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NFFN - Comité permanent

Finances nationales

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales

Fascicule n° 11 - Témoignages du 8 juin 2016 (Séance de l'après-midi)


OTTAWA, le mercredi 8 juin 2016

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui, à 14 h 10, pour étudier la teneur complète du projet de loi C-15, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 22 mars 2016 et mettant en œuvre d'autres mesures.

Le sénateur Larry W. Smith (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bienvenue au Comité sénatorial permanent des finances nationales. Chers collègues et membres du public, notre comité a pour mandat d'examiner les questions relatives aux budgets des dépenses fédéraux en général, ainsi que les finances gouvernementales.

Je m'appelle Larry Smith et je suis sénateur du Québec; c'est moi qui préside le comité.

Permettez-moi de vous présenter les autres membres de notre groupe : le sénateur Dan Lang, du Yukon; la sénatrice Nicole Eaton, de Toronto et la sénatrice Beth Marshall, de Terre-Neuve.

[Français]

Cet après-midi, nous continuons notre étude de la teneur du projet de loi C-15, Loi no 1 d'exécution du budget de 2016.

[Traduction]

Pendant la première partie de notre séance, nous discuterons de différents enjeux découlant du projet de loi C-15; nous accueillons Dennis Howlett, directeur exécutif de Canadiens pour une fiscalité équitable; Bruce MacDonald, président et directeur général, Imagine Canada et Bob Elliott, chef senior, Le Groupe le Sport est Important.

Bienvenue à tous. Merci d'être venus ici. Chaque organisation aura cinq minutes pour faire une déclaration préliminaire, après quoi nous passerons aux questions des sénateurs. Monsieur Howlett, vous avez la parole.

Dennis Howlett, directeur exécutif, Canadiens pour une fiscalité équitable : Merci beaucoup de nous donner l'occasion de participer à votre examen du projet de loi de mise en œuvre du budget, le projet de loi C-15.

L'organisme Canadiens pour une fiscalité équitable défend la cause de l'équité fiscale depuis sa création, en 2011. Nous demandons en particulier que l'on s'attaque aux paradis fiscaux, que l'on élimine les échappatoires fiscales injustes et inefficaces, et qu'on oblige les sociétés à payer leur juste part. Nous sommes heureux de voir que le budget fédéral 2016 propose des mesures positives à ces égards.

J'aimerais parler d'abord de l'élimination des échappatoires fiscales injustes et inefficaces. Le projet de loi C-15 comprend des mesures visant l'élimination du crédit d'impôt pour études, du crédit d'impôt pour manuels, du crédit d'impôt pour les activités artistiques des enfants, du crédit relatif à la baisse d'impôt pour les familles et du crédit d'impôt pour la condition physique des enfants.

Bien que les objectifs déclarés de certains de ces crédits d'impôt « à la pièce » aient un certain air de noblesse, on a constaté que les crédits n'arrivaient pas très efficacement à les atteindre. Étant donné qu'ils ont été conçus en tant que crédits d'impôt non remboursables, plutôt qu'en crédits remboursables, ils créaient une injustice pour les gens qui n'ont qu'un faible revenu ou aucun revenu imposable. Il serait plus juste et plus efficace que des programmes de ce type soient conçus comme des crédits d'impôt remboursables ou qu'il s'agisse d'un financement direct pour les programmes de loisirs, d'arts ou autres.

Les données présentées dans l'étude du directeur parlementaire du budget publiées en 2014, portant sur des réductions d'impôt de 30 milliards de dollars — il s'agirait plutôt de 43 milliards de dollars, si on ajoute les réductions d'impôt des sociétés — depuis 2005, montrent que, en dollars absolus, ce sont les riches qui en ont le plus tiré avantage. Les ménages du quintile supérieur ont touché 10 milliards de dollars, soit 36 p. 100 du total, et ceux du quintile inférieur ont touché 1,9 milliard de dollars, soit seulement 6 p. 100. À l'échelle individuelle, les ménages du quintile inférieur ont eu droit à 500 $ de réductions d'impôt seulement, et ceux du quintile supérieur ont touché plus de 2 000 $ par année.

Le gouvernement a certes éliminé certaines échappatoires fiscales, mais il en reste encore beaucoup, à notre avis, qui sont injustes et inefficaces, et il faudrait les éliminer elles aussi. Nous avons été particulièrement déçus d'apprendre que le gouvernement n'allait pas, comme il l'avait promis pendant les élections, éliminer la déduction pour option d'achat d'actions. Mais il a promis, dans le budget fédéral, de procéder à un examen complet de toutes les dépenses fiscales avant le budget fédéral suivant. Nous pensons qu'il serait possible ainsi d'économiser une somme supplémentaire de 10 milliards de dollars en éliminant les dépenses fiscales injustes et inefficaces, ou encore les échappatoires, comme nous aimons les appeler.

Ensuite, la prestation pour enfants : le projet de loi C-15 remplacerait la Prestation fiscale canadienne pour enfants et la Prestation universelle pour la garde d'enfants par la nouvelle Allocation canadienne pour enfants. C'est une amélioration appréciée par rapport à ce qui existait avant. Cela devrait grandement contribuer à mettre fin à la pauvreté des enfants, qui accable toujours près d'un enfant sur cinq, de manière générale, mais plus de 50 p. 100 des enfants autochtones et de 60 p. 100 des enfants vivant dans une réserve. On s'attend à ce que cette mesure budgétaire permette à 300 000 enfants canadiens de sortir de la pauvreté. Il restera toujours, toutefois, un million d'enfants vivant dans la pauvreté, mais ils devraient pouvoir se rapprocher du seuil de la pauvreté, dont ils sont nombreux à rester encore loin. Le gouvernement devrait prévoir des augmentations à long terme de l'Allocation canadienne pour enfants jusqu'à un niveau suffisant pour réduire de 50 p. 100 la pauvreté des enfants, en cinq ans, dans le cadre d'une solide stratégie canadienne de réduction de la pauvreté.

En ce qui concerne l'impôt des sociétés, le projet de loi d'exécution du budget ne modifie pas le taux d'imposition des petites entreprises, qui restera à 10,5 p. 100 en 2016 et pendant les années d'imposition subséquentes. Le crédit d'impôt des petites entreprises était de 11 p. 100, l'an dernier. Le gouvernement précédent avait prévu de le réduire de 0,5 p. 100 par année, jusqu'à ce qu'il soit de 9 p. 100 en 2019. La décision de le laisser à 10,5 p. 100 est judicieuse, pour plusieurs raisons.

Premièrement, bien que l'on puisse justifier un léger écart entre le taux général et le taux des petites entreprises, étant donné que les grandes entreprises ont facilement accès à des choses comme les paradis fiscaux, pour réduire le montant réel des impôts qu'elle verse, un écart trop important a en fait pour effet de décourager la croissance au sein des petites entreprises.

Deuxièmement, abaisser le taux des petites entreprises coûterait cher, en entraînant une perte de revenus. L'on estime que, avec un taux de 11 p. 100, les pertes étaient de trois milliards de dollars par année; si ce taux avait été ramené à 9 p. 100, il y aurait eu des pertes supplémentaires de cinq milliards de dollars.

Les recettes du gouvernement ne privent pas l'économie, si l'argent est dépensé judicieusement. En fait, si ces recettes étaient plus élevées, le gouvernement pourrait investir dans l'infrastructure sociale et matérielle, créant beaucoup plus d'emplois et stimulant bien davantage l'économie que ne le font les réductions fiscales. Le ministère des Finances et les études menées par Joseph Stiglitz ont tous deux établi que chaque dollar dépensé par le gouvernement dans les infrastructures matérielles ou sociales avait un effet stimulant à hauteur de 1,50 $, tandis que chaque dollar de réduction fiscale n'avait un effet stimulant qu'à hauteur de 50 cents.

Il y a par ailleurs un mythe selon lequel les petites entreprises créent des emplois. Il est vrai qu'elles sont le principal employeur, mais elles détruisent autant d'emplois qu'elles en créent, car elles font souvent faillite. Donc, au chapitre de la création d'emplois, les moyennes et grandes entreprises affichent en fait de meilleurs résultats.

Enfin, si l'écart entre le taux marginal d'imposition supérieur et le taux d'imposition des petites entreprises devient trop grand, les professionnels y verront un fort incitatif pour s'établir en tant que petites entreprises. Cela devient un problème de plus en plus important, depuis l'introduction du nouveau taux d'imposition supérieur de 33 p. 100 sur tout revenu supérieur à 200 000 $. Les libéraux avaient promis de régler le problème, mais il semble que le projet de loi d'exécution du budget actuel ne s'y attaquera pas.

Il y a un autre élément dont j'aimerais parler, c'est le crédit d'impôt pour exploration minière. Le projet de loi propose de le prolonger d'une autre année. Ce n'est pas une bonne idée, à mon avis. Il semble que tous les gouvernements l'ont prolongé pour une courte période, année après année, sans qu'aucune décision finale ne soit jamais prise. Quatre-vingts pour cent des bénéficiaires de ce crédit d'impôt se trouvent dans les tranches d'imposition supérieures, selon Finances Canada. Cela représente des coûts de 40 à 150 millions de dollars par année, selon l'année, mais n'augmente que d'environ 10 p.100 les capitaux d'exploration des entreprises minières.

L'économiste Lindsay Tedds, de l'Université de Victoria, conclut que rien ne prouve que le crédit d'impôt pour exploration minière entraîne une augmentation des activités d'exploration et que, pour les investisseurs, il représente des subventions pour les investissements à risque élevé; il semble que ce crédit soit surtout utilisé par les contribuables à revenu élevé aux fins de planification fiscale plutôt qu'aux fins d'investissements calculés.

Le président : Auriez-vous un dernier commentaire? Nous aimerions avoir du temps pour discuter de tous ces points, car nous avons beaucoup de questions à poser.

M. Howlett : Je suis également prêt à répondre à des questions sur les échanges d'information sur les contribuables au sein de l'Agence du revenu du Canada, mais j'en parlerai plus tard si vous préférez.

Le président : Je ne voulais pas vous interrompre, mais je sais que votre sujet vous passionne tellement que vous pourriez continuer indéfiniment.

Bruce MacDonald, président et directeur général, Imagine Canada : Merci, monsieur le président, et merci au Comité d'avoir invité Imagine Canada à comparaître ici aujourd'hui.

[Français]

Pour ceux qui ne connaissent pas notre organisation, Imagine Canada est un organisme-cadre national pour l'ensemble des organismes de bienfaisance et sans but lucratif dédiés au bien public au Canada.

[Traduction]

Les organismes de bienfaisance et les organismes sans but lucratif apportent au Canada une contribution sociale vitale, mais aussi, et c'est tout aussi important, une contribution économique. Selon les données les plus récentes, quelque deux millions de Canadiens travaillent dans ce secteur, et ils occupent des emplois dans toutes les collectivités du pays. Chaque année, 13 millions de Canadiens travaillent bénévolement pour une cause qui leur tient à cœur, et notre secteur génère plus de 8 p. 100 du PIB du Canada.

Malgré cela, les organismes de bienfaisance et les organismes sans but lucratif ne sont souvent qu'une considération secondaire lorsque les décisions en matière de politiques publiques sont prises. Bien que l'Agence du revenu du Canada réglemente les activités des organismes de bienfaisance enregistrés dans le but de faire appliquer la Loi de l'impôt sur le revenu, aucun ministère n'a été chargé de réfléchir à des politiques habilitantes pour notre secteur.

De fait, on ne cherche même pas à comprendre notre secteur. Les chiffres que j'ai mentionnés sont les plus récents. Cela dit, il y a plus de 10 ans que le gouvernement fédéral n'a pas entrepris de recueillir des renseignements complets sur ce secteur. Les sénateurs peuvent-ils imaginer prendre des décisions sur tout autre secteur économique en se fondant sur des renseignements à ce point dépassés?

Le projet de loi que vous étudiez aujourd'hui, le Budget fédéral et d'autres initiatives récentes donnent l'espoir que des changements positifs vont être apportés.

Le projet de loi, de même que le projet de loi C-2, propose de modifier le régime de l'impôt sur le revenu, en créant une nouvelle tranche d'imposition supérieure de 33 p. 100. Nous avons été encouragés, au moment où cette mesure a été annoncée, de voir que des changements au crédit d'impôt pour dons de charité ont également été annoncés; ainsi, les contribuables visés par le taux de 33 p. 100 restaient motivés à donner. Nous nous attendions à devoir, comme c'est si souvent le cas, chercher une solution après coup pour redonner sa valeur au crédit d'impôt. Le fait que nous n'ayons pas eu à le faire est très encourageant.

[Français]

Nous sommes également encouragés par la mesure contenue dans le budget et dans ce projet de loi qui permettrait aux organismes de bienfaisance enregistrés de participer à des sociétés en commandite. Cette mesure offrira à ces organismes, notamment aux fondations, de nouvelles pistes pour diversifier leurs investissements et générer des revenus. Les fondations seront d'ailleurs libres d'investir dans des sociétés avec la participation ou sous la direction d'autres organismes de bienfaisance. La libération de ces capitaux, et de leur potentiel, constitue un élément essentiel pour encourager davantage d'activités en matière de finances sociales.

