Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule n° 11 - Témoignages du 9 juin 2016 (Séance du soir)
OTTAWA, le mercredi 8 juin 2016
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui, à 18 h 54, pour examiner la teneur complète du projet de loi C-15, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 22 mars 2016 et mettant en œuvre d'autres mesures.
Le sénateur Larry W. Smith (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonsoir à tous. Chers collègues et membres du public qui suivez nos délibérations par voie électronique, bienvenue au Comité sénatorial permanent des finances nationales. Notre comité a reçu le mandat d'examiner le budget des dépenses fédéral et, de manière générale, les finances gouvernementales. Je m'appelle Larry Smith, je suis un sénateur du Québec et je préside ce comité. Permettez-moi de présenter brièvement les autres membres du comité.
En commençant par ma droite, il y a l'éminente juge de la Saskatchewan, la sénatrice Raynell Andreychuk et, à sa droite, quelqu'un qui est très connu dans l'Est, le Centre et l'Ouest du Canada, le sénateur Percy Mockler, puis, à sa droite à lui, l'ex-vérificatrice générale et championne du Rocher, la sénatrice Beth Marshall. Nous sommes très fiers d'avoir un groupe aussi compétent.
[Français]
Ce soir, nous poursuivons notre étude de la teneur du projet de loi C-15, Loi no1 d'exécution du budget de 2016.
[Traduction]
Durant la première partie de cette réunion, nous entendrons en vidéoconférence M. Aaron Wudrick, de la Fédération canadienne des contribuables.
[Français]
Pour la deuxième partie de notre réunion ce soir, nous recevons le directeur parlementaire du budget, Jean-Denis Fréchette.
[Traduction]
Du Bureau du directeur parlementaire du budget, nous accueillons Mostafa Askari, directeur parlementaire adjoint du budget et vedette de la chaîne de télévision CBC, qui a dit de bonnes choses à notre sujet la semaine dernière; Jason Jacques, directeur, Analyse financière; Carleigh Malanik, analyste financier; Duncan MacDonald, analyste financier; et Chris Matier, directeur principal, Analyse économique et financière et prévisions.
Je vous remercie tous d'être ici ce soir. Monsieur Wudrick, vous avez la parole.
Aaron Wudrick, directeur fédéral, Fédération canadienne des contribuables : Merci, monsieur le président. Bonsoir à tous. Je m'appelle Aaron Wudrick et je suis le directeur fédéral de la Fédération canadienne des contribuables. Je tiens à remercier le comité de m'avoir invité à comparaître ce soir pour parler de certaines dispositions du projet de loi C-15, et surtout de s'être organisé pour me permettre de témoigner par vidéoconférence à partir de Kamloops.
En guise de préface à mon témoignage, j'aimerais faire une remarque générale au sujet de la position de la Fédération sur le premier budget du gouvernement, ce qui est d'ailleurs la raison pour laquelle je me trouve à Kamloops aujourd'hui. À la Fédération canadienne des contribuables, nous sommes actuellement en train de transporter, d'un bout à l'autre du pays, de Vancouver à Halifax, notre grande horloge numérique qui fait le décompte de la dette fédérale, afin de sensibiliser la population au niveau énorme de cette dette, qui s'élève aujourd'hui à 624 milliards de dollars.
Nous faisons cela depuis les années 1990. Nous l'avons fait sous les gouvernements libéraux de Paul Martin et de Jean Chrétien et nous avons eu le plaisir de mettre l'horloge au rencard en 1997 quand Paul Martin a présenté un budget équilibré. En fait, les budgets équilibrés sont ensuite devenus la norme, ce qui nous avait même fait perdre la trace de l'horloge. Nous avons dû faire des recherches pour la retrouver en 2009, lorsque le gouvernement Harper nous a replongés dans les déficits. Nous avons remis l'horloge en service en 2011 et avons alors recommencé à la faire circuler dans le pays. Nous nous sommes réjouis l'an dernier que ce gouvernement soit finalement retourné à un budget équilibré. Avec le budget du nouveau gouvernement, il est difficile de ne pas avoir un sentiment de déjà vu, à la différence que cette fois-ci, on ne semble pas avoir l'intention de renouer avec l'équilibre budgétaire.
Parlons maintenant de certaines des mesures du projet de loi C-15. Nous tenons à exprimer notre déception d'avoir constaté que le gouvernement a décidé d'annuler les réductions prévues du taux d'imposition des entreprises. Comme la plupart des gens le savent, les entreprises dressent généralement leur plan d'activité bien à l'avance, et l'on peut dire que l'annulation des réductions d'impôts prévues est à toutes fins utiles une augmentation d'impôts pour celles qui s'attendaient à une baisse.
En ce qui concerne l'annulation du fractionnement du revenu, la FCC a déclaré il y a déjà bien longtemps qu'elle préfère des réductions d'impôts générales à des mesures clientélistes. Le fractionnement du revenu se situe à peu près entre les deux, dans la mesure où il n'est pas assez général pour s'appliquer à tout le monde ni aussi clientéliste que la kyrielle de crédits d'impôts créés par le gouvernement précédent. Bref, il y a d'autres impôts que nous aurions préféré voir réduits, mais cette annulation représentera aussi une augmentation d'impôts considérable pour beaucoup de familles canadiennes, ce qui est tout à fait regrettable, à notre avis.
En ce qui concerne le remplacement de la Prestation universelle pour la garde d'enfants par la Prestation canadienne pour la garde d'enfants, c'est un changement que nous approuvons. Il rendra le système plus simple en fusionnant plusieurs programmes existants. C'est aussi une prestation non imposable, ce qui veut dire qu'il sera plus facile pour les Canadiens de savoir exactement ce qu'ils touchent. En outre, elle est fondée sur les moyens financiers, ce qui veut dire que l'argent est versé aux familles qui en ont le plus besoin.
La FCC s'oppose à la création d'une tranche de 33 p. 100 d'impôt sur le revenu. Nous croyons que c'est une erreur, pour plusieurs raisons, la plus importante étant simplement qu'elle ne générera pas beaucoup de recettes. Comme le veut un adage bien connu, plus on taxe un produit, moins on en accumule, et ça vaut aussi pour le revenu. Les riches ne sont peut-être pas le groupe le plus sympathique à défendre, mais il n'en reste pas moins qu'ils payent une part proportionnellement excessive de toutes les recettes fiscales au Canada. Envoyer le signal qu'ils seront taxés encore plus ne va certainement pas les inciter à essayer de gagner plus.
Finalement, parlons maintenant de la Sécurité de la vieillesse. Nous nous opposons à ce que l'on ramène à 65 ans l'âge d'admissibilité. Très franchement, cela n'a strictement aucun sens à nos yeux. Notre système de sécurité de la retraite, qui comprend le RPC, la SV et le SRG, a été conçu à une époque où l'espérance de vie moyenne était beaucoup plus courte, et il n'a pas été modifié pour tenir compte de la nouvelle réalité, qui est que les Canadiens vivent heureusement plus longtemps.
Avec une population vieillissante, faire passer l'âge d'admissibilité à la Sécurité de la vieillesse à 67 ans était une mesure modeste mais concrète qui allait contribuer à maîtriser la hausse continue des coûts du programme. Une refonte plus globale du système est toujours nécessaire, mais cette décision en particulier est rétrograde.
Voilà, c'était la déclaration que j'avais préparée, et je répondrai maintenant avec plaisir à vos questions.
Le président : Merci beaucoup, monsieur. Je crois comprendre que vous restez à notre disposition pendant encore 20 ou 25 minutes, n'est-ce pas?
