonne aux gouvernements du Yukon et des autres territoires les sommes qu'ils ont perdues?

Le président : Monsieur le premier ministre, nous vous avons démasqué; on dirait que vous avez été un adepte de sports de contact, car vous vouliez prendre en note toutes ces questions. Avez-vous reçu beaucoup de coups à la tête lorsque vous étiez jeune?

M. Pasloski : J'aurais aimé avoir l'occasion de jouer plus souvent au football. J'avais probablement le physique de l'emploi, mais je n'en ai jamais eu l'occasion. Cela aurait été très amusant.

En ce qui concerne votre dernière question, je suis certainement favorable à une recommandation visant à inviter le gouvernement fédéral à reprendre les discussions avec les territoires. Nous avons un accord de cinq ans, nous en sommes actuellement à la troisième année. J'ai déjà indiqué au ministre que ces modifications auraient dû être étudiées avant d'entreprendre les discussions sur un nouvel accord de cinq ans.

Comme je l'ai indiqué, le gouvernement fédéral avait l'habitude, dans le passé, de regrouper les territoires pour tout changement découlant de modifications techniques à la FFT.

Quant à l'Allocation canadienne pour enfants, elle aura certes une incidence, car si nous offrons désormais aux particuliers des prestations non imposables plus élevées, cela entraînera une baisse de leur revenu net. Dans le cas des gens qui reçoivent des prestations d'aide sociale ou qui pourraient en recevoir, cela pourrait avoir une incidence sur les coûts potentiels pour le gouvernement territorial.

Nous travaillons actuellement en étroite collaboration avec les fonctionnaires fédéraux afin d'avoir une compréhension exhaustive de l'incidence de l'Allocation canadienne pour enfants. Le gouvernement fédéral nous a accordé du temps pour examiner ces questions avec les fonctionnaires. Nous avons hâte de participer à ces discussions.

La sénatrice Eaton : Merci beaucoup.

Selon vous, les pertes associées à la FFT sont-elles compensées par l'augmentation des sommes versées aux habitants du Nord et par les augmentations successives de 11 $ à 16 $, puis de 16 $ à 20 $? Autrement dit, croyez-vous que donner plus d'argent directement aux contribuables compense les pertes du gouvernement territorial?

M. Pasloski : Non.

La sénatrice Eaton : Je pose simplement la question. Je ne suis ni d'accord ni en désaccord.

M. Pasloski : Je pourrais vous donner des exemples, comme les soins de santé. Redonner de l'argent directement aux Yukonnais — une mesure à laquelle nous sommes favorables — ne nous aide aucunement pour l'avancement de nos priorités ou celles de la population en matière de soins de santé et d'éducation.

Le gouvernement du Yukon n'a pas augmenté les taxes et impôts, mais redonner de l'argent directement à la population constitue une reconnaissance des coûts plus élevés et des difficultés propres aux régions nordiques. Nous avons cependant un accord qui est en place depuis de nombreuses années, la FFT, qui est fondée sur les principes de prévisibilité et de stabilité. La réduction de ces transferts complique la tâche du gouvernement pour la prestation de programmes et de services auxquels les Yukonnais s'attendent et auxquels ils devraient avoir accès.

La sénatrice Eaton : Je comprends. Selon nos documents, cela découle d'une révision des données du secteur public dans les Comptes macroéconomiques de Statistique Canada. Serait-ce lié d'une façon ou d'une autre à des questions démographiques? Y a-t-il eu des changements démographiques? La population du Nord a-t-elle diminué?

M. Pasloski : Non; la population est en croissance depuis un certain nombre d'années. Je crois comprendre que le changement de méthodologie pour ces données découle de l'utilisation de données nationales ce qui a une incidence sur les territoires. Je répète que lorsque des modifications techniques ont été apportées à la FFT dans le passé, le gouvernement s'assurait toujours de regrouper les territoires, et cela n'entraînait aucune sanction financière.

La sénatrice Eaton : Merci, monsieur le premier ministre.

Le sénateur Lang : Le montant des transferts a été réduit de 6 millions de dollars, et il y a peut-être un ajustement de 6 millions de dollars relativement à la déduction pour les habitants de régions éloignées. Dans les négociations avec le gouvernement du Yukon, on n'avait pas laissé entendre qu'on réduirait les paiements de transfert pour financer un autre programme du gouvernement fédéral. Je ne crois pas qu'il soit juste d'y aller d'une telle affirmation. Monsieur le premier ministre, vous avez peut-être un commentaire à faire à ce sujet.

M. Pasloski : Je suis d'accord avec vous sur ce point, sénateur. Comme je l'ai indiqué dans mon exposé, le problème est partiellement lié à la façon dont on a pris connaissance des changements. Nous avons été avisés des modifications à la FFT au début du mois de décembre, et on nous a indiqué que les modifications entreraient en vigueur à compter du 1er avril pour l'exercice de 2016-2017, et que nous recevrions 23 millions de dollars de moins que prévu dans le cadre de la FFT.

Je pense que cela reflète l'excellente gestion financière de notre gouvernement. Je suis très reconnaissant du travail effectué par le ministre Morneau pour réduire de 23 millions de dollars à 6,5 millions de dollars la baisse des transferts prévus.

Comme je l'ai aussi indiqué, je suis encouragé par la mise en œuvre de programmes d'investissements dans les infrastructures, auxquels je suis très favorable. Le gouvernement du Yukon et le gouvernement fédéral en reconnaissent l'importance pour le Canada et en particulier pour le Nord. Ces emplois favoriseront la création d'emplois à court terme, ce à quoi je suis très favorable, et nous permettront également de mettre en place les infrastructures essentielles dont nous avons besoin à long terme pour que ce territoire devienne un jour, selon la vision que j'en ai, un contributeur net à l'économie canadienne.

Le président : A-t-on le temps de vous poser une dernière question, monsieur?

M. Pasloski : Oui.

Le président : Après la réponse, pourriez-vous nous donner un résumé, en 30 secondes? Quel message voulez-vous que nous retenions aujourd'hui? Vous pourriez le faire après la question de la sénatrice Marshall.

La sénatrice Marshall : Quel est le budget du Yukon? Vous avez indiqué que vous prévoyez un surplus cette année; ai-je bien compris?

M. Pasloski : Notre budget total pour l'exercice actuel se situe entre 1,3 milliard et 1,4 milliard de dollars. Dans le budget que nous avons déposé, nous prévoyons un surplus d'environ 9,5 millions de dollars.

Nous avons prévu un surplus modeste dans chacun des budgets que nous avons présentés au cours de notre mandat actuel, et nous avons enregistré un surplus à la fin de chaque exercice. Nous sommes aussi en position avantageuse actuellement, car nous avons des ressources financières nettes. En fait, nous avons des réserves modestes.

La sénatrice Marshall : Je dirais donc que les compressions auxquelles vous êtes aux prises sont probablement comparables à celles des autres provinces et territoires. C'est du moins l'impression que cela me donne.