[Traduction]

Le budget reste muet sur un autre aspect, mais il propose des changements encourageants pour Patrimoine canadien qui vient d'annoncer une importante refonte de l'administration de subventions et contributions. C'est une mesure positive, qui profitera aux organismes de bienfaisance et aux organismes sans but lucratif, de même qu'au gouvernement. Nous aimerions que de telles mesures soient reprises partout au gouvernement fédéral.

L'élimination du crédit d'impôt pour la condition physique des enfants et du crédit d'impôt pour les activités artistiques des enfants, de même que la décision de ne pas donner suite aux propositions de mesures incitatives touchant les dons de biens immobiliers et d'actifs d'entreprises privées, doivent faire l'objet d'une discussion plus large sur le rôle des organismes de bienfaisance et des organismes sans but lucratif, la durabilité à long terme du secteur et le rôle que le gouvernement fédéral peut et devrait jouer. Notre économiste en chef a entrepris un travail d'envergure sur ce sujet, qui devrait intéresser votre comité; le rapport sera publié plus tard cette année.

Le gouvernement s'est engagé à mener de grandes réformes du cadre législatif et réglementaire s'appliquant aux organismes de bienfaisance et aux organismes sans but lucratif, et la Chambre des communes est actuellement en train d'étudier un projet de loi d'initiative parlementaire sur les dons de bienfaisance, et nous espérons que votre comité sera chargé de l'étudier plus en détail. Il est temps de nous attaquer à ces questions de manière globale de façon que nous puissions avancer ensemble vers une vision commune de notre secteur, de notre mode de collaboration et des moyens à prendre pour exploiter le plein potentiel économique et social des organismes de bienfaisance et des organismes sans but lucratif. L'approche fragmentaire et réactive utilisée par les gouvernements de toutes allégeances dans le passé ne nous est pas très favorable.

Le Sénat est souvent un bon endroit où étudier en détail des enjeux et générer des idées. J'espère que notre présence ici marque le début seulement d'un dialogue continu.

Merci beaucoup.

Bob Elliott, chef senior, Le Groupe le Sport est Important : Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs membres du comité de cette invitation à venir discuter avec vous aujourd'hui.

Le Groupe le Sport est Important est un projet de collaboration, dont le siège social se trouve à Ottawa, qui réunit quelque 80 organisations convaincues que le sport, l'activité physique et les loisirs, lorsqu'ils sont éthiques, accessibles et axés sur les valeurs, font partie intégrante de la culture canadienne et de l'épanouissement de nos citoyens, des collectivités et de la nation. Depuis 2000, nous nous sommes efforcés de promouvoir les avantages du sport, pour utiliser un terme général, auprès des Canadiens et du pays dans son ensemble.

Notre présence ici aujourd'hui est motivée par l'élimination du crédit d'impôt pour la condition physique des enfants d'ici 2017.

Même si notre secteur, de manière générale, n'était pas au départ très favorable à ce crédit d'impôt, nous sommes pourtant convaincus qu'il faut encourager les Canadiens, et en particulier les enfants, à être actifs et à demeurer actifs tout au long de leur vie. C'est pourquoi nous estimons que ce crédit d'impôt était mieux que rien. Permettez-moi de m'expliquer.

Mon collègue, à l'autre bout de la table, en a fait l'historique. Lorsqu'il a été créé, en 2007, le crédit d'impôt pour la condition physique des enfants visait à encourager les parents à inscrire leurs enfants dans des programmes d'activités sportives et physiques de manière à avoir droit à un crédit d'impôt non remboursable pour des dépenses pouvant aller jusqu'à 500 $. Pour les contribuables du quintile supérieur, le crédit était d'environ 75 $. En 2014, le gouvernement conservateur a augmenté le montant maximal des dépenses à 1 000 $ et a fait de ce crédit un crédit remboursable, faisant en sorte que les contribuables du quintile supérieur pouvaient s'attendre à un remboursement deux fois plus élevé, de 150 $.

Pour les contribuables du quintile inférieur à l'autre bout du spectre, cette initiative n'avait aucun attrait. Une famille à faible revenu, en général, a moins de ressources à consacrer à des programmes d'activités pour les enfants et, dans certains cas, son revenu n'est même pas assez élevé pour qu'une inscription à de tels programmes ait une incidence sur le montant de l'impôt. Dans bien des cas, ces familles ont bien d'autres choses à penser qu'à inscrire leurs enfants à des activités et cherchent plutôt des moyens de payer le loyer, de vêtir les enfants et de s'assurer qu'ils ont à manger.

Nous sommes en faveur de l'élimination du crédit d'impôt pour la condition physique des enfants, mais il nous faut un programme et du financement pour encourager les Canadiens de tous les âges à être actifs et à le demeurer.

Voici quelques données qui justifient ce besoin : seulement 5 p. 100 des enfants canadiens et 15 p. 100 des adultes font le minimum d'activités physiques recommandé chaque jour. Les enfants de 3 et 4 ans sont sédentaires 50 p. 100 de leurs heures d'éveil, les enfants de 5 à 11 ans, 57 p. 100 et les enfants de 12 à 17 ans, 68 p. 100. Les adultes, de manière générale, sont sédentaires pendant plus de 10 heures par jour, et je suis certain que nous sommes nombreux à pouvoir faire le même calcul.

L'inactivité physique coûte aux contribuables canadiens environ 6,8 milliards de dollars par année. Dans le Bulletin de ParticipACTION sur le niveau d'activité physique, les enfants du Canada obtiennent la note de — imaginez-vous — D moins. Le Bulletin de 2016 paraîtra la semaine prochaine, nous verrons à ce moment-là s'il y a eu amélioration à ce chapitre.

L'Institut canadien des actuaires estime que, d'ici 2037, près de 69 p. 100 du budget des gouvernements seront consacrés à la santé; en 2013, ce pourcentage était de 44 p. 100.

Le Conference Board du Canada a déclaré que, si 10 p. 100 des adultes canadiens devenaient plus actifs en 2015, les coûts de la santé pourraient diminuer de 2,6 milliards de dollars; nous pourrions alors injecter 7,5 milliards de dollars dans l'économie d'ici 2040.

Il est clair que l'activité physique ne vise pas seulement à ce que les gens deviennent actifs parce que c'est bon pour leur santé, ils doivent le faire parce que c'est bon pour l'économie, également.

Comme vous le savez sûrement, monsieur le président, et il ne fait aucun doute dans mon esprit que tous les membres du Comité le savent aussi, le sport peut procurer de nombreux bénéfices aux adeptes, mais il y en a un qui est moins évident que les autres, et c'est qu'il peut servir d'outil hautement efficace lorsqu'il a pour but d'entraîner des changements sociaux. Nous appelons cela le sport au service du développement; un bon exemple, c'est l'utilisation des programmes de sport pour aider les jeunes à se tenir loin du système de justice. Ces programmes, comme des centaines d'autres, comme le programme Ensemble à l'école des Alouettes de Montréal ou le programme de basket-ball Night Hoops, au centre-ville de Vancouver, aident nos jeunes à relever les défis auxquels ils font face tous les jours en plus de leur donner l'avantage supplémentaire de l'activité physique, dont ils ont tant besoin. Le sport au service du développement, c'est l'un des cinq grands piliers de la Politique canadienne du sport; cependant, le gouvernement fédéral n'a pas vraiment mis l'accent sur cette politique, depuis qu'elle a été approuvée.

Dans notre mémoire adressé au Comité permanent des finances de la Chambre des communes, plus tôt cette année, nous avons demandé au gouvernement d'augmenter le montant qu'il affecte aux initiatives de promotion de la santé et de l'activité physique de 2 à 3 p. 100, ce qui représenterait une augmentation de 90 millions de dollars, selon les chiffres que j'ai cités plus tôt.

En plus d'un financement continu octroyé aux organisations et programmes qui assurent la promotion de l'activité physique, le Canada a un pressant besoin d'une stratégie nationale touchant l'activité physique. La genèse de cette stratégie, qui doit inclure les personnes handicapées, elles aussi, existe déjà. Elle a été élaborée au cours des quatre dernières années par notre secteur et s'appelle Canada actif 20/20. Cette stratégie devrait être de la même nature et de la même portée que la Politique canadienne du sport dont je viens de parler. Si nous décidions de l'adopter, elle nous permettrait de déterminer des objectifs pour le pays, de cerner des mesures en nous fondant sur des éléments probants, de cibler les mesures prioritaires clés, de profiter des forces actuelles, de cerner des stratégies visant à combler les lacunes et de déterminer des cibles et des possibilités pour des mesures et des évaluations concertées. La solution au défi de l'augmentation du niveau d'activité physique des Canadiens est complexe, et il exige des partenariats et une collaboration.

Merci, monsieur le président, de l'occasion qui nous a été donnée.

Le président : Nous allons passer aux questions des sénateurs.

La sénatrice Marshall : Ma première question s'adresse à M. Howlett. Le budget annonçait un financement supplémentaire pour l'Agence du revenu du Canada; un montant assez élevé d'ailleurs, 444 millions de dollars sur cinq ans. À quoi vous attendez-vous de l'Agence du revenu du Canada, lorsqu'elle commencera à dépenser cet argent?

M. Howlett : C'est une mesure très bien accueillie. C'est une mesure que nous demandons depuis longtemps. Pour rappeler le contexte, l'Agence du revenu du Canada a fait l'objet de réductions de ses ressources humaines et financières plus importantes que tout autre ministère. Son effectif était largement insuffisant.

Cette mesure permettra à l'ARC d'embaucher davantage de vérificateurs et d'enquêteurs. J'aimerais cependant vous prévenir, cela prendra un peu de temps, car on ne trouve pas des gens qualifiés à tous les coins de rue. Nous avons conseillé au ministre du Revenu d'investir dans la formation, car, ce dont l'Agence a vraiment besoin, c'est de gens qui sont capables de prendre en charge les cas les plus compliqués et difficiles. La formation a elle aussi été victime des réductions précédentes. L'Agence doit vraiment rétablir sa capacité de formation et renforcer sa capacité de prendre en charge les cas plus difficiles et compliqués.

La sénatrice Marshall : J'avais pensé qu'il pourrait y avoir quelques nouveaux vérificateurs de l'impôt. Sur quels domaines pensez-vous que les vérificateurs de l'impôt devraient se concentrer? Lorsque vous avez fait votre déclaration préliminaire, vous avez mentionné plusieurs domaines. Sur quel domaine pensez-vous qu'ils devraient se concentrer d'abord?

M. Howlett : Nous croyons que les cas les plus compliqués, et les plus importants, ceux qui utilisent des paradis fiscaux pour cacher leur argent, représentent le principal défi, et que c'est de ce côté que le gouvernement pourrait trouver le plus de revenus additionnels.

Ce qui s'est passé, c'est que l'ARC, privée de cette capacité, s'est retrouvée à devoir s'en prendre aux proies les plus faciles, c'est-à-dire qu'elle s'en est prise aux petits contribuables ordinaires, qui avaient peut-être seulement fait une erreur sur leur déclaration, et qu'elle a laissé tranquilles les grands fraudeurs fiscaux, avec lesquels elle a souvent fait affaire dans le cadre de règlements volontaires hors cour, auxquels cas elle n'imposait aucune pénalité. Cela crée un système fiscal tout à fait injuste.

Nous avons déjà vu des mesures, prises dans le budget de 2013 par le précédent gouvernement conservateur, qui visaient les paradis fiscaux. La mesure a donné des résultats, et c'est pourquoi je m'attends à ce que le gouvernement, au cours de la prochaine période quinquennale, puisse recouvrer des montants bien supérieurs à ceux qu'il investit aujourd'hui dans l'ARC.

La sénatrice Marshall : J'ai une autre question; j'aimerais que vous y répondiez et j'aimerais aussi que M. MacDonald puisse y répondre. On essaie, dans le budget, d'inciter les contribuables qui font partie de la nouvelle tranche d'imposition supérieure à augmenter le montant de leurs dons en leur accordant un petit bénéfice sous forme de crédit d'impôt. Les représentants du ministère des Finances qui ont comparu devant nous estiment que cette modification du budget augmentera le montant des dons des contribuables de cette tranche d'imposition supérieure. Monsieur Howlett, êtes-vous d'accord avec cette modification? Pensez-vous qu'elle aura l'impact que les représentants des Finances pensent qu'elle aura?

M. Howlett : Bien que je travaille depuis de nombreuses années dans le secteur des organismes de charité et des organismes sans but lucratif, je ne suis en fait pas d'accord avec cette modification, car je crois que les crédits d'impôt pour dons de bienfaisance devraient être équitables. Ils devraient offrir à tous les mêmes avantages fiscaux, peu importe que le revenu soit faible ou élevé. Si nous accordons des avantages supérieurs aux donateurs à revenu élevé, le type de priorité qui obtiendrait ce financement pourrait être biaisé.