M. Wudrick : C'est ça.
Le président : Si ça vous convient, chers collègues, nous allons poser quelques questions au témoin avant de faire témoigner le deuxième groupe.
La sénatrice Andreychuk : J'aimerais avoir des éclaircissements sur la décision de ramener l'âge d'admissibilité de 67 à 65 ans. Je n'ai encore entendu personne dire que c'était une bonne décision, et elle va certainement à contre-courant de ce qui se fait dans d'autres pays. Avez-vous pu identifier un avantage quelconque de cette mesure, à part l'avantage politique que peut en tirer le gouvernement? À mon avis, c'est complètement illogique.
M. Wudrick : C'est une décision purement politique qui n'a strictement aucun sens. Comme les gens vivent plus longtemps, il serait tout à fait logique de mettre en place un système susceptible d'assurer la sécurité de la retraite, en tenant compte du fait que l'espérance de vie est plus longue et que les gens travaillent plus longtemps. Très franchement, nous pensons qu'il y avait beaucoup d'autres choses à faire avant celle-là. Cette décision nous a pris par surprise, et nous estimons que ramener l'âge d'admissibilité à 65 ans n'est que de l'opportunisme politique.
La sénatrice Andreychuk : Mon autre question porte sur les petites entreprises. Les gouvernements ne cessent de nous dire que les petites et moyennes entreprises sont le moteur économique du pays, à la fois sur le front international et sur le plan national. Si l'on abolit ces avantages fiscaux, quelle en sera l'incidence sur les petites entreprises?
Je songe en particulier à toutes les petites entreprises qui ont été créées par des femmes. J'ai entendu des témoignages convaincants sur le fait qu'en élaborant des règlements et des avantages fiscaux pertinents, on permettra à des femmes de trouver leur place dans des structures corporatives, et ce, de manières très ingénieuses. On nous dit qu'il est inutile d'aider celles qui donnent des cours de yoga et qui veulent en faire une PME. Je ne suis pas d'accord. Je pense que ce genre de personnes constitue l'épine dorsale de nos collectivités. Si ces avantages fiscaux disparaissent, que se passera-t- il? Avez-vous entendu des réactions de ces femmes dans votre fédération?
M. Wudrick : Oui. En fait, cette problématique des petites entreprises est probablement l'une des plus grandes préoccupations exprimées par nos membres du secteur des PME, pendant et après les dernières élections. Bon nombre d'entre eux étaient inquiets parce qu'ils craignaient que les impôts n'augmentent considérablement.
Comprenez bien que, lorsque des réductions d'impôts sont prévues et qu'on a fixé leur date d'entrée en vigueur, les abolir revient à toutes fins utiles à augmenter les impôts. Ce n'est pas neutre. Si les gens ont déjà dressé leurs plans et leurs budgets en fonction de ces réductions et qu'on décide ensuite d'annuler ces dernières, cela revient en fait à augmenter leurs impôts.
La sénatrice Marshall : Monsieur Wudrick, lorsque le budget est présenté, est-ce que votre organisation l'analyse en détail ou se contente-t-elle d'en faire une lecture en diagonale?
M. Wudrick : Je vais au huis clos des médias et je lis ce jour-là le maximum des propositions que contient le document. Il y a évidemment certaines parties qui sont plus importantes que d'autres pour notre fédération, mais nous essayons de lire le maximum du texte intégral.
La sénatrice Marshall : Vous avez parlé de la nouvelle tranche d'imposition pour les revenus élevés en disant que vous n'y êtes pas favorables, mais avez-vous entendu des réactions des gens à revenus élevés? Pensez-vous que cela va en amener certains à quitter le pays ou à prendre d'autres mesures de cette nature? J'aimerais avoir votre avis.
M. Wudrick : La position générale de notre fédération en matière de fiscalité est que, moins l'impôt est élevé, moins il y a de tranches, plus il est simple, et mieux ça vaut pour tout le monde. Cette décision va évidemment à l'encontre de plusieurs de ces principes. Je ne veux pas dramatiser et laisser entendre qu'une petite augmentation des impôts va forcer les gens à fuir le pays, car ce serait un peu excessif de ma part.
Ce que nous savons, c'est que les riches ont beaucoup de ressources à leur disposition. Des études ont montré que les gens qui ont de grandes possibilités de structurer leurs affaires de manière à minimiser leur fardeau fiscal sont les plus sensibles aux changements fiscaux. Ce sont eux qui ont la possibilité de restructurer leurs affaires pour éviter l'impôt. Pour ceux qui n'ont pas ces ressources, c'est plus difficile. Si vous êtes riche, vous avez par définition accès à ces ressources. Je crois qu'il faut faire attention. Très franchement, je pense que c'est la raison pour laquelle les premières estimations du rendement de cette nouvelle tranche d'impôt étaient largement supérieures à ce que le gouvernement espère aujourd'hui en retirer.
La sénatrice Marshall : C'est vrai.
Que pensez-vous des 444 millions de dollars qui ont été promis à l'Agence du revenu du Canada au cours des cinq prochaines années pour renforcer ses services d'exécution et d'audit?
M. Wudrick : Si j'en crois certains événements récents, comme les Panama Papers, on peut légitimement croire que certaines personnes pratiquent non pas nécessairement l'évasion fiscale mais en tout cas l'évitement fiscal. Je pense certainement qu'il est raisonnable de donner à l'Agence du revenu du Canada les moyens de s'assurer que les gens payent leurs impôts. Il faut que les gens payent leurs impôts en entier et à temps.
Nous disons aussi qu'une autre façon de faciliter la tâche de l'ARC, à plus long terme, est de simplifier le système. Nous avons un code de l'impôt qui est très compliqué, ce qui fait qu'il est difficile pour les gens d'en respecter les dispositions, même quand ils le veulent, sans parler de ceux qui essayent d'y échapper. C'est un code dont il est très difficile d'assurer l'exécution. À notre avis, simplifier l'ensemble du système en faciliterait l'exécution et le respect.
La sénatrice Marshall : J'aimerais vous interroger sur quelques aspects précis du budget, comme je l'ai déjà fait avec d'autres témoins. Le budget prévoit un bonus spécial ou une déduction d'impôt supplémentaire pour les gens qui sont touchés par cette nouvelle tranche d'imposition élevée et qui font des dons à des organismes de bienfaisance. Leur crédit d'impôt sera plus élevé que s'ils faisaient partie de la tranche d'imposition inférieure. Croyez-vous que cela va les encourager à faire plus de dons de bienfaisance?
M. Wudrick : Veuillez m'excuser, j'ai mal compris. Vous dites qu'une disposition prévoit que, si vous faites partie d'une tranche d'imposition supérieure...
La sénatrice Marshall : Si vous êtes dans la tranche d'imposition de 33 p. 100 et que vous faites des dons de bienfaisance, vous recevrez un crédit d'impôt supplémentaire. L'objectif, nous a dit le ministère des Finances, est d'encourager les gens qui sont dans cette tranche d'imposition élevée à continuer de faire des dons de bienfaisance. Ma réaction est plutôt que cela va les en dissuader, mais le ministère des Finances n'est pas de cet avis. Qu'en pensez-vous?
M. Wudrick : Je suppose qu'il y a deux écoles de pensée là-dessus. En règle générale, quand une chose coûte moins cher ou qu'on vous donne un incitatif supplémentaire, on est plus porté à la faire. C'est souvent la raison pour laquelle nous critiquons le fait que le crédit d'impôt pour dons politiques a été fixé à 75 p. 100, alors que celui qui s'applique aux dons de bienfaisance n'est que de 50 p. 100. Nous pensons que c'est foncièrement injuste et que le crédit d'impôt politique devrait être harmonisé à la baisse avec le crédit pour dons de bienfaisance.