M. Pasloski : Je pense que pour une province, un montant de 6,5 millions de dollars n'a pas autant d'importance que cela peut avoir pour les territoires ayant un budget beaucoup plus petit. Vous avez raison. Je pense que notre situation financière nous a permis d'absorber cette réduction et d'enregistrer malgré tout un modeste surplus. Nous avons toutefois été obligés de prendre des décisions difficiles pour obtenir un surplus pour l'exercice en cours.

La sénatrice Marshall : Peu importe le budget, 6,5 millions de dollars représentent quand même une grosse somme.

M. Pasloski : Je suis d'accord.

La sénatrice Marshall : Je vous remercie.

Le président : Pouvez-vous résumer en 30 secondes le message que vous voulez que nous retenions aujourd'hui?

M. Pasloski : Tout d'abord, monsieur le président, je tiens à vous remercier de m'avoir donné la possibilité de discuter avec les membres du comité.

En conclusion, je dirais que la collaboration et la coordination entre nos gouvernements sont essentielles. Nous avons les mêmes priorités dans de nombreux secteurs, notamment pour ce qui est des infrastructures, comme je l'ai mentionné.

Cependant, ce que j'aimerais que vous reteniez, c'est que la formule de financement des territoires, ou FFT, est une entente avec le gouvernement fédéral qui existe depuis plusieurs années. J'invite le comité à exhorter le gouvernement à reprendre les négociations pour s'assurer que les changements apportés à la FFT n'aient pas d'incidence sur les sommes d'argent que nous devons obtenir en fonction de cette formule. La stabilité et la prévisibilité sont deux principes fondamentaux de l'entente sur la FFT. Sans elles, un petit gouvernement comme le nôtre peut difficilement faire face à des situations imprévisibles tout en continuant à offrir les programmes et les services auxquels les habitants du Yukon accordent une grande importance.

Le président : Nous vous remercions du temps que vous nous avez consacré, monsieur le premier ministre. Nous vous en sommes reconnaissants et vous souhaitons une excellente journée.

M. Pasloski : Tout le plaisir a été pour moi. Merci beaucoup.

Le président : Chers collègues, je voudrais souhaiter la bienvenue à notre troisième témoin de la journée. Il s'agit de Monique Moreau, directrice des Affaires nationales à la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante.

Souhaitez-vous faire une déclaration préliminaire?

Monique Moreau, directrice, Affaires nationales, Fédération canadienne de l'entreprise indépendante : Oui. Merci, monsieur le président.

Je vous remercie de me donner l'occasion de vous faire part du point de vue de la FCEI sur la loi d'exécution du budget, le projet de loi C-15. Vous devriez avoir devant vous une présentation que j'aimerais passer en revue au cours des prochaines minutes. Si vous avez la présentation qui contient les commentaires et non celle en couleur qui occupe toute la page, vous n'avez probablement pas la version la plus récente. Je tiens à le signaler au président.

La FCEI est un organisme non partisan sans but lucratif qui représente plus de 109 000 petites et moyennes entreprises de tout le Canada. Ensemble, elles emploient plus de 1,25 million de Canadiens et contribuent au PIB à hauteur de 75 milliards de dollars, soit près de la moitié de celui-ci. Nos membres sont présents dans tous les secteurs de l'économie et toutes les régions du pays.

Les PME canadiennes emploient globalement 70 p. 100 des Canadiens qui travaillent dans le secteur privé et ce sont elles qui créent la majeure partie des nouveaux emplois. Aborder les enjeux qui sont importants pour elles peut avoir un effet généralisé sur la création d'emploi et sur l'économie.

Notre organisme effectue des recherches par sondages. L'un de ces sondages, qui est intitulé « Baromètre des affaires », devrait se trouver dans la trousse que vous avez reçue. Notre dernier baromètre, qui date du mois de mai, a révélé une confiance modérée des petites entreprises, qui se situe à 58,2 p. 100 ou a baissé d'un point par rapport au baromètre du mois d'avril. Idéalement, quand l'économie est en période de croissance optimale, ce pourcentage se situe entre 65 et 70 p. 100. Il est essentiel de mettre en place dès maintenant des mesures qui peuvent contribuer à renforcer la confiance des petites entreprises pour donner un coup de fouet à l'économie.

En ce qui concerne la diapositive 4, je voudrais parler dès le départ du mythe qui représente les propriétaires de petites entreprises comme des gens très riches qui cachent de l'argent sous leur matelas. Tous ceux qui ont de l'expérience dans de petites entreprises vous diront à quel point il est difficile de survivre, surtout pendant les premières années.

Pour réfuter cette idée, nous présentons les données du dernier recensement des ménages qui montrent le salaire des employés par rapport au revenu des entreprises constituées en société ou des employeurs. Vous remarquerez que j'ai tracé une ligne à la hauteur de 80 000 $ à 99 000 $. À gauche de cette ligne, vous constaterez que la grande majorité des employés gagnent plus que leur employeur. Ce graphique nous permet de rappeler aux décideurs que les propriétaires de petites entreprises font eux aussi partie de la classe moyenne.

Pour donner un coup de fouet à l'économie, le gouvernement doit contribuer à donner confiance aux entreprises. Comment fait-on pour inspirer cette confiance? Il faut aborder les enjeux auxquels les petites entreprises accordent le plus d'importance. Comme le montre la diapositive 5, leurs principales préoccupations sont le fardeau fiscal global, suivi par la dette et le déficit publics. Près de la moitié de nos membres s'inquiètent également du coût de l'assurance- emploi.

Nous demandons aussi à nos membres quels sont les meilleurs moyens que pourrait utiliser le gouvernement pour les aider à prendre de l'expansion. À la diapositive 6, vous constaterez que la grande majorité de nos membres, soit 83 p. 100 d'entre eux, ont indiqué que le meilleur moyen d'améliorer le rendement de leur entreprise serait de réduire le taux d'imposition du revenu des petites entreprises, suivi par la diminution du taux de cotisations à l'AE et au RPC, dont je parlerai dans quelques instants. Nous estimons qu'il existe de bonnes raisons pour réduire le taux d'imposition des petites entreprises, car cela contribue à éponger certains coûts accrus que doivent assumer les petites compagnies.

Étant donné que plus des trois quarts de nos membres ont désigné le fardeau fiscal global comme une préoccupation et que 82 p. 100 d'entre eux ont déclaré qu'une diminution du taux d'imposition des petites entreprises les aiderait, les sénateurs ne doivent pas s'étonner que le milieu des PME soit très déçu de la décision prise dans le budget de 2016 de reporter la réduction du taux d'imposition des petites entreprises.

Aujourd'hui, notre grande priorité consiste à vous demander de veiller à ce que la réduction prévue du taux d'imposition des petites entreprises demeure en place. C'était l'une des promesses électorales du premier ministre et, par ailleurs, de tous les chefs de parti avant les élections.

Ceux qui s'opposent à une réduction du taux d'imposition des petites entreprises soutiennent que le seuil des 500 000 $ est un obstacle à la croissance. Dans le graphique qui figure à la diapositive 8, qui est fondé sur des données du ministère des Finances, vous verrez que très peu d'entreprises gravitent autour de ce seuil et même que certaines le franchissent.