Quand il s'agit de la destination des dons de bienfaisance, il faut savoir qu'une très petite partie seulement est versée au programme de lutte contre la pauvreté et au programme pour les enfants. La plus grande part revient aux organisations religieuses, dont la plupart ne font pas beaucoup, en réalité, dans le domaine du service social. Cet argent profite surtout aux membres de ces différentes confessions religieuses. J'ai déjà travaillé pour une église. Je sais que la plupart des églises ne font pas beaucoup pour la collectivité.

L'autre part importante revient aux universités, pour les domaines de la santé et de la recherche, qui, à mon avis, encore une fois, ne sont pas des priorités. Dans le secteur de la santé, le financement vise surtout les parties du corps les plus agréables à regarder plutôt que les maladies les plus difficiles et les problèmes de santé les plus ardus. Ce n'est pas une bonne façon d'établir les priorités quant au financement des besoins de notre société.

La sénatrice Marshall : Monsieur MacDonald, êtes-vous d'accord avec M. Howlett?

M. MacDonald : J'ai une opinion un peu différente sur ce sujet.

La sénatrice Marshall : C'est bien ce que je pensais.

M. MacDonald : À notre avis, la reconnaissance du fait que les Canadiens les plus riches pourraient avoir moins d'argent dans leurs poches en raison des changements de la fiscalité a été une préoccupation. Les nombreux Canadiens qui ont des moyens forment notre bassin de donateurs, ce sont eux qui soutiennent les organismes du pays, peu importe la mission ou le coût. Il y a probablement une foule de gens qui pourraient venir ici débattre du bien-fondé d'une mission ou d'une cause donnée.

Nous avons été heureux de voir que l'on a reconnu le fait que l'augmentation des taux d'imposition pourrait avoir des répercussions négatives sur les dons. Cette modification a été apportée sans que nous ayons eu à venir la défendre. Nous estimons que c'est une mesure positive.

La sénatrice Marshall : Moi-même, je pensais que cela aurait une incidence négative sur les dons, mais les représentants des Finances étaient d'un autre avis et nous ont assuré qu'ils feraient le suivi pour savoir si les répercussions seraient positives ou négatives. Sur ce, j'ai terminé.

La sénatrice Eaton : J'aimerais revenir sur quelque chose que vous avez dit à la sénatrice Marshall, quand vous avez parlé des « parties du corps les plus agréables à regarder ». Parlez-vous du cœur, de la recherche sur les maladies du cœur et les AVC, peut-être?

M. Howlett : Non. Des choses comme le cancer du sein ont droit, et c'est disproportionné...

La sénatrice Eaton : Pensez à votre mère, à votre fille.

M. Howlett : Je sais, mais si vous regardez la situation de manière plus neutre et objective...

La sénatrice Eaton : Peut-être que les hommes ne se sont pas organisés suffisamment bien sur le dossier de la prostate...

M. Howlett : Le cancer du côlon et d'autres choses moins... la maladie de Crohn, des choses qui sont moins agréables.

La sénatrice Eaton : Il faut avancer. Il faut avancer.

Je vais maintenant poser une question sérieuse. Je suis désolée. Nous avons tous parlé des échappatoires fiscales. L'argument qui oppose des baisses d'impôt et des dépenses de stimulation perdure. Tout dépend des prévisions économiques sur lesquelles vous vous appuyez et du gouvernement auquel vous parlez, cela varie. Mais pourquoi ne pas prendre une mesure radicale, par exemple un impôt à taux unique, où la déclaration d'impôt tiendrait sur une seule page et où il n'y aurait aucune échappatoire fiscale? Pourquoi pas une mesure comme celle-là? Est-ce que vous pourriez défendre un jour un impôt à taux unique?

M. Howlett : Le problème, c'est que, si vous prenez l'ensemble des mesures fiscales, les nombreuses taxes comme la taxe sur la valeur ajoutée, la TVH, l'impôt foncier, il s'agit là en fait de mesures plutôt régressives. S'il faut un impôt sur le revenu progressif, c'est pour contrebalancer les taxes régressives dans d'autres domaines.

La sénatrice Eaton : Mais est-ce qu'un impôt à taux unique ne serait pas plus équitable? Étant donné que, peu importe votre salaire, ce sera relatif. La TVH touche le pouvoir d'achat. Si vous achetez une minuscule auto de 17 000 ou de 15 000 $, vous allez payer un montant X. Si vous achetez une auto de 150 000 $, vous allez payer d'autant plus. Est-ce que ce ne serait pas une taxe équitable?

M. Howlett : Non, étant donné que le principe sous-jacent, c'est que ceux qui peuvent payer davantage d'impôt devraient payer davantage d'impôt.

La sénatrice Eaton : Ce serait mon cas. Ce serait mon cas.

M. Howlett : Les gens qui gagnent un revenu élevé ont un revenu disponible beaucoup plus important, et il faudrait s'attendre à ce qu'ils paient davantage.

Les mesures fiscales jouent un autre rôle : elles ne font pas que générer des recettes, elles assurent la redistribution du revenu. Notre économie est toujours plus inéquitable, au point où notre croissance économique est aujourd'hui menacée.

Les gens ordinaires, à faible ou moyen revenu, n'ont pas bénéficié d'une très forte augmentation de leur revenu, et c'est pourquoi ils se sont endettés encore plus. Ils ont atteint leurs limites. Leur capacité de dépenser et de stimuler l'économie est réduite. Il y a une limite au nombre d'automobiles et de résidences que les gens riches peuvent acheter. Une bonne partie de leur argent n'est pas dépensée. Ainsi, ils ne stimulent aucunement l'économie. Nous devons redistribuer la richesse pour remettre notre économie en marche, et la politique fiscale est un moyen d'y arriver. Je crois que nous avons besoin d'un impôt sur le revenu progressif, et il doit être suffisamment progressif pour contrer les effets des autres mesures régressives, pour que, au bout du compte, notre système fiscal soit plus équitable.

La sénatrice Eaton : Je n'ai pas vos compétences en matière financière, mais j'aurais pensé que des mesures visant à aider l'industrie à devenir plus innovatrice et à créer davantage d'emplois, à offrir davantage de formation, auraient été plus utiles que des mesures visant à redistribuer le revenu.

M. Howlett : Il est vrai que, dans le passé, les gens riches étaient nombreux à utiliser leur argent pour des investissements productifs. Mais, de plus en plus, nous constatons que les investissements sont spéculatifs, qu'ils ne débouchent pas nécessairement sur la création d'emplois et qu'en fait, ils déstabilisent l'économie. Les transactions à court terme, les transactions boursières et ainsi de suite, génèrent peut-être bien des profits, mais elles ne favorisent pas la création d'emplois.

Je n'ai aucune objection à ce que le gouvernement encourage les investissements, mais il doit distinguer les investissements productifs et les investissements spéculatifs. Il ne devrait pas réduire les impôts en adoptant un taux uniforme, ni prendre quelques politiques de ce genre que ce soit. C'est la même chose pour les petites entreprises. Il faut cibler les réductions de manière à réellement créer des emplois et à stimuler l'économie.

La sénatrice Eaton : Je ferai un dernier commentaire. J'ai siégé avec le sénateur Mockler à divers comités, par exemple le comité de l'agriculture, où nous avons examiné tout le secteur de la transformation alimentaire et des produits pharmaceutiques fondés sur l'agriculture en constatant l'absence de capital de risque, d'entrepreneuriat et d'investissements. Mais c'est un autre débat. Il ne faudrait pas tirer sur tous les investisseurs en capital-risque parce qu'il leur arrive parfois...

M. Howlett : Je n'ai pas d'objection à ce que l'on soutienne les capitaux de risque et les autres investissements productifs. Tout ce que je dis, c'est que le gouvernement doit définir ses cibles davantage pour s'assurer que toute mesure de soutien entraîne la création d'emplois et d'autres avantages économiques. Les politiques actuelles sont bien trop générales et elles devraient être bien plus ciblées.

La sénatrice Eaton : Puis-je changer de sujet ou désirez-vous continuer?

Le président : J'aimerais vous entendre changer de sujet.

La sénatrice Eaton : J'aimerais maintenant parler des organismes de bienfaisance. Vous parliez, je crois, d'encourager les Canadiens à donner davantage d'argent et à revoir leur opinion sur les organismes de bienfaisance. Ces organismes devraient-ils pouvoir s'exprimer sur des questions de politique? Je crois que les organismes de bienfaisance du Canada, aujourd'hui, sont autorisés à consacrer 10 ou 20 p. 100 des sommes qu'ils recueillent à une cause politique, à du lobby ou à des prises de position politiques. C'est le cas, n'est-ce pas?

M. MacDonald : Oui, 10 p. 100, tous montants confondus.

La sénatrice Eaton : Oui. Qu'en pensez-vous? Devrions-nous changer cela?

M. MacDonald : C'est intéressant, car parmi les lettres de mandat qui ont été publiées et qui ont trait à quelques domaines touchant la réforme de la réglementation de ce secteur, il y en a une qui mentionne la nécessité d'envisager un processus de réforme qui permettrait de discuter des activités politiques du pays.

En premier lieu, je crois que nous voulons que tout le monde connaisse notre position : nous voulons que les organismes de bienfaisance du Canada aient un droit de parole absolu en ce qui concerne l'élaboration de bonnes politiques publiques au Canada. Réfléchissons à la société dans laquelle nous vivons aujourd'hui; un grand nombre d'enjeux, qu'il s'agisse de peines plus sévères dans les cas de conduite en état d'ébriété, de l'interdiction du tabac, des traités sur les mines terrestres ou de la santé, qui ont fait l'objet de ces propositions sont indissociables des organismes de bienfaisance, qui sont des experts en la matière.

Nous avons aujourd'hui une belle occasion de clarifier les règles. La terminologie des activités politiques est probablement la moins intuitive qui soit. Je serais d'avis que les organismes de bienfaisance ne sont pas très nombreux à s'approcher même de loin de la barre des 10 p. 100, mais je crois que, si les organismes de bienfaisance se privent de leur droit de parole, aujourd'hui, c'est parce qu'ils ne saisissent pas les règlements et que la terminologie utilisée est plutôt compliquée.

La sénatrice Eaton : J'essaie d'aborder un sujet dont on parle en coulisse depuis de nombreuses années. L'organisme Tides États-Unis verse de l'argent à l'organisme Tides Canada afin qu'il soutienne des organismes de bienfaisance axés surtout sur l'environnement et l'écologie, mais nous n'avons aucune idée de la source de cet argent, les sources étant anonymes. Il se pourrait peut-être que des sociétés pétrolières américaines versent de l'argent de façon anonyme à Tides États-Unis, qui le remet à Tides Canada, qui fait pourtant partie d'un lobby contre les sables bitumineux ou les pipelines.

Je ne remets pas en question le droit des organismes de bienfaisance de prendre la parole, mais je crois que nous devrions pouvoir remonter à la source de cet argent pour savoir qui soutient cette prise de parole. C'est la même chose que dans les élections canadiennes; je ne peux pas aujourd'hui donner de l'argent aux partis démocratique ou républicain, et je ne veux pas que de l'argent soit versé pour soutenir le Parti conservateur, le Parti libéral ou le Nouveau Parti démocratique, ici. Pourquoi est-ce que j'accepterais que de l'argent étranger aide les organismes de bienfaisance du Canada, si on ne peut pas connaître la source?

M. MacDonald : Vous avez pris un exemple précis pour illustrer un dossier très étendu. Je crois que la question que nous devons nous poser concerne la capacité et la volonté des organismes de bienfaisance canadiens, dans leur ensemble, de prendre la parole pour participer à l'élaboration de bonnes politiques publiques. C'est l'un des nombreux exemples qui seront donnés pendant cette discussion.

La question plus générale, à laquelle nous devons nous attaquer, est une question qui tient à cœur aux membres des conseils d'administration des organismes de bienfaisance, à tout le personnel qui travaille dans ces organisations, partout au pays, et qui ne comprennent pas vraiment que leur opinion sur toute une gamme de sujets compte, et qu'elle compte vraiment. Voilà la question qu'il faut se poser. Je crois que nous en avons également l'occasion, ici.

Nous allons prendre en main certains de ces autres enjeux. En termes clairs, les organismes de bienfaisance sont heureux de voir de la transparence et de la responsabilisation. Nous nous sommes dotés d'un programme complet de normes qui est lié à ces aspects.

La sénatrice Eaton : Vous pouvez nous dire d'où provient votre argent?

M. MacDonald : Excusez-moi?

La sénatrice Eaton : Pensez-vous que les organismes de bienfaisance devraient pouvoir dire d'où provient leur argent?

M. MacDonald : Les organismes de charité disent déjà d'où provient leur argent.

La sénatrice Eaton : Pas s'il provient d'organismes comme Tides États-Unis ou Tides Canada.