Je crois que vous avez raison. Je ne sais pas si cela aura un effet dissuasif mais cela va certainement donner un avantage exceptionnel à ceux qui allaient de toute façon faire de tels dons. Les gens qui allaient de toute façon faire de tels dons s'en tireront encore mieux. Cela ne changera peut-être pas leur comportement mais ils se retrouveront avec plus d'argent dans leurs poches.
La sénatrice Marshall : Ma dernière question concerne un amendement qui vise à taxer « la fourniture d'un service rendu à un particulier en vue d'améliorer ou de modifier par ailleurs son apparence physique ». Je pense que cela va générer un gain fort appréciable pour le gouvernement, mais bien des gens ne partagent pas mon avis. Quelle est votre opinion à ce sujet?
M. Wudrick : Veuillez m'excuser, s'agit-il d'un impôt ou d'un crédit?
La sénatrice Marshall : Ce sera un impôt sur « la fourniture d'un service rendu à un particulier en vue d'améliorer ou de modifier par ailleurs son apparence physique ».
M. Wudrick : Je suppose que je ne ferais pas correctement mon travail pour la Fédération canadienne des contribuables si je ne m'opposais pas à une augmentation d'impôt. Ce que je peux vous dire, à première vue, c'est que nous n'aimerons probablement pas beaucoup ça.
Le président : Certains des témoins que nous avons entendus nous ont parlé du taux d'imposition des petites entreprises, qui n'a pas été réduit, et nous avons eu des réactions partagées à ce sujet. Certains ont dit que le taux devrait être plus élevé, et d'autres, qu'il devrait être abaissé. Vos membres ont-ils eux aussi des réactions partagées là- dessus ou seulement la même réaction que tout le monde? Est-ce que vos membres étaient furieux que le taux d'imposition n'ait pas été réduit? Quelles ont été leurs réactions?
M. Wudrick : Voulez-vous parler du taux d'imposition des petites entreprises?
Le président : Absolument. Est-ce que vos membres ont tous réagi en disant qu'il aurait dû être abaissé? Nous, nous avons eu des témoins qui nous ont dit que ce ne serait pas une bonne chose de réduire ce taux d'imposition parce que ça réduirait les recettes du gouvernement et qu'en fait, ce sont certaines personnes qui sont dans ces tranches d'imposition qui le manipulent afin de pouvoir gagner plus d'argent. Nous avons entendu toutes sortes de choses à ce sujet. Et vous, qu'avez-vous entendu comme réactions?
M. Wudrick : Je pense que ceux qui s'attendaient à une réduction ont probablement été déçus. Mais y en a d'autres qui n'avaient peut-être pas fait leurs plans strictement en fonction de cette éventualité.
Il y en a beaucoup qui craignaient qu'on modifie la définition d'une petite entreprise. Beaucoup de gens, dans certains domaines, structurent leurs activités de manière à fonctionner comme des petites entreprises. S'il y avait un changement et qu'ils étaient obligés de payer le taux d'imposition du revenu personnel, cela augmenterait sensiblement leur fardeau fiscal. Je dirais que c'était la plus grande préoccupation, avec l'annulation de la réduction du taux.
Le président : En ce qui concerne le rabaissement de l'âge de la retraite de 67 à 65 ans, vous avez dit qu'il y avait d'autres préoccupations. Alliez-vous proposer que ce soit appliqué à une date ultérieure ou à un âge différent? À quoi pensiez-vous?
M. Wudrick : À l'ensemble du système de revenu de retraite, ce qui comprend aussi le RPC, pas seulement la SV.
Je vous dirai que nous attirons de plus en plus de jeunes. Ils sont de plus en plus présents dans notre mouvement, et il y en a qui sont très préoccupés parce qu'ils trouvent que le système actuel privilégie les personnes âgées, pour des raisons d'ordre politique. Donc, beaucoup de jeunes Canadiens — des étudiants d'universités, par exemple, et ils sont nombreux — se demandent sérieusement s'il y aura encore un système en place au moment où ils prendront leur retraite parce que le système actuel est trop généreux et qu'avec les changements démographiques, ils vont être obligés d'assumer un très lourd fardeau au cours des prochaines décennies.
Le président : Avez-vous eu des réactions au sujet de la réduction de 11 000 $ à 5 500 $ du plafond de cotisation à un CELI?
M. Wudrick : Oui, nous en avons eu. Nous envoyons souvent des questionnaires à nos membres et je reçois les réponses par courriel. Pour une raison que j'ignore, j'ai reçu beaucoup d'appels téléphoniques au sujet du CELI. Je me souviens en particulier de l'appel d'un immigrant de la région de Toronto qui m'a dit que c'était le principal outil d'épargne de sa famille et que cela allait réduire sensiblement la somme dont il disposerait à sa retraite, vu qu'il y versait le maximum. Il s'agissait d'une famille aux moyens très modestes qui utilisait le CELI comme principal outil d'épargne pour la retraite. Ces gens étaient très déçus de ce changement. C'est aussi quelque chose qui était très déconcertant.
Nous estimons qu'il faut aider et encourager les Canadiens à mettre de l'argent de côté pour leur retraite, et non pas leur supprimer des moyens de le faire. Nous avons donc été déçus de l'abaissement du plafond à 5 500 $.
Le sénateur Mockler : On ne semble pas avoir de définition très claire de la classe moyenne. En avez-vous une qui soit applicable à l'ensemble du Canada? Nous discutions hier avec le ministre des Finances, qui a fait une remarque à ce sujet. Nous avons aussi accueilli d'autres témoins qui nous en ont parlé également. Pourriez-vous me dire quel est votre avis à ce sujet?
M. Wudrick : Je pense que la raison pour laquelle la « classe moyenne » est un concept politique aussi puissant, c'est qu'on peut lui faire dire ce qu'on veut. C'est une catégorie à laquelle la plupart des Canadiens pensent appartenir ou à laquelle ils aspirent.
J'ajouterai que ce qui constitue la classe moyenne sur le plan du revenu peut varier considérablement selon l'endroit où l'on habite. Une famille gagnant 60 000 $ par an est peut-être une famille de la classe moyenne à Moose Jaw ou à Chicoutimi mais, à Vancouver ou à Toronto, une famille gagnant 150 000 $ ou 200 000 $ par an aura peut-être essentiellement le même mode de vie, à cause du coût de la vie. Il faut donc être prudent avec ce concept. Quand on parle d'aider la classe moyenne et qu'on parle ensuite d'augmenter les impôts et les coûts d'une famille qui gagne 150 000 $, ça peut être le revenu d'une famille aisée à Medicine Hat ou à Barrie mais, si c'est une famille qui vit au centre- ville de Vancouver ou de Toronto, ce n'est peut-être qu'une famille de la classe moyenne, même à ce niveau-là de revenus.
Le sénateur Mockler : Dans votre contexte et selon votre expérience, à quoi ressemble la classe moyenne dans chacune des cinq régions du Canada? Qui fait partie de la classe moyenne dans les provinces maritimes ou au Québec, en Ontario, dans les provinces de l'Ouest et en Colombie-Britannique?
M. Wudrick : Je n'ai pas les chiffres sous les yeux mais, si vous divisez le revenu moyen en quantiles, je dirai que tout ce qui se trouve entre le trentième et le soixante-dixième percentile serait considéré comme faisant partie de la classe moyenne, mais on peut peut-être même élargir la fourchette pour aller du vingtième au quatre-vingtième.