Nos membres ont également été surpris par l'annonce, dans le budget de 2016, de l'annulation de l'examen du revenu tiré d'une entreprise exploitée activement par rapport au passif, tel qu'indiqué à la diapositive 9. Cela constitue un problème pour nos petits entrepreneurs qui exploitent des terrains de camping ou des installations d'entreposage libre-service. La loi est conçue de façon à ce qu'une personne qui travaille à temps plein, et qui loue peut-être quelques appartements en parallèle, paie sa juste part d'impôt sur le revenu passif tiré de la location.

Il y a toutefois des entreprises légitimes qui se trouvent prises dans les filets de cette loi désuète tout simplement parce qu'elles ont cinq employés ou moins. Il peut s'agir par exemple d'une entreprise familiale où les deux conjoints travaillent ensemble. Par conséquent, ces entreprises font l'objet de vérifications occasionnelles qui leur coûtent des dizaines de milliers de dollars, ce qui les oblige à mettre fin à leurs activités.

J'ai dit plus tôt que la fiscalité est un enjeu prioritaire pour nos membres. Nous leur avons demandé de décomposer le fardeau fiscal global, et vous constaterez à la diapositive 10 que les charges sociales représentent le fardeau le plus lourd pour 74 p. 100 de nos membres, soit près des trois quarts d'entre eux. Je vais maintenant m'attarder à l'assurance-emploi.

J'aimerais attirer votre attention sur la diapositive 11. Le tableau montre les taux payés par les employeurs l'année dernière et cette année. Dans la colonne pour 2016, les employés paient 1,88 $ par tranche de 100 $ de rémunération cotisable; les grandes entreprises paient 2,63 $, soit 1,4 fois ce montant; et les petites entreprises paient 2,24 $, ou environ 1,2 fois ce montant. Il en est ainsi parce que le Crédit pour l'emploi visant les petites entreprises, une mesure que nos membres propriétaires d'entreprise appuyaient sans réserve, est encore en vigueur.

Nous savons que le budget de 2016 a réduit sensiblement le taux de cotisation des employés de 27 cents, comme on le voit dans la colonne 2017. Le taux payé par les grandes entreprises diminue quant à lui de 38 cents. Toutefois, rien n'a été annoncé par rapport à la reconduction du taux pour les petites entreprises ou à l'introduction d'un taux semblable, et on constate une augmentation de leur taux.

Les employeurs comptaient également sur le crédit d'impôt à l'embauche de jeunes employés. On accordait aux employeurs qui engageaient des jeunes de 18 à 24 ans un congé de cotisations à l'assurance-emploi d'un an. Ce congé a été aboli lui aussi dans le budget de 2016.

Au-delà de la hausse des cotisations à l'assurance-emploi annoncée pour l'année prochaine, nos membres s'inquiètent de l'augmentation possible des cotisations au RPC. Nous savons que le ministre des Finances s'est engagé personnellement à bonifier le RPC, comme l'indique l'extrait de son discours du budget présenté à la diapositive 13. Les cotisations au RPC sont les charges sociales les plus lourdes déboursées par les propriétaires d'entreprise. Nous leur avons donc demandé quel serait l'effet d'une hausse de ces cotisations sur leur entreprise.

Leur réponse figure à la diapositive suivante, la diapositive 14, où l'on peut voir que 67 p. 100 de nos membres ont dit qu'une hausse des cotisations au RPC les obligerait à geler ou à réduire les salaires, et que près de la moitié d'entre eux ont déclaré qu'ils se verraient forcés de réduire les investissements dans leur entreprise. Plus du tiers ont affirmé qu'ils seraient obligés de diminuer leurs effectifs.

En dernier lieu, je tiens à signaler que notre organisme consacre beaucoup de temps au dossier de la relève. Comme l'indique la diapositive 15, les deux tiers des propriétaires de petites entreprises envisagent de quitter leur entreprise d'ici 10 ans. Le gouvernement peut les aider en leur permettant de transférer leur entreprise à leurs enfants. La vente d'une entreprise aide son propriétaire à financer sa retraite, mais elle est aussi devenue un outil important pour financer la nouvelle génération d'entrepreneurs.

La planification de la relève est encore plus difficile pour ceux qui envisagent de transmettre leur entreprise à leurs enfants. En ce moment, au Canada, vendre une entreprise à ses enfants coûte plus cher que la vendre à une tierce partie. C'est pour cette raison que nous appuyons le projet de loi C-274, qui vise à régler ce problème.

Voilà qui conclut mes remarques. Je serai heureuse de répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup.

Le sénateur Mitchell : Ma première question porte sur votre dernier commentaire. Pourquoi est-il plus coûteux de transférer une entreprise à ses enfants que de la vendre à un étranger?

Mme Moreau : C'est à cause de la façon dont la loi a été conçue. Les agriculteurs, les pêcheurs et les propriétaires de petites entreprises pouvaient le faire dans les années 1980, mais il y a eu des fraudes à cette époque et c'est pourquoi cette possibilité leur a été retirée.

Nombre d'excellentes études sur le sujet ont été réalisées par l'Association canadienne des assureurs-vie et par d'autres intervenants afin de combler ces lacunes. Selon nous, elles contiennent de bonnes suggestions qui pourraient être transmises au ministère des Finances pour tenter de régler ce problème.

Le sénateur Mitchell : Avez-vous un document dans lequel se trouveraient ces suggestions?

Mme Moreau : Je peux certainement le transmettre au président après ma présentation.

Le sénateur Mitchell : Ce serait formidable.

Plus tôt aujourd'hui, nous avons entendu les témoignages de deux professeurs de commerce du genre économistes, l'un de l'Institut C.D. Howe et l'autre de la Schulich School of Business. Vous connaissez leur opinion. Je vous donne l'occasion d'y répondre parce que je suis sensible à votre situation. Selon eux, un faible taux d'imposition des petites entreprises incite celles-ci à demeurer petites et non à croître. Qu'avez-vous à répondre à cela?

Mme Moreau : C'est pour cela que j'ai inclus le graphique où il y a une longue traîne. Je vais le montrer aux sénateurs, il est dans la diapositive 8. Si cette prémisse était fondée, ce graphique serait vraisemblablement à l'opposé de ce que vous voyez ici. Une multitude d'entreprises se situeraient autour de 450 000 $ à 480 000 $ et ne tenteraient pas de croître à cause de la barrière des 500 000 $.

Ce graphique est fondé sur des données du ministère des Finances. Manifestement, cette hypothèse est fausse. Au Canada, une grande proportion des entreprises ont un chiffre d'affaires qui ne dépasse pas 200 000 $. Au-delà, leur nombre diminue. Il y a une petite pointe autour des 500 000 $, mais cela représente environ 10 000 entreprises. Cela ne justifie pas un changement de politique majeur.

La deuxième chose, c'est qu'il y a de bonnes raisons pour que le taux d'imposition des petites entreprises soit peu élevé. En effet, l'exploitation d'une petite entreprise nécessite tout simplement plus de travail. Les propriétaires n'ont pas les mêmes options en matière de financement et de crédits d'impôt que ceux des grandes entreprises. Leur bureau ne dispose ni de l'expertise ni des ressources humaines nécessaires pour y accéder. Ils font souvent leurs comptes en fin de soirée et ce n'est pas à ce moment-là qu'ils vont commencer à faire des demandes de crédits d'impôt, de subventions et de programmes qui pourraient s'appliquer à leur situation.