M. MacDonald : Je ne suis pas spécialiste, je n'essaie pas de comprendre tous les règlements qui ont trait à la reddition de comptes. Nous produisons un rapport annuel, pour le gouvernement, et nous avons une comptabilité, pour nos donateurs. Soyons honnêtes : les donateurs sont de mieux en mieux renseignés et ils posent davantage de questions aujourd'hui que jamais, et c'est pourquoi les organismes affichent régulièrement de l'information sur la provenance de leur argent, et ils doivent aussi faire l'objet d'une vérification. Nous avons une firme comptable qui examine nos donateurs.

La sénatrice Eaton : Alors, vous seriez d'accord pour que la source de l'argent soit connue?

M. MacDonald : Oui.

La sénatrice Eaton : Merci.

Le sénateur Mockler : Merci beaucoup. Vous avez déjà répondu à quelques-unes des questions que j'avais.

Je ne m'adresse à personne en particulier : savez-vous comment, au Canada, nous définissons la classe moyenne?

M. Howlett : C'est une très bonne question; je crois que cette définition était assez diluée, à mon avis, quand il a été question de baisses d'impôt pour la classe moyenne. Nous avons certes soutenu l'adoption d'une tranche d'imposition supérieure, mais en fait, les baisses d'impôt ont touché davantage la tranche d'imposition tout juste inférieure à celle-là. Je dirais que la classe moyenne serait en fait constituée des moins nantis des classes supérieures ou des plus nantis de la classe moyenne, mais la majorité des contribuables de la classe moyenne n'ont en fait pour ainsi dire pas été touchés par les baisses d'impôt qui devaient viser la classe moyenne, et c'est pourquoi c'est trompeur.

Il ne s'agit pas d'une expression clairement définie, il n'y a pas de définition générale sur laquelle tout le monde s'entend. Généralement, lorsque nous menons des analyses, nous parlons de déciles ou de quintiles de la population, et nous analysons les avantages fiscaux en fonction de cela, sans utiliser d'expression comme « classe moyenne », qui n'est pas très bien définie. Pour nos analyses, nous parlons généralement de quintiles ou de déciles de la population.

Le sénateur Mockler : Pourriez-vous nous expliquer ce que cela signifie? Dans mon coin de pays, on n'a jamais entendu parler de « quintiles ».

M. Howlett : Les 20 p. 100 les plus riches formeraient la classe supérieure, les 60 p. 100 suivants formeraient la classe moyenne, et les 20 p. 100 les plus pauvres formeraient la classe inférieure, en termes généraux. Si nous utilisons des catégories plus précises, c'est pour avoir des analyses plus justes.

Le sénateur Mockler : Avons-nous une définition de ce que vous appelez la classe moyenne?

M. MacDonald : Cette définition est beaucoup plus précise que tout ce que je pourrais vous dire d'autre.

M. Elliott : Je suis d'accord.

Le sénateur Mockler : Hier, le ministre des Finances comparaissait devant notre comité, en présence de notre président. Nous lui avons demandé de définir l'expression « classe moyenne ». Selon la région du Canada dans laquelle vous vivez, l'une des cinq régions du Canada, on essaie de dire que, entre tel montant de revenu et tel autre montant de revenu, vous faites partie de la classe moyenne. Selon le diagramme que vous venez d'expliquer, monsieur Howlett, il s'agirait là de la tranche de 20 p. 100 supérieure. La tranche de 20 p. 100 juste en dessous formerait la classe moyenne inférieure. Mais quelle est l'échelle du revenu, de bas en haut? Quelle définition en donneriez-vous pour la classe moyenne?

M. Howlett : Voilà pourquoi je disais qu'il est difficile de formuler une définition précise. Mais je crois que les gens s'imaginent souvent faire partie de la classe moyenne, même si ce n'est probablement pas le cas, si l'on tient compte de leur revenu. Bien des gens qui gagnent un revenu assez élevé diraient qu'ils font partie de la classe moyenne, des gens ordinaires, et il y a même des gens dont le revenu est assez faible qui s'imaginent eux aussi faire partie de la classe moyenne; il ne s'agit donc pas par nature d'une définition très précise.

Toutefois, je crois qu'il est important de nous donner un objectif et d'essayer de répartir les choses de façon plus équitable, étant donné que, lorsque le revenu est très polarisé et qu'il y a des écarts importants, toutes sortes de problèmes de santé et de problèmes sociaux peuvent se présenter. La pauvreté coûte actuellement au gouvernement beaucoup d'argent, en raison de l'augmentation des coûts de la santé, par exemple. Mais ce n'est pas tout, elle limite l'augmentation de la demande et de la croissance de l'économie. Donc, peu importe votre définition de la classe moyenne, il est important de chercher à réduire l'écart entre les plus riches et les plus pauvres de notre société afin d'avoir une société en santé.

Le sénateur Mockler : Puis-je poser deux ou trois autres questions?

Le président : Ce serait un honneur pour moi de vous entendre poser d'autres questions.

Une voix : Le président est porté sur le sarcasme, cet après-midi.

Le président : Nous avons eu beaucoup de réunions, mesdames et messieurs. Allez-y, s'il vous plaît.

Le sénateur Mockler : Est-ce que le nouveau gouvernement vous a consulté au sujet du processus budgétaire?

M. Howlett : Oui. Nous avons rencontré un certain nombre de fonctionnaires et de députés. Jusqu'ici, je n'ai pas encore rencontré le ministre des Finances ou la ministre du Revenu, personnellement, mais nous avons rencontré un certain nombre de fonctionnaires et nous avons participé au processus de consultation prébudgétaire. Nous avons pu présenter nos commentaires.

Et même avant la dernière élection, nous avions rencontré les membres de tous les partis pour leur présenter nos propositions sur la façon de rendre le système fiscal plus efficace. Le gouvernement précédent a même retenu un certain nombre de nos recommandations, en particulier celles qui concernent les paradis fiscaux. J'ai d'ailleurs rencontré M. Flaherty un certain nombre de fois, également. Nous avons donc eu l'oreille du gouvernement, si je puis m'exprimer ainsi, et il a mis en œuvre un assez bon nombre quand même des recommandations que nous avons présentées au fil des ans.

Le sénateur Mockler : Vous n'avez pas rencontré le ministre actuel.

M. Howlett : Oui. Le gouvernement a mis en œuvre, non seulement au moyen du budget fédéral, mais quelques semaines plus tard, après la présentation du budget... la ministre du Revenu a en fait annoncé un certain nombre d'initiatives que l'Agence du revenu du Canada mettrait en place pour cibler les paradis fiscaux, et c'était dans bien des cas, des choses que nous avions recommandées. Nous avons eu des rencontres de suivi, avec les fonctionnaires du ministère des Finances, pour discuter des échappatoires fiscales, par exemple, ou de la propriété effective, qui représentent un grand problème puisqu'il n'y a pas de transparence; il est impossible de savoir qui est réellement le propriétaire d'une entreprise. Cela permet à des gens de cacher leur argent. Le Canada, en fait, n'atteint même pas les nouvelles normes internationales. Le ministre des Finances a pris le dossier en main et essaie de régler le problème. Nous avons reçu des réponses très positives du nouveau gouvernement, également, sur un certain nombre de ces dossiers.

Le sénateur Mockler : Selon votre expérience, et je m'adresse aux trois témoins, que diriez-vous si le gouvernement, avec les provinces et le Nord, envisageait un revenu minimum garanti? Est-ce que ce serait une meilleure façon de distribuer la richesse, au Canada?

M. Howlett : Je crois que oui. Nous avons effectivement fait un pas dans cette direction, avec l'Allocation pour enfants, qui assure un montant garanti aux familles avec enfants. Cela fait une énorme différence. Ce n'est pas encore assez, comme je l'ai dit, mais c'est déjà un bon progrès dans la lutte contre la pauvreté des enfants.

Nous offrons déjà aux personnes âgées un revenu minimum garanti. Encore une fois, il n'est pas suffisant pour éradiquer la pauvreté parmi les personnes âgées, mais nous y sommes presque. Nous faisons donc des progrès, aux deux bouts, vers un revenu annuel garanti.

Il y a bien des choses qui justifient un revenu minimum garanti. La principale préoccupation que j'aurais, ce serait que ce soutien soit d'un niveau suffisant pour assurer une bonne qualité de vie, non pas seulement le strict minimum. Cette mesure remplacerait un bon nombre d'autres programmes sociaux coûteux, même s'il faudrait envisager cela non pas uniquement comme une façon d'économiser de l'argent, mais comme une façon de répartir le soutien de façon plus efficace et à un niveau plus adéquat.

M. MacDonald : Je ne suis pas certain, au moment où l'on se parle, que je serais d'accord pour adopter un revenu annuel de base ou un revenu minimum garanti sans penser à ce que cela voudrait dire pour le secteur social de notre pays. Nous ne savons pas encore ce que cette question recouvre.

Soyons honnêtes; de nombreux organismes de bienfaisance offrent des services au nom du gouvernement, dans notre pays. Est-ce que cela veut dire que, dans un nouveau système, il ne le ferait plus? Je crois qu'il est trop tôt pour vous donner une réponse complète, mais nous avons certainement beaucoup de questions à poser.

M. Elliott : De mon point de vue, nous sommes un secteur très spécialisé, puisque nous nous occupons d'activités sportives et physiques et que nous rejoignons les gens qui s'intéressent à ces activités. Nous comprenons ce que le gouvernement a fait, avec le crédit d'impôt pour la condition physique des enfants, ce qu'il s'apprête à faire, éliminer ce crédit et mettre l'argent de côté, je suis certain, ou une partie de cet argent, qui était consacré au crédit d'impôt, pour l'affecter à l'Allocation canadienne pour enfants. Nous comprenons comment les choses fonctionnent, les parents auront maintenant la possibilité d'inscrire leurs enfants dans un type ou un autre de programme d'activité physique, grâce à cet argent. La décision à prendre sera alors la suivante : « J'ai un montant X d'argent, tous les mois; combien ai-je d'argent, si j'en ai, pour inscrire mon enfant dans un programme d'activité physique quelconque? »

À notre avis, ce qui est important, vraiment, c'est que le gouvernement doit, nous le croyons, montrer l'exemple, montrer ce qu'il faut faire, illustrer d'une façon ou d'une autre que la condition physique, l'activité physique, c'est important pour les Canadiens et pour l'ensemble du Canada aussi. Comme je l'ai souligné dans mon exposé, je l'espère, il y a un avantage économique à cela.

Nous espérons que le gouvernement va montrer l'exemple, qu'il va travailler de concert avec ses partenaires des provinces et des territoires, qu'il dira que les ministères responsables de la santé, du sport ou d'autres choses peuvent tous travailler ensemble pour que nos enfants, pour commencer, puis les adultes aussi, nous l'espérons, vont être sensibilisés et deviendront plus actifs et plus en santé à cause de cela. J'espère avoir répondu à votre question.

Le président : M. MacDonald et M. Elliott resteront avec nous pour encore 10 ou 15 minutes, après quoi nous accueillerons M. Ménard pour discuter avec lui.

[Français]

Il y aura Mme Patricia Kosseim, du Commissariat à la protection de la vie privée.

[Traduction]

J'ai une question pour M. Elliott, je vois que vous devenez nerveux et je sais que vous voulez participer.

Dans votre rapport, vous dites qu'il existe une allocation de dépenses pour la promotion de la santé et les activités physiques, qui est passée de 2 à 3 p. 100, ce qui représente une augmentation de 90 millions de dollars; deux paragraphes plus loin, vous parlez de la genèse de votre stratégie, qui doit inclure les personnes handicapées, genèse élaborée au cours des quatre dernières années par votre secteur pour une stratégie que vous appelez Canada actif 20/20. J'aimerais savoir ce que vous demandez exactement et j'aimerais que vous nous donniez un peu plus d'information sur Canada actif 20/20, votre plan stratégique, en deux minutes, si c'est possible?

M. Elliott : Ce que nous demandons, c'est que le gouvernement augmente ses investissements dans des initiatives axées sur un mode de vie sain et actif et sur la promotion de la santé. Comme je l'ai dit pendant mon exposé, le gouvernement fédéral dépense actuellement quelque 9 milliards de dollars pour les programmes de santé et les dépenses en santé, ce qui ne comprend pas les transferts aux provinces et aux territoires. Lorsque nous avons analysé la documentation sur la façon dont cette somme était affectée — les documents datent de quelques années déjà, et les données ont peut-être changé un peu, mais pas trop, j'imagine —, nous avons constaté qu'au mieux, 2 p. 100 de la somme de 9 milliards de dollars était consacrée à des initiatives de ce type, axées sur un mode de vie actif et la promotion de la santé.