Le sénateur Mockler : Comme vous l'avez dit il y a quelques minutes, la notion de « classe moyenne » varie selon l'endroit où l'on habite, n'est-ce pas?
M. Wudrick : Exact.
Le sénateur Mockler : Parce que c'est fonction du revenu. Par conséquent, avec les mesures fiscales prises par le gouvernement, la ou les régions du Canada qui bénéficieront le plus de ces initiatives ou réductions fiscales dépendra de la manière dont elles sont redistribuées pour l'éducation ou je ne sais quoi.
M. Wudrick : Je vois ce que vous voulez dire.
Avec les nouvelles mesures fiscales, les régions où les revenus globaux sont plus élevés seront perdantes et celles où les revenus moyens sont plus bas s'en sortiront mieux.
Le sénateur Mockler : Qui pourrait nous fournir un graphique représentant la réponse que vous venez juste de me donner?
M. Wudrick : Je n'ai fait qu'exprimer une réalité mathématique. Vous me demandez qui sera touché par les augmentations d'impôts sur les tranches de revenus les plus élevées, et je vous réponds que ce sont les gens qui gagnent les revenus les plus élevés.
Le sénateur Mockler : D'accord.
Nous avons eu cet après-midi un témoin qui nous a parlé de partager ou de redistribuer la richesse. Il a dit que l'impôt était l'outil principal pour le faire, que c'est une manière de redistribuer la richesse dans tout le Canada. Qu'en pensez-vous?
M. Wudrick : Je pense que c'est une chose que les gouvernements doivent faire. La question est de savoir quelle est la meilleure manière, quel est le meilleur régime fiscal qui permet de percevoir le maximum de recettes d'une manière qui nuise le moins à l'économie.
Nous ne sommes pas une organisation qui s'oppose à ce qu'on dépense de l'argent pour les gens qui ont besoin d'aide. Ce que nous dénonçons, c'est qu'on donne de l'argent à des gens qui n'en ont peut-être pas besoin, ou qu'on le donne d'une manière que nous trouvons inefficiente ou qui n'est pas la meilleure pour atteindre l'objectif public visé.
Le sénateur Mockler : Pouvez-vous nous dire ce que vous pensez de l'idée d'un revenu garanti pour les familles?
M. Wudrick : C'est une idée que nous trouvons séduisante en théorie. Chacun sait que c'est une idée qui a des appuis dans tous les partis politiques. Elle nous plaît beaucoup, en théorie. Certaines études empiriques que j'ai vues me font cependant hésiter. Je sais, par exemple, que Kevin Milligan, de l'Université de la Colombie-Britannique, a fait des recherches qui permettent de penser que la création d'un revenu familial minimum garanti assez conséquent finirait par coûter deux ou trois fois le total des recettes fédérales actuelles. Même si l'on abolissait tous les programmes de soutien existants, ça coûterait encore très cher.
En théorie, c'est une idée séduisante. Ce serait simple, équitable et facile à mettre en œuvre, mais les coûts pourraient être prohibitifs.
Le président : Des sénateurs ont-ils d'autres questions?
Je vous remercie beaucoup d'avoir passé tout ce temps avec nous, monsieur Wudrick, nous vous en sommes très reconnaissants et nous vous souhaitons un séjour agréable à Kamloops. J'espère que vous avez du beau temps là-bas.
[Français]
Monsieur Fréchette, avez-vous des commentaires pour ouvrir la discussion? Comment voulez-vous procéder?
[Traduction]
Jean-Denis Fréchette, directeur parlementaire du budget, Bureau du directeur parlementaire du budget : Merci, monsieur le président et honorables sénateurs, de nous avoir invités à comparaître ce soir pour parler des derniers rapports que nous avons publiés au sujet du budget de 2016, notamment le rapport intitulé Incidences financières des mesures du budget de 2016 sur divers types de familles ayant des enfants.
[Français]
Ou encore, notre analyse portant sur les incidences économiques ou financières de l'annulation des réductions d'impôt prévues pour les petites entreprises.
[Traduction]
Si j'en juge d'après les questions posées au premier témoin, vous voudrez certainement revenir sur le thème des petites entreprises. Ce sont surtout mes collègues qui vous répondront sur ce sujet.
Selon l'avis de convocation, nous sommes également ici pour discuter de notre rapport sur les Perspectives économiques et financières d'avril 2016.
Notre mandat législatif consiste à fournir au Sénat et à la Chambre des communes une analyse indépendante des finances du Canada, des prévisions du gouvernement ainsi que des tendances de l'économie nationale, et d'évaluer le coût de mesures financières qui relèvent de la compétence du Parlement.
Il y a eu tout à l'heure un débat sur les dons de bienfaisance. La semaine dernière, le DPB a produit un rapport sur le projet de loi C-239, qui est une légère variante de ce que propose le projet de loi C-2.
Comme vous le savez, le gouvernement a indiqué qu'il aimerait aussi inclure à l'avenir l'évaluation du coût des promesses électorales des partis politiques.
[Français]
Nous avons l'œil grand ouvert sur cet aspect.
[Traduction]
C'est toujours un plaisir de comparaître devant des comités parlementaires permanents. Il y en a cependant trois qui sont explicitement mentionnés dans la loi organique du DPB, dont le vôtre, monsieur le président. Les deux autres sont des comités de la Chambre des communes. Comparaître devant l'un de ces trois comités est certainement pour nous un devoir agréable.
[Français]
Et comme nous le disons en français, ça nous fait un petit velours.
[Traduction]
Finalement, monsieur le président, j'aimerais vous remercier de nous avoir demandé de faire l'analyse financière d'un crédit d'impôt s'adressant aux contribuables de la deuxième tranche d'imposition, que nous avons publiée il y a deux semaines. C'est précisément le type d'analyse qui est prévu dans notre loi organique et qui, nous l'espérons, contribue à alimenter le débat parlementaire. Bien que des ressources limitées nous obligent parfois à faire un choix parmi les demandes qui nous sont adressées, ou à en reporter certaines, les membres de notre équipe sont toujours heureux d'avoir l'occasion de discuter avec les parlementaires des questions qui les intéressent.
Cela dit, je vous remercie, monsieur le président. Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.
Le président : Merci beaucoup.
Avant de donner la parole à la sénatrice Marshall, j'aimerais vous demander quel est le coût annuel de la nouvelle Prestation universelle pour les familles? Quel est son impact sur le déficit budgétaire?
M. Fréchette : Je vais demander à Carleigh de répondre à cette question. Elle sera ravie de vous dire quel est le coût de cette mesure.
Carleigh Malanik, analyste financière, Bureau du directeur parlementaire du budget : Merci de votre question. D'après nos calculs, lorsqu'elle sera pleinement mise en œuvre, elle coûtera environ 3,8 milliards de dollars de plus que les prestations existantes pour les enfants. Toutefois, comme le projet de loi ne prévoit pas l'indexation de cette nouvelle prestation, le coût supplémentaire de cette mesure diminuera au fil des ans.
Le président : Si je comprends bien, vous dites que, la première année, cette mesure creuse le déficit de 3,8 milliards de dollars?
Mme Malanik : Par rapport au coût des prestations actuelles pour les enfants, oui.
Le président : Combien coûte le programme actuel, par année?
Mme Malanik : Environ 18 milliards de dollars par an. Veuillez m'excuser, je n'ai pas le chiffre exact en tête.
Le président : Ça représente donc un coût de 14 milliards de dollars environ pour le pays. C'est ce que vous dites?