Le sénateur Lang : Je ne sais pas si vous vous sentirez à l'aise de parler de ceci et, si vous ne l'êtes pas, il n'y a pas de problème. De façon générale, quand on pense à l'ensemble du pays et aux ramifications des événements qui se sont produits au cours de la dernière année, comme l'incendie dévastateur à Fort McMurray évidemment, il y a lieu de s'inquiéter des répercussions sur la vie des habitants de cette région, sur celle des Albertains, mais aussi sur tout le pays. Je n'ai pas de chiffres sous la main, mais c'est un coup dur pour l'économie en raison de l'incidence sur les recettes publiques, tant pour le gouvernement du Canada que pour celui de l'Alberta, et parce que 80 000 personnes sont au chômage.

Je regardais votre baromètre des affaires et vous êtes assez optimistes en ce qui concerne l'avenir. Avez-vous une idée du montant des revenus dont nous serons privés à cause de la situation à Fort McMurray et de ses répercussions sur le gouvernement du Canada et sur les petites entreprises de tout le pays?

Mme Moreau : Vous voulez savoir quel sera le manque à gagner découlant de cette situation?

Le sénateur Lang : Oui.

Mme Moreau : Je suis née et j'ai grandi en Alberta. Cela me fend le cœur pour les gens qui sont là-bas. Les images étaient difficiles à regarder et elles le resteront. Je ne dispose pas de chiffres à ce sujet, mais je peux vous dire que, étonnamment, l'optimisme des petites entreprises de l'Alberta a connu une hausse sur le baromètre des affaires après les incendies. Nous pensons que cela s'explique en partie par la reconstruction qui aura lieu. Il y aura des occasions à cet égard. Pour ce qui est du déroulement des choses, des délais d'exécution et du moment où des revenus seront générés, je ne peux pas me prononcer là-dessus. Je sais toutefois qu'un large pan de l'industrie a été touché et je pense que les entreprises seront extrêmement motivées à se relever le plus rapidement possible.

La sénatrice Marshall : Je vous remercie de votre présence.

Quel genre d'information avez-vous à propos des petites entreprises? Savez-vous si le nombre de petites entreprises augmente au Canada? Savez-vous si le nombre d'employés des petites entreprises augmente? Est-ce que l'impôt prélevé sur le revenu augmente? Quelles sont les données dont vous disposez qui peuvent témoigner de l'état de ce secteur?

Mme Moreau : Le « Baromètre des affaires » qui se trouve dans la trousse que vous avez reçue vous permettra d'obtenir ces renseignements. Nous produisons le baromètre chaque mois et celui-ci s'appuie donc sur les données les plus récentes. Je peux toutefois vous faire parvenir ceux de la dernière année.

La sénatrice Marshall : Pouvez-vous nous donner un aperçu?

Mme Moreau : Oui, bien sûr.

Dans le premier graphique du baromètre, qui se trouve d'ailleurs dans les diapositives, la ligne bleue représente nos membres. Nous demandons à nos membres s'ils estiment que la situation de leur entreprise sera meilleure, pire ou identique dans 12 mois. Ils ne sont peut-être pas en mesure de prédire la performance de l'ensemble de l'économie, mais ils connaissent très bien leur entreprise.

La sénatrice Marshall : C'est l'avenir.

Mme Moreau : Oui.

La sénatrice Marshall : Et le passé?

Mme Moreau : Pour le passé, nous savons que le baromètre était à son plus bas en juin dernier. Comme vous pouvez le voir, nous avons monté un peu et descendu un peu au début de 2016. Les trois ou quatre dernières colonnes représentent les années du baromètre. Cela donne un aperçu de la situation dans le passé.

Habituellement, nous suivons l'évolution en fonction du PIB. Nous pensons que des entreprises ont pris de l'expansion. Il y a toujours un peu de roulement. Bien sûr, il y a quelques pertes chaque année, mais globalement, les employeurs sont de plus en plus optimistes.

La sénatrice Marshall : D'accord.

Mme Moreau : À part au cours du dernier mois.

La sénatrice Marshall : Qu'en est-il des données concrètes? Est-ce que le nombre réel d'entreprises augmente? Le baromètre des affaires indique-t-il le nombre de petites entreprises qu'il y a au Canada? S'agit-il du nombre réel de petites entreprises au Canada?

Mme Moreau : Non, il s'agit des réponses de nos membres à la question.

Nous savons que nous représentons environ 10 p. 100 des petites entreprises au Canada. Selon les différentes sources de données — Statistique Canada et Industrie Canada —, il y aurait entre 2 et 3 millions d'entreprises au Canada.

La sénatrice Marshall : Ce nombre augmente-t-il? J'essaie d'évaluer l'état de santé du milieu des petites entreprises parce que deux témoins nous ont dit ce matin que la réduction du taux d'imposition pour les petites entreprises n'est probablement pas une bonne idée.

Le nombre de petites entreprises au Canada augmente-t-il? Si c'est le cas, il semblerait que le taux d'imposition et d'autres facteurs sont acceptables et qu'ils permettent au secteur de croître. Aussi, l'augmentation du nombre d'employés serait un autre indicateur que le secteur se porte bien.

Mme Moreau : Oui, je comprends votre question.

Je n'ai pas les données concrètes concernant la création de nouvelles entreprises, mais nous savons que des mesures comme le crédit pour l'emploi relatif à l'assurance-emploi ont été instaurées il y a cinq ans et qu'elles sont très utilisées par nos membres. Cela peut vous donner une idée : durant les trois premières années, les entreprises obtenaient ce crédit quand leurs cotisations à l'assurance-emploi augmentaient, et pendant les deux dernières années, le crédit était accordé automatiquement aux petites entreprises.

Nous pensons que les crédits de ce genre sont un bon indicateur que les employeurs embauchent. Nous avons des données actuelles sur l'embauche : elle a diminué au cours du troisième trimestre, qui est en cours. Je sais que cela ne répond pas à votre dernière question, mais je peux certainement vous transmettre l'information sur les emplois disponibles pour les deux derniers trimestres.

La sénatrice Marshall : Savez-vous si les impôts fédéraux payés par les petites entreprises ont augmenté au cours des dernières années?

Mme Moreau : Je ne suis pas certaine. Le ministère des Finances a sûrement l'information sur la contribution des petites entreprises à l'ensemble des recettes. Je ne sais pas. Nous pourrions faire des recherches, mais le ministre connaît peut-être la réponse.

La sénatrice Marshall : Durant votre exposé, vous avez dit que l'Agence du revenu du Canada s'attaquait à deux secteurs pour ses vérifications : les terrains de camping et les entrepôts libre-service. J'ai entendu parler du dossier des terrains de camping dans un autre contexte. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet?

Mme Moreau : Merci pour la question. Je suis heureuse de vous en dire plus là-dessus.

Quand la mesure législative a été conçue pour toucher le revenu passif — par exemple, un travailleur qui donne en location quelques appartements —, le but était de faire en sorte qu'on n'applique pas à ce revenu le taux d'imposition inférieur consenti aux petites entreprises; en gros, qu'on ne le traite pas comme un revenu d'entreprise.