Nous croyons qu'il est raisonnable de demander, premièrement, dans un sens un peu plus philosophique, d'augmenter les investissements dans ce secteur pour toutes les raisons que j'ai mentionnées ici et pour bien d'autres que je puis vous exposer. Je suis certain que vous êtes nombreux à les avoir déjà entendues. Nous pensons qu'une augmentation de 1 p. 100 — pour amener le pourcentage à 3 p. 100 — est raisonnable. Je sais que pour le Canadien moyen, une somme de 90 millions semble énorme, mais nous croyons que dans le contexte du budget fédéral, il est absolument essentiel de mettre l'accent sur ce secteur si l'on veut que les Canadiens soient actifs, et en particulier les enfants canadiens.

La note de D moins que j'ai mentionnée, qui figure sur le bulletin de ParticipACTION paru l'an dernier... y a-t-il quelqu'un qui estime que c'est adéquat? J'espère que non.

Le président : De quelle façon cet argent serait-il distribué? Par quel moyen allez-vous faire parvenir cet argent aux personnes, aux organisations ou aux groupes qui vont, eux, aider les jeunes à se mobiliser?

M. Elliott : Je crois que les mécanismes sont déjà en place, dans des organismes comme l'Agence de la santé publique du Canada, Sport Canada, le ministère de la Santé, peut-être le ministère de la Justice ou celui de l'Immigration, par exemple, qui pourraient se servir du sport pour favoriser l'intégration des Néo-Canadiens dans la culture du Canada et pour faire en sorte que leurs enfants se tiennent loin du système de justice. Dans les collectivités des Premières Nations, le sport peut servir à régler certains enjeux ou à relever certains défis auxquels ces collectivités font face tous les jours. Puis vous avez des organisations comme ParticipACTION, qui est assez bien connue et extrêmement bien placée pour distribuer cet argent aux autres organisations qui aident ces choses-là à se faire.

Le président : La seule préoccupation que j'aurais, à titre de citoyen, quand je vous entends parler des ministères et des organismes, c'est que l'argent qui est distribué dans ces ministères et organismes ne réussisse en fait qu'à créer davantage de bureaucratie et d'emplois au gouvernement plutôt que de se rendre directement aux jeunes.

Il existait un crédit d'impôt pour la condition physique. Certains ont dit que ce mécanisme n'était pas nécessairement le plus approprié, mais quel est le mécanisme le plus approprié si l'on veut faire en sorte que l'argent se rende dans les mains des parents ou des groupes qui s'occupent vraiment de faire participer les enfants?

Je ne suis pas vraiment porté à créer davantage d'emplois au gouvernement. Je suis davantage partisan de ParticipACTION. C'est une marque qui a déjà existé, qui s'est retirée des affaires pendant un certain temps et qui a été créée de nouveau. J'ai eu la chance de faire partie de ce conseil d'administration pendant cinq ou six ans, lorsque je présidais le Conseil des Jeux du Canada. C'est une magnifique organisation. Mais, si nous avons une organisation qui est un vaisseau amiral, elle doit être financée de manière appropriée afin de pouvoir faire bonne impression.

L'étape suivante, il me semble, serait de trouver le moyen de verser l'argent directement aux parents, et la troisième chose, ce serait d'amener des sociétés comme Canadian Tire, qui a déjà mis en œuvre son propre programme, lequel est lié au Comité olympique canadien. Nous avons appris cela il y a des années, lorsque je faisais partie du conseil d'administration du COC : c'est un collaborateur important. Il faut trouver le moyen d'amener les grandes sociétés à faire d'importantes contributions pour le sport, de façon qu'il y ait votre programme ParticipACTION, les mécanismes fiscaux, les crédits ou peu importe le type de mécanismes que vous utiliseriez, puis il y aurait des sociétés, qui seraient convaincues de donner de l'argent et de parrainer le sport pour les jeunes. Vous pourriez peut-être lier ces trois éléments dans votre plan, si ce n'est déjà fait. Je deviens nerveux quand j'entends dire qu'il faudrait donner de l'argent à Santé Canada et à tous ces autres ministères, car l'argent ne se rend jamais directement aux gens.

M. Elliott : J'ai peut-être atténué un peu trop mon propos, du point de vue de la responsabilisation, en parlant de l'argent qui passerait par des organismes que les Canadiens en général, je l'espère, considèrent comme étant responsables. Cela dit, je suis tout à fait d'accord avec vous; j'aimerais bien mieux que l'argent soit directement versé aux organisations sur le terrain, qui font le travail, si on peut parler de travail.

ParticipACTION s'élève un peu au-dessus de la mêlée, au-dessus d'autres groupes comme KidSport et Canadian Tire Jumpstart, qui font un travail extraordinaire. Toutes ces organisations versent de l'argent, et ce n'est pas pour le dépenser elles-mêmes, c'est pour qu'il serve aux sports proprement dits, pour payer les frais d'inscription, pour acheter l'équipement pour les jeunes. Ce sont des organisations comme celles-là qui peuvent réellement utiliser l'argent pour aider les enfants à devenir actifs et augmenter le nombre d'enfants qui sont actifs.

Le président : Monsieur MacDonald, selon vous, en ce qui concerne l'engagement des organismes de bienfaisance, ne pourrions-nous pas tenter d'élaborer une politique gouvernementale, avec les organismes de bienfaisance, selon laquelle nous pourrions les amener à participer davantage à des activités sportives? Je ne suis pas certain de savoir quels types d'activités vous faites aujourd'hui du côté des sports. Nous avons un problème d'obésité, nous le savons, et cela n'est pas seulement dû à l'obésité, à la mauvaise condition physique, c'est aussi lié au décrochage scolaire. C'est un problème majeur au Québec. Je sais que le problème se pose aussi dans nos collectivités autochtones, où 57 p. 100 des jeunes terminent leurs études, qu'ils aient 18 ou 20 ans, étant donné que le paramètre change selon la province; il s'agit de jeunes de 18 ou de 20 ans, mais en général, les enfants terminent leurs études secondaires à 17 ou à 18 ans. Verriez- vous les organismes de bienfaisance jouer un rôle et aider à ce chapitre?

M. MacDonald : Absolument. Les intérêts sont magnifiquement harmonisés, ici. Lorsque Bob parle du sport au service du développement, de l'idée d'utiliser le véhicule ou le moyen du sport et de l'activité physique pour s'attaquer aux enjeux sociétaux, c'est une magnifique harmonisation des intérêts. Qu'il s'agisse de la santé physique, de la santé mentale ou d'autres enjeux sociétaux — je peux aller un peu plus loin —, qu'il s'agisse du sport, des arts ou de tout autre moyen, c'est un domaine où le secteur de la bienfaisance, et dans le cas qui nous occupe, une tranche de ce secteur, pour les sports, peut vraiment s'engager et faire beaucoup de bien social.

Il y a une chose entre autres à laquelle nous devons réfléchir — et c'est à la base de la présente conversation —, c'est à la nature préventive. Si nous étions en mesure d'influencer le comportement tant des parents que des jeunes, aujourd'hui, d'une façon positive et peut-être moins coûteuse, nous n'aurions pas à en assumer les frais de santé, plus tard, parce que nous aurions fait adopter dès aujourd'hui de bonnes habitudes.

Qu'il s'agisse d'organisations traditionnelles, qui font beaucoup de travail de bienfaisance, ou du fait de collaborer avec d'autres sous-secteurs pour créer des services complets, qui s'adressent à toute la personne, c'est une occasion formidable pour le secteur.

Le président : Monsieur Howlett, comme vous êtes l'expert de l'équité fiscale, maintenant que nous avons parlé à ces deux messieurs au sujet de ce qu'ils peuvent faire, comment vous y prendriez-vous pour créer un véritable incitatif fiscal, selon votre expérience des réussites et des échecs du passé?

M. Howlett : Je crois que le gouvernement fournit déjà un soutien important à un certain nombre d'organismes du secteur de la bienfaisance. La santé et le sport en est un. J'ai acquis mon expérience dans le domaine du développement international.

L'un des moyens que le gouvernement pourrait utiliser pour fournir un soutien plus efficient consisterait à s'engager à verser un financement pluriannuel à plus long terme. Il faudrait quand même présenter des rapports annuels, faire preuve de responsabilisation et tout cela, mais cela réduirait le fardeau tant pour le secteur des organismes sans but lucratif, qui doivent s'occuper du processus de présentation des demandes, que pour le gouvernement, qui doit traiter toutes ces demandes. Je crois qu'il est possible de le faire, tout en assurant la responsabilisation et en s'assurant que l'argent est bien dépensé.

J'ai justement participé à une consultation, la semaine dernière, avec la nouvelle ministre du Développement international, et j'ai trouvé encourageant de voir qu'il semblait que c'est l'orientation qu'ils sont prêts à prendre, envisager un soutien financier pluriannuel, qui ressemblerait davantage à un financement global, pour les organismes de développement, qui font du très bon travail, plutôt qu'un financement à court terme, par projet, qui exige beaucoup de ressources et de papier, comme c'est devenu la norme récemment.

Le président : Nous avons cinq minutes de plus avant de passer aux prochains témoins.

La sénatrice Marshall : Je travaillais il y a 13 ans environ au ministère de la Santé de Terre-Neuve-et-Labrador, et l'obésité et la santé des gens étaient déjà un enjeu à ce moment-là. Nous l'avons envisagé du point de vue des problèmes de santé connexes et du coût pour le système de santé. Il faut penser à l'inactivité des gens, associer cela à l'augmentation importante du diabète, en particulier chez les jeunes, qui doivent alors subir une dialyse et tout ce que cela coûte pour le système de santé. À votre avis, qui devrait prendre les choses en main et essayer d'élaborer un plan général qui englobe tout? Pensez-vous que cela devrait être le gouvernement ou le secteur privé? Quelles sont vos opinions à ce sujet?

M. Elliott : Cela nous ramène à la deuxième question du sénateur Smith, au sujet du programme Canada actif 20/20.

C'était une initiative du secteur. Une des réunions se tenait à Saint John, au Nouveau-Brunswick, il y a environ trois ans, et visait à mettre un peu de chair autour de l'os de cette idée. C'était dirigé par le secteur. L'organisme ParticipACTION était en fait le groupe qui a mis sur pied un groupe de coordination formé de gens de toutes les régions du pays qui représentaient des organismes sans but lucratif, des organismes de bienfaisance, les gouvernements des provinces et des territoires et le gouvernement fédéral. Plus d'une centaine de personnes y participaient.

Après un certain temps, pour un certain nombre de raisons, le groupe s'est essoufflé, les ministres fédéral- provinciaux-territoriaux responsables du sport et de l'activité physique l'ont remis sur pied pour les Jeux du Canada. En fait, à Prince George, en février de l'an dernier, ils ont dit qu'ils aimeraient que le travail reprenne dans ce dossier et qu'il s'en fasse plus, et qu'il passe à un autre niveau.

De toute évidence, nous avons dit que nous voulions continuer à en faire partie et que c'est nécessaire. Si vous voulez faire cela, ne le faites pas n'importe comment. Vous devez vous doter d'un plan et d'une stratégie, élaborés par le secteur de concert avec le gouvernement, vous pouvez travailler avec le secteur privé s'il le faut également, et vous devez mettre tout cela en place de façon que ce soit sensé pendant une longue période.

J'ai mentionné la politique canadienne du sport. Elle avait été élaborée sur quelques années, avant 2012, mais c'est une politique sur 10 ans, de 2012 à 2022, qui a été approuvée par les ministres FPT responsables du sport. La mise en œuvre de cette politique se poursuit, et elle se fait à des niveaux adaptés aux régions concernées. Si la province dit : « Cet aspect nous convient, mais celui-là, non », nous allons suivre son orientation et faire ce qu'elle nous demande.

C'est la même chose pour une stratégie nationale sur l'activité physique. Si vous pouvez en adopter une qui plaise à tout le monde, vous aurez là une bonne formule qui vous permettra d'atteindre certains de vos buts.

La sénatrice Marshall : À Terre-Neuve, lorsque le problème du taux d'obésité et de l'inactivité s'est présenté, la plupart des gens se tournaient vers le gouvernement, et j'étais d'avis que le gouvernement est un partenaire, dans tout cela, mais qu'il ne peut pas résoudre le problème. Il faut mobiliser les écoles, les parents et les organisations sportives. Il faut que tous les joueurs soient présents à la table et qu'ils participent.

M. Elliott : Les écoles ont un rôle énorme à jouer, comme vous le dites. Nous travaillons surtout à l'échelon fédéral. Quand vous parlez des écoles et des systèmes scolaires, cela relève de toute évidence de la province.

Le sénateur Smith a parlé de Canadian Tire et du travail que cette entreprise fait avec les écoles. Elle a mis sur pied un programme appelé Partenariat canadien pour une vie active après l'école, ces dernières années, et le sénateur Mockler en a peut-être entendu parler. Les responsables sont allés au Nouveau-Brunswick et ont dit : « Seriez-vous prêt à rendre obligatoires, dans votre système, des cours d'éducation physique quotidiens et de qualité? » La seule province au Canada qui offre de tels cours, de la maternelle à la fin des études secondaires, c'est le Manitoba. Une seule province a rendu ces cours obligatoires.