Ms. Malanik : Non. Nous prévoyons que le coût total de cette mesure sera de près de 22 milliards de dollars, une fois qu'elle sera totalement mise en œuvre.
Le président : Si c'est 4 milliards de dollars de moins, ça fait 18 milliards?
Mme Malanik : Oui.
La sénatrice Marshall : Nous avons déjà eu cette discussion avec des représentants des ministères concernés. Je suis en train de consulter votre rapport intitulé Budget 2016 : Enjeux principaux pour les parlementaires. Il y a là un tableau portant sur le « Solde budgétaire révisé selon le statu quo ». Je regarde juste l'exercice budgétaire actuel, de 2016. On voit au début un déficit de 16,1 qui diminue ensuite d'année en année. À la fin, on se retrouve avec un déficit budgétaire de 29,4.
Quand on examine les différents éléments qui nous mènent à 29,4, on voit qu'il y a l'aide à la classe moyenne et à la croissance de la classe moyenne. Si je me souviens bien, la prestation pour la garde d'enfants s'y trouve aussi.
Cette mesure va accroître notre déficit et nous allons devoir emprunter cet argent. Autrement dit, nous allons emprunter de l'argent afin de le donner aux familles, pour leurs enfants. Mais au bout du compte, nous allons augmenter notre dette et ce seront nos enfants et leurs enfants qui seront obligés de la rembourser. Est-ce que je me trompe?
M. Fréchette : C'est une question à laquelle il est difficile de répondre car elle comporte un aspect politique.
La sénatrice Marshall : Je me demandais si vous alliez y répondre.
M. Fréchette : Je vais demander à Chris ou à Mostafa de vous donner des explications.
Mostafa Askari, directeur parlementaire adjoint du budget, Bureau du directeur parlementaire du budget : Les chiffres que vous avez donnés sont exacts. En général, chaque fois qu'il y a un déficit, il y a aussi une dette parce que le gouvernement est obligé d'emprunter de l'argent pour financer le déficit. La manière dont cette dette est remboursée plus tard dépendra de ce qui se passera d'ici là.
La sénatrice Marshall : Donc, c'est pour plus tard.
M. Askari : Oui, plus tard.
Il y aura des périodes d'excédent budgétaire durant lesquelles la dette diminuera. Il est difficile de dire aujourd'hui qui va payer plus tard si c'est une dette accumulée par le gouvernement — dont une bonne partie est due à la population canadienne.
Quant à savoir si ce sont les enfants qui paieront, c'est une autre question. Je ne saurais vous répondre.
La sénatrice Marshall : Je vous remercie beaucoup, c'est plus clair dans mon esprit maintenant.
C'est vous qui avez préparé un rapport sur la Prestation canadienne pour la garde d'enfants, pour une certaine Karen Vecchio. Après l'avoir lu, j'ai compris que le gouvernement avait pour objectif, en créant cette nouvelle prestation, de canaliser l'argent vers ceux qui en ont le plus besoin. Et d'après ce que vous dites dans le rapport, il semblerait que le gouvernement ait atteint son objectif, n'est-ce pas?
M. Fréchette : C'est foncièrement exact. Les familles qui ont de jeunes enfants et un faible revenu disponible toucheront une prestation plus élevée du simple fait que le montant de la prestation diminue au fur et à mesure que le revenu des familles augmente. C'est dans ce contexte...
La sénatrice Marshall : ... que le gouvernement atteint son objectif.
M. Fréchette : D'après le rapport que nous avons préparé, et pas d'après une autre étude.
La sénatrice Marshall : La dernière question que j'ai à poser pour l'instant concerne votre document intitulé Perspectives économiques et financières - Avril 2016. À la page 2, vous dites :
Dans le Budget de 2016, le gouvernement énonce sa volonté de rétablir l'équilibre budgétaire et de réduire le ratio de la dette fédérale au PIB d'ici 2020-2021.
Je me demande comment vous pouvez affirmer cela, alors que nous ne savons pas quand le gouvernement va présenter un budget équilibré. Nous ne savons rien encore. Vous dites que « dans le Budget de 2016, le gouvernement énonce sa volonté de rétablir l'équilibre budgétaire », mais le gouvernement n'a pas dit quand il allait renouer avec l'équilibre budgétaire. Pendant la campagne électorale, les libéraux se sont engagés à le faire d'ici à 2019-2020, mais cela n'est plus dans les plans maintenant, et ils ne nous ont pas donné de nouvelle date. Je me demande donc tout simplement comment vous pouvez affirmer cela.
Chris Matier, directeur principal, Analyses économiques et financière, Bureau du directeur parlementaire du budget : Le budget ne fixe pas de date pour le retour à l'équilibre budgétaire, vous avez raison. L'engagement a été pris, mais la date n'est pas déterminée.
La sénatrice Marshall : Même le ministre se garde bien de préciser que c'est son objectif. Nous ne savons rien.
La deuxième partie de l'extrait que j'ai cité concerne la réduction du ratio de la dette fédérale par rapport au PIB d'ici 2020-2021. Pendant la campagne électorale, les libéraux avaient annoncé, dans leur plate-forme, qu'ils allaient le réduire à un certain niveau d'ici à 2019-2020, mais ce n'est plus dans les plans maintenant. Ils parlent de réduire ce ratio d'ici à 2021, mais quand on se reporte au budget, il ne s'agit que de 0,1. Autrement dit, ce chiffre passera de 32,5 en 2016-2017 à 30,9 d'ici à 2020-2021. Je peux laisser tomber cette question pour le moment, mais la première me pose vraiment un problème.
Merci beaucoup.
Le président : Ce qui nous intéresse, c'est la définition de ce qu'est la classe moyenne. On vous a demandé, à vous, monsieur Fréchette et à votre bureau, de nous expliquer plus précisément de combien vont augmenter les impôts de ceux qui gagnent plus de 200 000 $. D'après ce que j'ai compris, une somme d'environ 1,8 milliard de dollars sera redistribuée à la catégorie de gens qui gagnent entre 40 000 et 92 000 ou 95 000 $. C'est vrai qu'au départ, cette redistribution devait bénéficier à ceux qui gagnent jusqu'à un peu moins de 200 000 $. Nous vous avons demandé d'élaborer un modèle qui nous permettrait de savoir ce que représenterait à peu près la redistribution de cette somme aux gens qui gagnent entre 45 000 et 92 000 ou 95 000 $. Quel serait le montant?
M. Wudrick a dit tout à l'heure, lorsque nous lui avons posé la même question au sujet de la classe moyenne, que les gens qui gagnent 150 000 $ pensent qu'ils appartiennent à la classe moyenne, et qu'il en va de même pour les gens qui gagnent 50 000 $. Devrions-nous essayer de formuler une définition de « classe moyenne », afin d'être en mesure de mieux répartir l'argent dont nous disposons? Laissons la politique de côté. Parlons économie et essayons vraiment de bâtir une classe moyenne. Mais comment pouvons-nous définir la classe moyenne?
M. Fréchette : La classe moyenne, c'est comme un receveur au football. C'est une cible toujours en mouvement.
Le président : Toujours en mouvement.
M. Fréchette : C'est cela, et c'est la raison pour laquelle le BDPB n'utilise jamais l'expression « classe moyenne ». Comme l'a dit le témoin qui nous a précédés, nous ciblons des catégories de revenus.
Je ne sais pas si M. Jacques a quelque chose à ajouter. C'est certainement un sujet dont on va reparler, surtout si l'on envisage un revenu minimum garanti, car il faudra alors déterminer qui y a droit. Comme je l'ai dit, personne ne peut à l'heure actuelle donner une définition exacte de « classe moyenne ».