Au moment de la création de la mesure législative, les terrains de camping et les entrepôts libre-service, surtout, n'existaient pas; ils sont donc tombés dans la catégorie du revenu de location passif ciblé par la mesure. Or, il y a plusieurs critères qui n'aident pas nécessairement une petite entreprise familiale, par exemple. Si l'entreprise compte moins de cinq employés, elle est placée dans cette catégorie; de nombreux propriétaires de terrains de camping et de motels sont exemptés, mais pas les entrepôts libre-service. Le résultat est que ces entreprises n'ont pas droit au taux d'imposition des petites entreprises parce qu'elles sont considérées comme des entreprises passives; le taux d'imposition personnel est donc appliqué à l'ensemble de leurs revenus et elles n'ont droit à aucun des avantages accordés aux petites entreprises.

La sénatrice Marshall : Il y a quelques années, à Terre-Neuve, un grand nombre de terrains de camping provinciaux ont été privatisés. Je présume que certains appartiennent à cette catégorie. Je pense que j'ai entendu parler de la question dans ce contexte.

La sénatrice Eaton : Madame Moreau, j'ai remarqué que sur votre diapositive concernant les préoccupations graves, l'accès au financement tombe au bas de la liste. Ce n'est pas difficile de faire prospérer une entreprise, d'innover ou d'obtenir une part du marché? Ce ne sont pas des préoccupations?

Mme Moreau : Je crois que ce sont certainement des préoccupations. Je pense que cette question précise est relative aux autres, d'abord. Ce sont les réponses possibles données aux membres dans ce sondage; ils devaient les classer.

Nos membres nous disent qu'il est parfois difficile d'obtenir du financement. C'est principalement une question d'accès à l'information. Ils ne connaissent pas les autres programmes, comme ceux de la BDC ou d'EDC, qui pourraient les aider sur ce plan. Ces organismes ont beau exister et leur être accessibles, les entreprises ne le savent tout simplement pas. Elles sont trop petites. Elles ne reçoivent pas de publicité ou d'information de leur part.

Nous allons publier, dans un mois ou deux, des recherches qui portent sur les banques et sur l'accès de nos membres aux prêts aux petites entreprises, par exemple. Je pourrai vous en envoyer un exemplaire.

La sénatrice Eaton : EDC et la BDC ne les ciblent pas précisément et n'entrent pas en contact avec elles?

Mme Moreau : Je pense qu'ils essaient, mais ils n'y arrivent pas, car très peu de nos membres savent qu'ils ont accès à ces ressources.

La sénatrice Eaton : Je me rappelle avoir siégé au comité de l'agriculture avec le sénateur Mockler et avoir entendu dire que de nombreuses petites entreprises, le secteur de transformation des aliments et des projets innovateurs ne recevaient jamais de financement.

Mme Moreau : Il y a deux parties au problème. Premièrement, une toute nouvelle entreprise n'a pas de bilan pour montrer aux banques, surtout, qu'elle prospérera. Deuxièmement, il existe des subventions, mais les propriétaires d'entreprises ne le savent pas ou ils n'y sont pas admissibles pour de petites raisons quelconques. Voilà où réside le problème.

Nos membres nous ont dit qu'ils préfèrent les crédits d'impôt aux subventions. De fait, à la FCEI, nous avons inventé un terme, en anglais, pour désigner les personnes qui maîtrisent les demandes de subvention, mais qui ne peuvent pas nécessairement survivre sans ces subventions : ce terme anglais est « grantrepreneur ». Ce ne sont pas toutes les petites entreprises qui ont accès à cela; nous pourrions donc favoriser des crédits d'impôt comme le crédit pour l'emploi visant les petites entreprises, par exemple, plutôt que des mesures comme le crédit pour la RS&DE, qui est très difficile à obtenir pour l'innovation.

La sénatrice Eaton : Avez-vous des données qui montrent combien de petites entreprises deviennent de grandes entreprises par année? Quel est le seuil?

Mme Moreau : La diapositive 8 donne un aperçu. Ce n'est pas nécessairement le nombre d'entreprises. Ces données datent de 2013; je pourrais sûrement vous en envoyer des plus récentes.

La sénatrice Eaton : C'est si le profit net est de 500 000 $.

Mme Moreau : C'est exact.

Tirons la ligne à 150 000 $. La plupart des entreprises canadiennes ont une valeur estimée à moins que cela. Ce matin, les témoins ont dit que le plafond de 500 000 $ maintient les entreprises à une petite taille. Si c'était vrai, nous observerions une pointe importante autour de 450 000 à 480 000 $ dans ce graphique, ce qui n'est pas le cas. Il y a un petit maximum vers 500, exactement là, mais, comme je l'ai mentionné, cela concerne 10 000 entreprises contre 115 000, à peu près, à la première barre.

Est-ce que cela répond à votre question?

La sénatrice Eaton : Oui.

Le président : Pourriez-vous nous aider à nous y retrouver dans la définition de « petite entreprise » par rapport à celle de « moyenne entreprise »? Je pense qu'on croit, à tort, que les propriétaires de petites entreprises ont un revenu de 250 000 $, mais qu'en est-il de tout l'équipement et de tous les actifs de l'entreprise? Comment entrent-ils dans la détermination de la valeur d'une petite entreprise? Où se situe la séparation entre la petite et la moyenne entreprise, pour nous aider à relativiser ces notions?

Mme Moreau : Le gouvernement et toutes sortes de ministères ont essayé de répondre à la question et de définir les notions. Pour être membre de notre fédération, l'entreprise doit appartenir à un Canadien et être exploitée par un Canadien. Le nombre d'employés ou la valeur des revenus n'ont pas d'importance. La définition d'Industrie Canada diffère de celle de Statistique Canada. Je ne la connais pas sur le bout des doigts, mais je suis sûre que nous pourrons l'obtenir pour vous. Je ne peux pas vous dire précisément où se situe la séparation entre la petite et la moyenne entreprise.

Un plombier propriétaire unique, par exemple, sans employés, dès qu'il a payé ses outils, peut très bien faire 250 000 $ au bout d'une année très occupée. Le même montant pourrait être réalisé par un petit dépanneur très fréquenté d'un centre-ville avec quatre ou cinq employés. Une petite exploitation agricole familiale aura des actifs qui se chiffrent dans les millions de dollars du fait de son équipement.

Que vaut une entreprise? Cela explique en partie la si grande difficulté de la vendre à un tiers. Il faut alors estimer à sa juste valeur marchande tout ce qu'elle possède, tous ses actifs, compte tenu de l'amortissement. Voilà pourquoi il faut embaucher des comptables et des avocats. C'est une question difficile.

Notre fédération ne fait pas de discrimination. Une poignée de nos membres a 500 employés. L'immense majorité est constituée de petites entreprises, 11 employés ou moins.

Le président : Vous avez 109 000 membres, n'est-ce pas?

Mme Moreau : Oui.

Le président : Quelle serait la proportion de ceux qu'on ne peut pas considérer comme petites entreprises?