La sénatrice Marshall : Cela coûte quand même beaucoup d'argent aux contribuables. Dans ma province, Tim Horton soutient beaucoup les activités sportives destinées aux enfants, en particulier le soccer. Je crois qu'il faudra vraiment mobiliser un grand nombre d'intervenants, et le problème, c'est que cela coûte beaucoup d'argent aux contribuables.

Le sénateur Mockler : J'aimerais revenir sur la question de la redistribution de la richesse, mais je ne veux pas me servir de la formule de Robin des bois. Vous avez dit que nous pourrions utiliser les impôts comme instrument de redistribution de la richesse au Canada et dans le Nord du Canada.

[Français]

Pourriez-vous nous dire s'il existe d'autres outils pour distribuer la richesse à travers le pays?

[Traduction]

M. Howlett : Le projet de loi d'exécution du budget que vous étudiez prévoit l'une des plus importantes mesures de distribution de l'histoire récente du gouvernement du Canada, et je parle de l'allocation pour enfants. Cette mesure se sert du système fiscal pour verser de l'argent aux familles. Elle en donnera davantage aux gens qui sont le plus dans le besoin, tout en restant un programme universel, qui fait en sorte que tout le monde reçoit quelque chose, bien que les gens de la tranche de revenu supérieure reçoivent moins parce qu'ils n'en ont pas autant besoin.

Cela permet de nous assurer que davantage d'enfants échapperont à la pauvreté, et c'est un très bon programme. Il coûte cher, certes, mais il permettra à long terme au gouvernement de sauver beaucoup d'argent. La pauvreté pendant l'enfance est davantage un indicateur des maladies du cœur, du cancer et du diabète que le tabagisme. C'est énorme. La pauvreté se répercute sur la possibilité pour les enfants de réaliser leur plein potentiel, et cela a un impact économique. C'est pourquoi il est très important de mettre en place une mesure comme l'allocation pour enfants, qui a vraiment un effet sur la redistribution.

Le sénateur Mockler : Les gouvernements, non pas seulement le gouvernement actuel, tous les gouvernements passés aussi, ont eu des défis à relever en ce qui concerne les collectivités des Premières Nations. Qu'auriez-vous à dire à ce sujet, quelles recommandations présenteriez-vous au comité, que nous pourrions à notre tour présenter au gouvernement?

M. Howlett : J'ai dit que le taux de pauvreté des enfants vivant dans les réserves est de 60 p. 100. De nombreuses réserves n'ont même pas accès à de l'eau potable. C'est embarrassant. Le Canada est un pays riche. J'ai beaucoup travaillé dans les pays en développement, j'ai aussi travaillé dans des réserves du nord de l'Ontario, par exemple, et les conditions sont les mêmes. Bien des réserves vivent comme des pays du tiers monde. Rien ne justifie cela. Nous avons la richesse. Nous avons la capacité de régler ces problèmes.

Les recommandations de la Commission de vérité et réconciliation constituent vraiment un bon ensemble de recommandations; c'est un pas en avant, si vous préférez, et je suis très encouragé de voir que le nouveau gouvernement semble prendre cette question au sérieux.

Ma seule préoccupation, c'est que cela va coûter de l'argent, et on ne peut pas régler un problème tout simplement en faisant des déficits. On peut accepter un petit déficit pendant un ou deux ans, mais à long terme, le gouvernement devra générer davantage de revenus s'il veut avoir l'argent nécessaire pour régler le problème de la pauvreté chez les Autochtones, et il n'y a pas, dans ce budget, d'argent pour les soins de santé. Le gouvernement va devoir négocier une nouvelle entente sur la santé avec les provinces, et il aura de la difficulté à le faire s'il ne met pas plus d'argent sur la table. Il pourrait bien vouloir préciser de quelles manières précises cet argent doit être dépensé, mais il doit mettre plus d'argent sur la table s'il veut que cela se termine bien. Il doit vraiment chercher à générer davantage de recettes. Il ne peut pas continuer à s'enfoncer dans le déficit. Voilà pourquoi il est important de se pencher sur la question des échappatoires fiscales, car nous croyons qu'il serait possible d'utiliser au moins 10 milliards de dollars pour s'attaquer au problème de la pauvreté chez les Autochtones ou pour améliorer notre système de santé.

Le président : Nous allons poursuivre la discussion, étant donné que M. Howlett restera avec nous lorsque nous recevrons nos prochains témoins. Nous remercions M. MacDonald et M. Elliott.

Pendant la seconde partie de notre séance d'aujourd'hui, nous nous intéresserons en particulier aux changements législatifs proposés qui visent à permettre l'échange d'information entre les fonctionnaires de l'ARC chargés de la perception des impôts et des dettes non fiscales.

En plus de M. Howlett, de l'organisme Canadiens pour une fiscalité équitable, dans notre second groupe de témoins...

[Français]

...nous accueillons Jean-Claude Ménard, actuaire en chef. Merci de votre présence, monsieur Ménard. Nous accueillons également, du Commissariat à la protection de la vie privée, Patricia Kosseim, avocate générale principale et directrice générale, Direction des services juridiques, des politiques et de la recherche, et Miguel Bernal-Castillero, analyste stratégique des politiques et de la recherche.

[Traduction]

J'imagine que les représentants de chaque organisation vont présenter une courte déclaration préliminaire.

[Français]

Jean-Claude Ménard, actuaire en chef, Bureau de l'actuaire en chef : Bonjour, monsieur le président et honorables membres du comité. Je vous remercie de l'occasion que vous m'offrez de m'adresser à vous aujourd'hui.

Le Bureau de l'actuaire en chef est une unité indépendante du Bureau du surintendant des institutions financières qui offre des services d'évaluation et des conseils actuariels au gouvernement du Canada. Bien que je relève du surintendant des institutions financières, j'assume l'entière responsabilité de la teneur des rapports actuariels du BAC et des opinions actuarielles qu'il y exprime. Le Bureau de l'actuaire en chef joue un rôle de premier plan pour aider les décideurs, les parlementaires et le public à comprendre certains risques associés aux régimes de retraite publics en vérifiant les coûts futurs des différents régimes de retraite relevant de sa compétence.

Dans le cadre de son mandat, le BAC effectue des évaluations actuarielles réglementaires du Régime de pensions du Canada, du programme de la Sécurité de la vieillesse, des régimes de pension et d'assurance des employés du secteur public fédéral et du Programme canadien de prêts aux étudiants.

Depuis 2012, le BAC doit aussi préparer le rapport actuariel législatif sur le taux de cotisation du Régime d'assurance-emploi. Ces évaluations actuarielles sont conçues afin de déterminer la situation financière des régimes et d'aider les intervenants à prendre des décisions éclairées à propos du financement de ces programmes.

[Traduction]

En plus d'assumer ses responsabilités législatives, le Bureau de l'actuaire en chef fournit également de solides conseils et estimations actuariels à divers clients, dont les ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux des Finances, pour le Régime de pensions du Canada, et Emploi et Développement social Canada, pour le Régime de pensions du Canada et la Sécurité de la vieillesse. Ces estimations portent notamment sur les modifications proposées du RPC, de la SV et d'autres programmes.

Le BAC est également chargé d'analyser l'interaction entre le Régime de pensions du Canada et la Sécurité de la vieillesse ainsi que d'autres composantes du système canadien de revenu de retraite. L'évolution rapide du domaine des pensions au Canada s'est traduite par un accroissement du nombre et de la complexité des demandes d'évaluation soumises au BAC relativement à ces deux programmes.

Des données pertinentes, complètes et fiables sont essentielles pour effectuer des travaux actuariels de qualité. Il est donc primordial que le BAC ait accès aux microdonnées requises pour élaborer des hypothèses à court et à long terme fiables afin qu'il puisse projeter la situation financière du RPC, de la SV et des autres programmes relevant de ses responsabilités législatives, et évaluer l'incidence des changements que l'on songe à apporter à la conception de ces programmes.

Le Bureau de l'actuaire en chef est parfaitement conscient de la nature délicate des renseignements que préparent l'Agence du revenu du Canada et d'autres fournisseurs de données. Outre les politiques organisationnelles du BSIF sur la sécurité de l'information, le BAC a ses propres procédures. Par exemple, et cela est important, l'accès aux dossiers contenant des microdonnées est restreint. Le BAC applique le principe de collecte minimale de données; il recueille uniquement — et j'insiste sur le mot uniquement — l'information nécessaire à l'exécution de ses travaux.

Enfin, même lorsque la loi l'autorise à obtenir des renseignements individuels, le BAC a pour politique de ne jamais solliciter de renseignements personnels comme un numéro d'assurance sociale, un nom ou une adresse.

En terminant, je tiens à réitérer que le BAC doit absolument avoir accès aux données appropriées y compris, surtout, les microdonnées, pour être en mesure de s'acquitter de ses obligations législatives, de fournir des services de haute qualité à nos clients et de veiller à ce que les rapports actuariels que nous produisons soient de la plus haute qualité professionnelle.

Je vous remercie de m'avoir invité à m'adresser à vous aujourd'hui. C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.

[Français]

Patricia Kosseim, avocate générale principale et directrice générale, Direction des services juridiques, des politiques et de la recherche, Commissariat à la protection de la vie privée : Je vous remercie d'avoir invité le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada à exprimer son point de vue concernant l'incidence possible sur la protection de la vie privée de l'article 47 du projet de loi C-15. Le commissaire s'excuse de n'avoir pu comparaître devant vous aujourd'hui. Je suis très heureuse d'être parmi vous, au nom du commissaire, accompagnée de mon collègue, Miguel Bernal-Castillero, analyste stratégique des politiques et de la recherche.

J'aimerais profiter du temps qui m'est imparti aujourd'hui pour résumer les observations écrites que nous avons déjà présentées sur les modifications législatives en question.

Le paragraphe 47(1) vise à modifier certaines dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu afin de permettre aux fonctionnaires de l'Agence du revenu du Canada (ARC) de communiquer des « renseignements sur des contribuables » à leurs collègues du ministère. Ces renseignements seraient communiqués dans le but de recouvrer des dettes non fiscales dans le cadre de certains programmes fédéraux et provinciaux. Nous comprenons que cette mesure vise à mieux servir les intérêts des Canadiens en simplifiant les interactions des particuliers au sein de l'Agence du revenu du Canada.

Les modifications proposées seraient conformes à la Loi sur la protection des renseignements personnels, pourvu que les renseignements échangés se limitent à ceux qui sont nécessaires à la fin déclarée — c'est-à-dire le recouvrement par l'ARC des sommes qui lui sont dues — et que l'utilisation des renseignements soit conforme à cette fin.

Cela dit, comme c'est le cas pour n'importe quel échange de renseignements dans le secteur public, nous nous attendons à ce que l'Agence du revenu du Canada respecte les politiques et les documents d'orientation du Secrétariat du Conseil du Trésor concernant la protection de la vie privée. À cet égard, je vous signale que l'ARC nous a récemment fait parvenir une évaluation des facteurs relatifs à la vie privée. L'évaluation, que nous examinons à l'heure actuelle, porte sur de nouveaux systèmes technologiques de traitement, d'intégration et d'analyse de données par l'ARC en vue d'optimiser ses stratégies de recouvrement de dettes fiscales et non fiscales.

[Traduction]

En ce qui a trait au paragraphe 47(2), il propose de modifier la Loi de l'impôt sur le revenu afin de permettre l'échange des renseignements sur des contribuables avec l'actuaire en chef du Canada afin qu'il puisse effectuer des révisions actuarielles de régimes de pension particuliers. Nous savons que cette modification, sous sa forme actuelle, vise à faciliter le travail de l'actuaire en chef et à lui permettre de s'acquitter des fonctions qui lui incombent en vertu de la loi.

Toutefois, nous craignons que ce sous-paragraphe, tel qu'il est libellé, permettrait l'échange de renseignements personnels des contribuables même lorsque des renseignements anonymisés suffiraient. Il serait préférable que la disposition précise que l'échange des renseignements sur les contribuables avec l'actuaire en chef doit être limité à ce qui est nécessaire à la conduite de révisions actuarielles déterminées. Selon ce que nous comprenons, et cela a été confirmé aujourd'hui, l'actuaire en chef n'a pas besoin de renseignements sur le revenu relatifs à une personne identifiable pour effectuer les révisions actuarielles.

Lors de leur comparution devant le comité il y a trois semaines, les fonctionnaires du ministère des Finances ont mentionné que les renseignements communiqués en vertu de cette disposition seraient masqués afin de protéger la vie privée des contribuables. Idéalement, cette intention de masquer ou, sinon, d'anonymiser les renseignements devrait être énoncée explicitement dans le projet de loi. À tout le moins, dans ce cas précis, les ministères qui communiquent les renseignements et l'actuaire en chef du Canada, qui reçoit ces renseignements, devraient inclure une entente officielle confirmant le principe de protection de la vie privée voulant que l'information partagée soit limitée aux seuls renseignements nécessaires à l'objectif déclaré d'une révision actuarielle. Une telle entente devrait prévoir des mesures de protection de la vie privée qui limitent la collecte et l'utilisation, protègent l'information, déterminent des périodes de conservation et établissent des règles pour la destruction effective des renseignements qui ne sont plus nécessaires.