Jason Jacques, directeur, Analyse financière, Bureau du directeur parlementaire du budget : La seule chose que j'aimerais ajouter, à la lumière de ce qu'a dit le témoin précédent et comme nous l'indiquons dans le rapport que nous avons préparé pour Mme Vecchio, c'est que si vous avez un revenu de 100 000 ou 150 000 $ à Vancouver, ce n'est pas la même chose que si vous avez le même revenu à Moose Jaw ou même à Truro. Dans le rapport que nous avons préparé pour Mme Vecchio, nous insistons davantage sur le concept du revenu disponible, après impôts et paiements de transfert.
La sénatrice Andreychuk : Cela fait deux fois qu'on parle de Moose Jaw. Je connais très bien cette ville. Je connais également très bien Vancouver. Comment pouvons-nous déterminer qu'une ville est plus chère qu'une autre? Dans une grande ville, vous avez plus facilement accès aux différents services. Dans les régions rurales, il faut parfois parcourir de longues distances pour obtenir les ressources dont on a besoin. Nous savons que cela coûte très cher de vivre dans le Nord. Alors comment pouvons-nous affirmer que c'est dans les grandes villes que le coût de la vie est le plus élevé? C'est vrai pour se loger, mais de quoi d'autre tenez-vous compte? Du coût de la nourriture? Les grandes villes offrent un plus grand choix. Si vous habitez à Moose Jaw, c'est vrai que vous aurez moins de choix qu'ici. Alors comment faire pour parvenir à formuler une définition?
Je me souviens de toutes ces expériences que nous avons faites, dans les années 1960 et 1970, pour essayer d'avoir un système de péréquation pour tous les Canadiens. Nous avions longuement discuté, à l'époque, pour savoir comment offrir le même niveau de service non pas à Moose Jaw mais à Shaunavon, en Saskatchewan, qui comptait deux ou trois milliers d'habitants. Je ne sais pas combien il en reste aujourd'hui. Comment offrir le même niveau de service à tout le monde? Vous parlez des coûts, je suppose, alors comment définir cette expression?
Qui veut bien me répondre? Personne. C'est une question théorique. Je suppose que c'était ma question supplémentaire.
M. Fréchette : C'est difficile de vous répondre. Comme je vous l'ai dit, ce sont les politiciens qui utilisent l'expression « classe moyenne ». Ils semblent tous savoir ce que cela veut dire exactement. Mais quand il s'agit d'élaborer une politique publique sur cette question, personne ne sait comment définir exactement ce groupe. C'est comme avec les agriculteurs. Tout le monde se prétend agriculteur quand il s'agit de recevoir des subventions. C'est cela le fond du problème.
La sénatrice Marshall : Nous parlons de la classe moyenne, et nous avons déjà eu beaucoup de discussions là-dessus. Dans le document du budget, il est question d'assurer la croissance de la classe moyenne. Bien sûr, le gouvernement dit aujourd'hui qu'il va prendre ses décisions en se fondant sur des données probantes. Par exemple, comme je l'ai dit au début, l'étude que vous avez faite semble indiquer que cette nouvelle prestation pour la garde d'enfants a bien l'impact que le gouvernement escomptait.
L'autre question qui m'est venue à l'esprit, c'est que le gouvernement veut assurer la croissance de la classe moyenne. Les taux d'imposition ont changé, nous avons maintenant un taux de 33 p. 100 et un taux réduit pour un autre groupe de contribuables. Au bout du compte, si l'objectif est d'assurer la croissance de la classe moyenne, comment saurons-nous, dans un an, si l'objectif a été atteint?
M. Askari : Nous ne le saurons pas.
La sénatrice Marshall : Ah bon? Dans ce cas, ce n'est plus la peine d'en parler.
M. Fréchette : Je crois que le ministre vous a donné la même réponse, hier. Il n'y a guère que le vérificateur général qui pourra peut-être vous le dire, dans cinq ans, quand il fera un audit du programme.
La sénatrice Andreychuk : Vous m'avez donné la réponse avant que je vous pose la question. Vous regardez seulement les chiffres, et pas l'efficacité du programme ou la façon dont il a été exécuté. Cela, c'est plutôt la tâche des vérificateurs, donc? Ce que vous nous donnez, ce sont des données brutes, c'est bien cela?
M. Fréchette : Des données brutes avec analyses à l'appui. Nous utilisons l'analyse et le modèle. Par exemple, pour en revenir à la garde d'enfants, nous pouvons dire qu'elle s'adresse aux familles qui ont un faible revenu disponible et de jeunes enfants. Ce n'est pas vraiment un audit, c'est une analyse des catégories de familles qui en bénéficieront.
Est-ce efficace? Tout le monde me regarde avec un sourire.
La sénatrice Andreychuk : Pourtant, vous devriez être capables de déterminer si ceux qui ont un revenu de 50 000 $ vont bénéficier ou non des mesures du gouvernement. La même chose pour ceux qui ont un revenu de 80 000 $. Mais vous dites que vous ne le pouvez pas. Vous devriez pourtant être capables de faire des projections.
J'ai vu M. Askari à de nombreuses soirées en Saskatchewan parler avec beaucoup d'éloquence des informations dont vous aviez besoin et que vous ne réussissiez pas, au début, à obtenir du gouvernement. Par la suite, vous avez réussi à en obtenir. Aujourd'hui, estimez-vous que vous avez les informations suffisantes pour pouvoir au moins nous préparer ces projections?
M. Askari : Nous avons accès à davantage d'informations, c'est indéniable. Il y a encore des problèmes à régler avec certains ministères, mais il est incontestable que nous avons aujourd'hui davantage accès à ces informations.
La sénatrice Andreychuk : Pourquoi cette réticence?
M. Askari : C'est une bonne question. En fait, nous n'avons jamais bien compris pourquoi. Il peut arriver que les informations que nous demandons ne soient pas disponibles sous la forme que nous souhaitons. Il peut arriver aussi que le ministère ne veuille pas nous y donner accès, par crainte que nous les rendions publiques et que cela ne soit pas à l'avantage du gouvernement au pouvoir.
Il y a toutes sortes de raisons. Nous ne savons pas exactement. Personne ne nous a jamais expliqué pourquoi nous avions tellement de difficultés, dans le passé, à obtenir les informations que nous demandions. Ils invoquent toutes sortes de prétextes, comme le secret du Cabinet, mais ce n'est jamais très convaincant.
La sénatrice Andreychuk : Dans un autre comité, des témoins nous ont dit que le système fédéral de collecte de données était en partie désuet, et qu'en ce qui concerne les échanges commerciaux, il privilégie indûment le commerce des biens, dans les importations et les exportations, et que les services et les chaînes de valeur mondiales ne sont pas suffisamment pris en compte. Est-ce un facteur dans votre cas, ou bien s'agit-il simplement d'accès à l'information?
M. Askari : C'est essentiellement une question d'accès à l'information. Les statistiques et les informations générales sur les différentes questions ou sur les comptes nationaux sont d'une qualité relativement bonne. En fait, nous sommes parmi les pays qui ont les meilleures statistiques, sur le plan de la qualité. Mais il y a toujours des problèmes qui se posent, et c'est le genre de difficultés que tous les organismes statistiques ont à surmonter.
M. Fréchette : C'est aussi, si vous me permettez d'intervenir monsieur le président, une question de culture dans certains ministères. À la Défense nationale, par exemple — je cite souvent leur cas —, ils estiment que tout est secret. Je me demande pourquoi. C'est comme je vous le dis. Je suppose que c'est simplement une question de culture.