Mme Moreau : Je dirais qu'ils sont peut-être moins de 2 p. 100. L'immense majorité de nos PME ont 11 employés ou moins. Ils se situeraient au début de cette queue à laquelle nous avons fait allusion pour le graphique 8.

Le président : D'accord.

Je réfléchis seulement à la perception des faits. Quelle est la différence avec une firme-conseil de deux ou trois employés, dont le revenu brut est peut-être de 600 000 $, mais dont le revenu net est calculé après qu'ils se sont rémunérés?

L'un des faits qui sont ressortis pendant la campagne, bien sûr, est que les propriétaires de petites entreprises empochent toutes sortes de revenus. Je peux vous dire que, après avoir été partenaire dans une petite entreprise, ces 13 dernières années, je n'ai reçu aucun chèque pour dividendes. Notre entreprise va bien, mais comment qualifiez-vous les PME, selon leur vraie définition, pour que les Canadiens puissent vraiment comprendre toutes les nuances et toutes les différences?

Être propriétaire d'une petite entreprise, c'est difficile. À l'appel de la banque, il faut signer une garantie. Quand son argent personnel est en jeu, c'est différent. J'essaie de comprendre si les renseignements que vous avez fournis répondront entièrement aux questions concernant les différences et les nuances. Il me semble qu'ils donnent un aperçu général de vos membres, ce qui est bien, mais à quel point poussez-vous l'analyse de vos membres?

Mme Moreau : Notre base de données est gigantesque. J'ai effleuré le profil plutôt que d'aller dans les détails, vu les contraintes de mon exposé, mais je peux sûrement vous fournir des renseignements plus détaillés sur le profil si cela vous intéresse.

L'immense majorité de nos membres sont de petites entreprises. Je peux certainement présenter des renseignements en fonction du nombre d'employés ou du revenu annuel. Nous pouvons vous dire où vit chaque membre votant de la fédération, depuis combien d'années il est dans les affaires, combien d'employés il a. Beaucoup de nos données sont facilement accessibles. Si ce niveau de détail vous intéresse, nous pouvons vous renseigner.

Le président : Si vous pouviez nous renseigner sur un échantillon représentatif qui nous aiderait à comprendre. Certains de ces renseignements peuvent sembler d'une importance infime ou même ne présenter aucun intérêt, mais votre fédération rassemble tant de types de personnes et d'organisations dans ce nombre de 109 000. Cela pourrait nous renseigner.

Vous aviez une question, madame Marshall?

La sénatrice Marshall : Je regardais les documents qui ont été distribués. Pourquoi ce petit changement à 500 000 $?

Mme Moreau : La question est pertinente. Franchement, je ne sais pas. On dirait que des entreprises se sont arrêtées là.

La sénatrice Marshall : Elles auraient mis les freins?

Mme Moreau : Possible.

Si nous chiffrons cette barre à 10 000 entreprises, alors celle de droite en représente 5 000, et il y en a d'autres encore. Visiblement, ces entreprises ont décidé de dépasser ce seuil de 500 000 $.

Il est assez difficile de croire le propriétaire d'entreprise qui dira qu'il refusera de faire 100 000 $ de plus, parce que les avantages sont si extraordinaires. Personne, vraiment, ne voudra le faire, et c'est ce que nous disons et c'est ce que montrent ces données.

La sénatrice Marshall : Mais cela semble suspect.

Le président : Effectivement.

Nous essayons de mieux connaître divers groupes. Nous ne faisons pas de critique, mais nous tenons à nous assurer de bien connaître la réalité qu'ils affrontent. Nous voulons que les renseignements que nous communiquons soient nuancés, qu'ils prouvent que notre recherche nous permet, à notre tour, de livrer des renseignements authentiques.

La sénatrice Eaton : Dans votre graphique-baromètre, distingue-t-on ce qui rendrait une province plus attrayante pour la petite entreprise qu'une autre? Par exemple, la Colombie-Britannique semble très élevée. Je peux comprendre que la très petite population de l'Île-du-Prince-Édouard rendrait la tâche plus facile. L'Alberta est à 34 p. 100, la Colombie-Britannique à 67 p. 100 et l'Ontario à 65 p. 100. Des facteurs rendent-ils ces provinces plus attrayantes que les autres pour les petites entreprises?

Mme Moreau : Pour commencer, je parlerai de l'Île-du-Prince-Édouard, qui ne se trouve que depuis très peu au premier rang. Notre directeur des affaires provinciales y a passé des années à la queue du peloton, mais la saison touristique et la faible valeur du dollar américain ont aidé la province. La proximité des États-Unis et le tourisme ont apporté un afflux d'optimisme et d'argent dans la province.

Il faut comprendre le pessimisme actuel, en Alberta, où depuis 12 ou 18 mois les mises à pied ne se relâchent pas et où les incendies ont été dévastateurs.

La sénatrice Eaton : Oui, mais cela ne reflète pas le nombre de petites entreprises. Est-ce un pourcentage d'optimisme?

Mme Moreau : Oui. C'est la proportion d'entreprises entrevoyant pour elles-mêmes les 12 mois à venir avec confiance. Dans l'Île-du-Prince-Édouard, 75 p. 100 des propriétaires entrevoient pour eux une bonne année, tandis que, en Alberta, 30 p. 100, à peu près, des membres la pressentent peut-être mauvaise.

La sénatrice Eaton : Donc ils se sentent assez optimistes en Ontario et au Québec, et c'est davantage relié à l'économie de la province et non à la fiscalité, aux incitations ou à rien d'autre.

Mme Moreau : C'est tout en même temps. L'ensemble des charges fiscales, l'optimisme pour l'embauche.

Nous avons ces renseignements. Le total du baromètre a été établi par province aussi. À la page suivante, vous trouverez peut-être d'autres indicateurs intéressants. Par exemple, dans la partie supérieure gauche du graphique 4, on trouve leurs plans d'embauche d'employés à temps plein pour les trois mois à venir. Je pense que 21 p. 100 des membres prévoient d'en embaucher, tandis que 12 p. 100 prévoient des mises à pied. J'ai aussi ces données par province. En Alberta, ces chiffres sont actuellement rayés, bien sûr, parce que personne n'embauche.

La sénatrice Eaton : L'Ontario se trouve dans un déficit important.

Mme Moreau : Oui.

La sénatrice Eaton : Si la première ministre Wynne vous demandait conseil pour développer plus de petites entreprises en Ontario, en auriez-vous des précis pour elle?

Mme Moreau : Absolument. Le premier serait de ne pas mettre en œuvre le régime de retraite agréé de l'Ontario. Il s'annonce une déduction très importante à la source, en même temps que des augmentations des cotisations au Régime de pensions du Canada. Je ne crois pas que personne aurait pu le prévoir. Les Ontariens sont exposés à une augmentation de leurs cotisations au Régime de pensions du Canada et à des prélèvements fiscaux à la source avec l'entrée en vigueur du régime de retraite agréé de l'Ontario. Les cotisations à l'assurance-emploi risquent d'augmenter et, en 2017, on instaurera une taxe sur le carbone. Comment la refilera-t-on au contribuable? L'année 2017 s'annonce difficile pour la plupart des entreprises canadiennes, particulièrement en Ontario.