En ce moment, nous croyons comprendre que le gouvernement a l'intention de conclure une telle entente et qu'elle serait assortie de ces mesures de protection. Ce type d'entente atténuerait nos préoccupations concernant l'incidence du projet de loi sur la vie privée.

Je vous remercie de nous avoir donné l'occasion de prendre la parole ici aujourd'hui. Nous répondrons maintenant avec plaisir à vos questions. Merci.

Le président : Merci beaucoup. Nous passons tout de suite à la sénatrice Marshall.

La sénatrice Marshall : Merci beaucoup, monsieur le président. J'ai des questions pour l'actuaire en chef et aussi pour les représentants du commissariat à la protection de la vie privée. Je vais d'abord m'adresser à l'actuaire, car je crois que mes questions vont aussi intéresser nos prochains témoins.

Les données dont nous parlons, au sujet du projet de loi C-15, sont-elles des données que vous n'avez jamais reçues dans le passé?

M. Ménard : Oui, en effet.

La sénatrice Marshall : Ce sont de nouvelles données, n'est-ce pas?

M. Ménard : Nous recevions de telles données de 2001 à 2009, et au cours des trois dernières années, certains avocats de l'Agence du revenu du Canada, du ministère des Finances et de Emploi et Développement social Canada se sont dits préoccupés de la question de savoir si la loi donnait à l'actuaire en chef des pouvoirs appropriés pour recevoir cette information. Nous avons tenu des discussions visant à savoir s'il existait une solution autre que législative à ce problème, et nous avons conclu qu'il était nécessaire de modifier la loi.

Selon ce que j'en comprends, nous aurons toujours besoin d'une lettre d'entente avec l'ARC visant à assurer que nous ne recevons que les informations dont nous avons besoin et que nous pouvons prouver que nous avons besoin de cette information pour nous acquitter de tâches particulières, dans le cadre de notre travail, et rien de plus.

La sénatrice Marshall : Ainsi, le terme utilisé pour décrire les données que vous recevez de l'Agence du revenu du Canada, c'est « renseignements masqués ». Vous ne recevez donc aucun renseignement identificatoire, ou est-ce que l'information vous est transmise et vous ne pouvez pas voir ces renseignements? J'essaie de saisir le concept de « renseignements masqués ».

M. Ménard : Le terme « renseignements masqués » est synonyme de « renseignements cryptés ». Il y a un algorithme mathématique qui transforme les NAS, mais cette information est un identificateur clé qui nous permet de nous assurer que, lorsque nous examinons la base de données de la Sécurité de la vieillesse, par exemple, nous pouvons voir les renseignements fournis par l'ARC et ceux du Fichier maître des prestations de la SV de façon que nous puissions mener une évaluation appropriée en vue du rapport actuariel.

La sénatrice Marshall : Donc, quant aux renseignements dont vous êtes responsable, recevez-vous des experts qui contrôlent la sécurité? Y a-t-il des risques associés au fait que cette information est transmise et que des renseignements identificatoires sont établis?

M. Ménard : Le premier moyen de défense consiste à s'assurer que nous n'avons jamais en aucun cas de renseignements personnels. C'est la première mesure. Ensuite, les gens n'ont accès qu'aux dossiers dont ils ont besoin pour faire leur travail. Le Bureau du surintendant des institutions financières peut compter sur un très solide et robuste système de protection de l'information.

La sénatrice Marshall : D'accord. Vous servez-vous de Services partagés Canada?

M. Ménard : Non.

La sénatrice Marshall : Vous contrôlez donc tout?

M. Ménard : Oui.

La sénatrice Marshall : Avez-vous déjà fait l'objet d'examens de sécurité visant les renseignements que votre bureau détient?

M. Ménard : Nous avons déjà fait l'objet d'une vérification interne touchant la gestion des renseignements personnels. Nous avons dû à ce moment-là cerner les cas où nous détenions toujours des bases de données, lesquelles concernaient principalement des employés de la fonction publique. Il y avait encore des noms, ou encore des dossiers d'Anciens Combattants, et nous avons pris des mesures de façon que le fournisseur de données supprime le nom des gens, car nous n'avons pas besoin du nom des gens pour faire notre travail.

Nous avons toujours un dossier contenant le nom de personnes. C'est un dossier sur le Sénat. C'est un ancien système. Il concerne votre propre régime de pensions. Alors, nous avons décidé de prendre le dossier, de supprimer le nom, de le remplacer par un numéro et nous nous sommes assurés que ce dossier serait sécurisé sur un réseau de façon que plus personne n'ait accès aux noms.

La sénatrice Marshall : D'accord. Donc, à un moment donné, vous devrez éliminer certaines données. Vous n'allez pas continuer de les accumuler année après année. Comment éliminez-vous les données?

M. Ménard : Le cycle des rapports actuariels est de trois ans. Tous les trois ans, nous remplaçons les dossiers et détruisons les dossiers précédents. Il y a un point important à souligner, toutefois. Nous devons valider les bases de données que nous recevons. Il peut s'écouler un an entre le moment où nous recevons un nouveau dossier et celui où nous détruisons l'autre dossier, et nous faisons cela parce qu'il nous est déjà arrivé à quelques occasions de recevoir de mauvais dossiers. Mais ce n'est pas parce que ces dossiers étaient bons deux ou trois ans plus tôt qu'ils sont toujours bons aujourd'hui, et c'est pourquoi nous devons faire une validation appropriée. Quand nous sommes convaincus que les bases de données reçues sont justes, fiables et exactes, nous détruisons les dossiers précédents. Mais le Bureau de l'actuaire en chef a une politique selon laquelle il doit conserver tous les documents pendant 12 ans.

La sénatrice Marshall : Comment éliminez-vous les dossiers? Comment procédez-vous? Qui supervise le processus pour s'assurer qu'ils sont vraiment détruits et que personne ne peut y avoir accès?

M. Ménard : Le service des technologies de l'information envoie quelqu'un. En fait, c'est la raison pour laquelle il y a eu récemment une vérification interne; elle visait à assurer que nous éliminions les dossiers en question de manière appropriée.

La sénatrice Marshall : Cela a déjà fait l'objet d'une vérification?

M. Ménard : Oui.

La sénatrice Marshall : Nous avons reçu d'autres témoins qui ont parlé des prêts aux étudiants. Je sais que vous vous occupez des examens actuariels à cet égard. Quels pourcentages des prêts étudiants font l'objet de la perception? Le savez-vous?

M. Ménard : Il y a environ un demi-million d'étudiants qui reçoivent un prêt d'études, et, la dernière année, nous avons versé pour 2,7 milliards de dollars de nouveaux prêts. De manière globale, les prêts directs représentaient environ 17 milliards de dollars au 1er juillet 2015. Il est prévu que ce montant atteigne 31 milliards de dollars dans 25 ans. La loi prévoit en outre une limite, laquelle est fixée aujourd'hui à 24 milliards de dollars, mais le portefeuille des prêts directs est de 17 milliards de dollars.

La sénatrice Marshall : Sauriez-vous quel pourcentage de cet argent est remboursé par les étudiants? J'ai demandé à d'autres témoins quel pourcentage des prêts d'études faisait l'objet d'une perception. La dernière réponse que j'ai reçue était environ 90 p. 100. Est-ce que cela vous semble sensé? Auriez-vous un chiffre plus exact?

M. Ménard : Cela me semble sensé, mais il faudrait que je vérifie dans le rapport actuariel, le dernier rapport présenté au Parlement.

La sénatrice Marshall : Merci. Monsieur le président, ai-je le temps de m'adresser maintenant aux commissaires à la protection des renseignements personnels?

Le président : Ce serait excellent. Comme vous êtes une ancienne vérificatrice générale, il me semble que cela est parfaitement de votre ressort.

La sénatrice Marshall : Je vais poursuivre. Parfait. Merci.

Lorsque de nouveaux projets de loi sont déposés, est-ce que le Commissariat à la protection des renseignements personnels les examine tous? Est-il normalement prévu que vous examiniez tous les nouveaux projets de loi pour vous assurer qu'il n'y a pas de problèmes concernant la protection des renseignements personnels?

Mme Kosseim : Oui, de fait, nous examinons tous les projets de loi qui sont déposés. Nous les évaluons, et des gens comme Miguel et les autres membres de notre groupe des politiques et des affaires parlementaires examinent tous les projets de loi fédéraux déposés pour évaluer les répercussions possibles sur la protection des renseignements personnels. Nous nous attachons en particulier aux projets de loi qui pourraient, à notre avis, avoir possiblement des répercussions, et nous nous attachons à ces préoccupations.

La sénatrice Marshall : Est-ce que le problème que nous avons cerné, touchant le paragraphe 47, a été relevé par votre bureau lorsque vous avez fait l'examen de la Loi sur l'exécution du budget?

Mme Kosseim : L'examen du projet de loi se serait déroulé comme pour tout autre projet de loi. Ensuite, nous aurions procédé à l'évaluation des risques pour les renseignements personnels. Toute préoccupation relevée aurait alors été examinée à l'interne et avec le commissaire, puis on aurait décidé d'en aviser ou non le Parlement, par exemple.

La sénatrice Marshall : En ce qui concerne l'Agence du revenu du Canada ou tout autre organisme ou ministère du gouvernement, menez-vous des examens de façon systématique? L'Agence du revenu du Canada possède un grand nombre de renseignements confidentiels sur des millions de personnes. Effectuez-vous couramment des examens de la façon dont ils gèrent leurs données? Je ne parle pas uniquement de la conservation des données; il y a aussi les personnes qui ont accès à l'information et la façon dont les renseignements sont détruits. Pouvez-vous nous parler un peu de cela?

Mme Kosseim : Nous faisons ce genre de choses de diverses façons. Par exemple, en 2013, nous avons effectué une vérification approfondie de l'ARC et de ses pratiques de gestion de l'information. Nous avons publié le rapport de vérification en 2013, dans notre rapport annuel au Parlement. Nous avons procédé au suivi relativement à ces recommandations en 2016 pour voir comment la mise en œuvre progressait. Je crois que le rapport à ce sujet sera à nouveau compris dans notre rapport annuel à l'automne. Donc, voilà ce que fait le groupe de vérification.

Il nous arrive aussi de recevoir des plaintes de particuliers à propos de l'ARC. Lorsque cela arrive, nous enquêtons sur ces plaintes. Par la même occasion, nous pouvons examiner les pratiques qui sont source de préoccupations pour le plaignant.

L'ARC et les autres ministères doivent se soumettre à des évaluations des facteurs relatifs à la vie privée. C'est-à-dire que les ministères qui souhaitent mettre en œuvre de nouveaux programmes ou de nouvelles initiatives ou encore modifier les programmes existants devront déterminer s'il est nécessaire, en vertu de la politique du Conseil du Trésor, qu'une évaluation des facteurs relatifs à la vie privée soit menée. Le cas échéant, l'EFVP doit être transmise à notre bureau. On encourage — très fortement, à dire vrai — les ministères à nous envoyer une copie de leur EFVP avant la mise en œuvre du programme ou de l'initiative afin de nous donner le temps de l'examiner. Si les risques le justifient, nous communiquerons nos commentaires et notre rétroaction au sujet de l'EFVP au ministère.

La sénatrice Marshall : De quelle façon participez-vous au retrait des renseignements détenus par l'ARC? On ne peut pas accumuler l'information éternellement. À un moment donné, il va falloir éliminer certains des renseignements plus anciens. Jouez-vous un rôle à ce chapitre?

Mme Kosseim : Les pratiques de retrait et de destruction des renseignements ont probablement été examinées dans le cadre de notre vérification de 2013. Miguel, pouvez-vous le confirmer? Si une recommandation a été formulée à ce sujet, on en aurait fait le suivi dans notre examen de 2016. Laissez-moi vérifier si nous avons examiné la destruction des renseignements en particulier et si nous avons formulé des recommandations à ce sujet.

En passant, simplement à titre indicatif, nous jouons également un rôle consultatif plus général pour les organismes et les ministères du gouvernement. Au cours des deux ou trois dernières années, nous avons fourni une orientation sur le retrait et la destruction en bonne et due forme de renseignements personnels qui n'étaient plus nécessaires. Le document d'orientation sur le retrait de renseignements personnels peut être consulté sur notre site web. Il est offert dans les deux langues officielles et peut être utilisé par les organisations du secteur public et par les entreprises du secteur privé, puisque nous les réglementons aussi, conformément aux dispositions visant le secteur privé. Le document présente de façon concrète les étapes et les procédés relatifs à la destruction efficace des renseignements.