La raison pour laquelle j'ai parlé des trois comités qui sont mentionnés dans la loi organique du BDPB, c'est que nous avons maintenant un recours parlementaire. Je l'ai utilisé une fois. Il a fallu pour cela que je reçoive une lettre du Président du Sénat — l'ancien Président — et une lettre du Président de la Chambre des communes. Les lettres indiquaient que les trois comités prévus par la loi avaient le pouvoir d'exiger la production de documents et la comparution de certaines personnes.
J'étais sur le point d'envoyer une lettre aux présidents des comités, mais cela a marché car j'avais dit au ministère, que je ne nommerai pas, que j'avais l'intention de le faire. Quelqu'un m'a donc appelé immédiatement. Nous verrons bien si cela nous permet d'obtenir exactement les informations que nous voulons, mais au moins nous avons ce recours à notre disposition. Je ne dis pas que c'est une arme redoutable, mais c'est mieux que rien.
Si notre loi est modifiée pour que nous puissions, comme je l'ai dit, être vraiment indépendants, avec plus de ressources, et pour que nous puissions faire l'évaluation des coûts des promesses électorales des partis, nous aurons bien sûr besoin d'avoir accès à ces informations. Nous travaillons là-dessus.
Le président : Est-ce que vous avez déjà établi votre plan de travail pour les 12 prochains mois? Est-ce vous qui le planifiez? Dans quelle mesure est-il dicté par les gens qui vous font des demandes? Est-ce moitié moitié?
M. Fréchette : Je peux vous dire qu'au cours des six derniers mois, nous avons reçu beaucoup de demandes des parlementaires, plus qu'avant. Il est clair qu'une nouvelle tendance est en train de se dessiner, car le gouvernement actuel a dit qu'il voulait connaître le coût de tout. Nous recevons donc beaucoup de demandes pour établir le coût de telle ou telle mesure.
Bien sûr, nous avons nos projets à nous, comme le bulletin Perspectives économiques et financières, qui fait partie de notre collection permanente de publications que nous produisons à intervalles réguliers, deux fois par an. Il y a aussi le Rapport sur la viabilité financière. Mais nous recevons de plus en plus de demandes des parlementaires.
Le président : Fantastique.
Y a-t-il d'autres questions?
La sénatrice Marshall : Nous accueillons des représentants d'un grand nombre de ministères, surtout au moment de notre examen du Budget principal des dépenses et du Budget supplémentaire des dépenses. L'une des questions que nous avons souvent abordées concerne les dépenses d'infrastructures, et nous avons constaté que ce type de dépenses ne relève pas seulement d'Infrastructure Canada, loin de là. Santé Canada, Affaires autochtones et bien d'autres ministères ont des dépenses d'infrastructures.
Essayez-vous de suivre la trace de toutes ces dépenses? Selon des articles de journaux récents, des dirigeants municipaux craignent que les fonds d'infrastructures ne soient pas débloqués avant la fin de l'exercice financier. Comment faites-vous, le cas échéant, pour suivre la trace de toutes ces dépenses?
M. Askari : Nous avons un projet, dans notre plan de travail, qui consiste à suivre la trace des dépenses d'infrastructures, la façon dont les fonds sont débloqués, à quel rythme, s'il y a des retards et s'il y a une clause portant caducité. Ce projet n'a pas beaucoup avancé ces derniers temps, mais il fait partie de notre plan de travail.
La sénatrice Marshall : Je trouve que c'est un projet intéressant, car il nous aidera à trouver des réponses à certaines des questions que nous avons abordées, notamment avec les représentants des ministères.
Le président : Comme vous le savez, sénatrice Marshall, notre comité a jusqu'à la fin de l'exercice financier pour examiner cette question. Nous avons déjà entendu des témoins au sujet des dépenses d'infrastructures, et nous aurons peut-être l'occasion de vous reparler car, avec la gestion horizontale des dépenses d'infrastructures, lorsqu'on pose la question de savoir « qui est responsable? », il peut y avoir quatre, cinq, six ou même sept ministères qui participent au même projet.
C'est donc une des questions qui nous intéressent plus particulièrement. Notre objectif est d'obtenir des réponses pour pouvoir être plus efficaces. Nous ne sommes pas là pour critiquer votre bureau.
Pour les dépenses d'infrastructures du ministère des Affaires autochtones, trois ou quatre ministères sont venus nous parler chacun de leurs responsabilités. Par exemple, Santé Canada va construire 43 cliniques dans 43 nations, sachant qu'il existe 643 nations. Nous voulons donc savoir combien ils en ont construit, où en sont les travaux et qui est responsable du programme. Ensuite, vous avez la SCHL qui nous dit qu'elle va construire tant de logements, alors nous voulons savoir qui accorde la garantie sur les hypothèques. Nous obtenons des réponses différentes en fonction de qui détient l'autorité compétente.
Nous avons ensuite le ministère de l'Infrastructure ou celui des Ressources naturelles qui nous dit qu'il a 120 sites à décontaminer, et qu'il a des fonds pour le faire.
Au final, ce que nous voulons savoir, c'est qui est responsable et comment fonctionnent les mécanismes de surveillance. Ce serait fantastique de pouvoir conjuguer nos efforts à ceux de ce groupe pour analyser tout cela, car nous voulons avoir des réponses. Nous voulons savoir quels résultats on obtiendra et quel sera l'effet multiplicateur, selon qu'il s'agit de grands projets comme des ponts ou des routes, ou des projets de développement social comme les logements sociaux. Ce sont des projets différents qui auront forcément des résultats différents.
Nous avons besoin de bien comprendre de quoi il retourne, les calculs qui permettent de déterminer exactement l'effet multiplicateur, afin que nous puissions savoir combien d'emplois sont créés et quelles sont les retombées économiques. Nous avons du mal rien qu'à essayer de nous faire une idée de la situation générale. Vous qui avez de l'expérience avec les autres ministères, vous pouvez sans doute nous aider.
M. Fréchette : Je vous remercie de votre question et de votre suggestion.
Je suis tenté de demander à Jason ou à Duncan de vous dire quelques mots sur leur Suivi des dépenses car ce que vous préconisez correspond justement à une forme un peu plus aboutie de ce genre de document.
Pouvez-vous nous dire quelques mots sur le suivi des dépenses et nous dire s'il serait possible de le développer davantage?
M. Jacques : Volontiers. Merci, monsieur Fréchette.
Parmi nos publications régulières, nous produisons, tous les trimestres, ce que nous appelons le Suivi des dépenses qui, comme son nom l'indique, est un suivi des dépenses du gouvernement. Nous avons un accès direct au système de comptabilité du gouvernement, le SCGRF. C'est une balance des comptes mensuelle que le gouvernement reproduit ensuite dans La Revue financière. Les données sont suffisamment précises pour que nous puissions suivre la trace des dépenses en capital au niveau de chaque programme, dans chaque ministère.
Dans le passé, en procédant de façon horizontale, nous avons réussi à regrouper des types de dépenses similaires des budgets précédents, dans différents ministères, afin de suivre la trace des dépenses. Je pense que cela vous donnerait au moins une partie de la réponse que vous cherchez, en ce qui concerne le flux des dépenses pendant l'année. Autrement dit, lorsque le gouvernement détermine au départ qu'il va consacrer, en 2016-2017, telle somme aux infrastructures, mais que cette somme est répartie dans une kyrielle de ministères et agences, c'est une façon d'obtenir une réponse à la question.