La sénatrice Eaton : Vous a-t-on consultés?

Mme Moreau : En Ontario?

La sénatrice Eaton : Oui.

Mme Moreau : Oui et nous nous y sommes vivement et clairement opposés — 92 p. 100 de nos membres sont contre le régime de retraite agréé de l'Ontario.

Le sénateur Mitchell : Je viens de rencontrer un groupe de dentistes qui m'ont dit qu'ils tenaient beaucoup à ce que leurs entreprises restent admissibles à la taxe sur les petites entreprises. Avez-vous une position à ce sujet?

Mme Moreau : En ce qui concerne l'admissibilité des professions libérales?

Le sénateur Mitchell : Oui.

Mme Moreau : Oui. Absolument. Nous pensons que le taux pour les petites entreprises devrait s'appliquer à tous les entrepreneurs. Cela fait partie du jeu du gouvernement qui consiste à s'en prendre à ceux qui réussissent. Pourquoi un plombier qui empoche beaucoup plus d'argent qu'un dentiste en milieu rural devrait-il y avoir accès? C'est là que gisent les complications.

C'est ce que nous avons vivement conseillé au gouvernement de faire après que ces déclarations ont commencé à circuler ces quelque six derniers mois. Quel problème particulier de politique essaie-t-il de résoudre?

Si des contribuables ne paient pas leur juste part, c'est une tout autre histoire. Nous croyons, bien sûr, que le gouvernement devrait les cotiser convenablement et qu'ils devraient payer tous les impôts qu'ils doivent. Mais le fait de s'en prendre à un secteur industriel plutôt qu'à un autre d'après le taux de réussite de ses entrepreneurs, alors que, pour obtenir ces profits, ils peuvent avoir pris des risques énormes, nous croyons que, actuellement, c'est déficient.

Le sénateur Mitchell : Les deux économistes qui ont témoigné devant nous ont dit que, en réalité, pour la promotion des petites entreprises, on devrait insister sur la recherche et le développement de technologies. Cela m'a semblé un petit peu mince, d'autant plus que ma province, l'Alberta, qui se trouve à la fine pointe de la technologie, possède différents types d'entreprises. Quelle est votre position à ce sujet? Encore une fois, vous ne suivez probablement aucune doctrine : ne pas s'en prendre aux gagnants et aux perdants?

Mme Moreau : Eh bien, dans une certaine mesure, nous incitons le gouvernement à se faire une idée plus large de l'innovation que dans le passé. On a l'impression que l'innovation n'est que l'invention et que beaucoup de propriétaires de petites entreprises ne sont pas innovants, mais c'est faux. En fait, nous faisons actuellement un travail de recherche; nous possédons les résultats et nous publierons un rapport au cours de l'été, espérons-le, qui remet les pendules à l'heure.

Que font d'innovant les propriétaires, qui ne s'apparente pas à la définition de l'innovation dans le contexte du laboratoire ou de la recherche-développement? C'est sur ce point que nous pensons que nous pouvons fournir des renseignements plus précis, plus détaillés sur les réalisations innovantes actuelles et antérieures des petites entreprises et sur ce que la collectivité en retire ensuite.

La recherche-développement des entreprises canadiennes ne se déroule pas toute en laboratoire, dans un contexte scientifique. Beaucoup font encore du travail vraiment innovant et c'est ce que ce rapport exposera.

L'exemple que je citerai vise à ce vous élargissiez la définition de l'innovation et à vous affranchir de l'idée que les subventions et les contributions sont les seuls moyens de l'encourager. Comme je l'ai dit, le crédit d'impôt pour la recherche scientifique et le développement expérimental est une mesure très précieuse, et une industrie artisanale très utile a eu l'idée d'en aider les éventuels demandeurs.

Il existe peut-être un problème si, pour demander ce crédit, c'est rendu si compliqué qu'il faut embaucher quelqu'un, au coût de dizaines de milliers de dollars.

Le sénateur Lang : Dans votre graphique-baromètre, la ventilation par province ne comprend pas les territoires, Yukon, Territoires du Nord-Ouest et Nunavut. Je sais que le Yukon contribue à une bonne partie des renseignements qui figurent sur ce graphique. Y a-t-il une raison pour laquelle vous ne précisez pas le nombre de vos membres du Yukon dans ce document?

Mme Moreau : Leur nombre est si petit qu'il est difficile d'en dégager des tendances d'après eux seulement. Nous avons les données, mais ce sont des données annuelles plutôt que mensuelles.

Je peux certainement communiquer au comité des renseignements sur les territoires, le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest, mais pas le Nunavut, faute de membres là-bas. Mais nous travaillons à corriger cette situation.

Je peux certainement vous communiquer des données sur une année, ce qui sera un échantillon plus représentatif. Notre équipe de recherche serait très peinée si nous tirions des conclusions manquant de crédibilité, et nous travaillons très sérieusement à combler cette lacune.

Le sénateur Lang : D'accord.

Je remarque que, dans votre exposé, vous avez omis de parler des conséquences à long terme du déficit et de ses conséquences aussi pour les Canadiens et les petites entreprises. Il me semble qu'on a promis, dans la dernière campagne électorale, un déficit de 10 milliards de dollars. Il se situe maintenant entre 20 et 30 milliards, selon l'interlocuteur. N'est-ce pas inquiétant? Y a-t-il une raison pour laquelle on ne le met pas ici en évidence? En fin de compte, quelqu'un devra écoper.

Mme Moreau : À la FCEI, nous disons souvent que les dettes d'aujourd'hui sont les impôts de demain. Il fallait, dans le cadre d'un exposé de cinq minutes, limiter le nombre de questions à aborder au nom de nos membres.

Eux-mêmes doivent se tenir à l'affut du gaspillage des fonds publics, et ils réagissent vivement aux dépenses importantes pour lesquelles on ne prévoit pas de mesures de retour à l'équilibre. Je pense que nos membres nous ont dit qu'ils veulent être prudents cette année, pour voir où les dépenses iront. Ils appuient certaines dépenses d'infrastructure, mais, si cela continue, ils retireront leur appui.

Dans mon premier graphique des priorités, la dette et le déficit de l'État, ensemble, venaient au troisième rang, au dernier trimestre, mais ils sont passés au deuxième rang. Ici, c'est la totalité de la fiscalité, pas seulement celle qui découle du budget fédéral. Comme d'autres provinces ne s'en tirent pas si bien non plus, cela aurait pu avoir une influence, mais c'est certainement une partie de la réponse.

Le sénateur Lang : Si vous me permettez une recommandation, je crois qu'il ne faut pas cesser de mettre cette question particulière en relief, parce que, surtout, si nous n'en disons rien au public, elle ne fera pas parler d'elle. Faute de sensibiliser les membres d'organisations comme la vôtre — je suis d'accord, à entendre la sénatrice Eaton et la description de la situation de l'Ontario. Si on ajoute à cela ce que fait le gouvernement canadien, quelles sont les conséquences à long terme pour les taux d'intérêt, et comment les Canadiens seront-ils touchés? C'est donc ce que je recommanderais.

[Français]

Le sénateur Mockler : Ma question est directement liée à l'assurance-emploi.