La sénatrice Marshall : Il n'y a pas très longtemps, les médias ont signalé que l'Agence du revenu du Canada accumulait beaucoup de dossiers papier, d'après ce que j'en ai compris. Cela vous dit-il quelque chose? Pendant que vous parliez, je me demandais quelles mesures de sécurité étaient en place.

Mme Kosseim : Ça ne me dit rien en particulier.

La sénatrice Marshall : Services partagés Canada remplit un grand nombre de fonctions au gouvernement. Intervenez-vous de quelque façon que ce soit auprès de Services partagés Canada? Ce ministère a accès à beaucoup de données, y compris des données personnelles. De quelle façon intervenez-vous auprès de lui?

Mme Kosseim : Votre question est excellente et très opportune, parce que je crois que nous allons aborder cela dans notre rapport annuel au Parlement à l'automne. Les plaintes que nous avons traitées récemment ou les vérifications et les examens que nous avons menés dernièrement nous ont montré que les ministères recourent à Services partagés Canada en ce qui a trait à leurs systèmes de technologie de l'information. Il en découle, concrètement, toutes sortes de problèmes qui font en sorte qu'il faut attribuer les responsabilités et l'obligation de rendre des comptes, décider qui s'occupe de quoi et qui en est responsable, et il faut aussi s'assurer que rien ne passe entre les mailles du filet. Voilà donc certains des problèmes sur lesquels porte notre évaluation à mesure que Services partagés Canada est appelé à fournir de plus en plus ces services. Nous ferons état de tout cela dans notre rapport annuel.

Le président : Monsieur Howlett, au cinquième point de votre exposé, vous avez mentionné l'échange de renseignements sur des contribuables à l'interne par l'Agence du revenu du Canada, et vous vouliez nous donner votre opinion ou vos commentaires à ce sujet. Vous en aurez peut-être l'occasion après la réponse de M. Ménard à ma question.

Monsieur Ménard, lorsque vous présentez une demande de renseignements directement à l'ARC, quel genre d'information voulez-vous obtenir? S'agit-il de renseignements sur des dossiers particuliers, ou avez-vous besoin d'information sur un thème ou sur un sujet d'étude en particulier, par exemple les régimes de retraite publics ou n'importe quel autre sujet à l'étude à un moment donné?

On ne fournit plus de renseignements ou de données à votre bureau depuis l'exercice 2009-2010. Pouvez-vous nous parler des conséquences que cela a eues? Vous avez mentionné que des changements avaient eu lieu à cette époque.

M. Ménard : Premièrement, il est plus difficile pour nous de bien faire notre travail depuis 2009. Nous sommes parvenus à un accord avec l'ARC, mais le grand nombre de restrictions nous empêchaient de travailler aussi efficacement que nous l'aurions souhaité.

L'information dont nous avons besoin concerne surtout le Programme de la sécurité de la vieillesse. Il est très facile d'effectuer des prévisions sur la Sécurité de la vieillesse, c'est-à-dire la pension de base. Selon la loi, nous devons établir des prévisions sur 30 ans pour les prestations. En conséquence, nous avons besoin d'information relativement à la population de personnes âgées.

La situation est différente pour le Supplément de revenu garanti. Même si nous avons établi un processus rigoureux pour calculer le coût associé au Supplément de revenu garanti au cours des cinq prochaines années, il est plus difficile d'établir des prévisions sur 20, 25 ou 30 ans, puisqu'il faut aussi tenir compte du revenu de retraite ou du revenu des personnes âgées. Voilà pourquoi la base de données de l'ARC nous est si utile : nous pouvons l'interroger à propos des différents revenus des personnes âgées, ce qui comprend les comptes d'épargne libre d'impôts qui peuvent avoir une incidence sur le Supplément de revenu garanti.

À propos, lorsque nous obtenons de l'information à propos d'un revenu, le montant est arrondi à 100 $ près. Les montants sont toujours arrondis afin de réduire au minimum le risque d'identifier éventuellement une personne grâce à son revenu.

Le président : Merci. Monsieur Howlett, voulez-vous formuler des commentaires à propos du cinquième point de votre exposé? Vous avez dit vouloir aborder en détail le sujet des renseignements sur les contribuables. Si vous avez une question à laquelle les représentants du Commissariat à la protection de la vie privée pourraient répondre, il serait peut-être pratique d'en discuter.

M. Howlett : Je crois que j'appuierais les dispositions proposées, mais je m'en remets à l'expertise des autres témoins ici présents. Je tiens à souligner le fait que nous effectuons un important travail afin de renforcer l'efficacité et l'efficience de l'ARC. L'Agence est à la limite de ses capacités, et je crois que nous pourrions l'aider à faire son travail d'une façon plus efficiente.

Je crois fermement que le Canada dispose d'un régime solide de protection de la vie privée, qui est supérieur à celui de beaucoup d'autres pays. Je suis convaincu, puisque les renseignements sont détenus par l'ARC — ou par M. Ménard, lorsque certains renseignements lui sont confiés —, que toutes les mesures nécessaires sont prises pour assurer la protection des renseignements personnels.

Dans les pays scandinaves, pour brosser un portrait plus large de la situation, la déclaration de revenu de chaque contribuable est affichée à la vue de tous sur Internet, et le gouvernement offre de remplir la déclaration de revenus pour tout un chacun. Cela ne semble poser aucun problème là-bas, en partie parce que leur société est très égalitaire et parce que les citoyens croient que leur argent est très bien utilisé, et ce, même s'ils paient généralement davantage de taxes que les Canadiens.

J'ai parfois l'impression que les Canadiens s'accrochent un peu plus à la protection de la vie privée que les gens dans les autres pays. Cela dit, je crois fermement que nous ne devons pas prendre à la légère le danger associé à la divulgation de renseignements personnels. À mon avis, les renseignements fiscaux ne sont pas aussi critiques que les renseignements qui sont traités, par exemple, par le SCRS.

À ce chapitre, je suis convaincu que des mesures suffisantes sont prises afin de protéger les renseignements et que seules les données nécessaires sont communiquées, ce qui débouche sur un service plus efficace et une meilleure rentabilité pour les services gouvernementaux au bout du compte. Je crois qu'il serait avantageux de continuer sur cette voie.

Le président : Merci.

La sénatrice Marshall : Je suis consciente du fait que l'actuaire en chef a besoin de certains renseignements pour accomplir son travail, comme nous avons besoin de certains renseignements pour prendre des décisions en matière de politiques. Toutefois, le respect de la vie privée est un sujet délicat au Canada actuellement. Nous avons même un commissaire à la protection de la vie privée. Je ne vois pas de problème à ce que les données soient communiquées, mais je dois souligner que le respect de la vie privée l'emporte sur le reste, et que la protection des renseignements est aussi très importante. Je veux que vous compreniez cela.

M. Ménard : Je suis tout à fait d'accord avec ce que vous dites.

Le président : Nos trois témoins ont-ils d'autres commentaires pour terminer? Madame Kosseim, j'ai cru voir que vous vouliez dire quelque chose après les deux autres intervenants.

Mme Kosseim : Non, je voulais simplement répondre à la question qu'un membre du comité avait posée par rapport à la recommandation dans notre vérification de 2013 qui visait l'ARC en particulier. J'ai eu l'occasion de revérifier, et nous n'avons formulé aucune recommandation sur le retrait ou la destruction de renseignements en particulier. Toutefois, il en est question dans nos recommandations générales sur les mesures de sécurité appropriées, les mécanismes de protection de la vie privée, les évaluations contrôlées des facteurs relatifs à la vie privée et le besoin de mener des évaluations de la menace et des risques. Cela est intégré dans l'un des principes importants que nous avons recommandé à l'ARC d'intégrer dans ses systèmes.

Le président : Le processus d'évaluation des facteurs relatifs à la vie privée, qui est en cours d'examen, est-il terminé? Dans votre exposé, vous avez dit :

[...] comme c'est le cas pour n'importe quel échange de renseignements dans le secteur public, nous nous attendons à ce que l'ARC respecte les politiques et les documents d'orientation du Secrétariat du Conseil du Trésor concernant la protection de la vie privée.

À cet égard, je vous signale que l'ARC nous a récemment fait parvenir une évaluation des facteurs relatifs à la vie privée. L'évaluation, que nous examinons à l'heure actuelle, porte sur de nouveaux systèmes de traitement, d'intégration et d'analyse de données par l'Agence en vue d'optimiser leurs stratégies de recouvrement de dettes fiscales et non fiscales.

Comment cela avance-t-il, et quand cela serait-il terminé?

Mme Kosseim : À dire vrai, nous avons reçu le rapport le mois dernier, et nous sommes encore en train de l'examiner. J'imagine que nous allons suivre le processus habituel et serons en mesure de fournir une rétroaction utile sur ce qui pourrait être amélioré.

L'EFVP en question ne concernait pas uniquement l'article 47. Elle concerne l'ensemble de la modernisation des technologies de l'information et des systèmes de renseignement économique afin que les différents organes de l'Agence ne fonctionnent plus en vase clos, leur permettant d'axer leurs efforts et leur attention sur les domaines où les risques sont les plus élevés. Essentiellement, il leur sera ainsi plus facile de mettre en place des systèmes relatifs à l'économie et à la technologie qui sont nécessaires à l'amélioration de leur travail.

Le président : Monsieur Ménard, y a-t-il des interactions continues entre vous et le Commissariat à la protection de la vie privée ou Mme Kosseim? Est-ce que vous collaborez de façon régulière? Pouvez-vous nous parler du genre de relations qui existe entre vos organisations?

Mme Kosseim : Nous n'avons pas eu beaucoup d'interaction avec M. Ménard, mais c'est peut-être une bonne chose. L'occasion ne s'est pas présentée, et Dieu merci, nous n'avons pas reçu de plainte. C'est encourageant.

D'un autre côté, nous savons que vous avez l'intention d'étudier cette entente sur l'échange de renseignements afin de déterminer s'il convient d'effectuer une évaluation des facteurs relatifs à la vie privée. Bien sûr, nous restons à votre disposition; nous voulons sincèrement vous aider tout au long du processus et ferons tout notre possible pour y contribuer.

M. Ménard : Depuis 2001 — donc, depuis les 15 dernières années —, nous avons reçu des renseignements anonymisés sur des particuliers. Jusqu'ici, il n'y a pas eu — je touche du bois — d'atteinte à la sécurité. Nous serions heureux de travailler, de quelque façon que ce soit, avec le commissaire à la vie privée, parce que, comme l'a dit la sénatrice Marshall, la protection des renseignements personnels est extrêmement importante.

Le président : J'ai une dernière question pour vous deux : quelle est la difficulté la plus importante relativement à vos activités?

Mme Kosseim : Je dirais que c'est de suivre le rythme de la technologie ainsi que les incroyables innovations et percées technologiques qui améliorent l'économie et nos vies sociales, mais qui, en même temps, soulèvent des menaces pour la vie privée. Nous essayons de nous tenir à jour afin d'être en mesure de protéger la vie privée des gens sans faire obstruction aux innovations et à l'amélioration du bien-être social et économique. Ce n'est pas facile. Nous sommes sur le fil du rasoir chaque jour, et nous faisons de notre mieux.

M. Ménard : Je suis un fervent partisan de la justice sociale. Dans le cadre de mon travail, j'essaie de trouver des façons de contribuer à la diminution du taux de pauvreté pour l'ensemble de la population canadienne. Une belle réussite canadienne est le fait que nous avons l'un des taux de pauvreté pour les personnes âgées les plus bas au monde. Le taux de pauvreté est plus élevé chez les personnes seules que chez les couples. J'ai aimé ce que M. Howlett a dit plus tôt à propos de la Prestation fiscale canadienne pour enfants : nous devons faire davantage d'efforts pour réduire la pauvreté, surtout en ce qui concerne les Autochtones.

Le Canada se classe parmi les cinq premiers pays au monde où les taux de mortalité sont les plus bas et où l'espérance de vie est la plus élevée. Toutefois, l'espérance de vie des gens dans le Nord est plus courte de dix ans que pour le reste de la population. Il s'agit d'une petite population, alors cela ne joue pas globalement sur les statistiques, mais c'est quand même assez dérangeant. Selon moi, l'espérance de vie est un bon indicateur de la croissance économique, et ce, dans n'importe quel pays du monde. Malgré tout, le problème demeure pour les gens vivant dans le Nord.

Le président : Monsieur Howlett, voulez-vous dire quelque chose avant que nous ne terminions?

M. Howlett : À mon avis, il est difficile d'aider le gouvernement à trouver les meilleures pistes de solutions pour rendre le système fiscal plus juste et de pouvoir percevoir les recettes nécessaires qui nous permettraient non seulement de régler un grand nombre des problèmes avec lesquels nous sommes aux prises, mais également de rendre notre système fiscal plus juste pour toute la société.

Le président : Je tiens à remercier tous les témoins et leur souhaite la meilleure des chances dans l'avenir.

La séance est levée.

(La séance est levée.)

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