S'agissant des autres aspects des dépenses d'infrastructures, vos questions sur l'effet multiplicateur, les résultats réellement obtenus et les variations d'un projet à l'autre sont d'excellentes questions. Comme l'a dit M. Askari, c'est un projet que nous sommes en train d'élaborer, mais qui ne progresse pas très vite.
S'agissant des résultats préliminaires, c'est quelque chose qui est difficile à faire, à en juger par les études qui ont été publiées là-dessus et l'expérience d'autres juridictions. Mais ce n'est certainement pas impossible. Quand nous rencontrons des parties prenantes, des municipalités et des organisations à but non lucratif, nous voyons bien que tout le monde se pose la même question. Quand on envisage de débloquer 6, 7 ou 8 milliards de dollars pour des dépenses d'infrastructures, comment peut-on en calculer exactement les retombées? Quels sont les projets les plus efficients? Vaut-il mieux saupoudrer toutes les régions du pays ou plutôt cibler certains types de projets?
Cela dit, c'est une question sur laquelle nous travaillons.
Le président : Je voudrais être sûr que vous me comprenez bien. Ce qu'il faudrait, c'est une sorte de centre névralgique qui nous aiderait à comprendre tout ce qui se passe à partir de la première phase du programme. On se souvient que les conservateurs avaient annoncé 33 milliards de dollars en 2006, et qu'en 2014, le chiffre était passé à 53 milliards de dollars. C'était la phase 1 et la phase 2 du plan du gouvernement précédent.
Je ne sais pas si on a les réponses aux questions suivantes : l'argent a-t-il été dépensé? Combien de projets ont-ils été achevés? Quelles en sont les retombées? Nous avons besoin d'avoir ces chiffres, c'est essentiel, car nous sommes sur le point de débloquer 120 milliards de dollars. Nous avons une phase 1 et une phase 2. Nous avions prévu 3,9 milliards de dollars pour des projets soi-disant prêts à démarrer, mais nous sommes en juin, et nous ne savons toujours pas vraiment où est l'argent.
Nous avons entendu des députés du Québec dire qu'un grand nombre de projets d'infrastructures des municipalités n'avaient pas été pris en compte parce que les gens ne savaient pas comment se dépatouiller avec toutes les formalités bureaucratiques, et cetera. Les choses ne semblent pas claires. Quand on entend cela, on se dit qu'on va essayer de se renseigner pour avoir des réponses, afin de pouvoir faire des recommandations qui, espérons-le, seront acceptées et nous permettront d'être plus productifs et d'obtenir les retombées et les effets multiplicateurs recherchés. Car pour le gouvernement, cet investissement de 120 milliards de dollars va être le moteur de notre économie.
Et puis les gens arrivent avec des projets verts et des projets environnementaux. Nous apprenons que les arénas de hockey et les parcs, entre autres, qui n'étaient pas admissibles au départ le sont maintenant. Les choses ont apparemment changé depuis les règles qui avaient été établies au moment du lancement de ces nouveaux programmes. Nous aimerions bien avoir une idée plus précise de ce que ce nouveau groupe a fait jusqu'à présent, pour voir s'il y a des résultats. Et cela nous permettrait aussi d'identifier des opportunités et d'évaluer la gestion de ces programmes, avec toute cette intégration horizontale.
La question des peuples autochtones nous intéresse tout particulièrement, notamment dans le cadre de la réconciliation avec ce groupe historique. Nous aurions vraiment besoin de votre aide pour faire ce genre d'analyse, car nous n'avons pas de compétences analytiques particulières, même si certains de mes collègues connaissent très bien le secteur de la finance, en l'occurrence la sénatrice Marshall. Il faut que nous puissions analyser tout cela avec des gens qui savent décortiquer les chiffres.
La sénatrice Marshall : Vous avez dit que vous aviez accès au système de comptabilité du gouvernement, et que les dépenses d'infrastructures y étaient inscrites, avec la mention de leur origine? Dans quels comptes les trouve-t-on exactement?
M. Jacques : Ce qu'indique le Plan comptable du gouvernement, c'est si les dépenses en capital ont été engagées ou pas. On peut ensuite faire des références croisées au niveau de chaque programme ou de chaque ministère. Mais encore une fois, il s'agit surtout des dépenses. Cela vous donnera une idée de l'encaisse mensuelle. Vous serez donc en mesure de suivre chaque mois, en regard des crédits du Budget principal des dépenses ou des Budgets supplémentaires des dépenses, quelles dépenses en capital ont été engagées par quels ministères ou agences.
Dans certains cas, vous vous rendrez compte, puisque vous connaissez bien le domaine, que le système ne saisit pas parfaitement toutes les dépenses. Mais s'agissant des données générales et des données relatives à la comptabilité et à l'encaisse, le gouvernement fédéral réussit très bien à suivre la trace de ses dépenses. C'est un système très abouti.
La sénatrice Marshall : Tant mieux.
Le président : Notre réunion est sur le point de se terminer. C'est la première que nous ayons vraiment eue avec vous.
Pour terminer, monsieur Fréchette, avez-vous quelque chose à dire à propos de la relation de travail que vous aimeriez établir avec notre comité? Nous aurions dû vous poser la question au début de la réunion. Je vous prie de m'en excuser. Pourriez-vous nous dire comment vous envisagez cette relation, pour que vous puissiez continuer de faire votre travail tout en nous donnant les informations dont nous avons besoin?
M. Fréchette : Comme je l'ai dit, les trois comités et tous les comités parlementaires sont mentionnés dans notre loi organique. Si vous avez des projets ou des idées que vous voulez développer, c'est à vous de nous demander de l'aide.
Comme je l'ai dit aussi, nous avons des ressources limitées, et il nous est donc parfois difficile de mener à bien un projet au moment voulu. Parfois, nous sommes obligés de le reporter.
Le BDPB emploie au total 16 analystes et deux adjoints administratifs. Voilà pour notre équipe. Mostafa Askari et toute l'équipe de direction gèrent de façon très compétente notre calendrier et nos priorités. Mais c'est à vous de nous demander de l'aide, et vous pouvez communiquer avec nous aussi souvent que vous le voulez.
Il y a aussi les attachés de recherche de la Bibliothèque du Parlement. Ils nous connaissent bien, ce sont un peu nos collègues, mais nous ne faisons pas la même chose. Mais nous restons en contact avec eux.
C'est donc à vous de nous dire quand vous avez besoin de notre aide pour faire quelque chose. À ce moment-là, nous pouvons préparer un plan de travail et voir si cela est faisable, et si cela l'est, pas de problème.
Le président : Autrement dit, nous devons avoir des attentes réalistes et être bien conscients que vous avez des ressources et un temps limités.
M. Fréchette : Je vais vous donner un exemple. Il y a un an, j'ai eu l'occasion de discuter, dans un autre contexte, avec un ancien membre de ce comité — elle l'est peut-être encore —, la sénatrice Bellemare. Elle avait beaucoup apprécié notre rapport, mais elle voulait que nous produisions un blog ou une page avec la liste de tous nos rapports. C'est ce que nous avons fait, et dorénavant, c'est un document qui existe. Nous avons donc fait cela directement à la suite d'une discussion avec un membre de ce comité, et nous avons mis au point le blog et la liste sur une page de tous nos rapports.
Le président : Y a-t-il d'autres questions?
La sénatrice Marshall : Je voudrais simplement remercier nos témoins. Chaque fois que nous faisons appel à votre bureau, nous obtenons d'excellents services, et je tiens à vous en remercier. Merci encore.
Le président : Nous vous remercions infiniment.
(La séance est levée.)