[Traduction]

L'assurance-emploi fait partie de notre identité, en dépit de ce que certains disent. Elle ne signifie pas que nos travailleurs sont paresseux ou qu'il n'y a pas de travail; le fait est que les employés et l'économie sont saisonniers. On ne plante pas d'arbres en janvier, on n'ouvre pas de plages en octobre.

Vous parlez de rendre le système d'assurance-emploi plus équitable pour les employeurs. Pourriez-vous nous en dire un peu plus et dire aussi comment vous pourriez aider votre fédération à corriger la perception négative de l'assurance- emploi?

Mme Moreau : Je vous remercie pour la question.

Nous parlons d'équité dans le système d'assurance-emploi parce que, en partie, les employeurs y cotisent plus que les employés. Il y a quelques décennies, employés et employeurs cotisaient chacun à hauteur de 40 p. 100, et le gouvernement à hauteur de 20 p. 100. En se retirant, le gouvernement s'est délesté sur les employeurs de ses 20 p. 100. C'est une partie, donc, de la réponse. Ce n'est pas moitié-moitié comme pour les autres retenues à la source telles que le Régime de pensions du Canada.

La deuxième raison est que beaucoup de nos membres ont eu recours à des employés saisonniers et ils apprécient l'utilité du système d'assurance-emploi. Autant de nos membres éprouvent des difficultés d'embauche, et on incriminé pour le refus de travailler des employés un versement prochain de prestations d'assurance-emploi. Il faut donc trouver le juste milieu pour les employeurs et les employés.

Dans le passé, on a mis sur pied d'excellents programmes qui ont permis de traverser des périodes de ralentissement économique, comme Travailler en période de prestations, et nos membres ont beaucoup de bien à en dire. Tant que durent les difficultés, l'assurance-emploi couvre une partie du salaire, et l'entreprise paie la différence. Quand la situation se rétablit, les employeurs peuvent garder l'employé, ce qui les dispense d'en former un nouveau, de le réembaucher ou de trouver quelqu'un d'autre.

D'autres de nos membres nous disent qu'ils doivent se démener pour trouver des employés et que le système d'assurance-emploi y est pour quelque chose.

[Français]

Le sénateur Mockler : Il y a un pourcentage de gens qui pensent comme cela ou qui ont ces difficultés. Pouvez-vous nous expliquer ce qu'on pourrait mettre en place à l'échelle provinciale et fédérale afin de venir en aide à ceux qui pensent de cette façon et qui sont forcés de reconnaître une certaine réalité avec la FCEI?

Mme Moreau : Pour les employeurs ou les employés?

Le sénateur Mockler : Les employés.

Mme Moreau : Nous avons créé une situation au Canada où l'on encourage l'éducation postsecondaire. Beaucoup de jeunes sont très qualifiés en sortant des institutions postsecondaires, et ils ne souhaitent pas travailler dans un restaurant ou un pub à laver le plancher. Ils cherchent des stages et des programmes d'éducation coopérative. Grâce à ce super-investissement en faveur de nos jeunes, nous avons créé une situation où il y a pénurie de main-d'œuvre. C'est pour cela que le Programme des travailleurs étrangers temporaires existe. Nous effectuons présentement une révision du système d'immigration afin de déterminer s'il y aurait d'autres moyens d'obtenir des gens qui viendront travailler au Canada. Nous aimerions suggérer à ces gens de chercher des débouchés dans leurs propres communautés, même s'ils reçoivent initialement un salaire moindre que celui qu'ils gagnaient dans le cadre de leur ancien emploi, ou même si c'est loin de chez eux. Il est important de commencer dans la communauté où l'on vit et d'utiliser son expérience afin de contribuer à sa communauté en trouvant des emplois importants liés à son cheminement.

Le sénateur Mockler : Voilà le défi universel.

Mme Moreau : Oui, surtout dans un grand pays comme le nôtre.

[Traduction]

Le sénateur Mitchell : Vous avez fait allusion aux problèmes des petites entreprises, aux marchés de capitaux, aux subventions, à leur complémentarité et au fait qu'elles peuvent bloquer dans une certaine mesure l'accès des petites entreprises aux marchés de capitaux.

Connaissez-vous l'entreprise sans but lucratif, à Calgary, qui s'appelle TECTERRA, qui reçoit de l'argent de la province et de l'argent fédéral et qui l'affecte, de manière indépendante, avec des gens d'affaires à son service et des experts de son domaine de spécialité, qui se trouve par hasard à être la géomatique? Je me demande si vous y voyez ou si vous pouviez y voir un modèle pour rendre l'interface entre l'État et la petite entreprise plus efficace, plus indépendante, plus neutre et plus dépolitisée.

Mme Moreau : Je ne connais pas TECTERRA, mais je m'informerai à son sujet après la fin de la séance.

En général, nous serions plus désireux d'examiner ce modèle s'il correspondait à un allègement de la paperasse et s'il était relativement facile de demander les subventions ou de les recevoir. Quand on reçoit de l'argent, il faut ensuite satisfaire à des exigences en matière de rapports qui peuvent être particulièrement lourdes pour les petites entreprises.

La petite entreprise qui loue, pour ainsi dire, les services d'un comptable ou d'un avocat, ne dispose pas nécessairement du personnel voulu pour s'occuper de la paperasse au fur et à mesure. Le PDG ou le vice-président doivent alors se demander s'il vaut la peine de faire tout ce travail.

Si la subvention est généreuse, comme elle l'est parfois, et c'est la raison d'être du programme de Recherche scientifique et de développement expérimental, des membres s'en serviront et l'apprécieront. Cela revient à laisser l'État choisir les gagnants plutôt que de laisser agir le libre marché et voir à quel moment les entreprises qui réussissent peuvent profiter d'un crédit parce qu'elles ont empoché plus de revenus au cours de l'année plutôt que d'avoir à cocher des cases et à remplir de la paperasse sans faire d'erreurs.

Le président : Voudriez-vous faire une déclaration récapitulative pour les auditeurs qui pourraient être des entrepreneurs ou des propriétaires de petites entreprises? Y a-t-il un message que vous voudriez leur destiner? Ce pourrait aussi être des membres de votre association.

Mme Moreau : Pour récapituler, je vous suis reconnaissante de l'occasion que vous m'avez offerte de vous faire part du point de vue de notre fédération. Nos membres nous ont dit que le report du taux d'imposition des petites entreprises leur avait fait éprouver un choc. Ils comptaient sur cette promesse électorale. Nous vous incitons donc à examiner la question de près ainsi que les augmentations des retenues à la source.

Nous savons que les entrepreneurs canadiens travaillent fort et qu'ils ont de longues journées. Ils assurent beaucoup de formation et ils donnent aux jeunes Canadiens leurs premiers emplois en les intégrant dans le marché du travail et en les stimulant. Au Canada, les entrepreneurs traversent une période faste, mais nous voulons qu'elle soit encore meilleure. C'est ce que nous incitons le comité à faire, alors que nous examinons particulièrement ce projet de loi budgétaire.

Le président : Merci beaucoup, madame Moreau. Nous avons été ravis de vous accueillir.

(La séance est levée.)

Haut de page